Si vous voulez être vu, tout l`art est de manœuvrer les

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Si vous voulez être vu, tout l`art est de manœuvrer les
Van Eetvelde Architects
AP Frame
« Si vous voulez être vu,
tout l’art est de manœuvrer les médias »
Lorsque vous demandez à Nicolas Van Eetvelde pourquoi il
est devenu architecte, la réponse est loin d’être univoque.
Cette question est, d’après lui, bien délicate… « En fait, je
voulais me lancer dans la publicité, mais mon environnement
me l’a vivement déconseillé. On m’a dit que c’était un monde
trop fermé. »
Nicolas Van Eetvelde a grandi entouré d’architectes. Son
père, François Van Eetvelde, parisien d’origine, a ouvert son
bureau d’architecture à Bruxelles il y a plus de 35 ans, et sa
mère Christiane est architecte d’intérieur. Très vite, il fut clair
que le fiston suivrait les traces
de ses parents.
Nicolas Van Eetvelde: « J’étais
au collège Saint-Pierre, un collège austère. Section latin-math. Cette école préparait pour
polytechnique, j’ai donc eu une
formation très mathématique.
En même temps, je me sentais
frustré, parce que je ne pouvais absolument pas dessiner.
A mes yeux, les mathématiques
n’étaient qu’une facette de ma
formation. Le dessin me man-
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quait épouvantablement. C’est pour cela que je voulais me
lancer dans la publicité, mais, pour diverses raisons, cela ne
se fit pas. »
Déménagements fréquents
Nicolas Van Eetvelde: « L’architecture m’offrit le dessin et les
mathématiques. En outre, ce domaine est très ouvert sur le
monde. » Bref, Nicolas Van Eetvelde trouvait très ennuyeux
de devoir mettre le doigt sur la raison précise de son choix.
« C’est un mélange de plusieurs facteurs qui fut décisif, »
ajoute-t-il. Une chose est sûre, c’est que l’architecture, il en
a toujours été proche, très proche. Et cela, il le doit principalement à son père. « Il a construit un nombre incroyable
de maisons pour lui, » nous explique lors de notre rencontre
chez lui, à Uccle. « Je crois qu’il en a bien construit huit, vous
comprendrez donc que nous avons déménagé souvent. Aujourd’hui encore, il travaille d’arrache-pied à la conception de
sa énième maison. Cette maison n’a pas de jardin ni d’étage,
elle correspond parfaitement à ses conditions de vie actuelles.
Il commence tout doucement à prendre de l’âge, et son nouveau petit refuge n’a pas besoin de jardin. Mais attention,
ce brave homme a tout prévu pour les visites de ses petitsenfants. Oui, mon père a toujours recherché quelque chose
d’autre, de différent. La lumière et l’espace ont toujours oc-
De père en fils
En 2002, Nicolas Van Eetvelde se retrouva aux commandes
du bureau fondé par son père. Avec la succession en vue, il
était grand temps d’effectuer des modifications structurelles.
Cela concernait entre autres l’organisation interne. Les nouveaux points d’attention au sein de l’organisation portaient
sur des réunions régulières et sur une répartition correctement du travail. Toutefois, Nicolas Van Eetvelde accorde également une grande attention à la communication externe. «
De nombreux projets durent, et vous y consacrez malgré tout
un temps considérable. Une fois un projet terminé, c’est une
belle aventure qui prend fin. Je suis souvent fier de la manière dont nous avons mené un projet à terme, et je trouve
important de communiquer à ce sujet. D’après moi, c’est là
que réside la grande différence avec la génération de mon
père. A son époque, cela ne les intéressait pas. Aujourd’hui,
la communication joue un rôle beaucoup plus important. Si
vous voulez être vu, tout l’art est de manœuvrer les médias.
Il n’est plus possible de s’en passer. Participer aux prix, établir des associations temporaires gagnent en importance. La
collaboration est indispensable. Prenons par exemple l’aspect énergétique. L’énergie et l’environnement sont plus que
jamais un sujet brûlant, et ils font partie de chaque projet.
Nous sommes conscients de la nécessité de recruter des spécialistes de terrain dans ce domaine. Composer une bonne
équipe est indispensable à la réussite d’un projet. Nous n’affichons pas notre « vertitude »: l’environnement et la durabilité
»
sont devenus des évidences. »
@home
cupé une place prépondérante. Ces éléments, je les ai repris
de mon père. Je porte cela dans mes gènes. » La pomme ne
tombe jamais loin de l’arbre! « A l’origine, j’habitais avec ma
petite famille dans une modeste maison que nous avons aujourd’hui agrandie. En tant qu’architecte, vous pouvez, d’une
manière raisonnable, faire dans le développement. A l’inverse, tous les promoteurs veulent être architectes… (il rit) ».
Nicolas Van Eetvelde est architecte à Bruxelles. Avec son équipe, il se charge de projets grandioses qui lui
sont confiés, comme le Charles Roger Building ou le David Lloyd Leisure. Les défis, il adore ça. Non seulement en architecture, mais aussi dans la nature, et de préférence sur un voilier en pleine mer. La pureté
et l’authenticité caractérisent l’homme. Une rencontre particulière.
Charles Rogier Building
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Dialogues riches
La rupture avec le bureau de son père est-elle radicale?
« Pas du tout. Nous introduisons juste une vision jeune et rafraîchissante. Nous ne reprenons pas les anciennes recettes,
mais nous ne faisons pas non plus table rase. Nous ouvrons
un nouveau discours. Les concepts développés par mon père
pour les résidences sont toujours d’actualité et passionnants.
Absolument! Et d’ailleurs, nous sommes en contact tous les
jours. »
Huit personnes travaillent dans le bureau de Nicolas Van
Eetvelde, ce qui permet de pouvoir prendre en charge des
projets de petite et de grande envergure. Le fonctionnement
du bureau a été modifié de manière radicale. « Chez nous, les
architectes ne sont plus exclusivement assis face à leur écran,
pour dessiner. Ils élaborent le concept et entretiennent des
contacts avec le client. Le dessinateur du bureau développe
le concept. Cela permet des dialogues très riches. Leur façon
de voir les choses est tout aussi importante, et permet une
pollinisation croisée très saine. Pour schématiser, l’équipe de
notre bureau se compose comme suit: une secrétaire, trois
architectes, deux dessinateurs, un chef de projet et un architecte d’intérieur. »
Un terrible charisme
Si Nicolas Van Eetvelde apprécie de grands exemples du
monde architectural? La réponse est hésitante et se fait at-
tendre. Il admire principalement ses professeurs. Il pense
alors à l’architecte Claude Vasconi, décédé en décembre. Il
avait travaillé une année avec lui, à Paris. « Cet homme avait
un charisme exceptionnel. Son œuvre est très cohérente. Son
architecture est très distincte, vous la reconnaissez facilement. C’était un homme qui savait convaincre ses clients et
leur imposer une certaine architecture. J’ai travaillé un an
avec lui à Paris pour le palais de justice d’Anvers, pour lequel
nous étions en compétition avec deux autres bureaux. Hélas,
il ne remporta pas le projet, et en fut très abattu. »
L’homme dynamique
Dans la liste des favoris de Nicolas Van Eetvelde brillent les
noms de Claude Parent et de Paul Virilio. « Ma thèse était
consacrée à Parent. C’est lui qui m’a présenté à Vasconi. Virilio et Parent étaient réputés dans les années ’60 pour leur
théorie de l’oblique, avec laquelle ils formulaient une réponse
radicale à la rationalité oppressante de l’architecture et de
l’urbanisme.
Nicolas Van Eetvelde: « Ils appréciaient l’architecture bunker
et ont lancé leur théorie sur les obliques et les pentes dans
l’architecture. A l’époque, les bunkers n’étaient plus rectilignes, ce qui donna un jeu d’obliques et de plans. L’influence
de Parent et de Virilio sur l’architecture contemporaine est,
selon moi, considérable. En architecture, le plan incliné se
destine à l’homme dynamique. Il s’agit d’une théorie qui ne
repose pas tant sur la stabilité que la mise en déséquilibre.
Cette théorie renvoie également à la continuité de l’espace
qui se fond dans le paysage. Parent et Virilio ont inspiré de
nombreux architectes. Je pense à Jean Nouvel, mais aussi à
Rem Koolhaas, qui doivent avoir eu connaissance de leurs
idées. Parent mettait en avant les conséquences du développement de l’IT. Il y voyait l’avenir, de nouvelles perspectives
et y scellait sa théorie sur la fusion de l’architecture et du
paysage. Inutile d’expliquer combien j’apprécie et j’estime
ces deux théoriciens. »
Pas de concertation à trois
Pour Van Eetvelde, l’architecture est également un contact
avec la réalité quotidienne. Vous avez beau imaginer de
beaux concepts, l’administration n’est pas toujours docile.
Nicolas Van Eetvelde: « Les projets refusés constituent parfois
notre pain quotidien. Je veux dire par là que nous sommes
obligés de négocier. Nous travaillons à l’heure actuelle phase
par phase, et créons ainsi davantage d’implication de toutes
les parties. Hélas, il n’y a pas ici de concertation à trois
comme en Flandre, où l’architecte, l’administration et le donneur d’ordre se concertent. Les administrations flamandes,
bruxelloises et wallonnes sont totalement différentes. Pour
l’installation de panneaux solaires, par exemple, les réglementations diffèrent du tout au tout. Les architectes sont mal
Manhattan Center Brussels
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Clos des rosiers
informés sur la technique et les normes, et ce n’est pas une
sinécure de retenir toutes ces normes, et encore moins de les
maîtriser. Mais bon, je ne vais pas me plaindre sur les aspects
moins agréables de notre profession, car elle a d’excellents
côtés. Lorsque le client vous dit « C’est fantastique », vous oubliez toutes les difficultés et tous les désagréments rencontrés
au fil du projet. C’est vrai que par moments, je trouve cette
profession ingrate. Vous louvoyez entre plusieurs parties, du
plombier au donneur d’ordre. Le défi étant de créer de la valeur ajoutée à tous les niveaux. Tant que vous avez le panache
d’y arriver, tout va bien pour vous. »
L’eau
Outre sa passion pour l’architecture, Nicolas Van Eetvelde a
une autre passion dans la vie: la voile. « Cela me vient de
mon père. Nous faisions de la voile en vacances. Il n’y a pas
si longtemps, cela m’a fait manquer un rendez-vous. J’étais à
bord d’un catamaran, et le temps était exécrable. De grosses
vagues, un vent fort … Nous avons dévié de notre course.
Auparavant, je partais trois mois par an, et naviguais vers
le Venezuela, le Brésil, le Portugal. Ce détachement complet
m’attire totalement. A bord d’un voilier ou d’un catamaran,
impossible de mentir. Vous vous en remettez aux éléments.
La voile, c’est se sentir proche de la nature, c’est un retour
aux sources. Vous mangez ce que l’eau vous apporte. C’est la
pureté au sens le plus noble du terme. » (PHW)
www.vaneetveldearchi.be
Quelques projets
Charles Rogier Building, Bruxelles, 2009
Tikvatenoe, Anvers, 2008
Martin’s Spa & Fitness, Genval, 2008
David Lloyd Leisure, Uccle, 2007
Socle du Manhattan Center, Anvers, 2000
Divers projets d’habitation à Bruxelles
AWARDS
Lauréat Concours Construction Acier, AP Frame, 2008
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