Télécharger le PDF
Transcription
Télécharger le PDF
Réanimation 15 (2006) 523–532 http://france.elsevier.com/direct/REAURG/ Mise au point Insuffisance respiratoire aiguë : diagnostic et traitement aux urgences Acute respiratory failure: diagnosis and treatment in emergency department A. Caubel Service réanimation polyvalente, centre hospitalier Bretagne-Sud, 56322 Lorient cedex, France Disponible sur internet le 24 octobre 2006 Résumé La détresse respiratoire aiguë est un sujet extrêmement vaste du fait de la diversité des patients concernés, des organes impliqués et des étiologies. La problématique dans les services d’urgence est d’associer un traitement symptomatique immédiat, une démarche diagnostique urgente et un traitement étiologique dont les effets sont souvent retardés. Concernant les traitements symptomatiques l’utilisation de la ventilation non invasive représente l’évolution la plus marquante de ces dernières années. Les traitements étiologiques ont peu évolué en dehors de la prise en charge des œdèmes aigus pulmonaires cardiogéniques. La démarche diagnostique évolue aussi tant sur le plan clinique (devant une suspicion d’embolie pulmonaire) que paraclinique avec une réelle valeur ajoutée du dosage du brain natriuretic peptid (BNP) pour différencier les causes pulmonaires et cardiaques des insuffisances respiratoires aiguës. La procalcitonine (PCT) est en cours d’évaluation dans la prise en charge des pneumopathies aiguës communautaires. Les scores de gravité à l’arrivée des patients et l’évolution aux urgences sont de mieux en mieux codifiés dans plusieurs domaines (asthme aigu grave, pneumopathies aiguës communautaires, embolie pulmonaire) et permettent une orientation d’aval plus ciblée. © 2006 Société de réanimation de langue française. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Abstract Respiratory failure is a vast subject due to the diversity of its sufferers, the range of organs it affects, as well as its many causes. The difficult in the emergency department is to combine an immediate symptomatic treatment, an urgent diagnostic step and a specific treatment whom the effects are often delayed. Concerning the symptomatic treatments, the use of the non-invasive ventilation represents the most striking evolution of these last years. In recent years there have been few changes in specific treatments - the treatment of cardiogenic pulmonary oedema being the exception. The diagnostic step evolves so as long on the clinical setting (pulmonary embolism) that paraclinical setting with a real added value of the dosage of the brain natriuretic peptid (BNP) to distinguishing between pulmonary and cardiac causes of respiratory failure. Preliminary results on pro-calcitonin seem to show a reduced need for antibiotics in cases of community-acquired pneumonia. Severity rating of patients upon their arrival and during the course of their stay on the emergency ward are becoming better defined in several areas such as asthma, communityacquired pneumonia and pulmonary embolism and allow for a more accurate dispatch of patients to the relevant services. © 2006 Société de réanimation de langue française. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Insuffisance respiratoire aiguë ; Urgences ; Diagnostic ; Traitement Keywords: Acute respiratory failure; Emergency department; Diagnosis; Treatment 1. Introduction L’insuffisance respiratoire aiguë (IRA) est une cause fréquente de consultation aux urgences et une des raisons majeures d’admission en réanimation [1]. Elle associe un risque vital imposant des traitements symptomatiques immédiats, une Adresse e-mail : [email protected] (A. Caubel). démarche étiologique compliquée par le nombre important de causes parfois associées, et par des traitements spécifiques dont l’efficacité reste retardée. 2. Problématique aux urgences La dyspnée est un symptôme subjectif. La tolérance d’une insuffisance respiratoire chronique (IRC) est souvent très bonne et plus aisément détectée par l’adaptation du périmètre 1624-0693/$ - see front matter © 2006 Société de réanimation de langue française. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.reaurg.2006.10.007 524 A. Caubel / Réanimation 15 (2006) 523–532 de marche que par la gêne respiratoire elle-même. A contrario un événement aigu peut engendrer une sensation de dyspnée même si l’amputation des capacités respiratoires est modeste. Il faut donc authentifier et évaluer la dyspnée par des moyens objectifs (fréquence respiratoire, fréquence cardiaque, saturation) et les intégrer en fonction de l’état de base du patient. Le terrain sous-jacent est un des éléments principaux de l’évaluation de la gravité et de l’orientation diagnostique. Ainsi, une saturation en oxygène au doigt à 92 % chez un patient IRC peut être usuelle alors qu’elle traduit le dépassement des mécanismes de compensation chez un patient antérieurement sain [2]. Sur le plan diagnostique, les antécédents respiratoires mais aussi cardiaques et les facteurs de risque thromboembolique sont d’importants éléments d’orientation. L’anamnèse oriente fortement l’étiologie. Les facteurs déclenchants, favorisants ou aggravants extérieurs ; le caractère subaigu, aigu ou brutal de la dyspnée, le caractère paroxystique ou d’un seul tenant, et l’horaire d’apparition permettent de donner de bons éléments d’orientation. Mais l’interrogatoire peut être rendu moins fiable par la détresse du patient. L’approche diagnostique est ainsi d’abord clinique, même en urgence, parfois étayée par divers examens complémentaires dont il faut hiérarchiser l’utilisation. 3. Éléments physiologiques, démarche diagnostique La respiration nécessite la participation de très nombreux organes. La ventilation requiert une commande centrale, une afférence nerveuse, un soufflet musculosquelettique, des voies aériennes supérieures et inférieures intègres. Le transfert de l’O2 nécessite une membrane alvéolocapillaire, une perfusion adaptée dans les territoires ventilés, un débit cardiaque, le transport par l’hémoglobine et l’extraction périphérique par les cellules. Les défaillances peuvent ainsi survenir à tous les niveaux et être associées. La démarche diagnostique clinique est résumée dans le Tableau 1. Elle passe par un interrogatoire qui recherche des éléments concernant le terrain, l’anamnèse, et un recueil de signes cliniques de décompensation respiratoire mais aussi extrarespiratoire en particulier cardiocirculatoires. Différents examens complémentaires peuvent aider au diagnostic. 3.1. Gaz du sang Deux tableaux qui s’opposent par leurs mécanismes et qui diffèrent par leurs étiologies peuvent être diagnostiqués : l’effet shunt et l’hypoventilation alvéolaire. L’effet shunt est défini par la somme PaO2 + PaCO2 < 100 Torrs. Il existe une hypoxémie sans hypercapnie qui traduit une perturbation de la diffusion de l’oxygène (peu diffusible) de l’espace alvéolaire vers le sang. Cette perturbation peut être due à des alvéoles remplies de liquide (pneumopathie aiguë communautaire (PAC), à une membrane alvéolocapillaire épaissie [œdème aigu cardiogénique du poumon (OAPc)], à un débit sanguin absent [embolie pulmonaire (EP), shunt vrai] ou au contraire trop accéléré (état de choc). L’hypoventilation alvéolaire est définie par une somme PaO2 + PaCO2 > 120 Torrs en air ambiant. Cela traduit une chute du volume minute (VM) qui ne permet plus de « rincer » les alvéoles de l’apport veineux permanent de CO2. Cette chute du VM est liée à un trouble de la commande centrale, du soufflet thoracique ou des voies de conduction aériennes. Tableau 1 Présentation clinique et paraclinique des principales étiologies d’insuffisance respiratoires aiguës aux urgences Terrain anamnèse Décompensation de BPCO Tabagisme Bronchite chronique IRC Asthme aigu grave Caractère familial Atopie Crises paroxystiques matinales Œdème aigu du poumon Cardiopathie sous-jacente Dyspnée d’effort Orthopnée Pneumopathie aiguë Immunodépression communautaire Embolie pulmonaire Signes cliniques Radio pulmonaire GDS Sibilants Bronchorrhée Distension radiologique Hypoventilation alvéolaire Sibilants Distension radiologique Effet shunt L’hypercapnie est un signe de gravité Crépitants Grésillement laryngé Orthopnée Fièvre Frissons Bronchorrhée Foyer de crépitants Syndrome alvéolaire bilatéral Cardiomégalie Foyer alvéolaire Effet shunt Effet shunt ECG Résultats biologiques HVG BNP Séquelles IDM Troubles du rythme Polynucléose CRP PCT Antigènurie légionnelle Cœur pulmonaire DDimères (Elisa) aigu Alitement Douleur thoracique Effet shunt Période postopératoire Phlébite Antécédents TE person- Insuffisance carnel ou familiaux Dyspnée diaque droite brutale GDS : gaz du sang ; ECG : électrocardiogramme ; IRC : insuffisance respiratoire chronique ; HVG : hypertrophie ventriculaire gauche ; BNP : brain natriuretic peptid ; IDM : infarctus du myocarde ; CRP : protéine C-réactive ; PCT : procalcitonine ; TE : thromboembolique. A. Caubel / Réanimation 15 (2006) 523–532 525 3.2. Radiographie pulmonaire 3.8. Brain natriuretic peptid (BNP) La qualité des radiographies de thorax pratiquées aux urgences chez un patient couché, en détresse limite grandement sont apport. Seuls les éléments les plus caractéristiques doivent être recherchés. Le bronchogramme aérique — clarté branchée au sein d’une opacité — est le plus spécifique du syndrome alvéolaire. Les lignes de Kerley — opacités linéaires souspleurales — orientent vers un épaississement des septa interlobulaires que l’on retrouve dans l’OAPc. Les épanchements hydriques, en position couchée, se manifestent par une grisaille plus ou moins diffuse avec disparition de la coupole. Il faut rechercher une scissurite, une ligne bordante, un refoulement médiastinal pour étayer cette hypothèse. Enfin la radiographie peut être tout à fait normale lors d’une embolie pulmonaire ou d’un asthme aigu grave (AAG). Le BNP ou le NT-ProBNP est libéré en cas d’étirement des myocytes ventriculaires. Il permet, particulièrement chez les patients âgés, de discriminer l’origine cardiaque ou pulmonaire d’une dyspnée. La valeur prédictive négative est supérieure à 90 % pour un taux de ProBNP inférieur à 140 pmol/l [5]. Dans le cadre de l’EP, le BNP est ascensionné en rapport avec le retentissement circulatoire du thrombus. D’autres développements sont en cours pour rechercher une corrélation entre BNP et retentissement cardiaque droit dans l’EP Le BNP ne permet pas de discriminer entre une insuffisance cardiaque gauche ou droite ni entre le caractère pré- ou postcapillaire d’une hypertension artérielle pulmonaire. Il existe aussi des faux négatifs lors d’OAP « flash » car la demi-vie du BNP est très courte et le taux peut être normalisé précocement. 3.3. ECG 3.9. Autres examens spécialisés L’ECG peut révéler des signes de pathologie cardiaque causale ou sous-jacente (insuffisance coronarienne) ou de cœur pulmonaire aigu dans un contexte de suspicion clinique d’EP. En fonction des étiologies évoquées des examens plus spécialisés permettent de confirmer les diagnostics et de guider le traitement. L’échocardiographie permet de déterminer la nature de la cardiopathie en cas d’OAPc, d’évaluer le retentissement d’une EP et certaines équipes ont proposé un traitement fibrinolytique sur des critères de cœur pulmonaire aigu même en l’absence de choc. L’angioscanner thoracique et l’échodoppler des membres inférieurs permettent d’éliminer une EP de forte probabilité clinique si les deux examens sont négatifs [6]. Face à une suspicion d’EP, l’angioscanner peut aussi fournir un diagnostic alterne. La scintigraphie pulmonaire permet de chiffrer le taux d’obstruction et est bien corrélée au niveau de la PAP. La fibroscopie bronchique en urgence a peu d’indications. Il faut retenir le cas d’un corps étranger intratrachéal mais qui le plus souvent relève d’une fibroscopie sous anesthésie générale et l’aide d’un bronchoscope rigide. Les PAC des patients immunodéprimés [7] doivent bénéficier précocement de prélèvements à la recherche de germes particuliers mais cela ne doit en aucun cas retarder le début d’une antibiothérapie efficace sur les germes standard. En cas d’hémoptysie, il n’existe pas de consensus. Les conséquences des hémoptysies sont liées à l’insuffisance respiratoire aiguë par « noyade » et non pas à la perte sanguine. L’intérêt de la fibroscopie est parfois thérapeutique mais surtout diagnostique, permettant de localiser le saignement et de guider la thérapeutique (intubation sélective protectrice du poumon sain, d’artérioembolisation bronchique). En cas d’hémorragie intra-alvéolaire, la fibroscopie diagnostique permet la pratique d’un lavage bronchoalvéolaire et la mesure de l’indice de Perls. 3.4. Numération formule sanguine La polynucléose (et la neutropénie) sont des facteurs de gravité dans les PAC. La polyglobulie peut être un argument pour une IRC sous-jacente. L’anémie peut aggraver une insuffisance cardiaque ou être associée à une hémorragie intra-alvéolaire. 3.5. La protéine C-réactive (CRP) En cas de doute entre une pneumonie bilatérale et une insuffisance cardiaque la CRP peut apporter des arguments en faveur d’une infection. 3.6. Procalcitonine (PCT) La PCT est un marqueur très précoce et très sensible d’infections bactériennes. Récemment, un seuil inférieur à 1 µg/l a permis de diminuer de 50 % l’usage d’antibiotique chez des patients suspects de PAC [3]. Mais ces données n’en font toujours pas un examen de routine pour décider d’une antibiothérapie aux urgences. 3.7. DDimères Les DDimères Elisa présentent un intérêt lorsqu’ils sont négatifs (inférieurs à 500 µg/l) chez des patients ambulatoires suspects d’embolie pulmonaire. Face à une probabilité clinique faible d’EP [4], leur négativité permet d’écarter le diagnostic. Leur spécificité dans la pathologie thromboembolique est faible et devient nulle pour les patients alités ou ayant une perfusion en place. 4. Évaluation de la gravité La gravité extrême est cliniquement évidente : trouble de conscience, bradycardie hypoxique, cyanose, marbrures, gasps, et impose une ventilation invasive (VI) immédiate après intubation trachéale. Les symptômes d’épuisement respiratoire qui précèdent, regroupent le balancement thoracoabdo- 526 A. Caubel / Réanimation 15 (2006) 523–532 minal, l’utilisation des muscles respiratoires accessoires, le battement des ailes du nez (particulièrement chez l’enfant), la bradypnée. Les signes d’hypoxémie sont la tachycardie, la tachypnée, la désaturation et la cyanose. Le saturomètre de pouls est un outil simple et fiable de mesure de la SaO2 quand le pulsogramme est satisfaisant. La saturation pulsée en oxygène (SpO2) doit être interprétée en fonction de l’état de base du patient. Une SpO2 entre 88 et 92 % peut être usuelle chez un patient en IRC et signifier une décompensation grave chez le sujet aux poumons sains. Dans les pneumopathies infectieuses, une PaO2 inférieure à 60 Torrs en air ambiant entre dans les critères de Fine [8]. Un rapport PaO2/FiO2 < 200 (la normale est entre 500 et 600) est un des critères de syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA) [9]. Les signes d’hypercapnie aiguë sont la tachycardie, l’hypertension artérielle, les sueurs, l’astérixis, la confusion et la somnolence. L’hypercapnie est un critère de gravité dans l’AAG [10] et traduit une hypoventilation alvéolaire sévère. Dans les insuffisances respiratoires restrictives, elle traduit un déséquilibre entre le flux endogène permanent de CO2 et les capacités d’excrétion par le poumon. Cette hypercapnie peut s’accentuer très rapidement dans ces situations [2]. A contrario dans les IRC obstructives la capnie n’est pas un élément pronostique ni un critère de gravité. C’est l’acidose respiratoire (pH < 7,35) qui traduit la rupture d’un état d’équilibre respiratoire antérieur [2]. L’atteinte multilobaire de la radiographie entre dans les critères de Fine [8]. En dehors de la pneumonie infectieuse, la radiographie de thorax n’est pas un critère de gravité et l’index de Murray [11] utilisé dans le SDRA tombe en désuétude. Le niveau de détresse détermine les indications à l’hospitalisation en réanimation. En dehors des cas évidents requérant une ventilation invasive, la question se pose pour les patients ayant bénéficié de la VNI aux urgences. Certaines détresses sont rapidement régressives sous traitement et peuvent être suivies en dehors de soins intensifs. Mais la plupart des autres étiologies et en particulier l’initiation d’une VNI, débutée aux urgences, doit être poursuivie en réanimation. 5. Traitement symptomatique Après désobstruction des voies aériennes, se pose le choix du support ventilatoire (Tableau 2). 5.1. Oxygénothérapie L’hypoxémie tue de manière brutale alors que l’hypercapnie tue lentement. Si, en dehors de pathologie coronarienne, une SpO2 peut s’abaisser jusqu’à 88 % sans risque particulier, toute aggravation peut alors être brutale exposant au risque d’arrêt cardiaque hypoxique. Un patient antérieurement sain aura une sensation de dyspnée majeure avec une SpO2 à 92 %. La cible de 92 % semble minimale pour un patient « car- Tableau 2 Différents types d’apports d’oxygène et de supports ventilatoires Sonde Nasale Indications IRA/IRCO O2 (l/min) 0,5 à 2 PEP (cmH2O) FiO2 (%) Non 30 % Contre-indications Fosse nasales non perméables Effets secondaires Lésion nasales Aggravation de l’acidose des IRA/ IRCO Lunettes Hypoxie modérée 2à6 Non 25 à 35 % Masque à réserve Hypoxie profonde Réserve pleine Non 70 à 80 % Non réglable Fosse nasales non perméables Acidose respiratoire décompensée Valve de Boussignac OAP Hypoxie profonde 10 à 20 Réglable Non réglable Profondeur de l'hypoxie Impression d’étouffe- FiO2 non modulable ment Profondeur de Attention aux réserves l’hypoxie vides Plaie de l'arrête du nez Profondeur de l'hypoxie CPAP OAP 20 à 30 7,5 ou 10 Réglable VNI IRA/IRCO Variable Réglable Réglable VI Traumatisme facial Coma Hypoxémie très profonde Transport Traumatisme facial Coma Transport Traumatisme facial Coma Choc Plaie de l’arrête du nez Distension gastrique Retard à l’intubation Plaie de l’arrête du nez Distension gastrique Retard à l’intubation Limites Acidose hypercapnique Profondeur de l'hypoxie Incapacité à baisser la capnie et la fréquence respiratoire Échec des mesures Variable Réglable Réglable PAV précédentes Décubitus Protection des voies Sédation aériennes Lésions trachéales Choc PEP : pression expiratoire positive ; IRA/IRCO : insuffisance respiratoire aiguë des insuffisances respiratoires chroniques ; OAP : œdème pulmonaire cardiogénique ; PAV : pneumonie acquise sous ventilation ; CPAP : Continuous Positive Airway Pressure (ventilation spontanée + PEP) ; VNI : Ventilation Non Invasive ; VI : Ventilation Invasive. A. Caubel / Réanimation 15 (2006) 523–532 527 diaque » alors qu’elle est maximale chez un patient IRC. Dans l’OAPc une oxygénation maximale aide à rompre le cercle vicieux : insuffisance cardiaque → œdème pulmonaire → hypoxémie → augmentation du travail cardiaque → aggravation insuffisance cardiaque [12]. Les modes d’administration de l’O2 varient en fonction des débits administrés. Les très faibles débits dispensés pour une décompensation de bronchopathie chronique obstructive (BPCO) avec acidose respiratoire décompensée le seront de préférence à l’aide d’une sonde nasale et en réglant des alarmes de SpO2 maximale (par exemple 94 %) afin d’éviter d’aggraver l’hypoventilation alvéolaire en supprimant le stimulus hypoxémique [2]. Les lunettes à oxygène sont utilisables pour des débits modestes de 2 à 6 l/min mais la dose administrée réellement est non garantie car elle dépend de la perméabilité des narines, de l’ouverture de la bouche à l’inspiration. Grâce aux masques à réserve (masques à haute concentration) la FiO2 peut atteindre 70 à 80 %. Dans ce cas, le débit d’oxygène importe peu mais la réserve doit être pleine permettant au patient de puiser l’essentiel de l’air inspiré dans la réserve d’oxygène pur. microcanalicules. Le niveau de PEP dépend ainsi du débit d’O2 dans les microcanalicules et pose, contrairement à la CPAP classique, le problème de l’accès permanent à de très haut débit d’O2. La VNI, dont les niveaux de FiO2, d’aide inspiratoire, de PEEP sont maîtrisables, a démontré son intérêt dans les décompensations de BPCO en particulier hypercapnique. Ses indications tendent à s’accroître avec des applications potentielles aux urgences : pneumopathies hypoxémiantes des immunodéprimés [17], pneumopathies hypoxémiantes en général [18], AAG [19], préoxygénation avant intubation, traumatisme thoracique [20]. Ainsi le développement de la VNI dans les services de réanimation [21] élargit ses indications dans les services d’urgence [22]. De plus l’accentuation de la pratique de la VNI est associée à de meilleurs résultats [23]. Le choix d’un respirateur qui puisse offrir à la fois CPAP, VNI et ventilation invasive (VI) peut faciliter l’utilisation de ces techniques tenant compte des mouvements importants de personnels constatés dans les services d’accueil et d’urgence [24]. 5.2. Ventilation non invasive 5.3.1. Indications Le plus souvent l’indication est évidente. Dans le cas des comas, en particulier toxique, un score de Glasgow inférieur à 8 classiquement retenu en traumatologie, n’est pas une limite immuable. Le risque d’aggravation du coma, l’estomac plein avec risque d’inhalation plaide en faveur d’une intubation, mais la nécessité de recourir à une sédation pour intuber (estomac plein), les complications inhérentes à une intubation en urgence plaident en sa défaveur. Dans les AAG, le recours à l’intubation est un signe de gravité [25] qui incite à la pratiquer le plus tard possible. Mais cette attitude expose à l’accumulation d’une dette en oxygène qui peut rendre l’intubation encore plus périlleuse en situation très hypoxique, l’amélioration de l’hématose après intubation étant en plus aléatoire du fait d’une compliance effondrée. Il ne faut donc pas trop attendre quand un patient en AAG requiert une VI. Lors de décompensation de BPCO, les critères d’échec de la VNI sont dorénavant bien définis. L’absence d’amélioration du pH et de la fréquence respiratoire après deux heures de VNI impose le recours à la VI [26,27]. De même pour les OAPc, l’amélioration clinique doit survenir dans les deux heures qui suivent l’instauration de la pression positive. La ventilation non invasive (VNI) est une des thérapeutiques en développement dans la prise en charge des insuffisances respiratoires aiguës. Il faut cependant bien peser les indications et les modes d’applications car l’usage inadapté de la VNI est délétère [13,14]. Il faut différentier la CPAP (continous positive airway pressure) de la VNI proprement dite (application de deux niveaux de pression : inspiratoire (aide inspiratoire) et expiratoire [administration d’une pression expiratoire positive (PEP)]. Dans la CPAP, il n’y a pas de cycle ventilatoire administré mais simplement une résistance à l’expiration. Le moteur du flux expiratoire est la rétraction élastique du poumon distendu lors de l’inspiration. L’application d’une pression positive permanente oblige le patient à ventiler à plus haut volume avec une augmentation des pressions intrathoraciques. L’augmentation de la pression intrathoracique diminue la précharge du ventricule gauche ce qui, associé à l’amélioration de l’oxygénation est particulièrement bénéfique dans l’OAPc. Cet effet est bénéfique sur les OAPc même hypercapniques et/ou en choc cardiogénique et/ou d’origine ischémique [15]. Il n’y a pas de supériorité de la VNI (ventilation en deux niveaux de pression) sur la CPAP, et la simplicité de mise en œuvre de la CPAP plaide en sa faveur [16]. La VNI présente des résultats équivalents dans l’OAPc et son efficacité est largement supérieure à la CPAP dans la décompensation de BPCO, parfois intriquée et pour laquelle les niveaux élevés de FiO2 administré par la CPAP sont inadaptés. Les très hauts débits d’O2 utilisés par la CPAP trouvent une limite aux urgences dans le transport de ces patients. La valve de Boussignac est un tube toujours ouvert qui s’adapte sur tout masque facial. Les parois du tube sont parcourues par des microcanalicules qui créent une valve virtuelle en transformant en pression la vitesse des gaz passant par les 5.3. La ventilation invasive 5.3.2. Réglage initial de la VI (Tableau 3) Leur logique dépend de la pathologie traitée, du terrain sous-jacent, du lieu d’instauration, et du matériel utilisé. La PaCO2 est principalement modulée par le volume minute (VM) alors que la PaO2 est améliorée en optimisant la PEEP et la FiO2. Schématiquement il est possible de séparer trois types de pathologies : ● poumons sains avec défaillance de la commande ou du soufflet thoracique. Chez le patient sédaté, on utilise un 528 A. Caubel / Réanimation 15 (2006) 523–532 mode volumétrique contrôlé dont les réglages usuels sont un volume courant (Vt) de 7 à 10 ml/kg de poids théorique, une fréquence de 15 à 20 c/min, et un débit de 60 l/min. Chez le patient conscient, l’alternative est d’appliquer un mode déclenché par le patient (VSAI : ventilation spontanée avec aide inspiratoire) en fixant le niveau d’AI minimal permettant d’obtenir un Vt expiré de 10 ml/kg de poids théorique. Ce mode impose de surveiller les variables dépendantes du patient : fréquence respiratoire, VM. L’usage de la capnographie expirée complète la surveillance chez le patient stable au plan hémodynamique ; ● obstacles bronchiques (BPCO, AAG). Le problème associe l’obstacle bronchique, la surdistention d’un poumon évanescent hyperdistensible (hypercompliant), l’auto-PEP générée par le patient et l’hétérogénéité du poumon. La résistance à l’écoulement de l’air se traduit lors de l’insufflation par des pressions de crête (Ppic) élevées alors que la pression de plateau (Ppl) [correspondant à la pression alvéolaire, obtenue après une pause téléinspiratoire à débit nul] est basse (compliance élevée). L’expiration est contrariée ce qui génère de l’auto-PEP. La VI s’attachera donc à augmenter le temps expiratoire (FR basse, temps inspiratoire court) [28]. Cela nécessite des débits inspiratoires importants (60 l/min) et de tolérer des Ppic élevées tout en s’attachant à maintenir les Ppl inférieures à 30 cmH2O). [29]. Dans l’AAG, caractérisé par un freinage expiratoire intense, l’objectif de Ppl inférieure à 30 cmH2O ne peut être obtenu qu’en diminuant parfois aussi le Vt au prix d’une hypercapnie dite permissive [30] ; ● pathologie du parenchyme (SDRA). L’atteinte de la membrane alvéolocapillaire se traduit par une hypoxémie réfractaire. Le principe est d’administrer par titration sous contrôle gazométrique différents niveaux de PEEP pour lutter contre le collapsus alvéolaire expiratoire. La baisse de la compliance globale se traduit par des Ppl élevées à l’insufflation qu’il faut maintenir en dessous de 30 cmH2O pour limiter le risque de barotraumatisme. Par ailleurs, l’utilisation de faibles Vt (6 ml/kg de poids théorique) [9] limitent le risque de volotraumatisme au prix parfois d’une hypercapnie. En effet, l’inhomogénéité de l’atteinte pulmonaire peut faire craindre des niveaux de pression régionale plus élevées que ne le mesure les pressions globales. Le monitorage hémodynamique est très vite indispensable dans ces situations à pression positive pulmonaire élevée. 5.4. Autres mesures 5.4.1. Drainage pleural L’association d’une détresse respiratoire et d’un épanchement pleural impose l’évacuation de ce dernier. Le pneumothorax unilatéral sur poumons sains n’est pas en général associé à une détresse respiratoire. Celle-ci traduit une tamponnade gazeuse avec un risque imminent d’arrêt circulatoire par dissociation électromécanique. Il faut immédiatement évacuer l’air sous pression de la cavité pleurale (ponction) avant de procéder à la pose d’un dispositif de drainage. Quand l’épanchement est liquidien le drainage présente un intérêt symptomatique immédiat et un intérêt diagnostique majeur. Le caractère puriforme (et le pH acide du liquide) indique une pleurésie purulente [31] dont le drainage et l’antibiothérapie sont les deux piliers de la prise en charge. L’aspect pâle et le caractère transsudatif [protides inférieurs à 50 % des protides sanguins et un taux de lactate déshydrogénase (LDH) inférieur à 60 % des LDH sanguins] [31] évoquent l’insuffisance ventriculaire gauche. Tableau 3 Proposition de réglage du respirateur en ventilation invasive en fonction des étiologies incriminées Modes FiO2 (%) SpO2 cible (%) PEP (cmH2O) Vt en VAC ou Vt cible en VSAI (ml/kg poids théorique) Fr en VAC ou Fr cible en AI (coups/min) Profondeur de la sédation OAP VAC ou VSAI 100 100 5 à 10 IRA/IRCO [30,31] VAC ou VSAI 30 90 5 puis 80 % de l'autoPEP AAG [32] VAC 100 90 Zéro 8 à 10 Élevé pour baisser la fréquence respiratoire 6 à 10 SDRA [4] VAC 80 90 5 à 10 puis fonction du recrutement et de l'interaction VG–VDt 6 20 10 à 15 10 à 14 25 à 30 Minimale Confort et limitation du travail ventilatoire Moyenne Repos ventilatoire Maximale Recours au bolus de curares si nécessaire Importante Synchronisation nécessaire patient ventilateur Limiter l’hypoxémie Limiter les pressions d’insufflation (Ppl < 30 cmH2O) Contrôler l’hypoxémie Éviter volotraumatisme et barotraumatisme (Ppl < 30 cmH2O) Recrutement PEP optimale, limiter la FiO2 Objectif initial SpO2 maximale Amélioration rapide Objectif secondaire Extubation précoce Réveil précoce Éviter un collapsus de reventilation Contrôler l’hypoventilation Réduire l’hyperinflation dynamique Réduire l’auto-PEEP Repos ventilatoire IRA/IRCO : insuffisance respiratoire aiguë des insuffisances respiratoires chroniques ; OAP : œdème pulmonaire cardiogénique ; AAG : asthme aigu grave ; SDRA : syndrome de détresse respiratoire aigu ; Vt : volume courant ; Fr : fréquence respiratoire ; Ppl : pression plateau ; VAC : ventilation assisté contrôlée – volumétrique ; VSAI : ventilation spontanée avec une aide inspiratoire – barométrique. A. Caubel / Réanimation 15 (2006) 523–532 L’aspect hématique ou sérohématique en dehors de notion de traumatisme signe le caractère néoplasique dans plus de 90 % des cas [32]. 5.4.2. Aérosols Les sibilants signent un freinage expiratoire et donc une diminution du diamètre bronchique. En l’absence d’hyperréactivité bronchique, l’efficacité des aérosols des bronchodilatateurs est faible. Lors d’une bronchite, les sécrétions épaisses peuvent engendrer des sibilants. L’œdème bronchique des OAPc peut fréquemment s’associer à des sibilants. Pour autant, il n’existe pas de bronchoconstriction et pas d’effets bénéfiques des bronchodilatateurs. De plus les β2 agonistes provoquent une tachycardie qui peut altérer la fonction cardiaque. Les β2 agonistes ont un effet bénéfique bien démontré dans l’AAG. La forme aérosolisée doit être préférée à la forme intraveineuse qui apporte peu de bénéfice et provoque plus d’effets secondaires [10]. Les atropiniques ont un effet moindre, retardé, et mieux démontré chez l’enfant [33]. Dans les décompensations de BPCO, les β2 stimulants et les atropiniques ont une efficacité équivalente [34]. 6. Traitements spécifiques Nous ne reprenons ici que les grands principes des principales étiologies. 6.1. Œdème pulmonaire cardiogénique [35] Dans le traitement de l’OAPc, l’oxygène est un traitement curatif. L’objectif doit être d’obtenir une SpO2 maximale supérieure à 95 %, même en cas d’OAP hypercapnique. Le traitement médical de l’OAP repose, en l’absence de choc, en première intention sur les dérivés nitrés et en seconde intention les diurétiques de l’anse. En l’absence de trouble de conscience, la morphine est bénéfique par un effet trinitrine like et en diminuant l’anxiété et la polypnée, (métabolisme basal). La présence d’un choc cardiogénique contre-indique les dérivés nitrés pour une association dobutamine et diurétiques. En cas d’échec ou en association d’emblée avec le traitement médical on peut utiliser la CPAP ou la VNI. La VNI est préférée en cas de suspicion ou d’intrication avérée avec une BPCO. 6.2. Asthme aigu grave (Tableau 4) L’AAG signe l’échec du traitement de fond de l’asthme. L’oxygène doit être apporté à fort débit. L’apparition d’une hypercapnie traduit l’épuisement respiratoire et n’est pas favorisée par l’oxygène. Le traitement immédiat est fondé sur les β2 mimétiques (salbutamol 5 mg) par voie inhalée de manière répétée, voire continue. Les autres voies (sous-cutanée et intraveineuse) ne sont utilisées qu’à défaut. Les atropiniques offre un petit effet bronchodilatateur additif à la phase initiale dans les formes graves et particulièrement chez l’enfant. Ils limitent, par leur demi-vie plus longue, les réaggravations entre les aérosols de β2 mimétiques [33]. L’administration de corticoïdes à 529 la dose de 1 mg/kg est pratiquée d’emblée (effet retardé : 4 à 6 heures) [36]. En cas d’amélioration, le retour à domicile est possible si le débit expiratoire de pointe (DEP) augmente audessus de 60 % de la théorique [37]. En l’absence d’amélioration, la prise en charge doit se faire en réanimation. La place de la VNI reste à définir et ne doit pas retarder une intubation si celle-ci semble nécessaire [19]. Les modalités de la ventilation invasive sont axées sur la prévention du barotraumatisme et au prix d’une éventuelle hypercapnie permissive [30]. Le recours aux curares peut s’avérer nécessaire. 6.3. Insuffisance respiratoire aiguë des insuffisances respiratoires chroniques obstructives (Tableau 4) Les traitements en aigu comprennent l’oxygène à un débit contrôlé et les bronchodilatateurs. Le principal moteur de la ventilation est le contrôle du pH et donc de la capnie. L’administration d’oxygène doit donc être précise puisque l’hypoxie expose à des arrêts hypoxiques et que l’hyperoxie relative (PaO2 supérieure 60 Torrs) expose au risque de suppression du stimulus ventilatoire [38]. Les bronchodilatateurs β2 adrénergiques et atropiniques ont une efficacité modeste. D’autres traitements sont recommandés par les sociétés savantes [39,40] mais leur niveau de preuve reste faible. La corticothérapie par voie générale (0,4 mg/kg) est recommandée dans les formes graves d’IRA/IRCO en particulier quand il existe une hyperréactivité bronchique. Néanmoins le seul apport démontré est le raccourcissement de la durée de la décompensation sans bénéfice en termes de recours à la VI ou de mortalité. L’usage d’antibiotique est recommandé en cas de franche purulence des crachats mais en l’absence de pneumonie le bénéfice est incertain. La plupart des exacerbations de BPCO ne sont pas d’origine infectieuse et quand un germe est retrouvé, il s’agit fréquemment d’un virus [41]. Il n’y a donc pas d’urgence à débuter ces traitements qui justifient une réflexion sur le rapport bénéfice/risque. 6.4. Embolie pulmonaire L’arbre décisionnel menant au diagnostic d’EP a régulièrement été réévalué. Différentes études récentes intègrent ou non un score clinique, le dosage des DDimères et une exploration des réseaux veineux profonds [42–44]. Il est possible de synthétiser ces études comme suit : face à une faible probabilité clinique d’EP (score de Wells [4] inférieur à 2), les DDimères inférieurs à 500 µg/l permettent d’écarter le diagnostic. Si les DDimères sont positifs ou si la probabilité clinique est modérée ou élevée il faut pratiquer un angioscanner thoracique. En cas d’angioscanner négatif (ou non conclusif) et de probabilité clinique élevée il faut poursuivre la démarche diagnostique au minimum par une exploration du réseaux veineux profond avant de pouvoir écarter une maladie thromboembolique. Il apparaît ainsi que les DDimères ne présentent d’intérêt que face à une probabilité clinique faible. Cela réhabilite les scores cliniques, celui de Wells étant le mieux validé (Tableau 5). 530 A. Caubel / Réanimation 15 (2006) 523–532 Tableau 4 Comparaison entre asthme aigu grave (AAG) et insuffisance respiratoire aiguë sur insuffisance respiratoire chronique obstructive (IRA/IRCO) dans leurs présentation et prise en charge aux urgences Clinique AAG Atopie Antécédents familiaux d’asthme ou d’allergie Âge jeune ou ménopause Évolution paroxystique des poussées État de base normal Hyperréactivité bronchique Facteurs déclenchants (pollens, rupture de traitement, rhinite allergique, stress) Acmé au petit matin Bonne efficacité habituelle des β2 stimulants Sibilants Radio pulmonaire Distension ou radio normale Critère de gravité Fréquence cardiaque > 130/min Gravité corrélée au peak flow (<150 L/min) Pouls paradoxal Résistance aux β2 stimulants Épuisement respiratoire Hypercapnie (quel que soit le niveau) Bonne efficacité β2 stimulants Efficacité moyenne des anticholinergiques Efficacité (retardée) des corticoïdes (1 mg/kg) Pas d’indication à la ventilation non invasive actuellement Terrain Epreuves fonctionnelles respiratoires Anamnèse Traitement Tableau 5 Probabilité clinique d’embolie pulmonaire [4] Signes cliniques a rechercher devant une suspicion d'embolie pulmonaire Signes et symptôme de thrombose veineuse profonde (augmentation objective de la taille d'une jambe et douleur à la palpation des réseaux veineux profonds). Fréquence cardiaque > 100/min. Immobilisation depuis plus de trois jours (hormis pour accéder à la salle d'eau) ou chirurgie de moins de 4 semaines. Antécédent avéré d'embolie pulmonaire ou de thrombose veineuse profonde. Hémoptysie Cancer (en soins palliatif, en cours de traitement ou moins de 6 mois après la fin du traitement) Embolie pulmonaire plus probable que les diagnostics alternes (sur la base de l'anamnèse, de l'examen clinique, de la radiographie de thorax, de l'Electrocardiogramme et de la biologie standard). Probabilité clinique d'embolie pulmonaire Faible probabilité clinique Probabilité clinique intermédiaire Forte probabilité clinique Score 3 1,5 1,5 1,5 1 1 3 Total <2 2à6 >6 Le traitement de référence de l’embolie pulmonaire reste l’héparine standard intraveineuse continue. D’autres molécules, héparines de bas poids moléculaire ou pentasaccharides [45] ont une autorisation de mise sur le marché dans le traitement de l’EP non grave. Les EP graves peuvent bénéficier d’une reperméabilisation précoce par fibrinolyse mais l’évaluation de la gravité reste discutée. La présence de signes de choc indique la fibrinolyse mais le niveau de preuve est modeste IRA/IRCO Tabagisme Bronchite chronique (hivernale) Insuffisance respiratoire chronique Trouble ventilatoire obstructif fixé Subaigu Sibilants Ronchi Bronchorrhée Distension Rails bronchiques Dilatation des bronches Emphysème Acidose respiratoire décompensée (l'hypercapnie n'est pas un critère de gravité si le pH reste normal) Efficacité moyenne des β2 stimulants Efficacité moyenne des anticholinergiques Efficacité discutée des corticoïdes (0,4 mg/kg) Indication à la Ventilation Non Invasive [46,47]. Il n’y a pas de démonstration de bénéfice sur la survie même si la vitesse de reperméabilisation des artères pulmonaires est accélérée. Les complications hémorragiques sont en revanche sensiblement plus nombreuses. La fibrinolyse est très discutée (niveau C) en cas d’embolie pulmonaire prouvée, en l’absence de choc, s’il existe un cœur pulmonaire aigu à l’échocardiographie. De même, elle peut s’envisager (niveau C) en cas de forte suspicion clinique, devant un patient instable sur les seuls arguments de l’échocardiographie. Le produit le plus communément recommandé est l’altéplase (100 mg) selon différents protocoles d’administration. 6.5. Pneumopathie aiguë communautaire Les critères de gravité indiquant une hospitalisation et/ou le recours à la réanimation ont été bien définis par Fine et al. [8] et simplifiés secondairement [48]. Il n’existe pas pour l’instant d’études donnant précisément le résultat bactériologique de la fibroscopie bronchique dans les pneumopathies aiguës communautaires en fonction du terrain sous-jacent. La bactériologie des PAC graves est peut-être différente de celle des PAC non graves [49,50]. Dans les formes graves et en particulier sur terrain débilité, l’antigénurie légionelle doit être pratiquée. L’antibiothérapie proposée est probabiliste et doit être débutée précocement [51]. Il existe plusieurs recommandations de diverses sociétés savantes. Dans les formes graves, il faut proposer une association ciblée sur le pneumocoque et les germes atypiques les plus fréquents : chlamydiae et mycoplasme. Les A. Caubel / Réanimation 15 (2006) 523–532 antibiotiques à visée antipneumococique sont l’amoxicilline (6 g/j) ou la ceftriaxone (1 g/j). Contre les germes atypiques, on utilisera un macrolide (spiramycine) ou une fluoroquinolone. En cas de légionellose, l’antigénurie permet de faire rapidement le diagnostic pour le sérotype 1, le plus fréquent. Le traitement doit alors associer une fluoroquinolone (levofloxacine) et de la rifampicine ou un macrolide [52]. Les autres sérotypes sont rares mais non détectés. Il faut parfois contrôler l’antigénurie à la 48e heure car elle peut se positiver secondairement. Chez les patients profondément immunodéprimés (VIH, greffe d’organe solide, patients d’hématologie), la fibroscopie bronchique avec lavage bronchioloalvéolaire est nécessaire car la présence de germes atypiques et en particulier de parasites (Pneumocystis) et de champignon (Aspergillus), est fréquente et relève de traitements spécifiques. Il est probable que l’incidence de germes particuliers (bacilles Gram négatif, Pseudomonas aeruginosa, Pneumocystis) soit sous-estimée dans d’autres populations exposées à une corticothérapie, des immunosuppresseurs, des hospitalisations ou des antibiothérapies répétées. 7. Conclusion Ce qui fait la complexité et la difficulté de l’IRA sont les associations de pathologies : insuffisance cardiaque décompensée par une EP, asthme chronique au stade d’IRC, PAC chez un patient porteur d’une BPCO. Il n’existe pas de conduite à tenir définie pour ce type de patient bien qu’ils représentent une part croissante de la population hospitalière. La mise en place d’un dossier médical complet, disponible dès les urgences, pourrait renseigner sur l’état de base (EFR, l’échographie cardiaque, radiographie de thorax, DEP, BNP). Cela aiderait grandement au diagnostic étiologique en particulier en cas d’association pathologique. Nous pouvons espérer d’autres développements qui guideront nos diagnostics et thérapeutiques. La PCT pourrait contribuer au diagnostic de PAC et à l’utilisation des antibiotiques lors de décompensation de BPCO. Le BNP, qui s’avère corrélé à l’obstruction pulmonaire en cas d’EP, pourrait, associé à l’échocardiographie, guider la fibrinolyse. La fibroscopie bronchique des PAC, dans certaines populations, devrait permettre une économie d’antibiotique. Certaines de ces études sont en cours et aideront peut être à la difficile prise en charge des IRA aux urgences. Références [1] [2] [3] [4] Rubenfeld GD, Caldwell E, Peabody E, Weaver J, Martin DP, Neff M, et al. Incidence and outcomes of acute lung injury. N Engl J Med 2005; 353:1685–93. West JB. Physiologie respiratoire. 4e édition. Paris: Pradel Edition; 1995. Christ-Crain M, Stolz D, Bingisser R, Muller C, Miedinger D, Huber PR, et al. Procalcitonin guidance of antibiotic therapy in community-acquired Pneumonia: a randomized trial. Am J Respir Crit Care Med 2006;174: 84–93. Wells PS, Anderson DR, Rodger M, Stiell I, Dreyer JF, Barnes D, et al. Excluding pulmonary embolism at the bedside without diagnostic imaging: management of patients with suspected pulmonary embolism pre- [5] [6] [7] [8] [9] [10] [11] [12] [13] [14] [15] [16] [17] [18] [19] [20] [21] [22] [23] [24] 531 senting to the emergency department by using a simple clinical model and d-dimer. Ann Intern Med 2001;135:98–107. Maisel AS, Krishnaswamy P, Nowak RM, McCord J, Hollander JE, Duc P, et al. Rapid measurement of B-type natriuretic peptide in the emergency diagnosis of heart failure. N Engl J Med 2002;347:161–7. Musset D, Parent F, Meyer G, Maitre S, Girard P, Leroyer C, et al. Évaluation du scanner spirale dans l’Embolie Pulmonaire Study Group. Diagnostic strategy for patients with suspected pulmonary embolism: a prospective multicentre outcome study. Lancet 2002;360:1914–20. Gruson D, Hilbert G, Valentino R, Vargas F, Chene G, Bebear C, et al. Utility of fiberoptic bronchoscopy in neutropenic patients admitted to the intensive care unit with pulmonary infiltrates. Crit Care Med 2000;28: 2224–30. Fine MJ, Smith DN, Singer DE. Hospitalization decision in patients with community-acquired pneumonia: a prospective cohort study. Am J Med 1990;89:713–21. Ventilation with lower tidal volumes as compared with traditional tidal volumes for acute lung injury and the acute respiratory distress syndrome. The Acute Respiratory Distress Syndrome Network. N Engl J Med 2000;342:1301–8. Salmeron S, Brochard L, Mal H, Tenaillon A, Henry-Amar M, Renon D, et al. Nebulized versus intravenous salbuterol in hypercapnic acute asthma. A multicenter, double-blind, randomized study. Am J Respir Crit Care Med 1994;149:1466–70. Murray JF, Matthay MA, Luce JM, Flick MR. An expanded definition of the adult respiratory distress syndrome. Am Rev Respir Dis 1988;138: 720–3. Wood LD, Prewitt RM. Cardiovascular management in acute hypoxemic respiratory failure. Am J Cardiol 1981;47:963–72. Keenan SP, Sinuff T, Cook DJ, Hill NS. Does noninvasive positive pressure ventilation improve outcome in acute hypoxemic respiratory failure? A systematic review. Crit Care Med 2004;32:2516–23. Esteban A, Frutos-Vivar F, Ferguson ND, Arabi Y, Apezteguia C, Gonzalez M, et al. A non-invasive positive-pressure ventilation for respiratory failure after extubation. N Engl J Med 2004;350:2452–60. Winck JC, Azevedo LF, Costa-Pereira A, Antonelli M, Wyatt JC. Efficacy and safety of non-invasive ventilation in the treatment of acute cardiogenic pulmonary edema – a systematic review and meta-analysis. Crit Care 2006;10:R69. Peter JV, Moran JL, Phillips-Hughes J, Graham P, Bersten AD. Effect of non-invasive positive pressure ventilation (NIPPV) on mortality in patients with acute cardiogenic pulmonary oedema: a meta-analysis. Lancet 2006;367:1155–63. Hilbert G, Gruson D, Vargas F, Valentino R, Gbikpi-Benissan G, Dupon M, et al. Non-invasive ventilation in immunosuppressed patients with pulmonary infiltrates, fever, and acute respiratory failure. N Engl J Med 2001;344:481–7. Meduri GU, Turner RE, Abou-Shala N, Wunderink R, Tolley E. Noninvasive positive pressure ventilation via face mask. First-line intervention in patients with acute hypercapnic and hypoxemic respiratory failure. Chest 1996;109:179–93. Fernandez MM, Villagra A, Blanch L, Fernandez R. Non-invasive mechanical ventilation in status asthmaticus. Intensive Care Med 2001; 27:486–92. Gunduz M, Unlugenc H, Ozalevli M, Inanoglu K, Akman H. A comparative study of continuous positive airway pressure (CPAP) and intermittent positive pressure ventilation (IPPV) in patients with flail chest. Emerg Med J 2005;22:325–9. Demoule A, Girou E, Richard JC, Taille S, Brochard L. Increased use of non-invasive ventilation in French intensive care units. Intensive Care Med 2006 (in press). Antro C, Merico F, Urbino R, Gai V. Non-invasive ventilation as a firstline treatment for acute respiratory failure: "real life" experience in the emergency department. Emerg Med J 2005;22:772–7. Brochard L. Non-invasive ventilation for acute respiratory insufficiency. Rev Prat 2003;53:980–4. Richard JC, Beduneau G. Quel ventilateur pour la prise en charge préhospitalière et le transport? Réanimation 2005;14:748–50. 532 A. Caubel / Réanimation 15 (2006) 523–532 [25] National Heart, Lung and Blood Institute. Guidelines for the Diagnosis and Management of Asthma, Expert Panel Report 2 Bethesda: National Institutes of Health publication number 97–4051. 1997. Accessible par l’URL: www.nhlbi.nih.gov/guidelines/asthma/asthmafullrpt.pdf. [26] International consensus conferences in intensive care medicine: noninvasive positive pressure ventilation in acute respiratory failure. Am J Respir Crit Care Med 2001;163:283–91. [27] Clinical indications for non-invasive positive pressure ventilation in chronic respiratory failure due to restrictive lung disease, COPD, and nocturnal hypoventilation–a consensus conference report. Chest 1999;116:521– 34. [28] Quinnell TG, Pilsworth S, Shneerson JM, Smith IE. Prolonged invasive ventilation following acute ventilatory failure in COPD: weaning results, survival, and the role of non-invasive ventilation. Chest 2006;129:133–9. [29] Guerin C, Milic-Emili J, Fournier G. Effect of PEEP on work of breathing in mechanically ventilated COPD patients. Intensive Care Med 2000;26:1207–14. [30] Oddo M, Feihl F, Schaller MD, Perret C. Management of mechanical ventilation in acute severe asthma: practical aspects. Intensive Care Med 2006;32:501–10. [31] Light RW. Clinical practice. Pleural effusion. N Engl J Med 2002;346: 1971–7. [32] Sahn SA. State of the art. The pleura. Am Rev Respir Dis 1988;138:184– 234. [33] Rodrigo G, Rodrigo C, Burschtin O. A meta-analysis of the effects of ipratropium bromide in adults with acute asthma. Am J Med 1999;107: 363–70. [34] Stoller JK. Clinical practice. Acute exacerbations of chronic obstructive pulmonary disease. N Engl J Med 2002;346:988–94. [35] Delluc A, L’Her E. Acute respiratory distress. Rev Prat 2006;56:735–45. [36] Rabbat A, Laaban JP. Acute asthma attack. Rev Prat 2001;51:503–10. [37] McCarren M, Zalenski RJ, McDermott M, Kaur K. Predicting recovery from acute asthma in an emergency diagnostic and treatment unit. Acad Emerg Med 2000;7:28–35. [38] Carter R. Oxygen and acid-base status: measurement, interpretation, and rationale for oxygen therapy. Chapter 5. In: Tiep BL, ed. Portable oxygen therapy: including oxygen conserving methodology. Mt. Kisco, NY, Futura Publishing Co. p. 136–138. [39] Actualisation des recommandations de la SPLF pour la prise en charge des BPCO. Rev Mal Resp 2003;20:294–9. [40] Standards for the Diagnostic and Management of Patients with COPD. ATS ERS 2004 Accessible par l’URL : http://www.ersnet.org/lrPresentations/copd/files/main/index.html. [41] Beckham JD, Cadena A, Lin J, Piedra PA, Glezen WP, Greenberg SB, et al. Respiratory viral infections in patients with chronic, obstructive pulmonary disease. J Infect 2005;50:322–30. [42] van Belle A, Buller HR, Huisman MV, Huisman PM, Kaasjager K, Kamphuisen PW, et al. Effectiveness of managing suspected pulmonary embolism using an algorithm combining clinical probability, D-dimer testing, and computed tomography. JAMA 2006;295:172–9. [43] Perrier A, Roy PM, Sanchez O, Le Gal G, Meyer G, Gourdier AL, et al. Multidetector-row computed tomography in suspected pulmonary embolism. N Engl J Med 2005;352:1760–8. [44] Stein PD, Fowler SE, Goodman LR, Gottschalk A, Hales CA, Hull RD, et al. Multidetector computed tomography for acute pulmonary embolism. N Engl J Med 2006;354:2317–27. [45] Buller HR, Davidson BL, Decousus H, Gallus A, Gent M, Piovella F, et al. Matisse Investigators. Subcutaneous fondaparinux versus intravenous unfractionated heparin in the initial treatment of pulmonary embolism. N Engl J Med 2003;349:1695–702. [46] Neff MJ, ACEP. ACEP releases clinical policy on evaluation and management of pulmonary embolism. Am Fam Physician 2003;68:759–60. [47] Langan CJ, Weingart S. New diagnostic and treatment modalities for pulmonary embolism: one path through the confusion. Mt Sinai J Med 2006;73:528–41. [48] Lim WS, van der Eerden MM, Laing R, Boersma WG, Karalus N, Town GI, et al. Defining community acquired pneumonia severity on presentation to hospital: an international derivation and validation study. Thorax 2003;58:377–82. [49] Luna CM, Famiglietti A, Absi R, Videla AJ, Nogueira FJ, Fuenzalida AD, et al. Community-acquired pneumonia: etiology, epidemiology, and outcome at a teaching hospital in Argentina. Chest 2000;118:1344– 54. [50] Pascual FE, Matthay MA, Bacchetti P, Wachter RM. Assessment of prognosis in patients with community-acquired pneumonia who require mechanical ventilation. Chest 2001;119:503–12. [51] Kollef MH, Sherman G, Ward S, Fraser VJ. Inadequate antimicrobial treatment of infections: a risk factor for hospital mortality among critically ill patients. Chest 1999;115:462–74. [52] Yu VL, Greenberg RN, Zadeikis N, Stout JE, Khashab MM, Olson WH, et al. Levofloxacin efficacy in the treatment of community-acquired legionellosis. Chest 2004;125:2135–9.