La maison des jeunes Point de Mire en Bretagne

Transcription

La maison des jeunes Point de Mire en Bretagne
La maison
des jeunes
Point de Mire
en Bretagne
Texte et photos :
Mario Viboux
On ne peut pas parler de pêche à la mouche en Bretagne sans parler de monsieur Pierre Phelipot, président
d’honneur de l’Association Bretonne de Pêche à la
Mouche. Il est une référence pour tout ce qui concerne
la pêche à la mouche en Bretagne. Homme de lettres,
mais qui n’hésite pas à relever les manches, il est le cofondateur de la puissante association Eau et Rivières,
qui s’est battue contre Mosanto et qui a vaincu ce géant
de l’OGM. Il milite pour la protection des milieux
aquatiques, contre l’agriculture industrielle et contre le
laxisme des autorités. Nous avons eu la chance de rencontrer monsieur Phelipot quand nous l’avons reçu
avec toute une bande de jeunes Français, à l’été 2006.
Pour nous, il était simplement Pierre et nous l’avons
aimé sur le champ. Ça n’a surpris personne quand il
nous a invités pour pêcher la Bretagne.
Nous sommes le 24 juin et c’est le grand départ. Nous
avions prévu trois jours à Paris et nous nous sommes
beaucoup amusés. Nous avons bouquiné, visité, magasiné et surtout, nous avons retrouvé nos amis français,
les jeunes qui accompagnaient Pierre à l’été 2006.
Nous avons fait la rumba au Quartier Latin, à SaintGermain des Prés et à Montmartre. Nous étions trop
heureux de nous retrouver. Le dernier soir, nos amis
nous ont accompagnés jusqu’à la tour Eiffel qui scintillait de tous ses feux. Rémy m’a offert toute une
panoplie de mouches en oreille de lièvre qu’il avait
montée spécialement pour nous et toute la bande y est
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PÊCHE À LA MOUCHE DESTINATIONS
allée de leurs meilleurs conseils. C’était un peu triste
de nous quitter, mais nous savions que Pierre et ses
amis nous attendaient en Bretagne et nous étions vraiment en manque de pêche.
Notre première destination bretonne est le Château
de Belon. Un château, Pierre n’avait pas fait les choses
à moitié ! Le Château de Belon est réputé pour ses
huîtres et son camping est très abordable. Il est situé à
deux pas de la mer et à quelques kilomètres des rivières Isole, Aven et Ster-Goz. Pierre avait prévu de nous
guider sur ces cours d’eau, qu’il connaît comme le
fond de sa poche. Pour la pêche au bar en eau salée, il
avait fait appel à ses amis Patrick Guillemot et JeanFrançois Le Bris, des pêcheurs expérimentés en mer et
qui possèdent des embarcations à faire rêver. Le premier soir, nous avons dégusté les fameuses huîtres
creuses de Belon et c’était un délice. On s’est délectés
en prenant tranquillement conscience de toute la
chance qu’on avait.
Le lendemain, la pêche en eau salée est au programme,
mais il vente à écorner les bœufs. Les vagues sont plus
propices au surf qu’à la pêche ! Le ciel est menaçant et
la pluie ne veut plus nous lâcher. Depuis que nous
sommes en France, il pleut à chaque jour et ça continue en Bretagne. D’ailleurs, depuis 1946, l’année où ils
ont commencé à enregistrer les statistiques météo, ce
mois de juin a été le pire de toute l’histoire de la Bre-
tagne. La pluie, le vent et la température froide ont été
notre lot pendant tout notre séjour. La seule journée
qu’il n’a pas plu a été la toute dernière, alors qu’on
quittait. Nos guides Patrick et Jean-François nous
avaient bien avertis que la pêche en eau salée ne serait
pas une partie de plaisir, mais nous étions sur un nuage
et ça ne nous dérangeait pas le moins du monde.
En effet, cette première journée n’a pas été facile. Le
vent nous empêchait de lancer convenablement, la
houle donnait le mal de mer, la température était
glaciale, l’eau était trop froide pour que les bars viennent dans l’embouchure de la rivière et il était
impossible de sortir au large. Nous avons quand même
persévéré, mais en vain. Même Pascal, notre spécialiste
en eau salée, n’a réussi à prendre qu’un seul mini-bar
de sept pouces. Pourtant, nous avons tout donné. Nos
guides nous ont fait pêcher des coins magnifiques, où
les bars auraient dû se trouver nombreux et actifs, mais
les poissons n’étaient pas au rendez-vous. En embarcation, lancer sa mouche dans ces eaux tumultueuses et
garder son équilibre était tout un défi. Ce soir-là, tout
le monde avait des bleus et je ne sais plus trop qui a eu
l’idée d’accrocher un chapelet sur la corde à linge.
Le jour suivant, pendant que le groupe retourne en
mer, Pierre et moi allons à Quimperlé pour prendre les
permis. En France, le permis n’est pas requis pour
pêcher en eau salée, mais il est obligatoire en eau
douce. À titre informatif, les Français disent plutôt une
« carte de pêche » et elle coûte 30 euros pour les adultes (la carte « vacances ») et 10 euros pour les moins de
18 ans. Cette carte donne le droit de pêcher sur tout le
territoire couvert par l’AAPPMA (Association Agréée
pour la Pêche et la Protection du Milieu Aquatique)
qui émet le document. Avec cette carte, on peut pêcher toutes les espèces de poissons, mais il y a des frais
supplémentaires pour le saumon. Durant notre voyage,
nous avons acheté les cartes des AAPPMA de PontAven-Nizon et de l’Elorn. Ça n’a coûté presque rien et
nous avons pêché une foule de plans d’eau. À bas le
mythe que la pêche en France coûte cher !
En ce qui concerne les conditions météo, cette journée
était encore pire que la première. Quand je suis revenu
avec les permis, les jeunes avaient quand même pêché
intensivement, mais ils n’ont pas eu la moindre touche.
À la fin de cette autre dure journée, notre guide Patrick
nous a fait toute une surprise. Il avait apporté une partie de sa collection de cannes anciennes en bambou
refendu et quelques mouches presque centenaires.
Nous étions pendus à ses lèvres quand il nous racontait
l’histoire de ces objets. Nous avons même essayé
quelques cannes et le plus beau, c’est qu’il nous a offert plusieurs mouches anciennes. Wow ! Il n’y a pas de
plus beau cadeau pour des fanatiques de pêche à la
mouche comme nous.
Le jour 7, nous allons enfin pêcher en rivière. Les conditions ne sont guère mieux, mais au moins, en forêt
nous sommes protégés des vents. Pendant qu’une partie du groupe va pêcher l’Aven, j’accompagne Bilal,
Jean-Olivier et Guillaume sur la rivière Isole. Ce premier contact avec une rivière bretonne est une vraie
catastrophe. Non seulement l’eau est très haute et très
sale, mais la rivière est littéralement enfouie dans la
végétation : du foin, des fleurs, des ronces, des branches et beaucoup d’arbres. Comme la rivière est très
étroite (25 pieds au maximum), la précision à courte
distance est primordiale. Nous sommes à des annéeslumière de la pêche telle que nous la pratiquons ici.
Patrick, Pierre et Mario passent en revue les boîtes à mouches, au
camping du château de Belon dans le Finistère Sud.
Les jeunes se prennent partout, autant sur le lancer arrière que sur le lancer avant. C’est une vraie comédie
d’erreurs, leur mouche passe plus de temps dans les arbres que dans la rivière !
Le jour suivant, je me retrouve avec les mêmes jeunes,
plus Gabriel. Nous sommes guidés par Pierre sur la
rivière Aven, un cours d’eau qu’il affectionne beaucoup.
Avec la pratique de la veille, Bilal, J-O et Guillaume arrivent à tirer leur épingle du jeu, mais le pauvre Gabriel
est en train de se décourager complètement. Il est recrue dans le groupe de pêche et il ne maîtrise pas encore
très bien l’art du lancer. Il passe du découragement à la
colère et il finit assis dans l’herbe, complètement dépité.
Gabriel est un sportif de haut niveau (water-polo et cyclisme) qui est habitué de performer, mais là, il avait
plutôt l’air d’un pee-wee. La pêche à la mouche n’est
pas toujours un jardin de roses…
Je me suis donc occupé de Gabriel que je surnomme
affectueusement mon petit « Gabounet ». Je l’ai ramassé à la petite cuillère et il a recommencé à pêcher.
Je lui ai donné des conseils et quelques techniques de
base pour améliorer ses lancers, je lui ai suggéré les
meilleures mouches, mais il n’y avait rien à faire. Le
pauvre Gabounet n’arrivait pas à prendre un seul poisson. Je voyais bien sa soie se tendre quand il avait une
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touche, mais le pauvre n’y voyait que du feu. J’ai passé
deux bonnes heures avec lui avant qu’il me dise : « OK,
maintenant laisse-moi tranquille, je vais essayer tout
seul. » Je l’ai donc laissé, mais je suis resté pas trop loin.
Après quelques minutes à l’observer, je suis parti. Il
avait maintenant toutes les chances de réussir.
En remontant la rivière, je croise les autres jeunes. Ils
ont bien pris quelques gardons et truitelles, mais rien
pour écrire à sa mère. Si nous avions trouvé la rivière
Isole petite, l’Aven l’était encore plus. À peine 15 pieds
de large et très peu profonde. Je remonte encore un
peu la rivière et j’arrive sur une toute petite fosse qui
semble assez profonde. J’essaie d’abord quelques sèches en cul de canard (CDC), mais rien ne bouge.
J’essaie avec une nymphe, mais toujours rien. Je sors
donc l’arme fatale : un Woolly Bugger olive monté sur
un hameçon numéro 8 avec une bille en tungstène.
Aussitôt qu’il dérive dans la fosse, BANG ! La truite
part dans tous les sens et je la bride du mieux que je
peux. Mon avançon est très fin (2 lb de résistance) et
je dois éviter à tout prix que le poisson se faufile sous
la berge ou dans la callitriche, ces grands herbiers qui
tapissent le fond des rivières.
C’est une magnifique fario d’une douzaine de pouces.
Après la graciation de ce très beau poisson, on comprend mieux pourquoi Pierre aime tellement cette
rivière. Il faut dire que toutes les rivières bretonnes que
nous avons pêchées sont magnifiques. Je vous suggère
l’excellent livre, GOLDEN DAYS, de Romilly Fedden,
Tanya sur la rivière Aven dans le Finistère Sud — Fario de la rivière Aven.
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PÊCHE À LA MOUCHE DESTINATIONS
sur la pêche à la mouche en Bretagne. C’est tout à fait
cela. Une pêche très technique où la précision est de
mise. On utilise une petite canne pour soie 3 ou 4 et le
lancer roulé est à l’honneur. Pas besoin de bottes-pantalon puisqu’on n’entre jamais dans la rivière. On
pêche avec un bas de ligne ultra fin et des mouches
de grosseurs 14 à 22. J’ai souvent pensé à mon ami
Claudel Déry durant ce voyage, un fervent de ce genre
de pêche. Claudel est dans une classe à part et il aurait
sans doute fait le carton du siècle !
Pour ma part, j’étais loin de cartonner. Néanmoins,
ça revenait tranquillement. Mes réflexes de pêcheur
de ruisseaux refaisaient surface. Les jeunes aussi
s’adaptaient. C’était tout nouveau pour eux et ils commençaient à y prendre plaisir. Ils avaient de plus en plus
de touches, mais encore beaucoup de mal à ferrer.
Comme les truites bretonnes ne mordent jamais deux
fois, ce n’était pas évident pour eux. Le lendemain, nous
partons pour Carantec, dans le Finistère Nord, après un
séjour très éducatif passé dans le Finistère Sud. Jusqu’à
maintenant, notre voyage est planifié et organisé de
main de maître. C’est un dépaysement total et nous découvrons quelque chose de nouveau chaque jour.
Après avoir installé notre campement à Carantec, nous
partons vers Morlaix pour rencontrer d’autres amis à
Pierre. Nous avions rendez-vous dans la dernière véritable boutique de pêche à la mouche de toute la
France. En fait, il y en a une autre à Paris, mais c’est
tout. Cette boutique appartient à un ami de Pierre et
elle est remplie de belles choses et de livres sur la pêche à la
mouche. Comme je suis un grand amateur de livres, j’ai fait
une razzia digne de ce nom. Voici quelques titres qui pourraient peut-être vous intéresser : Ô SALMO de Jean René
Lalanne, éd. Atlantica; DIX ANS DE PLAISIR DE LA
PÊCHE de André Gagniard, éd. par l’auteur; MÉMOIRE
D’UN PÊCHEUR AU FOUET de Jean-Paul Pequegnot, éd.
par l’auteur; TESTAMENT D’UN PÊCHEUR À LA MOUCHE par John D. Voelker (Robert Traver), éd. Gallmeister.
Bilal et Guillaume sur une des rives de la rivière Aven, Finistère Sud
Ensuite, nous planifions notre séjour avec Jean-Pierre Lagathu, Paul Troël et Philippe Le Maux, les amis de Pierre qui
allaient nous épauler dans le Finistère Nord. Malgré une
météo qui continue de dépérir, nous convenons de commencer sur la rivière Elorn et le lac Drenec. Pierre nous avait
dit que c’était l’une des plus belles rivières de Bretagne et
nous avions hâte d’y être. C’est Paul, un fin moucheur et
grand illustrateur, qui allait nous accompagner. Le monde est
petit, puisque le fils de Paul habite sur la rue Gordon, à
quelques pas de la maison de jeunes à Verdun. Pour fêter cela,
voilà qu’il nous invite à souper chez lui. Après plusieurs jours
de camping avec des conditions climatiques rudes, la cuisine
maison et le confort du foyer n’étaient pas de refus.
Pour la pêche en eau salée, ça s’annonçait plutôt mal : des
vents à 50 km/h avec des rafales à 70 km/h. On espérait que
les conditions s’améliorent, mais ce n’était pas prévu avant
plusieurs jours. Jean-Pierre, un pêcheur en eau salée et un
monteur émérite, aurait bien voulu nous guider dans ses bons
coins de pêche au bar, mais il n’était pas très optimiste. Nous
convenons de rester en contact et de planifier une éventuelle
sortie si les conditions s’annoncent favorables. De son côté,
Philippe propose de nous guider sur le haut de la rivière
Penzé. D’après les dernières nouvelles, elle est haute, mais
parfaitement pêchable. Nous sommes enchantés par ce programme et le lendemain matin, en route vers la maison de la
rivière à Sizun, c’est comme si on roulait sur un nuage !
Nous rencontrons Marcel Jaffrès, un pilier de la maison de la
rivière Élorn et guide très demandé. Il pêche cette rivière
depuis son enfance et il connaît la région comme le fond de sa
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poche. Après s’être procurés notre droit de pêche, nous
partons enfin à l’aventure. Les jeunes ont le choix entre le lac Drenec et la rivière Elorn, mais en voyant la
toute petite rivière recouverte d’une végétation luxuriante et abondante, ils optent tous pour le lac. L’eau de
la rivière est cristalline et son lit est constitué de beaux
graviers parsemés de callitriche, ces longues herbes
aquatiques qui ondulent avec le courant. Pour JeanOlivier et moi, c’est le coup de foudre instantané !
Tanya pêche dans le surf sur une plage de Riec-sur-Belon.
Pendant que le reste du groupe part vers le lac Drenec
avec Paul et Marcel, Jean-Olivier et moi commençons
à pêcher l’Elorn. Ce coup-ci, nous sommes prêts. Nous
avons une petite canne pour soie numéro 3, un long
bas de ligne avec un avançon de 1.5 livre de résistance
et toute une panoplie de mouches dans les numéros 8
à 18. Je laisse Jean-Olivier sur un secteur prometteur
et je commence à remonter la rivière. Bien que l’eau
soit claire comme du gin, les truites sont petites et difficiles à voir. Au début du voyage, Pierre m’avait dit
qu’elles se cachent souvent dans la callitriche. À la première talle venue, je lance une mouche # 16 en CDC,
faite par Claudel Déry lui-même. Aussitôt que la
mouche se dépose, une truite jaillit de la callitriche et
bondit sur la mouche. Elle la gobe et presque simultanément, la recrache en un éclair. Ces truites
bretonnes sont vraiment quelque chose…
Je remonte la rivière jusqu’à la talle de callitriche suivante et je relance la mouche de Claudel. Aussitôt
qu’elle touche à l’eau, BANG ! Encore une fois, une
truite jaillit de la talle. Ce coup-ci, je ferre pile-poil.
Aussitôt, la « p’tite gueuse » tente de regagner son repaire. La canne est bandée jusqu’au manche, mais il
n’est pas question qu’elle aille se fourrer là-dessous.
Elle part donc à 100 km/h pour gagner l’escarpement
sous la rive opposée. Il n’y a pratiquement aucune tension sur mon frein et elle me prend un peu de soie,
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PÊCHE À LA MOUCHE DESTINATIONS
mais pas question qu’elle aille là non plus. Finalement,
à bout de force, elle abandonne. Je contemple un instant cette belle fario bretonne et je la remets à l’eau
sans attendre. Elle repart au quart de tour et devinez
où elle se dirige ? Directement dans la callitriche…
Après deux autres truites prises sensiblement comme
la première, j’arrive sur une longue portion de rivière
complètement enchevêtrée de branches, un véritable
tunnel végétal. Je remonte au début de ce tunnel et je
commence à pêcher en descendant, en plein milieu de
la rivière, en faisant des lancers roulés vers les
éventuels repaires de truites. Il y a beaucoup de
branches et je dois faire des lancers très courts. Aucune
touche, c’est bizarre... Je me dis que c’est peut-être
moi qui les alerte, je décide donc d’utiliser le courant
pour faire descendre ma mouche vers les poissons. J’attache une de mes nymphes favorites, une petite Casual
Dress #12 avec un casque. C’est une mouche de mon
ami Yvon Gendron, un partenaire de longue date de la
maison de jeunes. À la première tentative, BANG ! J’étais parti pour la gloire.
J’en ai échappé quelques-unes, mais j’en ai pris
plusieurs. Je faisais le carton du siècle. Un peu plus tard,
Jean-Olivier me rejoint et il me demande : « Ça mordstu ? » Je lui dis que c’est l’enfer sur terre et qu’il doit se
péter tout un « party » lui aussi. Mais non, rien du tout,
le pauvre se tape la bredouille. Sur le coup, il me dit « je
ne te crois pas, ça ne se peut pas » et au même moment,
une truite attaque ma Casuel Dress qui dérive audessus d’une talle de callitriche. Il n’en revient tout
simplement pas. Je prends quelques minutes pour lui
donner quelques conseils, mais il me dit qu’il veut partir pour pêcher le lac. En revenant vers le véhicule, il
finit tout de même par faire monter une belle truite,
mais il la manque sur le ferrage. Il essaie une autre talle
de callitriche et BANG ! Il la ferre comme un vrai pro
et c’est parti les kikis ! Finalement, nous avons pêché la
rivière jusqu’à la toute fin de l’après-midi…
Après cette superbe journée de pêche, on roulait vers
le fameux lac Drenec en se demandant comment avait
été la pêche pour le reste du groupe. On se rappelait
ce que Pierre avait écrit sur le programme de notre
voyage : « Lac Drenec, très grosses truites indigènes. »
En arrivant, nous apprenons une bien triste nouvelle :
les jeunes n’ont pris que du gardon, une espèce très
commune en France. Hein ?! Alors qu’ils se trouvaient
sur le plus réputé lac à truites de toute la Bretagne, ils
ne prenaient que du gardon. Nous partons vers le lac
pour pêcher les coins à truites, mais il vente à écorner
les boeufs. Même avec nos équipements numéro 8,
nous avons peine à lancer, mais nous nous rappelons les
paroles de Marcel : « il n’est pas nécessaire de lancer
loin, les grosses truites patrouillent sur les bords. » En
effet, après quelques lancers, BANG !
Je ferre, mais je suis surpris par le poids du poisson.
Depuis que nous sommes en Bretagne, nous prenons
de très petites truites, mais là c’est du costaud. Le poisson se décroche après seulement quelques secondes. Il
ne fait aucun doute, c’était tout un poisson. Puis, j’entends crier Jean-Olivier, qui n’est pas trop loin. Il est
aux prises avec une belle grosse arc-en-ciel qui fait des
bonds prodigieux. À la vue du spectacle, les autres jeunes s’amènent et c’est le signal de départ. Tout le
monde commence à pêcher la truite frénétiquement.
Au même moment, BANG ! Un autre poisson attaque
mon streamer. Ce coup-ci, je ferre solidement et le
combat s’engage. C’était trop beau !
Le lendemain, la météo est déchaînée. C’est encore
pire que tout ce que nous avons connu jusqu’à maintenant. Il est hors de question de pêcher en eau salée.
Nous décidons de retourner sur le lac Drenec, alors que
Joannie et Pascal retournent sur l’Elorn, qu’ils ont à
peine pêchée la veille. Je prends Gabounet avec moi et
nous partons pêcher le côté du lac le plus exposé au
vent. La pêche est toujours à son meilleur là où porte
le vent. Il tombe un crachin permanent entrecoupé
d’averses assez fortes et le vent nous souffle tout ça au
visage. On doit même crier pour se parler. Ce n’est pas
facile, mais Gabriel ne lâche pas et il donne son 110 %.
Après quelques minutes, BANG ! À la limite de l’herbier, une très grosse truite engloutit ma mouche.
Tanya à la sortie du port de Belon, Finistère Sud.
Aussitôt ferrée, elle décolle comme une fusée et elle
me dévide toute ma soie d’un trait !
Je me dis que c’est sûrement le monstre du lac et j’appelle Gab de toutes mes forces. Pendant ce temps, la
truite saute sans arrêt et elle ne veut rien savoir de
venir vers le bord. Je n’ai pas l’habitude de m’exciter
lorsque je prends un poisson, mais là c’était bel et bien
le cas. Je carburais à l’adrénaline pure. Quand nous
avons vu le poisson de près, j’ai regardé Gabounet et il
avait la mâchoire complètement décrochée. C’est vraiment le monstre du lac ! Quand j’ai enfin tenu le
poisson dans mes mains et que nous avons pu admirer
sa robe magnifique, Gab a sorti la caméra pour faire
une photo. Au moment même où il s’apprête à déclencher, la truite se cabre et bondit hors de mes mains
pour atterrir dans l’herbier à mes pieds. Mon bas de
ligne s’entortille autour des tiges et aussitôt que la truite décolle vers le large, tout pète « fret net sec ».
J’ai dit à Gab : « ce n’est pas grave Gabounet parce que
nous avons contemplé tout un poisson » Andy, Bilal,
Jean-Olivier et moi en avons pris plusieurs cette
journée-là, un peu plus petites, mais toutes des arcs-enciel magnifiques. Jusqu’à maintenant, ce voyage en
Bretagne était mémorable. Pendant l’hiver, Pierre nous
avait écrit que notre périple breton serait inoubliable,
mais c’était au-delà de nos espérances. Nous pêchions
Pierre et Guillaume sur le bord de la rivière Isole, Finistère Sud.
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des plans d’eau très jolis et très poissonneux et tous les
jeunes avaient de l’action à profusion. Quand ce n’était
pas avec une belle truite, c’était avec des chevaux qu’ils
rencontraient sur le parcours des rivières, ou encore des
vaches, des limaces géantes ou des « ventres de boeufs »,
ces trous de boue où on s’enlise complètement. Les
paysages étaient exotiques à souhait et nous pêchions
avec des gens admirables. Nous étions choyés !
Pour notre dernière journée, Philippe Le Maux nous accompagne sur un parcours de pêche qu’il aime
particulièrement, la rivière Penzé. Notre guide en eau
salée, Jean-Pierre Lagathu, nous accompagne aussi. On
répartit les jeunes et je demande à Philippe de s’occuper de Christine et de mon pauvre petit Gabounet qui
n’a toujours rien pris. Pour ma part, je m’occupe
d’Éloïse qui n’a jamais pris une truite de toute sa vie.
J’explique à Élo comment pêcher avec une nymphe et
je ne la lâche pas tant que la technique n’est pas parfaite. Comme elle est débutante, elle peine un peu pour
lancer, mais elle pêche de mieux en mieux. Après une
heure, nous remontons un peu la rivière pour lancer
dans la première talle de callitriche venue. BINGO !
C’est une toute petite truite, mais avec le courant et
son ensemble léger (# 5), Élo jubile. Elle est tellement
énervée qu’après la remise à l’eau elle me demande
« c’est bien moi qui l’ai prise ? » Oui, c’était bien elle
et on pouvait dire « mission accomplie ». En revenant
vers notre point de rendez-vous, je vois arriver
Gabounet qui fonce droit sur moi. Il a le sourire fendu
jusqu’aux oreilles et je me doute bien qu’il a pris sa
première truite. Il me dit qu’il en a pris non pas une,
mais bien deux et tout seul à part de ça. On se fait le
« hug » du siècle et je le félicite chaleureusement.
Quelle journée ! Ce soir-là, nous avons mangé dans
une crêperie et l’ambiance était à la fête. Surtout que
Jean-Pierre avait les prévisions météo et que le lende-
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PÊCHE À LA MOUCHE DESTINATIONS
Pascal avec le seul bar du voyage, Carantec, Finistère Nord.
main matin, les conditions étaient enfin bonnes pour
pêcher en eau salée. Comme il était beau ce lever du
soleil sur cette plage de Carantec. Eh oui, pour notre
dernière journée le soleil se montre enfin. Pour les bars
par contre, c’est une autre histoire. Nous n’avons vu
qu’un tout petit banc et quelques égarés ici et là. Pascal
a quand même pris son deuxième bar et il était pas mal
du tout. Vers 7 h, la marée commence à monter et le
courant à se former. Vers 7 h 30, ça devient intense et
sur une brisure, je lance à 45 degrés vers l’amont. Aussitôt que ma mouche touche à l’eau, je mets ma canne
sous le bras et je commence à tirer rapidement sur ma
soie avec mes deux mains. Ma Seaducer nage à une
vitesse folle quand soudain, un bouillon de l’enfer se
forme en plein sous ma mouche ! Hélas, nous devons
partir. Jean-Pierre et toute la bande m’attendent depuis
déjà trop longtemps. J’ai eu beaucoup de mal à quitter
la Bretagne.
Un énorme MERCI à Monsieur Pierre Phélipot, sans
qui rien de tout cela n’aurait été possible. Il nous a concocté un voyage de rêve ! À ses amis, qui sont devenus
nos amis, Marcel Jaffrès, Jean-Pierre Lagathu, Philippe
Le Maux, Paul et Maryvonne Troël, Patrick Guillemot
et Jean-François Le Bris, merci pour votre aide précieuse. Merci à tous ceux qui nous appuient en se
procurant notre fameux café du pêcheur ou notre DVD
d’initiation à la pêche à la mouche pour les jeunes, dans
les grands salons de pêche. Merci à tous nos généreux
donateurs qui se reconnaîtront ici. Merci à nos fidèles
amis, Monsieur le Député Henri-François Gautrin,
Maître Gérard Lagüe de la Cour municipale de Montréal, Messieurs Yvon Gendron de Mouches Neptune,
Peter Farago de Classique Angler et Roméo Pépin de
Snowbee. Nous remercions aussi nos partenaires de
Moisson Montréal et de la SEPAQ. Merci à Messieurs
Claudel Déry, Thibaut Millet, Denis Blanchet et Michel
Beauregard pour les ateliers qu’ils ont animés dans le
cadre de notre nuit de montage pour la France. Enfin,
merci à notre bon ami Pascal Moreau.