Décembre 2005 A défaut d`un toit, une toile de tente

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Décembre 2005 A défaut d`un toit, une toile de tente
Photo : Boyan Topaloff
A défaut d’un toit,
une toile de tente
Décembre 2005
Contacts presse
Annabelle Quenet/Florence Priolet
Tél : 01 44 92 14 31/32
www.medecinsdumonde.org
SOMMAIRE
A DEFAUT D'UN TOIT, UNE TOILE DE TENTE..................................1
INTRODUCTION ............................................................................2
I. VIVRE DANS LA RUE ..................................................................3
1- De qui parle-t-on ? ..................................................................3
a) Données et profils..............................................................3
b) Données Médecins du Monde...............................................4
2- Vivre dans la rue ruine la santé .................................................4
a) conséquences sur la santé physique et mentale.....................4
b) Les obstacles à l’accès aux droits.........................................6
II. TEMOIGNAGES
III. POUR UNE MODIFICATION PROFONDE DES DISPOSITIFS
D’HEBERGEMENT ...........................................................................7
1 - Pour une refonte des hébergements d’urgence ..........................7
2 – Pour sortir de l’urgence et trouver des solutions durables ...........8
Annexe : Médecins du Monde auprès des personnes à la rue .......9
Une pratique médicale de proximité .................................................9
Les missions SDF de Médecins du Monde .........................................9
1
A DEFAUT D'UN TOIT, UNE TOILE DE TENTE
Vivre dans la rue détruit la santé, les 16 missions qui travaillent auprès des personnes sans
domicile le constatent tous les jours. Patrick Declerk1 le dit avec justesse : vivre dans la rue
est une « torture » : privation de sommeil, privation de nourriture, hypothermie,
isolement… Nous retrouvons là, terme à terme, le quotidien de la vie à la rue.
Au commencement de l’hiver, une quinzaine de sans abris sont déjà morts de froid en
France. Cette situation se retrouve également dans d’autres villes d’Europe.
Les personnes dans la rue sont en danger de mort, et notre rôle est de leur porter
assistance, dans le cadre d’un véritable devoir de protection. Mais nous ne pouvons pas
continuer.
Nous ne pouvons plus continuer, en toute sérénité, à aller dans la rue pour apporter des
soins de base, distribuer des cafés, sandwichs, sacs de couchage, alors que notre rôle de
médecins est de protéger et d’améliorer la santé des personnes rencontrées. Comment
imaginer qu’elles ne sont pas en danger alors qu’elles doivent dormir par terre, malgré la
violence, le froid et la pluie ?
Nous ne pouvons plus continuer à proposer un hébergement aux personnes dans la rue
sans être sûrs d’obtenir une réponse positive des dispositifs d'urgence, souvent après être
restés longtemps en attente au téléphone pour les joindre.
Nous ne pouvons plus continuer à cautionner les défaillances de la mise à l’abri des
personnes en danger dans la rue.
Nous devons demander des pouvoirs publics de proposer un hébergement adapté, immédiat
et durable à toute personne SDF qui le souhaite. Nous devons refuser que le lendemain,
trois jours, ou un mois après elle se retrouve à nouveau dans la précarité de la rue.
Pour se faire enfin entendre, Médecins du Monde se mobilise depuis le 21
décembre pour réclamer des mesures concrètes et simples :
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nous demandons l’interdiction de remettre à la rue sans leur accord les
personnes à qui un hébergement a été proposé.
pour cela, nous demandons la création de logements et d’hébergements en
nombre suffisants et adaptés aux ressources et modes de vie des personnes
nous demandons de sortir des solutions d’urgence, rythmées par des impératifs
climatiques et médiatiques, pour mettre en place des solutions d’hébergement
adaptées et permanentes.
Le 21 décembre au matin, nos équipes sont allées dans tous les arrondissements
de Paris, proposer une tente aux personnes qui dorment et vivent dans la rue,
pour que, faute d’un toit, elles aient au moins un abri. Dans les jours et les
semaines suivantes, Médecins du Monde continuera à distribuer des tentes, en
attente d’une réponse des pouvoirs publics.
Au-delà de cet abri, ces tentes sont le symbole du toit que l’on doit offrir à toutes les
personnes qui le souhaitent. Ce sont des balises de détresse, destinées à donner de la
visibilité aux lieux où elles sont obligées de dormir. Elles ne sont qu’une solution de secours
temporaire en attendant que des places permanentes soient trouvées dans des centres
d’hébergement, puis des logements.
1
Patrick Decklerk, Le sang nouveau est arrivé, Gallimard, 2005
1
INTRODUCTION
Si des mesures ont été prises au cours des dernières années pour ouvrir plus de
places dans les centres d’hébergement, et notamment en période hivernale, nous
ne pouvons pas accepter que des personnes continuent malgré tout à rester
dormir sur les trottoirs, au risque de leur vie.
Pour les 16 missions de Médecins du Monde qui travaillent au quotidien depuis plusieurs
années auprès des personnes Sans Domicile Fixe, le constat est alarmant.
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-
Tous les jours, des personnes sont refusées par manque de places. Lorsqu’elles en
trouvent une, le répit est éphémère puisqu’il ne dure bien souvent que quelques jours.
Si la personne souhaite réintégrer une place d’hébergement, elle doit alors recommencer
ses recherches. Devant cette perpétuelle quête, beaucoup finissent par renoncer.
Le 27 novembre, le Premier Ministre a demandé que les personnes sans domicile fixe
salariées bénéficient d’un hébergement consécutif de 30 jours. Médecins du Monde ne
peut se satisfaire de cette mesure qui introduit une discrimination entre les personnes. Y
aurait-il un bon profil pour avoir accès à un hébergement sur une plus longue durée?
Tous les hommes dans la rue ne sont ils pas égaux face au froid, à la pluie, au manque
de sommeil, à l’exclusion, à l’insécurité ? Faut-il « mériter » un toit ?
Chaque année apporte son lot de décès de personnes à la rue, vite oubliées. Ces
dernières semaines encore, la vague de froid serait la cause des 15 décès. A moins de
reconnaître que vivre dans une voiture, dans un cabanon, dans une forêt, dans un
parking, dans un vide-ordures, dans la rue ne marque l’échec de notre société, qui n’est
pas en mesure de protéger les siens et de permettre l’accès de tous dans un premier
temps à un hébergement, puis à un logement, un « chez-soi ». Nous rappelons que l’on
compte autant de décès de personnes sans abri en été qu’en hiver. Errant toute l’année
dans la rue, ils sont accablés d’une souffrance sans trêve.
Depuis 1993, les bénévoles de Médecins du Monde travaillent auprès des SDF pour
permettre un accès aux soins, une ouverture de droit à une couverture maladie
mais aussi pour faire reconnaître le droit de toute personne à avoir un logement.
IL N’Y A PAS DE SANTÉ SANS TOIT.
La mission SDF de Médecins du Monde à Paris est née durant l’hiver 1993 pour faire face à
une vague de froid. De nombreuses personnes sans domicile s’étaient regroupées à la
station St-Martin, cherchant un refuge pour la nuit. Très vite saturée, la station a fermé ses
grilles. Médecins du Monde a installé dès le lendemain, une grande tente ouverte toute la
nuit où se relayaient de nombreux bénévoles (médicaux ou non) pour accueillir, informer,
apporter des premiers soins et accompagner ces sans abris vers des foyers d’urgence.
A l’époque, nous pensions que cette mission durerait quelques semaines au plus, qu’il
s’agissait de répondre à l’urgence, comme Médecins du Monde le fait dans ses missions
internationales.
Douze ans après, il est impossible de continuer à parler d’urgence face à une
situation qui se répète chaque hiver. Médecins du Monde prend aujourd’hui la
parole pour dire « stop » aux solutions éphémères et inadaptées qui ne
correspondent pas aux besoins des personnes sans domicile fixe.
NOUS DEMANDONS QU’IL SOIT AU PLUS VITE INTERDIT DE REMETTRE A LA RUE
TOUTE PERSONNE HEBERGEE SANS LUI AVOIR PROPOSÉ UNE AUTRE SOLUTION.
NOUS DEMANDONS À L’ETAT DE METTRE EN PLACE UN DISPOSITIF
D’HÉBERGEMENT ANNUEL ET ADAPTÉ À TOUTES LES PERSONNES QUI LE
SOUHAITENT.
2
I. VIVRE DANS LA RUE
1- De qui parle-t-on ?
a) Données et profils
Une enquête menée par l’Insee en 2001 a permis d’évaluer à 86 000 le nombre de
personnes sans-domicile en France, dont 15 000 en Ile de France. Mais ce chiffre est sans
aucun doute sous-estimé. Ainsi, la Fondation Abbé Pierre estime qu’en 2005, au moins
100 000 personnes sont sans domicile fixe et 700 000 personnes sont «aux portes du
logement» (hébergement chez un proche, chambre d’hôtel, cabane, construction de
fortune…).
Enfin, en 2001, plus de 1,2 millions de personnes vivaient dans les logements insalubres,
dépourvus de confort de base (douche, wc ou des deux) et 1 million dans un logement
surpeuplé 2.
Derrière les données statistiques, les personnes à la rue regroupent des parcours et des
profils variés :
-
Les « clochards » : fortement désocialisés, exclus de la société, les « clochards »
vivent généralement seuls dans la rue depuis plusieurs années. Ils se regroupent parfois
pour quelques jours ou mois mais ces tentatives sont alors bien souvent cassées par la
dispersion du groupe par les forces de l’ordre : ils sont devenus trop visibles ! Une
succession d’échecs répétés les a conduits dans la rue. Ce parcours est lié pour
beaucoup à des difficultés insurmontables de socialisation dont l’origine remonte souvent
à l’enfance3.
-
Les « jeunes errants » : à la différence des précédents, les « jeunes errants » vivent
fréquemment en petits groupes, se définissant autour de traits culturels partagés
(musique techno, participation à des free parties, teknivals et autres groupements
saisonniers autour de la musique). Ils ont une forte mobilité géographique et restent
généralement peu de temps dans une même ville.
-
Les « demandeurs d’asile à la rue » : il s’agit d’immigrants en demande d’asile. Ils
sont arrivés récemment en France et se retrouvent contraints à dormir dehors faute
d’une capacité d’accueil suffisante des structures d’hébergement qui leur sont
normalement destinées. La vie dans la rue est une conséquence conjoncturelle de
l’absence de droits au travail (qui rend impossible de louer un logement, même en cas
de travail non déclaré) associée à l’absence de prise en charge spécifique.
-
Les « travailleurs sans toit » constituent une autre réalité de la rue. Selon une étude
de l’Insee publiée en 2004 trois sans domicile sur dix ont un emploi, en général précaire
et quatre personnes à la rue sur dix sont inscrits à l'ANPE, donc dans une dynamique de
recherche d'emploi.
Les conditions d’existence des personnes sans domicile fixe sont très diverses
mais ils sont confrontés à des difficultés similaires dans la rue. Ces travailleurs
pauvres, qui n’ont pas suffisamment de ressources pour payer les loyers actuels et se
maintenir dans un logement décent, partagent aujourd’hui la rue aux côtés des «habitués».
Ces nouvelles personnes à la rue glissent inexorablement vers l’exclusion, nous les
rencontrons chaque jour au cours de nos maraudes. Rappelons que la vie dans la rue n’est
que très rarement un « choix de vie » mais la conséquence de difficultés sociales et
d’absence de solutions d’hébergement adaptées aux besoins des personnes.
2
3
Rapport 2005 sur l’état du mal-logement – Fondation Abbé Pierre
Patrick Declerck, « les naufragés ; avec les clochards de Paris », Plon, 2001
3
b) Données Médecins du Monde
En 20044, 18% des patients reçus dans les centres de soins de Médecins de Monde
vivent à la rue et 39% des patients déclarent vivre dans un logement très précaire
(hébergement chez des amis ou de la famille, squat aménagé, caravane, centres
d’hébergement et de réinsertion sociale …) : ce sont donc près de 57% de ces personnes
qui sont en grande difficulté de logement.
Les hommes sont, en proportion, deux fois plus nombreux que les femmes à être sans
logement (23,8% vs 10,6%).
D’autre part, la proportion de personnes sans logement est deux fois plus élevée parmi les
patients français que parmi les étrangers (37% vs 15,5%).
Les patients sans logement sont significativement plus jeunes que les patients vivant dans
un logement fixe ou précaire.
Il faut noter par ailleurs que près de 10% des sans domicile sont mineurs. Il s’agit pour
l’essentiel de jeunes étrangers dont la moitié sont âgés de moins de 7 ans et le quart de 15
ans et plus.
97.5% des patients sans domicile rencontrés à Médecins du Monde vivent avec moins de
576,13 euros par mois (seuil CMU/AME).
La quasi totalité des étrangers sans domicile (97%) et plus de la moitié des
patients français (63.6%) ne disposent d’aucune ressource.
Pour ceux qui travaillent, la faiblesse des revenus perçus ou la précarité des contrats de
travail, ne leur permettent pas d’accéder à un logement indépendant. La saturation des
dispositifs sociaux et des hébergements d’urgence accentuent la descente vers l’exclusion.
Enfin, trop souvent, l’absence de logement rime avec solitude. 71% des personnes sans
domicile vivent seules, contre 35% des personnes vivant dans un logement, même précaire.
Cependant, parmi les personnes à la rue, on compte près de 3% de personnes
seules avec un ou des enfants.
2- Vivre dans la rue ruine la santé
a) conséquences sur la santé physique et mentale
Chaque jour, notre expérience nous le montre : la vie dans la rue, la précarité et les retards
d’accès aux soins augmentent considérablement le nombre d’infections, de traumatismes,
de pathologies dermatologiques et de dépressions. L’absence de logement entraîne
épuisement, mauvaise alimentation, difficultés face à l’hygiène et rend les personnes plus
vulnérables d’un point de vue sanitaire.
L’espérance de vie de ceux qui vivent et dorment dans la rue est aujourd’hui de 43
ans comme le rapporte le collectif pour les Morts de la rue.
Les analyses conduites depuis plusieurs années par l’Observatoire de l’accès aux soins de
Médecins du Monde montrent la prédominance ou l’aggravation de certains problèmes de
santé liés à la vie à la rue et la précarité.
Ainsi, les personnes à la rue présentent plus fréquemment que les autres patients
-
des infections ORL et respiratoires (12,5% vs 10,8%)
des pathologies dermatologiques (14,5% vs 10,1%) :
Les problèmes dermatologiques sont liés essentiellement au grand nombre de kilomètres
qu’effectuent les SDF pour chercher à manger, à se doucher ou tout simplement pour se
4
ces données sont issues du rapport de l’Observatoire de l’accès aux soins de la Mission France de Médecins du
Monde, rapport 2004
4
réchauffer tout au long de la journée. Les pathologies vont des simples mycoses à des
infections cutanées mettant en jeu le pronostic vital.
Un exemple : en juillet 2005, un SDF est vu en consultation à la gare du Nord. Outre
une gale et une infection bronchique, il se dit gêné pour marcher.
L’examen révèle un abcès avec infection locorégionale. Il est pris en charge par l’équipe
de MDM et accompagné aux urgences. Les formalités d’admission se terminent vers
minuit. Une heure après, l’hôpital appelle, le médecin refuse d’admettre ce patient.
L’équipe doit alors ramener le patient à la rue après lui avoir donné un traitement. Le
lendemain, devant une aggravation de son état, le patient sera de nouveau adressé à
l’hôpital où sera diagnostiqué une affection à germe résistant. Il restera plusieurs jours
en chambre confinée.
un état bucco dentaire désastreux.
Les bilans pratiqués lors de ces consultations révèlent un état bucco-dentaire dégradé,
avec un nombre plus élevé de dents absentes que dans la population générale. Cela nuit à
l’alimentation de ces personnes qui n’ont souvent que des sandwichs pour tout repas.
-
- des traumatismes très fréquents
La fréquence des consultations pour traumatismes chez les personnes sans logement est
près de deux fois plus élevée que pour les autres patients. Ce phénomène est lié au mode
de vie et aux risques de la rue. Les personnes à la rue consultent à la suite d’accidents de la
voie publique, mais aussi de morsures d’animaux, de brûlures, d’agressions physiques, de
chutes entraînant plaies et contusions diverses… autant de signes des violences auxquelles
expose la vie dans la rue.
Souvent les patients consultent tardivement, refusent de se rendre à l’hôpital par peur de ce
milieu qu’ils méconnaissent. Ce faisant, des plaies ne sont pas suturées, avec des risques
d’infections et de séquelles inesthétiques ; des fractures probables des doigts ne sont pas
radiographiées et cependant immobilisées par précaution, mettant ainsi les médecins de
MDM dans une configuration proche d’une médecine d’un pays en voie de développement.
- des troubles psychiatriques (15,7% des consultations vs 9,1%).
Les problèmes psychiatriques sont très fréquents et plus encore chez les femmes à la rue.
La préexistence de troubles psychiatriques est un facteur de risque pour se retrouver à la
rue, notamment quand le réseau familial n’est pas en capacité de les prendre en charge.
L’exclusion entraîne également de fortes souffrances psychiques et renforce les troubles
mentaux préexistants.
- des signes évocateurs de souffrance psychique
Ils sont signalés dans 33% des consultations concernant des personnes sans domicile,
contre 21,9% pour les patients hébergés ou logés.
Cette souffrance est liée à la pénibilité des conditions de vie, l’effondrement de l’estime de
soi dû au manque d’hygiène et au regard des passants, les troubles du sommeil liés à la
crainte de violences ou de vols quand on dort dehors ou dans des structures
d’hébergement. Le sommeil dans la rue est loin d'être réparateur : il survient dans un
environnement défavorable (bruits, lumière, insécurité). Ce sommeil est trop court,
fragmenté et ne comporte pas l'organisation normale d'un sommeil de nuit. S'installe
rapidement un état de privation chronique de sommeil, avec apparition de troubles variés
(dépression, agressivité, troubles gastro-intestinaux, excès de poids), en outre, on note une
surconsommation de tabac, de café et souvent, d'alcool.
Cette souffrance psychique s’exprime par les somatisations, les addictions, parfois la
violence et des difficultés à demander de l’aide et saisir les dispositifs d’aide sociale.
L’expression de la souffrance psychique est rarement mise en avant. Il faut donc pour les
soignants, savoir la rechercher derrière des symptômes banaux évoqués lors de la première
consultation.
5
II. TEMOIGNAGES
« Nous sommes frères, on vient
de Nice. On est dans la rue depuis
10 ans, on a quitté notre famille
dès qu’on a pu, ça se passait mal.
Ici, c’est un coin tranquille, les
flics nous connaissent et nous
foutent la paix. Faut dire qu’on se
tient bien, on ne boit jamais. Les
gens du quartier nous connaissent
aussi, et certains sont très
généreux avec nous : ils nous
apportent des sandwichs. Nous
faisons la manche : une bonne
journée, c’est quand on arrive à
avoir 10 Euros.
Parfois on a plus de chance : récemment, une dame nous a donné 20 Euros ! Même
quand il pleut, nous préférons rester là, à l’abri d’un porche. On a dormi trois fois dans
les foyers du Samu social, mais on ne veut plus y retourner, c’est encore plus
dangereux que la rue. Il y a des bandes là-bas qui te piquent tout et n’hésitent pas à
se battre. Nous tout ce qu’on veut c’est obtenir une carte d’identité et le RMI pour
pouvoir nous présenter à l’ANPE ».
Luc et Christian, respectivement 28 et 30 ans. Sur les grands Boulevards, Chaussée
d’Antin à Paris.
« Je ne comprends pas
pourquoi on me sépare
de mon copain alors
que je suis enceinte.
Quand nous obtenons une
chambre à l’hôtel, on est
toujours séparés, parfois
de plusieurs kilomètres ».
Véronika, 21 ans
« J’ai été plusieurs fois agressé dans la
rue. J’ai failli y passer quand trois
jeunes marginaux m’ont coincé dans
mon duvet et m’ont brisé les côtes à
coups de batte de base-ball. Le Samu
m’a ramassé inconscient. Depuis, j’ai
deux gros bergers allemands, des
cerbères qui veillent sur moi. J’y tiens
comme à la prunelle de mes yeux ».
Tom, 50 ans
«Je pense que la gratuité des
transports pourrait régler
déjà bien des problèmes. Car
il faut se déplacer pour
tout : le restaurant social,
les administrations, les jobs,
les bains douches, les foyers
d’accueil. Un parcours du
combattant quotidien pour
le gars qui veut rester
«normal». Quand on connaît
la détresse morale et la
mauvaise condition physique
de la plupart des SDF, on
peut comprendre avec quelle
facilité ils baissent les bras…»
Jamel, 34 ans, demandeur
d’asile
« En Juillet 2003, nous rencontrons pour la première fois M.B à notre accueil médicosocial du soir. Il nous confie être à la rue depuis 3 semaines après une prise en charge
par dans un CHRS (centre d’hébergement et de réinsertion sociale) pendant un an. M. B
est fatigué et très angoissé par son passage à la rue.
Ancien peintre en bâtiment, il ne peut plus exercer sa profession depuis 3 ans suite à des
problèmes de santé et bénéficie du RMI. Malgré tout, il souhaite retrouver un poste
adapté à son handicap, mais à 59 ans, difficile de retrouver un emploi.
Nous lui proposons avec le soutien du Secours Catholique un hébergement qui durera 7
mois. Puis avec Les Petits Frères des Pauvres, nous trouvons un relais à l’hôtel où il reste
2 mois. Suite à un passage à la rue de 2 mois, il revient nous voir en Mai 2004. Nous
l’hébergeons alors en hôtel avec le soutien du Secours Catholique.
A cette date, suite à une demande d’Allocation Adulte Handicapé, il a obtenu une carte
de « station debout pénible » mais pas de pension, ce qui a contribué à augmenter sa
fatigue, sa baisse de morale et son angoisse. Il continue de travailler avec un PSA sur
son dossier retraite, afin de demander un foyer résidence auprès de la Mairie de Paris.
Durant l’été 2004, il trouve un CDD de gardiennage et continue ses démarches, pour
constituer son dossier de retraite et trouver une place en foyer. Ce sont donc 15 mois de
suivi et 3 hébergements de moyenne ou longue durée qui lui auront permis de réaliser
ses démarches dans de bonnes conditions, ce qu’il n’aurait pas pu faire dans la rue. »
Témoignages de l’équipe de la mission SDF Paris
M.C. a un long passé d’errance : lorsque nous le
rencontrons, il dort depuis 5 années sous un pont
avec deux compagnons. Il nous a fallu du temps
pour créer un lien avec ces trois hommes très
marginalisés. Un hébergement à l’hôtel lui a permis
de d’accéder au RMI et à une couverture médicale.
Puis, logé dans un hôtel au mois, nous l’avons aider
à bénéficier de l’allocation logement. Au bout d’un
an d’accompagnement et de soutien psychologique,
M.C a pu retrouver son indépendance, assumant
seul son logement et ses besoins alimentaires.
Témoignage de l’équipe de la mission SDF Paris
« Lors d’une maraude, nous
rencontrons Mme A. , qui dort
depuis plusieurs jours sous un
Abribus. Agée de 81 ans, elle
est
sans
domicile
depuis
plusieurs
années,
passant
quelques nuits à l’hôtel et le reste
du temps dans la rue, où elle se
met en danger. Elle a connu
plusieurs vols et agressions. Elle
accepte un hébergement au
centre du Secours Catholique,
qu’elle quitte la nuit suivante
après un conflit avec une autre
personne hébergée. Ces conflits
sont l’une des raisons pour
lesquelles elle ne veut plus aller
dans les structures collectives.
Nous lui proposons alors un
hébergement en hôtel afin de
prendre le temps de chercher une
solution à long terme.
Mme A. tient à son autonomie et
ne souhaite pas aller en maison
de retraite. Elle a cherché pendant
des années à louer un logement,
sans résultats faute de garantie.
Mme A est hébergée à l’hôtel
pendant
plus
de
3
mois
moyennant une participation de
sa part, adaptée à ses revenus.
Seule, elle ne pourrait y résider
car le coût varie entre 600 et 800
euros par mois et les places en
hôtel au mois sont rares. Au cours
de cette période, Mme A a quitté
une fois l’hôtel et est retournée
dans la rue. Elle souffre parfois de
troubles liés à son passé d’errance
et à sa solitude. Nous devons en
tenir compte afin de trouver une
solution au plus près de ses
besoins.
Nous déposons une demande en
résidence service de la ville de
Paris, qui sera finalement acceptée. Il aura donc fallu quatre mois pour trouver une
solution d’hébergement à long terme qui lui garantisse protection et sécurité. »
Témoignage de l’équipe de la mission SDF Paris
« M.G. est à la rue depuis 6 mois lorsque nous le rencontrons lors d’une maraude. Il était
logé auparavant en CHRS, mais a dû le quitter pour loyer impayé, suite à la perte se son
emploi. Il touche aujourd’hui le RMI. Il refuse de dormir dans les centres d’urgence car
les durées d’hébergement sont trop courtes et il pointe les problèmes d’hygiène et de
sécurité. Il dort sous un abri aménagé avec un ami. M. G nous fait part de son souhait de
retravailler et de sortir de la rue, où il sent qu’il pourrait se laisser complètement aller.
Nous lui proposons un hébergement plus stable au Secours Catholique pour se reposer et
retrouver ses repères. Il retrouve alors le courage et la force de reprendre contact avec
la Permanence Sociale d’Accueil de la ville de Paris afin d’établir son projet de
réinsertion. Malheureusement après 6 mois passés au Secours Catholique et de
nombreuses démarches, il perd espoir de voir sa situation s’arranger. M.G s’est remis à
boire et traverse une période dépressive importante.
Il finit par obtenir un autre stage mais devant sa rechute l’équipe décide avec lui de
trouver au plus vite une autre alternative d’hébergement M.G est finalement retenu dans
un service d’accueil rapide en hôtel qui a ensuite débouché sur une prise en charge en
CHRS.
Mr G peut continuer plus sereinement ses démarches et son projet de réinsertion
professionnelle grâce à cet hébergement durable par tranche de 6 mois. Il vit aujourd’hui
en province.
Au total il lui aura fallu plusieurs mois pour obtenir hébergement plus stable ».
Témoignage de l’équipe de la mission SDF Paris
« M.N, âgé de 52 ans, est d’origine angolaise. Suite à un divorce, il est arrivé en France
quelques années auparavant : sans attaches familiales ou affectives, il a préféré fuir son
histoire familiale houleuse. A son arrivée, il travaillait et avait un logement mais suite à
une période difficile, sans soutien, il s'est laissé aller et s’est retrouvé à la rue.
Lorsque nous le rencontrons, il dort depuis quelques mois dehors sous un kiosque. Il n’a
ni droits ni couverture médicale, mais souhaite faire des démarches pour obtenir une
carte de séjour qui lui permette de retrouver un travail.
Nous proposons un hébergement à M.N. et l’accompagnons dans ses multiples
démarches. Actuellement, il recherche un emploi et sa demande RMI est en cours.
Lorsqu’elle aura abouti, nous ferons le relais avec les Petits Frères des Pauvres qui
aideront M.N. à trouver un hébergement durable et retrouver son autonomie. »
Témoignage de l’équipe de la mission SDF Paris
Souffrance psychique et troubles psychiatriques, les équipes de MdM témoignent :
Lors d’une maraude, on retrouve M X psychotique, qui dit avoir été agressé durant son
sommeil. Pour que cette situation ne se répète pas, il ne veut plus s’endormir. Pour ce
faire, il se brûle périodiquement l’avant bras avec sa cigarette et reste ainsi éveillé.
L’enquête Insee5 réalisée auprès des sans-domiciles usagers des services d’aide aboutit aux
mêmes constats : « trois sans-domicile sur dix se plaignent de graves troubles du sommeil.
C’est dix fois plus que l’ensemble de la population. Les conditions de vie dans la rue
(insécurité, froid…) ou en centre d’hébergement (promiscuité…) expliquent en partie ces
problèmes… Près d’un sans-domicile sur quatre déclare connaître actuellement des états
dépressifs fréquents ou des dépressions et un sur dix souffre d’une maladie du système
nerveux, soit nettement plus que dans l’ensemble de la population ».
Cette étude termine en soulignant que l’état de santé se dégrade proportionnellement à la
durée globale de la vie passée dans la rue.
L’alcool entraîne nombres de pathologies aiguës et chroniques mais aussi sociales
connus de tous.
Pour les équipes de MDM, cette problématique est majeure car elle signifie une
accumulation de difficultés : comment faire pour éviter que le SDF ivre ne soit pas sevré
brutalement en entrant dans un centre d’hébergement ? Eviter qu’il fasse une crise
d’épilepsie parce qu’il est en rupture de son traitement ? Eviter qu’il ne se fasse agresser
parce qu’il n’est plus en mesure de se défendre quand il est ivre ? Comment ne pas
entendre aussi le besoin ressenti par les SDF envers l’alcool, qui anesthésie quand il gèle,
quand la gale démange, quand il fait faim, quand il a peur ? L’alcool permet d’oublier son
humiliation quand il faut tendre la main. L’alcool permet de créer des liens sociaux avec
d’autres SDF, il lève l’anxiété et permet d’oublier. Qu’avons-nous à leur proposer en
échange de l’alcool ? La consommation abusive d’alcool est une maladie. Nous demandons
que soit ouvertes des places d’hébergement pour les personnes alcoolisées et des
accueils de jours pour une prise en charge médicale adaptée.
-
b) Les obstacles à l’accès aux droits
«D’une manière générale, les contacts avec les organismes sociaux diminuent avec la
précarité de l’hébergement, et les personnes sans domicile peuvent ne plus être en contact
avec les organismes sociaux, en l’ayant souhaité ou non »6.
Ainsi, plus de 73% des patients sans logement qui devraient théoriquement
bénéficier d’une couverture maladie n’ont, en fait, aucun droit ouvert.
L’absence de domiciliation est l’obstacle principal à l’ouverture des droits. 57% des
patients sans domicile ayant besoin d’une domiciliation pour bénéficier d’une couverture
maladie n’en possèdent pas lorsqu’ils se présentent à Médecins du Monde, les autres en ont
obtenu une essentiellement auprès d’associations.
Les autres obstacles à l’accès aux soins les plus fréquemment cités par les personnes sans
domicile sont les difficultés financières (42,8%), les difficultés administratives
(28,3%) et les freins liés à la méconnaissance des droits et des structures (27%).
Au delà des problèmes de santé, d’absence de couverture maladie, la vie dans la rue est un
obstacle majeur à l’observance des traitements devant certaines pathologies.
Comment soigner des plaies à la suite d’une intervention quand on dort dans la rue ?
Comment refaire son pansement quand on est hébergé sur un trottoir ?
Comment un diabétique peut-il suivre son régime quand il saute des repas ?
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De La Rochère B. La santé des sans-domicile usagers des services d’aide. Insee Première n° 893, avril 2003.
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«Hébergement et distribution de repas chauds ; qui sont les sans-domicile usagers de ces services» - Cécile
Brousse, Bernadette de la Rochère, Emmanuel Massé, division Conditions de vie des ménages, Unité méthodes
statistiques, Insee, 2002.
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III. Pour une modification profonde des dispositifs d’hébergement
Pourquoi les personnes
d’hébergement ?
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à
la
rue
ne
vont-elles
pas
dans
les
structures
Parce qu’elles ne seront acceptées que quelques jours
Parce que les chiens ne sont pas acceptés
Parce que les hébergements n’acceptent pas les couples
Parce qu’elles sont confrontées à de nombreux dangers (vols, violence)
A cause de la promiscuité, du bruit, des odeurs et du manque d’intimité
Parce qu’il n’y a pas d’espace préservant l’intimité des femmes
Parce que les structures ferment tôt chaque matin
La remise des personnes à la rue, quelque soit leur statut, doit être interdite par la
loi. Nous demandons que soit organisée au plus vite une table ronde réunissant
pouvoir publics, associations et services de l’Etat afin d’aboutir à la création d’une
circulaire rendant impossible le renvoi des personnes dans la rue sans leur accord.
Les solutions proposées aujourd'hui ne se concentrent que sur des hébergements d'urgence
et ne résolvent rien. En aggravant certains problèmes de santé, la vie dans la rue rend les
personnes plus vulnérables d’un point de vue sanitaire. Le droit à la santé passe donc aussi
par le logement. Le droit au logement a été réaffirmé par l’article 1 de loi d’orientation
relative à la lutte contre les exclusions comme un droit fondamental.
1 - Pour une refonte des hébergements d’urgence
Les patients rencontrés dans nos centres sont souvent à la rue, parfois logés dans des lieux
précaires ou souvent très chers comme les chambres d’hôtel. Pour parer à l’urgence, des
hébergements existent. Mais le système a montré ses limites. Le nombre de places reste
insuffisant et les structures sont inadaptées aux besoins des personnes.
Les dispositifs d’hébergements actuels sont inadaptés et discontinus. Il faut sortir
de l’urgence et travailler sur des solutions durables.
Le nombre de places d’hébergement est insuffisant dans les grandes villes : le nombre
croissant de personnes à la rue en est la preuve. Trop souvent organisée dans l’urgence ou
sous la pression des associations, la prise en charge impose des ruptures spatio-temporelles
(heures d’ouverture, temps maximal de séjour avec retour à la rue) qui renforcent la
déstructuration du public accueilli.
Certaines structures sont inadaptées aux besoins d’hygiène et de santé, notamment
mentale, que rencontrent certains patients. Ces dysfonctionnements génèrent une
désocialisation particulièrement nocive dans le cas des familles arrivant sur le territoire
puisque, faute de place dans les structures d’hébergement, des familles sont éclatées.
Nous demandons donc de garantir des hébergements d’urgence :
1- suffisants en nombre, diversifiés et ouverts toute l’année
2- adaptés aux besoins des personnes, avec la possibilité d’être hébergé quel que soit son
état, de jour comme de nuit, sans limitation de durée, qui respectent la dignité des
personnes, en particulier l’intimité des couples ou des familles, et l’ouverture de lieux
d’accueil spécifiques pour les femmes
3- en renforçant les moyens du 115 pour que les personnes à la rue puissent avoir
immédiatement accès à un hébergement correspondant à leur demande
4- revoir la coordination et les moyens des associations pour ne pas laisser sortir les
personnes sans avoir au préalable organisé avec elles une solution plus adaptée
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5- prévoir des équipements pour des lieux de vie qui soient « multiservices » où les
personnes trouveront alimentation, hygiène, accès aux soins…
2 – Pour sortir de l’urgence et trouver des solutions durables
Pour sortir des hébergements, il faut des logements !
Au-delà de ses conséquences sur la santé, le logement conditionne la réalisation effective
des autres droits, comme celui de travailler ou d’être scolarisé.
La situation du logement en France pour les personnes à faibles ressources ne cesse de se
détériorer.
3 millions de personnes sont mal logées dont 86 000 sans domicile, 200 000 hébergées
durablement dans un hôtel, en habitat de fortune ou par des parents et amis, un demi
million en habitat temporaire ou précaire et 2 millions dans des logements dépourvus de
sanitaires de base7.
Le déficit de logements sociaux cumulé depuis 20 ans, (plus d’un million de demandeurs de
logements HLM), l’augmentation des loyers est sans rapport avec l’évolution des revenus,
et de plus, l’efficacité des aides personnelles au logement s’est dégradée depuis 2001.
Toutes ces difficultés d’accès au parc locatif social rend difficile, voire impossible, les sorties
des centres d’hébergement pour les populations les plus en difficulté.
Il faut d’urgence organiser une chaîne continue d’offre d’accueil entre les
hébergements d’urgence, les hébergements pour l’insertion à long terme et les
logements, en repensant chaque dispositif et en s’assurant que personne ne puisse quitter
l’un ou l’autre mode de « toit » sans pouvoir accéder à un autre.
C’est pourquoi nous demandons la mise en place d’une Couverture Logement
Universelle qui vise en priorité les personnes en état d’exclusion par le logement pour :
- accroître massivement l’offre de logements sociaux destinés aux personnes aux faibles
revenus ou sans revenus, là où ils sont notoirement insuffisants : cela représente 200
000 logements par an pendant 5 ans. Si les communes ne tiennent pas les objectifs,
l’Etat doit se substituer à elles pour atteindre les 20% de logements sociaux.
- réhabiliter tous les logements insalubres néfastes à la santé : garantir le maintien dans
le logement lorsqu’il est adapté et proposer des solutions de relogement quand les
travaux ne sont pas réalisés dans les délais fixés par l’arrêté du préfet.
- arrêter les expulsions sans relogement y compris pour les habitants en caravane,
garantir une offre continue de l’hébergement au logement, offre adaptée au vécu
spécifique de chacun et tenant compte du choix inaliénable de chaque personne,
- obtenir l’affectation des logements en priorité pour les mal logés et les sans logement.
Enfin, nous demandons au gouvernement de fixer les échéances qui permettent
d’arriver rapidement à un droit au logement opposable. L’Etat doit annoncer un
calendrier, avec des objectifs intermédiaires, menant à ces échéances et il doit engager la
concertation nationale avec les acteurs locaux. L’Etat doit marquer une volonté forte pour
une mobilisation de tous sur une obligation de résultat en matière de production d’offre de
logements avec des loyers accessibles pour tous.
Source : Ministère du Logement, de l’Equipement et des Transports – Questionnaire de la
Commission de la Production et des Echanges. Projet de LFI pour 2001 et INSEE enquête 2001 sur la
population «fréquentant les services d’hébergement et les distributions de repas chauds» (dans le
dossier établi par le collectif pour une Couverture Logement Universelle).
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ANNEXE : MÉDECINS DU MONDE AUPRÈS DES PERSONNES À LA RUE
L’engagement de Médecins du Monde auprès des sans domiciles s’inscrit dans sa démarche
d’aller où les autres ne vont pas et de permettre l’accès aux soins des personnes les plus
marginalisées.
Une pratique médicale de proximité
Médecins du Monde fait un constat essentiel : pour accéder aux personnes à la rue il est
nécessaire de créer des structures de proximité, c’est-à-dire des antennes de soins
fixes ou mobiles, des équipes de rue, où les usagers peuvent accéder sans exigence
préalable, à un accueil, une écoute, à la prévention et aux soins adaptés à leur
état, et ce, quelle que soit l’étape de leur trajectoire de vie.
L’objectif de ces structures est «d’aller vers», d’entrer en contact avec les personnes les
plus marginalisées, celles qui n’ont ni les moyens, ni les papiers, ni l’argent, ni la
connaissance, ni la patience, ni la santé de se rendre dans les lieux de soins ordinaires, qui
ne savent plus quoi demander, quoi attendre, comment faire, afin de leur proposer des
prestations nécessaires, acceptables et adaptées.
Les actions mobiles de proximité travaillant auprès des personnes à la rue se mobilisent
depuis plus de 12 ans. Que ce soit pour leur apporter un soutien pendant l’hiver, aller dans
les foyers d’hébergement pour les soigner, partir à leur rencontre dans la rue, leur offrir un
espace de discussion afin de recueillir leur parole, soulager leurs maux, les accompagner
dans l’ouverture de leurs droits, les équipes font un travail de lien qui est essentiel entre
notre société, qui souvent les ignore, et les institutions, vers qui les SDF sont amenés à
retourner pour sortir de la spirale de la précarité.
LES MISSIONS SDF DE MÉDECINS DU MONDE
ANGOULÊME
Le Bus Ecoute Santé d’Angoulême effectue des missions d’accueil, d’écoute, de dialogue, de
soutien psychologique, d’information, de prévention et d’accompagnement. Ce travail se fait
à destination des personnes démunies, notamment auprès des étrangers en situation
irrégulière, personnes à la rue, squatters. Un « travailleur de rue » sillonne la ville à la
rencontre des personnes et les accompagne vers le bus, où les premiers soins et
orientations leur sont proposés.
BORDEAUX
La mission mobile de Bordeaux se déplace à la rencontre des squatters depuis 1988.
L’équipe se compose d’un médecin, d’une infirmière, de deux logisticiens, d’un juriste, d’un
bénévole et d’un travailleur social. Outre les petits soins et l’orientation vers l’hôpital si
nécessaire, l’équipe distribue duvets, vêtements, divers produits d’hygiène. Elle assure aussi
un accompagnement pour l’accès aux droits et au titre de séjour.
Depuis 1992, quatre médecins et deux infirmières interviennent dans un centre
d’hébergement de nuit pour faire des consultations médicales auprès de personnes sans
domicile occupant des lits médicalisés. En 2004, l’équipe a réalisé plus de 1 000
consultations.
Une « halte de nuit » a été mise en place depuis 2 ans. Le premier bilan de cet accueil de
nuit alternatif a prouvé son utilité, puisqu’elle a notamment permis de recevoir tout type de
public en situation de vulnérabilité. Entre le 6 décembre 2004 et le 15 avril 2005, 534
personnes différentes ont été accueillies, dont 492 personnes isolées et 21 couples. Dès sa
réouverture au début de l’hiver 2005, cette halte affichait complet, preuve s’il en est de
l’utilité de ce type de structures adaptées et à taille humaine.
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GRENOBLE
L’équipe médico-sociale fait des actions de prévention et d’information auprès du public SDF
fréquentant les lieux de distribution de repas. Elle intervient également plusieurs fois par
semaine, tout au long de l’année, dans le cadre de tournées dans la ville où elle rencontre
20 à 25 personnes à chaque sortie.
LE HAVRE
La mission organise des tournées dans la rue 2 fois par semaine en lien avec le collectif
havrais Solidarité Pauvreté. En 2004, la mission a eu plus de 1 700 contacts avec le public
SDF et orienté 240 personnes vers les centres d’accueil d’urgence, les urgences des
hôpitaux ou le centre de soins de Médecins du Monde.
LYON
Dans un centre d’hébergement accueillant des lits de repos, Médecins du Monde assure les
consultations médicales et les soins infirmiers. En 2004, quatre médecins, quatre infirmières
ainsi qu’un travailleur social ont accompagné 12 patientes. Six avaient entre 49 et 54 ans et
3 entre 57 et 60 ans. La mission intervient également dans un centre d’accueil pour
personnes SDF, tenu par l’association « la Péniche Accueil ». En 2004, plus de 800
consultations médicales et soins infirmiers ont été réalisés auprès de 857 personnes sont 46
femmes. Pour être au plus près des personnes vivant dans la rue, un Bus stationne deux
fois par semaine en centre ville. En 2004, 70 permanences ont été effectuées et plus de 530
personnes ont été accueillies par les 33 bénévoles de la mission. Les personnes rencontrées
sont des familles migrantes à la rue, des usagers de drogues, des personnes sans domicile :
leur point commun est la vie à la rue.
MARSEILLE
Depuis 2002, la mission va au devant du public SDF. L’équipe médicale a rencontré en 2004
plus de 70 personnes dont une grande partie de marginaux, demandeurs d’asile, personnes
atteintes de pathologies psychiatriques.
METZ
L’équipe MDM qui va dans les centres d’hébergement de Metz met l’accent sur les risques
des maladies contagieuses. Des actions ponctuelles de prévention sont organisées, au cours
desquelles les risques de transmission du Vih, hépatite B et C et tuberculose sont exposées.
Un dépistage de ces maladies est ensuite proposé. Les 6 bénévoles soulignent aussi
l’importance du vaccin contre le tétanos. Au cours des 8 séances de prévention qui ont été
organisées en 2004, l’équipe a rencontré 184 personnes.
NANCY
L’équipe composée de médecins et infirmières intervient dans différents lieux sur la ville,
dont une boutique solidarité, l’Armée du Salut, les Restos du cœur pour proposer des soins,
vaccinations et faire de la prévention auprès du public SDF. L’équipe intervient en particulier
le dimanche. En 2004, plus de 400 consultations ont été réalisées.
NANTES
Depuis 2001, l’équipe organise des consultations médicales et sociales auprès des
personnes SDF fréquentant les Restos du Cœur. Des informations sur le système de soins,
l’accès à une couverture maladie et des orientations sont proposées aux personnes.
L’équipe intervient aussi lors de l’hospitalisation de SDF pour aider à préparer leur sortie.
NICE
Depuis 1995, une ambulance Médecins du Monde se déplace et stationne plusieurs fois par
semaine dans plusieurs lieux de la ville où d’autres associations distribuent de l’alimentation
auprès des personnes à la rue. 25 médecins, infirmières, chauffeurs, psychologues,
assistantes sociales et accompagnatrices ont assuré 1965 consultations médicales en 2004.
Une consultation en psychiatrie, a été mise en place depuis 2001 à l’accueil de nuit de Nice
tous les mercredis soirs. Les trois psychiatres ont ainsi rencontré 94 patients.
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PARIS
A Paris, la mission SDF créée en novembre 1993 accueille des personnes sans abri ou en
situation précaire. Celles-ci ont ainsi la possibilité de consulter médecins, infirmières,
psychologues et une assistante sociale. Des informations sur le VIH/Sida et MST, la
tuberculose, la grippe y sont diffusées.
Un bus circule plusieurs soirs par semaine dans les rues de Paris à la rencontre des plus
démunis.
En 2004, la mission a enregistré plus de 4 800 passages lors de l’accueil du soir au lieu fixe
et plus de 1 600 au cours des maraudes qu’elle effectue tout au long de l’année.
La mission Rave/squats de Paris intervient pour sa part auprès des personnes vivant dans
les squats. Mise en place en 2004, la mission développe des actions d’information et de
mise à disposition de matériel de prévention tout en assurant le lien vers les relais
nécessaires tant à MDM qu’auprès d’autres structures d’accès au droit et aux soins.
POITIERS
A Poitiers, le travail de rue porte principalement sur l’accompagnement psychologique. Les
7 bénévoles, dont un psychologue, un infirmier, un médecin et une étudiante en
psychologie, abordent avec les patients leur souffrance psychique. La Caravane qui
stationne en centre-ville quatre matinées par semaine a reçu cette année 1512 visites,
représentant environ 260 personnes. L'équipe propose un "espace d'accueil du négatif". Elle
essaye d'être "le lieu de recyclage du désavoué ou de l'impensable" pour constituer une
passerelle entre ceux qui sont en marge et les diverses institutions ou associations ou tout
simplement pour établir un contact avec eux.
STRASBOURG
A Strasbourg, des tournées sont organisées plusieurs fois par semaine. Une ambulance, en
liaison avec le 115 qui signale les lieux et quartiers où les personnes se trouvent, va à la
rencontre des personnes dormant dans la rue. Des vêtements chauds, des couvertures, des
duvets, des denrées alimentaires et des boissons chaudes leur sont distribuées. Si la
personne le désire, elle est accompagnée vers un foyer d’hébergement. Des consultations
sociales et médicales sont également proposées.
ST DENIS DE LA RÉUNION
A la Réunion, l’équipe travaille depuis 1996 en partenariat avec la « Boutique Solidarité » de
la Fondation Abbé Pierre. Des médecins, accueillants et infirmiers assurent des consultations
sociales et médicales. La mission organise régulièrement des séances d’information sur les
thèmes du Vih, des MST, de la tuberculose, de l’alcool.
TOULOUSE
Depuis 1992, un travail de proximité est effectué auprès des populations en errance, en
voie de marginalisation et de clochardisation. Conjointement avec le GAF (Groupe Amitié
Fraternité, association d’anciens SDF) l’équipe constituée de 15 bénévoles a effectué
quelques 1250 contacts. Les sorties débutent sur les lieux de distribution de repas des
Restos du Cœur, avant de se rendre plus tard sur les lieux fréquentés la nuit par les
personnes à la rue. L’équipe constate une augmentation du nombre de demandeurs d’asile
(en provenance d’Europe de l’Est ou du Maghreb) souvent avec leur famille. Comme pour
toutes les missions SDF, les pathologies les plus fréquemment rencontrées sont d’ordre
dermatologique, ostéo-articulaire, traumatologique et psychiatrique. En décembre 2005, un
collectif inter associatif, dont fait partie MdM, a ouvert une « halte de nuit » pour accueillir
les personnes SDF qui n’ont pas trouvé de places d’hébergement ou qui ne souhaitent pas y
aller. Cette « halte de nuit » est un lieu où la personne peut se poser, se reposer. En
rupture avec le modèle classique des centres d’hébergement, la « halte de nuit » accueille
les personnes alcoolisées, les personnes ayant consommé des produits psychoactifs, les
chiens…
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VALENCIENNES
L’équipe de Valenciennes travaille en partenariat avec l'Equipe mobile Rimbaud (l’une des
rares Permanences d’Accès aux Soins de Santé hospitalière mobile en France). Leur mission
consiste à rencontrer la population vivant dans la rue, dans les squats et les lieux isolés. Il
s’agit dans un deuxième temps d’établir avec elles un lien de confiance, de leur apporter
des solutions d’hébergement et de les orienter vers des centres de soins. Par ailleurs,
l’équipe MDM effectue des consultations sociales et médicales dans les locaux de l’accueil de
jour de la Fondation Abbé Pierre.
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Photo : Cédric Helsly