cour suprême du canada - Supreme Court of Canada
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Dossier no 33145 COUR SUPRÊME DU CANADA (EN APPEL D’UN JUGEMENT DE LA COUR D’APPEL DU QUÉBEC) ENTRE : KUWAIT AIRWAYS CORPORATION APPELANTE (Appelante) - et THE REPUBLIC OF IRAQ INTIMÉE (Intimée) - et BOMBARDIER AEROSPACE INTIMÉ (Mis-en-cause) MÉMOIRE DE L’APPELANTE EN RÉPONSE AU MÉMOIRE DE L’INTIMÉE THE REPUBLIC OF IRAQ (Règles 29(4) et 35(4) des Règles de la Cour suprême du Canada) Laurent Fortier Yves Martineau Patrick Girard Stikeman Elliott S.E.N.C.R.L., s.r.l. Bureau 4000 1155, boul. René-Lévesque Ouest Montréal (Québec) H3B 3V2 Pierre Landry Noël & Associés S.E.N.C. 111, rue Champlain Gatineau (Québec) J8X 3R1 Tél.: 514 397-3139 Téléc. : 514 397-3411 [email protected] [email protected] [email protected] Tél.: 819 771-7393 Téléc. : 819 771-5397 [email protected] Procureurs de l’Appelante Kuwait Airways Corporation Correspondant de l’Appelante Kuwait Airways Corporation Henri A. Lafortune Inc. Tél.: 450 442-4080 Téléc. : 450 442-2040 [email protected] 2005, rue Limoges Longueuil (Québec) J4G 1C4 www.halafortune.ca L-3205-09 -2Marie-Josée Hogue Patrick Ferland Serge Gaudet Heenan Blaikie S.E.N.C.R.L., s.r.l. Bureau 2500 1250, boul. René-Lévesque Ouest Montréal (Québec) H3B 4Y1 Tél.: 514 846-2201 Téléc. : 514 921-1201 [email protected] [email protected] [email protected] Procureurs de l’Intimée The Republic of Iraq Dan Palayew Heenan Blaikie S.E.N.C.R.L., s.r.l. Bureau 300 55, rue Metcalfe Ottawa (Ontario) K1P 6L5 Tél.: 613 236-1668 Téléc. : 613 236-9632 [email protected] Correspondant de l’Intimée The Republic of Iraq Michel G. Sylvestre Mercedes Glockseisen Ogilvy Renault S.E.N.C.R.L., s.r.l. Bureau 1100 1981, av. McGill College Montréal (Québec) H3A 3C1 Sally Gomery Ogilvy Renault S.E.N.C.R.L., s.r.l. Bureau 1500 45, rue O’Connor Ottawa (Ontario) K1P 1A4 Tél.: 514 847-4747 Téléc. : 514 286-5474 [email protected] [email protected] Tél.: 613 780-8604 Téléc. : 613 230-5459 [email protected] Procureur de l’Intimé Bombardier Aerospace Correspondant de l’Intimé Bombardier Aerospace TABLE DES MATIÈRES MÉMOIRE DE L’APPELANTE EN RÉPONSE AU MÉMOIRE DE L’INTIMÉE LA RÉPUBLIQUE D’IRAK Page Mémoire de l’appelante en réponse au mémoire de l’intimée la République d’Irak ................................ 1 I – Motifs d’ordre procédural ................................ 2 II – Arguments de droit ................................ 6 III – Le droit coutumier ................................ 9 IV – Table alphabétique des sources .............................. 11 Kuwait Airways Corporation c. Iraqi Airways Company, EYB 2010-168249 (C.S.) ...............................12 -1Mémoire de l’appelante en réponse au mémoire de l’intimée la République d’Irak MÉMOIRE DE L’APPELANTE EN RÉPONSE AU MÉMOIRE DE L’INTIMÉE LA RÉPUBLIQUE D’IRAK 1. Aux pages 35 à 39 de son mémoire, de même qu’à la page 15, la République d’Irak (ci-après l’«Irak » ou « IAC ») soulève deux nouveaux arguments qui n’ont jamais été plaidés devant les instances inférieures et ainsi « cherche à faire confirmer le jugement de la juridiction inférieure pour des motifs différents de ceux invoqués dans ce jugement » au sens de la Règle 29(3) des Règles de la Cour suprême du Canada. L’Appelante est donc autorisée, aux termes des Règles 29(4) et 35(4), à produire la présente réponse visant spécifiquement ces nouveaux arguments. 2. Essentiellement, aux pages 35 à 39, l’Irak soumet que même si elle ne bénéficie pas de l’immunité de juridiction dans ce dossier, cette Cour devrait néanmoins casser la saisie avant jugement autorisée par jugement de la Cour supérieure le 27 août 2008, 1 puisque, selon elle, l’immunité d’exécution empêcherait toute saisie avant jugement. 3. Plusieurs motifs s’opposent à cet argument. Certains sont d’ordre procéduraux et spécifiques au présent dossier, d’autres sont plus généraux en ce que la proposition de l’Irak est mal fondée en droit. __________ 1 Voir Dossier de l’Appelante, Vol. III, p. 107. -2Mémoire de l’appelante en réponse au mémoire de l’intimée la République d’Irak Motifs d’ordre procédural I – MOTIFS D’ORDRE PROCÉDURAL 4. Soulignons que le Code de procédure civile exige l’autorisation judiciaire pour une saisie sous l’art. 733 C.p.c. et qu’il permet de faire annuler la saisie par requête déposée dans les cinq jours : « 733. Le demandeur peut, avec l'autorisation d'un juge, faire saisir avant jugement les biens du défendeur, lorsqu'il est à craindre que sans cette mesure le recouvrement de sa créance ne soit mis en péril. 738. Dans les cinq jours de la signification du bref, le défendeur peut demander l'annulation de la saisie en raison de l'insuffisance ou de la fausseté des allégations de l'affidavit sur la foi duquel le bref a été délivré. La demande est présentée à un juge qui annule la saisie si les allégations de l'affidavit sont insuffisantes. Dans le cas contraire, le juge défère la requête au tribunal et, s'il y a lieu, révise l'étendue de la saisie et rend toute autre ordonnance utile pour sauvegarder les droits des parties. Il appartient au saisissant de prouver la véracité des allégations contenues dans son affidavit. » 5. L’Irak ne s’étant pas prévalue de cette possibilité, ce nouvel argument constitue donc en fait une attaque collatérale du jugement autorisant la saisie prononcé le 27 août 2008. Cette attaque est irrecevable. 6. Le jugement accordant l’autorisation de saisir a force de chose jugée et ne peut être remis en question devant cette Cour puisqu’il n’a jamais été contesté et qu’il n’est aucunement porté en appel devant cette Cour. 7. D’ailleurs, la requête pour exception déclinatoire de l’Irak 2 demandait simplement le rejet de l’action en invoquant l’immunité de juridiction, sans 2 Voir Dossier de l’Appelante, Vol. III, p. 120. -3Mémoire de l’appelante en réponse au mémoire de l’intimée la République d’Irak Motifs d’ordre procédural aucune conclusion demandant d’annuler la saisie avant jugement ni le jugement du 27 août 2008 qui l’autorisait. Ses conclusions se lisaient ainsi : « GRANT the present motion; DISMISS Plaintiff’s action; SUBSIDIARILY, REVOKE the Service Judgments; THE WHOLE, with costs. »3 8. L’Irak n’a jamais plaidé l’immunité d’exécution. Or, la tardiveté de l’argument, soulevé pour la première fois devant cette Cour, fait en sorte qu’il est irrecevable. En effet, il s’agit non seulement d’un argument nouveau, mais bien d’un tout nouveau remède, qui vise cette fois uniquement la saisie plutôt que l’action dans son ensemble, ce qu’on ne saurait ajouter pour la première fois devant la Cour suprême. 9. L’Intimée Irak soutient que la saisie avant jugement ne saurait jamais être permise contre un État étranger, car celui-ci ne pourrait alors contester ladite saisie sans renoncer à son immunité, expliquant par là pourquoi il n’aurait pas contesté la saisie elle-même et sa tentative d’introduire indirectement une telle contestation devant la Cour suprême. Or, cet argument ne résiste pas à l’analyse. Rien n’empêchait la République d’Irak de soulever l’immunité d’exécution comme motif de cassation de la saisie, que ce soit dans le cadre du recours séparé prévu à l’art. 738 C.p.c., ou encore en même temps que sa requête en rejet fondée sur l’immunité de juridiction, sans pour autant renoncer à son immunité. Une procédure visant à soulever l’immunité ne peut bien sûr être constitutive de renonciation à cette même immunité. 3 Voir Dossier de l’Appelante, Vol. III, p. 124. -4Mémoire de l’appelante en réponse au mémoire de l’intimée la République d’Irak 10. Motifs d’ordre procédural Dans un jugement récent rendu le 14 janvier 2010 (Kuwait Airways Corporation c. Iraqi Airways Company, EYB 2010-168249 (C.S.)),4 l’honorable Robert Mongeon a conclu à la validité de la saisie avant jugement pratiquée dans le dossier IAC (Iraqi Airways Company) sur les mêmes biens, et rejeté une exception déclinatoire présentée par l’Irak invoquant son immunité. 11. Le juge Mongeon confirme, au par. 75, que l’État étranger peut très bien loger une requête en cassation de saisie sous réserve de son droit à l’immunité : « Ici, l’explication est moins justifiable, en ce que la défenderesse IAC aurait pu agir plus tôt. Par exemple, elle aurait pu déposer en même temps sa requête en rejet basée sur la LIE et sa requête en cassation de saisie, le tout sous réserve de ses droits à l’immunité. […] » 12. Le fait demeure que la République d’Irak n’a jamais demandé la cassation de la saisie avant jugement sur la base de l’immunité d’exécution (ni sur quelque autre base d’ailleurs) et qu’elle ne peut le faire à ce stade des procédures. 13. De plus, il est clair en l’espèce que les biens saisis sont des biens destinés à être utilisés dans le cadre d’une activité commerciale au sens de l’art. 12 de la Loi sur l’immunité d’exécution (ci-après « la L.I.E. »).5 Or, si l’argument d’immunité d’exécution avait été soulevé en première instance, il aurait été nécessaire (mais aisé) pour KAC (Kuwait Airways Corporation) de démontrer que les immeubles qui ont été saisis en l’espèce sont en fait les mêmes immeubles commerciaux que ceux qui avaient été saisis dans l’affaire Irak (Republic of) c. Export Development, [2003] R.J.Q. 2416 (C.A.),6 d’autant plus que les procureurs soussignés ont agi pour l’intimée Export Development dans ce dossier. La Cour 4 5 6 Infra, p. 12 et s. State Immunity Act, R.S.C. 1985, c. S-18, voir Mémoire de l’Appelante, p. 151. Voir Autorités de l’Appelante, Vol. I, Onglet 18. -5Mémoire de l’appelante en réponse au mémoire de l’intimée la République d’Irak Motifs d’ordre procédural d’appel avait alors jugé que ces immeubles ne bénéficiaient pas de l’immunité d’exécution. 14. De même, si cet argument avait été soulevé en première instance, il aurait fallu démontrer que les actifs saisis en main tierce entre les mains de Bombardier Aerospace sont des avions destinés à un usage commercial. Cette preuve apparaît déjà de l’affidavit de Christopher Anderson Gooding7 et des pièces invoquées à son soutien, mais KAC aurait également pu mettre en preuve le contrat avec Bombardier qui stipule expressément l’utilisation commerciale des avions en question et divers autres éléments de preuve qui furent présentés devant l’honorable juge Robert Mongeon dans le dossier parallèle opposant KAC à IAC et l’Irak en Cour supérieure. 15. Cela est également confirmé par les motifs étoffés du juge Mongeon. Son analyse de la L.I.E. et de la jurisprudence est pertinente non seulement pour les fins de l’appel de KAC, mais aussi parce qu’elle démontre que les avions sous saisie sont destinés au transport commercial et qu’il s’agit donc de biens visés par l’exception commerciale à l’immunité. 16. Le nouvel argument soulevé par l’Irak est donc irrecevable, puisqu’il s’agit d’une attaque collatérale contre la saisie avant jugement plutôt que contre l’exequatur qui fait l’objet du présent pourvoi, et parce que, s’il avait été soulevé en temps utile en première instance, KAC aurait pu apporter une preuve factuelle pertinente visant à y faire échec. __________ 7 Voir Dossier de l’Appelante, Vol. III, p. 125. -6Mémoire de l’appelante en réponse au mémoire de l’intimée la République d’Irak Arguments de droit II – ARGUMENTS DE DROIT 17. Par ailleurs, même si ce nouvel argument avait été soulevé en temps utile, il est mal fondé. 18. L’art. 737 C.p.c. prévoit expressément que la saisie avant jugement est pratiquée de la même manière que la saisie exécution et obéit aux mêmes règles : « 737. La saisie avant jugement a pour seul but de mettre les biens sous la main de la justice pendant l'instance; elle est pratiquée de la même manière et obéit aux mêmes règles que la saisie après jugement, dans la mesure où elles sont applicables. Les articles 552 et 553 s'appliquent à la saisie avant jugement, sauf dans les cas prévus par l'article 734. L'officier confie la garde et la possession des biens saisis à un gardien qu'il choisit à moins que le saisissant ne l'autorise à les laisser sous la garde et en la possession du saisi. » (Nous soulignons) 19. La seule immunité pouvant donc s’appliquer est celle prévue à l’art. 12 de la L.I.E. Si, comme l’Intimée Irak l’argumente, l’art. 12 ne vise pas la saisie avant jugement, il devrait s’ensuivre qu’aucune immunité ne s’applique dans ce cas et non l’inverse. 20. Pourtant, dans une curieuse inversion de sens, la République d’Irak argumente que, puisque le langage de la loi relatif à certaines des exceptions à l’immunité d’exécution (et tout particulièrement le par. 12(1)c) L.I.E.) semble viser l’exécution post jugement plutôt que des recours préliminaires comme la saisie avant jugement, l’immunité s’appliquerait donc de manière absolue avant jugement. 21. Bien entendu, la conclusion logique est plutôt à l’effet inverse, à savoir que, si l’art. 12 en entier ou encore certaines exceptions spécifiques ne visent clairement -7Mémoire de l’appelante en réponse au mémoire de l’intimée la République d’Irak Arguments de droit (selon l’Intimée Irak) que l’exécution post jugement, alors c’est l’immunité d’exécution toute entière ou encore ces exceptions spécifiques seulement qui ne s’appliquent pas aux saisies avant jugement. 22. D’ailleurs, l’interprétation de l’Intimée Irak mènerait à un résultat absurde, puisque son raisonnement quant à 12(1)b) L.I.E. devrait nécessairement valoir tout autant pour l’exception de 12(1)a), si bien que, même en cas de renonciation expresse de l’État étranger sous 12(1)a), on ne pourrait saisir avant jugement les biens de celui-ci. 23. Au contraire, il semble évident que le texte de la loi est suffisant pour s’appliquer à toute forme d’exécution, qu’elle soit avant ou après jugement, les mots attachment et execution devant s’interpréter dans leur sens large. Ainsi, on ne pourra pas plus saisir avant jugement un véhicule militaire ou une ambassade qu’après jugement, mais on pourra saisir un immeuble commercial avant ou après jugement, l’immunité d’exécution ne s’appliquant pas alors à cet immeuble selon le texte clair de 12(1)b). 24. Autrement dit, de deux choses l’une : soit que l’art. 12 L.I.E. ne vise pas la saisie avant jugement, auquel cas aucune immunité ne s’y applique, ou bien il s’y applique, auquel cas l’exception commerciale trouve clairement application. 25. Il est vrai, comme le mentionne l’Intimée Irak que le législateur fédéral a prévu à l’art. 11 L.I.E. une disposition visant à mettre de côté en partie seulement les art. 751 et suivants du Code de procédure civile. En effet, l’art. 11 ne vise que la « réparation par voie d’injonction » (relief by way of an injunction). 26. Mais il est faux de prétendre que la saisie avant jugement équivaut à une ordonnance d’injonction. Le Code de procédure civile prévoit clairement deux sections distinctes traitant de ces mesures qui diffèrent tant par leurs effets que par leurs objets. En effet, la saisie avant jugement tout comme la saisie après -8Mémoire de l’appelante en réponse au mémoire de l’intimée la République d’Irak Arguments de droit jugement visent essentiellement les biens, alors que l’ordonnance d’injonction s’adresse aux personnes. On ne peut demander une injonction contre un bien pas plus qu’on ne peut saisir une personne! 27. Ainsi, ni l’art. 11 ni l’art. 12 de la loi ne soutiennent la position de l’Intimée Irak. 28. L’Intimée Irak invoque ensuite la Convention des Nations Unies sur l’immunité des États et la US FSIA 1976 afin de démontrer que l’exception commerciale à l’immunité d’exécution ne s’applique pas à la saisie avant jugement selon ces instruments. Or, loin de soutenir sa position, cela démontre au contraire qu’il existe des cas où le législateur choisit spécifiquement un régime particulier d’immunité pour les mesures pré ou post jugement, un choix que le Parlement canadien a manifestement refusé en créant un régime unique visant à la fois tous les modes d’exécution. Il suffit d’ailleurs de contraster le texte de l’art. 12 L.I.E. avec celui des art.18 et 19 de la Convention pour s’en convaincre. 29. L’Irak invoque enfin le fait que la common law verrait, selon elle, de manière restrictive les procédures d’exécution avant jugement. Or, si tel est le cas, le droit civil québécois montre clairement une intention différente qui assure une meilleure protection des créanciers à l’égard des fraudeurs de tout acabit. Il n’y a aucun motif juridique permettant d’empêcher KAC de se prévaloir de mesures qui visent essentiellement à s’assurer que justice soit rendue en évitant qu’un débiteur et mauvais payeur ne mette en péril sa créance par des agissements louches et déloyaux visant à mettre ses biens à l’abri de mesures d’exécution. 30. L’argument de l’Irak équivaut à soutenir qu’un État fraudeur pourrait par exemple, en matière commerciale, entreposer des biens obtenus par fraude au Québec qui demeureraient toujours hors d’atteinte des créanciers et tribunaux québécois, puisqu’ils pourraient être déplacés avant que le Tribunal ait prononcé un jugement au mérite donnant lieu à des mesures d’exécution. __________ -9Mémoire de l’appelante en réponse au mémoire de l’intimée la République d’Irak Le droit coutumier III – LE DROIT COUTUMIER 31. La République d’Irak soulève un second nouvel argument dans son mémoire à la page 15. Elle affirme, à la Section A.1)d), que même si la L.I.E. ne visait pas les procédures de reconnaissance des jugements étrangers, elle serait néanmoins immunisée par le droit coutumier. 32. Cette proposition doit être rejetée pour plusieurs raisons. 33. D’abord, il est bien établi par cette Cour que la L.I.E. représente en fait une codification du droit coutumier en la matière qui « vise à clarifier et à maintenir la théorie de l'immunité restreinte, plutôt qu'à en modifier la substance ».8 Par conséquent, si la Cour est d’avis que l’immunité de juridiction codifié à la SIA ne vise pas la reconnaissance des jugements étrangers, il en va nécessairement de même de l’immunité de droit coutumier. 34. Ensuite, comme le reconnaît l’Intimée Irak elle-même, le droit coutumier n’a force de loi au Canada que dans la mesure où il n’est pas contraire à la législation. Or, si la codification expresse de ce sujet rejette l’immunité de juridiction dans le cas de l’exequatur, l’Intimée ne peut puiser dans la coutume une immunité qui serait donc contraire à la L.I.E. et au choix du Parlement canadien de ne pas l’étendre auxdites situations d’exequatur. 35. Même si l’on pouvait tenter de prétendre que le droit coutumier ajouterait alors à la L.I.E. sans néanmoins la contredire, ce qui est nié, celui-ci serait néanmoins directement contraire au texte de l’art. 3155 du Code civil du Québec. À nouveau, le droit coutumier devrait alors céder le pas à l’expression de la volonté claire du législateur, fut-il législateur provincial plutôt que fédéral. 8 Re Canadian Labour Code, [1992] 2 S.C.R. 50, voir Autorités de l’Appelante, Vol. II, Onglet 30 (p. 94). - 10 Mémoire de l’appelante en réponse au mémoire de l’intimée la République d’Irak 36. Le droit coutumier Enfin le droit coutumier étant fondé et sur la pratique et sur la croyance qu’il s’agit d’une règle normative (l’opinio juris), à l’instar des conventions constitutionnelles, il se doit d’être prouvé par les parties et ne peut être simplement établi par connaissance judiciaire de la Cour. En soulevant cet argument si tardivement et pour la première fois, l’Intimée Irak empêche toute preuve quant au contenu réel du droit coutumier et demande qu’on la croit sur parole quant à son contenu, ce qui bien sûr suffit pour entraîner le rejet de cet argument. LE TOUT RESPECTUEUSEMENT SOUMIS, À MONTRÉAL, PROVINCE DE QUÉBEC, le 4 février 2010. ___________________________________ Laurent Fortier Yves Martineau Patrick Girard STIKEMAN ELLIOTT S.E.N.C.R.L., s.r.l. Procureurs de l’Appelante Kuwait Airways Corporation - 11 Mémoire de l’appelante en réponse au mémoire de l’intimée la République d’Irak Table alphabétique des sources IV – TABLE ALPHABÉTIQUE DES SOURCES Jurisprudence ..........Paragraphe(s) Irak (Republic of) c. Export Development, [2003] R.J.Q. 2416 (C.A.) ..............................13 Kuwait Airways Corporation c. Iraqi Airways Company, EYB 2010-168249 (C.S.) ..............................10 Re Canadian Labour Code, [1992] 2 S.C.R. 50 ..............................33 State Immunity Act, R.S.C. 1985, c. S-18 ..............................13 - 12 Kuwait Airways Corporation c. Iraqi Airways Company, EYB 2010-168249 (C.S.) EYB 2010-168249 – Texte intégral – SVA Cour supérieure CANADA PROVINCE DE QUÉBEC DISTRICT de Montréal 500-17-044625-088 DATE : 14 janvier 2010 DATE D'AUDITION : 8 juin 2009 EN PRÉSENCE DE : Robert Mongeon , J.C.S. Kuwait Airways Corporation Appelante-demanderesse c. Iraqi Airways Company Intimée-défenderesse et Bombardier inc. Mise en cause-tierce saisie et République d'Irak Mise en cause Mongeon J.C.S.:– JUGEMENT sur requête en cassation de saisie-arrêt avant jugement (no. 33) sur renouvellement d'une ordonnance de sauvegarde (no. 19) sur requête de la mise-en-cause République d'Irak en irrecevabilité pour cause d'immunité et en rejet de la contestation de la déclaration négative de la tierce-saisie (no. 107) A) Le contexte général 1 Après avoir obtenu gain de cause devant les tribunaux britanniques contre Iraqi Airways Company (IAC) et la République d'Irak dans une série de litiges leur accordant plusieurs centaines de millions de dollars américains, Kuwait Airways Corporation (KAC) a institué au Québec deux actions en reconnaissance de jugements étrangers, l'une dirigée contre IAC1 et l'autre dirigée contre la République d'Irak.2 Ces actions ont pour but l'exécution totale ou partielle des créances de KAC à même les biens de IAC ou de la République d'Irak. 2 Ces actions sont accompagnées de saisies-arrêt avant jugement entre les mains de la tierce-saisie Bombardier Inc. En effet, l'avionneur canadien a reçu une série de commandes visant un minimum de dix appareils dont un certain nombre ont été fabriqués et qui devaient être livrés incessamment. 3 La saisie avant jugement des appareils3 pose, cependant, le problème suivant: au moment de l'émission des brefs, KAC ne savait pas, qui de IAC ou de la République d'Irak avait réellement 1. Dossier KAC c. IAC, 500-17-044625-088 2. Dossier KAC c. Irak, 500-17-044692-085 © Thomson Reuters Canada Limitée. - 13 Kuwait Airways Corporation c. Iraqi Airways Company, EYB 2010-168249 (C.S.) contracté avec Bombardier et qui était propriétaire des biens. Elle a donc procédé simultanément dans les deux dossiers, au moyen de deux affidavits identiques signés par la même personne, monsieur Christopher Anderson Gooding (onglet 3, cahier de procédures). 4 Les affidavits en question exposent, à leurs paragraphes 26 à 45 respectifs que: 26. Bombardier Aerospace («Bombardier»), a division of the Bombardier Group, has agreed to sell to Iraq and/or IAC ten (10) CRJ900 NexGen aircraft (the «Aircraft»), with an option on ten (10) additional aircraft, the whole as more fully outlined below; ... 28. As appears from an article dated April 15, 2008, published in the Toronto Star, the identity of the purchaser is alternatively «the Iraqi government» or «State-owned Iraqi Airways», the whole as appears from a copy of the article, communicated herewith as Exhibit P-10; 29. However, on March 13, 2008, Bombardier issued a press release confirming that Iraq had placed a firm order for six Aircraft, with an option on four (4) others, for use on commercial flights in Iraq, the whole as appears from the Bombardier press release dated March 13, 2008 (the «March 13 Press Release»), communicated herewith as Exhibit P-11; 36. On May 21, 2008, it was reported by Micheal Howard (the «Howard Article»), in an article published by The Guardian (an English newspaper), that «[...] the first part of the order of 10 Bombardier CRJ900 planes is expected this summer, with the rest spread out over 2008 and 2009», the whole as appears from the Howard Article, communicated herewith as Exhibit P-15; 37. On August 10, 2008, it was reported by Lawrie Holmes (the «Holmes Article»), in an article published in the Sunday Express (an English newspaper), that «Later this month, the airline [Iraqi Airways] will receive 10 CRJ900 airliners from Canadian manufacturer Bombardier [...]», the whole as appears from the Holmes Article, communicated herewith as Exhibit P-16; 38. On or about August 26, 2008, Donald H. Bunker provided Stikeman Elliott LLP (the attorneys currently representing KAC in Québec) with a schedule of delivery dates with respect to new aircraft ordered by IAC and/or Iraq from Bombardier Aerospace, the whole as appears from a copy of Donald H. Bunker's letter with the attachments to it, communicated herewith as Exhibit P-17; ... 42. It is therefore believed by KAC, based on the information currently available to it, that one or more aircraft, destined for IAC and bought by IAC or Iraq, are currently 3. Même si dans le présent jugement les biens saisis sont identifiés comme les avions et pièces de rechange, les parties se sont entendues au cours du délibéré pour substituer une garantie bancaire à ces biens. Les avions déjà fabriqués sont donc livrés mais leur contre-valeur de quelque 87 000 000,00$ est protégée par une lettre de crédit. © Thomson Reuters Canada Limitée. - 14 Kuwait Airways Corporation c. Iraqi Airways Company, EYB 2010-168249 (C.S.) in their final stages of assembly at the Mirabel Plant and scheduled to be delivered by Bombardier as early as September 15, 2008; 43. Subject to the specific terms and conditions agreed upon between Bombardier and the purchaser (Iraq or IAC), which are not publicly available and therefore currently unknown by KAC, KAC believes that: The purchaser (Iraq or IAC) is already, or will be, at the time the first aircraft is fully assembled, owner or part-owner of the first aircraft, including without limitation any spare parts accompanying it, apparels and equipment of navigation and communication, safety and survival equipment, fuel and any other movables accompanying the first aircraft; Given the usual financing requirements and modalities inherent to such transactions, Bombardier is currently, or will be in the future (at a time determined by the contractual terms), in possession of movable assets belonging to IAC and/or Iraq, such as sums of money, a letter of credit or any other financial instrument; (soulignements ajoutés) 5 Même si les deux affidavits de Christopher Gooding n'affirment pas spécifiquement qui, de IAC ou de la République d'Irak, est le véritable propriétaire des appareils, KAC a requis et obtenu (jugement du juge Chaput de cette Cour en date du 27 août 2008) que deux brefs de saisie émanent sous l'empire de l'article 733 C.p.c. dans chacun des dossiers. 6 Dans les trois jours de la signification des actions et des brefs de saisie, la République d'Irak a soulevé la question de son immunité. Le dossier KAC c. IRAQ a, par la suite, fait l'objet d'un premier jugement du juge Chaput rejetant l'action au motif que la République d'Iran ne pouvait être poursuivie au Québec vu l'application de la Loi sur l'immunité des États. Ce jugement a été maintenu en appel et fait l'objet d'un pourvoi autorisé devant la Cour suprême du Canada. 7 Dans son jugement portant sur l'immunité de la République d'Irak dans le dossier KAC c.IRAQ, le juge Chaput conclut ainsi: A la lecture des motifs du juge Steel, l'on comprend que ce qui est au coeur de la défense d'IAC défrayée, soutenue et contrôlée par la République d'Iraq, c'est qu'elle faisait valoir qu'IAC agissait dans le cadre de l'appropriation des avions de KAC par le gouvernement d'Iraq dans le cadre de l'invasion du Koweit. Sur ce, le juge Steel s'exprime comme suit: 13. The third feature which of great significance in the context of this application is that the state of Iraq was intimately involved in the preparation of material in purported support of the defence, which was being made by IAC to the effect that the takeover of the Kuwaiti fleet of aircraft was by way of an exercise of the powers of the state of Iraq, a proposition that was successful in the initial stages, but slowly unravelled. A la fin, que la défense d'IAC n'ait pas été retenue par le tribunal anglais et ait exposé l'État d'Iraq, pour y avoir participé, à une condamnation aux frais selon la loi anglaise, n'en change pas la nature. La participation de l'État d'Iraq à la défense d'IAC n'est pas une activité commerciale au sens de la L.I.E. © Thomson Reuters Canada Limitée. - 15 Kuwait Airways Corporation c. Iraqi Airways Company, EYB 2010-168249 (C.S.) [51] Même si cette participation a été trouvée fautive ou abusive par le tribunal anglais, elle demeure une intervention étatique et, à ce titre, ne peut donner lieu à une poursuite contre la République d'Iraq au Canada, peu importe qu'elle ait été autrement qualifiée par le jugement dont la reconnaissance est recherchée. ... [54] Au contraire, dans la présente instance, l'exercice de l'autorité gouvernementale de l'État d'Iraq par sa participation à la défense d'IAC est au coeur du litige. Intervenir pour soutenir la défense de la compagnie aérienne nationale de l'Iraq relève de l'autorité étatique. [55] Dans les circonstances, il y a lieu de faire droit à la requête en exception déclinatoire. Vu cette conclusion, il n'est pas nécessaire de disposer de la conclusion subsidiaire, car l'action sera rejetée. Par contre, il est nécessaire d'ordonner mainlevée des saisies avant jugement pratiquées en l'instance. POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL: [56] ACCUEILLE la requête en exception déclinatoire de la République d'Iraq; [57] REJETTE la demande en reconnaissance de jugement étranger de Kuwait Airways Corporation; [58] ANNULE la saisie en mains tierces signifiée à Bombardier Aerospace le 27 août 2008; [59] ANNULE la saisie avant jugement des immeubles désignés comme étant les lots 1996373 et 1064053 du cadastre du Québec; [60] ORDONNE à l'Officier de la publicité de la circonscription foncière de Montréal de radier l'Inscription des brefs de saisie inscrits contre ces lots sous les numéros 15 543 398 et 15 543 404; [61] AVEC DÉPENS. (soulignements ajoutés) 8 En Cour d'appel, le juge en Chef Robert écrira: [69] Dans le cas présent, l'Irak bénéficie donc en principe d'une immunité de juridiction devant les tribunaux canadiens. Le noeud du problème consiste à déterminer si l'exception relative aux activités commerciales est applicable, le fardeau de preuve à cet égard reposant sur l'appelante qui en allègue l'applicabilité. ... © Thomson Reuters Canada Limitée. Tous droits réservés. - 16 Kuwait Airways Corporation c. Iraqi Airways Company, EYB 2010-168249 (C.S.) [71] La Cour suprême a élaboré une méthode à deux volets pour déterminer si l'exception commerciale est applicable dans un cas donné. 1) D'abord, il faut qualifier l'activité en cause et déterminer si elle revêt un caractère commercial. En se fondant essentiellement sur les motifs de Lord Wilberforce dans l'arrêt l Congreso del Partido, la Cour suprême juge qu'à cette fin il convient d'adopter une approche contextuelle. Pour qualifier une activité, il faut surtout examiner sa nature, même si son objet peut aussi s'avérer pertinent. En effet, comme le souligne le juge La Forest, la nature et l'objet d'une activité sont souvent intimement liés, de sorte qu'il est parfois impossible de se prononcer sur l'un sans examiner l'autre. 2) Après avoir conclu que l'acte revêt un caractère commercial, le cas échéant, il faut déterminer si les procédures entreprises portent sur cette activité commerciale. A cet égard, la Cour suprême estime qu'il n'est pas suffisant que les procédures touchent de manière accessoire à l'activité commerciale en cause. ... [76] Dans le cas présent, le juge Steel a conclu que l'Irak a financé, supervisé et contrôlé le litige opposant KAC à IAC, ainsi que l'ensemble des moyens de défense présentés par cette dernière. A la lumière du droit canadien, peut-on dire qu'il s'agit d'un acte de nature commerciale qui échappe par conséquent au principe général de l'immunité de juridiction? A mon avis, il faut répondre à cette question par la négative. [77] Je ne crois pas que la participation active d'un État dans un litige impliquant sa société d'État puisse être assimilée à un acte de nature commerciale au sens du droit canadien, et ce, même en adoptant une définition large de cette expression. Comme le souligne KAC, on peut croire que l'Irak avait un intérêt financier, voire commercial dans l'issue du litige, comme n'importe quel actionnaire dans une situation semblable. Cependant, tel n'est pas le critère applicable puisque c'est la nature d'un acte et non son objet qui constitue le critère dominant aux fins de sa qualification. ... (soulignements ajoutés) 9 L'appel à l'encontre du jugement du juge Chaput est donc rejeté avec dépens. L'action KAC c. Irak est rejetée. 10 Ce dernier jugement fait l'objet d'un pourvoi en Cour suprême du Canada et sera entendu au cours du mois de mars 2010. Entre-temps, KAC voyant la saisie avant jugement cassée, s'est ré-adressée à la Cour d'appel aux fins d'obtenir une ordonnance de sauvegarde visant à maintenir les effets de la saisie en mains tierces jusqu'à disposition du pourvoi en Cour suprême. Le juge Dalphond écrit ce qui suit:4 [2] Pursuant to s. 65.1 of the Supreme Court Act, R.S., 1985, c. S-26, and art. 522.1 of the Code of Civil Procedure of Quebec, KAC requests me to stay the effect of the judgment of this Court and «maintain the effects of the seizure before judgment issued by the Superior Court of Quebec, on August 27, 2008», pending a decision by the Supreme Court on the application for leave to appeal. 4. 2009 QCCA 985 © Thomson Reuters Canada Limitée. Tous droits réservés. - 17 Kuwait Airways Corporation c. Iraqi Airways Company, EYB 2010-168249 (C.S.) ... [14] Quite clearly, a stay can be ordered only with regard to the April 2009 judgment of this Court, not of the October 2, 2008 judgment of the Superior Court. Would a stay of execution of this Court's judgment, which did not order anything but only dismissed the appeal, revive the seizure before judgment? [15] To avoid any doubt, the petitioner is asking me to «maintain the effects of the seizure before judgment issued by the Superior Court of Quebec, on August 27, 2008». This order, if not an automatic consequence of a stay of proceedings with respect to this Court's judgment, is tantamount to a safeguard order which a judge of the Supreme Court could render under s. 27 of the Supreme Court Rules, SOR/2002-156 (RJR-MacDonald Inc. v. Canada (Attorney General), [1994] 1 S.C.R. 311; Baler v. Alberta, [2006] 2 S.C.R. 311), but not a judge of this Court under s. 65.1 or art. 522.1 [16] In any case, since I intend to dismiss the motion, it is unnecessary to further discuss this issue. ... (soulignements ajoutés) 11 Après avoir cité et examiné les critères de RJR MacDonald Inc. c. Procureur Général du Canada, relatifs à l'émission d'un sursis, le juge Dalphond refuse d'intervenir et ajoute: [26] Moreover, to grant the stay order, assuming that it will revive the seizure before judgment, would result in serious financial consequences for a bona fide third party, Bombardier Aerospace, that would be prevented from delivering aircraft numbers 2, 3 and 4 and receiving payment of substantial amounts for work completed and financed by it. It could even jeopardize the completion of the contract and cause more important financial difficulties for Bombardier Aerospace. ... [28] Public interest considerations also support the recognition of state immunity rather than its exclusion or suspension. State Immunity is a matter of such importance that the State Immunity Act provides at s. 3(2) that a judge shall give effect to it «notwithstanding that the state has failed to take any step in the proceedings» i.e. it must be raised by the judge proprio motu. In the instant case, two levels of courts have concluded unanimously that a seizure of the aircraft purchased by the Government of Iraq is inconsistent with Iraq's immunity. At this stage, the revival of the seizure followed by a refusal by the Supreme Court to grant leave to appeal would constitute an unjustifiable breach of a foreign state's immunity. 12 Voilà donc la situation dans le dossier KAC c. IRAQ. Le recours de KAC est rejeté et la saisie avant jugement pratiquée dans ce dossier n'a plus d'effet. Au surplus, la Cour d'appel a refusé d'émettre une ordonnance de sauvegarde visant à protéger les intérêts de KAC e lui accordant les effets d'une saisie avant jugement qui ne tient plus. © Thomson Reuters Canada Limitée. Tous droits réservés. Page 6 - 18 Kuwait Airways Corporation c. Iraqi Airways Company, EYB 2010-168249 (C.S.) 13 Voyons maintenant celle qui prévaut dans le présent dossier (KAC c. IAC). Dans le présent dossier, KAC bénéficie d'une saisie avant jugement en les mains de la tierce-saisie Bombardier Inc., et ce, depuis le 27 août 2008. Cette saisie a été obtenue sur la foi d'un affidavit identique à celui qui fut utilisé dans KAC c. Irak et qui se limite à alléguer, outre les créances de KAC vis-à-vis la République d'Irak et IAC, que les biens saisis entre les mains de Bombardier Inc. appartiennent à l'une ou l'autre des parties poursuivies. Comme nous le verrons plus loin, cette saisie en mains tierces ne sera contestée que le 24 novembre 2008, soit près de trois mois plus tard. 14 KAC prétend que sa créance contre IAC, de l'ordre de plusieurs centaines de millions de dollars, est sérieusement en péril si le bénéfice d'une saisie avant jugement ne lui est pas accordé. En effet, les avions et pièces de rechange seraient les seuls biens substantiels appartenant ou pouvant appartenir à IAC au Canada et plus spécifiquement au Québec. KAC se base aussi sur les nombreux agissements passés de IAC et/ou de la République d'Irak et qui ont fait l'objet de commentaires virulents de la part des tribunaux britanniques. KAC prétend finalement qu'elle est bien fondée à alléguer dans l'affidavit de son représentant Gooding que les avions et pièces de rechange saisis appartiennent à l'une (Irak) ou l'autre (IAC) des entités visées, qu'un tel affidavit est suffisant dans les circonstances et qu'il lui appartiendra, en temps et lieux utiles, de prouver que les biens saisis appartiennent réellement à IAC. En d'autres termes, l'apparente imprécision découlant des allégations de l'affidavit Gooding se règlera lors du débat sur la contestation de la déclaration négative de Bombardier5. Chapitre I: la demande de cassation de saisie basée sur l'insuffisance de l'affidavit 15 Le Tribunal doit, dans un premier temps, décider si l'affidavit au soutien de l'émission du bref de saisie est suffisant. Pour ce faire, le Tribunal doit, selon la doctrine traditionnelle en pareille matière, se reporter au moment où la saisie est obtenue. Arguments de IAC au soutien de la cassation de la saisie avant jugement 16 IAC prétend que les faits mentionnés dans l'affidavit de Christopher Gooding sont insuffisants pour les motifs suivants: a) aucune allégation de fraude de la part de l'Irak n'est formulée; b) la contestation de la saisie sous l'empire de l'article 738 C.p.c. n'a pas été soulevée dans les cinq jours mais ce délai n'est pas de rigueur et donc son non-respect n'est pas déterminant en l'instance. Au surplus, IAC était justifiée de repousser le moment de contester la saisie car IAC ne pouvait soulever la cassation de la saisie avant de soulever l'immunité dont elle prétend bénéficier aux termes de la Loi sur l'immunité des états (LRC 1985 c. S-18). c) aucune allégation de fraude de la part de l'Irak n'est formulée; d) la contestation de la saisie sous l'empire de l'article 738 C.p.c. n'a pas été soulevée dans les cinq jours mais ce délai n'est pas de rigueur et donc son non-respect n'est pas déterminant en l'instance. Au surplus, IAC était justifiée de repousser le moment de contester la saisie car IAC ne pouvait soulever la cassation de la saisie avant de soulever l'immunité dont elle prétend bénéficier aux termes de la Loi sur l'immunité des états (LRC 1985 c. S-18). 5. IAC a informé le Tribunal qu'elle ne soulèverait pas la question de la fausseté des allégations de l'affidavit de Christopher Gooding vu la déclaration négative de la tierce saisie Bombardier qui déclare ne détenir aucun bien présent ou futur appartenant à IAC et que c'est la République d'Irak qui est propriétaire des biens saisis. © Thomson Reuters Canada Limitée. Tous droits réservés. - 19 Kuwait Airways Corporation c. Iraqi Airways Company, EYB 2010-168249 (C.S.) Arguments de la tierce-saisie Bombardier Inc. 17 En plus d'appuyer les arguments de IAC, Bombardier Inc. insiste à son tour sur l'obligation de KAC d'alléguer clairement et sans ambiguïté que le saisi est en possession de biens appartenant clairement à la défenderesse IAC. La saisie étant une procédure exceptionnelle et de droit strict, la moindre imprécision ou ambiguïté dans le processus de saisie doit être interprétée à l'encontre de la validité de la saisie et en faveur de sa cassation. Arguments de KAC 18 KAC fait grand état de l'importance de sa créance envers IAC et souligne que les jugements dont elle recherche la reconnaissance au Québec démontrent amplement que les comportements antérieurs de IAC sont suffisants pour convaincre le Tribunal de l'existence d'une crainte objective de voir les biens saisis sortir du contrôle juridictionnel de la Cour supérieure. 19 Quant au libellé de l'affidavit de Gooding sur la question de la propriété des biens, KAC prétend que dans les circonstances d'un présent dossier et compte tenu de l'institution de deux recours, l'un contre l'Irak et l'autre contre IAC, il fallait procéder comme cela a été fait, c'est-à-dire en alléguant que les biens saisis étaient la propriété soit de l'Irak, soit de IAC et qu'une telle affirmation est conforme aux dispositions de l'article 733 C.p.c. Analyse 20 La saisie-arrêt avant jugement permet à un créancier de mettre les actifs de son débiteur (jusqu'à concurrence du montant de sa créance en capital, intérêts et frais) sous la main de la justice afin de satisfaire un éventuel jugement. 21 Mesure exceptionnelle et d'application restrictive, la saisie avant jugement ne peut être accordée que lorsqu'il apparaît que l'on puisse craindre que la réalisation de la créance ne soit en péril. La procédure de saisie se doit d'être stricte et toute imperfection dans le processus doit être interprétée en faveur de sa cassation plutôt qu'à l'inverse. 22 La crainte requise pour justifier une saisie est une crainte objective, c'est-à-dire qu'elle doit se démarquer de la crainte subjective du créancier lui-même. C'est la crainte réelle mais normale et fondée de toute personne dite raisonnable placée dans les mêmes circonstances factuelles que l'on doit rechercher et établir. 23 Pour ce faire, un affidavit doit être souscrit par une personne qui atteste de la véracité des faits donnant ouverture à la saisie. Cette personne ne doit pas obligatoirement être le créancier lui-même. En l'instance, le signataire de l'affidavit est un avocat britannique qui a été impliqué directement dans la série de procès qui ont débouché sur les jugements que l'on tente de faire reconnaître ici. 24 Monsieur Christopher Gooding est non seulement au courant des faits qui ont mené aux conclusions de ces jugements, il les a vécus au cours des diverses instances qu'il rapporte. Il est au surplus autorisé par sa cliente KAC à signer l'affidavit et lorsqu'il rapporte des faits extrinsèques à ce qu'il a lui-même constaté, il cite ses sources. 25 Il agit ici en sa qualité de mandataire, de représentant autorisé, de KAC et il s'appuie en grande partie sur les constats factuels énoncés aux jugements étrangers en question. 26 A noter au surplus que monsieur Gooding n'est pas l'avocat «ad litem» de KAC devant cette Cour. Il l'était vraisemblablement devant les tribunaux britanniques. Cela ne le disqualifie pas pour autant d'agir comme affiant dans le présent dossier. 27 Dans un premier temps, le soussigné est d'avis que monsieur Christopher Gooding est tout à fait habilité à signer l'affidavit sur la foi duquel la saisie avant jugement a été émise. © Thomson Reuters Canada Limitée. Tous droits réservés. Page 8 - 20 Kuwait Airways Corporation c. Iraqi Airways Company, EYB 2010-168249 (C.S.) 28 Prétendre que monsieur Gooding n'a pas connaissance personnelle des faits n'est pas un argument soutenable en l'instance. D'abord, le Code de procédure civile n'exige pas que l'affiant soit personnellement au courant de tous les faits. C'est d'ailleurs pourquoi la loi prévoit que le signataire peut rapporter certains (sinon la totalité) des faits pertinents lorsque ces faits proviennent de tiers, à condition de divulguer ses sources. 29 La principale source des faits rapportés par l'affiant Gooding découle du texte même des jugements étrangers que l'on cherche à faire reconnaître ici. Sans être en mesure de décider à ce stade des procédures si ces jugements font autorité de chose jugée6, le Tribunal considère qu'ils sont néanmoins investis de l'autorité de la chose préalablement décidée par des cours de justice d'un pays qui jouit d'une grande réputation d'indépendance judiciaire et d'équité procédurale et dont le système judiciaire est à la base et à l'origine du nôtre. Il serait inapproprié de ne pas reconnaître le fait que des tribunaux compétents se sont déjà penchés sur l'existence de la créance de KAC envers IAC et de noter qu'une telle créance a été établie. Un tel constat ne présuppose en rien de la question de savoir si ces jugements seront ou non reconnus ici. 30 L'article 733 du Code de procédure civile stipule: 733. Le demandeur peut, avec l'autorisation d'un juge, faire saisir avant jugement les biens du défendeur, lorsqu'il est à craindre que sans cette mesure le recouvrement de sa créance ne soit mis en péril. (soulignements ajoutés) 31 Et l'article 735 C.p.c. ajoute: 734. La saisie avant jugement se fait en vertu d'un bref, délivré par le greffier sur réquisition écrite; celle-ci doit être appuyée d'un affidavit qui affirme l'existence d la créance et des faits qui donnent ouverture à la saisie, et indique les sources d'information du déclarant, le cas échéant. Dans les cas prévus par les articles 733, 734.0.1 et 734.1, l'autorisation du juge doit apparaître sur la réquisition elle-même (soulignements ajoutés) 32 Ces deux textes confirment ce qui précède. Le «déclarant» peut être toute personne qui «affirme l'existence des faits... et indique les sources d'information du déclarant, le cas échéant. 33 L'Affidavit de Gooding remplit ces conditions. 34 Le fait que l'affiant ne soit pas en mesure de déterminer laquelle des deux parties poursuivies (Iran ou IAC) est la véritable propriétaire des avions que l'on entend saisir n'est pas un vice fatal. Il y a deux créances, fort substantielles, l'une contre la République d'Irak, l'autre contre IAC. Ces deux parties sont intimement impliquées dans les mêmes procédures et les jugements qui les déclarent endettées envers KAC, même si les créances de KAC ne sont pas exigibles de l'Irak et de IAC solidairement. 35 Lorsque l'affiant Gooding déclare que les biens sont la propriété de l'une (Irak) ou de l'autre 6. Le Tribunal est informé qu'il existe un différend très important entre les parties sur la question de savoir si les jugements en question seront assujettis à la procédure de reconnaissance (exemplification) sous l'empire de l'ancien Code civil du Bas-Canada ou sous leième nouveau Code civil du Québec de 1994. Selon certains auteurs (voir notamment édition, [2005] Nos 589 à 593, pp. 235 à 237), les jugements étrangers rendus Léo Ducharme, Précis de la preuve, 6 hors du Canada avant 1994 (ou sur cause d'action ayant pris naissance avant cette date) ne jouiraient pas de l'autorité de la chose jugée, tandis que ceux qui sont postérieurs à 1994 jouiraient d'une telle autorité. En l'instance, la cause d'action aurait pris naissance lors de l'invasion du Koweit par l'Irak en 1991 mais les jugements en question seraient postérieurs à 1994. © Thomson Reuters Canada Limitée. - 21 Kuwait Airways Corporation c. Iraqi Airways Company, EYB 2010-168249 (C.S.) (IAC), il agit alors au meilleur des informations dont il dispose au moment où il signe l'affidavit. Son affirmation est suffisante pour rencontrer le premier test que lui impose l'article 733 C.p.c., c'est-à-dire qu'il doit viser les «biens du défendeur», que ces biens soient détenus en pleine propriété ou en propriété indivise, que l'on soit absolument certain ou non de cette propriété. Rien n'empêche un créancier de signer un affidavit qui dirait que l'affiant «soupçonne» que tels biens soient la propriété du défendeur, sans en être absolument sûr7. Le processus de contestation de cette affirmation ou de ce simple soupçon fera l'objet d'un débat sur la fausseté d'une telle affirmation et non de sa suffisance pour les fins d'obtenir l'autorisation de saisir. 36 Il y a une différence importante entre une allégation de propriété de biens et la preuve de cette propriété. Dans Banque Laurentienne du Canada c. 1240-1030 Québec Inc. [1994] RDJ83 (C.A.), la Cour d'appel a maintenu le jugement de la Cour supérieure cassant une saisie avant jugement sur la base de la fausseté des allégations de l'affidavit. Cet affidavit alléguait en effet que certains soldes bancaires étaient la propriété non pas de l'entité au nom de laquelle les comptes avaient été ouverts mais plutôt leur compagnie-mère. 37 Sur la question de la suffisance de l'affidavit, le juge Rothman écrit: ...#On the issue of sufficiency, I do not think there is much room for doubt that the allegations of the affidavit were sufficient to justify the seizure. The affidavit alleges the debt owing to the Bank, the assignment of accounts receivable to secure that debt and, in substance, a scheme by the principal shareholder of the debtor companies to frustrate the Bank in the collection of the accounts receivable which had been assigned to it.»... 38 Sur la question de la fausseté des allégations, tant la Cour supérieure que la Cour d'appel sont d'avis que la preuve ne démontrait pas que les soldes des comptes en question étaient bien ceux de la compagnie-mère des défenderesses. Citant les commentaires de la juge Lyse Lemieux en première instance (J.E. 93-1829) qui écrivait: ...#La Demanderesse semble donc propriétaire des sommes déposées dans les comptes de banque, à la condition toutefois que ces sommes d'argent appartiennent aux débitrices. Or, il n'y a aucune preuve à cet effet. C'est une chose d'affirmer son droit de propriété, mais c'en est une autre d'établir le droit de propriété du débiteur ou de la débitrice sur les biens saisis.»... et le juge Rothman conclut ainsi: ...#The falsity of the allegations is another matter, however. Once the truth of the allegations was in issue,, appellant had the burden of proving the facts alleged (art. 738 C.C.P.) including the true owners of the bank accounts, the source of the deposits that had been made and the fact that the monies deposited represented the proceeds of payments made by customers of Americor or Opale whose accounts receivable had been assigned to the Bank. The trial judge concluded that appellant had failed to prove those facts. On the record before us, I cannot say she was wrong.»... 39 La présente instance n'est pas tellement différente de l'affaire précitée. On allègue ici que les biens saisis sont la propriété de l'une ou l'autre des débitrices (Irak ou IAC) fortement endettées envers KAC. Cette allégation est suffisante mais il faudra éventuellement faire la preuve de qui est le véritable propriétaire des biens saisis. Cela se fera à une autre étape de ce dossier. 40 Mais il y a plus. 41 IAC plaide que, de toutes façons, l'affidavit de Gooding ne contient pas assez d'éléments pour 7. La procédure de saisie permet alors au saisi de déclarer si effectivement les biens visés sont bel et bien ceux du débiteur. Le débat sur la propriété des biens s'engage donc, comme c'est le cas en l'espèce. Le Code n'exige pas nécessairement une affirmation irréfragable de propriété mais la saisie doit, pour être valide, toucher des biens appartenant au débiteur. © Thomson Reuters Canada Limitée. - 22 Kuwait Airways Corporation c. Iraqi Airways Company, EYB 2010-168249 (C.S.) justifier la crainte objective d'un péril, notamment parce que tous les faits relatifs à la vente simulée à la fraude paulienne, etc. ne feront partie du dossier qu'après la signature de l'affidavit et à l'émission du bref de saisie. Étant donné que l'on ne saurait amender un tel affidavit «ex post facto» et que la suffisance de l'affidavit doit être considérée au moment où il est présenté à un juge pour fins d'émission du bref, IAC prétend que les seules allégations de cet affidavit sont insuffisantes pour justifier la saisie. 42 Avec égards pour l'opinion contraire, le soussigné est d'avis que cet affidavit est suffisant car si les allégations qui y sont contenues sont véridiques, elles sont suffisantes pour faire naître chez une personne raisonnablement informée, la crainte dont parle l'article 733 C.p.c. 43 Dans un premier temps, les jugements que l'on tente de faire reconnaître au Québec ont été rendus, il y a plusieurs années et sont toujours insatisfaits. Ni l'Irak ni IAC n'ont encore trouvé le moyen de les satisfaire. Cela, en soi est source de crainte. 44 Au surplus, certains de ces jugements critiquent sévèrement le comportement de IAC (voir les «Perjury I et Perjury II judgments», paragraphes 12, 13 et 14 de l'affidavit). Le simple fait que IAC soit endettée pour plus de 800 millions de dollars envers KAC (voir paragraphe 20 de l'affidavit de Gooding) depuis 2005 et que ces jugements demeurent insatisfaits, laisse croire que KAC n'a aucunement l'intention d'honorer ces jugements à moins d'y être contrainte. Tel qu'indiqué ci-haut, ces jugements ont été rendus par des tribunaux et sous l'empire d'un système judiciaire qui, d'une façon générale, commande le respect et la déférence. Même si ces jugements n'ont pas force de chose jugée au Québec, leurs motifs et leurs dispositifs doivent avoir à tout le moins l'autorité de la chose décidée. 45 Sans alléguer ni conclure à la simulation ou à la fraude paulienne ou encore sans faire état du départ de l'un des avions saisis après l'émission des brefs dans les deux dossiers, l'affidavit de Gooding est suffisant en lui-même pour susciter une crainte objective à l'égard de biens pouvant appartenir à la défenderesse IAC. 46 Il y a aussi la crainte de voir les biens quitter le territoire du Québec s'ils ne sont pas retenus ici. 47 On ne peut ignorer le fait qu'il s'agisse d'avions qui, dès qu'ils sont construits, peuvent en moins de temps qu'il faut pour le dire, quitter les lieux. 48 Il ne faut pas présumer de la conduite future des parties basée sur la seule conduite passée. La maxime «qui a fraudé, fraudera» ou «qui a menti, mentira» n'a pas d'application automatique en matière de saisie avant jugement. Toutefois, le simple fait qu'il s'agisse de biens qui peuvent littéralement s'envoler vers d'autres cieux préoccupe grandement le Tribunal. 49 Dans Deloitte & Touche Inc. c. Banque Laurentienne du Canada et al, J.E. 95-1011, [1995] RJQ 1301, les banques intimées ont été victimes de manoeuvres frauduleuses et ont saisi 21 créances d'une compagnie dont elles craignait la liquidation. Quelques temps après la saisie, un juge de la Cour supérieure de l'Ontario a effectivement prononcé la liquidation de la compagnie en question. Les banques saisissantes ont refusé de donner main-levée, l'appelante liquidatrice a demandé l'annulation des saisies. La Cour supérieure a refusé de casser les saisies puisque les faits justifiant une telle cassation étaient survenus après l'émission du bref de saisie. En appel, les saisies ont été cassées malgré la preuve que les banques avaient été victimes d'une arnaque. 50 Le juge Chamberland écrit: ... L'article 738 C.p.c. permet au défendeur de demander l'annulation de la saisie avant jugement en attaquant la véracité ou la suffisance des allégations de l'affidavit à l'appui de la réquisition écrite. C'est la situation classique. Cette demande donne lieu au procès de l'affidavit sur la foi duquel le bref de saisie a été émis. Dans ce contexte, la véracité et la suffisance de l'affidavit doivent être © Thomson Reuters Canada Limitée. - 23 Kuwait Airways Corporation c. Iraqi Airways Company, EYB 2010-168249 (C.S.) étudiées à la lumière des seuls faits existant à la date de signature de l'affidavit. Rien ne s'oppose toutefois à ce qu'un tribunal annule la saisie pour un motif de droit autre que les deux seuls cas visés à l'article 738 C.p.c. Au contraire, l'article 20 C.p.c. nous y invite en édictant que «s[i] le moyen d'exercer un droit n'a pas été prévu par ce code, on peut y suppléer par toute procédure non incompatible». Ici, l'appelante soutient que la mise en liquidation de l'entreprise rend les saisies avant jugement, émises quelques jours plus tôt, sans effet et inutiles; elle demande au tribunal de les annuler. Il ne s'agit donc plus de faire le procès de l'affidavit. ... (soulignements ajoutés) 51 Puis le juge-en-chef Michaud écrit: «Je partage l'opinion de mon collègue Chamberland et comme lui je suis d'avis d'accueillir les pourvois et annuler les saisies avant jugement. Celles-ci ont été pratiquées pour éviter que les créances hypothécaires ne soient vendues à un tiers. Ces mesures perdaient toute leur utilité quand le juge Houlden, sous l'autorité de la Loi sur les liquidations, approuvait la vente desdites créances à diverses institutions financières. Le maintien des saisies ne fait que paralyser la bonne marche du dossier de liquidation et ne saurait se justifier par une technicalité procédurale. Il est vrai que généralement la demande d'annulation d'une saisie avant jugement se veut le procès de l'affidavit sur la foi duquel le bref de saisie a été émis. Cela dit, si un fait subséquent à l'affidavit établit de façon péremptoire la futilité de la saisie, je ne puis me résigner à l'idée de ne pouvoir le considérer parce que non prévu à l'article 738 C.p.c. (soulignements ajoutés) 52 Ici, il est en preuve qu'un des appareils fabriqués par Bombardier a quitté le Québec (et est présumément maintenant en Irak) après l'émission des brefs de saisie dans les dossiers KAC c. Irak et KAC c. IAC. De fait, l'appareil a quitté le Québec immédiatement après le jugement du juge Chaput rejetant l'action KAC c. Irak sur la base de l'immunité de cette dernière et avant l'inscription en appel de ce même jugement. 53 Le soussigné ne peut en aucune façon commenter ou statuer sur le bien-fondé ou l'illégalité d'un tel geste. Il peut constater, cependant, qu'un avion a décollé et a quitté le Québec alors qu'apparemment cet avion semblait faire l'objet d'une seconde saisie, c'est-à-dire celle actuellement pendante dans le dossier KAC c. IAC. 54 Ce fait, s'il était survenu ou si l'on avait soupçonné qu'il survienne avant l'émission du bref aurait été, à lui seul, suffisant pour justifier la saisie-arrêt que l'on tente aujourd'hui de faire casser. 55 Pour paraphraser le commentaire du juge Michaud, il est vrai que généralement la demande de cassation d'une saisie se veut le procès de l'affidavit à son soutien. Ceci étant, si un fait subséquent établit de façon péremptoire la justification de cette même saisie, le soussigné ne peut, non plus, se résigner à l'ignorer pour le seul motif qu'il est postérieur à la saisie. Un fait de cette nature pourrait d'ailleurs donner ouverture à l'émission d'une nouvelle saisie-arrêt si celle-ci était cassée. Sur le plan pratique, le résultat serait le même. 56 Le Tribunal ne base donc pas sa conclusion sur ce fait postérieur à l'émission du bref de saisie. Cependant, le Tribunal ne peut certainement pas ignorer que ce fait vient quelque peu confirmer les faits que l'affiant Gooding allègue spécifiquement au paragraphe 36 de son affidavit affirmant que la première partie de la commande de 10 avions serait prête à être livrée dès l'été 2008 et au paragraphe 42 que ces mêmes appareils seront prêts à être livrés dès le 15 septembre 2008. Ces allégations suggèrent l'urgence d'agir car il n'y a pas plus volatile que des avions prêts à décoller si l'on n'intervient pas. Il ne sert à rien d'attendre que le fait anticipé arrive avant de prendre les © Thomson Reuters Canada Limitée. - 24 Kuwait Airways Corporation c. Iraqi Airways Company, EYB 2010-168249 (C.S.) mesures conservatoires qui s'imposent. Donc, l'affidavit tel que rédigé peut amener le Tribunal à se poser la question si les biens saisis risquent de «s'envoler» sans le bénéfice de la saisie et si ce risque constitue une source suffisante de crainte objective. A ceci, le soussigné répond par l'affirmative. Ce n'et donc pas sur la base du fait qu'un avion est effectivement parti que le Tribunal conclut ainsi mais sur la base de la crainte alléguée qu'il existe un risque que les avions quittent le territoire du Québec sans le secours de la saisie avant jugement. 57 Quant à la conduite de IAC et d'Irak que Gooding qualifie de «persistent fraudulent conduct» aux paragraphes 46 à 60 de son affidavit, ils sont source de crainte objective pour quiconque en prend connaissance. 58 Finalement, le paragraphe 65 résume assez bien l'atmosphère de crainte pouvant donner lieu à la nécessité d'une mesure conservatoire de la nature d'une saisie-arrêt: ... In light of IAC and Iraq's persistent fraudulent conduct established above, their absolute disregard for their legal/contractual obligations and their attempts at preventing the enforcement of judgments on their assets, the inescapable conclusion is that, without the seizure before judgment sought through the present proceedings, there are reasons to believe that KAC's debt may be put in jeopardy and that Iraq and IAC will not hesitate to hide, conceal or dispose of their assets to make themselves «judgment proof» and avoid the execution of any judgment rendered by this Court against them; ... 59 Le soussigné est donc d'avis que la défenderesse IAC n'a pas démontré l'insuffisance des allégations de l'affidavit au soutien de la saisie-arrêt en l'instance. Sa requête doit donc être rejetée pour ce motif. Mongeon J.C.S. Me Yves Martineau, Me Laurent Fortier, pour l'appelante-demanderesse Me Marie-Josée Hogue, Me Dominique Ménard, pour l'intimée-défenderesse Me Michel Sylvestre, Me Mercedes Glockseisen, pour la mise en case-tierce saisie Mongeon J.C.S.:– 60 Il est en preuve que IAC n'a pas contesté la saisie avant jugement dans les cinq jours de la signification du bref de saisie. 61 En effet, la saisie a été signifiée trois mois après cette signification. 62 KAC s'oppose vigoureusement à ce que le Tribunal, s'autorisant de l'argument que le délai de cinq jours de l'article 738 C.p.c. ne soit pas un délai de rigueur, reçoive la requête en annulation de la saisie. 63 IAC justifie le délai à contester la saisie en alléguant que lors de l'institution de l'action, la question de l'immunité de la République d'Irak dans le dossier Irak prenait préséance. Si l'immunité n'avait pas été reconnue par le juge Paul Chaput dans son jugement du 1er octobre 2008, la contestation de la saisie dans le présent dossier n'aurait pas eu d'objet pratique puisque les biens auraient été saisis dans le dossier KAC c. Iraq. 64 Malgré cela, le jugement du 1er octobre 2008 est porté en appel le 8 octobre 2008 et ce n'est que le 24 novembre 2008 que la saisie est attaquée. 65 La jurisprudence établit que le délai de l'article 738 C.p.c. est effectivement susceptible d'être prorogé lorsque les circonstances le justifient. Voir Opera on Original Site Inc. c. China Performing Art Agency et Cirque du Soleil, A250318890 (C.S.) © Thomson Reuters Canada Limitée. - 25 Kuwait Airways Corporation c. Iraqi Airways Company, EYB 2010-168249 (C.S.) 66 Un premier argument proposé par IAC et justifiant ce délai résulte du fait que les parties auraient convenu d'un échéancier permettant à IAC de faire valoir ses «moyens préliminaires» incluant une requête soulevant l'immunité de IAC sur la base de la Loi sur l'immunité des États, LRC 1985 c. S-18 (telle qu'amendée et ci-après identifiée comme la «LIE»). Une telle requête a d'ailleurs été signifiée le 14 novembre 2008. Or, IAC allègue qu'il ne lui était pas possible de poser un quelconque geste procédural avant qu'une telle requête en rejet ne soit présentée sans renoncer à son immunité alléguée. Néanmoins, IAC a décidé de se désister de ce moyen préliminaire d'irrecevabilité quelques jours après l'avoir formulé et, dans les cinq jours de ce désistement, elle a produit sa requête en annulation de saisie. 67 IAC prétend que le caractère particulier de la procédure introductive d'instance (reconnaissance judiciaire de jugements étrangers) dirigée contre l'agent d'un état souverain milite en faveur de l'octroi d'un délai raisonnable lui permettant d'examiner toutes ses options. Cela ne manque pas de logique mais il y a des limites à ne pas franchir et des délais que le Tribunal ne peut toujours cautionner. 68 Nos tribunaux ont souvent accepté de prolonger le délai de cinq jours de l'article 738 C.p.c. mais en d'autres occasions ou circonstances et très rarement pour une aussi longue période. 69 Par exemple, la non-disponibilité des avocats de la débitrice-saisie a été jugée suffisante dans Investissements MLC Inc. c. Altitudes 505 Inc. et al [2002] CanLii 33879 (QCCS) alors que la requête en cassation a été signifiée 1 jour trop tard. 70 Par contre, dans JMD c. MDLCV [2002] CanLii 13735 (QCCS) cinq jours de retard ont été jugés excessifs. 71 Un délai de quatre mois non motivé a été jugé comme inacceptable dans 9025-8476 Québec Inc. c. 104063 Canada Inc. [2002] CanLii 6708 (QCCQ). 72 Les motifs de prorogation doivent être des «motifs sérieux». 73 Depuis l'affaire Cité de Pont-Viau c. Gauthier Mfg. Inc. [1978] 2 R.C.S. 516, les notions d'#impossibilité d'agir plus tôt» ou de «délais de rigueur» ont été tempérées. Dans cette célèbre affaire, il était question d'un dépassement de 12 jours parfaitement explicable. 74 D'ailleurs, il est quelque peu difficile de faire perdre des droits à une partie du seul fait qu'un délai non de rigueur n'a pas été respecté. Cependant, toute tolérance a ses limites et on ne peut non plus ignorer le fait que le Code de procédure civile exige le respect de ses règles. 75 Ici, l'explication est moins justifiable, en ce que la défenderesse IAC aurait pu agir plus tôt. Par exemple, elle aurait pu déposer en même temps sa requête en rejet basée sur la LIE et sa requête en cassation de saisie, le tout sous réserve de ses droits à l'immunité. De plus, la défenderesse IAC a créé elle-même un délai artificiel fort long en attendant à la dernière minute avant de déposer sa requête en immunité pour ensuite s'en désister et finalement déposer sa requête en cassation de saisir le 24 novembre 2008. 76 Or, un désistement remet les parties dans l'état dans lequel elles étaient avant le dépôt de la requête en immunité, soit dans l'état où elles étaient le 14 novembre 2008. 77 Dans l'affaire «Opera» précitée, le motif sérieux en était un de langue, d'éloignement et aussi d'absence de préjudice de la part de l'autre partie. Monsieur le juge Sénécal écrit: ... [6] Il est bien établi que le délai de cinq jours prévu à l'article 738 n'est pas de rigueur. L'article 9 du Code de procédure civile s'applique donc à ce délai qui peut être prorogé lorsque les circonstances le justifient. Il faut pour cela qu'il existe des motifs sérieux. Par ailleurs il n'y a pas de différence à cet égard selon que soit plaidée l'insuffisance © Thomson Reuters Canada Limitée. - 26 Kuwait Airways Corporation c. Iraqi Airways Company, EYB 2010-168249 (C.S.) des allégations de l'affidavit ou leur fausseté. [7] En l'espèce, la défenderesse est une compagnie étrangère qui n'est pas familière avec les procédures québécoises et qui n'est pas non plus informée des délais et des règles applicables en cas de saisie avant jugement. S'agissant d'une compagnie chinoise, il lui fallait retenir les services d'un avocat au Québec pour défendre ses intérêts et plaider. Il lui fallait donc d'abord en trouver un, ce qui est évidemment plus difficile dans un cas d'éloignement comme ici. [8] Les informations au dossier indiquent que les avocats montréalais ont de fait reçu le 11 mars les procédures leur permettant éventuellement de contester. Ils étaient dans une situation difficile au chapitre des communications avec leur cliente en raison de l'éloignement mais également de la langue. Par ailleurs, il est exact qu'il leur fallait prendre connaissance dans un temps assez court d'une situation et d'un litige passablement complexes au chapitre des procédures d'arbitrage et des différentes demandes à cet égard. L'écart considérable des fuseaux horaires ne rendait pas non plus les communications faciles. [9] Le Tribunal est d'avis que l'on se retrouve ici comme dans l'affaire Textainer Equipment Management Limited dans un situation où il existe des motifs sérieux justifiant que le délai de cinq jours soit prorogé. Ajoutons que la preuve démontre qu'une telle prorogation ne cause ni préjudice ni injustice à la demanderesse. Par ailleurs, on ne peut perdre de vue l'article 2 du Code de procédure civile qui rappelle que la procédure doit faire apparaître le droit. Le retard en l'instance a été justifié pour des motifs sérieux et la demande a été présentée dans un délai relativement court après que les avocats montréalais aient reçu les documents leur permettant d'agir. [10] Dans les circonstances, le délai donc doit être prorogé. ... 78 En l'espèce, le délai était de cinq semaines, non de trois mois. 79 Bref, il n'y a à peu près pas de précédent jurisprudentiel qui, dans les faits, se rapproche suffisamment de ceux de la présente affaire pour donner raison à IAC. 80 IAC a comparu par avocats le 5 septembre 2008, soit 3 jours après la signification du bref de saisie. 81 IAC n'allègue pas de difficultés de communication, de langue ou autres inconvénients de même type. 82 Dès le 5 septembre 2008, la République d'Irak dépose une requête soulevant son immunité dans le dossier qui la concerne. Aucun motif n'est avancé expliquant pourquoi IAC n'a pas fait de même ou ne pouvait faire de même. 83 Tel qu'indiqué ci-haut, ce n'est que le 14 novembre 2008 qu'IAC soulève son immunité par requête, se désiste quelques jours plus tard et dépose finalement sa requête en cassation de saisie. Aucune autre explication n'est donnée, que celle énoncée ci-haut justifiant le délai. 84 Si la République d'Irak a pu soulever son immunité dès le 5 septembre 2008, il est logique de présumer que IAC (représentée par les mêmes avocats) aurait pu soulever la sienne bien avant le 14 © Thomson Reuters Canada Limitée. - 27 Kuwait Airways Corporation c. Iraqi Airways Company, EYB 2010-168249 (C.S.) novembre. 85 Le Tribunal veut bien exercer sa discrétion. Mais encore faut-il qu'il y ait une quelconque base factuelle lui permettant d'intervenir. Or, il n'y a aucun affidavit au dossier établissant les faits que l'on plaide à l'audience. L'absence d'affidavit faisant état de ces faits est malheureusement fatal: les justifications alléguées au soutien d'une prorogation de délai ne peuvent être tenues pour avérées et ne sont pas de connaissance judiciaire. Ainsi, la saisie avant jugement doit tenir et le Tribunal ne peut, faute d'affidavit, exercer sa discrétion sur des faits qui ne sont pas démontrés. 86 Pour ce second motif, la requête en cassation doit aussi être rejetée. CHAPITRE II : L'exception déclinatoire de la mise-en-cause République d'Iraq 87 A la suite de la saisie avant jugement pratiquée dans le dossier KAC c. IAC, la tierce-saisie Bombardier Inc. a produit une déclaration négative alléguant essentiellement que les biens saisis avaient été commandés et achetés par la République d'Irak et qu'elle ne détenait aucun bien appartenant (ou pouvant appartenir dans le futur) à IAC. 88 Le 20 avril 2009, KAC a produit une contestation de la déclaration négative de la tierce-saisie Bombardier. Cette contestation, amendée le 3 juin 2009 fait état de ce qui suit. 89 Dans un premier temps, KAC fait état du contexte général des nombreux litiges et contestations entre les divers intervenants. 90 Puis KAC allègue spécifiquement que malgré les déclarations assermentées de Anne Woodyat, vice-présidente de Bombardier, et de Ahmed Al-Saadawi, conseiller du Premier Ministre d'Irak, la République d'Irak n'est pas le véritable propriétaire des avions et pièces de rechange faisant l'objet de la saisie et qu'en réalité, ces avions et pièces de rechange sont sous l'entier contrôle de IAC qui les détient comme véritable propriétaire. Ainsi, malgré l'apparence d'un contrat apparemment conclu entre Bombardier et la République d'Iraq, les avions et pièces de rechange saisis ont été acquis pour les seuls bénéfice et avantage de IAC et sont sous l'entier contrôle de la tierce-saisie. 91 KAC ajoute que la République d'Irak contrôle tous les aspects des activités de IAC et que IAC est la principale, sinon la seule bénéficiaire de tous les droits découlant du contrat d'acquisition des avions. 92 De plus, les avions en question sont destinés à voler sur les lignes aériennes commerciales de KAC, sont peints aux couleurs de KAC et arborent les signes inscriptions et logos de IAC. 93 KAC allègue au surplus que la transaction entre Bombardier et la République d'Irak a été structurée de manière à frustrer les créanciers de IAC en montant une transaction de façon à ce que la partie contractante soit le gouvernement de la République d'Irak alors que le véritable bénéficiaire des biens achetés demeure IAC. Ce stratagème résulterait d'un plan concerté et approuvé par les plus hautes instances de la République d'Irak. 94 Bref, selon KAC, toute la structure de la transaction suggère que la République d'Irak ne soit qu'un prête-nom agissant au nom et pour le compte de IAC, véritable propriétaire des avions et pièces détachées s'y rapportant et que le seul but recherché par un tel stratagème est que lesdits avions et pièces détachées ne constitueront pas le gage convenu des créanciers de IAC, susceptible d'être saisi et le produit appliqué aux dettes de IAC. 95 Afin de pouvoir débattre de la question visant à déterminer qui, de la République d'Irak ou de IAC est le véritable propriétaire des biens saisis dans le cadre de la contestation de la déclaration négative de Bombardier, IAC demande l'intervention forcée de la République d'Irak dans le cadre de cette contestation et allègue ce qui suit: ... © Thomson Reuters Canada Limitée. - 28 Kuwait Airways Corporation c. Iraqi Airways Company, EYB 2010-168249 (C.S.) 61. The impleading of the Republic of Iraq is sought because Iraq's rights will necessarily be affected by any ruling on the contestation of Bombardier's Negative Declaration. 62. Iraq's presence as a party to this action is necessary to permit a complete solution of the questions involved in the action and to ensure that any judgment rendered therein be opposable not only to IAC, but also to Iraq. 63. Iraq does not benefit from any immunity in the context of the present proceedings given that: (a) the purchase of the aircraft and other items such as spare parts and fuel are commercial transactions; (b) the Seized Assets, including the aircraft, are used and intended for a commercial activity; (c) Iraq has submitted to the jurisdiction of this Court in the present file by intervening and taking several steps in the proceedings, as appears from the court record; ... 96 La République d'Irak a contesté sa mise-en-cause forcée par une requête en exception déclinatoire de juridiction et en rejet de la contestation de la demanderesse IAC de la déclaration négative de la tierce-saisie Bombardier. 97 La République d'Irak soutient notamment ce qui suit: ... 6. As appears from its contents and conclusions, the essential thrust of the Contestation filed by KAC is to obtain from the Superior Court a declaration that, despite the terms of the Purchase Agreement, the true purchase of Bombardier's aircrafts is not the Republic of Iraq but rather the Defendant/Respondent, Iraqi Airways Company; KAC alleging in that respect that the terms of the Agreement and of other contracts concluded between the Republic of Iraq and IAC are structured so as to conceal the status of IAC as the true owner of the aircrafts; 7. The Contestation is thus essentially an action «en déclaration de simulation», which cannot be granted without impleading all the parties to the impugned transaction and obtaining against them a declaration that the impugned agreement is an ostensible one concealing another transaction; 8. As mentioned above, the Mise-en-cause Republic of Iraq is a sovereign State within the meaning of the State Immunity Act (R.S.C., c. S-18) and, as such, is in principle immune from the jurisdiction of the Canadian Courts; the tribunal seized with an action against a foreign State having the duty to raise ex officio such immunity; © Thomson Reuters Canada Limitée. Tous droits réservés. - 29 Kuwait Airways Corporation c. Iraqi Airways Company, EYB 2010-168249 (C.S.) ... 14. Under the express reserve of any other immunity provided for by law and not expressly pleaded herein, the Contestation of the negative declaration filed by Bombardier must be dismissed as a matter of law for the following reasons: a) the assets of the Mise-en-cause Republic of Iraq cannot be seized further to an order of a Canadian court, the object of such seizure being to enforce a debt arising from a judgment that has not been recognized in Canada; b) the assets of the Mise-en-cause Republic of Iraq cannot be seized by KAC for a debt, enforceable in Canada, that would be owing by IAC (the existence of such an enforceable debt being vigorously denied); c) Canadian courts have no jurisdiction to grant against the Republic of Iraq an action en «déclaration de simulation, nor to enquire as to the meaning and impact of any agreement that may have been entered into between Iraq and IAC so as to declare, as requested by KAC, that the Bombardier aircrafts, sold as per the Purchase Agreement to the Republic of Iraq, are actually owned by IAC or any other person. 98 La République d'Irak s'autorise bien sûr des deux jugements rendus dans le dossier Irak en première instance et en appel qui ont reconnu l'immunité de cette dernière en vertu de la LIE parce que ce recours mettait en jeu les actes étatiques d'un pays souverain. 99 La question qui se pose ici est toutefois différente. La République d'Irak serait impliquée ici en raison de la transaction conclue avec Bombardier, transaction qui porte sur l'achat d'avions de ligne destinés au transport commercial de passagers et de marchandises. Cette transaction, selon KAC ne relève pas d'un acte étatique d'un pays souverain (actus jure imperii) mais plutôt d'un acte commercial, ce qui constituerait alors une exception au principe d'immunité (actus jure gestionis). 100 La LIE stipule ce qui suit: ... (1) Sauf exceptions prévues dans la présente loi, l'État étranger bénéficie de l'immunité de juridiction devant tout tribunal au Canada. (2) Le tribunal reconnaît d'office l'immunité visée au paragraphe (1) même si l'État étranger s'est abstenu d'agir dans l'instance. (1) L'État étranger qui se soumet à la juridiction du tribunal selon les modalités prévues aux paragraphes (2) ou (4), renonce à l'immunité de juridiction visée au paragraphe 3(1). Se soumet à la juridiction du tribunal l'État étranger qui: a) le fait de manière expresse par écrit ou autrement, avant l'introduction de l'instance ou en cours d'instance; b) introduit une instance devant le tribunal; © Thomson Reuters Canada Limitée. Tous droits réservés. - 30 Kuwait Airways Corporation c. Iraqi Airways Company, EYB 2010-168249 (C.S.) c) intervient ou fait un acte de procédure dans l'instance. L'alinéa (2)c) ne s'applique pas dans les cas où: a) l'intervention ou l'acte de procédure a pour objet d'invoquer l'immunité de juridiction; b) l'État étranger a agi dans l'instance sans connaître les faits qui lui donnaient droit à l'immunité de juridiction, ces faits n'ayant pu être suffisamment établis auparavant, et il a invoqué l'immunité aussitôt que possible après l'établissement des faits. La soumission à la juridiction d'un tribunal qui s'opère soit par l'introduction d'une instance soit par l'intervention ou l'acte de procédure qui ne sont pas soustraits à l'application de l'alinéa (2)c), vaut pour les interventions de tiers et les demandes reconventionnelles découlant de l'objet de cette instance. 5. L'État étranger ne bénéficie pas de l'immunité de juridiction dans les actions qui portent sur ses activités commerciales. ... 12. (1) Sous réserve des paragraphes (2) et (3), les biens de l'État étranger situés au Canada sont insaisissables et ne peuvent, dans le cadre d'une action réelle, faire l'objet de saisie, rétention, mise sous séquestre ou confiscation, sauf dans les cas suivants: ... b) les biens sont utilisés ou destinés à être utilisés dans le cadre d'une activité commerciale; ... 101 L'expression «activité commerciale» est ainsi définie à l'article 2 LIE: activité commerciale» : toute poursuite normale d'une activité ainsi que tout acte isolé qui revêtent un caractère commercial de par leur nature. 102 Il s'agit donc de déterminer si la République d'Irak, lorsqu'elle achète des avions de ligne destinés au transport de biens et de personnes dans un contexte d'exploitation d'une ligne aérienne pose un geste qui relève d'une activité étatique ou commerciale. La notion d'activité commerciale a été analysée dans plusieurs décisions impliquant des états étrangers. 103 Dans l'affaire opposant les Etats-Unis d'Amérique c. l'Alliance de la Fonction Publique du Canada [1992] 2 RCS 50, la Cour suprême du Canada avait à décider si les Etats-Unis pouvaient être assujettis aux procédures d'accréditation sous l'empire du Code canadien du travail, à l'égard de militaires travaillant sur une base militaire située au Canada. 104 Cette affaire a permis à la Cour suprême de déterminer un modèle d'approche contextuelle © Thomson Reuters Canada Limitée. Tous droits réservés. - 31 Kuwait Airways Corporation c. Iraqi Airways Company, EYB 2010-168249 (C.S.) permettant d'appliquer convenablement l'exception de l'article 5 LIE. 105 Cette approche se fait en deux temps.8 Il faut d'abord déterminer la nature de l'activité et ensuite évaluer son rapport avec les procédures du tribunal national. Dans cette instance, il a été ultimement décidé que même si la négociation d'un contrat collectif de travail était assimilable à une activité commerciale, l'organisation du travail d'une base militaire confiée au commandant de la base touchait au coeur même du fonctionnement de la base et ce fonctionnement n'avait pas de rapport avec une telle activité et résultait plutôt d'un acte étatique souverain. 106 Dans son argumentation écrite, la République d'Irak allègue que les «procédures entreprises» par KAC contre elle dans le présent dossier ne portent pas sur une quelconque activité commerciale mais sur les prétendues ententes qui seraient intervenues entre elle et IAC et qui feraient de la République d'Irak un prête-nom ou un paravent visant à isoler IAC d'une éventuelle exécution sur ses biens9. 107 La République d'Irak allègue au surplus que la contestation de la déclaration négative de Bombardier par KAC n'a pas pour objet le contrat intervenu entre elle et Bombardier10 et elle ajoute11 : ... Il n'existe, selon nous, aucune différence entre le fait pour la République de l'Irak d'avoir participé à et d'avoir soutenu la défense de sa société d'état IAC dans le litige qui l'opposait à KAC en Angleterre et l'objet de la Contestation. Or, le fait de contrôler, de financer et de participer à la défense présentée par IAC a été jugé ne pas être une activité commerciale par la Cour d'appel du Québec: [77] Je ne crois pas que la participation active d'un État dans un litige impliquant sa société d 'État puisse être assimilée à un acte de nature commerciale au sens du droit canadien, et ce, même en adoptant une définition large de cette expression. Jugement de la Cour d'appel du 15 avril 2009, 500-09-019064-088 108 Les faits de la présente instance (dans la mesure où ils sont tenus pour avérés dans le contexte de la présente requête en irrecevabilité) suggèrent que la République d'Irak s'est portée acquéreure des avions et pièces de rechange, objets de la saisie avant jugement et que cette entente (Irak/Bombardier) est une simulation équivalente à une fraude paulienne. KAC veut spécifiquement attaquer cette transaction et la faire déclarer inopposable, pour ensuite démontrer que le véritable propriétaire desdits biens est IAC. 109 Cette base factuelle est fondamentalement différente de celle que le juge Chaput de cette Cour, puis la Cour d'appel du Québec ont eu à considérer lorsqu'ils ont décidé que la République d'Irak jouissait de l'immunité aux termes de l'article 3 LIE dans le dossier KAC c. Irak. Il s'agissait alors de considérer si l'intervention de l'Irak, dans un processus de défense des droits de IAC, constituait un acte étatique. Ici, la situation est toute autre. La République d'Irak est interpellée en sa qualité d'acquéreure de biens destinés à une activité commerciale et la question en litige lors de la contestation de la déclaration négative de Bombardier sera de déterminer si le contrat allégué entre l'Irak et Bombardier est opposable ou non à KAC et si les avions et pièces de rechanges saisis sont 8. Voir à ce sujet les commentaires du juge en chef Robert reproduits au paragraphe 9 du présent jugement 9. Voir paragraphes 4, 5 et 6, Plan d'argumentation de la mise-en-cause, 30 juin 2009 10. Idem paragraphe 9 11. Idem, paragraphe 10 © Thomson Reuters Canada Limitée. - 32 Kuwait Airways Corporation c. Iraqi Airways Company, EYB 2010-168249 (C.S.) la propriété de IAC. 110 Pour le soussigné, il ne fait aucun doute que l'exception à l'immunité de juridiction prévue à l'article 5 LIE s'applique ici. La République d'Irak est interpellée en tant que partie à une transaction commerciale, donc en rapport avec une implication qui relève d'un «actus jure gestionis». La nature de l'activité est l'implication de l'Irak dans l'achat d'avions. Le rapport de cette activité avec les procédures devant le tribunal national est crucial en ce que la disposition de la contestation de la déclaration négative passe nécessairement par l'analyse du rôle de l'Irak dans son implication avec cette activité commerciale. 111 Si on applique aux faits de la présente affaire l'approche contextuelle que nous suggère la Cour suprême dans USA c. Alliance de la fonction publique précitée, force est de conclure que la nature de l'activité commerciale est ici l'acquisition d'avions de ligne visant à opérer une ligne aérienne commerciale transportant des personnes et des marchandises et l'objet du litige est la détermination de qui est le véritable propriétaire des avions et pièces de rechange requis pour les opérer. Nous sommes donc en présence ici d'une «activité commerciale» au sens donné à cette expression par la LIE. 112 Dans Republic of Irak c. Export Development Corporation, J.E. 2003-1693 (C.A.), ce concept a été ainsi développé: A l'origine, la doctrine de l'immunité restreinte visait à contrer l'iniquité engendrée par l'application intégrale de la doctrine de l'immunité absolue. La doctrine de l'immunité restreinte distinguait deux catégories d'acte susceptible d'être posé par l'État étranger : les actes politiques ou souverains (jure imperii) et les actes de nature privée (jure gestionis). Selon que l'acte posé entrait dans l'une ou l'autre des catégories, les tribunaux accordaient ou refusaient l'immunité recherchée par l'État étranger. Plus particulièrement, l'immunité d'exécution n'était accordée que pour les biens utilisés dans le cadre des actes souverains ou politiques. A ce sujet, le professeur Emanuelli écrit: Deux tendances s'opposent à cet égard. D'une part, selon la théorie de l'immunité souveraine absolue, l'État étranger jouit de l'immunité de juridiction devant les tribunaux nationaux quelle que soit la nature des ses actes. Sous la même théorie, les biens de l'État étranger sont couverts par l'immunité d'exécution quel que soit le but poursuivi par leur utilisation. Au contraire, la doctrine de l'immunité souveraine restrictive limite l'immunité de juridiction de l'État étranger à ses actes politiques ou souverains (acta jure imperii) et l'immunité d'exécution aux biens qu'il utilise pour réaliser cette catégorie d'actes. La division entre les conceptions absolue et restrictive de l'immunité souveraine a longtemps trouvé écho dans la pratique des tribunaux canadiens en matière d'immunité souveraine. Toutefois, en 1982 le législateur fédéral s'est efforcé de mettre un terme à la confusion qui caractérisait la pratique judiciaire canadienne en adoptant la Loi sur l'immunité des États étrangers devant les tribunaux. Cette loi confirme de manière définitive l'application de la conception restrictive de l'immunité souveraine en droit interne canadien. [Nous soulignons] Cette approche permettait de classer tous les actes et tous les biens dans l'une ou l'autre des catégories. La Loi de 1982 n'a pas formellement repris ces expressions latines. Toutefois, tant la Cour Suprême que les auteurs ont tenu pour équivalent les expressions «activité commerciale» et «acte jure gestionis». Le témoin expert du ministère de la Justice devant le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, © Thomson Reuters Canada Limitée. - 33 Kuwait Airways Corporation c. Iraqi Airways Company, EYB 2010-168249 (C.S.) le 9 avril 1981, dit: [Traduction] [concernant] la distinction entre les actes jure imperii et jure gestionis[,] [c]es termes, qui ne sont en réalité que des équivalents fonctionnels des actes souverains et des actes commerciaux, ne sont pas eux-mêmes exempts de difficultés. Nous avons pensé qu'au lieu de se fier à une terminologie latine peut-être périmée, on pourrait se concentrer sur l'activité commerciale et la nature de cette activité. Il serait ainsi beaucoup plus facile pour les tribunaux d'adapter ce genre de critère et de délimiter le rôle qu'il joue de jour en jour. Un des problèmes inhérents au critère de l'objectif et qu'on retrouve dans le concept des actes jure imperii est la notion générale qu'un État agit toujours, en un sens du moins, en qualité de souverain. Il ne peut agir à aucun autre titre. (Délibérations du Comité sénatorial permanent des Affaires juridiques et constitutionnelles, fascicule n° 12, p. 12:9). [Nous soulignons] Il semble donc découler de cette analyse préliminaire un premier constat : aux fins de l'exception d'exécution conférée par la Loi, les biens doivent être classés dans l'une ou l'autre des catégories ci-haut mentionnées. Nous ne pouvons imaginer de situation qui permettrait de classer un bien dans une troisième catégorie. Cette bipolarité nous amène à retenir une définition large de l'expression «activité commerciale». C'est ainsi que le juge La Forest affirme «qu'un simple contrat de travail ou de louage de services [...] constitue généralement en soi une activité commerciale». En conséquence, il faut éviter de confondre l'«activité commerciale» de la Loi et la notion de «matières commerciales» mentionnée notamment au chapitre de la preuve au Code civil du Bas-Canada. (soulignements ajoutés) 113 Voir aussi Collavino Inc. v. Yemen, [2007] 9 W.W.R. 290; [2007] ABQB 212, pp 25 ss. Nos. 122 ss et plus particulièrement Nos 132 à 135: If one focuses upon the words in the definition of «commercial activity» in s. 2 of the State Immunity Act in terms of a «particular transaction», the particular transaction here is the contract for the construction of the water canals and works entered into between Collavino and the TDA. In Black's Law Dictionary, 8th ed., Thompson West Publishing «commerce» is defined as: The exchange of goods and services, especially on a large scale involving transportation between cities, states and nations. In The Oxford Canadian Dictionary, 1998, Oxford University Press, «commercial» is stated to be: Of, engaged in, or concerned with commerce. I am mindful of the caution in Re Canada Labour Code with respect to both the nature and purpose of the activity. This imports a consideration of what activity is spoken of in the context as stated by La Forest, J., para. 36, ... a better approach is to determine which aspects of the activity are relevant to the proceedings in issue and then to assess the impact of the proceedings on these attributes as a whole. The proceedings in issue arise wholly from the contract between Collavino and the TDA. In the context, that is «the particular transaction» that gave rise to the proceedings in issue. © Thomson Reuters Canada Limitée. - 34 Kuwait Airways Corporation c. Iraqi Airways Company, EYB 2010-168249 (C.S.) As stated above by Cory, J. in his enunciation ;of the principles of construction, the ultimate purpose of the TDA's action «will almost always be public». Accepting that the purpose of the TDA is public, not commercial, does not in my view detract from the plain, obvious and ordinary meaning of «commercial activity» as defined in the State Immunity Act in the context of the particular proceedings in issue. I therefore find that the commercial activity exception is applicable to remove any immunity that the TDA would otherwise have but for s. 5 of the State Immunity Act. (soulignements ajoutés) 114 Dans Ferguson c. Arctic Transportation Ltd [1995] 3 F.C. 656, les parties défenderesses ont voulu mettre en cause forcée la Commission du Canal de Panama dans le cas d'une action par Ferguson, un ancien employé réclamant des dommages subis lors d'un accident alors qu'il pilotait une barge dans le canal. La Cour fédérale du Canada a rejeté la requête en déclaration d'immunité de la commission, sur la base de l'exception de l'article 5 LIE. Le juge Reed, aux paragraphes 4 et suivants écrit: 4 The State Immunity Act, R.S.C., 1985, c. S-18, section 3, provides that a foreign state is immune from the jurisdiction of all courts in Canada, except as otherwise provided by the Act. Section 5 of the Act provides that a foreign state is not immune «in any proceedings that relate to any commercial activity of the foreign state». 5 I have no doubt that the activities of the Panama Canal Commission, as they are relevant for the purposes of this case, are commercial in nature. The Commission is responsible for the operation, management and maintenance of the Panama Canal. The Commission provides for the movement of vessels through the canal. It is paid significant amounts of money for this service. The Commission did not seriously dispute that it was engaged, at least, in part, in commercial activities. The burden is on the Commission to demonstrate its entitlement to immunity, if it wishes to rely on such. It has not done so. 6 This is not a situation similar to that which existed in Re Canada Labour Code, [1992] 2 S.C.R. 50. In that case, the alleged commercial activity (the employment of civilian staff) was peripheral to the main foreign state activity (the operation of a military base). State immunity was therefore not lost. In the present case, the commercial activity (the charging of tolls for and the movement of vessels through the canal) is central to the Commission's functions and to the transaction between the defendants and the Commission. (soulignements ajoutés) 115 Dans Lorac Transport Ltd v. Atra (The) [1987] 1 F.C. 108 (C.A.F.), la Cour fédérale d'appel s'est penchée sur le recours de la République d'Irak réclamant l'immunité dans le cadre d'une transaction aux termes de laquelle Domtar Inc. avait vendu des poteaux au Ministère de l'énergie du gouvernement Iranien. Le transport des poteaux par bateau n'a jamais pu être effectué à cause des conditions assimilées à des conditions de guerre. Le juge d'instance a refusé d'accorder l'immunité à l'Iran parce que: ...#the underlying subject-matter of the action possessed all the attributes of a private commercial or trading transaction and fell outside the sphere of governmental or © Thomson Reuters Canada Limitée. Tous droits réservés. - 35 Kuwait Airways Corporation c. Iraqi Airways Company, EYB 2010-168249 (C.S.) sovereign activity».12 (soulignements ajoutés) 116 En appel, Monsieur le juge Hugessen analyse, dans un premier temps, la jurisprudence antérieure de la Cour suprême et de la House of Lords britannique (I Congresso del Partido [1981] 3 WLR 328; [1981] 2 ALLER 1064; Flota Maritima Browning; De Cuba S.A.C. Republic of Cuba [1962] SCR 598; Gouvernement de la République du Congo v. Venne [1971] SCR 997) et conclut, avec raison, que l'immunité étatique doit être appliquée restrictivement au Canada, ce qui emporte comme corollaire que l'activité commerciale constituant l'exception au principe de cette même immunité doit être appliquée plus libéralement. Il écrira alors ce qui suit: Assuming that I am right in this opinion, the question is then to know whether the involvement of the government of Iran in the present suit results from an activity of a commercial or trading nature (jure gestionis) or one of governmental function (jure imperii). One of the clearest statements of the test is in the decision of the Federal Constitutional Court of the German Federal Republic in the case of the Claim against the Empire of Iran Case (1963), 45 I.L.R. 57, quoted with approval in I Congreso del Partido, supra, as follows [at page 80]: As a means for determining the distinction between acts jure imperii and jure gestionis one should rather refer to the nature of the State transaction or the resulting legal relationships, and not to the motive or purpose of the State activity. It thus depends on whether the foreign State has acted in exercise of its sovereign authority, that is in public law, or like a private person, that is in private law. The Iranian government comes into the present case as the holder of the bill of lading and the owner of the cargo of poles. It acquired property in the poles and title to the bill of lading pursuant to the agreement for purchase and sale entered into with Domtar. That agreement, as well as the contract of affreightment and the bill of lading, are all ordinary commercial, private law transactions. The utility poles themselves were, on the material before the Court, destined to be delivered to a number of State-owned electrical utility companies in Iran and their evident purpose is for use in the distribution of electrical energy. I can see nothing in any of this which is of other than a strictly private law character. In no way does the present action put in question the authority or the dignity of the government of Iran or interfere with its sovereign or governmental functions. I accordingly conclude that it is not open to Iran, in the circumstances, to assert a claim immunity. 117 Pendant le délibéré (cette cause ayant débuté avant 1982), la LIE a été promulguée. Le juge Hugessen l'a donc considérée et il s'en est suivi le commentaire suivant: 28 Accordingly, I am inclined to the view that the State Immunity Act should apply to the present case; if I am right, the result, although the same as the one I have reached above, can be arrived at by a much shorter route. The action is in rem against cargo owned by Iran. When the claim arose end when proceedings were commenced, both the cargo and the ship were used and were intended for use in a commercial activity, the cargo for the distribution and sale of electrical energy and the ship for the conduct of ordinary maritime transportation. By the operation of subsection 7(2) quoted above, Iran is thus not immune from the Court's jurisdiction. 118 Cette décision est citée avec approbation dans l'affaire Smith c. Chin [2006] CarswellOnt 6232. 12. Commentaires de l'arrêtiste, pp. 108-109 © Thomson Reuters Canada Limitée. - 36 Kuwait Airways Corporation c. Iraqi Airways Company, EYB 2010-168249 (C.S.) Suite à une initiative du gouvernement de St-Kitts, un programme de développement économique a été institué, aux termes duquel une personne pouvait investir 250 000,00$ dans l'économie locale et obtenir la citoyenneté de ce pays. Suite à un investissement qui n'a pas donné les résultats escomptés, le gouvernement de St-Kitts a été poursuivi en dommages. La Cour supérieure de l'Ontario (Cumming J.) a ainsi traité de l'immunité de St-Kitts et de l'exception d'activité commerciale: [39] Determining whether a state activity is a #commercial activity# is not always a straightforward exercise. In Congo (Republic) v. Venne, 1971 CanLII 145 (S.C.C.), [1971] S.C.R. 997, a case that predates the Act, a Canadian architect was retained by Congolese diplomats to design the Congo's pavilion for Expo #67 in Montreal. The architect sued the Congo on that contract. The Supreme Court held that the common law doctrine of state immunity gave the Congo immunity from the suit because the transaction involved a public sovereign act on behalf of the country. This result led Steele J. to conclude in Carrato v. United States of America (1982), 40 O.R. (2d) 459 at 461 (H.C.J.), #that acts that some persons might normally consider to be commercial are not so when they are done in the performance of a sovereign act of state. ... [41] No Canadian court has attempted to classify a foreign state's economic development program under s. 5 of the Act. In my opinion, St. Kitt's Program is like the contracts of employment encountered in Re Canada Labour Code, supra, and Butcher v. Saint Lucia, supra, in that the Program has both commercial and sovereign aspects. [42] It is clear that the purpose of the Program is to promote investment in St. Kitt's-based companies and that this is primarily a commercial objective. Yet it is also clear that the nature of the Program exhibits sovereign aspects, given St. Kitt's offer of citizenship and passport privileges to attract investors. [43] I find it unnecessary to determine whether the Program is primarily commercial or sovereign in nature because, as outlined below, I conclude that the court proceedings initiated by the plaintiffs are #related# to the commercial aspects of the Program. B. The plaintiffs# claim is #related# to the commercial aspect of St. Kitt's #Economic Development Program# [44] State immunity is preserved if the proceedings merely #touch on# or #incidentally effect# the commercial aspect of the activity. In other words, to deprive the defendant of state immunity, #the proceedings must not seriously impact or interfere with a sovereign aspect of the activity#. (Greco v. Holy See (State of the Vatican City), [2000] O.J No. 5293 at para. 2 (Super. Ct.), aff'g [1999] O.J. No. 2467 (Master); see also Butcher v. Saint Lucia, supra at para. 15, and Lorac Transport Ltd. v. Atra (The), supra at para. 22) [45] I agree with the plaintiffs that their court proceedings do not intrude upon the sovereign aspects of St. Kitt's Program. The commercial aspect of the Program is the exclusive target of the plaintiffs# court proceedings. The plaintiffs do not seek an order compelling St. Kitt's to provide Mr. Smith with citizenship or passport privileges. The © Thomson Reuters Canada Limitée. - 37 Kuwait Airways Corporation c. Iraqi Airways Company, EYB 2010-168249 (C.S.) plaintiffs# claim is limited to allegations of breach of contract, conspiracy, and misrepresentation related to what they believed to be legitimate investments in Life-Line made in accordance with St. Kitt's Program. [46] As a consequence, s. 5 of the Act applies and the defendant St. Kitt's is not immune from the plaintiffs# claim. Since St. Kitt's is not protected by state immunity, the defendant Allen is also not immune to the plaintiffs# claim. (soulignements ajoutés) 119 Il découle de l'ensemble de ces décisions que la nature de l'activité impliquant la République d'Irak est l'achat d'avions destinés à une activité commerciale. Ces avions sont apparemment destinés à être loués à IAC. L'application des principes découlant de la jurisprudence précitée et notamment de l'affaire USA c. Alliance de la Fonction Publique du Canada, eu égard au processus d'évaluation en deux étapes proposé par la Cour suprême, il est clair que la République d'Irak est engagée dans une activité commerciale et que l'objet même de l'activité en question est de nature commerciale. De plus, rien dans la globalité de cette transaction ne touche à quoique ce soit qui relève de la souveraineté de la République d'Irak et, en conséquence, l'Irak ne peut réclamer une quelconque immunité en l'instance. 120 La requête de la mise-en-cause sera donc rejetée. 121 Compte-tenu de cette conclusion, il n'y a pas lieu d'examiner ou de décider les autres questions soulevées par la requête. En effet, si la République d'Irak ne bénéficie pas d'une quelconque immunité dans le présent dossier, rien ne s'oppose à ce que la Cour supérieure se penche sur les arguments de KAC soulevés dans sa requête en contestation de la déclaration négative de Bombardier. Chapitre III : La demande de renouvellement de l'ordonnance de sauvegarde 122 Peu après l'institution des recours contre la République d'Irak et contre IAC en août 2008, cette dernière a requis et obtenu du soussigné une ordonnance de sauvegarde visant essentiellement à empêcher IAC ou l'Irak à prendre possession des avions et pièces de rechange saisis avant jugement. Cette demande s'inscrivait dans un contexte particulier où l'identité de la partie contractante avec la tierce-saisie Bombardier n'était pas connue spécifiquement. Cette ordonnance est datée du 19 novembre 2008 et survient après le jugement du juge Chaput rejetant l'action KAC c. Iran et, du même fait, cassant la saisie avant jugement préalablement obtenue dans ce dossier. Au surplus, nonobstant les saisies, il avait alors été mis en preuve que l'un des avions fabriqués par Bombardier avait quitté le Québec dans des circonstances qui n'ont pas encore fait l'objet d'un débat contradictoire. Chose certaine, KAC faisait alors état d'une crainte sérieuse de voir d'autres appareils quitter le Québec avant qu'il ne soit statué sur l'ensemble de ses droits et malgré le fait que ces mêmes avions fassent alors l'objet d'un bref de saisie avant jugement dans le présent dossier. 123 Cette ordonnance de sauvegarde a été renouvelée à plusieurs reprises et a été maintenue en vigueur jusqu'à l'audition des présentes requêtes et a été prorogée jusqu'à jugement sur celles-ci13 . Se pose donc maintenant la question de son renouvellement, lequel est vigoureusement contesté par IAC et Bombardier. 124 Le soussigné est d'avis qu'il n'y a plus lieu de proroger ladite ordonnance de sauvegarde. 125 Dans le dossier KAC c. Iraq, la saisie avant jugement a été cassée et cette décision a été confirmée en appel. Une demande d'ordonnance de sauvegarde a été requise et rejetée par le juge 13. Voir procès-verbal d'audience du 15 juin 2009. © Thomson Reuters Canada Limitée. - 38 Kuwait Airways Corporation c. Iraqi Airways Company, EYB 2010-168249 (C.S.) Pierre Dalphond de la Cour d'appel en attendant l'issue du pourvoi en Cour suprême. Le plus haut tribunal du pays adjugera bientôt sur la validité de ce recours et il lui appartiendra, le cas échéant, de rendre les ordonnances appropriées visant à sauvegarder les droits des parties. Le soussigné n'est nullement saisi de l'un ou l'autre aspect de ce dossier. 126 Dans le présent dossier, la saisie est actuellement toujours tenante et le restera au moins jusqu'à adjudication sur la contestation de KAC de la déclaration négative de la tierce-saisie ou encore tant que la Cour d'appel n'en décidera pas autrement. En effet, IAC a déjà informé le Tribunal qu'elle n'avait pas l'intention de contester la saisie sur la base de la fausseté des allégations de l'affidavit à son soutien. 127 Le soussigné est d'avis qu'une ordonnance de sauvegarde n'est plus nécessaire car une telle ordonnance ferait double-emploi avec l'ordonnance de saisie. 128 Ce n'est que lorsque jugement sera rendu sur la contestation de la déclaration négative de la tierce-saisie que la question d'une ordonnance de sauvegarde pourra se poser, si le Tribunal était d'avis que la déclaration négative est bien fondée et que sa contestation devait être rejetée. Cela aurait pour effet de rendre la saisie sans objet puisque Bombardier ne détiendrait alors aucun bien propriété de IAC. Il faudra alors ré-examiner la situation et couvrir un éventuel vide procédural de manière à assurer, si cela est nécessaire la sauvegarde des droits des parties. 129 Pour le moment, le soussigné ne voit aucun motif valable de dédoubler la protection dont IAC jouit à l'heure actuelle en vertu de la saisie avant jugement toujours tenante, en y ajoutant une ordonnance de sauvegarde au même effet. 130 La demande de renouvellement et/ou de prorogation de l'ordonnance de sauvegarde sera donc rejetée et l'ordonnance en question ne sera pas renouvelée, du moins, pour le moment. Il appartiendra à KAC de re-formuler sa demande lorsque la question de la survie de la saisie avant jugement sera de nouveau devant le Tribunal et l'opportunité d'une sauvegarde sera alors examinée à la lumière des circonstances prévalant à ce moment. CONCLUSION Pour l'ensemble de ces motifs, le Tribunal REJETTE la requête en cassation de la saisie avant jugement de Iraqi Airways Company sur la base de l'insuffisance de l'affidavit à son soutien; AVEC DÉPENS contre Iraqi Airways Company; REJETTE la requête de la mise-en-cause République d'Irak invoquant son immunité et par voie de conséquence, concluant au rejet de la contestation par Kuwait Airways Corporation de la déclaration négative de la tierce-saisie Bombardier Inc.; AVEC DÉPENS contre la République d'Irak; REJETTE la demande de renouvellement de l'ordonnance de sauvegarde prononcée le 19 novembre 2008 (et renouvelée de temps à autre jusqu'à ce jour); AVEC DÉPENS contre Kuwait Airways Corporation. Mongeon J.C.S. Me Yves Martineau, Me Laurent Fortier, pour l'appelante-demanderesse Me Marie-Josée Hogue, Me Dominique Ménard, pour l'intimée-défenderesse Me Michel Sylvestre, Me Mercedes Glockseisen, pour la mise en case-tierce saisie ANNEXE Dates de dernière soumission des notes et autorités, le 16 juillet 2009 © Thomson Reuters Canada Limitée.