La Cité de la Joie

Transcription

La Cité de la Joie
A vous Vénérable Maîtresse,
La Cité de la Joie
Mes Sœurs, entrons dans la Cité de la Joie. Cette Joie qui ferait évoluer la Cherchante
vers sa Transformation, serait-elle celle qu’invoque notre Vénérable Maîtresse, lors
de notre Cérémonie de Réception ?
En disant : « Mes Sœurs, que la joie règne désormais parmi nous, la fille de la
Lumière s’était égarée dans les ténèbres, elle a été rappelée, elle a été ramenée, ses
yeux ont été ouverts et les ténèbres se sont dissipées. »
Un dictionnaire de philosophie (Bertrand Vergely - Edition Milan) donne une
définition, qui me convient assez, il dit : « La joie est un élargissement de l’Etre qui
provient du passage d’un moindre Etre à une augmentation d’Etre. »
Pourquoi, nos aînés, qui ont écrit notre Rituel, nous mettent-ils en sa présence ?
Quel sens peut-on lui donner ? Et comment va-t-elle nous guider sur ce long et
pénible chemin à la recherche de la Vérité ?
Pour ma part, j’associe volontiers le mot Joie à la Lumière et au Bonheur et, c’est ce
dernier, que nous retrouvons, comme fil conducteur, tout au long de notre rituel.
Dès la Chambre de Préparation, la candidate lira sur le 1er tableau : « Dans cette
solitude apparente, ne crois pas être seule. Absolument séparée des autres hommes,
entre ici en toi-même, et vois s’il est un être qui soit plus près de toi que celui dont tu
tiens l’existence et la vie. Oui ! Il est auprès de toi, mais tu es bien éloignée de lui.
Tente donc de t’en rapprocher. Par tes désirs et par ta soumission à ses lois. Pour
parvenir à cet heureux terme, tu devras faire un travail pénible, chercher, persévérer
et souffrir. Y es-tu décidée ? »
Ensuite, au début de la Cérémonie de Réception, la Vénérable Maîtresse lui demande
à nouveau si elle est décidée à se livrer entre nos mains pour être reçue Apprentie.
S’il en est ainsi, sa volonté sera accomplie. Et un jour, cette volonté qui n’est rien
d’autre que désir et abandon, la rendra heureuse.
Après le "Sic transit gloria mundi", la Vénérable Maîtresse dit à la candidate :
« Aimez donc exclusivement la vérité, la justice, si vous voulez acquérir un bonheur
solide et durable. » Ainsi, c'est l'amour de Dieu (qui est Vérité et Justice) qui nous
rend heureuse, de manière solide et durable.
Notre prière d'ouverture des travaux nous dit : « Grand Architecte de l’Univers [...]
Daigne accorder à notre zèle un succès heureux [...] pour que nous puissions tous y
trouver le vrai bonheur, dont tu es l’unique source, comme tu en es le terme à
jamais. »
Ainsi, les maçonnes du Rite Ecossais Rectifié ne commencent-elles leurs travaux,
qu'après avoir rendu à Dieu, le devoir indispensable de la prière.
Dans les premiers temps de la Franc Maçonnerie, dans quelques loges, l'usage voulait
que l’on assiste au sacrifice de la messe avant de s'assembler ; mais la diversité des
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cultes ayant été un obstacle à cet acte de piété, il a été abrogé ; et dans quelques-unes,
il a été suppléé par une prière à Dieu, conçue dans des termes et dans une forme qui
peut la rendre propre à toutes sortes de croyances.
La voici retranscrite pour satisfaire la curiosité de celles qui désireraient connaître ce
document fort intéressant.
« Souverain architecte de l'univers, c'est à ta plus grande gloire que commencent nos
travaux, ô toi ! principe radical et générateur, ternaire sacré, éternel, être divin,
nécessaire à tous les êtres, dont les décrues portent le caractère de l'amour et de la
justice, source de toutes les puissances, germe de toutes les actions, suprême foyer de
toutes les félicités, centre universel où réfléchit l'ardeur de toutes les affections de la
vie, vraie sagesse, unique source de tout ce qui existe de vrai ; ô toi, qui t'es peint dans
tes merveilles et particulièrement dans l'homme, chiffre universel de ton immensité,
nous implorons de ton divin amour, inextinguible comme toi, les secours qui nous
sont nécessaires pour travailler efficacement au grand œuvre dont l'objet nous
rassemble sur ce carré ! Notre volonté est prête à recevoir les rayons suprêmes qui
émanent de ta lumière ; nous voulons suivre ta loi, ne nous refuse point ton secours.
Quelques dégradés que nous soyons, nous avons droit à ta miséricorde, puisque,
quelque grande qu'ait été notre chute, nous n'avons pu tomber que dans tes mains ;
tu ne peux donc cesser de faire couler jusqu'à nous les rayons de ta gloire. Nos
travaux n'auront d'autre but que la perfection morale, la pratique de toutes les vertus,
et la recherche de la vérité ; l'union, l'harmonie et l'unité seront à jamais l'objet et le
terme de nos actions, comme ils le sont de tous les êtres de la nature ; mais nous
avons besoin de ton secours ; répands donc sur nous, ton onction salutaire et sacrée,
afin que nous puissions te rapporter ces influences vivifiantes qui doivent faire
germer en nous les trésors de sagesse et de vérité. Ne permets pas que de fausses
doctrines affaiblissent ou éteignent cette impulsion précieuse, cet instinct vierge qui
nous la fait rechercher comme notre seul appui.
Dans la carrière où nous marchons, fais que tous nos pas nous conduisent vers la
lumière, la science et la simplicité ; fais que notre être intellectuel arrive au dernier
terme avec la même pureté qu'il avait en commençant son cours ; qu'il rentre avec le
calme de la vertu, dans la main qui la forma ; que cette main reconnaisse en lui le
même sceau qu'il en avait reçu ; qu'elle y reconnaisse encore son empreinte, et qu'elle
y voie toujours son image ! Jette un regard de bonté sur des êtres dont les bras
tendent vers toi, et dont les genoux fléchissent devant toi ; bénis nos travaux, et que
les progrès qu'avec ton secours, nous ferons dans la vraie science, portent l'art royal
jusques aux siècles des siècles ! »
Revenons à notre rituel, dans la prière de clôture de nos travaux, notre Vénérable
Maîtresse invoque à nouveau le Grand Architecte de l’Univers en ces termes :
« Source unique de tout bien et de toute perfection, ô toi qui as toujours voulu et
opéré pour le bonheur de l’homme et de toutes tes créatures, nous te rendons grâce
de tes bienfaits et nous te conjurons, toutes ensemble, de les accorder sans cesse à
chacune de nous, selon tes vues et suivant son besoin. »
L’Article I de la Règle maçonnique nous dit : « Plaire à ton Dieu, voilà ton bonheur ! »
Et encore : « Le Christianisme ne se borne pas à des vérités de spéculation. Pratiques
tous les devoirs moraux qu’il enseigne, et tu seras heureuse ! »
La joie est le secret du bonheur. Pour l’initiée, ce bonheur peut être atteint, grâce à
une honnête démarche maçonnique. Il réside principalement dans un amour de
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soi qui naît de ce qu’elle considère sa puissance d’agir dans la possession des Vertus
et qu’elle en éprouve de la joie ! Et dans l’amour de l’autre : de sa sœur, avec qui le
partage du bonheur pourra se réaliser afin qu’elles en retirent toutes deux, profit et
joie. L’initiée pense son bonheur sur fond de lucidité, par et dans la Connaissance du
Principe.
N’est-on pas beaucoup plus à même de savourer ce bonheur lorsqu’on est plus lucide,
plus sensible, plus consciente de soi et du monde qui nous entoure ? « Connaît-toi,
toi-même et tu connaîtras l’Univers et les Dieux » disait, en son temps, Socrate.
Ainsi, seule la joie qui naît de la raison entièrement libre, délivrée de ses passions
liées aux illusions est absolument bonne.
La tâche qui s'offre alors à notre persévérance est celle de construire, sans doute
indéfiniment, le Temple de l'Humanité, la Cité de la Joie. Et si, femmes de désir,
quoique vouées, peut-être, à l'éternelle frustration de Sisyphe, nous tombons d'accord
avec cette expression sur le sens à donner à notre effort, ne nous apparaît-il pas que
la « Cité de la Joie » est une autre façon de nommer le « Temple de l'Homme »
auquel nous œuvrons afin de relever notre colonne brisée ?
Cette notion de bonheur semble être directement reliée au terme final de notre
démarche, telle qu’elle est conçue et mise en œuvre dans le Régime Rectifié. Ce
bonheur est certainement le corollaire espéré du grand malheur qui arriva à l'homme
lors de la chute, ce drame originel constituant notre état actuel et imposant notre
travail initiatique dont le terme est l'inversion du malheur initial en un bonheur
terminal.
Ici, je voudrai vous lire un extrait du livre « Dialogues avec l'ange », qui est la
transcription d'une expérience spirituelle vécue pendant la Seconde Guerre mondiale
par quatre amis hongrois. Alors que les nazis envahissent leur pays et déportent les
juifs en masse, Hanna Dallos transmet au cours de 88 entretiens des paroles qu'elle
dit ne pas émaner d'elle. Ces paroles sont retranscrites par Gitta Mallasz et Lili
Strausz. Trois d'entre eux, juifs, périront en déportation. Seule survivante, Gitta
Mallasz, réfugiée en France en 1960, traduira ces entretiens en français.
En voici un extrait qui s’intitule :
Le berceau de la Joie
ans ton corps,
il y a feu qui ne détruit pas,
Poison qui ne tue pas.
Comment est-ce possible ?
Tout est bon dans le PLAN.
Son mystère, (comprenez-le bien)
C’est la TRANSFORMATION.
L’HOMME EST LE GRAND TRANSFORMATEUR.
Le mal est le « plus ».
Mais il est le berceau de la Joie.
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La bête la plus méchante est l’homme
Et cependant, il est le berceau de la Joie éternelle.
La force non transformée.
La force non-utilisée détruit, dévaste, empoisonne.
Ecoute bien !
Ce qui est mauvais ici-bas…
Geste vers le bas
…est bon là-haut.
Geste vers le haut.
Tout est là.
Les forces dévastatrices ne sont pas à leur place.
C’est pour cela qu’elles détruisent.
Car il n’y a pas de destruction si tu les élèves.
Du poison – la guérison.
Du feu – la Lumière.
C’est pour cette raison que l’homme est debout
Qu’il ne rampe pas.
De tout le mal que tu peux imaginer
Naîtra la nouvelle Jérusalem.
CAR IL N’Y A PAS DE MAL, IL N’Y A QUE LA TACHE QUI N’EST PAS RECONNUE.
Son non-accomplissement te détruit.
C’est en cela que le mal est le berceau de la Joie.
En vain vous fuyez le mal !
Il n’y a pas de mal.
Nous pouvons maintenant redéfinir ainsi la joie : « Vertu qui ne se perd pas, même
dans la tristesse et la persécution. Conviction profonde d'une satisfaction de l'âme et
du cœur, qui nous rend heureuse et sereine sans tenir compte des circonstances mais
qui a pour appui la confiance illimitée en un Dieu d'amour qui a le contrôle de notre
vie et de notre avenir. »
Et pour conclure, mes Sœurs, je citerai : J. B. Willermoz, qui au Convent de
WILHEMBAD, en 1782 : disait : « La vraie tendance du Régime Rectifié est et doit
rester une ardente aspiration à l’établissement de la Cité des hommes spiritualistes,
pratiquant la morale du Christianisme primitif, dégagée de tout dogmatisme et de
toute liaison avec une Eglise quelle qu’elle soit ... » La Cité des Hommes spiritualistes,
la Cité de la Joie, chant de Fraternité et d’Amour adressé aux hommes et aux femmes
de désir.
J’ai dit.
C. Cas
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