Les obligations, un mal nécessaire
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Les obligations, un mal nécessaire Comment utiliser les obligations pour réduire le risque de surplus de son régime de retraite sans compromettre le rendement total de la caisse de retraite ? par Normand Vachon www.revueavantages.ca N ous savons que le passif actuariel d’une caisse de retraite se comporte sensiblement comme un portefeuille obligataire. Lorsque les taux d’intérêt baissent, le passif actuariel augmente tout comme pour la valeur marchande d’une obligation. Lorsque les taux augmentent, les deux baissent. L’amplitude des mouvements dépend de la durée respective du passif actuariel et du portefeuille obligataire. Pour une caisse de retraite, c’est l’évolution du surplus, c’est-à-dire la différence entre l’actif et le passif qu’il faut suivre de près. Un meilleur appariement entre le passif actuariel et l’actif réduit les risques de surplus. AVANTAGES juin 2008 41 Les obligations, un mal nécessaire Le tableau 1 illustre la relation entre le passif actuariel et l’actif du régime en fonction de la proportion et de la durée des titres obligataires dans un portefeuille. Par exemple, prenons un régime de retraite avec un passif actuariel de 100 M $. Une caisse de retraite typique aurait 60 % en actions et 40 % en obligations univers. Aux fins d’illustration, supposons que la durée du passif actuariel est de 12 ans alors que la durée du portefeuille obligataire est de six ans. (Dans les exemples qui suivent, le but étant d’illustrer le concept, nous conservons les actions inchangées et assumons un changement parallèle des taux d’intérêt, c’est-à-dire uniforme sur la courbe des taux.) Dans ce cas, une réduction des taux d’intérêt de 1 % se traduirait par une augmentation du passif actuariel de 12 % (1 % x la durée de 12) à 112 M $. De son côté, alors que toutes choses étant égales par ailleurs, l’actif de la caisse de retraite n’augmenterait que de 2,4 M $ ou 2,4 % (40 % x 1 % x la durée de 6). Le passif de 112 M $ n’est supporté que par un actif de 102 M $, ce qui ce traduit par un déficit de 10 M $. Si les taux augmentaient, la relation serait inverse. Un meilleur appariement entre le passif actuariel et l’actif réduit les risques de surplus pour les caisses de retraite. Alors, quelles sont les options pour réduire le risque de surplus ? Un sommaire simplifié de quelques scénarios est présenté au tableau 2. Tableau 1 Approche traditionnelle avec obligations désappariées (en millions $) 40 Durée du passif = 12 ans Durée des obligations = 6 ans 100 60 Passif Actif Baisse des taux d’intérêt de 1% Hausse des taux d’intérêt de 1% Surplus = 10 88 38 (-6 %) 98 (-12 %) 112 Actif (+6 %) 60 Passif Déficit = 10 42 (+12 %) 60 Passif Actions 102 Actif Dans un premier temps, nous pourrions mieux apparier le portefeuille au passif actuariel en allongeant la durée de la portion obligataire. Un portefeuille d’obligations à long terme ou un portefeuille d’obligations à coupons détachés avec échéance de plus de 20 ans pourrait être utilisé pour obtenir la durée désirée. On pourrait même immuniser plus précisément la portion obligataire du portefeuille et ainsi avoir l’impression d’une réduction substantielle du risque de surplus au niveau de la caisse totale. Cependant, compte tenu qu’une grande proportion de la caisse de retraite demeure en actions et que c’est à ce niveau que se situe la majorité des risques, une telle précision n’est pas nécessaire et le simple fait d’arrimer la durée du portefeuille obligataire à la durée du passif actuariel arrive essentiellement au même résultat de réduction du risque de surplus. Ceci étant dit, la majeure partie du risque de surplus pour une caisse de retraite provient de la composante actions du portefeuille total. Pour réduire davantage le risque, on pourrait augmenter la proportion en obligations et réduire d’autant la proportion en actions. Cependant, dans un environnement de taux de revenu courant qu’offrent les obligations (de 4 % à 4,5 %), une plus grande pondération en obligations au détriment des actions, a pour résultat de réduire le rendement attendu du portefeuille et par conséquent, d’augmenter le coût du régime. Tableau 2 Structures possibles de l’actif dans le but de réduire le risque du surplus Résultat Ajustement Répartition traditionnelle de l’actif Actions 60 % Obligations univers 40 % = Durée trop courte de l’actif Stratégie A Allonger la durée des obligations du marché au comptant Actions 60 % Durée plus longue des obligations Obligations longues 40 % = afin de mieux apparier le passif, mais pas encore assez longue Stratégie B Modifier la répartition de l’actif – accroître la pondération des obligations Actions 50 % Stratégie C Ajouter le transfert d’alpha Actions 50 % Obligations longues 50 % Transfert d’alpha 10 % 10 % La durée effective du portefeuille Obligations longues = demeure la même et le transfert 40 % d’alpha ajoute au rendement Stratégie D Transfert d’alpha 10 % Recourir à des stratégies Superposition d’oblig. longues 50 % de superposition tout en maintenant 10 % Obligations longues Actions 50 % 40 % la structure sous-jacente de l’actif N.B. Chaque changement est indiqué en rouge. www.revueavantages.ca AVANTAGES Durée encore plus longue des obligations, = mais il faut sacrifier les rendements plus élevés prévus en actions Le recours à la superposition obligataire vous permet de bénéficier = d’une protection complète en matière de taux d’intérêt juin 2008 43 Les obligations, un mal nécessaire Le tableau 3 illustre la réduction de risque en combinant une augmentation de 10 % de la composante obligataire du portefeuille avec une augmentation de la durée à 12 ans, en ligne avec le passif actuariel (voir stratégies A et B du tableau 2). Comme précédemment, une baisse de 1 % des taux d’intérêt se traduirait alors par une augmentation de 12 % du passif actuariel. La composante obligataire du portefeuille augmenterait à 56 M $, soit 12 % d’augmentation, pour porter l’actif du régime à 106 M $. Le déficit ne serait plus que de 6 M $ dans ce cas-ci. Tableau 3 Approche traditionnelle avec obligations mieux appariées (en millions $) Durée du passif = 12 ans 50 100 50 Passif 88 Baisse des taux d’intérêt de 1% 44 (-12 %) 94 (-12 %) 112 Actif 50 Passif Déficit = 6 56 (+12 %) (+12 %) 50 Passif Actions Actif Hausse des taux d’intérêt de 1% Surplus = 6 Durée des obligations = 12 ans 106 Tableau 4 Superposition obligataire pour allonger la durée du portefeuille total (en millions $) Actif On pourrait possiblement bonifier le rendement du porte feuille obligataire par une gestion active ou en y ajoutant une plus grande proportion de titres corporatifs. Les écarts de crédit s’étant élargis considérablement, nous sommes maintenant mieux rémunérés pour le risque de crédit par une prime de rendement supérieure provenant des titres de moindre qualité. Une plus grande proportion de titres corporatifs augmente le risque de crédit. Il faut donc s’assurer de choisir un gestionnaire ayant l’expertise et les ressources pour l’analyse de crédit afin d’éviter un défaut de paiement ou une décote d’un titre obligataire. Les stratégies de transfert d’alpha (qui pourraient faire l’objet d’un article séparément) permettent d’augmenter le rendement attendu des obligations sans pour autant augmenter de façon significative le risque de votre portefeuille obligataire. Vous maintenez sensiblement le profil de risque des obligations, mais vous obtenez essentiellement une valeur ajoutée nette des frais de l’ordre de 2 à 3 % sur votre portefeuille obligataire, ce qui est de loin supérieur à la valeur ajoutée médiane obtenue par la gestion obligataire traditionnelle. Les solutions de transfert d’alpha ne sont plus uniquement réservées aux très grandes caisses de retraite. Il existe main tenant de plus en plus de solutions clé en main de transfert d’alpha qui sont offertes sur les obligations univers, les obligations long terme et les obligations à rendement réel, par l’entremise de fonds commun de placement. 44 juin 2008 Finalement, il serait possible de réduire davantage le risque de surplus en augmentant l’exposition du portefeuille total aux obligations sans réduire la pondération en actions. On peut y arriver en superposant un portefeuille obligataire sur le portefeuille en actions par l’utilisation de produits dérivés. Cette exposition additionnelle aux obligations ou effet de levier permet de réduire substantiellement la sensibilité de votre portefeuille aux fluctuations de taux d’intérêt et de réduire le risque de surplus. Certaines grandes caisses de retraite ont déjà adopté cette stratégie et nous verrons certainement l’émergence de solutions en fonds commun dans un avenir rapproché. Le tableau 4 illustre l’impact de la superposition obligataire pour réduire le risque de surplus. Même en conservant 50 % des actifs en actions, il est possible de réduire votre risque de surplus (et de l’éliminer comme dans l’exemple simplifié ci‑dessous) sans pour autant sacrifier le rendement attendu supérieur provenant d’autres classes d’actifs telles les actions. Dans l’exemple ci-dessous avec une baisse des taux de 1 %, la double exposition du portefeuille obligataire (obtenue au moyen de la superposition) augmente la valeur du portefeuille total au même niveau que le passif actuariel. C’est comme si la durée du portefeuille était de 12 ans, tout comme pour le passif. Obligations à long terme (durée = 12 ans) Durée du passif = 12 ans 50 100 + 50 Passif (-12 %) = Durée totale = 50 % x 12 + 50 % x 12 = 12 Baisse des taux d’intérêt de 1% 38 (-24 %) 88 112 Actif 62 (+24 %) 112 (+12 %) 50 Passif Superposition (durée 12 ans) Actif Hausse des taux d’intérêt de 1% 88 Actions 50 Passif Actif En conclusion, les placements obligataires, qui offrent un meilleur appariement avec le passif, demeurent une classe d’actif primordiale pour réduire les risques de surplus des caisses de retraite. Il est maintenant possible, même avec des taux de rendement courants obligataires faibles, de gérer les risques de surplus grâce aux stratégies de transfert d’alpha et de superposition, et ce, sans pour autant sacrifier les rendements. s Normand Vachon est vice-président et directeur AVANTAGES chez Gestion de placements TD inc., à Montréal. www.revueavantages.ca