Portrait imaginé de Miguel de Cervantès La vie extraordinairement
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Portrait imaginé de Miguel de Cervantès La vie extraordinairement
Torres rapporte l'échange avec les chevaliers français : « ils me questionnèrent par le menu sur son âge, sa profession, ses qualités et quantités. Je me vis obligé de répondre qu'il était vieux, soldat, hidalgo et pauvre. » Un autre chevalier poursuivit : « pourquoi l'Espagne ne rend-elle pas riche un tel homme et ne l'entretient-elle pas des subsides de l'Etat ? » Ce à quoi un troisième français répondit avec beaucoup de pertinence : « si nécessité il a d'écrire, plaise à Dieu qu'il ne soit jamais dans l'abondance pour que par son oeuvre, lui étant le pauvre, il rende riche le monde entier ». Torres rapporte enfin : « A ma proposition de leur présenter Cervantès, les chevaliers français réagirent, exprimant par mille démonstrations leur désir de voir l'écrivain. » Portrait imaginé de Miguel de Cervantès La vie extraordinairement riche de Messire Noël Brûlart de Sillery * Ou comment lui fut donnée l'occasion de rencontrer l'écrivain Cervantès Article rédigé par M. Bernard Langlais Conseiller Municipal à Sillery Au début de l'année 1615, Noël Brûlart de Sillery, frère du Chancelier Nicolas Brûlart et Chevalier d'Honneur de la Reine Marie de Médicis, est en ambassade extraordinaire à Madrid pour y négocier la date et les derniers détails des noces de l'Infante d'Espagne Anne d'Autriche, avec le dauphin de France, le futur Louis XIII. Le 25 février 1615, entouré de sa suite de gentilhommes français, il reçoit en ses appartements madrilènes la visite du cardinal archevêque de Tolède don Bernardo de Sandoval y Rojas accompagné de chapelains. A cette occasion, les gentilhommes français, connaisseurs et amis des belles lettres s'enquièrent des nouveautés littéraires en vue à la Cour et dans le Royaume d'Espagne. Parmi les espagnols présents se trouve le licencié Marquez Torres qui travaille justement à l'approbation de la deuxième partie du Don Quichotte de Cervantès qui doit paraître la même année. Torres leur fait part de son travail et, à entendre le nom de l'écrivain, les français ne tarissent plus d'éloges sur celui-ci disant qu'ils ont déjà lu et apprécié ses romans traduits en français comme La Galatée que l'un d'entre-eux connait presque par coeur et les Nouvelles. Devant leur enthousiasme, Torres leur propose de rendre visite à Cervantès qui réside à Madrid. Aucun document ne relate cette éventuelle visite à Cervantès mais il est fort probable que la rencontre eut lieu. L'occasion de conter cet événement à la Cour à leur retour à Paris ne pouvait être manquée par les gentilhommes français. A l'occasion d'une telle rencontre, Noël Brûlart et l'écrivain auraient d'ailleurs pu parler de leurs aventures en Méditerrannée car Cervantès, ancien soldat, prit part à la bataille de Lépante en 1571 où fut défaite la flotte turque et où il perdit l'usage d'une main. Quant à l'ambassadeur, il avait lui-même poursuivi et arraisonné les vaisseaux turcs au cours des quatre caravanes organisées durant ses douze années passées à Malte de 1595 à 1607. Les caravanes étaient des expéditions en mer, prétexte à chasser les vaisseaux marchands des Turcs et de la barbaresque pour enrichir le trésor des Chevaliers de Malte. Marquez Torres relatera les détails de la visite rendue à l'ambassadeur français dans son approbation signée du 27 février 1615, le surlendemain de la rencontre, et qui est éditée depuis, en tête de la deuxième partie de Don Quichotte, faisant ainsi entrer l'anecdote et l'ambassadeur dans la littérature espagnole. Plaise à chacun d'imaginer la suite donnée à l'invitation de Torres. L'écrivain Miguel Cervantès de Saavedra meurt le 23 avril 1616 à Madrid. Ce même jour disparaît un autre écrivain célèbre : William Shakespeare. Source : Aprobacion del Licenciado Marquez Torres. Segunda parte del Ingenioso Caballero Don Quijote de la Mancha. Miguel de Cervantes. Médiathèque Jean Falala Reims * Noël Brûlart laissa son nom à la localité de Sillery (Québec).