Une stratégie bretonne pour le patrimoine
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Une stratégie bretonne pour le patrimoine
Une stratégie bretonne pour le patrimoine maritime ou comment les héritages littoraux peuvent contribuer à la construction de la Bretagne de demain? La Bretagne e(s)t la mer ! Cette relation est présentée comme une évidence, une illustration d’un rapport symbiotique. Cet axiome est fondé en partie sur un éloquent et imparable état des lieux chiffré, illustré de données géographiques, économiques, naturel La Bretagne e(s)t la mer ! Cette relation est présentée comme une évidence, une illustration d’un rapport symbiotique. Cet axiome est fondé en partie sur un éloquent et imparable état des lieux chiffré illustrant des accointances géographiques, économiques, naturelles, et touristiques,…. bien réelles (cf. 1). Toutefois, l’appréhension des enjeux bretons d’avenir (cf. 2) confère une acuité particulière au regard porté sur les questions patrimoniales maritimes (cf. 3) et justifie l’adoption d’une stratégie régionale en faveur du patrimoine maritime (cf. 4) à l’origine d’un plan d’action dédié (cf. 5) qui pourra se mettre en œuvre dès l’adoption du Budget 2014. 1. Une analyse objective éloquente : l’axiome maritime breton 1.1 - La Bretagne est maritime • Par sa géographie : plus de 2700 kilomètres de côtes (un tiers du littoral français), 800 îles et îlots (1ère région française), 100% de ses communes implantées à moins de 80 kilomètres de la mer, 40 % de la population bretonne réside dans les communes littorales. • Par son économie : ▫ de transport maritime et des activités portuaires : plus de 4500 emplois dans le secteur, 9 45 000 passagers transportés par an. 1 ▫ de la pêche et des cultures marines : 5 655 emplois, 1 507 entreprises, 1392 navires de pêche, 41 % des captures métropolitaines, 90% de la production nationale d’algues marines. ▫ de la construction, réparation navale et l’industrie nautique : la filière constructionréparation navale représente 13 700 emplois. L'industrie nautique représente 4 860 emplois dans 1 100 entreprises. ▫ de la recherche et de la formation axées sur la mer : 2 700 chercheurs dans le secteur public, 4 160 dans le secteur privé, 4 lycées professionnels maritimes formant 600 jeunes par an, une Ecole nationale de la Marine Marchande. Au total, 100 000 emplois liés aux activités maritimes. • Par sa dimension sportive : 1er pôle nautique français, 1ère région pour la pratique des activités nautiques, 171 clubs de voile et 230 centres nautiques, 493 000 licenciés sportifs, 16 stations nautiques labellisées "Station Nouvelle Vague", 69 760 places réparties dans 95 ports de plaisance et zones de mouillage en 2012 ; des courses de renom. • Par son patrimoine naturel : 73 espèces de mammifères sauvages, 128 espèces végétales protégées, une réserve de la biosphère, 7 réserves naturelles nationales 1 Parc naturel régional et 2 projets à dimension littorale, 1 parc marin (le 1er créé en France). • Par son tourisme : 2 000 kilomètres de sentiers de douaniers, le plus grand nombre d’accueil d'enfants en classe de mer, 1ère région française pour les destinations de séjours à la mer soit 21 % des parts de marché, 50 000 emplois salariés et plus de 30 000 emplois saisonniers, 10 centres de thalassothérapie. 1.2 - La Bretagne, terre du patrimoine maritime 1.2.1 - Le patrimoine maritime : un sujet breton La Bretagne est consubstantiellement maritime. Son patrimoine culturel l’est donc fondamentalement. En effet, le patrimoine est certes constitué d’éléments tangibles et matériels, mais également des représentations internes ou externes. A tel point que les professionnels bretons euxmêmes ont choisi un phare pour représenter la Bretagne au delà de ses frontières1. La typologie du patrimoine maritime breton est riche voire foisonnante. Ceci s’explique par l’histoire des hommes et des échanges, la géographie… mais également par le regard porté sur cet héritage. En effet, le concept même de patrimoine maritime est né en Bretagne : lancement en 1981 de la revue « le Chasse-marée » à Douarnenez, la première protection de navires au titre des Monuments Historiques pour des voiliers bretons (gabare Mad Atao), le premier rassemblement de voiliers traditionnels (Pors-Beac'h)… les illustrations de ce type sont légions. 1 Produit en Bretagne 2 Ainsi, si le patrimoine n’est pas une compétence propre de la Région – au-delà de l’Inventaire du Patrimoine culturel – celui-ci est un sujet incontournable en Bretagne. D’autant plus que possédant plus d’un tiers du linéaire côtier national, l’ensemble des problématiques rencontrées par les territoires français y sont accentuées. 1.2.2 - La création du concept de patrimoine maritime De façon théorique, le patrimoine peut ainsi être défini comme suit: L’ensemble des éléments matériels ou immatériels liés à des activités humaines qui ont été développées dans le passé, récent ou plus lointain, en relation avec les ressources et le milieu maritimes. Ils sont reconnus par les groupes sociaux à différentes échelles géographiques, comme étant « leur héritage propre, constitutifs en partie ou en totalité de leur identité et par voie de conséquence comme étant digne d’être transmis aux générations qui leur succéderont2 » Concrètement, après un travail exploratoire mené par la Région Bretagne (Service de l'Inventaire du Patrimoine culturel) avec l’Université de Bretagne Occidentale – Institut Universitaire Européen de la Mer – Laboratoire Géomer – UMR 6554 CNRS, il est possible de déterminer 10 types d’héritages maritimes culturels : • La signalisation et la surveillance des côtes (phares, feux, sémaphores, amers…) • La défense militaire des côtes (fortifications, corps de garde, batteries de côte, blockhaus…) • La protection contre l’érosion côtière (digues, murs, murets…) • Le transit terre-mer (cales, quais, môles, terre-pleins…) • La production primaire et la commercialisation de produits de la mer (halles à marée, glacière, remises, viviers…) • Les activités artisanales et industrielles liées à la mer (conserveries, ateliers, chantiers naval, moulins à marée, fours à goémon, salines…) • La vie des populations littorales (abris du marin, maison-abris du canot de sauvetage, maisons de capitaines et de pêcheurs, demeures d’armateurs…) • Les activités balnéaires de loisirs et de santé (villas balnéaires, centres de thalassothérapie, cabines de plage, restaurants…) • Les pratiques religieuses, mémorielles, expressions légendaires (édifices religieux avec ex- voto marins, rochers légendaires, monuments de commémoration de marins morts en mer…) • Les activités scientifiques et muséales (stations de recherche, aquariums, musées de la pêche…) Il est souhaitable d’y ajouter les voiliers et navires (d’origine ou reconstruits sous forme de répliques) et bien évidemment le patrimoine immatériel qu’il soit artistique, ethnologique ou technique. La culture et le sens marin - délicats à appréhender et à transmettre - sont à la fois les éléments les plus importants et les plus fragiles. 2 Pierre Schmit et Nathalie Lemarchand : « Patrimoine maritime », CRECET Basse-Normandie. 3 La Bretagne fourmille d’éléments majeurs ou modestes, d’importance stratégique ou d’essence vernaculaire, le long de ses 2700 kilomètres de côtes. Mais la vision objective et matérielle du patrimoine doit être doublée d’une analyse subjective. En effet, le patrimoine est avant tout regard. La notion de patrimoine a d’abord servi à définir la Nation et à en délimiter les contours théoriques, historiques et sociologiques dont elle entendait se doter. Le concept a ensuite échappé à l’Etat-Nation pour illustrer le vivre-ensemble. Maintenant « Le patrimoine n’est pas l’histoire. Il n’est pas l’héritage. Il est ce que les Bretons, à partir de leur histoire, à partir de leur héritage, veulent dire aux autres, leurs visiteurs, comme à eux –mêmes »3. C’est ce qui est choisi par une génération comme devant être transmis à une autre : « Le sentiment d’exister ensemble autour de traces partagées »4 . 1100 associations patrimoniales existent en Bretagne. Des élans associatifs ont permis la construction de répliques de navires traditionnels, la levée de souscriptions populaires importantes. Le patrimoine est souvent le lien entre un territoire et des individus et entre les individus eux-mêmes. Or, cette identité par définition particulière, est un atout essentiel, une richesse non délocalisable pour la Bretagne. Cet élément de différenciation possède un important potentiel de développement et porte en germe des pistes de résolution des équations complexes – et parfois à multiples inconnues que les territoires de Bretagne doivent résoudre afin de relever les défis d’avenir. 2. Aux enjeux bretons d’avenir : des réponses publiques adaptées, notamment patrimoniales 2.1 - Les enjeux d’avenir bretons Solde migratoire positif (d’ici à 2030, la Bretagne va compter 430 000 habitants de plus), vieillissement de la population, « gentryfication » ou embourgeoisement des zones côtières, pression foncière, globalisation culturelle, mutation des écosystèmes économiques traditionnels ….D’ici l’horizon 2030, la Bretagne devra se positionner vis-à-vis notamment de son rapport au monde, des solidarités et de la cohésion sociale, de l’organisation et de l’aménagement de son territoire, de son développement économique. Ces thèmes sont autant d’objectifs pour l’action publique régionale : à savoir, conforter l’économie et l’emploi en Bretagne, gérer les problématiques environnementales, agir en faveur du « Vivre ensemble » breton , et faire de son identité et de tous ses atouts un gage de différenciation et d’ouverture. 3 4 Jean-Michel Le Boulanger : « l’invention du patrimoine » in Culture, images et héritages en Bretagne. Revue Bretagne(s) J-M Le Boulanger ib. idem 4 2.2 - La réponse publique régionale : une ambition pour la Bretagne déclinée au travers d’une vision stratégique et volontariste Afin de répondre aux défis bretons, la Région met en œuvre ses compétences obligatoires (les lycées, la formation professionnelle, le développement économique...) et, au-delà, fixe ses priorités. Cette action volontariste est une stratégie de maximisation des atouts : il s’agit d’identifier les leviers les plus efficaces de l’action publique et d’actionner leur potentiel. L’action en faveur du patrimoine est une illustration de cette démarche. 3. Le patrimoine : syncrétisme stratégique pour la Bretagne 3.1 - Un levier efficace au service d’une vision bretonne spécifique 3.1.1 - Un potentiel en terme de politique publique Les premières caractéristiques du patrimoine en Bretagne sont sa densité et sa répartition homogène sur le territoire, ce qui fait de cette « cible » de l’action publique, un outil susceptible de concerner l’ensemble de territoire breton. Rapportée au patrimoine maritime, cette analyse reste valable pour 40% de la population et 2700 kilomètres de linéaire côtier. L’autre atout du patrimoine, est son important « effet levier » sur l’ensemble des composantes d’un développement pérenne : - Economiquement, le patrimoine est un levier efficace. Différentes études ont illustré cette fonction en distinguant bénéficiaires de premier et de second niveau, emplois directs et indirects. L’analyse critique et comparée de ces démarches a été effectuée par un travail sénatorial 5 . Le ratio établi entre les dépenses publiques en faveur du patrimoine et les retombées économiques directes et indirectes est ainsi estimé a minima à 1 € pour 10 €. Certaines études du Ministère de la Culture et de la Communication, fondées sur le seul patrimoine monumental, pouvant aller jusqu’à 1 pour 28. - Touristiquement la « maritimité » est un élément récurrent de l’attrait et de l’identité de la Bretagne. La clientèle touristique se déplace avant tout pour les patrimoines naturels et culturels de Bretagne, vrais outils de différenciation. - Environnementalement, le patrimoine c’est l’action concrète, le pragmatisme incarné à travers le paysage, le cadre de vie, l’usage de matériaux et techniques traditionnelles et douces, la gestion des espaces, l’économie d’espaces et de densification urbaine… 5 « Rapport sur la valorisation du patrimoine culturel ». (Rapp. Al. De Montgolfier, Oct.2010). 5 - Socialement et culturellement le patrimoine véhicule concrètement une expression de l’identité de la Bretagne, du « Vivre ensemble ». Il permet l’émergence d’un sentiment d’appartenance, précieux dans une période de globalisation culturelle. L’attractivité et l’image de la Bretagne se nourrit également énormément du substrat patrimonial (implantation d’entreprises, marketing territorial…) L’ensemble de ces constats conduit le Conseil régional à faire de l’héritage culturel de Bretagne, un élément d’une politique volontariste de valorisation du patrimoine. 3.1.2 - La stratégie bretonne de valorisation du patrimoine La politique régionale bretonne en faveur du patrimoine se caractérise par une approche particulière qui la distingue de celles des autres partenaires publics, mais également des autres régions françaises. Il s’agit d’appréhender les multiples dimensions du patrimoine et de les stimuler : faire de l’héritage culturel certes une richesse à préserver, mais également un potentiel à exploiter au service des projets d’aujourd’hui et de demain. Concrètement cela signifie que la Région n’entend pas être un propriétaire ou un gestionnaire de sites patrimoniaux. Sa valeur ajoutée maximale consiste à jouer un rôle d’incitateur et de facilitateur pour permettre l’émergence ou l’épanouissement de projets de valorisation. 3.2 - Une méthode : la cohérence ou la recherche de l’articulation des initiatives de territoires Deux modes d’actions sont alors privilégiés, au-delà de la compétence propre d’Inventaire du patrimoine : - Accompagner des initiatives dans le cadre de projets de valorisation : il s’agit, par des critères et un accompagnement des porteurs de projets, de soutenir des démarches qui s’inscrivent dans la stratégie régionale et - Adopter une démarche proactive en faveur de thématiques présentant un fort potentiel de développement pour la Bretagne ou posant des problèmes importants. A chaque fois, le parti-pris consiste à concevoir avec des partenaires identifiés des plans d’actions dédiés et articulés. Chaque entité publique, associative, … conservant son identité et ses fonctions propres au service d’un projet dont la construction en commun est proposée et encadrée par la Région. 6 Illustration : Les phares et feux de Bretagne Les phares de Bretagne sont des éléments incontournables du patrimoine culturel maritime et littoral de Bretagne. Différents interlocuteurs et acteurs publics, para-publics ou associatifs sont impliqués dans leur devenir : • les services de l’Etat en charge de la mer, au travers d’un objectif de sécurité maritime et de conservation mobilière et immobilière, • les services de l’Etat en charge des « Monuments Historiques » pour la conservation physique des éléments les plus remarquables (protection réglementaire et financement de travaux), • le Conservatoire du Littoral à travers une nouvelle stratégie graduelle d’acquisition de propriété et de délégation subséquente de gestion à des acteurs locaux, • différentes Communes ou associations pour la gestion concrète des sites. La Région Bretagne, au travers de sa politique du patrimoine propose en accord avec les principaux acteurs de ce sujet, d’impulser une dynamique de valorisation du patrimoine au service d’un projet commun cadré par les critères de soutien régional. 4. Stratégie régionale en faveur du patrimoine maritime : une démarche proactive au service du développement de la Bretagne 4.1 - Une stratégie régionale globale au service des autres politiques Cette stratégie est en adéquation avec les démarches transversales de la Région qu’il s’agit de connecter finement entre elles. Ainsi, au sein de la stratégie maritime régionale, différents items (6 sur 7) permettent de relayer et d’affermir les actions patrimoniales: • Inventer l’avenir maritime et renforcer l’ambition maritime des Bretons, • Inscrire les activités économiques dans une logique de développement durable, • Promouvoir les passerelles au profit de l’emploi maritime, • Maîtriser l’urbanisation, le foncier et promouvoir de nouvelles formes d’urbanisation, d’architecture et de circulation sur le littoral, • Garantir la préservation et la valorisation du patrimoine maritime, • Affirmer la Bretagne en tant que grande région maritime européenne. 7 Le Schéma régional du tourisme se donne pour objectifs de : • Séduire le visiteur pour le faire choisir la Bretagne, le faire venir et revenir, • Accueillir et satisfaire le visiteur, et notamment, • S’appuyer sur le patrimoine pour enrichir l’offre touristique, • Reconnaître une ambition européenne au nautisme en Bretagne. Le Schéma régional de développement et d’innovation identifie parmi les 33 sous-domaines, au sein « des innovations sociales et citoyennes pour une société ouverte et créative », un important chapitre patrimoine et tourisme durable. Les points d’innovation ciblés concernent : • L’innovation sociale, • Le tourisme « expérimentiel » (cf. les « Expériences bretonnes » proposées par le Comité régional du Tourisme) et notamment dans le domaine nautique, • L’innovation par les usages (valorisation du patrimoine), • Le développement de l’intermodalité, • L'innovation environnementale (empreinte écologique et énergétique), • L'innovation en terme de communication et TIC (la matière patrimoniale comme catalyseur de l’innovation) Les arguments retenus sont : • Le patrimoine comme un levier efficace du développement durable de la Bretagne, • Un domaine où les acteurs économiques et sociaux sont structurés, innovants, impliqués et dynamiques, • Une identité forte reconnue à l’international. Les piliers fondateurs des approches stratégiques régionales trouvent un écho très direct au sein de la notion de patrimoine maritime et se traduisent en termes de valorisation, conservation, innovation, développement, identité, formation, participation, ouverture, réutilisation, réaffectation… 4 .2 - Une stratégie régionale spécifique au patrimoine maritime 4.2.1 - Une stratégie adaptée aux problématiques propres au patrimoine maritime Les spécificités et défis que rencontre le patrimoine maritime sont de plusieurs natures : - Culturelles, ou « acculturelles ». La France n’est pas une nation maritime. Aussi les territoires n’ont que depuis peu de temps l’opportunité de développer un pan de leur identité, mal maîtrisé pendant longtemps. Le patrimoine maritime était considéré au mieux comme une évidence, sans que la culture maritime s’exprime au travers des décisions et prises de position des décideurs publics ou 8 aménageurs de l’espace. Il s’agit aujourd’hui d’inverser la tendance et d’inculquer ou de renouer avec cette sensibilité. - Contextuels : le temps ne fige pas les choses. Les données de contexte évoluent très vite. L’engouement associatif d’un temps pour une question peut se tarir. Certains biens peuvent être en situation de danger du fait de mutations de propriété, d'évolutions de stratégie ou de technique. L’obsolescence d’éléments matériels du patrimoine peut s’opposer à la pérennité matérielle de certains biens alors sans usage. (voiliers traditionnels, phares ou établissement de signalisation maritime…) Plus globalement, il est possible de relever que : • Les moyens budgétaires des Communes et des services de l’Etat pour la gestion de leur foncier et bâti sont limités, quand les tensions sont elles croissantes, • Les espaces littoraux sont l’objet d'une convoitise importante (+14% population sur le littoral breton d’ici 20306), • Une importante compétition s’instaure en matière d’espaces portuaires, • Les reconversions d’activités sont croissantes. Il convient alors de penser une stratégie de la « seconde vie » de ces héritages culturels. 4.2.2 - Une stratégie adaptée à chaque élément du patrimoine maritime La méthode retenue par la Région Bretagne est la traduction opérationnelle d’une stratégie ouverte et pragmatique : la non uniformatisation des regards et une valorisation ambitieuse mais réaliste. Il ne s’agit pas d’apporter une réponse unique de type hôtelière, touristique, culturelle, ou scientifique à une catégorie donnée de biens. Une réponse adaptée à chaque bien Illustration : Les phares de Bretagne. A terre - sur des pointes ou des îles - en mer, les potentiels et les problématiques de valorisation ne sont pas identiques. La réponse peut être « grand public » avec l’installation d’un centre d’interprétation, « culturelle » si le lieu se prête à des résidences d’artistes, ou des expositions, « scientifique » si un accès très contraint restreint les usages de ces lieux, « touristiques » enfin à travers la création de gîtes patrimoniaux de qualité. La problématique est unique, il s’agit de chercher à valoriser au mieux le patrimoine des phares, or la réponse doit être adaptée à chaque situation. 6 Source INSEE 9 Une réponse plurielle pour couvrir l’intégralité des besoins et des potentiels. Illustration : Les Voiliers de Bretagne connaissent une forte fréquentation touristique - en hausse - de type sortie à la journée. Toutefois cette solution apportée à un besoin de valorisation n’est pas unique. La diversification des modes de valorisation doit être recherché afin de consolider les modèles économiques et d’étaler sur toute l’année la production de richesses. Ainsi, des démarches de type voile scolaire et adéquation des sorties avec les programmes scolaires sont intéressantes. De la même façon, un navire doit pouvoir aborder le sujet du transport de marchandises locales, ou devenir lieu de formation… Il s’agit d’articuler et de permettre l’émergence de projets adaptés à chaque lieu et cela dans un souci constant d’innovation, d’inventivité et de qualité. L’expérience du Conseil régional pour la valorisation de certains types de patrimoine ou d’approches de « projets de territoires » (cf. politique du patrimoine adoptée par le Conseil régional de Bretagne) conduit à préconiser l’articulation d’actions pragmatiques et concrètes au travers de plans d’action dédiés. 5. Un plan d’actions dédié au patrimoine maritime Un plan d'actions (2009 – 2013) en faveur des « Voiliers de Bretagne » a permis de développer un réel modèle économique en investissant les champs de la restauration des unités, la professionnalisation des équipages, la mutualisation des approches...C'est dans le sillage de cette dynamique que se situe ce nouveau dispositif plus particulièrement dédié aux patrimoines maritimes immobiliers, archéologiques et immatériels. 5.1 - Un plan d’actions linéaire : connaître, choisir et conserver, valoriser, innover Opérationnellement, 4 axes principaux s’identifient: • Connaître : la compétence régionale d’inventaire doit permettre de mieux connaître et de faire connaître aux décideurs publics locaux leur patrimoine, afin d’éclairer leur choix d’aménagement. Plus qu’une approche thématique – un peu artificielle – le choix de recourir à un traitement topographique systématique, permet de s’intéresser finement à ces questions, et ce sur chaque territoire d’études. Cette étape peut permettre par ailleurs d’initier des protections juridiques avec l’Etat. 10 • Choisir et conserver les biens les plus remarquables parmi notre héritage culturel. Il s’agit d’éviter les opérations ponctuelles et de conserver et transmettre aux générations futures ces éléments, dans un état proche de celui que nous avons connu. • Valoriser : lier le patrimoine à la « vie réelle » et injecter de la richesse sur les territoires grâce à ces initiatives. • Innover : il s’agit de créer un contexte favorable à l’innovation et d’impulser des initiatives ou des expérimentations, axes de développement de demain. 5.2 - Un plan d’action opérationnel dès le BP 2014 5.2.1 - Connaître : l’inventaire du patrimoine maritime par la Région et les Bretons L’action est conduite en régie directe de la Région au travers de son service de l’Inventaire du Patrimoine culturel. Une approche topographique pourrait être menée y compris, et ce pour la première fois, sur les territoires insulaires. Les Bretons (associations, collectivités, personnes privées) pourront démultiplier cette initiative en répondant aux appels à projets du service afin de mener des études cohérentes et qualitatives. A ce titre, un encadrement scientifique pourra être assuré par les services de la Région et un soutien financier calibré permettra la production de données qui seront ensuite versées dans la base régionale. Au-delà, des synthèses pourront être réalisées sur des sujets spécifiques d’intérêt régional. Pour exemple : des préconisations dans le traitement des cales et quais le long du linéaire côtier breton (alternative à l’agglomérat de rochers, etc.…), modes de restauration, entretien d’ouvrages à la mer, ou encore modes de gestion raisonnée des moulins à marée et de leurs digues… 5.2.2 - Choisir et conserver La question du choix des biens à conserver est délicate. Un tri doit certes être fait, sauf à interdire toute évolution de la société. La pertinence des critères convoque alors des données historiques ou mémorielles, esthétiques (celles du géographe, de l’artiste ou de l'ethnologue…) ou identitaires. L’intérêt est porté sur la cohérence d’ensemble : le projet et son territoire et non pas l’isolat d’intérêt modéré. La méthode de l’appel à projets autour d'une action de restauration auprès de collectivités propriétaires ou gestionnaires peut alors être pertinente, à condition de clarifier très en amont les 11 conditions d’intervention d’un soutien régional et de conditionner celui-ci à la production d’un regard prospectif sur l’aménagement et la gestion foncière des biens patrimoniaux en question. Ce « plan d’aménagement patrimonial » tel que ceux que le Conseil régional a demandé aux communes labellisées de Bretagne (Petites Cités de Caractère, Communes du Patrimoine Rural de Bretagne) n’est pas une étude complexe et chronophage. Il s’agit d’une simple projection des aménagements prioritaires et de la stratégie de gestion des espaces fonciers afférents. L’implication de la population en faveur d’un projet pourrait être déterminante pour effectuer le choix de conservation d’un bien. En effet cette mobilisation est un réel gage de future valorisation du bien concerné. Le dispositif régional « Skoaz ouzh skoaz » (traduit du breton par « épaule contre épaule ») s’appliquerait alors. 5.2.3 -Valoriser Il s’agit d’exploiter, de recycler le patrimoine, de promouvoir la réutilisation et la reconversion des bâtis maritimes et portuaires. Les principes de qualité et d’innovation doivent présider. Il s’agit pour la Région d’appeler à l’émergence et à la définition, la mise en œuvre de projets de réutilisation ou de valorisation économique, sociale, touristique ou culturelle…. 5.2.4 - Inventer et innover Le potentiel du patrimoine maritime doit être stimulé. Aussi, les pistes de développement de demain doivent-elles être empruntées ou testées afin de permettre leur éclosion. Certains thèmes sont d’ores-et-déjà travaillés par la Région Bretagne. Il convient d’offrir la possibilité de rendre opérationnel et concret l’esprit d’entreprise et de créativité de la Bretagne. La plupart de ces approches n’existent pas encore ni en Bretagne, ni en France : il s’agit de refaire de la Bretagne le laboratoire des initiatives en matière de patrimoine maritime, comme par exemple : • Le transport à la voile de marchandises sur voiliers traditionnels, • La création d'un outil d’archéologie littorale participative au travers des TIC • La création d’un réseau et d’une marque de location touristique haut de gamme pour des lieux patrimoniaux d’exception, etc.… D’autres approches ne sont pas encore en germe et devraient pouvoir être stimulées , ainsi: • La création d’un réseau de gestionnaires de phares et d’établissements de signalisation maritime afin d’améliorer la valorisation de ces biens emblématiques du patrimoine culturel breton • La création de modes de valorisation touristique des biens archéologiques sous-marins, etc... 12 Cette stratégie d’impulsion à la valorisation et d’accompagnement à la gestion de la ressource patrimoniale détenue par de multiples acteurs locaux fera l’objet d’un appel à projets pluriannuel qui sera lancé courant juin 2014 et qui sera suivi de bilans annuels. Les critères de sélection et les modalités pratiques seront précisées dans ce cadre du document de présentation spécifique de l'appel à projets. 13