Delirium en réanimation : place des neuroleptiques

Transcription

Delirium en réanimation : place des neuroleptiques
Réanimation (2010) 19, 479—485
MISE AU POINT
Delirium en réanimation : place des neuroleptiques
Delirium in intensive care unit: Part of antipsychotic drug
B. Sztrymf a,∗, F. Jacobs a, F. Brivet a, J.-D. Ricard b, D. Dreyfuss b
a
b
Service de réanimation médicale, hôpital Antoine-Béclère, 157, rue de la porte de Trivaux, 92140 Clamart, France
Réanimation médicochirurgicale, hôpital Louis-Mourier, 92700 Colombes, France
Reçu le 11 mai 2010 ; accepté le 17 mai 2010
Disponible sur Internet le 10 juin 2010
MOTS CLÉS
Delirium ;
Agitation ;
Syndrome de
sevrage ;
Neuroleptique
KEYWORDS
Delirium;
Agitation;
Withdrawal
syndrome;
Antipsychotic drug
∗
Résumé Le delirium en réanimation est un problème fréquent dont les implications pronostiques sont majeures. Son diagnostic doit reposer sur des outils de mesure validés dans le cadre
d’une approche systématique, permettant de le distinguer d’autres entités telles que l’agitation
ou le syndrome de sevrage. La reconnaissance de certains facteurs de risque modifiables permet d’envisager des mesures prophylactiques parmi lesquelles l’administration des substances
sédatives selon des objectifs de sédation prédéfinis est primordiale. La qualité du sommeil,
la mobilisation précoce pourraient également avoir une influence favorable sur l’incidence de
survenue du delirium. Le traitement pharmacologique repose principalement sur les neuroleptiques. L’halopéridol reste le produit le plus employé, mais d’autres semblent entraîner
moins d’effets indésirables. De nouvelles molécules comme la dexmétedomidine présentent
également des résultats intéressants, mais l’expérience issue de leur utilisation reste encore
limitée.
© 2010 Société de réanimation de langue française. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits
réservés.
Summary Delirium in intensive care unit occurs frequently and carries an important prognostic significance. Its diagnostic has to rely on validated tools in the setting of a systematic
approach, which allowed physicians to distinguish it from agitation and withdrawal syndrome.
The identification of some risk factors leads to important therapeutic implications, among which
goal-directed sedation protocols is essential. Sleep quality as well as early mobilisation of the
patients may also impact the occurrence of delirium. Pharmacologic therapeutic approach relies
mainly on antipsychotic drugs. Haloperidol is the most widely used molecule in that indication
but other antipsychotic drugs seem to have less side effects. New drugs such as dexmetedimidine
are promising, but have to be confirmed on larger studies.
© 2010 Société de réanimation de langue française. Published by Elsevier Masson SAS. All rights
reserved.
Auteur correspondant.
Adresse e-mail : [email protected] (B. Sztrymf).
1624-0693/$ – see front matter © 2010 Société de réanimation de langue française. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.reaurg.2010.05.013
480
B. Sztrymf et al.
Introduction et définitions
Le délirium est défini selon le Diagnostic and Statistical
Manual IV (DSM IV) par un changement brutal de l’état
mental, ou une modification de l’humeur, associé à une
baisse des capacités de concentration, une désorganisation de la pensée, une confusion et une altération du
niveau de conscience [1]. L’expression clinique du delirium
peut se manifester par une activité motrice augmentée,
diminuée ou paraissant inchangée à l’état préalable, ces
deux dernières formes étant plus difficiles à diagnostiquer que la forme hyperactive, dont l’agitation est un
des symptômes évocateurs [2]. L’agitation, dont il n’existe
pas de réelle définition consensuelle, est caractérisée
par un dysfonctionnement psychomoteur aigu, avec une
augmentation marquée de l’activité motrice et psychologique, souvent accompagnée d’une perte de contrôle
de la motricité et une désorganisation de la pensée [3].
Le syndrome de sevrage, quant à lui, se définit comme
une association de symptômes survenant lors de l’arrêt ou
de la baisse rapide des médicaments sédatifs (Tableau 1)
[4].
La distinction entre ces différentes entités repose sur des
notions essentiellement cliniques. Les mécanismes physiopathologiques impliqués, déséquilibres de neuromédiateurs
et lésions cérébrales, n’ont pas fait l’objet d’études permettant d’affirmer l’absence de continuum entre ces entités et
peu d’arguments physiopathologiques formels peuvent strictement les séparer ou en faire l’expression plus ou moins
sévère d’une même atteinte cérébrale [5].
L’importance du problème : données
épidémiologiques
L’incidence du delirium en réanimation varie entre 11 et 87 %
[6,7]. Les différences s’expliquent surtout par la divergence
des outils de mesure, le niveau d’entraînement des professionnels de santé établissant ces scores et les populations
étudiées [8].
Tableau 1
Symptômes du syndrome de sevrage [4].
Cardiovasculaire
Respiratoire
Neuro-psychique
Généraux
Tachycardie > 100 bpm
Hypertension artérielle
(PAS > 140 mmHg ou PAD > 90 mmHg)
Polypnée > 20/min
Irritabilité
Insomnie
Angoisse
Myoclonies, convulsions
Délirium
Mouvements incessants
Nausée, vomissements, diarrhées
Fièvre > 38 ◦ C
Douleurs musculaires, crampes
Sueurs
Bpm = battements par minute ; PAS = pression artérielle systolique ; PAD = pression artérielle diastolique.
La survenue d’un épisode de delirium est associée à
un pronostic plus sévère. En effet, le delirium entraîne
une augmentation de la mortalité en réanimation et intrahospitalière [9] et à distance de l’épisode [10,11]. Les
patients atteints de delirium présentent également un
risque accru de déclin de leur fonction cognitive persistant jusqu’à six ans après l’épisode [12]. Enfin, le
delirium est responsable d’une augmentation de la durée
d’hospitalisation [13] et de surcoût hospitalier [14]. Cet
impact majeur, en termes de morbi-mortalité, et de surcoût,
explique que les recommandations actuelles supportent une
approche systématique de dépistage et de prise en charge
[15]. Malgré cela, une étude menée dans 41 hôpitaux nord
américains montre que seuls 33 % des 1300 réanimateurs
interrogés utilisent une échelle de mesure spécifique pour
porter ce diagnostic [16].
Dans certaines études, le diagnostic d’agitation sans
delirium n’est pas associé à une augmentation de la mortalité [17—19]. Une étude plus récente de Skrobik retrouve
cependant un lien entre l’agitation psychomotrice sans critères diagnostiques de delirium et la mortalité [20]. Les
différences observées illustrent une fois encore la difficulté d’identifier précisément la frontière entre délirium (du
moins dans sa forme hyperactive) et agitation, ainsi que les
conséquences qui y sont liées.
Les outils de mesure
Deux scores sont d’usage courant pour le diagnostic
de delirium en réanimation, le Confusion Assessement
Method for the Intensive Care Unit (CAM-ICU) et le Score
Intensive Care Delirium Screening Checklist (ICDSC). Ils
répondent au mieux à l’évaluation neuropsychique des
patients de réanimation, dont une partie ne peut verbalement communiquer du fait de l’intubation trachéale.
Ces deux scores ont été validés pour leur acuité diagnostique, leur reproductibilité inter-opérateur. Ils présentent
l’avantage d’être d’un apprentissage simple et accessible
à l’ensemble de l’équipe médicale et para médicale, permettant d’en faire un outil de monitorage en pratique
quotidienne.
Le CAM-ICU a été prospectivement évalué de façon
monocentrique en le comparant à l’expertise d’un gériatre
ou d’un neuropsychologue [6]. Une étude de confirmation
a permis de montrer une très bonne sensibilité et spécificité pour le diagnostic de delirium, avec une bonne
reproductibilité [21]. Le processus d’évaluation du CAMICU débute par l’évaluation du niveau d’éveil à l’aide
du score Richmond Agitation Sedation Scale (Fig. 1) [22].
Puis un algorithme de progression évalue plusieurs caractéristiques : la modification brutale de l’état mental, la
distractibilité, organisation de la pensée et le niveau de
conscience. À chacune de ces étapes correspondent une
liste de question ou d’exercices moteurs à réaliser dont la
cotation permet de calculer un score et de porter un diagnostic.
L’ICDSC a été prospectivement évalué en le comparant
à l’expertise d’une équipe psychiatrique [23]. Une liste de
caractéristiques neuropsychiques est étudiée et numériquement cotée pour porter un score qui amènera au diagnostic
de delirium (Tableau 2).
Delirium en réanimation : place des neuroleptiques
481
Figure 1 Algorithme de progression du Confusion Assessment Method for the Intensive Care Unit. Première étape : évaluation du
niveau de conscience par le RASS [7]. Seconde étape : évaluation du syndrome confusionnel.
Quatre autres échelles de mesure, validées en réanimation, sont d’usage moins fréquent du fait d’une moins grande
simplicité d’utilisation [24] :
Prise en charge du delirium
• le « Delirium Detection Score » qui associe des mesures
d’orientation, d’hallucinations, d’agitation, d’anxiété et
de sueurs ;
• le « Cognitive Test for Delirium » et l’« Abreviated Cognitive Test for Delirium » explorant orientation, attention,
mémoire, vigilance et compréhension ;
• le « Neelon and Champagne Confusion Scale » évaluant le
statut cognitif, comportemental et les fonctions vitales.
Quelle que soit la molécule envisagée dans le traitement
du delirium, il est important d’établir une stratégie thérapeutique, dans laquelle des mesures non médicamenteuses
occupent la première place. Ces mesures sont guidées par
la reconnaissance et l’éviction, si possible, des facteurs de
risque de delirium (Tableau 3) [25]. En effet, ceux ci sont en
partie liés aux patients et non modifiables, et en partie liées
à la pathologie et aux traitements et donc accessibles à des
Outils non pharmacologiques
482
B. Sztrymf et al.
Tableau 2 Adaptation de l’intensive Care Delirium Screening Checklist [8].
Altération du
niveau de
conscience
Désorganisation
de la pensée
Inattention
Inversion du
rythme
éveil/sommeil
Agitation ou
ralentissement
Discours ou
humeur
inappropriée
Hallucinations
ou illusion
Fluctuation des
symptômes
Tableau 3
Réponse exagérée à une
stimulation normale
Somnolence ou nécessité de
stimulation modérée pour
obtenir une réponse
Incapacité de répondre à des
questions simples ne
nécessitant que oui ou non
Incapacité de répondre à des
questions du type (un caillou
flotte t-il sur l’eau ?)
Difficulté à exécuter une suite
de deux ordres simples (levez
la main gauche puis le pied
droit)
Difficulté à suivre une
conversation simple en gardant
un contact visuel
Distraction rapide par des
stimuli extérieurs
Difficulté à ramener son
attention
Sommeil moins de 4 heures par
nuit
Agité la nuit, dort le jour
Éveils fréquents indépendants
de tout stimulus
Agitation nécessitant un
incrément des doses de
sédatifs et/ou des contentions
Ralentissement psychomoteur
Propos incohérents ou
inappropriés
Humeur non adaptée
Manifestations cliniques
évidentes d’hallucinations
Interprétation erronée (alarme
de pousse seringue prise pour
sonnette de porte)
Alternance des manifestations
au cours d’une même journée
améliorations. On notera que les programmes de prévention
du delirium basé sur la correction de certains de ces facteurs de risque (mobilisation précoce, réorientation, port de
lunettes de vue et prothèses auditives, etc.) ont montré leur
efficacité en dehors du contexte réanimatoire en réduisant
jusqu’à 40 % l’incidence du delirium [26], mais qu’aucune
étude à ce jour en réanimation n’a prouvé l’efficacité de
cette stratégie.
Le sommeil revêt également probablement une importance majeure dans la survenue du delirium. En effet,
plusieurs études ont prouvé le lien statistique entre delirium
et diminution de la quantité et/ou qualité du sommeil (fragmentation, dyssomnie par exemple), mais la majorité de ces
travaux n’a pas intéressé des patients de réanimation et la
relation de causalité entre ces deux évènements n’est pas
précisément connue [27]. Néanmoins, certains auteurs suggèrent que la privation de sommeil pourrait être un facteur
de risque évitable et que des efforts doivent converger pour
améliorer la qualité du sommeil des patients de réanimation
[28].
Il faut également souligner l’importante implication des
substances sédatives. En effet, ces substances agissent
en diminuant les taux de certains neurotransmetteurs
intra-cérébraux, constituant un des mécanismes physiopathologiques de base du delirium. Il a ainsi été montré que la
dose administrée de benzodiazépines (notamment le lorazépam) est un facteur de risque très net de survenue du
delirium [29]. Une seule étude a trouvé un lien entre la posologie de médicaments opiacés et la survenue du delirium
en réanimation [30]. Ces données justifient l’application
des recommandations, exigeant des objectifs précis pour
le niveau de sédation afin de ne pas augmenter les risques
encourus de développement de delirium [31]. Ce risque
lié aux sédatifs actuellement employés explique le développement dans les protocoles de sédation de nouvelles
molécules, telle que la dexmédetomidine, semblant entraîner moins de delirium [32].
Place des neuroleptiques
Quelles alternatives aux neuroleptiques ?
Les médicaments antipsychotiques de type neuroleptiques
restent les médicaments de choix pour le traitement du
délirium et peu d’alternatives valables existent dans ce
contexte. Les benzodiazépines font traditionnellement partie de l’arsenal thérapeutique dans le cadre du sevrage
alcoolique et du delirium tremens, même si leur supériorité
dans ce contexte reste discutable [33], mais n’ont pas leur
Facteurs de risque de delirium [25].
Facteurs liés à l’hôte
Facteurs liés à la pathologie
Facteurs iatrogéniques
Âge
Éthylisme
Trouble neuropsychique préalable
Dépression
Hypertension artérielle
Tabagisme
Troubles de la vue ou de l’audition
Acidose
Anémie
Sepsis
Hypotension artérielle
Troubles métaboliques
Atteinte respiratoire
Sévérité de la maladie
Immobilisation
Substances sédatives (benzodiazépines, opioïdes)
Troubles du sommeil
Delirium en réanimation : place des neuroleptiques
place dans celui du delirium, indication où elles n’ont pas
fait la preuve de leur supériorité [34] et dont elles peuvent
être à l’origine. La clonidine a également prouvé son efficacité dans le syndrome de sevrage alcoolique principalement
[35], mais n’a pas non plus d’indication dans le delirium
en réanimation. Une étude a montré une efficacité de la
dexmédetomidine supérieure à celle du traitement neuroleptique, mais ce travail est monocentrique et a inclus un
faible collectif de patients, tous ventilés [36].
Quel neuroleptique ?
Parmi ces molécules, l’halopéridol reste la plus prescrite
[37,38], même si aucune étude contre placebo n’existe
pour soutenir cet état de fait. Il reste par ailleurs recommandé par les sociétés américaines de réanimation et de
psychiatrie pour le delirium [31,39]. La posologie de cet
antipsychotique typique dans cette indication n’a pas été
établi d’après des études cliniques, mais la société américaine de réanimation recommande une première injection
intraveineuse de 2 mg, suivi de bolus de 4 mg jusqu’à
l’extinction de l’agitation, puis des doses répétées sur la
journée, avec une décroissance progressive. Son mécanisme
d’action est le blocage des récepteurs D2 à la dopamine,
améliorant les hallucinations, les illusions et la structure
de la pensée. L’halopéridol présente les effets indésirables
habituels de cette classe médicamenteuse (syndrome extrapyramidal, allongement de l’intervalle QT, syndrome malin
des neuroleptiques, entre autres). L’incidence de survenue
pour cette molécule est élevée et la gravité potentiellement
très sévère [40,41].
La littérature sur les antipsychotiques atypiques intéressant les patients de réanimation est peu abondante. Skrobik
et al. ont retrouvé, dans une étude non randomisé comparant halopéridol et olanzapine, une efficacité similaire sur le
delirium et une incidence moindre d’effets indésirables dans
le groupe de patients recevant le neuroleptique atypique
[42]. Une étude randomisée monocentrique a récemment
montré l’efficacité de la quétiapine pour la réduction de la
durée du delirium, avec moins d’effets indésirables. Dans
cette étude pilote de faible effectif, les patients des deux
groupes recevaient également de l’halopéridol à la demande
[43]. Une récente étude multicentrique, dont la méthodologie a été déterminée selon la problématique de la faisabilité
de l’étude et non sur l’évaluation de l’efficacité des traitements testés, ne retrouve néanmoins aucune efficacité en
termes de jours sans délirium, de durée de ventilation ou
d’hospitalisation [44]. Les autres essais décrivant les effets
des neuroleptiques atypiques portent essentiellement sur
des patients hospitalisés en dehors de la réanimation, limitant ainsi l’extrapolation de l’efficacité et de la toxicité
aux patients réanimatoires. Dans une étude randomisée sur
une large population gériatrique, Hu et al. retrouvent une
supériorité de l’olanzapine sur l’halopéridol en termes de
rapidité d’action et une survenue moindre d’effets secondaires (syndromes extra pyramidaux essentiellement) [45].
De même, sur une très faible collectif de patients psychotiques, Sipahimalani et Masand retrouvent une efficacité
similaire entre l’olanzapine et l’halopéridol, mais une incidence plus élevée de syndrome extrapyramidaux dans le
dernier groupe [46].
483
L’absence de données issues d’études méthodologiquement fiables, concernant l’effet des neuroleptiques sur la
mortalité, est frappante. Une seule étude, comparant deux
groupes de patients recevant ou non de l’halopéridol a pu
retrouver une baisse de la mortalité chez les sujets traités.
Cette étude monocentrique présente des groupes différents
en termes d’épidémiologie à l’admission et ne renseigne pas
sur l’indication du médicament testé (certains patients non
délirants pouvant potentiellement être traités) ni sur ses
effets indésirables [47]. L’étude Mind, testant la faisabilité
d’une étude comparant ziprasidone, halopéridol et placebo,
ne décrit pas non plus de différence de survie, néanmoins
la méthodologie de l’étude invalide la réalité statistique de
ce résultat [44]. Un travail de notre groupe, testant la loxapine chez des patients agités à l’arrêt des sédations lors
du sevrage de la ventilation mécanique a retrouvé un effet
bénéfique sur l’agitation, les paramètres respiratoires et
l’absence d’effet adverse sur les variables hémodynamiques
[48]. L’absence de critères diagnostics discriminants pour le
délirium dans ce travail amène à supposer que certains pouvaient en présenter un et ont d’autant plus bénéficié de
neuroleptiques, la loxapine semblant, qui plus est, présenter moins d’effets indésirables que l’halopéridol. Un large
essai multicentrique randomisé contrôlé testant cette molécule dans la durée du sevrage de la ventilation mécanique
chez des patients agités est actuellement en cours.
Les neuroleptiques en amont du delirium ?
Plusieurs travaux ont testé l’administration prophylactique
de neuroleptiques dans des situations particulièrement à
risque de delirium, pour éviter la mortalité et morbidité
qui y sont liées. Ainsi, Kalisvaart et al. ont administré de
façon randomisée versus placebo, de l’halopéridol à plus
de 400 patients âgés de plus de 70 ans à risque de délirium, en préopératoire d’une chirurgie de hanche et dans
les trois jours suivants l’intervention. Il ne retrouvaient pas
de différence de survenue de délirium postopératoire, mais
une réduction de la durée et de la sévérité des épisodes
[49]. Chez des patients d’un âge moyen de 72 ans et devant
subir une intervention chirurgicale digestive, Kaneko et al.
ont testé versus placebo l’efficacité de l’halopéridol, de la
veille de l’intervention jusqu’au quatrième jour postopératoire [50]. L’incidence du delirium était plus basse dans le
groupe ayant reçu le psychotrope. Aucune de ces études n’a
en fait intéressé des patients de réanimation et les liens
statistiques qui unissaient facteurs de risque et survenue du
delirium étaient trop faible pour envisager une telle prophylaxie à ce jour.
Conclusion
Le delirium est de survenue fréquente en réanimation et a
un impact majeur en terme de morbi-mortalité. L’ensemble
de son approche, des mesures visant à réduire les facteurs de risque, au diagnostic et aux traitements, doit
s’inscrire dans une démarche systématisée. Les neuroleptiques restent l’outil pharmacologique de choix, mais les
effets indésirables doivent être dépistés. L’impact précis de
ces traitements sur la mortalité reste non documenté.
484
Conflit d’intérêt
Aucun.
Références
[1] American Psychiatric Association. Diagnostic and statistical
manual of mental disorders. 4th edition. (DSM IV). Washington:
DC: American Psychiatric Publishing;1994.
[2] Meagher DJ, Trzepacz PT. Motoric subtypes of delirium. Semin
Clin Neuropsychiatry 2000;5:75—85.
[3] Chevrolet JC, Jolliet P. Clinical review: agitation and delirium
in the critically ill — significance and management. Crit Care
2007;11:214.
[4] Cammarano WB, Pittet JF, Weitz S, Schlobohm RM, Marks JD.
Acute withdrawal syndrome related to the administration of
analgesic and sedative medications in adult intensive care unit
patients. Crit Care Med 1998;26:676—84.
[5] Pandharipande P, Jackson J, Ely E. Delirium: acute cognitive dysfunction in the critically ill. Curr Opin Crit Care
2005;11:360—8.
[6] Ely EW, Inouye SK, Bernard GR, Gordon S, Francis J, May L, et
al. Delirium in mechanically ventilated patients: validity and
reliability of the confusion assessment method for the intensive
care unit (CAM-ICU). JAMA 2001;286:2703—10.
[7] Aldemir M, Ozen S, Kara IH, Sir A, Bac B. Predisposing factors for delirium in the surgical intensive care unit. Crit Care
2001;5:265—70.
[8] Luetz A, Heymann A, Radtke FM, Chenitir C, Neuhaus U, Nachtigall I, et al. Different assessement tools for intensive care unit
delirium: which score to use? Crit Care Med 2010;38:409—18.
[9] Ouimet S, Kavanagh BP, Gottfried SB, Skrobik Y. Incidence risks,
factors and consequences of ICU delirium. Intensive Care Med
2007;33:66—73.
[10] Ely EW, Shintani A, Truman B, Speroff T, Gordon SM, Harrell
Jr FE, et al. Delirium as a predictor of mortality in mechanically ventilated patients in the intensive care unit. JAMA
2004;291:1753—62.
[11] Pisani MA, Kong SY, Kasl SV, Murphy TE, Araujo KL, Van Ness
PH. Days of delirium are associated with 1-year mortality in
an older intensive care unit population. Am J Respir Crit Care
2009;180:1092—7.
[12] Jackson JC, Gordon SM, Hart RP, Hopkins RO, Ely EW.
The association between delirium and cognitive decline: a
review of the empirical literature. Neuropsychol Rev 2004;14:
87—98.
[13] Ely EW, Gautam S, Margolin R, Francis J, May L, Speroff T, et
al. The impact of delirium in the intensive care unit on hospital
length of stay. Intensive Care Med 2001;27:1892—900.
[14] Milbrandt EB, Deppen S, Harrison PL, Shintani AK, Speroff T,
Stiles RA, et al. Costs associated with delirium in mechanically
ventilated patients. Crit Care Med 2004;32:955—62.
[15] Cohen I, Gallagher TJ, Pohlman AS, Dasta JF, Abraham E, Papadokos PJ. Management of the agitated intensive care unit
patient. Crit Care Med 2002;30:S97—124.
[16] Patel RP, Gambrell M, Speroff T, Scott TA, Pun BT, Okahashi J, et
al. Delirium and sedation in the intensive care unit: survey of
behaviors and attitudes of 1384 healthcare professionals. Crit
Care Med 2009;37:825—32.
[17] Jaber S, Chanques G, Altairac C, Sebbane M, Vergne C,
Perrigault PF, et al. A prospective study of agitation in a
medical-surgical ICU: incidence, risk factors and outcome.
Chest 2005;128:2749—57.
[18] Fraser GL, Prato BS, Riker RR, Berthiaume D, Wilkins ML. Frequency, severity, and treatment of agitation in young versus
elderly patients in the ICU. Pharmacotherapy 2000;20:75—82.
B. Sztrymf et al.
[19] Woods JC, Mion LC, Connor JT, Viray F, Jahan L, Huber C, et al.
Severe agitation among ventilated medical intensive care unit
patients: frequency, characteristics and outcomes. Intensive
Care Med 2004;30:1066—72.
[20] Marquis F, Ouimet S, Riker R, Cosset M, Skrobik Y. Individual delirium symptoms: do they matter? Crit Care Med
2007;35:2533—7.
[21] Ely EW, Margolin R, Francis J, May L, Truman B, Dittus R, et
al. Evaluation of delirium in critically ill patients: validation of
the confusion assessment method for the intensive care unit
(CAMICU). Crit Care Med 2001;29:1370—9.
[22] Sessler CN, Gosnell MS, Grap MJ, Brophy GM, O’Neal PV, Keane
KA, et al. The Richmond agitation-sedation scale: validity and
reliability in adult intensive care unit patients. Am J Respir Crit
Care Med 2002;166:1338—44.
[23] Bergeron N, Dubois MJ, Dumont M, Dial S, Skrobik Y. Intensive care delirium screening checklist: evaluation of a new
screening tool. Intensive Care Med 2001;27:859—64.
[24] Devlin JW, Fong JJ, Fraser GL, Riker RR. Delirium assessment
in the critically ill. Intensive Care Med 2007;33:929—40.
[25] Girard TD, Pandharipande P, Ely EW. Delirium in the intensive
care unit. Crit Care 2008;12 Suppl. 3:S3.
[26] Inouye SK, Bogardus Jr ST, Charpentier PA, Leo-Summers L,
Acampora D, Holford TR, et al. A multicomponent intervention to prevent delirium in hospitalized older patients. N Engl
J Med 1999;340:669—76.
[27] Figueroa-Ramos MI, Arroyo-Novoa CM, Lee KA, Padilla G,
Puntillo KA. Sleep and delirium in ICU patients: a review
of mechanisms and manifestations. Intensive Care Med
2009;35:781—95.
[28] Weinhouse GL, Schwab RJ, Watson PL, Patil N, Vaccaro B,
Pandharipande P, et al. Bench-to-bedside review: delirium
in ICU patients — importance of sleep deprivation. Crit Care
2009;13:234.
[29] Pandharipande PP, Shintani A, Peterson J, Pun BT, Wilkinson
GR, Dittus RS, et al. Lorazepam is an independent risk factor
for transitioning to delirium in intensive care units patients.
Anesthesiology 2006;104:21—6.
[30] Dubois MJ, Bergeron N, Dumont M, Dial S, Skrobik Y. Delirium
in an intensive care unit: a study of risk factors. Intensive Care
Med 2001;27:1297—304.
[31] Jacobi J, Fraser GL, Coursin DB, Riker R, Fontaine D, Wittbrodt
ET, et al. Clinical practice guidelines for the sustained use of
sedatives and analgesics in the critically ill adult. Crit Care Med
2002;30:119—41.
[32] Riker RR, Shehabi Y, Bokesch PM, Ceraso D, Wisemandle W,
Koura F, et al. Dexmedetomidine vs midazolam for sedation of critically ill patients: a randomized trial. JAMA
2009;301:489—99.
[33] Amato L, Minozzi S, Vecchi S, Davoli M. Benzodiazepines for alcohol withdrawal. Cochrane Database Syst Rev
2010;3:CD005063.
[34] Lonergan E, Luxemberg J, Areosa Sastre A. Benzodiazepins for delirium. Cochrane Database Syst Rev 2009;4:
CD006379.
[35] Liatsi D, Tsapas B, Pampori S, Tsagourias M, Pneumatikos I,
Matamis D. Respiratory, metabolic and hemodynamic effects
of clonidine in ventilated patients presenting with withdrawal
syndrome. Intensive Care Med 2009;35:275—81.
[36] Reade MC, O’sullivan K, Bates S, Goldsmith D, Ainslie WR,
Bellomo R. Dexmedetomidine versus haloperidol in delirious
agitated intubated patients: a randomized open label trial. Crit
Care 2009;13:R75.
[37] Sweeney RM, Barber V, Page V, Ely EW, Perkins GD, Young JD,
et al. A national survey of the management of delirum in UK
intensive care units. QJM 2010;103:243—51.
[38] Salluh JI, Dal-Pizzol F, Mello PV, Friedman G, Silva E, Teles JM,
et al. Delirium recognition and sedation practices in critically
Delirium en réanimation : place des neuroleptiques
[39]
[40]
[41]
[42]
[43]
[44]
ill patients: a survey on the attitudes of 1015 Brazilian critical
care physicians. J Crit Care 2009;24:556—62.
American Psychiatric Association. Practice guideline for
the treatment of patients with delirium. Am J Psychiatry
1999;156:1—20.
Sharma ND, Rosman HS, Padhi ID, Tisdale JE. Torsades de
Pointes associated with intravenous haloperidol in critically ill
patients. Am J Cardiol 1998;81:238—40.
Huyse F, van Schijndel RS. Haloperidol and cardiac arrest. Lancet 1988;2:568—9.
Skrobik YK, Bergeron N, Dumont M, Gottfried SB. Olanzapine vs
haloperidol: treating delirium in a critical care setting. Intensive Care Med 2004;30:444—9.
Devlin JW, Roberts RJ, Fong JJ, Skrobik Y, Riker RR, Hill NS,
et al. Efficacy and safety of quetiapine in critically ill patienst
with delirium: a randomized, double-blind, placebo controlled
study. Crit Care Med 2010;38:419—27.
Girard TD, Pandharipande PP, Carson SS, Schmidt GA, Wright
PE, Canonico AE, et al. MIND Trial Investigators. Feasibility,
efficacy, and safety of antipsychotics for intensive care unit
delirium: the MIND randomized, placebo-controlled trial. Crit
Care Med 2010;38:428—37.
485
[45] Hu H, Deng W, Yang H. A prospective random control study
comparison of olanzapine and haloperidol in senile delirium.
Chongging Med J 2004;8:1234—7.
[46] Sipahimalani A, Masand PS. Olanzapine in the treatment of
delirium. Psychosomatics 1998;39:422—30.
[47] Milbrandt EB, Kersten A, Kong L, Weissfeld L, Clermont G,
Fink M, et al. Haloperidol use is associated with lower hopsital mortality in mechanically ventilated patients. Crit Care
Med 2005;33:226—9.
[48] Sztrymf B, Chevrel G, Bertrand F, Margetis D, Hurel D, Ricard
JD, et al. Beneficial effects of loxapine on agitation and breathing pattern during weaning of mechanical ventilation. Crit
Care 2010;14:R86.
[49] Kalisvaart KJ, de Jonghe JF, Bogaards MJ, Vreeswijk R,
Egberts TC, Burger BJ, et al. Haloperidol prophylaxis for
elderly hip-surgery patients at risk for delirium: a randomized placebo-controlled study. J Am Geriatr Soc 2005;53:
1658—66.
[50] Kaneko T, Cai J, Ishikura T, Kabayashi M, Naka T, Kaibara N. Prophylactic consecutive administration of haloperidol can reduce
the occurrence of postoperative delirium in gastrointestinal
surgery. Yonago Acta Med 1999;42:179—84.

Documents pareils