Ban Ki-moon : un bilan en négatif, en paroles comme en actes

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Ban Ki-moon : un bilan en négatif, en paroles comme en actes
Ban Ki-moon : un bilan en
négatif, en paroles comme en
actes
Ramzy Baroud – Le second mandat de Ban Ki-moon en tant que
secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies (ONU)
se termine en décembre. Pour les États-Unis et leurs alliés,
c’était tout à fait l’homme qu’il leur fallait…
Bien sûr, il y aura toujours d’autres Ban Ki-moon. En fait,
l’homme lui-même était une version relookée de son
prédécesseur, Kofi Annan.
La règle tacite mais sans équivoque à propos des secrétaires
généraux des Nations Unis, est qu’ils doivent paraître assez
affables pour ne pas être la cause de controverses
internationales, mais aussi suffisamment souples face à
l’influence disproportionnée des États-Unis sur l’ONU,
notamment au Conseil de sécurité .
Une fonction qui
sauf indépendante
est
tout
A la fin de leur mandat, la « réussite » ou « l’échec » de ces
secrétaires a été largement déterminée par leur volonté de
respecter la règle précitée : Boutros Boutros-Ghali avait
failli aux yeux des États-Unis, comme Kurt Waldheim avant lui.
Mais tant Annan que Ban avaient compris la leçon et respecté
le script jusqu’à la fin de leur mandat.
Il serait tout à fait injuste de rejeter sur un seul individu
la faute de l’échec absolu des Nations Unies à résoudre les
conflits mondiaux ou à obtenir quelque résultat notable que ce
soit à l’échelle mondiale. Mais Ban a été particulièrement
« bon » dans cette fonction. Ce sera un défi de lui trouver un
remplaçant avec ces mêmes « qualités ».
Son admonestation d’Israël, par exemple, peut apparaître comme
rédigée en termes forts et faite pour être bien reprise dans
les médias, mais son inaction face aux perpétuelles violations
israéliennes des nombreuses résolutions adoptées par l’ONU
qu’il dirigeait, est sans égale.
Même ses soi-disant « mots fort » ont souvent été savamment
sélectionnés, et en fin de compte avaient peu de
signification.
Quand Israël a lancé sa guerre la plus longue et la plus
dévastatrice sur Gaza à l’été 2014, un grand nombre d’experts
en droit international et des organisations de la société
civile ont signé une lettre accusant le chef de l’ONU de ne
pas condamner clairement l’action illégale d’Israël dans les
territoires occupés, son ciblage des habitations civiles et
même le bombardement d’installations des Nations Unies qui ont
tué et blessé des centaines de personnes.
Un appel à démissionner
Parmi les signataires de la lettre figuraient l’ancien
Rapporteur spécial des Nations Unies Richard Falk qui, avec
ses co-signataires, appelait Ban soit à se dresser pour la
justice, soit à démissionner. Il n’ont obtenu ni l’un ni
l’autre.
Les signataires l’ont critiqué, en particulier, pour le
bombardement israélien d’une école gérée par l’agence des
Nations Unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA), dans
laquelle dix civils ont été tués.
Dans sa « condamnation » de l’attaque israélienne, Ban avait
été jusqu’à omettre de mentionner Israël par son nom comme
étant l’attaquant, et avait appelé « les deux parties » à
assurer la protection des civils palestiniens et du personnel
des Nations Unies.
« Vos déclarations sont soit trompeuses, car elles approuvent
et endossent les versions israéliennes mensongères des faits,
soit contraires aux dispositions établies par le droit
international et aux intérêts de ses défenseurs, car elles
justifient les violations et les crimes d’Israël, »
écrivaient-ils.
Et ils avaient raison. Telle est la politique typique de Ban
Ki-Moon : une capacité à éviter habilement de critiquer Israël
(et, bien sûr, les États-Unis ou d’autres) quand cette
critique aurait pu, lorsque le besoin s’en faisait le plus
sentir, imposer au moins une pause à ceux qui violent à
volonté la loi internationale.
Servile jusqu’à la fin
Considérant cela, beaucoup ont imaginé que le discours d’adieu
de Ban à la 71e session de l’Assemblée générale des Nations
Unies le 15 septembre, serait pour lui une occasion de sortir
de sa réserve. Entendu qu’il était à la fin de son mandat, il
pouvait être prêt à montrer qu’il disposait au moins d’une
colonne vertébrale, même tardivement… Malheureusement, cela
n’a pas été le cas.
« Cela me peine que cette dernière décennie ait été perdue
pour la paix. Dix années de perdues à cause de l’expansion des
colonies illégales. Dix années de perdues à cause de la
fracture intra-palestinienne, de la polarisation croissante et
du désespoir », a-t-il asséné, comme si les deux parties – les
occupés et l’occupant militaire – étaient également
responsables de l’effusion de sang et que les Palestiniens
sont également à critiquer pour leur propre occupation
militaire par Israël.
« Ceci est de la folie », dit-il. « Remplacer une solution à
deux États par la construction d’un seul État serait un drame
: nier aux Palestiniens leur liberté et l’avenir qui leur
revient, tout en poussant Israël loin de sa vision d’une
démocratie juive et vers un plus grand isolement au niveau
mondial. »
Une
obsession
:
déplaire à Israël
ne
pas
Mais encore une fois, aucun engagement solide de pris… Qui
donc « remplace une solution à deux États ? » Pourquoi une
« réalité à un seul État » – ce qui serait d’ailleurs la
solution la plus humaine et la plus logique au conflit –
serait-elle « de la folie » ? Et pourquoi Ban est-il si précis
la vision ethnique d’Israël de « démocratie juive » ? Est-ce
l’obsession démographique d’Israël qui a poussé les
Palestiniens à vivre sous occupation militaire ou à vivre sous
une perpétuelle discrimination raciale en Israël même ?
Le fait est qu’il y a plus d’une confusion de la part de Ban
lorsqu’il tente désespérément de trouver un équilibre dans les
termes employés, voulant terminer sa mission sans causer de
graves controverses ou provoquer la colère d’Israël et des
États-Unis.
(Par ailleurs, l’ambassadeur d’Israël aux Nations Unies, Danny
Danon, n’avait pas fini de fulminer contre le chef de l’ONU
pour avoir qualifié dans son discours les colonies juives
israéliennes « d’illégales ». D’autres commentateurs
israéliens se sont enragés contre lui, le traitant de
« menteur ». Il est étrange que le fait même de rappeler des
faits anciens et irréfutables soulève toujours la colère
d’Israël.)
Collaboration…
Encore une fois, le choix des mots n’est pas la question. Un
document de WikiLeaks publié en août 2014, en est un excellent
exemple.
Selon le document publié par WikiLeaks, Ban a collaboré
secrètement avec les États-Unis pour saper un rapport rédigé
par la commission d’enquête des Nations Unies sur le
bombardement israélien des écoles de l’ONU à Gaza pendant la
guerre de décembre 2008 et janvier 2009.
« Collaborer » est est un terme plutôt faible, car Susan Rice
– alors conseiller à la sécurité nationale auprès de la Maison
Blanche – avait fait appel à lui à plusieurs reprises pour
enterrer le rapport, ne pas le porter au Conseil pour examen,
et si possible effacer les fortes recommandations pour des
enquêtes « plus poussées » et « impartiales » dans le
bombardement des installations de l’ONU.
Lorsque Ban a expliqué à Rice qu’il était contraint par le
fait que la commission d’enquête est un organisme indépendant,
elle lui a dit de fournir une lettre d’accompagnement qui
désavoue pratiquement les recommandations comme ayant
« dépassé la portée des termes de référence [de la mission],
et qu’aucune autre action n’était nécessaire. »
Ban Ki-moon
manquer ?
va-t-il
nous
Lorsque le chef de l’ONU sera parti, il laissera sans doute un
vide – mais certainement pas aux Palestiniens de Gaza ou aux
réfugiés en Syrie, ou aux victimes de la guerre en
Afghanistan. Il manquera probablement à Susan Rice, dont le
travail a été rendu si facile puisque tout ce qu’elle avait à
faire était de charger le chef de la plus grande organisation
internationale sur terre de faire exactement ce qu’elle
souhaitait.
Dans sa dernière visite en Palestine en juin dernier, Ban KiMoon a déclaré aux Gazaouis désemparés que « les Nations Unies
seront toujours avec vous. »
Aux dizaines de milliers qui se tiennent encore devant les
décombres de leurs propres maisons, sans liberté de partir ou
de les reconstruire, sa déclaration est aussi vide de
signification que l’est son bilan à la tête de l’ONU.
* Dr Ramzy Baroud écrit sur le Moyen-Orient depuis
plus de 20 ans. Il est chroniqueur international,
consultant en médias, auteur de plusieurs livres et
le fondateur de PalestineChronicle.com. Son dernier
livre, Résistant en Palestine – Une histoire vraie
de Gaza (version française), peut être commandé à Demi-Lune.
Son livre, La deuxième Intifada (version française) est
disponible sur