Les bulles du millésime 2013, un Offenbach « rajeuni » en cave du

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Les bulles du millésime 2013, un Offenbach « rajeuni » en cave du
« La Grande-Duchesse » décoiffée Le Monde – 21/12 /2013 – Pierre Gervasoni
Les bulles du millésime 2013, un Offenbach « rajeuni » en cave du genre cabaret, sont parmi les plus fines que cette
compagnie d’art lyrique ait produites depuis ses débuts, en 2001. Pourtant, l’action se passe dans une caserne et les
effluves du premier chœur (des ronfleurs très réalistes) ne sont guère subtils. Le raffinement se situe ailleurs. Dans
l’adaptation pour petit effectif de La Grande-Duchesse de Gérolstein, l’opéra-bouffe composé en 1867 par Jacques
Offenbach. (…) Le travail d’orchestration évolutive réalisé par Thibault Perrine est un modèle d’artisanat précieux : l’écrin
instrumental n’a rien à envier au bijou vocal qu’il est censé accompagner. Philippe Béziat se montre aussi méticuleux et
déjanté que ses prédécesseurs dans le cercle des Brigands. Sa mise en scène évacue les décors mais elle intègre les
musiciens. Chef et instrumentistes sont sur le plateau pour apporter une note de poésie ou d’humour à la dramaturgie.
(…) Railler sans dérailler, telle pourrait être la devise d’un spectacle où les effets comiques sont légion et la notion de
troupe, omniprésente. En tête de distribution, Isabelle Druet campe une grande-duchesse conforme à l’ambivalence du
parti d’ensemble. Elle chante comme une diva d’antan et bouge comme une jeune femme d’aujourd’hui. Interprète
d’avenir, François Rougier (Fritz « léger ») ne lui cède en rien dans la bouffonnerie, art que Flannan Obé (baron Puck)
pratique avec une virtuosité à la Jim Carey jusque dans un fameux air donné en bis : « Le Sabre de mon père ».
Parce que la fantaisie est leur force. Parce qu'ils n'ont jamais craint de prendre la légèreté au sérieux, tout en ne se
prenant pas eux-mêmes au sérieux, Les Brigands sont uniques. Et sans doute comptent-ils, pour cette même raison, parmi
les meilleurs ambassadeurs de Jacques Offenbach. Il est pourtant un ouvrage, et pas des moindres, qui jusqu'ici leur avait
résisté : La Grande Duchesse de Gérolstein. L'œuvre fait partie des tubes composés dans les années 1850 et 1860.
Galvanisés par les nombreuses modifications qu'aurait subies la partition dès sa création, Les Brigands ont pris le parti de
se réapproprier totalement l'ouvrage… Travail d'autant plus nécessaire que leurs effectifs restreints (dix-huit interprètes
pour la présente production) imposaient bien un certain travail d'acclimatation. Pour le mener à bien, ils ont fait appel au
réalisateur Philippe Béziat, le génial auteur des films Pelléas, le chant des aveugles ou encore La Traviata et nous.
Thierry Hillériteau – Le Figaro
L’interrogation demeurait : comment, avec les moyens – certes inventifs mais limités – qui sont les leurs, se tireront-ils de
cette entreprise périlleuse ? La réponse s’impose d’elle-même : avec les honneurs, dans un spectacle vivant et drôle de
deux petites heures, sobrement intitulé La Grande Duchesse, honnêteté à l’égard de l’original qui mérite le respect.
Ici, pas de décor réel, mais des caisses de bois, des rangées de vestes, et beaucoup d’imagination, scénographie
ingénieuse colorée par des costumes simples mais diablement réussis. Précise et virevoltante, la direction d’acteurs se
mue en chorégraphies hilarantes, pour le plus grand bonheur d’une salle réjouie.
Présents sur scène et se mêlant aux solistes, les neuf excellents instrumentistes et leur chef Christophe Grapperon font
partie intégrante de l’action, à leur tour vaillants soldats, sifflant certaines parties de chœur comme dans le Pont de la
rivière Kwai. Habilement réalisée, la réorchestration effectuée par Thibault Perrine rend parfaitement justice à Offenbach et
fait à peine regretter l’absence d’un orchestre au grand complet, tant elle est écrite avec goût et intelligence.
Nicolas Grienenberger – classiquenews.com
Aucune voix féminine dans les chœurs, réduits à deux soldats ; l’ensemble normalement chanté par les dames de
compagnie de la grande-duchesse, « Ah, lettre adorée », est réécrit pour être – admirablement – interprété a capella par
quatre voix d’hommes. (…) Grâce à un bis, il est finalement permis d’entendre le superbe ensemble « Bonne nuit », qui
invite les spectateurs à quitter la salle au lieu d’annoncer la nuit de noces de Fritz.
Laurent Bury – forumopera.com
Un lifting plutôt hard mais hilarant. Le spectacle est conçu pour une poignée d’interprètes, neuf musiciens, qui donnent de
l’éclat à la réduction opérée habilement par Thibault Perrine, et neuf chanteurs. François Rougier, solide voix de ténor,
campe un Fritz aussi à l’aise dans le charme que dans l’humour. Et Isabelle Druet est formidable, Grande Duchesse à la
voix de bronze et de velours et au tempérament de feu. Ce petit monde s’agite avec esprit, guidé par Philippe Béziat, dont
la mise en scène est une explosion perpétuelle, brassant cent idées à la minute. (…) Il fallait un culot monstre pour rester
sans arrêt sur le fil du rasoir sans basculer dans la vulgarité. Mais ainsi dynamité, ce chef-d’œuvre bouffe, qui brocarde
allègrement les politiques et les militaires, n’en est que plus corrosif.
Michel Parouty – Diapason