magistrature: le statut de la liberte

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magistrature: le statut de la liberte
FO
Syndicat National
des Magistrats
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MAGISTRATURE:
LE STATUT DE LA LIBERTE ?
Pour la deuxième fois en moins d'un an le Conseil d'Etat vient de rejeter une
demande de pourvoi déposée par un magistrat du siège contre une décision du
Conseil supérieur de la magistrature (CSM) statuant en matière disciplinaire. Les
moyens développés par le magistrat portaient notamment sur les conditions dans
lesquelles s'était déroulée l'audience disciplinaire, c'est à dire la dernière phase de la
procédure.
En ne permettant pas l'examen des moyens relatifs à une phase de la procédure dont
le magistrat ne pouvait se plaindre auparavant le Conseil d'Etat porte directement
atteinte au droit pour le magistrat à bénéficier d'un procès équitable puisque ces
irrégularités, de nature à vicier la décision disciplinaire ne peuvent faire l'objet
d'aucune critique devant aucune instance.
Bien loin des décisions qui ont permis de soumettre les procédures disciplinaires
aux principes protecteurs du procès civil au sens ou l'entend la Cour Européenne des
Droits de l'Homme (CEDH) ces décisions posent le problème de la conformité du
système disciplinaire applicable aux magistrats français avec les principes
fondamentaux du droit.
Les procédures disciplinaires applicables aux membres des juridictions influencent
en effet directement l'indépendance dont peuvent jouir les juridictions.
A l'heure ou d'autres se préoccupent de sujets sans intérêts pour la profession, FOMagistrats est le seul à revendiquer un rééquilibrage de la procédure disciplinaire et
du statut de la magistrature.
RAPPEL DES PRINCIPES GENERAUX DU NON- DROIT DISCIPLINAIRE
Le CSM dans sa formation disciplinaire est qualifié de juridiction administrative par le Conseil d'Etat.
Dans cette classification le CSM est assimilable à une juridiction administrative spécialisée (« JAS »).
Celle-ci ne connaît ni appel, ni limitation d'objet de la saisine, ni prescription de l'action, ni statut du
défenseur, ni procédure de règlement des incidents, ni obligation de réponse aux arguments développés
oralement, alors même que la phase d'interrogatoire devant la formation de jugement est clairement orale.
Il n'existe aucune étanchéité entre la formation chargée d'examiner les mutations et celle qui gère
l'instance disciplinaire, ce qui implique qu'un magistrat poursuivi mais non condamné peut voir sa carrière
bloquée durant plusieurs mois voire plusieurs années. C'est d'ailleurs ce qui est arrivé à Renaud Van Ruymbeke.
Ce qui revient à dire que la présomption d'innocence n'existe pas en matière disciplinaire.
S'agissant des magistrats du ministère public, qui ne bénéficient pas de l'inamovibilité des magistrats du
siège, l'administration s'est reconnu le droit de les muter sans les poursuivre et sans leur permettre d'accéder à
leur dossier avant de prendre une telle mesure. Cette tendance à se passer de la procédure disciplinaire est assez
révélatrice de l'actuel fonctionnement de l'administration comme on y reviendra plus loin.
La défense n'a que le droit au respect du contradictoire, mais celui-ci n'est encadré par aucun texte
publié par l'administration, ni aucune publication à portée générale du CSM tel qu'un règlement intérieur et la
réponse procédurale que le CSM entend donner à un incident de procédure peut varier à tout moment entre un
refus de répondre avant l'audience examinant l'affaire au fond (c'est à dire après la tenue des débats puisque la
juridiction examine le plus souvent les incidents avec le fond), ou bien une audience préliminaire.
Le maintien de tels principes dans un tribunal de plein exercice renvoie aux périodes les moins
glorieuses du fonctionnement des juridictions nationales (Guerre d'Algérie, occupation, collaboration, réaction
versaillaise, Terreur, etc).
L'ADMINISTRATION SOUTIENT OUVERTEMENT CES DISPOSITIONS ARBITRAIRES
Alors que l'administration plaide pour une politique pénale axée sur l'accompagnement de la personne
du délinquant, force est de constater qu'il ne fait pas le choix des mêmes principes en matière disciplinaire.
La Direction des services judiciaires lors des différentes commissions permanentes d'études a choisi de
ne pas s'engager à porter une réforme qui puisse garantir le droit à un procès équitable aux magistrats. Le
Directeur des services judiciaires a clairement répondu à nos représentants que l'arbitrage était fait et qu'il n'y
avait pas matière à y revenir.
Dont acte. En un sens l'actuelle administration qui a choisi d'intervenir directement dans le choix
de magistrats du ministère public à certains postes (notamment en essayant d'évincer le procureur général de
Paris), mais aussi des magistrats du siège (en rencontrant des magistrats du siège appelés à siéger dans la
juridiction inter-régionale spécialisée de Marseille) affiche clairement la couleur: la protection que le statut de
la magistrature devrait offrir à tous les magistrats et pas seulement à ceux estimés par elle ne fait pas partie de
ses priorités.
Nos amis les chefs
De manière encore plus préoccupante, l'administration a clairement choisi de protéger la haute
hiérarchie judiciaire et de laisser les magistrats qui n'en sont pas membres à leur triste sort.
Ainsi, lors de la dernière commission permanente d'études la DSJ a-t-elle présenté un texte qui ne
comportait plus le principe d'une évaluation pour les chefs de cours, comme elle l'avait jusqu'à présent
préconisé. L'évaluation qui est une disposition prévue par le statut de la magistrature pour les magistrats « de
base » sera remplacée pour « les meilleurs d'entre nous », par une « auto-évaluation », c'est à dire une
description de ses activités par le chef de cour, à l'occasion de son entrée en fonction et tous les deux ans.
Ce choix de ne porter aucun regard sur les pouvoirs propres des chefs de cour est pour le moins
surprenant du point de vue logique.
Si l'on ne peut que soutenir le principe selon lequel on n'évalue pas un magistrat, en particulier un
magistrat du siège, sur le contenu de ses décisions juridictionnelles, un chef de cour, dont l'activité
juridictionnelle est par nature réduite par rapport à un autre magistrat exerce pour l'essentiel de son activité des
compétences de gestion administrative. Il n'y a donc aucune raison que sur ces fonctions là, il ne puisse être
évalué et en rendre compte.
Mais même si l'on admet à l'inverse que cette fonction ne peut faire l'objet d'une évaluation, car
l'évaluation serait contraire à l'indépendance, alors pourquoi faut-il la maintenir pour les autres magistrats ?
Non contente de choisir ses amis l'administration contribue à valoriser l'existence d'un statut de la
magistrature à deux vitesses, ou comme le dirait un ancien magistrat, à mettre en place « une morale pour les
aigles et une autre pour les pigeons ».
L'administration semble donc souhaiter que la majorité du corps se mette à roucouler.
Retour en 2007 (ou presque)
Avec d'autres postulats que ceux mis en oeuvre lors de la législature précédente, et les attaques
individuelles en moins, force est de constater que la situation statutaire faite aux magistrats de l'ordre judiciaire
n'a en fait pas beaucoup évolué et s'est même aggravée.
De même que selon la maxime fameuse, la guerre est une chose trop sérieuse pour être confiée à des
militaires, l'indépendance de la justice est une chose trop importante pour la fonder sur des mécanismes à même
de protéger les magistrats des pressions qu'ils peuvent subir.
LE CSM DONNE DANS LE PANNEAU
Le CSM vient de son côté d'être renouvelé. Avant de quitter leurs fonctions les membres de la
précédente mandature ont eu à cœur de publier un rapport et de rendre une décision assez stupéfiante.
Dans son dernier rapport le CSM a annoncé la mise en place, sur son budget d'une structure composée
d'anciens de ses membres, choisis par lui pour constituer un « collège consultatif de la déontologie dans la
magistrature ».
Or, d'une part, cette structure n'est prévue par aucun texte et n'existe juridiquement pas et les
organisations syndicales n'ont à aucun moment été consultées sur une telle mise en oeuvre.
D'autre part, le CSM prévoit de la financer sur son budget alors même qu'il refuse d'indemniser les
magistrats qui participent aux frais de la défense d'un autre , au motif que cela n'est prévu par aucun texte.
A l'instar de l'administration la précédente composition du CSM a donc achevé son mandat sur un choix
qui relève clairement ses priorités: s'occuper de ce qui n'est pas prévu et ne pas faire progresser l'essentiel.
Enfin, cerise sur le gâteau, le CSM a prononcé contre un conseiller de cour d'appel une peine de
rétrogradation sans mutation.
Or une telle peine a toutes les chances (si le pourvoi du magistrat est admis) d'être déclarée illégale, dans
la mesure ou les décrets qui fixent la composition des cours d'appels exige que leurs membres soient du premier
grade. Mais un déplacement de magistrat du siège est impossible sans son accord. Donc la peine ne peut pas
être exécutée.
Au bout de quatre ans de participation aux fonctions de la juridiction disciplinaire on ne peut qu'être
consterné par un tel manque de connaissance du statut de la magistrature et l'on ne peut qu'appeler la nouvelle
formation à se démarquer de la précédente.
FO-MAGISTRATS APPELLE A UNE
FONDAMENTAUX DES MAGISTRATS
VRAIE
REFORME
PROTECTRICE
DES
DROITS
Quoi qu'on pense de l'actuelle administration, elle reste la seule à pouvoir conduire avant la fin du
quinquennat une réforme essentielle pour les magistrats, le rééquilibrage du statut de la magistrature au profit
des droits de la défense et des magistrats de base. Si celle-ci ne s'en donne pas les moyens, la profession peut
redouter le pire pour l'avenir.
Fo-Magistrats revendique:
– L'organisation d'une voie d'appel des décisions du CSM
– Un réel statut du magistrat défenseur,
– Une procédure disciplinaire équilibrée à même de permettre la gestion des incidents
– Des règles de prescription plus claires que celles actuellement prévues
– De meilleures garanties d'encadrement des procédures d'interdiction temporaire d'exercer que celles
actuellement proposées par l'administration
– La rédaction d'un règlement intérieur du CSM rendu public
Avant de savoir qui gère le disciplinaire, il conviendrait de savoir comment on gère le disciplinaire.
Informations diverses
Le point de vue de FO sur la chasse aux « Gaspis »
Nous parlons ici d'un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître: une publicité invitait les
Français au lendemain du « choc pétrolier » à « chasser les gaspis » autrement dit réduire les frais inutiles.
Si l'on en croit une lettre adressée au ministre par une autre organisation syndicale, le ministère s'est parait-il
engagé (enfin?) dans cette voie en recrutant un ancien cadre d'une entrepris publique pour diminuer les frais.
A ce stade nous ne pouvons qu'approuver une telle démarche, si tant est que les conditions de ce recrutement
soient régulières, bien entendu. Nous ne pouvons que soutenir la réduction de la dépense publique inutile en
matière judiciaire, car la dépense inutile tue la dépense utile et les juridictions font régulièrement les frais (si
l'on peut dire) de réductions budgétaires. Encore faut-il savoir ce que l'on met derrière les mots.
Pour notre organisation la question de la dépense judiciaire doit être appréciée de manière rationnelle. Est
rationnelle en matière judiciaire la dépense qui permet aux juridictions d'être indépendantes et de fonctionner.
Ainsi, nous ne revendiquons pas d'être « impliqué » dans le choix de la dépense, mais nous revendiquons d'être
entendus, lorsque l'on nous signale par exemple, que le papier choisit pour alimenter les imprimantes et les
photocopieuses produit des bourrages tant sa qualité est mauvaise et que nous revendiquons qu'il soit changé.
Dans le choix d'un expert par un magistrat nous ne sommes pas opposés à ce que ses prestations puissent être
évaluées si elles dépassent un certain plafond, mais nous demandons surtout à ce qu'elles soient rapidement
payées en particulier si l'expert choisit est une personne physique.
La rapidité du payement de la dépense est une garantie d'une évaluation de la dépense conforme au
fonctionnement des juridictions.
En revanche nous continuons à dénoncer l'idée selon laquelle si les prestations ne sont pas réglées ce serait la
faute des agents chargés de le faire. Si la rationalité de la dépense doit être recherchée, les juridictions ne sont
en rien responsables des budgets insuffisants qui leur sont allouées pour fonctionner.
Et à la différence d'autres syndicats nous avons déjà fait des propositions concrètes d'économies en proposant
de supprimer les frais de déplacement inutiles des grands électeurs lors du renouvellement de la commission
d'avancement et du CSM. C'est une manière que nous trouvons plus cohérente d'être « impliqués ».
Réduire les dépenses, pourquoi pas, mais il faudrait être cohérent dans les choix de gestion.