Horizons Hémato

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Horizons Hémato
*
Volume 02 // Numéro 03
Juillet / Août / Septembre 2012
Trimestriel
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Focus sur le FIM
Focus sur ALTE-SMP
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... Télécharger l'application
Horizons Hémato
épidémiologie – Diagnostic – SMD/SMP
– Syndrome hyperéosinophiliques – Néoplasies – SMP non LMC – Modèles animaux –
Facteurs pronostics – Thromboses – Transformation leucémique – SMP et Grossesse – Recommandations ELN – Inhibiteurs des JAKs –
Essais thérapeutiques – Nouvelles cibles
Dossier : Allogreffe et GHV
Zoom congrès : EHA 2012
15 euros
* Périodique de formation médicale
b
Sommaire
■■Comités
Directeur de la publication :
Pascale Raoul
Directeur de la rédaction :
Stéphane Chèze (Caen)
Rédacteurs en chef :
Frédéric Bauduer (Bordeaux)
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Publication annuelle
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64, rue Anatole France
92300 Levallois-Perret
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Abonnement :
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N° CPPAP : 1213 T 91158
N° ISSN : 2119-1859
Dépôt légal : à parution
Les articles publiés dans Horizons Hémato
le sont sous la seule responsabilité de leurs
auteurs et n’engagent en aucune façon la
société éditrice. Les droits de reproduction et
de traduction sont réservés pour tous pays.
■■ éditorial Willian Vainchenker, Nicole Casadevall
■■ Focus sur les Sociétés/Associations p. 117
p. 119
■■ FIM et registre du FIM
Jean-Jacques Kiladjian, Président
■■ ALTE
Serge Giraudier, Président
p. 121
■■ Grand Angle : Syndromes Myéloprolifératifs
Dossier coordonné par Nicole Casadevall p. 123
p. 119
■■ épidémiologie des Syndromes Myéloprolifératifs (SMP) sans chromosome Philadelphie
François Girodon, Björn Andreasson
■■ Diagnostic des syndromes myéloprolifératifs : critères et arbres diagnostiques
Christophe Marzac, Valérie Ugo, Aude Aline-Fardin
■■ Les syndromes myélodysplasiques/myéloprolifératifs
Raphaël Itzykson, éric Solary
■■ Syndromes hyperéosinophiliques
Jean-Emmanuel Kahn
■■ Néoplasies myéloprolifératives et néoplasies myélodysplasiques/myéloprolifératives de l’enfant
Arnaud Petit
■■ Syndromes myéloprolifératifs non LMC : mutations géniques et architecture clonale
Anne Murati, François Delhommeau
■■ Les syndromes myéloprolifératifs familiaux
Christine Bellanné-Chantelot
■■ Modèles animaux de SMP
Jean-Luc Villeval, Stéphane Giraudier
■■ Facteurs pronostiques des SMPs
Brigitte Dupriez, Nathalie Cambier, Mathieu Wémeau
■■ Complications thrombotiques de la thrombocytémie essentielle
Jean-François Viallard, Ismaïl Elalamy ■■ Thromboses vasculaires hépato-splanchniques et syndromes myéloprolifératifs
Carine Chagneau-Derrode, Aurélie Plessier, Lydia Roy
■■ Transformation leucémique : rôle du traitement ou évolution naturelle ?
Jean-Jacques Kiladjian, Annalisa Andreoli
■■ Prise en charge des syndromes myéloprolifératifs au cours de la grossesse
Laurence Legros, Agnès Guerci, Cynthia Trastour
■■ Recommandations de l'ELN : Interféron-alpha
Annalisa Andreoli, Jean-Jacques Kiladjian
■■ Que peut-on attendre des inhibiteurs des JAKs ?
Laurent Knoops
■■ Les essais thérapeutiques des SMPs non LMC en France
Jérôme Rey, Vincent Ribrag
■■ Nouvelles cibles thérapeutiques dans les néoplasmes myéloprolifératifs (SMPs)
Willian Vainchenker, Stefan N. Constantinescu
■■ Dossier : Allogreffe et GHV
Dossier coordonné par Mohamad Mohty ■■ Inhibiteurs de tyrosine kinase et GVH chronique
Ibrahim Yakoub-Agha
■■ Rituximab et maladie du greffon contre l’hôte chronique
Frédéric Baron, Sophie Servais
■■ La photophérèse extra-corporelle dans le traitement de la réaction du greffon contre l’hôte
Bilal Mohty
■■ Zoom congrès : Actualités à l’EHA/AIH
Dossier coordonné par Tereza Coman et Frédéric Maloisel
p. 123
p. 125
p. 127
p. 129
p. 131
p. 133
p. 135
p. 137
p. 139
p. 141
p. 143
p. 145
p. 147
p. 149
p. 151
p. 153
p. 155
p. 158
p. 158
p. 161
p. 164
p. 167
■■ éditorial
Thomas Cluzeau, Président de l’AIH
■■ Leucémie Lymphoïde chronique (LLC) : quand un monde de cibles se déploie
Tereza Coman
■■ Myélome multiple
Gabriel Brisou
■■ Avancées dans les myélodysplasies
Marion Loirat
■■ Lymphome de Hodgkin à l’EHA : stades avancées, réfractaires et rechutes
Magalie Joris
■■ L’allogreffe de CSH
Maud D'Aveni
■■ Nouvelles thérapeutiques dans les LAL de l’adulte
Florence Rabian
■■ Avancées sur l’aplasie médullaire
Gabrielle Roth-Guepin
p. 174
■■ Bulletin d'abonnement p.167&175
p. 167
p. 168
p. 169
p. 170
p. 171
p. 172
p. 173
Horizons Hémato // Juillet / Août / Septembre 2012 // Volume 02 // Numéro 03
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116
Horizons Hémato // Juillet / Août / Septembre 2012 // Volume 02 // Numéro 03
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Grand Angle
■■ DOSSIER : Syndromes Myéloprolifératifs
éditorial
C
’est en 1951 que, William Dameshek, émet l’hypothèse
que la polyglobulie de Vaquez (PV), la thrombocytémie
essentielle (TE) et la myélofibrose primaire (MFP)
sont des hémopathies étroitement apparentées
avec à leur origine un stimulus commun.
à l'origine appelées Syndromes Myéloprolifératifs (SMPs),
elles ont été renommées Néoplasmes Myéloprolifératifs (NMPs)
mais cette terminologie n'est pas adaptée à la modélisation
et aux formes familiales. Pour ces raisons, cette
nomenclature n'est pas adoptée de façon universelle.
La description en 2005 de la mutation activatrice V617F du
gène codant pour JAK2 (Janus Kinase 2), une tyrosine kinase
impliquée dans la signalisation de nombreux récepteurs de
cytokines dont ceux de l’érythropoïétine de la thrombopoïétine
et des cytokines de la lignée granuleuse, a fourni une
explication aux similitudes cliniques et évolutives de ces
3 hémopathies. En effet au moins 95 % des PV, 50 à 60 %
des TE et des MFP présentent la mutation V617F. D’autres
mutations plus rares ont été décrites et toutes induisent une
dérégulation du signal induit par les récepteurs aux cytokines
avec une activation constitutive de JAK2 et un rôle important
de l’activation des STAT, dont STAT5, dans leur pathogénie.
Cependant il reste à démontrer que ceci est également vrai dans
les TE et les MFP sans mutation de signalisation identifiée.
Cette découverte a ouvert le champ à une recherche très active,
aussi bien fondamentale que clinique.
Une première conséquence a été en 2008 la modification
des algorithmes diagnostiques recommandés par
l’Organisation Mondiale de la Santé et l’intégration de la
mutation V617F de JAK2 dans les critères majeurs.
Un autre aspect encore incomplètement compris est comment
une mutation unique (V617F) peut donner trois pathologies
différentes. Il existe trois grandes hypothèses qui ne sont pas
antinomiques. Dans la première c’est le niveau de signalisation
voire son type qui définit la maladie. L’un des déterminants
majeurs est la présence ou non d’un clone homozygote survenu
à la suite d’une recombinaison mitotique du clone hétérozygote
et qui entraîne une dominance clonale. Cet aspect du point de
vue pratique se traduit par la charge allélique plus forte dans
les MF secondaires que dans les PV et plus forte dans les PV
que dans les TE. La seconde hypothèse souligne l’importance
de déterminants génétiques constitutionnels qui vont intervenir
dans la signalisation de V617F. Enfin ces dernières années de
nombreux arguments ont été apportés en faveur de l’existence
d’autres mutations acquises portant soit sur des régulateurs de
l’épigénétique, soit sur des gènes impliqués dans l’épissage
qui seraient responsables de l’hétérogénéité des néoplasmes
myéloprolifératifs.
Ceci est particulièrement bien démontré dans les myélofibroses
primaires, mais beaucoup moins évident dans les PV,
les TE et les myélofibroses secondaires.
La découverte de ces nombreuses autres mutations
non impliquées dans la signalisation a mis en évidence une
plus grande complexité dans la physiopathologie des NPMs
qu’attendue et en font des maladies beaucoup plus complexes
que la LMC. Surtout ces données font que la théorie initiale de
W. Dameshek ne représente qu’une partie de la réalité et que les
NPMs doivent être plus vus comme une continuité avec les autres
hémopathies malignes comme les SMPs/SMD, les SMD voire les
LAM. Cette continuité en fait donc des maladies particulièrement
attractives pour comprendre l’oncogenèse des hémopathies
malignes et également pour développer de nouveaux traitements.
Ces cinq dernières années ont vu des changements
thérapeutiques profonds basés sur l’utilisation de l’Interféronalpha et sur des inhibiteurs de JAK2. On peut penser que
ces nouvelles approches thérapeutiques n’en sont qu’à leur
début et évolueront lorsqu’on progressera à la fois dans
la compréhension des modifications engendrées dans la
structure de JAK2 par les mutations et dans le rôle des
autres mutations dans la physiopathologie de ces maladies.
Nous avons essayé, dans ce numéro d’Horizons Hémato
consacré aux SMPs, d’aller des
aspects fondamentaux à la pratique.
Merci à toutes celles et ceux qui ont participé à la
rédaction de ces articles très riches et nous espérons
que les lecteurs prendront conscience du vaste champ
de recherche qui s’ouvre dans ces pathologies
Ce numéro de la revue coïncide avec le lancement
de l’application Horizons Hémato.
L’ampleur des informations apportées par la totalité des articles
va permettre une publication papier synthétique, enrichie
par les divers compléments postés sur l’application.
Nous vous souhaitons une très bonne lecture,
Nicole Casadevall
William Vainchenker Président du conseil scientifique du FIM
Coordinatrice du dossier SMP
[email protected]@sat.aphp.fr
117
Horizons Hémato // Juillet / Août / Septembre 2012 // Volume 02 // Numéro 03
Focus Sociétés savantes/Groupes coopérateurs/Intergroupe
France Intergroupe des syndromes
Myéloprolifératifs (FIM)
■■Le Mot du Président
Jean-Jacques Kiladjian
Depuis la première description de la polyglobulie par
le Docteur Louis-Henri Vaquez en 1892, les syndromes myéloprolifératifs
(SMPs), ont eu une place particulière dans le champ de l’hématologie
en France. Bien qu’à une échelle de santé publique ces maladies soient
considérées comme « orphelines », elles font partie du quotidien de
consultation de tous les hématologues. Jusqu’au début des années 2000,
la recherche sur les SMPs en France était limitée à quelques centres
mais a toujours été dynamique et compétitive sur le plan international,
avec un certain nombre d’experts reconnus mondialement aussi bien en
biologie qu’en clinique. Néanmoins, il n’existait pas à proprement parler
de structuration à l’échelle nationale de cette recherche sur les SMPs,
ce qui a limité la possibilité de réaliser de grands essais ou de grandes
études rétrospectives à l’image par exemple des groupes italiens.
La découverte de la mutation JAK2V617F a totalement changé la perspective de la communauté
médicale et scientifique sur les SMPs. Ces maladies
sont alors entrées dans l’ère moléculaire, où seule
la leucémie myéloïde chronique (LMC) évoluait déjà
depuis de nombreuses années. La mutation de JAK2
et les multiples autres anomalies moléculaires découvertes par la suite dans les SMPs a permis l’éclosion
d’un nombre impressionnant d’études cliniques ou
biologiques dans le monde et en France. Il est donc
rapidement apparu que l’absence de coordination
nationale serait nécessairement un handicap majeur
pour valoriser la recherche des investigateurs français
sur le plan international. Il fallait donc proposer de
réunir les excellences individuelles qui avaient permis
de maintenir une recherche de pointe dans les SMPs
jusqu’alors, au sein d’une structure collégiale de
coordination permettant de rassembler l’ensemble
des centres intéressés dans la prise en charge et la
recherche dans les SMPs.
leur volonté de participer aux activités du FIM. Ces
centres regroupent aussi bien des centres purement
cliniques, des services de biologie hospitalière, que
des unités de recherche fondamentale. Le FIM a également été heureux d’accueillir une équipe belge (coordonnée par le Docteur Laurent Knoops à Bruxelles) et
a également vocation à s’enrichir de l’apport de tous
nos collègues francophones qui souhaiteront participer
à ses activités.
Les objectifs du FIM…
…Tels que définis lors de sa création étaient les suivants :
• Réunir les différents spécialistes concernés par la
Figure 1 : Le site internet du
FIM, fim-asso.org
Historique
C’est ainsi qu’est né à partir de 2008 le FIM, France
Intergroupe des syndromes Myéloprolifératifs. Les
groupes fondateurs en étaient le groupe PV-Nord, le
Groupe d’études des Myélofibroses (GEM), le comité
« syndromes myéloprolifératifs » du GOELAMS,
le Groupe d’études Multicentriques des SMPs
(GEMSMP), le groupe de recherche sur les syndromes
myéloprolifératifs familiaux, et le groupe réuni autour
du premier PHRC dédié à l’étude de la mutation de
JAK2 coordonné par William Vainchenker et Nicole
Casadevall. La structure choisie était celle d’un intergroupe piloté par un conseil d’administration comportant le même nombre de représentants de chacun de
ces groupes fondateurs, aidée par un conseil scientifique et fonctionnant autour d’une chartre définissant
les objectifs, les moyens, et les règles de fonctionnement du FIM.
Au-delà de ses groupes fondateurs, le FIM a toujours
eu pour vocation de réunir l’ensemble des personnes et
des centres intéressés par les SMPs hors LMC. Ainsi,
au total plus de 70 centres en France ont manifesté
119
Horizons Hémato // Juillet / Août / Septembre 2012 // Volume 02 // Numéro 03
Focus Sociétés savantes/Groupes coopérateurs/Intergroupe
■■ FIM
prise en charge clinique et le traitement des SMPs.
• Favoriser la recherche fondamentale.
• Aider les différents centres de traitement à participer
à des protocoles thérapeutiques et biologiques nationaux
ou internationaux.
• Encourager la création de banques de données
cliniques et biologiques sur les SMPs non LMC.
Depuis 2009, les membres du FIM ont pu partager leur
expérience au cours de réunions régulières, proposer
et discuter des études communes, faire appel aux
ressources disponibles sur l’ensemble du territoire
pour leur recherche. Néanmoins, l’année 2012 va être
marquée par le lancement des premiers projets créés
entièrement grâce au FIM. Le premier d’entre eux est
la création d’un registre national des SMPs non LMC.
Ce registre académique va être ouvert à la rentrée 2012
et sera soutenu par du personnel de recherche clinique
destiné à aider à la collection des données dans les
différents centres. L’ambition de ce registre est de
pouvoir recueillir l’ensemble des patients porteurs de
myélofibrose, de polyglobulie de Vaquez et de thrombocytémie essentielle en France, avec des données les
plus complètes possibles au diagnostic, mais aussi des
données évolutives recueillies au cours du suivi.
Le FIM a également pu répondre collectivement à deux
appels à projet, le premier concernant la création d’une
base clinico-biologique multicentrique nationale sur les
SMPs (appel à projet de l’INCA). Cette base, appelée
« FIMBank », sera adossée au registre du FIM cité plus
haut. Le FIM a également répondu à un appel à projet
de l’ANSM concernant l’utilisation hors AMM des médicaments, sur le thème de l’utilisation de l’Interféronalpha dans les syndromes myéloprolifératifs. Au-delà de
l’obtention d’un soutien financier (les résultats de ces
2 appels à projets ne sont pas encore connus au moment
de la rédaction de ce document), ces deux grands projets
ont montré que les membres du FIM étaient maintenant capables de proposer collectivement des études
nationales où tous ceux qui sont prêts à s’investir seront
porteurs de projets au nom du groupe.
Les projets
Enfin, alors que le FIM a permis à quelques centres
français d’être mieux représentés dans les essais
cliniques internationaux de nouvelles molécules dans
les SMPs hors LMC, et faciliter le recrutement dans
ces études par une meilleure information et communication de l’état d’avancée des protocoles cliniques
ouverts et des lieux où cette recherche est effectuée,
l’année 2012 va être marquée par le lancement d’un
premier essai clinique conçu par le FIM en collaboration avec la Société Française de Greffe de Moelle
et de Thérapie Cellulaire. Cet essai concernera les
patients porteurs de myélofibrose de risque intermédiaire-2 ou de risque élevé et donc potentiellement
éligible pour une allogreffe des cellules souches
hématopoïétiques, et posera la question de l’intérêt
d’un traitement par ruxolitinib pendant quelques
mois avant l’allogreffe. Il faut souligner que toutes
ces activités du FIM, qui est un intergroupe académique sans existence « juridique » (ni association, ni
fondation…), ne sont possibles que grâce à l’accord
des associations fondatrices du FIM pour recueillir
les fonds, assurer le financement et le recrutement
de personnel ainsi que la logistique de ces diverses
études. Le GOELAMS notamment, en offrant au FIM
l’accès à son infrastructure de recherche clinique, les
associations PV-Nord et GEM en permettant la collecte
de fond, ont été déterminants pour la réalisation de
tous ces projets et sont ici remerciés.
Alors que la recherche française a toujours été à l’honneur dans le domaine des SMPs, nous espérons que
le FIM permet et permettra d’amplifier encore cette
expertise et de continuer de lui assurer une reconnaissance au niveau international. Nous remercions toutes
celles et ceux qui depuis trois ans font vivre ce groupe,
travaillent ensemble à des projets communs, ainsi
qu’à tous ceux qui soutiennent les activités du FIM
et participent à ces projets. Nous espérons enfin que
l’année 2012 verra les premières études entièrement
conçues par le FIM couronnées de succès !
■■La structure
Président :
Pr. Jean-Jacques Kiladjian (Paris)
Vice-président du Conseil Scientifique :
Dr. Marie-Caroline Le Bousse Kerdiles (Villejuif)
Vice-président :
Pr. Jean-Loup Demory (Lille)
Secrétaire :
Pr. Nicole Casadevall (Paris)
Président du Conseil Scientifique :
Dr. William Vainchenker (Villejuif)
Trésorière :
Pr. Valérie Ugo (Brest)
■■Agenda
■■ Assemblée générale du FIM
23 novembre 2012
■■ Journée patient
Contact : Serge Giraudier, Président de ALTE-SMP
[email protected]
120
Horizons Hémato // Juillet / Août / Septembre 2012 // Volume 02 // Numéro 03
Focus sur associations
ALTE-SMP
■■Le Mot du Président
120 ans déjà qu’Henri Vaquez décrivait pour la première fois la maladie
qui porte son nom. Pourtant il a fallu attendre la dernière décennie pour voir
apparaître quelques progrès. Alors que les pathologies tumorales faisaient
l’objet d’intenses recherches et de budgets colossaux,
les syndromes myéloprolifératifs furent longtemps considérés comme
secondaires. Si une timide évolution se dessine dans le bon sens,
le rôle de ALTE-SMP demeure majeur pour beaucoup de malades.
Serge GIRAUDIER
Quelle est l’action de ALTE-SMP ?
L’action de ALTE-SMP se décline à deux niveaux sur
tous les pays et tous les continents.
• Au niveau individuel : la disponibilité 7 jours sur 7,
24 heures sur 24, par internet ou par téléphone, offre
au malade réconfort, explications, orientation, aide à
la résolution des problèmes personnels résultant de la
maladie. Les forums du site alte-asso.org, déclinés par
maladie, offrent à chacun la possibilité de converser et
d’échanger avec tous les malades, d’où qu’ils soient.
C’est un lieu unique d’échanges et d’informations.
Pour tous les adhérents, ALTE-SMP, c’est avant tout
une seconde famille. ALTE-SMP aide les malades, et
pas seulement les membres, bien sûr, à constituer
les dossiers administratifs tels que reconnaissance de
handicap ou demande d’allocation adulte handicapé ;
dossiers de crédits immobiliers, etc.
Le malade restera le cœur de cible de l’action de
ALTE-SMP. La prise en charge individuelle sera
toujours plus importante que les actions collectives,
bien que celles-ci restent essentielles. L’acteur principal de la maladie demeure le médecin, mais en
collaboration avec lui, ALTE-SMP complète son action
en intégrant la dimension familiale et environnementale. Le suivi rapproché, la réponse au jour le jour
permettent au malade de mieux vivre en comprenant
sa maladie et en devenant acteur de sa maladie. Le
travail du médecin en est facilité car il est mieux
compris.
apporter des informations et les dernières nouveautés
de leur profession. Le thème est chaque année différent. Cette manifestation, très conviviale, est particulièrement appréciée parce qu’elle permet des
échanges directs entre médecins et patients, mais
aussi parce qu’elle permet aux malades de tisser des
liens entre eux ; les anciens membres ont pour habitude d’accueillir et de mettre à l’aise les nouveaux
arrivants. Pour beaucoup de malades, ALTE-SMP est
leur seconde famille.
• Des rencontres régionales, dans les villes de
moyenne importance, généralement sous la houlette
d’un médecin local, permettent à des malades qui
n’ont pas envie ou pas les moyens de se déplacer d’être
écoutés et d’entrer dans le groupe.
• En 2011, le concours artistique lancé par ALTE
Figure 1 : Site de ALTE-SMP
alte-asso.org
• Au niveau collectif : Par la diffusion des progrès
thérapeutiques ; par l’information relative à l’arrivée de
nouvelles molécules, par le suivi de l’avancement des
essais cliniques, les membres et les visiteurs d’ALTE
reçoivent une information régulière sur les progrès en
cours dans le domaine de leur propre pathologie. Le
congrès annuel de l’association vient en complément
de l’information papier périodique (bulletins d’information) ou informatique journalière. Les différentes
manifestations confortent le lien.
Les manifestations de ALTE-SMP
• Un congrès annuel est organisé le dernier vendredi
du mois de mars. Des médecins spécialisés viennent
121
Horizons Hémato // Juillet / Août / Septembre 2012 // Volume 02 // Numéro 03
Focus sur associations
■■ ALTE-SMP
auprès des malades a remporté un vif succès. Trois
prix ont été attribués pour des œuvres de peinture et
de sculpture : un par la Société Française d’hématologie, un par le Groupement des hématologues et un
par l’association ALTE-SMP.
• Une journée nationale des SMPs verra prochainement le jour en partenariat entre ALTE-SMP et le
groupement FIM des hématologues ; en principe le
26 Janvier 2013.
Nos publications
• Deux modèles de dépliants sont à la disposition du
public :
– L’un permet une découverte rapide de la maladie et
de l’association ALTE-SMP.
– L’autre explique le besoin de recherche dans le
domaine des SMPs.
• Un livre très complet viendra bientôt en complément.
• Un bulletin bimensuel, par internet ou par la
poste, permet à tous les membres d’être informés des
nouveautés aussi bien sur le plan médical que sur le
plan des actions de ALTE-SMP.
Les projets de ALTE-SMP
Les projets en cours de réalisation
• Un livre complet sur les syndromes myéloprolifératifs qui apportera des informations essentielles sur ces
pathologies encore mal connues. Les meilleurs spécialistes français participent à sa rédaction. Il comportera
pour chaque maladie un volet de description biologique et clinique de la maladie et un volet important
destiné essentiellement aux malades au moyen de
témoignages. Ces témoignages aborderont aussi bien
l’évolution des pathologies que les problèmes de vie
au quotidien, famille, emploi, etc. Cet ouvrage devrait
être disponible courant 2013.
• à la demande des personnes qui découvrent ces
maladies, nous allons produire une vidéo d’explication
des bases biologiques des SMPs en remplacement de
nos DVD intéressants mais qui datent un peu. Une
version plus courte sera mise en ligne sur les réseaux
sociaux.
Les projets à venir
• Nous avons la ferme intention de lancer un
programme de recherche axé essentiellement sur
les SMPs JAK2 négatifs, mais qui pourrait déboucher sur l’ensemble des SMPs. Les médecins du
FIM soutiennent ce projet. Il démarrera dès que nous
aurons obtenu le financement, mais aucune date ne
peut être avancée pour l’instant.
• Une vidéo sera prochainement mise en ligne à la fois
sur le site de ALTE-SMP, mais aussi sur les réseaux
sociaux afin de permettre aux nouveaux malades de
comprendre ce qu’est un syndrome myéloprolifératif.
• En parallèle, une rénovation du site alte-asso.org est
prévue afin de rendre l’accueil plus au goût du jour ;
mais les forums seront inchangés.
Nous tenons à rendre un hommage
posthume au Professeur Jean Brière qui
nous a apporté toute son aide.
■■La structure
Notre comité exécutif est composé
des membres suivants :
Président :
Serge Giraudier
[email protected]
Secrétaire/webmaster :
Jean-Luc Taillandier [email protected]
Trésorière :
Anne-Laurence Taillandier
[email protected]
Vice-présidente :
Marie-France Espoullier
[email protected]
Notre Conseil d’administration réunit dix membres.
Vice-président :
Patrick Frebourg
[email protected]
Contacts :
Nous sommes joignables 7j/7 – 24h/24.
tél. : +33(0)482533574 ou +33(0)620682021
mail : [email protected] ou individuellement
par les adresses ci-dessus, ou directement par
la rubrique « contacts » du site alte-asso.org.
122
Horizons Hémato // Juillet / Août / Septembre 2012 // Volume 02 // Numéro 03
Grand Angle
■■ DOSSIER : Syndromes Myéloprolifératifs
épidémiologie des Syndromes Myéloprolifératifs
(SMPs) sans chromosome Philadelphie
Parmi les syndromes myéloprolifératifs sans chromosome Philadelphie, la
classification de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) 2008 décrit plusieurs
entités distinctes : la Leucémie Chronique à Polynucléaires Neutrophiles, la Maladie
de Vaquez ou Polyglobulie Primitive (PV), la Thrombocytémie Essentielle (TE), la
Myélofibrose Primaire ou Splénomégalie myéloïde (MFP), la Leucémie Chronique
à éosinophiles, la Mastocytose et les syndromes myéloprolifératifs inclassables.
Compte tenu de la faible fréquence de certaines pathologies, seule l’épidémiologie
des trois principales formes à savoir la PV, la TE et MFP sera abordée.
Ces 3 maladies sont des hémopathies malignes d’origine clonale relativement rares puisque l’incidence
pour l’ensemble de ces trois pathologies représente
moins de 5 nouveaux cas pour 100 000 habitants
par an (1, 2). Afin d’établir au mieux les indices épidémiologiques que sont l’incidence, la prévalence, la
survie… il est nécessaire d’avoir recourt à des populations bien définies, de manière à refléter la réalité
telle qu’elle se présente dans la population générale :
cela permet ainsi d’éviter les biais de recrutement qui
peuvent apparaître en particulier dans les cohortes
hospitalières. C’est donc tout l’intérêt des registres
spécialisés de population qui colligent des données
épidémiologiques exhaustives à partir de populations
bien définies (d’une ville, d’un département, d’une
région ou d’un pays), en s’appuyant sur diverses
sources médicales qui se complètent et se confirment.
Ainsi en 1980, Madame le Professeur PauleMarie Carli a créé le premier registre au monde
spécialisé en hématologie dans le département de
la Côte d’Or et qui recouvre une population d’environ
500 000 habitants (3).
De manière à faciliter les comparaisons et à minimiser
les différences en particulier d’âge dans la distribution au sein de différentes ethnies ou populations, les
données d’incidence sont ajustées à une population
standardisée de référence, le plus souvent la population mondiale, parfois la population européenne.
Données épidémiologiques
de la maladie de Vaquez La PV est une maladie exceptionnelle chez l’enfant
et en tout état de cause très rare chez les moins de
30 ans (moins de 1 % des patients (4)) car l’âge médian
au diagnostic est le plus souvent compris entre 68 et
72 ans (1, 5, 6). Environ 10 % des patients ont moins de
50 ans au moment du diagnostic. L’incidence annuelle
standardisée à la population européenne varie entre 0,9
et 1,97 nouveaux cas pour 100 000 habitants selon
les études avec un sex ratio proche de 1 (1, 5, 6), et cette
incidence semble stable au cours des 25 dernières
années (1). Néanmoins, du fait d’une méconnaissance
possible d’une authentique PV en l’absence de réalisation d’une mesure du volume globulaire total (7), il
est licite de penser que l’incidence des PV est parfois
sous évaluée. La prévalence quant à elle est estimée
à 30-35/100 000 habitants (5). Enfin, cette maladie
plutôt indolente d’évolution chronique est associée à
une surmortalité par rapport à la population générale,
en particulier du fait de transformations en leucémie
aiguë myéloblastique (LAM) ou en myélofibrose, et de
complications thrombotiques fatales (8). En effet, la
survie relative des patients avec une PV (c’est-à-dire
la survie comparée à une population de référence de
même âge et de sexe mais sans PV, et qui permet
d’évaluer la mortalité directement attribuée à la PV)
est respectivement de 93 %, 72 % et 46 % après 5,
10 et 20 ans d’évolution (4). Le risque cumulé de LAM
est estimé à 15 % après 15 ans d’évolution (4, 9), avec
néanmoins un risque plus grand chez les femmes (4, 10),
alors que le risque cumulé de transformation en myélofibrose se situe entre 10 et 15 % à 15 ans (4, 9).
Données épidémiologiques de la
thrombocytémie essentielle
La TE est plus fréquente que la PV, puisque l’incidence
annuelle standardisée à la population européenne se
situe entre 1,55 et 2 pour 100 000 habitants (1, 5, 6),
avec une fréquente et discrète prédominance féminine ; bien que les formes infantiles soient possibles,
la TE touche essentiellement les adultes à partir
de 20 ans et surtout les sujets âgés puisque l’âge
médian au diagnostic est proche de 70 ans (de 68 à
73 ans selon les études). La proportion de patients
< 50 ans au moment du diagnostic est de l’ordre
de 17 % (11). L’incidence de la TE a augmenté régulièrement au cours des 30 dernières années, en
grande partie du fait d’un meilleur diagnostic et d’un
recours plus large et systématique à la numération
sanguine dans la pratique médicale (12). De plus, un
accroissement plus important de l’incidence de la TE
a été observé à partir de 2005 en raison non seulement de la découverte de la mutation JAK2V617F
(présente dans environ 70 % des TE), mais aussi par
l’abaissement du seuil de plaquettes de 600 G/L à
400 G/L comme critère diagnostique dans la nouvelle
classification de l’Organisation Mondiale de la Santé
(OMS) 2008 (1). La prévalence de la TE est évaluée à
39 cas/100 000 habitants, chiffre qui, confronté à
l’incidence, traduit une excellente survie proche de
celle de la population générale pour certains (8), mais
moindre pour d’autres auteurs (11) : en effet, l’étude au
long cours de la survie relative montre un affaissement
de la survie après 10 ans (83 %) et 20 ans (47 %)
d’évolution (11).
Le risque de transformation en LAM est similaire à
celui des PV, bien que les données soient très disparates selon les sources : de 2,6 à 14 % après 10 ans
■■Auteur
François Girodon
Hémato-biologiste,
Professeur d’hématologie à
l’UFR Pharmacie de Dijon.
Expertise :
Anomalies du globule
rouge, syndromes
myéloprolifératifs.
Post-doc au Cancer
Center de l’Université
du Nouveau Mexique,
Albuquerque, USA.
Membre de la SFH,
GFHC, GOELAMS et du
conseil d’administration
du FIM. Co-chair du WG4
du programme européen
COST MPN Euronet.
Déclaration publique
d’intérêts :
Aucun.
Correspondance :
Laboratoire d’Hématologie,
PTB
2 rue Angélique Ducoudray,
CHU de Dijon 21079 Dijon
[email protected]
Coécrit avec :
Björn Andreasson
Hematology and
Coagulation Section,
Department of Medicine,
Gothenburg, Sweden.
Mots clés
Incidence,
prévalence, survie,
syndromes
myéloprolifératifs .
Horizons Hémato // Juillet / Août / Septembre 2012 // Volume 02 // Numéro 03
123
Grand Angle
■■ épidémiologie des SMP sans chromosome Philadelphie
Figure 1 : Comparaison
des survies observées et
survies relatives dans la
thrombocytémie essentielle
Survie (%)
Survie observée
Survie relative
■■Ce qu’il
faut retenir
• Les SMPs sont des
pathologies des sujets
essentiellement > 40 ans.
• La TE est la plus
fréquente, et de
meilleur pronostic.
• La MFP est la plus
rare et de mauvais
pronostic, avec une
prédominance masculine.
• Environ 15 % des TE
et PV évoluent en LAM
après 15 ans d’évolution.
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Temps en années
d’évolution, et de 15 à 18 % après 15 ans d’évolution, les meilleurs résultats étant observés chez des
cohortes de patients plus jeunes (13, 14). Dans tous les
cas de figure, à l’instar des LAM post-PV, les transformations en LAM des TE sont de très mauvais
pronostic, avec une survie médiane comprise entre
3 et 6 mois (10, 11, 15). Pour ce qui est du risque de
transformation des TE en myélofibrose, il se situe aux
alentours de 3 % et 10 % à 10 et 15 ans d’évolution,
avec cependant des grandes disparités selon que les
éventuelles formes pré-fibrotiques de TE soient séparées ou analysées avec les TE (14).
Données épidémiologiques de
la myélofibrose primaire
La MFP est l’entité la plus rare mais aussi la plus
agressive. L’incidence annuelle standardisée à la
population européenne est comprise entre 0,3 et
0,5/100 000 habitants, avec une nette prépondérance masculine mise en évidence par un sex ratio
souvent > 2 (1, 5, 6). Cette incidence semble stable au
cours du temps (1), mais devrait augmenter si l’on se
réfère aux critères diagnostiques de l’OMS qui prennent
en compte les éventuelles formes pré-fibrotiques. L’âge
médian au diagnostic est proche de 70 ans (1, 6), avec
10 et 40 % des patients âgés de < 45 ans et < 65 ans
respectivement. Le pronostic est péjoratif puisque tous
stades confondus, la médiane de survie est de 69 mois
responsable d’une prévalence abaissée par rapport
aux PV et TE, évaluée à 3,39/100 000 habitants. Ce
pronostic est étroitement lié à l’âge, la présence d’une
anémie, d’une hyperleucocytose, de blastes circulants
ou de symptômes généraux puisque la survie médiane
varie de 27 à 135 mois selon la présence ou non de
ces critères (16).
■■Références
124
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WHO diagnostic criteria: a population-based study. Haematologica. 2009; 94(6): 865-9.
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the specialized registry of hematologic malignancies of Cote d’Or (Burgundy, France). Haematologica. 96(1): 55-61.
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in Polycythemia Vera: a Population-Based Study on 327 Patients. In: ASH meeting 2011; San Diego. Blood. 2011. p. 1215.
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8. Abdulkarim K, Ridell B, Johansson P, Kutti J, Safai-Kutti S, Andreasson B. The impact of peripheral blood values and bone marrow findings on prognosis for patients
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10. Bjorkholm M, Derolf AR, Hultcrantz M, Kristinsson SY, Ekstrand C, Goldin LR, et al. Treatment-related risk factors for transformation to acute myeloid leukemia and
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15. Abdulkarim K, Girodon F, Johansson P, Maynadie M, Kutti J, Carli PM, et al. AML transformation in 56 patients with Ph- MPD in two well defined populations. Eur
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16. Cervantes F, Dupriez B, Pereira A, Passamonti F, Reilly JT, Morra E, et al. New prognostic scoring system for primary myelofibrosis based on a study of the International
Working Group for Myelofibrosis Research and Treatment. Blood. 2009; 113(13): 2895-901.
Horizons Hémato // Juillet / Août / Septembre 2012 // Volume 02 // Numéro 03
Grand Angle
■■ DOSSIER : Syndromes Myéloprolifératifs
Diagnostic des syndromes myéloprolifératifs :
critères et arbres diagnostiques
Avec un âge médian au diagnostic proche de 60 ans, les syndromes
myéloprolifératifs (SMPs) non LMC sont des pathologies touchant les adultes dans
la deuxième moitié de la vie. Les critères diagnostiques ont été revus depuis la
découverte en 2005 de la mutation JAK2V617F, retrouvée dans 95 % des cas de
polyglobulie de Vaquez (PV), dans environ la moitié des cas de thrombocytémie
essentielle (TE) et de myélofibrose primaire (MFP) (1).
La classification OMS 2008 des syndromes myéloprolifératifs intègre les critères
classiques du diagnostic et les avancées plus récentes de la biologie moléculaire (2).
Circonstances de découverte
Le diagnostic de SMP est suspecté devant un hémogramme
qui montre, selon les cas, une augmentation de l’hémoglobine, de l’hématocrite, des plaquettes, des leucocytes, une
myélémie, des érythroblastes circulants. Souvent réalisé à
titre systématique, l’hémogramme peut avoir été réalisé
après un événement vasculaire, une crise de goutte, ou la
découverte d’une splénomégalie, qui dans ce contexte est
un argument clinique fort en faveur d’un SMP. Plus spécifiquement, les patients polyglobuliques peuvent présenter
une érythrose faciale, un prurit provoqué par l’eau (prurit
aquagénique), ou des signes neurosensoriels d’hyperviscosité sanguine (céphalées, acouphènes, vertiges) notamment
lorsque l’hématocrite dépasse 60 %, seuil à partir duquel la
viscosité sanguine augmente de façon exponentielle. Une
thrombose veineuse inaugurant la maladie est fréquente,
elle peut concerner des sites inhabituels tels les gros troncs
veineux du système splanchnique ou encore le système
cave inférieur réalisant le syndrome de Budd-Chiari. Des
embolies pulmonaires, des thromboses artérielles, des accidents vasculaires cérébraux thrombotiques sont également
possibles. Le risque hémorragique est moins important et se
résume souvent à de petites hémorragies muqueuses parfois
responsables d’une carence martiale pouvant masquer
partiellement une polyglobulie. Des crises d’érythromélagies, douleurs paroxystiques avec gonflement des extrémités
(mains, pieds) le plus souvent déclenchées par le chaud,
sont associées aux thrombocytoses.
Diagnostic d’une maladie de Vaquez
1re étape : suspecter puis affirmer la polyglobulie
L’hémogramme montre par définition une élévation de
l’hémoglobine supérieure au 99e percentile des valeurs
spécifiques de référence en fonction de l’âge, du sexe, de
l’altitude de résidence. Les valeurs retenues sont celles
de 16,5 g/dL chez la femme et 18,5 g/dL chez l’homme.
(tableau 1). Cette définition ne permet pas d’écarter une
hémoconcentration. Seule la mesure isotopique du volume
globulaire total (VGT) ou « masse sanguine » permet d’affirmer une « polyglobulie vraie ». Elle est définie par un
VGT supérieur à 125 % de la normale. à l’ère des classifications moléculaires, la masse sanguine est de moins en
moins réalisée et la disponibilité – ou pas – de l’examen
est aujourd’hui un critère important influant sur la pratique
clinique (3). Le seul point consensuel reste que la mesure du
VGT n’est pas utile si l’hématocrite est supérieur à 56 %
chez une femme ou à 60 % chez un homme car la polyglobulie est alors certaine. à noter que l’hématocrite (> 47 %
chez la femme ; > 54 % chez l’homme) a longtemps été
le critère principal de diagnostic d’une polyglobulie au lieu
de l’hémoglobine : les 2 paramètres sont le plus souvent
corrélés, et l’hématocrite reste très utilisé pour le suivi
thérapeutique.
2e étape : affirmer son caractère primitif
Dans la maladie de Vaquez, il existe fréquemment une
thrombocytose et parfois une hyperleucocytose modérée.
Le dosage plasmatique d’érythropoïétine (EPO) est majeur
pour différencier polyglobulie primitive (EPO basse) et
secondaire (EPO élevée), il est donc à réaliser d’emblée,
avant toute saignée (4). Après une première saignée le taux
d’EPO reste interprétable s’il est bas ou subnormal mais il
perd toute signification s’il est élevé. La mise en évidence
de la mutation JAK2V617F est devenu un critère majeur
(tableau 1). L’OMS recommande de vérifier la présence
d’au moins 1 critère mineur associé. Il faut donc réaliser
d’emblée le dosage d’EPO en même temps que la recherche
de la mutation JAK2V617F, ce qui évitera une exploration médullaire. Au total, le diagnostic de polyglobulie de
Vaquez est simple dans 95 % des cas : il faut éliminer une
polyglobulie secondaire et mettre en évidence la mutation
JAK2V617F, qui dans ce contexte signe le diagnostic.
Comment affirmer une maladie de Vaquez
si la mutation de JAK2V617F n’est pas détectée ?
Cette situation concerne environ 5 % des patients atteints
de polyglobulie primitive. Il est important de commencer
par confirmer la réalité de la polyglobulie (mesure du VGT)
afin de ne pas entreprendre une démarche diagnostique
complexe et coûteuse. Le diagnostic différentiel avec une
polyglobulie secondaire requiert alors la même démarche
rigoureuse que celle qui était appliquée avant la découverte
de la mutation JAK2V617F :
• Dosage de l’érythropoïétine : c’est l’élément clé car l’association polyglobulie et taux d’EPO bas est un argument très
fort en faveur d’une maladie de Vaquez.
• Rechercher la présence de l’ensemble des autres critères
mineurs, ce qui implique un prélèvement de moelle osseuse
comprenant une biopsie médullaire et une aspiration pour
mise en culture.
• Compléter le bilan moléculaire à la recherche d’une
mutation fonctionnellement équivalente : recherche des
mutations de l’exon 12 de JAK2 identifiées en 2007 (5) qui
seront détectées chez 2 à 3 % voire d’autres mutations
exceptionnelles (exons 13-17 de JAK2, LNK, EZH2...). (6)
Lorsque les critères de PV ne sont pas réunis il faut alors
rechercher une polyglobulie secondaire. Le diagnostic
étiologique repose sur l’analyse du taux d’EPO et des
paramètres des gaz du sang (GDS) à la recherche d’une
anomalie des mécanismes senseurs de l’oxygène, d’une
■■Auteur
Christophe MARZAC
Hémato-biologiste.
Expertise :
Outils de diagnostic et de
suivi des hémopathies
myéloïdes.
Membre du Groupe
Français des Biologistes
Moléculaires des
Hémopathies Malignes
(GBMHM) et de l’équipe
INSERM UMRs 872
(Université Pierre
et Marie Curie.
Membre
du CS du FIM.
Déclaration publique
d’intérêts :
Aucun.
Correspondance :
[email protected]
Coécrit avec :
Valérie Ugo
PU-PH au Laboratoire
d’Hématologie du CHRU
de Brest et membre de
l’unité INSERM U1078.
[email protected]
Aude ALINE-FARDIN
AHU au laboratoire
d'anatomie et cytologie
pathologiques, Hôpital
Saint-Antoine, Paris.
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Mots clés
Polyglobulie
de Vaquez,
thrombocytémie
essentielle,
myélofibrose,
JAK2V617F.
Horizons Hémato // Juillet / Août / Septembre 2012 // Volume 02 // Numéro 03
125
Grand Angle
■■ Diagnostic des syndromes myéloprolifératifs : critères et arbres diagnostiques
PV
Tableau 1 : Critères
diagnostiques de
polyglobulie de Vaquez, de
thrombocytémie essentielle
et de myélofibrose primaire
(OMS 2008) (2)
Critères
majeurs
•Polyglobulie définie
par↑Hb > 18,5 g/dl (homme)
ou > 16,5 g/ dl (femme) ou
↑Ht* ou ↑VGI > à 125 %
de la valeur théorique
•Mutation JAK2V617F
ou similaire (mutation de
l’exon 12 de JAK2)
Critères
mineurs
•Myéloprolifération des
3 lignées sur la biopsie
médullaire (panmyélose)
•EPO sérique basse
•Pousse spontanée de
colonies érythroblastiques
in vitro
Le diagnostic
requiert :
Les 2 critères majeurs
+ 1 critère mineur
ou
Le premier critère majeur
et 2 critères mineurs
■■Ce qu’il
faut retenir
• La recherche de
mutation JAK2V617F à
partir d’un échantillon
sanguin fait partie du
bilan initial de toute
suspicion de syndrome
myéloprolifératif. L’apport
diagnostique de la
quantification de l’allèle
muté est discuté.
• Devant une
polyglobulie, le dosage
d’EPO doit être réalisé
avant toute saignée et
tout traitement pour
être interprétable.
• La recherche d’une
mutation de l’exon 12 de
JAK2 doit être réservée
aux cas de polyglobulies
JAK2V617F négatives
avec taux sérique d’Epo
abaissé et/ou autre
critère mineur positif.
• Lorsque JAK2 n’est pas
muté, le bilan hématologique
doit d’abord affirmer le
diagnostic de SMP avant
d’en préciser le type. La
TE reste un diagnostic
d’élimination et la réalisation
d’une biopsie médullaire est
fortement recommandée.
• Les mutations de MPL
sont peu fréquentes,
mais leur recherche peut
être utile au cours du
bilan diagnostique d’une
thrombocytose ou d’une
myélofibrose JAK2V617F
négative. La recherche
des mutations de CBL,
LNK, TET2, ASXL1, EZH2
(etc.) n’est pas (encore)
réalisée en routine.
■■Références
TE
MFP
•Plaquettes ≥ 450 G/l
•Prolifération mégacaryocytaire
avec une morphologie de grands
mégacaryocytes matures
•Absence de critères OMS
diagnostiques de LMC, de PV, de MFP,
de SMD ou de tout autre hémopathie
•Présence de la mutation
JAK2V617F ou d’un autre marqueur
de clonalité ou absence de cause
de thrombocytose réactionnelle
•Prolifération et atypies mégacaryocytaires
avec fibrose réticulinique et/ou collagène
•Ou, en l’absence de fibrose, les changements
morphologiques des mégacaryocytes doivent être
accompagnés d’une augmentation de la cellularité
médullaire et d’une prolifération granuleuse
(définition d’un stade pré-fibrotique de la MFP)
•Absence de critères OMS diagnostiques de LMC,
de PV, de SMD ou de toute autre hémopathie
•Présence de la mutation JAK2V617F ou
d’un autre marqueur de clonalité ou absence
de cause de fibrose médullaire secondaire
•érythromyélémie
•LDH augmentées
•Anémie
•Splénomégalie palpable
Les 4 critères sont nécessaires.
Les 3 critères majeurs + 2 critères mineurs
* L’augmentation de l’hémoglobine (Hb) et de l’hématocrite (Ht) sont aussi définis ainsi : Hb ou Ht > 99e percentile des valeurs
théoriques pour l’âge, le sexe, et l’altitude de résidence. à défaut les seuils respectifs de 15 g/dL et 17 g/dL peuvent être utilisés s’il peut
être démontré que le patient présentait antérieurement un taux basal d’Hb inférieur d’au moins 2 g/dL en l’absence de carence martiale.
VGI : volume globulaire isotopique. BOM : biopsie ostéomédullaire. PNN : polynucléaires neutrophiles. EPO : érythropoïétine. LMC :
Leucémie myéloïde chronique. SMD : syndrome myélodysplasique. OMS : Organisation Mondiale de la Santé.
hémoglobine hyperaffine pour l’oxygène (carboxyhémoglobine, methémoglobine, déficit en 2,3 BPG) d’une pathologie pulmonaire ou cardiaque cyanogène. Finalement,
lorsqu’aucune anomalie n’est retrouvée, l’existence d’une
polyglobulie vraie isolée est appelée érythrocytose pure (6).
Il faut noter que la classification OMS 2008 ne prend plus
directement en compte certains critères mineurs de la classification OMS 2001 (caryotype, splénomégalie, thombocytose, hyperleucocytose). Or la présence d’un caryotype
anormal ou d’une splénomégalie reste un argument majeur
en faveur d’une hémopathie qu’il ne permet pas cependant
toujours de classer.
Diagnostic d’une thrombocytémie essentielle
Il se pose devant une thrombocytose chronique, définie
par un chiffre de plaquettes supérieur à 400 G/L et vérifié
à quelques semaines d’intervalle, sans étiologie évidente
(principalement syndrome inflammatoire chronique,
carence martiale et splénectomie). En l’absence de signe
clinique ou biologique accompagnateur évocateur de SMP
comme une hyperleucocytose avec ou sans myélémie ou
une splénomégalie, ou de complication vasculaire, les
explorations hématologiques ne seront en pratique débutées qu’au delà de 450 G/L. Le diagnostic de TE reste
un diagnostic d’élimination, que JAK2 soit muté ou non
(tableau 1). En effet, quand la recherche de mutation
JAK2 V617F est positive, le diagnostic de SMP est hautement
probable, mais il peut s’agir d’une polyglobulie masquée
ou d’une myélofibrose primaire débutante. Selon les séries
publiées, 30 à 50 % des cas de TE ne sont pas mutés pour
JAK2. Il peut alors être utile de rechercher une mutation de
MPL, retrouvée dans 2 à 5 % des cas (7).
Diagnostic de myélofibrose
Dans la myélofibrose primaire, les anomalies initiales de
l’hémogramme sont variables. L’anémie est fréquente,
mais il existe des formes hyperleucocytaires ou leucopéniques. Les plaquettes peuvent être élevées, normales ou
diminuées. L’élément le plus caractéristique de l’hémogramme est la présence d’une érythromyélémie associée
à des déformations des globules rouges, les dacryocytes ou
hématies en larmes. L’examen de référence est la biopsie
ostéomédullaire. La moitié seulement des cas de myélofibrose primaire sont mutés JAK2V617F. Les mutations de
MPL sont retrouvées dans 10 % des MFPV617F négatives,
mais aussi dans environ 5 % des TE. Le diagnostic des
formes débutantes ou préfibrotiques peut être difficile. Le
caryotype n’est pas utile au diagnostic mais à l’évaluation
pronostique de la MFP.
Conclusion
Devant un hémogramme suspect de SMP, la recherche
de mutation JAK2V617F est l’examen clé. Lorsque
JAK2V617F est positif, le diagnostic d’hémopathie maligne
myéloïde chronique est certain, il reste ensuite à classer
l’hémopathie. Si JAK2V617F est négatif, la question est
d’abord celle de l’existence ou pas d’une hémopathie, et
le bilan recherchera selon la présentation initiale à la fois
une cause secondaire et l’ensemble des critères de SMP.
1. James C, Ugo V, Le Couedic JP, et al. A unique clonal JAK2 mutation leading to constitutive signalling causes polycythaemia vera. Nature. 2005; 434 :1144-1148.
2. Tefferi A and Vardiman JW. Classification and diagnosis of myeloproliferative neoplasms: The 2008 World Health Organization criteria and point-of-care diagnostic
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3. Cassinat B, Laguillier C, Gardin C, de Beco V, Burcheri S, Fenaux P, et al. Classification of myeloproliferative disorders in the JAK2 era: is there a role for red cell
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Horizons Hémato // Juillet / Août / Septembre 2012 // Volume 02 // Numéro 03
Grand Angle
■■ DOSSIER : Syndromes Myéloprolifératifs
Les syndromes
myélodysplasiques/myéloprolifératifs
■■Auteur
Les syndromes myéloprolifératifs/myélodysplasiques (SMPs/SMDs) sont un
ensemble hétérogène d’hémopathies myéloïdes clonales rares proposé par l’OMS
en 1999, dont l’entité la plus fréquente est la leucémie myélomonocytaire
chronique (LMMC). Leur pronostic demeure péjoratif, mais les progrès récents
de leur analyse moléculaire ouvrent de nouvelles perspectives thérapeutiques.
Introduction
La catégorie des SMPs/SMDs proposée par l’OMS
comporte la LMMC, la leucémie myélomonocytaire juvénile (LMMJ), la leucémie myéloïde chronique atypique
(LMCa) et les SMPs/SMDs inclassables (SMDs/ SMPs-U).
En 2008, les anémies réfractaires sidéroblastiques avec
thrombocytose (RARS-T) leur ont été associées. Toutes ces
maladies sont des maladies rares associant une composante proliférative portant sur les globules blancs ou les
plaquettes, et une composante dysplasique plus ou moins
marquée, responsable d’une ou plusieurs cytopénies. Par
définition, elles sont caractérisées par l’absence de chromosome Philadelphie et de réarrangement BCR-ABL (1).
Leucémies myélomonocytaires
juvéniles (LMMJ)
Seule entité pédiatrique au sein des SMPs/SMDs, les
LMMJ ne représentent que 2 à 3 % des leucémies de
l’enfant. Elles surviennent le plus souvent avant 5 ans,
dans 70 % des cas un garçon et dans 10 % des cas dans
un contexte d’anomalie constitutionnelle d’un gène de la
voie de signalisation des Ras/ MAPK (neurofibromatose
de type 1 ou de syndrome de Noonan). Dans les autres
cas, une anomalie acquise peut être identifiée dans cette
voie, de sorte que les LMMJ sont considérées comme
des « Rasopathies » (2). Il s’agit de mutations activatrices
de NRAS ou de KRAS, ou de mutations inactivatrices
des régulateurs négatifs NF1 ou PTPN11, ces dernières
étant les plus fréquentes (35 % des cas). Des mutations
constitutives ou acquises de CBL, une protéine régulant
les récepteurs de cytokines en amont de la voie Ras, sont
aussi possible. Les LMMJ sans marqueur moléculaire
identifié sont désormais très minoritaires (10 %).
L’expression clinique de la maladie est aiguë, associant
fièvre, asthénie et hépatosplénomégalie, et peut évoquer
d’abord une infection virale notamment à CMV. Les critères
biologiques sont ceux de la LMMC (cf. infra), notamment
l’hyperplasie granulo-monocytaire médullaire (figure 1)
et la dysplasie monocytaire (figure 2). Dans la moitié des
cas, le taux d’hémoglobine fœtale est élevé. Une pousse
spontanée de colonies granulo-monocytaires (CFU-GM)
et une hypersensibilité au GM-CSF sont caractéristiques
(figure 3). Le traitement de référence demeure l’allogreffe
de cellule souches hématopoïétiques.
Leucémies myélomonocytaires chroniques
La LMMC est une maladie rare du sujet âgé (âge médian
au diagnostic : 70 ans) à prédominance masculine. Le
diagnostic repose sur 4 critères : monocytose sanguine
(> 1 x 109/L) persistante, absence de chromosome
Philadelphie et de gène de fusion BCR-ABL, blastose
sanguine et médullaire inférieure à 20 %, et/ou dysplasie
cellulaire ou anomalie cytogénétique ou moléculaire
clonale. Le principal diagnostic différentiel est une monocytose réactionnelle dans un contexte inflammatoire ou
tumoral, parfois difficile lorsque la LMMC est associée à
des manifestations dysimmunitaires (3).
La distinction proposée par le groupe FAB entre LMMC
dysplasiques et prolifératives selon la leucocytose (< ou
> ou 13 x 109/L), garde sa pertinence clinique. L’OMS
classe les LMMC en fonction du pourcentage de blastes
dans la moelle : les LMMC-1 (< 5 % dans le sang et
< 10 % dans la moelle) ayant un meilleur pronostic que
les LMMC-2 (5-19 % dans le sang, et/ ou 10-19 % dans
la moelle). Les LMMC avec éosinophilie et réarrangement
du gène PDGFRB sont regroupées avec les hémopathies
myéloides comportant des anomalies de PDGFRA ou de
FGFR1 dans une catégorie indépendante (1).
Le diagnostic est souvent fortuit. Les symptômes sont
la conséquence des cytopénies, parfois accompagnés
de signes généraux. Une hématopoïèse extra-médullaire
est présente chez un tiers des patients : le plus souvent
splénomégalie, plus rarement atteinte cutanée ou des
séreuses (épanchement pleural).
Outre la monocytose, l’hémogramme révèle souvent
une polynucléose neutrophile, voire une myélémie. Les
cellules d’aspect monocytaire comportent fréquemment
un contingent de cellules granuleuses immatures et
dysplasiques douées de propriétés immunosuppressives (5). Une anémie ou une thrombopénie modérées
sont fréquentes. On peut observer une élévation du lysozyme et des lactactes déshydrogénase (LDH) sériques
ou une hypergammaglobulinémie polyclonale. La moelle
est le plus souvent riche, marquée par une hyperplasie
granuleuse, tandis que la prolifération monocytaire, bien
que toujours présente, reste modérée (10 à 15 % des
cellules nucléées). Les monocytes d’aspect immatures
(« promonocytes ») doivent être inclus dans le décompte
des blastes. Les signes de dysplasie sont inconstants.
La biopsie médullaire, non indispensable, montre une
myélofibrose de degré variable chez 30 % des patients.
Le caryotype médullaire n’est anormal que dans un tiers
des cas. Il s’agit d’anomalies déséquilibrées (-7, +8, -Y,
del20q…) non spécifiques.
La médiane de survie avoisine 3 ans. Le décès résulte
d’une transformation en leucémie aiguë dans un quart
des cas. Plusieurs scores pronostiques ont été proposés,
reposant sur les paramètres de l’hémogramme, la blastose médullaire, voire le taux de LDH (6). Aucun ne fait
consensus. Une classification pronostique des anomalies
cytogénétiques propre aux LMMC a été proposée (7), et les
anomalies moléculaires joueront à l’avenir un important
rôle pronostique.
Il n’y a toujours aucun traitement consensuel de la LMMC.
L’abstention est habituelle dans les formes peu symptoma-
Raphaël ITZYKSON
Interne en hématologie
clinique, doctorant à
l’INSERM UMR 1009.
Expertise :
Hémopathies myéloïdes.
Membre du Groupe
Francophone des
Myélodysplasies
et de l’ALFA.
Déclaration publique
d’intérêts :
Aucun.
Correspondance :
Inserm UMR1009
Institut Gustave Roussy
114, rue édouard Vaillant
94805 Villejuif cedex
[email protected]
Coécrit avec :
éric Solary
PU-PH en Hématologie
Clinique à l’Université
Paris-Sud 11.
[email protected]
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Mots clés
Syndromes
myélodysplasiques ,
syndromes
myéloprolifératifs ,
TET2,
JAK2,
SF3B1,
A zacitidine.
Horizons Hémato // Juillet / Août / Septembre 2012 // Volume 02 // Numéro 03
127
Grand Angle
Figure 1 : hyperplasie
granulomonocytaire (frottis
médullaire, May-Grunwald
Giemsa, x400,
crédit : O. Fenneteau,
Laboratoire d’Hématologie,
Hôpital Robert-Debré, Paris)
Figure 2 : monocyte
dysplasique (frottis sanguin,
May-Grunwald Giemsa,
x1000, crédit : O. Fenneteau,
Laboratoire d’Hématologie,
Hôpital Robert-Debré, Paris)
■■ Les syndromes myélodysplasiques/myéloprolifératifs
1
2
3
4
Figure 3 : pousse spontanée
de CFU-GM, CFU-GEMM et
CFU-M en méthylcellulose
(x30, crédit :
Pr. C. Chomienne, Laboratoire
de Biologie Cellulaire,
Hôpital Saint-Louis, Paris)
Figure 4 : sidéroblastes
en couronnes (frottis
médullaire, Perls, x100,
crédit : H. Roudot, Laboratoire
d’Hématologie, Hôpital
Avicenne, Bobigny)
■■Ce qu’il
faut retenir
• Une mutation
récurrente est identifiable
dans plus de 90 %
des LMMC, affectant
notamment les
machineries épigénétiques
et d’épissage.
• Les leucémies
myélomonocytaires
juvéniles (LMMJ) sont
des « rasopathies » : elles
résultent d’une mutation
constitutionnelle ou
acquise de la voie Ras.
• Les agents
hypométhylants sont actifs
dans les formes graves de
LMMC. Seule l’azacitidine
dispose d’une AMM.
• L’allogreffe de moelle
reste le seul traitement
potentiellement curatif
des formes graves
de SMD/SMP.
tiques. Les agents stimulants l’érythropoïèse améliorent
l’anémie tandis que l’hydroxyurée reste le traitement de
choix des formes prolifératives (8). Les agents hypométhylants azacytidine et décitabine peuvent être actifs dans
les formes avancées (9). à ce jour, seule l’azacytidine a
reçu l’AMM, à la dose de 75 mg/m²/jour par cycles de
7 jours mensuels dans les formes comportant <12 x 109/L
leucocytes et >10 % de blastes médullaires. Chez les
sujets les plus jeunes, le seul traitement potentiellement
curatif demeure l’allogreffe de cellules souches hématopoïétiques, dont la faisabilité s’est accrue grâce aux
conditionnements à intensité réduite. La morbi/mortalité de cette procédure et les taux de rechute demeurent
néanmoins élevés.
Contrairement aux LMMJ, les mutations de la voie
Ras/ MAPK ne sont retrouvées que dans un tiers des cas.
Les anomalies génétiques les plus fréquentes affectent
la machinerie épigénétique, notamment TET2 (55 %) et
ASXL1 (35 %), et la machinerie d’épissage, notamment
SRSF2 (45 %). Ces mutations semblent responsables
de la dominance du clone leucémique et de l’hyperplasie
granulomonocytaire.
Anémies réfractaires sidéroblastiques
avec thrombocytose (ARSI-T)
Ce syndrome rare associe les caractéristiques d’une
anémie réfractaire sidéroblastique (ARSI, >15 % de sidéroblastes en couronne, figure 4) à celles d’un syndrome
myéloprolifératif avec thrombocytose franche. Il existe
dans presque tous les cas au moins une mutation de l’un
des 2 gènes suivants : JAK2 à l’instar des thrombocytémies essentielles dont les ARSI-T partagent le pronostic
favorable, et SF3B1, également muté dans la majorité des
ARSI10. Les 2 gènes sont fréquemment mutés simultanément. Des mutations de MPL sont possibles en l’absence
de mutation de JAK2.
Leucémies myéloïdes chroniques
atypiques (LMCa)
Il s’agit d’une leucémie très rare (son incidence exacte est
inconnue, probablement < 1 % des LMC) qui se distingue
par la dysplasie de la lignée granuleuse et l’absence de
BCR-ABL. Elle correspond à une LMMC sans monocytose.
La maladie est agressive et son évolution spontanée se fait
vers la transformation blastique en 1 à 2 ans, le seul traitement potentiellement curatif étant, là encore, la greffe
de cellules souches allogéniques.
Conclusion
La classification des SMPs/SMDs repose sur des critères
clinico-biologiques et cytologiques. Elle est appelée à intégrer les très nombreuses anomalies génétiques en cours
de démembrement. Ces anomalies devraient contribuer à
la meilleure compréhension des mécanismes conduisant
à l’émergence du clone leucémique, étape nécessaire à
l’élaboration de stratégies thérapeutiques plus efficaces.
Dans cette attente, les agents hypométhylants sont une
piste thérapeutique encourageante dans les formes avancées de LMMC.
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Horizons Hémato // Juillet / Août / Septembre 2012 // Volume 02 // Numéro 03
Grand Angle
■■ DOSSIER : Syndromes Myéloprolifératifs
Syndromes hyperéosinophiliques
■■Auteur
Trop souvent négligée, toute hyperéosinophilie (HE), symptomatique ou non,
impose une enquête étiologique approfondie. La découverte d’anomalies génétiques
récurrentes de la lignée éosinophile ou de la lignée lymphoïde dans des HE
jusque-là inexpliquées a permis le développement de thérapies ciblées, dont
certaines ont révolutionné le pronostic, autrefois péjoratif, de ces maladies.
Généralités
La découverte d’une HE sanguine requiert une démarche
systématique et méthodique d’investigation. Même
modérée (< 1,5 x 109/l), elle peut être le signe d’appel
de maladies graves associées (maladies systémiques,
tumeurs malignes …). Qu’elle soit aiguë ou persistante,
toute HE peut, indépendamment de la maladie causale,
être à l’origine de lésions viscérales directement liées
aux PNE. Cette toxicité propre aux PNE est en partie
liée à leur capacité de sécréter des protéines cationiques
hautement toxiques dans les tissus qu’ils auront infiltré
(figure 1). Il arrive toutefois qu’après des investigations
rigoureuses et répétées, l’enquête étiologique demeure
infructueuse. Devant toute HE chronique inexpliquée,
on évoque alors le syndrome hyperéosinophilique (SHE).
Le caractère « d’entité pathologique » des SHE est
maintenant légitimement contesté, en raison d’une
expression clinico-biologique très hétérogène. Une
meilleure connaissance des éléments de régulation
centrale et périphérique de l’éosinophilie sanguine et
tissulaire permet de proposer aujourd’hui une nouvelle
classification des syndromes hyperéosinophiliques (1).
Ainsi, il a été mis en évidence des anomalies génétiques
et/ ou chromosomiques (dont le gène de fusion FIP1L1PDGFRA, F/P) récurrentes affectant la lignée éosinophile,
autorisant ainsi le diagnostic de leucémie chronique à
éosinophile (LCE). Dans d’autres situations, il s’agit
de dérèglements de la lignée lymphoïde, capables de
produire des facteurs de croissance ou des cytokines
actifs sur la lignée éosinophile comme l’interleukine-5,
et définissant alors les SHE lymphoïdes (SHE-L).
Manifestations cliniques des SHE
La présence de manifestations cliniques est directement
liée à la capacité des PNE à infiltrer tissus et organes.
Dans de nombreux cas, une HE sanguine ne s’accompagne d’aucune infiltration tissulaire, et donc d’aucune
manifestation cliniques. Les cibles tissulaires privilégiées sont la peau (69 %), les poumons (44 %) et le tube
digestif (38 %) (tableau 1), alors que l’atteinte cardiaque
ne concerne que 5% des patients au diagnostic et 20 %
au cours de l’évolution de la maladie (2). Il est important
de rappeler que la sévérité des manifestations n’est pas
proportionnelle à l’importance de l’HE. à la différence
des atteintes dermatologiques, pulmonaires et digestives, les cardiopathies à éosinophiles sont souvent
pauci-symptomatiques, et doivent être systématiquement dépistées, même en l’absence de signes cliniques.
Il s’agit de myocardite, de thombus intraventriculaire sur
l’endocarde du ventricule gauche (à haut potentiel embolique), et susceptible d’évoluer vers une fibrose avec
cardiopathie restrictive : la fibrose endomyocardique.
L’ECG, l’échocardiographie et surtout l’IRM sont les
examens de choix. Enfin, l’expression clinique du SHE
est très hétérogène, et dépend en partie du mécanisme
causal : atteinte cutanée dans les SHE-L, prédominance
masculine (moins de 10 cas féminins de LCE F/P+ ont
été rapportés) et atteinte cardiaque au cours des LCE,
notamment celles associées à F/P.
Leucémies chroniques à éosinophiles
La présence d’une HE était, depuis de nombreuses
années, connue dans un certain nombre de syndromes
myéloprolifératifs (SMPs) dont la plupart sont maintenant bien caractérisés au plan cytogénétique et/ou moléculaire : LMC et BCR-ABL, SMPs associés à la mutation
V617F de JAK2, anomalies chromosomiques en 8p11
(impliquant FRGR1), LCE avec une t(5-12), impliquant
PDGFRB et enfin certaines mastocytose systémique avec
mutation D816V de KIT.
L’identification en 2003 du gène de fusion FIP1L1PDGFRA, non détectable sur un caryotype conventionnel,
a définitivement permis d’asseoir le concept de LCE,
jusque là débattu (3). Le gène PDGFRA code pour le récepteur α au PDGFR, appartenant à la classe des récepteurs
à activité tyrosine kinase (TK). Le point de cassure sur
PDGFRA entraîne invariablement la perte d’une région
auto-inhibitrice, aboutissant à une activation constitutionnelle de la fonction TK. La prévalence de la LCE F/ P+
reste mal connue, probablement proche de 10 % des
SHE. L’élévation de la tryptase et de la vitamine B12
sont quasi constantes (tableau 2). Les autres éléments
évocateurs sont une myélofibrose, une myélémie, une
thrombopénie.
Ce gène de fusion F/P a été identifié dans d’autres
hémopathies associées à une HE : lymphomes T non
Hodgkiniens, leucémies aiguës myéloblastiques (4). Sa
recherche est donc indispensable devant toute hémopathie avec HE.
On signalera enfin l’existence d’HE chroniques associées
à des éléments cliniques et/ou biologiques évocateur
de SMP (hépatosplénomégalie, myélémie, cytopénie,
élévation de la vitamine B12, fibrose réticulinique
Jean-Emmanuel Kahn
Praticien dans le Service
de Médecine Interne
de l’Hôpital Foch.
Expertise :
Membre actif du
Réseau éosinophile
Français, il prend en
charge particulièrement
les patients ayant une
hyperéosinophilie
chronique inexpliquée
et un syndrome
hyperéosinophilique. Il
participe à des travaux de
recherche fondamentale
et de recherche clinique
au sein du Réseau
éosinophile. Membre
de l’International
Eosinophilic Society.
Déclaration publique
d’intérêts :
Consultant pour
GSK et participation
aux protocoles sur
le mépolizumab
sponsorisés par
GSK.
Correspondance :
Hôpital Foch,
service de Médecine
Interne,
40 rue Worth
92151 Suresnes Cedex
[email protected]
Mots clés
Syndromes
hyperéosinophiliques ,
leucémies chroniques
à éosinophiles ,
imatinib .
Figure 1 : Polynucléaire
éosinophile, cellule au noyau
bilobé, caractérisée par un
aspect rouge-orangé des
granules cytoplasmiques
(renfermant les protéines
cationiques) en présence d’un
colorant acide telle l’éosine
129
Horizons Hémato // Juillet / Août / Septembre 2012 // Volume 02 // Numéro 03
Grand Angle
Tableau 1 :
Principales manifestations
cliniques des SHE
■■ Syndromes hyperéosinophiliques
Cutanées : éruption cutanée, prurit, angio-œdème, ulcérations muqueuses, nodules
Cardiaques : Myocardite, thrombus intraVG, fibrose endomyocardique
Neurologiques : Accident vasculaire, confusion, neuropathies
Digestives : douleurs, diarrhée, ascite, hépatomégalie, splénomégalie
Pulmonaires : asthme, infiltrats labiles
Tableau 2 : Examens
biologiques utiles à la
caractérisation d’un SHE
Variant lymphoïde
SHE myéloprolifératifs et LCE
Phénotypage des lymphocytes T sanguins
Frottis sanguin, recherche myélémie
Recherche d’un clone T circulant
Myélogramme avec caryotype
IgE totales
échographie abdominale et ou scanner thoraco-abdominal
Vitamine B12, tryptase
FIP1L1-PDGFRA (sur sang, en RT-PCR et/ou FISH)
Autres : BCR-ABL, V617F JAK2, D816V KIT
■■Ce qu’il
faut retenir
• Toute HE,
symptomatique ou
non, necessite un
bilan étiologique.
• Le pronostic est lié
à l'infiltration tissulaire
des PNE, notamment
cardiaque.
• L'imatinib a bouleversé
le pronostic des LCE liées
à FIP1L1-PDGFRA.
• Les corticoïdes restent
le traitement de 1re ligne
dans les autres situations.
médullaire et résistance à la corticothérapie) mais sans
anomalie clonale retrouvée. La réponse hématologique
sous imatinib observée chez certains de ces patients
suggère l’existence d’anomalies encore non identifiées
de TK.
SHE lymphoïdes
Ce variant « lymphoïde » des SHE témoigne d’une dérégulation de l’homéostasie lymphocytaire avec une sécrétion accrue de facteurs de croissance des éosinophiles
(IL-5 principalement) par des cellules T de polarité Th2.
Différentes études ont permis la mise en évidence, par
cytométrie en flux, de phénotypes T aberrants (5,6). Il s’agit
principalement de lymphocytes T CD3-CD4+. L’origine
de ces dérèglements n’est pas connue. L’élévation polyclonale des gammaglobulines, des IgE totales (dont la
production est favorisée par l’IL-4) sont des marqueurs
biologiques évocateurs, mais peu spécifiques. Le nombre
total de lymphocytes ainsi que leur aspect morphologique sont normaux, et aucun lymphome n’est habituellement identifiable. Un phénotypage des lymphocytes
sanguins et/ou la recherche d’une clonalité T circulante
sont nécessaires au diagnostic. La fréquence des SHE-L
est variable de 8 à 33 % selon les critères retenus. La
réponse aux corticoïdes est habituelle, avec un degré
variable de corticodépendance.
Traitement des SHE
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Un traitement est indispensable dans les SHE symptomatiques en raison du risque d’atteinte viscérale
irréversible, ainsi que dans les LCE du fait du risque
d’acutisation. En revanche, certains patients gardent
des HE parfois importantes pendant des années en
l’absence de tout retentissement viscéral, et une simple
surveillance peut alors être proposée. L’importance de
l’HE ne doit pas être un critère de début d’un traitement
chez les patients asymptomatiques.
En cas de LCE F/P+, l’imatinib est bien évidemment
la première ligne thérapeutique, avec une efficacité
initiale constante, et ce à des posologies très inférieures
à celles de la LMC (habituellement 100 mg/j). Moins de
10 cas de résistance ont été rapportés, principalement
liés à l’apparition d’une mutation T674I, analogue à la
mutation T315I de la protéine BCR-ABL. L’imatinib
est par ailleurs indiqué dans les autres formes de LCE
F/P- impliquant une TK sensible à l’imatinib (translocations impliquant PDGFRB ou PDGFRA). La prescription
d’imatinib se justifie aussi dans les SHE sans anomalie
cytogénétique mais avec des arguments indirects de
SMP. Son utilisation n’apparaît pas justifiée dans les
SHE-L ou les SHE idiopathiques en première intention.
Dans les autres situations (SHE-L et SHE idiopathiques), on recommande initialement un traitement corticoïdes (prednisone 0,5 à 1mg/kg/jour).
L’interféron-α et l’hydroxyurée, seuls ou en association,
restent les traitements de 2e lignes de choix. En cas
d’inefficacité ou de corticodépendance à un niveau
élevé, les anticorps monoclonaux anti-IL-5 (mepolizumab, reslizumab) pourraient être une alternative en
raison de leur efficacité et de leur tolérance (7). Dans les
situations réfractaires, la ciclosporine, l’étoposide, la
cladribine, l’alemtuzumab (anticorps monoclonal anti
CD52, exprimé sur les PNE) et l’allogreffe de moelle
seront à envisager.
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7. Rothenberg ME, Klion AD, Roufosse FE, et al. Treatment of patients with the hypereosinophilic syndrome with mepolizumab. N Engl J Med. 2008; 358: 1215-28.
Horizons Hémato // Juillet / Août / Septembre 2012 // Volume 02 // Numéro 03
Grand Angle
■■ DOSSIER : Syndromes Myéloprolifératifs
Néoplasies myéloprolifératives et néoplasies
myélodysplasiques/myéloprolifératives de l’enfant
■■Auteur
Les néoplasies myéloprolifératives (SMPs) et les néoplasies
myélodysplasiques/ myéloprolifératives (MDS/SMPs) sont rares en pédiatrie,
où elles représentent (hors mastocytoses) moins de 10 %
des hémopathies malignes (1).
Néoplasies myéloprolifératives
La leucémie myéloïde chronique(LMC),
BCR-ABL positive
Elle concerne annuellement en France une dizaine
d’enfants de 0 à 14 ans.
Il existe une prédominance masculine. L’incidence
augmente avec l’âge. La LMC survient principalement
au-delà de 10 ans, exceptionnellement avant l’âge de
1 an (1, 2). L’asthénie, la perte de poids et les douleurs de
l’hypochondre gauche sont les principaux symptômes
de révélation. Les caractéristiques cytogénétiques et
moléculaires sont assez superposables à celles de
l’adulte. L’imatinib est le traitement de 1re ligne en
phase chronique (2, 3). Sa tolérance est bonne en dehors
de son impact négatif sur la croissance. Les inhibiteurs
de tyrosine kinase (ITK) de 2e génération sont en phase
de développement chez l’enfant et administrés en cas
d’échec à l’imatinib. Le suivi biologique et les critères
de réponse aux traitements suivent les recommandations de l’adulte. L’exposition à long terme des ITK chez
l’enfant n’est pas connue. La durée du traitement n’est
pas définie mais elle nécessitera d’être précisée dans
les années à venir. La greffe de moelle osseuse reste
indiquée en cas d’échec aux ITK.
La polyglobulie de Vaquez (PV)
et la thrombocytémie essentielle (TE)
Ce sont des maladies exceptionnelles chez l’enfant.
Les publications sont limitées à des cas cliniques ou
à de petites séries s’étendant sur plusieurs années,
avec des critères diagnostiques variables et des résultats parfois contradictoires (4, 5). Le mode de révélation
est souvent fortuit. La démarche diagnostique doit
toujours chercher à éliminer une cause familiale ou
secondaire (figure 1), ou un diagnostic différentiel.
Les critères diagnostiques actuels sont les mêmes
que chez l’adulte. L’âge médian au diagnostic se situe
en général au-delà de 10 ans (4, 5). Des complications
thromboemboliques ou hémorragiques sévères inaugurales sont rapportées dans les PV, notamment lorsque
les leucocytes sont supérieurs à 15 G/L, mais elles sont
rares dans les TE (4, 5). Comparativement à l’adulte, la
mutation JAK2 V617F est moins souvent retrouvée dans
les polyglobulies sporadiques de l’enfant, alors que sa
fréquence est superposable dans les thrombocytoses
sporadiques (5). Les traitements rapportés sont variés et
non consensuels. Dans la PV, des saignées itératives
sont proposées pour obtenir un taux d’hématocrite inférieur à 48 %. Un traitement par faible dose d’aspirine
est proposé en cas de complications thrombotiques ou
de troubles de la microcirculation. En cas de maladie
progressive, un traitement cytoréducteur par interféronalpha ou hydoxyurée est indiqué, ou par anagrélide dans
la TE (5). L’évolution à long terme vers la myélofibrose ou
la transformation leucémique est mal connue.
Arnaud Petit
Pédiatre oncologue.
La myélofibrose primaire
Elle est exceptionnelle chez l’enfant. Une série rapporte
19 cas, dont 3 familiaux, avec un âge médian de
14 mois. Aucune mutation JAK2V617F ou MPL W515K/L
n’a été identifiée dans cette série. Des évolutions spontanément résolutives sont décrites pour 5 patients,
9 patients ont été greffés, 8 sont décédés dont 4 postgreffes. Aucune transformation leucémique n’est
rapportée (6).
Expertise :
Leucémies de l'enfant.
Membre de la SFH
(société française
d'hématologie),
SHIP (société
d'hématologie et
d'immunologie
pédiatrique),
SFCE (société française
de lutte contre les
Cancers et
leucémies de l'enfant et
de l'adolescent),
SFP (société française
de pédiatrie).
Les mastocytoses de l’enfant
Les mastocytoses de l’enfant sont le plus souvent localisées à la peau, de bons pronostics, transitoires et
régressives avant la puberté. De rares formes cutanées
diffuses néonatales et systémiques sévères existent.
Les formes cutanées de l’enfant, comme les formes
systémiques de l’adulte, sont des maladies clonales,
mais qui sont capables de régresser spontanément.
Une mutation activatrice de c-KIT est retrouvée dans
88 % d’une série de biopsies cutanées, dont 35 %
de type c-KIT D16V. Les traitements sont réservés aux
formes graves. Une éducation et des recommandations
préventives sont nécessaires pour éviter les réactions
systémiques anaphylactoïdes (7).
Déclaration publique
d’intérêts :
Aucun.
Correspondance :
Service d’Hématologie et
d’Oncologie Pédiatrique
Hôpital Trousseau
APHP, UPMC Paris 6
26 avenue Arnold Netter
75012 Paris.
[email protected]
MDS/MPN
Le syndrome myéloprolifératif transitoire (SMT)
Il est caractérisé par une hyperleucocytose avec
mégacaryoblastes circulants, souvent accompagné
d’une anémie et d’une thrombopénie. Il survient
dans les 2 premiers mois de vie chez 3 à 10 % des
nouveaux-nés avec trisomie 21. Cette prolifération
n’est pas différenciable d’une leucémie. La présentation clinique est variable. Parfois asymptomatique, elle
peut être sévère avec une mortalité précoce. Souvent,
le SMP ne requière pas de traitement. Une rémission
complète survient spontanément en 3 mois chez 60 %
des patients. 20 % vont développer secondairement,
une leucémie aiguë myéloblastique, le plus souvent
à mégacaryocytes (LAM7), dans les 1 à 3 années
suivantes. Les cellules leucémiques présentent quasiment toujours une mutation acquise de GATA1. Le
pronostic des LAM7 de l’enfant avec trisomie 21 est
bon. Les rechutes sont rares avec un taux de guérison
d’environ 80 % (8).
La leucémie myélomonocytaire
chronique juvénile (LMMJ)
C'est une maladie rare dont l’incidence est légèrement
supérieure à celle de la LMC. Il existe une prédomi-
Mots clés
Néoplasies
myéloprolifératives ,
néoplasies
myélodysplasiques/
myéloprolifératives ,
enfant.
Horizons Hémato // Juillet / Août / Septembre 2012 // Volume 02 // Numéro 03
131
Grand Angle
Figure 1 : Causes des
polyglobulies familiales et
secondaires, d’après (11)
■■ SMPs et MSD/SMPs de l'enfant
Polyglobulies familiales
Polyglobulies secondaires
EPO élevée
Réponse physiologique appropriée à l’hypoxie
– Affinité de l’Hb augmentée pour O2 (p50 basse)
Hb hyperaffine
Pathologie pulmonaire chronique
Déficit en 2,3-DPG
Syndrome de Picwick Syndrome d’apnée du sommeil
Méthémoglobinémie
– Taux abaissé de la paO2
Altitude élevée
– Défaut du signal O2 (p50 normale)
Mutation homozygote VHL (Chuvash)
Autres mutations VHL
EPO normale ou diminuée
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■■Ce qu’il
faut retenir
– Mutations du récepteur à l’EPO
– Polyglobulies congénitales ou familiales primaires
nance masculine. L’âge médian au diagnostic est de
1,8 an. L’enfant présente une pâleur, de la fièvre,
une infection, un saignement ou des symptômes en
rapport avec l’organomégalie.
Les leucocytes sont élevés avec une monocytose absolue, une anémie et une thrombopénie.
L’hémoglobine fœtale est élevée sauf s'il existe une
monosomie 7 associée. Dans 85 % des cas, une mutation codant pour une protéine impliquée dans la voie
Ras est identifiée : mutations somatiques de PTPN11
(35 %), RAS (25 %), CBL (10-15 %), ou mutation
germinale de NF1 (10-15 %). L’évolution blastique
est rare, néanmoins en l’absence de traitement, cette
maladie est rapidement mortelle par insuffisance organique liée à l’infiltration leucémique.
Les nourrissons avec syndrome de Noonan présentent
une forme proche, qui régresse spontanément dans
un délai de plusieurs mois à plusieurs années. Les
chimiothérapies intensives sont peu efficaces.
L’allogreffe de cellules souches hématopoïétiques
(CSH) avec conditionnement myéloablatif par
busulfan permet une survie d’environ 50 %. Les
rechutes post-transplantations surviennent précocement durant la 1re année, mais restent parfois curables
par une nouvelle allogreffe de CSH (9).
Pathologies cardiaques cyanogènes
– Taux normal de paO2
Tabagisme
Intoxication au CO
Réponse physiologiquement inappropriée
– Tumeurs malignes
Tumeurs rénales (carcinomes)
Tumeur de Wilms (néphroblastome)
Tumeurs hépatiques
Fibrome utérin
Hémangioblastome cérébelleux
Myxome atrial
– Tumeurs bénignes rénales
Polykystose rénale
Hydronéphrose
Sténose de l’artère rénale
– Polyglobulie posttransplantation rénale
– Pathologies endocriniennes
Phéochromocytome
Aldostéronisme primaire
Syndrome de Bartter
Syndrome de Cushing
Administration d’hormones
stimulant l’érythropoïèse
– Érythropoïétine exogène
– Androgènes
• Les SMPs et MSD/SMPs sont rares chez l’enfant.
• Le traitement de la LMC est l’imatinib et suit les mêmes recommandations que chez l’adulte.
• La polyglobulie de Vaquez, la thrombocytémie essentielle et la myélofibrose primaire sont exceptionnelles.
• Certaines formes (SMT, mastocytoses) peuvent régresser spontanément.
• Le syndrome myéloprolifératif transitoire de l’enfant avec trisomie 21 et la leucémie myélo-monocytaire chronique juvénile sont deux MDS/SMPs
spécifiquement pédiatriques.
■■Références
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French national phase IV trial. J Clin Oncol. 2011; 29(20): 2827-32.
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132
Horizons Hémato // Juillet / Août / Septembre 2012 // Volume 02 // Numéro 03
Grand Angle
■■ DOSSIER : Syndromes Myéloprolifératifs
Syndromes myéloprolifératifs non LMC :
mutations géniques et architecture clonale
Les principaux syndromes myéloprolifératifs (SMPs), hors leucémie
myéloïde chronique, sont la polyglobulie de Vaquez, la thrombocytémie
essentielle et la myélofibrose primaire. Après la découverte de la mutation
JAK2V617F en 2005, de nombreuses mutations ont été décrites dans ces
hémopathies. Ces nouvelles mutations affectent divers processus cellulaires
tels que signalisation, régulation épigénétique ou transcriptionnelle, et
maturation de l’ARN. Elles témoignent de l’accumulation progressive
par le clone malin d’événements susceptibles de participer à l’évolution
des SMPs vers la myélofibrose ou la leucémie aiguë myéloïde.
Mutations affectant la signalisation des facteurs
de croissance hématopoïétiques (figure 1)
Mutations de JAK2 et MPL
La mutation acquise c.1849G>T ( JAK2V617F) touche
le domaine pseudo-kinase de la tyrosine kinase Janus
Kinase 2 ( JAK2), une tyrosine kinase intermédiaire de
la signalisation des récepteurs de facteurs de croissance
hématopoïétiques auxquels elle est liée, comme ceux de
l’érythropoïétine, de la thrombopoïétine et du granulocytecolony stimulating factor. La mutation induit une activation
constitutive de la kinase, avec en aval une activation des
voies STAT, PI3K/AKT, MAPK. JAK2V617F est présente
dans plus de 95 % des polyglobulies de Vaquez (PV) et
plus de 50 % des thrombocytémies essentielles (TE) et des
myélofibroses primaires (MFP) (1). Certaines conséquences
biologiques de la mutation, comme l’hypersensibilité des
progéniteurs à l’érythropoïétine et à la thrombopoïétine,
avaient été utilisées en pratique diagnostique depuis plus
de deux décennies via la recherche de pousse spontanée
de colonies érythroblastiques ou mégacaryocytaires. Une
série d’études fonctionnelles de cellules primaires de
patients et de modèles murins, notamment les knock-in
de JAK2V617F, ont par la suite permis de démontrer que
la mutation était à l’origine de l’ensemble des caractéristiques phénotypiques de ces SMPs. Rapidement après
la découverte de JAK2V617F, des travaux ont permis
d’identifier des mutations acquises touchant d’une part
d’autres acides aminés de JAK2 (principalement les mutations de l’exon 12) dans moins de 1 % des PV, et d’autre
part le domaine juxta-membranaire du récepteur de la
thrombopoïétine MPL dans environ 5 % des TE et des
MFP (2). Ces deux groupes de mutations aboutissent à une
activation constitutive de la signalisation du récepteur de
l’érythropoïétine pour les premières, et de la thrombopoïétine pour les secondes (figure 1). Il est à noter que dans la
mastocytose systémique, classée par l’OMS depuis 2008
dans les SMPs (3), des mutations activatrices du récepteur
du Stem Cell Factor KIT sont retrouvées, la plus fréquente
étant D816V.
Mutations de LNK et CBL
Récemment, des mutations de deux régulateurs négatifs
de la signalisation des récepteurs de facteurs de croissance
hématopoïétiques, LNK (lymphocyte adaptor protein) et
CBL (casitas B-lineage lymphoma protooncogene), ont été
décrites (2).
Le gène LNK (ou SH2B3, SH2B adaptor protein 3) code
pour une protéine adaptatrice qui se lie au récepteur MPL
par son domaine SH2 et exerce un rétrocontrôle négatif.
Les mutations décrites sont des mutations qui altèrent la
fonction régulatrice de LNK et aboutissent à une activation
aberrante de la voie JAK/STAT. Les mutations de LNK ont
été décrites dans un faible pourcentage de TE et MFP, et
dans de rares de polyglobulies. Le gène CBL code pour une
ubiquitine ligase dont le rôle est de réguler négativement
des tyrosines kinases activées. Les mutations identifiées
dans moins de 5 % des SMPs sont principalement des
mutations faux-sens. Elles sont le plus souvent associées à
la perte de l’allèle non muté de CBL, le plus généralement
par recombinaison mitotique. La conséquence de ces mutations est un défaut de régulation et une activation aberrante
de la signalisation des récepteurs de croissance hématopoïétiques, en particulier de MPL, de c-KIT et de FLT3.
Mutations somatiques affectant
d’autres fonctions cellulaires (régulation
épigénétique, épissage de l’ARN…)
Fréquence de ces mutations dans les SMPs
Après JAK2V617F, de nouvelles altérations génomiques
ont été identifiées par des approches pangénomiques
(CGH array et SNP array). Les techniques classiques de
séquençage (Sanger) et plus récemment le séquençage
de nouvelle génération (NGS) ont mis en évidence de
nouvelles mutations qui affectent des gènes codant pour
des protéines groupées en quatre catégories différentes
selon leur fonction cellulaire :
• Des régulateurs épigénetiques impliqués dans la méthylation de l’ADN, DNMT3A (DNA cytosine methyl transferase 3), IDH1, IDH2 (Isocitrate dehydrogenase 1 et 2) et
TET2 (Ten-Eleven Translocation oncogene family member
2) (2,4).
• Des régulateurs épigénetiques impliqués dans la méthylation des histones, ASXL1 (Additional sex combs-like 1) (5),
EZH2 (Enhancer of zeste homolog 2), SUZ12 (Suppressor
of zeste 2 homolog) (2).
• Des composants du splicéosome impliqués dans la maturation de l’ARN, SF3B1 (RNA splicing factor 3B, subunit 1),
SRSF2 (serine/arginine-rich splicing factor 2) (6,7).
• Des gènes suppresseurs de tumeur (TP53) (2).
à la différence des mutations de JAK2, MPL et LNK, ces
mutations ne sont pas spécifiques des SMPs puisqu’elles
sont retrouvées dans les autres hémopathies myéloïdes
(leucémie aiguë myéloïde (LAM) et syndromes myélodysplasiques) (8). Les mutations de DNMT3A, IDH1/2, TP53
et SRSF2 sont rares dans les formes chroniques de SMP
(< 5 %) et plus fréquentes dans les transformations en LAM
(17 %, 8 à 31 %, 27 % et 19 %, respectivement). Les
mutations de SF3B1 sont relativement peu fréquentes en
■■Auteur
Anne Murati
Praticien spécialiste
des CLCC dans l’unité
d’Hématologie cellulaire
du Département de
Biopathologie.
Elle exerce une activité
de recherche au sein du
Département d’Oncologie
moléculaire (CRCM
UMR1068 Inserm)
de l’Institut PaoliCalmettes à Marseille.
Expertise :
Membre du conseil
scientifique du FIM (France
Intergroupe Syndromes
Myéloprolifératifs),
elle exerce la cytologie
et l’immunophénotypage
des hémopathies
lymphoïdes et myéloïdes
et est spécialisée dans
l’analyse moléculaire et
cellulaire des syndromes
myéloprolifératifs.
Déclaration publique
d’intérêts :
Aucun.
Correspondance :
Département de
Biopathologie,
Unité d’Hématologie
cellulaire
Institut Paoli-Calmettes
232 Boulevard Sainte
Marguerite
13009 Marseille
[email protected]
Coécrit avec :
François Delhommeau
MCU-PH dans le service
d’hématologie biologique
de l’hôpital Saint-Antoine
francois.delhommeau@
sat.aphp.fr
Mots clés
Mutations,
Signalisation,
JAK2,
MPL,
TET2,
ASXL1.
Horizons Hémato // Juillet / Août / Septembre 2012 // Volume 02 // Numéro 03
133
Grand Angle
R-EPO
134
GCSF-R
JAK2
JAK2
JAK2
JAK2
c-KIT
Membrane
cytoplasmique
P13K
• Les SMPs sont
caractérisés par des
mutations acquises
touchant la signalisation
de récepteurs de
facteurs de croissance
hématopoïétiques. La
principale mutation,
retrouvée dans la majorité
des PV et la moitié des TE
et MFP, est JAK2V617F.
• D’autres anomalies
moléculaires, non
restreintes aux SMPs et
moins fréquentes, touchent
des fonctions cellulaires
comme la régulation
transcriptionnelle
ou épigénétique et
l’épissage des ARN.
• La multiplicité et
l’accumulation des
mutations rendent
l’architecture clonale
des SMPs complexe et
dynamique au cours
de leur évolution.
■■Références
JAK2
PIP3
■■Ce qu’il
faut retenir
Retrouvez cet article
en version enrichie sur notre
application Horizons Hémato
MPL
LNK
PIP2
JAK2
Figure 1 :
Représentation
schématique des
principales voies
de signalisation
touchées par
des mutations
acquises dans
les SMPs. Les
étoiles indiquent
les mutations
affectant JAK2,
MPL, KIT, LNK,
CBL. Les flèches
et les lignes
barrées indiquent
des fonctions
activatrices et
inhibitrices
■■ Mutations géniques et architecture clonale
Cytoplasme
MAPK
AKT
Transcription
Noyau
?
recrutement du complexe PRC2 au niveau des gènes HOXA
impliqués dans la prolifération cellulaire. Les mutations
d’ASXL1 sont inactivatrices et l’inhibition de la fonction
d’ASXL1 pourrait alors conduire à une activation aberrante
de la transcription de ces gènes.
Architecture clonale des SMPs
C-CBL
Prolifération
Différenciation
Survie
phase chronique et aiguë (3 à 6 %). Après JAK2, les gènes
les plus fréquemment mutés dans les SMPs en phase
chronique sont TET2 et ASXL1 (10 à 20 % et 2 à 23 %
respectivement selon les études). Les mutations de TET2
ont une répartition homogène quel que soit le sous type de
SMP (PV, TE et myélofibrose : environ 10 %, 8 % et 20 %
respectivement) alors que les mutations d’ASXL1 sont plus
fréquentes dans les myélofibroses que dans les PV et TE
(20 à 40 % selon les séries pour les myélofibroses contre
7 % et 4 % pour les PV et TE respectivement). Pour un
même patient atteint de SMP, plusieurs mutations peuvent
coexister hormis les mutations de TET2 et IDH1/2 qui sont
mutuellement exclusives et les mutations des composants
du splicéosome qui sont également mutuellement exclusives (8). à ce jour, la grande majorité des PV présente une
mutation alors qu’il reste près de 30 % des TE et 21 %
des myélofibroses pour lesquelles aucune anomalie moléculaire n’a été mise en évidence (9).
Conséquence des mutations de TET2 et ASXL1
TET2 est une dioxygénase qui catalyse l’hydroxylation de
la 5-méthylcytosine (5-mC) en 5-hydroxyméthylcytosine
(5-hmC) conduisant à une déméthylation de l’ADN après
conversion de la 5-hmC en cytosine. Pour agir, TET2 nécessite un co-facteur, l’alpha-cétoglutarate, produit lors du
cycle de Krebs grâce à IDH1/2. Les mutations de TET2
sont pour la plupart inactivatrices et induisent une diminution du taux de 5-hmC dans les cellules hématopoïétiques
des patients. Les conséquences sur la transcription de
gènes clés de l’hématopoïèse et l’oncogenèse ne sont pas
encore élucidées. Néanmoins, des modèles murins ont
montré que l’invalidation de Tet2 aboutit à des anomalies
de l’hématopoïèse et à la survenue d’hémopathies non
seulement myéloïdes mais aussi lymphoïdes.
ASXL1 régule les modifications épigénétiques telle que la
méthylation des histones et interagit avec divers répresseurs
et activateurs de la transcription. Son rôle dans la leucémogenèse est mal connu toutefois de récentes données
ont montré que ASXL1 interagit avec deux composants du
complexe polycomb 2 (PRC2), EZH2 et SUZ12 qui sont
des protéines impliquées dans la répression de la transcription via la méthylation de l’histone 3 sur la lysine 27
(H3K27). Ces deux protéines sont également mutées dans
les SMPs avec une fréquence de 3 à 13 % de mutations
d’EZH2 dans les myélofibroses et de très rares mutations
de SUZ12. Le rôle d’ASXL1 pourrait être de favoriser le
L’étude de l’architecture clonale de ces maladies a débuté
dès la découverte de la mutation JAK2V617F. C’est en
étudiant les colonies issues de progéniteurs médullaires ou
sanguins qu’il a été démontré que les cellules porteuses de
deux allèles JAK2 mutés constituaient un sous-clone des
cellules mutées sur un seul allèle ayant subi une recombinaison mitotique du bras court du chromosome 9 générant une disomie uniparentale. En associant une approche
cytogénétique à cette analyse, sur la base de l’observation
de délétions en 20q (del(20q)) et en 13q, la survenue de
plusieurs mutations de JAK2 dans des clones différents
a été démontrée. Après la découverte des autres mutations, l’étude de l’architecture clonale a été focalisée sur
des patients porteurs de mutations de TET2 et JAK2. Ces
travaux ont permis de démontrer que les mutations de
TET2 pouvaient survenir avant ou après les mutations de
JAK2 dans le même clone, mais également dans un clone
différent. L’étude des transformations de SMP en LAM a
ensuite mis en évidence des situations où de multiples
clones pouvaient être détectés soit à la phase chronique,
soit au moment de l’acutisation en fonction de la présence
de mutations de JAK2, TET2, ASXL1, RUNX1, TP53, ou de
del(20q). Ces travaux ont ainsi démontré que l’acquisition
des lésions moléculaires au cours de l’évolution des SMPs
pouvait se faire sur un mode linéaire (un clone acquiert
successivement plusieurs mutations), sur un mode indépendant (deux ou plusieurs clones acquièrent des mutations indépendamment), ou bien selon les deux modes.
Au total, certaines lésions (en particulier les mutations de
TET2 et ASXL1, et del(20q)) surviennent volontiers plus
précocement que les mutations de JAK2. Le clone porteur
de cette première mutation subirait alors des mutations
plus tardives, (JAK2 ou MPL par exemple) qui déclencherait
le SMP du point de vue phénotypique.
Conclusion
Les SMPs hors LMC sont caractérisés par l’existence,
souvent concomitante, de mutations touchant des voies
aussi distinctes que la signalisation des récepteurs,
l’épigénétique, l’épissage des ARN. L’identification des
mutations de signalisation a eu un impact majeur dans
la démarche diagnostique initiale des SMPs. Elle a aussi
permis le développement de stratégies de thérapeutique
ciblée, en particulier dans la MFP, avec les inhibiteurs de
JAK2. La découverte récente des mutations des acteurs
épigénétiques ou du splicéosome pose la question de leur
impact pronostique. L’évaluation de l’impact des mutations
de TET2 et ASXL1 sur les SMPs est aujourd’hui en cours
mais reste difficile compte tenu de ce contexte de maladies
hétérogènes porteuses de multiples mutations.
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Horizons Hémato // Juillet / Août / Septembre 2012 // Volume 02 // Numéro 03
Grand Angle
■■ DOSSIER : Syndromes Myéloprolifératifs
Les syndromes myéloprolifératifs familiaux
■■Auteur
Les SMPs familiaux ne se distinguent pas des SMPs sporadiques sur le plan
clinique et en termes d’anomalies moléculaires acquises. Ils se caractérisent par
une grande hétérogénéité génétique. Les gènes et/ou allèles de susceptibilité
impliqués dans la survenue de ces formes familiales restent inconnus.
Les SMPs familiaux sont des entités rares
et certainement sous-estimées
Les agrégations familiales de SMP ne doivent pas
être considérées comme des faits exceptionnels. Leur
fréquence est difficile à déterminer et varie, selon
les études, entre 0,9 % et 7,4 % des cas de SMP.
Plusieurs données suggèrent que les SMPs familiaux sont sous-estimés.
Tout d’abord, les SMPs sont des pathologies d’apparition tardive, diagnostiqués en moyenne après 55 ans.
Par conséquent, il est fréquent qu’aucune information ne soit disponible sur les générations antérieures.
L’histoire familiale est le plus souvent compatible avec
une transmission autosomique dominante mais pour
environ un tiers des familles, une pénétrance incomplète est observée, se traduisant par des sauts de génération dans les familles (par exemple, les parents du
cas index ne présentent aucune symptomatologie alors
que des oncles/tantes ou cousins germains sont suivis
pour un SMP). Repérer les formes familiales de SMP
requiert de dessiner un arbre détaillé de la famille et de
ne pas se limiter dans l’interrogatoire aux apparentés
au 1er degré. Enfin, l’expression hématologique peut
être très modérée, s’accompagnant d’aucune symptomatologie et conduisant à l’absence de diagnostic,
en particulier pour les thrombocytémies essentielles.
Les SMPs familiaux sont à distinguer des érythrocytoses familiales et des thrombocytoses héréditaires
caractérisées par une transmission mendélienne à
pénétrance complète, une hématopoïèse polyclonale, l’absence d’évènements moléculaires acquis
et d’évolution vers des complications malignes. Dans
ce sous-groupe sont classées les érythrocytoses associées à des mutations constitutionnelles du récepteur
à l’érythropoïétine (EPOR) ou des gènes impliqués dans
la réponse à l’hypoxie tissulaire (VHL, PHD2, HIF2A) et
les thrombocytoses liées à des mutations de la thrombopoïétine (THPO) ou de son récepteur (MPL) et très
récemment de JAK2 (1,2).
Caractéristiques cliniques, hématologiques
et moléculaires des SMPs familiaux
Les formes familiales de SMPs se caractérisent par
une agrégation d’une ou plusieurs entités de SMP.
Ainsi, sur les 135 familles de la cohorte française
(tableau 1), le phénotype est homogène dans 56 %
des cas. Une variabilité d’expression clinique tant dans
la présentation initiale que dans l’évolution du SMP
est souvent observée chez les sujets atteints d’une
même famille. Dans les familles avec plusieurs entités
cliniques, l’association la plus fréquente est celle de
polyglobulie de Vaquez (PV) et de la thrombocytémie
essentielle (TE) (73 %). Plus rarement, des agrégations
Christine Bellanné-Chantelot
familiales incluent des SMPs divers (LMC, mastocytose
systémique…) et des leucémies aiguës (3).
La comparaison des cas familiaux et des cas sporadiques de SMP ne fait ressortir aucune différence
significative sur le sexe, l’âge médian de survenue, les
principales variables hématologiques (hémoglobine,
globules blancs et plaquettes) et les risques de complications vasculaires, de progression vers la myélofibrose
et de survenue d’une leucémie aiguë (3,4).
Le spectre moléculaire des anomalies acquises (5) est
analogue à celui observé dans les cas sporadiques.
La mutation récurrente JAK2V617F est présente dans
90 % des PV et dans environ 60 % des TE et myélofibroses primaires. En revanche, au sein d’une même
famille, le niveau d’expression de JAK2V617F peut être
variable pour une même entité clinique et l’absence de
la mutation JAK2V617F peut s’expliquer par la coexistence d’autres mutations oncogéniques plus rares
telles que les mutations de l’exon 12 de JAK2 ou la
mutation MPLW515. Dans aucun cas, il n’y a de transmission germinale de JAK2V617F ou d’autres mutations
oncogéniques suggérant dans ces familles l’existence
d’évènements génétiques précédent la survenue des
mutations affectant la voie de signalisation JAK/STAT
cytokine-dépendante (3).
L’hypothèse d’évènements pré-JAK2 a été confirmée
dans les cas sporadiques par l’identification de mutations acquises affectant les gènes TET2 et ASXL1 impliqués dans la régulation de la transcription de gènes
via des mécanismes épigénétiques (5). à l’exception
d’une mutation constitutionnelle de TET2 identifiée
chez deux sœurs, l’une ayant une PV et la seconde
étant porteuse asymptomatique, les mutations du gène
TET2 et autres anomalies plus rares sont également
acquises dans les cas familiaux (6,7).
MCU-PH dans le
Département de Génétique
des Hôpitaux Universitaires
La Pitié-Salpêtrière
Charles Foix et rattachée à
l’Unité INSERM UMR1009
à l’Institut Gustave Roussy.
Expertise :
Responsable d’une
Unité fonctionnelle sur le
diagnostic génétique de
maladies rares (maladies
métaboliques, neutropénies
congénitales), elle a
pour projet de recherche
l’identification de facteurs
de prédisposition
dans les syndromes
myéloprolifératifs
et thrombocytoses
héréditaires.
Déclaration publique
d’intérêts :
Aucun.
Correspondance :
Département de Génétique
Hôpital La Pitié Salpétrière
47/83 Bd de L’hôpital
75651 Paris Cedex 13
[email protected]
Facteurs génétiques
de prédisposition aux SMPs familiaux
L’implication de facteurs constitutionnels dans la
survenue des SMPs familiaux a été suggérée par les
observations suivantes : la description d’agrégations
familiales de SMP alors que la fréquence des SMPs
dans la population générale est très rare, de l’ordre
de 2 à 3 cas pour 100 000 ; l’estimation, à partir
des registres nationaux de cancers en Suède (période
1958-2005), d’un risque 5 à 7 fois plus élevé de
survenue d’un SMP chez les apparentés au premier
degré d’un cas atteint (8) ; et la survenue de plusieurs
évènements mutationnels indépendants chez un même
patient suggérant en amont l’existence de facteurs de
prédisposition.
Les premières recherches de facteurs de prédisposition
se sont basées sur l’hypothèse que les SMPs familiaux
étaient des entités mendéliennes avec une transmis-
Mots clés
Polyglobulie
de Vaquez,
thrombocytémie
essentielle,
myélofibrose primaire,
prédisposition
génétique,
haplotype
46/1.
Horizons Hémato // Juillet / Août / Septembre 2012 // Volume 02 // Numéro 03
135
Grand Angle
■■Ce qu’il
faut retenir
• Les SMPs familiaux
sont des entités rares,
fréquence moyenne
estimée à 2 % des
cas de SMP.
• Ils sont associés
à une transmission
autosomique dominante
avec pour 1/3 des
familles, une pénétrance
incomplète (importance
de l’enquête familiale
jusqu’au 2nd degré).
• L’atteinte
hématologique et le
spectre des anomalies
acquises sont analogues
à ceux observés dans
les SMPs sporadiques.
• Aucun gène majeur
de prédisposition
identifié à ce jour.
Tableau 1 : Spectre clinique
de la cohorte française
incluant 135 familles
PV : polyglobulie de Vaquez
TE : thrombocytémie
essentielle
MFP : myélofibrose primaire
LMC : leucémie myéloïde
chronique
■■ Les syndromes myéloprolifératifs familiaux
sion autosomique dominante, une pénétrance incomplète et étaient associés à quelques gènes majeurs
responsables de ces agrégations familiales. Plusieurs
études d’analyses de liaison ont été réalisées mais
aucune n’a conduit à l’identification d’un gène de
prédisposition. Plusieurs raisons peuvent expliquer ces
résultats : l’analyse de liaison nécessite d’étudier des
grandes familles avec au moins 4 cas atteints, cette
situation est exceptionnelle; cette approche nécessite
de poser des hypothèses sur le modèle héréditaire le
plus probable. Un mode de transmission autosomique
dominant est le plus souvent compatible mais dans
environ 40 % des familles, un mode de transmission
autosomique récessif ne peut pas être exclu ; la pénétrance incomplète observée dans un tiers des familles
montre que le facteur génétique de prédisposition seul
n’est probablement pas responsable du développement
de la pathologie, celle-ci survenant après une succession d’évènements mutationnels acquis ; enfin, les
résultats d’analyse de liaison sont en faveur d’une hétérogénéité génétique, chaque gène de prédisposition
étant lié à quelques familles.
Une seconde hypothèse pour expliquer les agrégations familiales est l’existence d’allèles de susceptibilité présents dans la lignée germinale et favorisant
la survenue d’évènements mutationnels acquis. En
2009, un haplotype de susceptibilité dénommé 46/1
a été identifié au locus JAK2. Cet haplotype confère un
risque 3 à 4 fois plus élevé de survenue de la mutation JAK2V617F. L’analyse de l’haplotype 46/1 dans
une cohorte de 52 familles italiennes a montré que sa
fréquence était significativement supérieure à celle de
la population générale (42 % vs 27 %) mais comparable à celle des cas sporadiques (7). Dans cette cohorte,
un tiers des cas familiaux n’étaient pas porteurs de
l’haplotype 46/1. L’haplotype 46/1 ne permet donc
pas d’expliquer les agrégations familiales de SMP.
Il confère une susceptibilité à la survenue de mutations oncogéniques au locus JAK2 aussi bien dans
les cas sporadiques que familiaux, 80 % des allèles
JAK2V617F survenant sur cet haplotype.
Conclusion
Aucun gène majeur de prédisposition n’a été identifié
parmi les gènes impliqués dans les différentes étapes
de développement et d’évolution des SMPs. Plusieurs
projets internationaux basés sur le séquençage ciblé
de l’ensemble des régions codantes du génome (Whole
Exome Sequencing) ou sur le séquençage du génome
total, permettant d’analyser indépendamment chaque
famille et se soustraire ainsi du problème d’hétérogénéité génétique, devraient prochainement apporter
des résultats.
Nb de familles ( %)
■■
Familles avec une seule entité de SMP
PV
34 (25,2 %)
TE
35 (25,9 %)
MFP
3 (2,2 %)
LMC
4 (3 %)
■■
Familles avec 2 entités de SMP
PV et TE
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76 (56 %)
59 (44 %)
43 (31,9 %)
PV et MFP
3 (2,2 %)
PV et LMC
2 (1,5 %)
TE et MFP
5 (3,7 %)
TE et LMC
4 (3,0 %)
■■
2 (1,5 %)
Familles avec ≥ 3 entités de SMP
PV,TE et LMC
1
PV,TE, MFP, LMC et mastocyose systémique
1
■■Références
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136
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Horizons Hémato // Juillet / Août / Septembre 2012 // Volume 02 // Numéro 03
Grand Angle
■■ DOSSIER : Syndromes Myéloprolifératifs
Modèles animaux de SMP
■■Auteur
Les modèles de SMP sont développés par expression de
cytokines, récepteurs de cytokines, facteurs de signalisation ou
de transcription modifiés. Ils ne correspondent pas toujours à des
anomalies trouvées chez le patient mais apportent des informations
essentielles sur la physiopathologie et la thérapie des SMPs.
De nombreux modèles de SMP sont décrits. Nous exclurons ici les modèles de leucémie myéloïde chronique
(BCR-ABL) ou myélo-monocytaire chronique (invalidation de TET2 ou TIF1γ et expression de RAS activé par
exemple). Nous centrerons cette revue sur les modèles
de polyglobulie, thrombocytose ou myélofibrose (MF)
(tableau I).
L’expression du seul MPL normal à un niveau faible
et tardif aboutit à une maladie de type TE, possiblement par défaut de clearance de la TPO. Ce travail
montre que des thrombocytoses peuvent provenir du
défaut extracellulaire de MPL comme observé chez les
patients présentant la thrombocytose familiale de type
« Baltimore » (MPLK39N).
SMP par surexpression de cytokines
SMP par facteurs
de transcription modifiés
Plusieurs modèles de surexpression rétrovirale (RV) de
cytokines dans les cellules souches hématopoïétiques
ont été décrits, dont celui de l’Epo mimant une polyglobulie secondaire. Cependant le plus étudié et le seul
concernant les trois lignées granuleuse, érythroïde et
plaquettaire est celui de la thrombopoïétine (TPO). Ce
modèle mime la MF primaire (MFP) avec une phase
initiale d’hyperprolifération des 3 lignées myéloïdes
puis une phase terminale de pancytopénie létale due
à une fibrose et ostéosclérose. Dans plusieurs études,
nous avons détaillé les médiateurs de la réaction stromale (figure 1) et deux approches thérapeutiques ciblant
le TGFβ par son récepteur soluble (réduction seule de
la fibrose) ou NF-κB par un inhibiteur du protéasone
(réduction de fibrose, myéloprolifération et létalité) (1).
SMP par récepteurs aux
cytokines modifiés
Le modèle RV MPL W515L induit une MFP rapidement
létale associé à une polyglobulie, contrairement à la
maladie MPL W515L humaine. Ceci est lié à l’expression
ectopique RV de ce récepteur activé. Dans ce modèle,
R.L. Levine a montré l'inefficacité sur le clone MPLW515L
des inhibiteurs de JAK2 au contraire d'un inhibiteur
de HSP90 (2). Un autre modèle s’est attaché à étudier
le phénotype induit par une diminution de MPL.
Modèle murin
Anomalie retrouvée
(stratégie expérimentale)
chez l’homme
L’un des modèles les plus étudié de MF est le modèle
GATA-1Low lié à une invalidation spécifique de GATA1
dans les mégacaryocytes. Ces souris développent des
MFs tardives dues à une hyperplasie mégacaryocytaire
dysplasique et des modifications du microenvironnement. A contrario, l’hyper-expression du facteur STAT5
activé produit un SMP létal. Ce phénotype est également retrouvé par sur-expression de l’oncostatine M,
une cible de STAT5. De façon intéressante, l’inactivation de STAT5 bloque le développement des SMPs
induits par Tel- JAK2, JAK2V617F ou ETV6-LYN et
BCR-ABL, sans conséquence majeure sur l’hématopoïèse normale, faisant de STAT5 une cible idéale
dans les SMPs (3). Les mutations perte de fonction de
c-Myb, semblent favoriser la différenciation mégacaryocytaire et entrainent chez la souris des MF avec
anémie et thrombocytose. De même, l’invalidation du
facteur répresseur de transcription BACH1 induit une
prolifération mégacaryocytaire anormale associé à une
MF. Cependant, la pertinence de ces modèles chez
l’homme, exceptée l’association dysplasie mégacaryocytaire/MF, reste à démontrer.
SMP par facteurs de transduction modifiés
Plus près de la physiopathologie des SMPs, plusieurs
Caractéristique du SMP murin
Références
Oui
PV + MF secondaire, (TE)
MF 1-6 mois
Werning. & Lacout. Blood 2006
Tiedt .Blood 2008
Akada & Marty. Blood 2010
Mullally. Cancer Cell 2010
TPOHigh
(RV, Ad, TG)
Non
MFP
(4-7 mois de survie)
Yan. Blood 1996
Villeval. Blood 1997
MPL W515L
(RV)
Oui
rapide MFP (+ polyglobulie)
(< 2 mois de survie)
Pikman.
PLoS Med. 2006
GATAlow
(KO)
Non
MFP
(souris CD1, MF à >1 an)
Vannucci. Blood 2002
LNK-/(KO)
Oui
SMP + lymphoïde + MF
Velazquez J. Exp. Med. 2004
(Oui)*
TE
Tiedt. Blood 2009
SMP avec fibrose
Schwaller. Mol. Cell 2000,
Kato. JEM 2005
JAK2V617F
(RV, TG, KI)
MPL
TG
low
Mut-Stat5a activé
RV
Non
Jean-Luc Villeval
Directeur INSERM.
Expertise :
Développe des modèles
de SMP murine (EPOHigh,
TPOHigh et JAK2V617F)
et utilise ces modèles
pour comprendre la
physiopathologie des
SMPs et pour développer
de nouvelles approches
thérapeutiques.
Déclaration publique
d’intérêts :
Aucun.
Correspondance :
INSERM UMR 1009
(Normal and pathological
Hematopoiesis)
Institut Gustave Roussy PR-1
114 rue édouard Vaillant
94805 Villejuif Cedex
[email protected]
Coécrit avec :
Stéphane Giraudier
Professeur H. MondorCréteil et U.1009, Institut
Gustave Roussy, Villejuif.
[email protected]
Mots clés
SMP murine,
TPO,
JAK2V617F,
MPL.
Tableau 1 : Principaux
modèles murins de
SMP
RV : rétroviral
TG : transgénique
KI : Knock-In
KO : Knock-Out
MF : myélofibrose
* proche de la mutation
familiale « Baltimore »
MPLK39N
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137
Grand Angle
Figure 1 : Médiateurs
de la fibrose et de
l’ostéosclérose identifiés
dans le modèle TPOHigh.
L’hyperplasie de
mégacaryocytes (MKC)
dysplasiques induite
par la surexpression
rétrovirale de
thrombopoïétine
(TPO) entraîne chez
la souris une maladie
similaire à la MFP
humaine. Nous avons
pu montrer que la
surexpression de TGFβ
est primordiale au
développement de la fibrose
et en partie l’ostéosclérose
et que la surexpression
d’ostéoprotégérine (OPG)
l'est à celui de l’ostéosclérose
qui résulte du blocage
de l’ostéoclastogénèse.
Les monocytes jouent
un rôle mineur par
rapport aux MKC de type
dysplasique et la molécule
responsable de l’activation
du TGFβ, qui n’est pas la
thrombospondine (TSP),
reste encore à découvrir. La
production d’IL1α témoigne
aussi de l’activation
de la voie NF-κB.
Chagraoui H.
Blood 2002 & 2003,
Wagner-Ballon O.
J.I. 2006 & Blood 2007
■■ Modèles animaux de SMP
modèles JAK2V617F ont été développés. Les modèles
rétroviraux (4) et transgéniques aboutissent en général
à des phénotypes de type PV suivi de MF secondaire
(figure 2). Les travaux de R. Skoda ont révélé que le
rapport JAK2V617F/ JAK2WT était essentiel au phénotype : un rapport VF/WT ≤ 40% aboutit à une thrombocytémie sans polyglobulie alors que la surexpression
RV de JAK2V617F aboutit à une polyglobulie sans
thrombocytémie (5). Ces résultats corroborent l’hypothèse du dosage génique (l’homozygotie JAK2V617F
est rarement retrouvé dans les TE mais fréquemment
dans les PV). Les modèles KI JAK2V617F avec expression physiologique ont cependant montré que l’expression hétérozygote de JAK2V617F aboutit aussi à un
phénotype PV (6), sauf dans le cas d’un JAK2V617F
humain suggérant une différence d’espèce. De plus,
ils tendent à montrer que le JAK2V617F murin donne
en greffe compétitive un avantage prolifératif aux
cellules souches et suggère que cette mutation est
Figure 2 : Anomalies des
souris JAK2V617F
■■Ce qu’il
faut retenir
A
A
D
D
B
responsable de l’émergence clonale des SMPs.
Cependant, d’autres mutations de type « épigénétiques » comme celles inactivant Tet2 ou Dnmt3a
donnent aussi cet avantage prolifératif et pourraient
aussi contribuer à cette émergence. D’un point de vue
thérapeutique, le modèle KI a montré l’inefficacité
des inhibiteurs de JAK2 mais l’efficacité de l’IFNα
sur les cellules initiatrices de la maladie, corroborant
les études chez l’homme.
Un modèle RV de mutations de l’exon12 de JAK2
génère uniquement une érythrocytose, comme chez
l’homme, montrant la spécificité érythroïde de ce
type de mutation. L’activation de la voix JAK2 par
invalidation de LNK, un régulateur négatif de JAK2,
induit une SMP avec leucocytose, thrombocytose et
splénomégalie accompagnées de MF mais aussi de
lymphoprolifération B. Un autre modèle en rapport
avec un patient MFP avec ins(12;8)(p13;q11q21)
(ETV6-LYN) génère également un SMP avec MF. Il
semble pourtant que le blocage des protéines de la
famille SRC dans un modèle RV n’interfère pas avec
le développement des SMPs JAK2V617F.
En conclusion, il existe aujourd’hui de nombreux
modèles murins mimant bien les SMPs humains. Ils
permettent de mieux comprendre les événements
induisant ces maladies et les protocoles thérapeutiques pouvant les guérir. Ils montrent que la seule
mutation JAK2V617F reproduit bien la PV suivie
de MF secondaire et le modèle TPOHigh la MFP de
type MPL W515L. Des modèles associant plusieurs
événements moléculaires seront nécessaires pour
comprendre le rôle des mutations additionnelles à
JAK2V617F et le développement des nombreuses TE
et MFP qui restent à ce jour sans étiologie connue.
C
B
C
E
F
E
F
Sang :
A globules rouges de forme,
couleur et taille anormale,
B plaquettes géantes
et C leucocytose
(> 105 GB/mm3) ;
Moelle :
D hyperplasie initiale des
3 lignées myéloïdes avec
clusters de MKC,
E hypoplasie terminale avec
MKC dysplasique et
F accumulation de fibres de
réticuline (coloration argent)
montrant la fibrose terminale
(Lacout et al. Blood 2005)
Figure 2: Anomalies des souris JAK2V617F : Sang: (A) Globules rouges de forme, couleur et taille
GB/mL);
Moelle:qui
(D)ont
hyperplasie
initiale leur découverte chez l’homme
anormale,
(B) miment
plaquettesles
géantes
et (C)humaines
leucocytoseavec
(>10 des
• Il existe de nombreux modèles de
SMP qui
maladies
anomalies
parfois précédé
des 3 lignées myéloïdes avec clusters de MKC, (E) hypoplasie terminale avec MKC dysplasique et
(LNK-/-, activation constitutive de MPL).
(F) accumulation de fibres de réticuline (coloration argent) montrant la fibrose terminale. (Lacout et
• Leur utilité est prouvée dans la compréhension
al. Blood 2005) des mécanismes de développement de la myélofibrose et des nouvelles thérapies (inhibiteur de JAK2,
HSP90 ou HDAC).
8
■■Références
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138
Horizons Hémato // Juillet / Août / Septembre 2012 // Volume 02 // Numéro 03
Grand Angle
■■ DOSSIER : Syndromes Myéloprolifératifs
Facteurs pronostiques des SMPs
■■Auteur
Le pronostic des TE et des PV est dominé par le risque de thrombose.
La MFP est beaucoup plus grave, avec une survie très variable et une médiane autour
de 5 ans, justifiant la recherche de facteurs pronostiques pouvant aider aux décisions
thérapeutiques, notamment de l’allogreffe médullaire, seul traitement curateur.
Dans la TE et la PV
Les facteurs pronostiques dans la TE et la PV concernent
d’une part le risque thrombotique et d’autre part le risque
de transformation en myélofibrose et/ou en leucémie
aiguë (1). Les facteurs de risque thrombotiques majeurs,
reconnus pour les 2 pathologies, sont l’âge (> 60 ans) et
les antécédents personnels de thrombose. Les facteurs
de risque cardiovasculaire intercurrents (hypertension
artérielle, tabagisme, diabète) sont une cause aggravante justifiant une prise en charge spécifique. D’autres
facteurs de risque thrombotique, directement liés à ces
2 SMPs, ont été plus récemment décrits, au premier rang
desquels l’hyperleucocytose.
Dans la TE, la transformation aiguë est très rare, favorisée
par la présence d’anomalies cytogénétiques, l’existence
d’une myélofibrose, et probablement l’utilisation d’agents
cytotoxiques. La survie des patients atteints de TE n’est
classiquement pas modifiée par rapport à celle de la
population générale, notamment dans la première décade
après le diagnostic (2). Les états préfibrotiques, dont l’individualisation est controversée, ont cependant une survie
diminuée et un risque accru d’évolution vers la myélofibrose (3). Un score pronostique vient d’être établi par le
IWG-MRT sur 891 patients atteints de TE (4). Il est basé
sur l’âge (> 60 ans), l’hyperleucocytose (> 11 x 109/L),
les antécédents thrombotiques au diagnostic et identifie 3 groupes dont la survie médiane est proche de
14 ans pour les patients à haut risque, de 24 ans pour
les patients à risque intermédiaire et non atteinte pour
les patients à faible risque. Par ailleurs, la présence de
la mutation de JAK2V617F ne semble pas influencer
l’évolution fibrotique ni leucémique mais est nettement
corrélée à un risque accru de thrombose.
Dans la PV, les risques majeurs sont également les
thromboses et à plus long terme la transformation vers
la myélofibrose ou la leucémie aiguë, ces 2 dernières
plus fréquentes que dans la TE. L’hyperviscosité, liée à
l’augmentation de l’hématocrite, est un facteur de risque
thrombotique supplémentaire. L’hyperleucocytose, à côté
du risque thrombotique, est un facteur prédictif de l’évolution vers la myélofibrose, avec un seuil à 15x109/l au
diagnostic (5). Une étude rétrospective du PVSG, publiée
récemment, met en évidence une survie diminuée par
rapport à la population générale chez les patients traités
par agents cytotoxiques, pipobroman surtout (6). Ainsi chez
les patients âgés de moins de 65 ans, traités, la première
cause de mortalité est la transformation aiguë, devant les
évènements vasculaires. Par ailleurs, la charge allélique
JAK2V617F influencerait le risque de transformation vers
la MF mais pas le risque de transformation en leucémie
aiguë (5).
Dans la MF, primaire ou secondaire
Des facteurs pronostiques sur la survie à partir du
diagnostic ont été décrits de longue date, au premier
rang desquels l’anémie. Le traitement est resté longtemps
décevant et purement palliatif en dehors de l’allogreffe
de moelle osseuse, seule possibilité curatrice réservée à
une minorité de patients jeunes. L’avancée des connaissances physiopathologiques (mutation de JAK2V617F
notamment) et les progrès thérapeutiques (extension
de l’âge de la greffe, nouvelles molécules ciblées) ont
favorisé la création de groupes coopérateurs et l’affinage
des données pronostiques sur de grandes séries : scores
pronostiques sur la survie à partir du diagnostic puis
scores « dynamiques », le but essentiel étant de poser
au mieux les indications thérapeutiques.
Les facteurs pronostiques principaux sur la survie à partir
du diagnostic sont : l’anémie (Hb < 10 g/dl), paramètre
ancien le plus puissant, l’âge (> 65 ans), les signes
évolutifs, les extrèmes de la leucocytose (GB < 4.109/l
et surtout > 25 ou 30.109/l) et la présence de blastes
circulants (7,8). Ni la taille de la rate ni le grade de la fibrose
n’ont d’impact. Le score pronostique de Lille (7), utilisé
depuis 1996, basé sur 2 paramètres (Hb < 10 ; GB < 4
ou > 30) discriminant 3 groupes (médianes 13, 26 et 93
mois) a été remplacé en 2009 par le score international
(IPSS) établi à partir de l’étude rétrospective de plus de
1000 patients : 5 facteurs( Hb < 10, âge > 65, présence
de signes évolutifs, GB > 25, présence de blastes circulants) discriminent 4 groupes (0, 1, 2 et > 3 facteurs)
avec une médiane proche de 2, 4, 8 et 11 ans (figure 1).
Il a pu être démontré plus récemment la valeur péjorative
de ces mêmes paramètres durant l’évolution, permettant
de définir un score « dynamique » international
(DIPSS) (9). D’autres facteurs ont été décrits, au premier
rang desquels les anomalies cytogénétiques, considérées
initialement comme péjoratives dans leur ensemble (7).
Avec l’augmentation de taille des séries étudiées, des
détails ont ensuite été progressivement apportés, avec la
description d’anomalies « favorables » (survie équivalente
au caryotype normal : 20q- ;13q- ;+9 ;anomalie du 1 ;
autre anomalie simple ou double sauf défavorable) et
d’anomalies défavorables (+8 ; -7/7q- ; -5/5q- ; i17q ;
12p- ; 11q23 ; inv3 ; complexe).Leur signification
pronostique, de complexité croissante, est parfois
discutable au vu de la fréquence limitée de certaines
anomalies (10). La valeur péjorative indépendante de la
thrombopénie est reconnue durant l’évolution (avec
une limite allant de 50 à 150.109/l suivant les séries)
mais pas au diagnostic (sans doute car corrélée aux
autres facteurs et notamment à l’anémie) (7-11). Le besoin
transfusionnel est également un élément défavorable.
Le score DIPPS Plus adjoint au DIPPS les 3 paramètres
précités : besoin transfusionnel ; thrombopénie < 100 ;
caryotype défavorable (10).La valeur pronostique des
nombreuses anomalies moléculaires décrites depuis
2005 est en cours d’étude : si la présence de la
mutation de JAK2V617F, de MPL et de TET2 n’est
pas défavorable, plusieurs anomalies sont péjoratives :
haplotype JAK2 46/1 ; faible charge allélique
JAK2V617F ; mutation IDH et EZH2 (12).
Brigitte Dupriez
PH en hématologie Clinique.
Expertise :
SMP Phi nég et surtout
MFP : membre du FIM
(CA et CS) et de l’IWG-MRT.
Déclaration publique
d’intérêts :
Aucun.
Correspondance :
Service d’Hématologie
Clinique
Centre Hospitalier,
Route de La Bassée
62300 Lens
[email protected].
Coécrit avec :
Nathalie Cambier
Hématologue, PH.
Hôpital Saint Vincent
de Paul, Lille.
[email protected]
Mathieu Wémeau
Hématologue,
chef de clinique.
CHU Lille.
[email protected]
Mots clés
Pronostic,
risque thrombotique,
risque leucémique,
score pronostique,
IPSS.
Horizons Hémato // Juillet / Août / Septembre 2012 // Volume 02 // Numéro 03
139
Grand Angle
■■ Facteurs pronostiques des SMPs
Figure 1:
Courbes de survie actuarielle
des 4 groupes de risque selon
le nouveau score IPSS
■■Ce qu’il
faut retenir
• Les facteurs de risque
thrombotiques reconnus
dans la TE et la PV sont
l’âge et les antécédents
de thrombose, ainsi que
l’hyperleucocytose.
• La survie est longue
dans les TE et les PV, avec
un risque faible d’évolution
vers la myélofibrose
ou la leucémie aiguë,
probablement favorisé
par certains traitements.
• Dans la MFP, les
principaux facteurs
pronostiques sur la survie
(anémie, hyperleucocytose,
âge élevé, signes évolutifs
et blastose circulante)
définissent le score IPSS
établi au diagnostic et restent valables
durant l’évolution.
• La constatation d’une
amélioration de la survie
avec le temps, constatée
récemment dans la MFP,
pose l’hypothèse de
l’influence positive des
traitements actuels.
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sur notre application Horizons Hémato
■■Références
140
Les causes de décès sont multiples, comportant 10 à
20 % de transformation en leucémie aiguë, par évolution naturelle de la maladie, possiblement favorisée
par certains traitements. Quelques facteurs prédictifs
d’acutisation, importants à considérer pour l’indication
optimale de greffe, ont été retrouvés : les anomalies du
caryotype, essentiellement au diagnostic, l’hyperleucocytose (en risque compétitif) et la thrombopénie durant
l’évolution (7,10,11). Le taux de cellules CD34+ circulantes
a été décrit comme corrélé au pronostic, avec un plus
grand nombre de transformations aiguës au-delà d’une
limite de 300.106 /l (13).
L’influence du traitement sur le pronostic est une
nouvelle source d’étude. Le devenir post greffe (survie,
rechute, mortalité) est corrélé au score DIPSS avant
greffe, ce qui se traduit malheureusement par des
résultats d’autant moins bons que le score pronostique
avant greffe est élevé, témoignant de la difficulté de
poser les indications (14). En dehors de la greffe, il était
admis jusqu’à présent l’absence d’impact du traitement
sur la survie. Plusieurs séries récentes, dans la limite
de leur caractère rétrospectif, retrouvent néanmoins
une amélioration de la survie globale avec le temps,
soulevant plusieurs hypothèses : patients moins graves,
diagnostic plus précoce, réel impact des traitements. La
dernière, multicentrique sur 800 patients avec étude de
la survie relative, décrit ainsi une médiane de 6,5 ans
entre 1996 et 2007 contre 4,6 ans de 1980 à 1995
avec une différence prédominant chez les jeunes et dans
les scores les moins élevés (15).
Les rares études publiées, rétrospectives, portant sur
les patients atteints de myélofibrose secondaire à la
TE (16) ou à la PV (17) laissent évoquer une évolution et
des facteurs pronostiques comparables à la MFP.
1. Passamonti F. Myeloproliferative disorder : Prognostic factors and Models in Polycythemia Vera, Essential Thrombocythemia, and Primary Myelofibrosis. Clinical Lymphoma,
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Horizons Hémato // Juillet / Août / Septembre 2012 // Volume 02 // Numéro 03
Grand Angle
■■ DOSSIER : Syndromes Myéloprolifératifs
Complications thrombotiques
de la thrombocytémie essentielle
La thrombocytémie essentielle (TE) appartient au groupe des syndromes
myéloprolifératifs non porteurs du chromosome de Philadelphie (SMPs-Ph-) qui
sont désormais classés par l'OMS comme des néoplasies. Elle expose les patients
qui en sont atteints à des complications dont certaines sont la conséquence
du risque vasculaire : thromboses artérielles ou veineuses, manifestations
ischémiques ou accidents thrombotiques mineurs par occlusion réversible
de la microcirculation. Cet article est une mise au point sur les données
épidémiologiques et cliniques des complications thrombotiques au cours de la TE.
Thromboses des gros vaisseaux
Près de la moitié des patients ayant une TE reste asymptomatique. Pour les autres, une thrombose peut survenir
au diagnostic dans environ 20 % des cas, ou au cours
de l’évolution. La fréquence globale des thromboses
au cours de l’évolution d’une TE est évaluée, dans une
étude remontant aux années 1990, à 6,6 incidents
thrombotiques pour 100 patients/ année (6,6 % de
patients/ année) à comparer à une incidence évaluée
à 1,2 % de patients/année pour les témoins (1). Cette
étude a permis une stratification du risque de thrombose
globalement confirmée par les travaux ultérieurs. L’âge
augmente significativement le risque de thromboses qui
progresse de 1,7 % de patients/ année avant 40 ans à
6,3 % de patients/ année entre 40 et 60 ans et 15,1 %
de patients/année après 60 ans, avec une différence
significative pour cette dernière tranche d’âge seulement.
L’existence d’antécédents thrombotiques ou ischémiques
majeurs fait, de même, passer ce risque de 3,4 % à
31,4 % de patients/année. Les thromboses artérielles
sont plus fréquentes que les thromboses veineuses
(globalement, 2/3 de thromboses artérielles versus 1/3
de thromboses veineuses), que ce soit au diagnostic ou
au cours de l’évolution. Dans l’étude de Wolanskyj et al.,
le risque de thrombose est évalué à 31,8 %, 42,1 % et
52 % après respectivement 5, 10 et 20 ans d’évolution (2).
Les thromboses artérielles concernent en priorité les
territoires cérébraux, les coronaires et ensuite les artères
périphériques. Les thromboses veineuses sont, par ordre
de fréquence, les phlébites, les embolies pulmonaires
puis les thromboses du réseau splanchnique. Chez le
sujet jeune, les accidents vasculaires cérébraux et les
thromboses veineuses sont les accidents thrombotiques
les plus fréquents. Aucune étude n’a jamais démontré
de corrélation entre le nombre de plaquettes et le risque
de thrombose. à l’inverse, 10 à 20 % des complications thrombotiques sévères surviennent alors que les
valeurs de plaquettes sont inférieures à 600 G/L (3).
Certaines études récentes suggèrent même qu’un taux
de plaquettes > 1000 G/L au diagnostic serait associé
à un taux de thrombose plus faible. Cependant chez
les patients chez qui le risque thrombotique est élevé
(antécédents de thrombose ou âge > 60 ans), la réduction
du nombre des plaquettes au dessous de 600 G/L par
l’Hydroxyurée prévient efficacement et durablement le
risque de thrombose (4). Ces résultats ont été confirmés
dans d’autres études sur des périodes de surveillance
plus longues. D’autres paramètres peuvent compléter
cette stratification du risque thrombotique. Le rôle
de l’hyperleucocytose dans l’augmentation du risque
thrombotique par le biais d’une activation de l’hémostase et la création de dommages de l’endothélium est
démontré in vitro. Le lien entre hyperleucocytose et
risque thrombotique semble émerger même s’il n’est
pas encore validé (5). Le fait d’être porteur de la mutation JAK2V617F multiplie par 2 le risque thrombotique
d’après la méta-analyse de Lussana et al. (6). Le rôle des
facteurs de risque d’athérosclérose dans l’aggravation
du risque thrombotique est controversé car non retrouvé
dans toutes les études en raison de leur caractère rétrospectif et de leurs faibles effectifs. Cependant, une étude
internationale récente, menée chez 891 patients TE,
confirme le rôle aggravant des facteurs de risque cardiovasculaires traditionnels (tabac, HTA et diabète) pour
les thromboses artérielles, y compris chez les patients
porteurs de la mutation JAK2V617F, mais pas pour les
thromboses veineuses (7). L’accumulation de réticuline
dans la moelle serait également un facteur de risque
thrombotique, le grade de réticuline étant corrélé à
la survenue d’accidents thrombotiques artériels dans
l’étude de Campbell et al. (8). Enfin, plusieurs études se
sont attachées à rechercher des liens entre les facteurs
thrombophiliques classiques et le risque thrombotique
dans la TE, sans réel succès. Il semble que la prévalence des anticorps antiphospholipides et des déficits
en protéines anticoagulantes (Antithrombine et proteine
S surtout) soit plus fréquente chez les patients qui ont
fait un accident thrombotique. Les conclusions de ces
études ne sont sans doute pas définitives.
■■Auteur
Jean-François VIALLARD
Expertise :
Médecine Interne,
responsable du Centre
de Compétence des
cytopénies auto-immunes.
Membre du Centre
de Référence des
Pathologies Plaquettaires
Constitutionnelles.
Membre du FIM.
Déclaration publique
d’intérêts :
Aucun.
Correspondance :
Hôpital Haut-Lévêque
Service de Médecine
Interne,
5 avenue de Magellan
33604 PESSAC
jean-francois.viallard@
chu-bordeaux.fr
Coécrit avec :
Ismaïl Elalamy
Hématologue,
Hôpital Tenon (Paris).
[email protected]
Cas particulier
des thromboses splanchniques
Les SMPs-Ph- représentent la cause la plus fréquente de
thrombose veineuse splanchnique, que ce soit au cours
des thromboses des veines sus-hépatiques [syndrome de
Budd-Chiari (SBC)] ou dans les thromboses de la veine
porte (TVP). L’incidence de ces thromboses dans la TE est
évaluée à 4 %. L’hypertension portale (hypersplénisme,
hémodilution, hémorragies digestives), modifie la présentation clinico-biologique initiale, si bien que dans 40 à
50 % l’hémogramme reste dans des valeurs normales
alors qu’il existe des signes histologiques suggérant la
présence d’un SMP-Ph- sous-jacent, aboutissant au
concept de syndrome myéloprolifératif latent. L’apport
diagnostique de la recherche de la mutation JAK2V617F
d’une part, et de la BOM d’autre part (en montrant les
anomalies des mégacaryocytes caractéristiques des
SMPs-Ph-), est majeur dans ces types de thromboses.
En effet, comme le montre le travail de J.J. Kiladjian et
al. qui ont rapporté l’étude de 241 thromboses splanch-
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Mots clés
Thrombocytémie
essentielle,
thromboses artérielles
et veineuses ,
thrombose
splanchnique,
érythermalgie.
Horizons Hémato // Juillet / Août / Septembre 2012 // Volume 02 // Numéro 03
141
Grand Angle
■■Ce qu’il
faut retenir
• Il n’y a pas de
corrélation entre le
risque thrombotique et
le taux de plaquettes.
• Une thrombose
survenant dans le réseau
splanchnique doit faire
l’objet d’une recherche de
syndrome myéloprolifératif
même si l’hémogramme
est normal.
• L’érythermalgie de
la thrombocytémie
essentielle est
extrêmement sensible
à l’aspirine.
• Les seuls facteurs de
risque de thrombose
clairement identifiés
dans la thrombocytémie
essentielle sont l’âge
> 60 ans et le fait d’avoir
déjà thrombosé.
■■Références
■■ Complications thrombotiques de la thrombocytémie essentielle
niques (43 % de SBC et 57 % de TVP), en combinant
la recherche de la mutation JAK2V617F et la BOM, la
prévalence des SMPs-Ph- est alors de 44 % (53 % de
SBC et 37 % de TVP) (9). La mutation JAK2V617F est
présente chez 39 % des patients. Quand on compare les
patients ayant un SBC versus les patients porteurs d’une
TVP, les premiers sont plus jeunes (36 ans vs 42 ans),
plutôt des femmes (66 % vs 43 %) et ont une positivité
de la mutation JAK2V617F plus fréquente (45 % vs
34 %). Ainsi, toute thrombose du réseau splanchnique
doit être explorée à la recherche d’un SMP-Ph- même si
l’hémogramme est normal.
Manifestations ischémiques
par atteinte de la microcirculation
Les manifestations ischémiques ou accidents thrombotiques mineurs par occlusion réversible de la microcirculation sont à l’origine de manifestations atypiques
transitoires à expression neurologique, oculaire ou coronarienne. De même, elles peuvent toucher les extrémités des membres, on parle alors d’érythromélalgies
(erythros = rouge, melos = extrêmités, algos = douleur)
ou d’érythermalgies (thermé = chaleur). Il s’agit de crises
érythromélalgiques (phénomène paroxystique) parfois
très intenses (brûlures), intéressant surtout la pulpe des
orteils, souvent précédées par des acroparesthésies. Elles
sont souvent asymétriques, d’aspect inflammatoire (et/ou
marbrures). Les pouls sont conservés mais le phénomène
peut parfois se compliquer de nécroses. Ces manifestations ischémiques apparaissent parfois dès que le nombre
de plaquettes dépasse 400 G/L. Elles sont dues à une
activation des plaquettes, mais aussi à une inflammation
de la paroi des petits vaisseaux associée à une prolifération fibromusculaire qui peuvent aboutir à la formation de
thrombus plaquettaires dans la micro circulation déterminant la zone douloureuse (10). Leur physiopathologie
explique que l’aspirine à faible dose, et plus généralement
les traitements antiagrégants plaquettaires, ont une efficacité élective pour leur traitement et leur prévention.
Dans la mesure où il s’agit souvent de manifestations
purement fonctionnelles leur fréquence n’est pas connue
avec précision mais l’incidence semble proche de 32 %
des patients. Il est aussi assez plausible qu’une partie
de ces manifestations ischémiques dont l’expression est
particulièrement bruyante (AIT atypique par exemple) soit
comptabilisée avec les manifestations thrombotiques.
Conclusion
Au total, les complications thrombotiques sont fréquentes
et diverses au cours de la TE et conditionnent la prise en
charge thérapeutique. De nouveaux facteurs de risque
thrombotique (hyperleucocytose, positivité ou non de
la mutation JAK2V617F, présence de réticuline notamment) semblent émerger et attendent d’être validés.
1. Cortelazzo S, Viero P, Finazzi G, D’Emilio A, Rodeghiero F, Barbui T. Incidence and risk factors for thrombotic complications in a historical cohort of 100 patients with
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into a bleeding diathesis at increasing platelet counts. Pathol Biol (Paris). 2003; 51: 167-75.
■■Info Labo
Paris, le 11 septembre 2012
Bayer HealthCare Pharmaceuticals met à disposition l’anticoagulant
Xarelto® (rivaroxaban), 1er anti-Xa par voie orale disponible et remboursé
dans deux nouvelles indications en France :
■■ la prévention des AVC et embolies systémiques pour les patients
atteints de fibrillation atriale non valvulaire,
■■ le traitement des thromboses veineuses profondes et la prévention de
leurs récidives sous forme de TVP ou d’EP.
Xarelto® a été spécifiquement développé pour être administré en 1 seule
prise par jour, dans le contexte d’une médication destinée à une utilisation
chronique par les patients.
Ce schéma d’administration pourrait favoriser l’adhésion au traitement
et améliorer l’observance.
142
Horizons Hémato // Juillet / Août / Septembre 2012 // Volume 02 // Numéro 03
Grand Angle
■■ DOSSIER : Syndromes Myéloprolifératifs
Thromboses vasculaires hépato-splanchniques
et syndromes myéloprolifératifs
Le terme de thrombose veineuse hépato-splanchnique regroupe différentes
entités que sont le syndrome de Budd-Chiari (SBC) les thromboses portales (TP)
aiguës et chroniques et la veinopathie portale oblitérante (VPO). Les syndromes
myéloprolifératifs (SMPs) sont la principale étiologie de ces thromboses rares dont le
diagnostic est désormais facilité par la mise en évidence de la mutation JAK2V617F
surtout en cas de forme latente ou masquée. Si la prise en charge hépatique
est bien établie avec généralement la nécessité d’un traitement anticoagulant
au long cours, il n’y a pas de recommandation de traitement hématologique
en particulier pour les formes latentes. Une prise en charge systématique bidisciplinaire en hépatologie et en hématologie ainsi que le registre établi dans le
cadre du réseau national des thromboses hépato-splanchniques (THS) devraient
contribuer à optimiser la stratégie thérapeutique pour ce groupe de patients.
Diagnostic et incidence des thromboses
veineuses hépato-splanchniques
Le syndrome de Budd-Chiari
Le SBC est une maladie rare secondaire à une obstruction des veines sus-hépatiques ou de la portion rétrohépatique de la veine cave inférieure. Son incidence
est de l’ordre de 0,2 à 0,9 par million d’habitants par
an (tableau 1).
Le tableau clinique le plus fréquent est l’apparition chez
une femme jeune, de douleurs abdominales associées
à une ascite, une hépatomégalie et une insuffisance
hépatocellulaire. La gravité du tableau clinique est très
variable, de formes asymptomatiques, à des tableaux
d’insuffisance hépatique aiguë sévère. Un écho-doppler
hépatique, réalisé par un radiologue informé, recherchera soit l’obstruction veineuse, soit un réseau collatéral veineux sus-hépatique ou sus-hépatico-cave. Un
scanner injecté au temps veineux ou une IRM permettra
aussi de confirmer ce diagnostic. D’autres signes plus
indirects comme les troubles de perfusion ou l’hypertrophie du I sont en faveur du diagnostic.
L’âge médian de survenue du SBC associé à un SMP
est de 46 ans avec une prédominance féminine (75 %
des patients).
La thrombose portale aiguë et chronique (cavernome)
La TP aiguë est définie par l’apparition récente d’un
thrombus dans le tronc porte ou ses branches droite
ou gauche. L’extension aux veines mésentériques peut
entrainer un infarctus mésentérique qui est une complication grave avec une mortalité de 50 %. En l’absence
de reperméabilisation, la TP aiguë évolue dans 80 %
des cas vers un cavernome portal (réseau de collatérales
porto-portes) responsable d’hypertension portale sévère
et de splénomégalie. Les principales complications du
cavernome portal sont la rupture de varices œsophagiennes, la récidive de thrombose ou plus rarement la
cholangiopathie portale (compression de la voie biliaire
principale par le cavernome avec ictère rétentionnel).
La TP aiguë est le plus souvent révélée par des douleurs
abdominales épigastriques en barre pouvant avoir une
irradiation postérieure, associées à un syndrome inflammatoire souvent marqué. Il ne s’y associe pas de signes
de souffrance hépatocytaire.
Il est important de rechercher une thrombose vasculaire
hépatique devant toute douleur abdominale chez un
patient suivi pour un SMP. Le scanner sans et avec
injection (temps artériel et veineux) permet de faire le
diagnostic et d’évaluer l’extension de la thrombose aux
vaisseaux mésentériques. à l’imagerie, un thrombus
récent est hyperdense en l’absence d’opacification et
l’aspect est hypodense au temps portal.
L’incidence des TP est un peu plus fréquente que celle
des SBC (tableau 1). L’âge médian de survenue de la TP
associée à un SMP est de 53 ans avec une répartition
équilibrée entre les 2 sexes.
La veinopathie portale oblitérante
La VPO est définie à l’histologie par la présence d’une
obstruction des veinules portales en l’absence de
cirrhose. Le calibre des veinules est réduit, la paroi
musculaire lisse est épaissie, scléreuse. La principale manifestation sera une hypertension portale
sans cirrhose, souvent à un âge jeune. Les principales
complications sont l’hémorragie digestive, l’hypersplénisme, l’encéphalopathie hépatique, l’apparition
d’une thrombose portale dans 40 % des cas à 3 ans.
Le diagnostic est histologique : absence de cirrhose,
veinules portales raréfiées ou obstruées dans l’espace
porte, aspect de néo-vaisseaux péri portaux, lésions
d’hyperplasie nodulaire régénérative diffuse ou de dilatation sinusoïdale associées.
Syndrome myéloprolifératif (SMP)
et autres étiologies associées aux
thromboses hépato-splanchniques
Les syndromes myéloprolifératifs constituent la
première cause de THS initialement décrits dans
50 % des SBC et 25 % des TP. Les patients atteints
de SMP associé à une THS sont souvent jeunes avec
une prédominance du sexe féminin. L’hémogramme est
souvent normal ou avec des valeurs d’hématocrite ou de
plaquettes en deçà des critères retenus pour évoquer un
SMP (actuellement selon la classification OMS 2008).
Les anomalies peuvent être notamment masquées par
une hypertension portale ou un hypersplénisme, une
■■Auteur
Carine Chagneau-Derrode
Hépatologue.
Expertise :
Hépatologue spécialisée
en hypertension portale ;
membre du bureau du
CHTP, membre de l’AFEF.
Responsable du centre
de compétence des
maladies vasculaires du
foie du Poitou-Charentes.
Consultation
pluridisciplinaire de
prise en charge des
thromboses vasculaires
hépato-splanchniques
et syndromes
myéloprolifératifs.
Déclaration publique
d’intérêts :
Aucun.
Correspondance :
CHU de Poitiers,
service d'hépatologie.
c.chagneau-derrode@
chu-poitiers.fr
Coécrit avec :
Aurélie Plessier
Hépatologue,
Hôpital Beaujon, Clichy.
[email protected]
Lydia Roy
Hématologue,
CHU de Poitiers.
[email protected]
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Mots clés
Thrombose,
veines sus- hépatiques ,
veine porte,
cavernome,
varices œsophagiennes ,
insuffisance hépatique,
ascite,
anti - coagulation.
Horizons Hémato // Juillet / Août / Septembre 2012 // Volume 02 // Numéro 03
143
Grand Angle
Tableau 1: Incidence et
prévalence du syndrome de
Budd Chiari, de la thrombose
porte et de la VPO
■■Ce qu’il
faut retenir
• Le syndrome de BuddChiari et la thrombose
portale aiguë sont des
urgences diagnostiques et
thérapeutiques.
Un traitement anticoagulant
par HBPM doit être
administré en urgence
en l’absence de contre
indication hémorragique
(l’hypertension portale n’est
pas une contre indication).
• Le syndrome de
Budd-Chiari repose sur
un traitement par étapes
en fonction de la réponse
au traitement précédent.
• Au cours de la thrombose
porte chronique et de la
veinopathie portale
oblitérante, le traitement
anticoagulant
est proposé en cas
de facteur de risque
majeur de thrombose. Le
syndrome myéloprolifératif
est une cause majeure.
(recommandations d’expert).
• Les SMPs représentent
la principale étiologie
des thromboses hépatosplanchniques, mais
plusieurs facteurs de risque
de thrombophilie sont
souvent associés et doivent
être systématiquement
recherchés au
diagnostic de THS.
• Une prise en charge
rapide multidisciplinaire
de ces patients est
donc indispensable
(hématologique,
hépatologique, interniste…)
■■Références
■■ Thromboses vasculaires hépato-splanchniques et syndromes myéloprolifératifs
Incidence/million/an
Prévalence/million
SBC
TP
VPO
0,9
2
0,8 à 2
3
10
?
carence martiale sur un saignement digestif occulte.
Des SMPs dits latents ont été ainsi initialement décrits
sur la base de la biopsie ostéo-médullaire (BOM) ou
des cultures de progéniteurs érythrocytaires médullaires (5). La découverte de la mutation JAK2V617F
a grandement facilité le diagnostic précoce de SMPs
BCR-ABL négatifs notamment dans ce contexte où
les investigations médullaires ne sont pas toujours
réalisables à la phase aiguë de THS. Dans l’étude du
registre européen EN-Vie réalisée sur 241 cas de THS
(104 SBC et 137 TP), la mutation JAK2V617F était
présente dans 45 % des SBC et 34 % des TP, alors
que l’hémogramme était peu modifié dans près de la
moitié des cas. Le volume globulaire total était à supérieur à 125 % pour 38 patients sur 62 évaluables,
confirmant le diagnostic de polyglobulie primitive. Il
n’a pas été décrit de mutation de MPL ni de l’exon12
de JAK2. 10/144 patients n’ayant pas la mutation
JAK2V617F avaient un SMP seulement révélé par la
BOM. Couplés à d’autres études, ces résultats donnent
globalement une prévalence des SMPs dans 50 % des
SBC et environ 40 % des TP. La mutation JAK2V617F
fait donc partie du diagnostic étiologique devant toute
THS quelles que soient les valeurs de l’hémogramme,
si possible avec une BOM. La BOM éventuellement
couplée aux cultures de progéniteurs s’impose lorsqu’il
n’a pas été mis en évidence d’autre étiologie à la THS. (4)
Les raisons de l’association entre SMP et THS ne sont
pas connues. De façon récente, l’haplotype JAK2 46/1
a été impliqué dans le développement de SMP JAK2
compliqués d’une THS mais est non confirmé dans une
autre large série (6, 7). Il est important de noter que les
facteurs de thrombophilie sont multiples dans 46 %
des SBC et 52 % des TP et 55 % des VPO. Les autres
causes de thrombophilie héréditaires ou acquises
doivent donc également être recherchées au diagnostic
de THS. La fréquence est variable selon la localisation
du vaisseau. Une cause locale est plus fréquente dans
la thrombose porte.
Prise en charge et pronostic
Le traitement repose surtout sur l’anticoagulation
efficace en urgence et le traitement symptomatique
des complications de l’hypertension portale. Au cours
du SBC, un traitement par étapes, en fonction de la
réponse au traitement précédent est proposé, avec un
taux de survie à 3 ans de 75 %.
Dans la thrombose portale aiguë récente, une anticoagulation rapidement débutée permet une recanalisation dans 75 % des cas et prévient l’apparition d’un
infarctus mésentérique. La recanalisation peut être
observée uniquement après 4 à 6 mois de traitement
anticoagulant. Il faudra préférer les héparines de bas
poids moléculaire à l’héparine fractionnée afin d’éviter
la thrombopénie induite à l’héparine qui peut entraîner
une aggravation du tableau clinique par extension de
thrombose vasculaire. Dans tous les cas, le traitement
hormonal à base d’œstrogènes sera contre-indiqué.
L’anticoagulation est recommandée au long cours
chez les patients ayant une affection pro-thrombotique
comme le SMP. Dès que les procédures thérapeutiques
invasives ne sont plus nécessaires, l’HBPM sera relayée
par des antivitamines K. Au cours de la thrombose porte
chronique et de la VPO, le traitement anticoagulant
est pour l’instant discuté en cas de facteur de risque
majeur de thrombose.
Le SMP relève d’un traitement cytoréducteur initialement par hydroxyurée lorsqu’il est évident à l’hémogramme ou en cas de thrombocytose avec pour objectif
d’obtenir rapidement une réponse hématologique
complète avec plaquettes inférieures à 400x109/L (10).
Il n’y a pas pour l'instant de recommandation formelle
lorsque le SMP est latent. La présence d’une hypertension portale et d’un hypersplénisme doivent être
cependant pris en compte dans l’interprétation de
l’hémogramme pour discuter un traitement cytoréducteur dans ces cas.
Le pronostic à long terme repose sur les complications
de l’hypertension portale, rares lorsque le traitement
prophylactique est en place, le risque de récidive de
thrombose, l’apparition d’un carcinome hépato-cellulaire (10 % à 5 ans au cours du SBC) et le pronostic de
la maladie causale. La maladie hépatique serait plus
sévère chez les patients avec un SBC associé à un SMP
par rapport aux SBC d’autres causes (1). Il ne semble pas
que le SMP joue un rôle pronostique sur la gravité des
malades avec TP (4). Dans un travail récent non encore
publié dans le cadre du réseau français des THS, nous
avons montré que l’absence d’hypertension portale est
un facteur prédictif de survie sans complication hépatique à 2 ans. (11)
1. Plessier A. Le syndrome de Budd Chiari. Gastroenterol Clin Biol 2006; 30 : 1162-1169.
2. Murad SD, Plessier A, Hernandez-Guerra M, Abris F, Eapen CE, Bahr MJ et al. Etiology, management, and outcome of the Budd-chiari syndrome. Ann Intern Med. 2009;
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3. Plessier A, Murad SD, Hernandez-Guerra M, Consigny Y, Abris F, Eapen CE et al. Acute portal vein thrombosis unrelated to cirrhosis: a prospective multicenter follow-up
study. Hepatology. 2010; 51: 210-218.
4. Kiladjian JJ, Cervantes F, Leebeek FW G, Marsac CC, Cassinat B, Chevret S et al. The impact of JAK2 and MPL mutations on diagnosis and prognosis of splanchnic vein
thrombosis: a report on 241 cases. Blood. 2008; 111: 4922-4929.
5. Valla D, Casadevall N, Huisse MG, Tulliez M, Grange JD, Muller O, Binda T, Varet B, Rueff B, Benhamou JP. Etiology of portal vein thrombosis in adults. A prospective
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6. Smalberg JH, Koehler E, Darwish Murad S, Plessier A, Seijo S, Trebicka J, Primignani M, de Maat MP, Garcia-Pagan JC, Valla DC, Janssen HL, Leebeek FW. European
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2011 Mar 1.
7. Kouroupi E, Kiladjian JJ, Chomienne C, Dosquet C, Bellucci S, Valla D, Cassinat B. The JAK2 46/1 haplotype in splanchnic vein thrombosis. Blood. 2011; 117(21): 5777-8.
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McMullin MF, Pardanani A, Passamonti F, Vannucchi AM, Reiter A, Silver RT, Verstovsek S, Tefferi A. European LeukemiaNet. Philadelphia-negative classical myeloprolife-
144
rative neoplasms: critical concepts and management recommendations from European LeukemiaNet. J Clin Oncol. 2011; 29: 761-70.
11. Chagneau-Derrode C, Roy L, Goria O, Ollivier-hourmand I, Christol C, Guilhot J et al. Predictive factors of complications in patients with splanchnic vein thrombosis
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Horizons Hémato // Juillet / Août / Septembre 2012 // Volume 02 // Numéro 03
Grand Angle
■■ DOSSIER : Syndromes Myéloprolifératifs
Transformation leucémique :
rôle du traitement ou évolution naturelle ?
Les syndromes myéloprolifératifs (SMPs) Philadelphie négatifs sont des hémopathies
myéloïdes malignes, mais d’évolution chronique réputées indolentes, notamment
la Polyglobulie de Vaquez (PV) et la thrombocytémie essentielle (TE). En effet, le
principal risque associé à ces maladies est vasculaire, avec une incidence élevée
de thromboses au cours des premières années d’évolution. Un risque d’évolution
vers la leucémie aiguë existe, mais dans les études rétrospectives, ce risque semble
limité (moins de 5 %) et très tardif (apparaissant après 8 à 10 ans d’évolution). Les
résultats de la seule étude randomisée ayant comparé l’hydroxyurée au pipobroman,
les deux médicaments cytoréducteurs classique les plus utilisés en France,
viennent néanmoins de montrer que ce risque était clairement plus élevé (24 %
après 15 ans de suivi) et représentait la première cause de décès chez les patients
porteurs de PV au long cours. L’existence d’évolution leucémiques « spontanées »
(chez des patients n’ayant reçu aucun traitement cytoréducteur) pose la question
de savoir si ces leucémies secondaires sont liées à l’histoire naturelle des SMPs,
ou si elles sont induites par les traitement reçus pendant leur phase chronique.
La leucémie aiguë, une évolution naturelle
des SMPs Philadelphie négatifs
Quelle est la fréquence réelle de
ces évolutions leucémiques ?
L’évolution vers la leucémie aiguë fait clairement partie
de l’histoire naturelle des syndromes myéloprolifératifs
Philadelphie négatifs. De telles évolutions ont été rapportées
dans quelques observations (« case reports ») publiées il y a
de nombreuses années, et plus récemment, grâce à l’étude
du registre des cancers suédois. (1) Cette étude a inclus plus
de 11 000 cas de syndromes myéloprolifératifs recueillis
en Suède sur une longue période. Parmi eux, 292 patients
ont été déclarés comme ayant évolué vers un syndrome
myélodysplasique ou une leucémie aiguë secondaire.
Cette population a servi de base à une analyse des facteurs
associés à la transformation, par une étude les appariant à
un ou plusieurs patients n’ayant pas présenté d’évolution
leucémique. Néanmoins, 14 cas ont du être écartés car ils
avaient reçus précédemment de la chimiothérapie et/ ou de
la radiothérapie, 51 cas du fait de l’absence de données
hématologiques précises, et enfin 65 observations ont dû
être écartées car il n’a pas été trouvé de sujet « contrôle »
apparié. Au total donc 162 parmi ces 292 cas ont donc pu
être analysés. Le suivi médian était inconnu dans la publication. En ce qui concerne les traitements cytoréducteurs
reçus, seul le phosphore 32 et les associations de deux traitements cytoréducteurs ou plus au cours du temps étaient
significativement associés avec un risque accru de transformation leucémique. Le principal point intéressant de cette
étude reste que 41 patients sur 162 (25 %) avaient présenté
une évolution vers la leucémie aiguë sans qu’ils aient été
exposés au préalable à un traitement cytoréducteur. Cette
étude permet donc de montrer clairement que le risque de
transformation leucémique fait partie de l’histoire naturelle
des syndromes myéloprolifératifs et Philadelphie négatif. Ce
qu’il faut garder en mémoire également est que ce risque
de transformation aiguë est un risque tardif, apparaissant
essentiellement après huit à dix ans de suivi, les premières
années de l’évolution des syndromes myéloprolifératifs étant
plus particulièrement marquées par le risque vasculaire,
notamment de thrombose. (2) La question qui reste soulevée
dans la littérature est de savoir si ce risque leucémique au
long cours est important et s’il doit donc être pris en compte
dans la prise en charge de ces patients.
De nombreuses études rétrospectives ou prospectives mais
avec un suivi médian court pour ces maladies chroniques
(inférieur à dix ans) ont montré que ce risque de transformation leucémique pouvait être évalué entre 3 à 5 %
dans la polyglobulie de Vaquez (PV) et la thrombocytémie
essentielle (TE). Aucune étude n’a par ailleurs pu mettre
en évidence que l’hydroxyurée, traitement le plus largement employé dans ces maladies, était leucémogène. à
l’inverse, le phosphore radioactif et les agents alkylants
ont été montrés dès les premières études du Polycythemia
Vera Study Group (PVSG), comme augmentant le risque de
transformation leucémique. (3) Une étude clinique majeure
en termes de nombre de patients (plus de 1600 patients
inclus) est l’étude européenne « ECLAP », qui testait le rôle
de l’aspirine dans la PV. (4) Une analyse du risque leucémique de la cohorte de patients de cette étude a été effectuée en 2005, avec un suivi médian après inclusion court,
d’environ trois ans. (5) à cette date, 22 patients seulement
avaient présenté une évolution vers la leucémie (1,34 %
de la cohorte). Les facteurs significativement associés avec
un risque de leucémie dans cette étude étaient l’âge des
patients à l’inclusion et le fait d’avoir reçu plus d’un traitement cytoréducteur pour le traitement de la PV. à nouveau,
cette étude ne montrait aucun rôle leucémogène pour l’hydroxyurée. Le groupe français sous l’égide de Yves Najean et
Jean-Didier Rain, avait effectué la seule étude ayant randomisé l’hydroxyurée contre le pipobroman dans la PV. (6) Les
premiers résultats de cette étude avaient été publiés en
1997 après un suivi médian d’environ neuf ans. à l’époque,
l’incidence cumulative de leucémie aiguë dans cette population de 292 patients âgés de moins de 65 ans à l’inclusion étaient d’environ 10 % à 13 ans (13 transformations
leucémiques avaient été observées). Jean-Didier Rain a pu
mettre à jour le suivi de cette cohorte de patients, ce qui
a permis d’analyser leur survie et les évènements leucémiques après un suivi médian de 16,3 ans, ce qui est la
plus longue étude prospective jamais publiée dans la PV. (7)
Avec cette nouvelle analyse, le nombre d’évènements leucémiques était passé de 13 à 51. L’incidence cumulative de
leucémies aiguës dans cette cohorte était donc d’environ
■■Auteur
Jean-Jacques Kiladjian
Hématologue, Professeur
de pharmocologie clinique.
Expertise :
Syndromes
myéloprolifératifs, essais
thérapeutiques précoces.
Déclaration publique
d’intérêts :
Participation à des
groupes d'experts pour
Novartis et Shire.
Correspondance :
Centre d’Investigations
Cliniques,
Hôpital Saint-Louis
et Université Paris Diderot,
Paris.
jean-jacques.kiladjian@
sls.aphp.fr
Coécrit avec :
Annalisa Andréoli
Hématologue,
Hôpital Saint-Louis.
[email protected]
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Mots clés
Leucémie,
myélodysplasie,
hydroxyurée,
polyglobulie.
Horizons Hémato // Juillet / Août / Septembre 2012 // Volume 02 // Numéro 03
145
Grand Angle
■■Ce qu’il
faut retenir
• La transformation
en leucémie aiguë
fait partie de l’histoire
naturelle des syndromes
myéloprolifératifs.
• Ces transformations
sont tardives,
apparaissant après 8 à
10 ans d’évolution, et
leur incidence augmente
au cours du temps sans
atteindre de plateau.
• La transformation aiguë
pourrait être la principale
cause de décès des
patients au très long cours.
• L’utilisation de
traitements non
leucémogène doit être
privilégiée chez les
patients les plus jeunes.
■■Références
■■ Transformation leucémique : rôle du traitement ou évolution naturelle ?
10 % après dix ans, 24 % à 15 ans et 34 % à 20 ans.
Alors qu’il n’y avait pas de différence significative entre les
deux bras de traitement dans l’analyse initiale, cette mise
à jour au long cours a permis de montrer clairement que le
pipobroman était plus leucémogène que l’hydroxyurée, avec
une incidence cumulative d’évolution leucémique à 15 ans
de 34 % dans le bras pipobroman contre 16,5 % dans le
bras hydroxyurée en intention de traitement. Ces résultats
et cette différence restaient significativement différents
lorsque les analyses ont été faites en fonction du traitement effectivement reçu (37 % dans le bras Pipobroman à
15 ans contre 14 % dans le bras Hydroxyurée), ou pour les
patients ayant reçu uniquement l’un des deux médicaments
tout au long de leur suivi. 94 patients n’avaient reçu que
de l’hydroxyurée tout au long de leur suivi et l’incidence
cumulative de leucémies était de 11 % à 15 ans et 17 %
à 20 ans. Les patients traités par pipobroman seulement,
au nombre de 130, présentaient une incidence cumulative
de transformation de 34 % à 15 ans et 49 % après 20 ans
de suivi. Cette étude française est également la première à
montrer de manière prospective que la survie médiane des
patients porteurs de PV est significativement réduite par
rapport à la population générale appariée. La survie médiane
de l’ensemble des patients inclus dans l’étude étaient de
17 ans, de 20 ans pour les patients traités dans le bras
hydroxyurée et de 15 ans pour ceux traités dans le bras
pipobroman, la différence étant significative entre les deux
traitements (P = 0,008). L’analyse des causes de décès
(95 patients étaient morts au moment de la mise à jour)
a montré que la première cause de décès de ces patients
porteurs de PV traités par chimiothérapie conventionnelle
était l’évolution leucémique : 54 % des décès étaient dus à
une évolution leucémique, 19 % à des évènements vasculaires et 12 % à un cancer secondaire. (7) Ces données sont à
comparer avec les causes de décès rapportées dans l’étude
ECLAP citée précédemment. Dans cette étude, avec trois
ans de suivi médian, la première cause de décès était les
évènements cardiovasculaires (45 %), suivie par les cancers
(19 %). (8) La transformation hématologique ne représentait
que 13 % des causes de décès. Cette différence souligne
bien que l’histoire naturelle de la polyglobulie de Vaquez est
marquée initialement par un risque vasculaire, mais qu’au
long cours le risque de transformation leucémique semble
être la principale cause de mortalité. Ces résultats sont à
rapprocher de ceux notés dans une autre étude prospective
française qui avait étudié le pipobroman de manière multicentrique dans un essai de phase II dans les années 70.
Cette étude avait montré un risque de transformation aiguë
de 14 % à 10 ans, et de 19 % à 15 ans dans cette cohorte
de 164 patients porteurs de PV traités uniquement par pipobroman avec un suivi médian de 12 ans. (9) Dans cette étude
également, l’évolution leucémique représentait la première
cause de décès au long cours (29 % au total, et 51 %
chez les patients de moins de 60 ans à l’inclusion), devant
les évènements cardio-vasculaires (21 % des décès). Ces
deux études prospectives avec un suivi médian supérieur à
10 ans montrent donc clairement que le pipobroman est
associé à une augmentation du risque de transformation
leucémique et ne doit donc plus être utilisé en première
intention dans la PV ou dans la TE. Le pipobroman reste
néanmoins un médicament utile dans certaines situations
notamment chez les patients très âgés ou porteurs de comorbidité sévère. En effet, ce médicament est généralement très
efficace pour contrôler la thrombocytose et la polyglobulie,
et remarquablement bien toléré à court terme notamment
sur le plan cutané, facteur parfois limitant de l’utilisation de
l’hydroxyurée chez les patients âgés développant des ulcères
ou des cancers cutanés. (10)
Rôle des médicaments cytoréducteurs
En revanche, ces études ne montrent pas de manière
formelle que l’hydroxyurée est associée à une augmentation du risque de transformation leucémique. Néanmoins,
l’incidence cumulative de transformation leucémique chez
les patients traités par hydroxyurée dans l’étude randomisée
prospective française est clairement plus élevée que celles
rapportées dans la littérature à partir d’études rétrospectives
ou prospectives avec un suivi court. Ceci pourrait être dû à
un potentiel leucémogène de l’hydroxyurée, mais aussi plus
simplement au fait que ce traitement purement palliatif n’est
pas capable de modifier l’évolution naturelle des syndromes
myéloprolifératifs au long cours. Il n’est également pas exclu
que tous les patients ne soient pas exposés de manière égale
à un risque de transformation aiguë sous hydroxyurée. à ce
titre, une étude espagnole a montré récemment qu’un polymorphisme dans le gène XPD, impliqué dans la réparation
de l’ADN, était associé avec un risque significativement plus
élevé de transformation aiguë. (11) Il est donc très possible
qu’à l’avenir, des facteurs de prédisposition constitutionnels
dans des gènes régulant le métabolisme des médicaments
et la réparation de l’ADN puissent être mis en évidence
comme favorisant une éventuelle génotoxicité de l’hydroxyurée comme d’autres médicament cytoréducteurs. En
conclusion, la transformation leucémique est un évènement
tardif pouvant survenir spontanément dans les syndromes
myéloprolifératifs Philadelphie négatifs. à l’inverse, certains
médicaments sont clairement leucémogènes, augmentent
ce risque, et doivent être évités en première intention dans
la prise en charge des patients porteurs de syndromes myéloprolifératifs. Enfin, certains médicaments en améliorant
la survie des patients (notamment en évitant la mortalité
précoce liée aux évènements vasculaires) pourraient simplement permettre l’apparition de ces évolutions tardives sans
nécessairement en augmenter l’incidence « spontanée ».
Dans tous les cas, des traitements clairement non leucémogènes doivent être préférés pour traiter les patients les
plus jeunes, cette catégorie d’âge s’étendant probablement
jusqu’à 60 ans en ce qui concerne les syndromes myéloprolifératifs chroniques, notamment la PV et la TE.
1. Björkholm M, Derolf AR, Hultcrantz M, et al. Treatment-related risk factors for transformation to acute myeloid leukemia and myelodysplastic syndromes in myeloproliferative
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Horizons Hémato // Juillet / Août / Septembre 2012 // Volume 02 // Numéro 03
Grand Angle
■■ DOSSIER : Syndromes Myéloprolifératifs
Prise en charge des syndromes
myéloprolifératifs au cours de la grossesse
Compte tenu de l’épidémiologie des syndromes myéloprolifératifs Ph négatifs,
la question de leur prise en charge thérapeutique chez la femme enceinte
ou en désir de grossesse doit être posée. La problématique est d’arriver
à concilier le développement harmonieux du bébé tout en contrôlant les
risques de complications liées à l’hémopathie de la mère. Nous présentons
un état de lieu des connaissances actuelles sur cette situation particulière
ainsi que les recommandations de l’ELN pour sa prise en charge.
Compte tenu de la prédominance féminine des
syndromes myéloprolifératifs Ph négatifs (SMP), la
question de leur prise en charge thérapeutique chez la
femme enceinte ou en désir de grossesse est posée. Elle
s’avère d’autant plus fondamentale que la grossesse,
elle-même, représente une situation prothrombotique.
Ces complications vont concerner aussi bien la patiente
que l’enfant à venir. Quelque soit le type de complication, les études rétrospectives n’ont pas permis de
relier leur risque d’apparition au chiffre de plaquettes
et aucun cytoréducteur n’a montré d’efficacité dans la
prévention de leur survenue (1). Seul le caractère muté
JAK2 semble ressortir comme facteur de risque dans
les thrombocytémie essentielles (TE) (2).
Complications fœtales
Le risque de fausse couche spontanée est supérieur
au risque habituellement rencontré dans la population générale. à l'heure actuelle, les publications ne
concernent que de petites cohortes de patientes.
Les chiffres avancés sont d’environ 30 % de fausses
couches (FC) pendant le 1er trimestre tout particulièrement chez les patientes pour lesquelles une mutation
de JAK2 est retrouvée (3, 4). Ce risque est minoré dans
les polyglobulies de Vaquez (PV) (environ 20 %). Des
retards de croissance in-utero et des accouchements
prématurés ont également été observés mais avec une
fréquence moindre que les FC (5).
Complications maternelles
Selon les études, il a été rapporté jusqu'à 10 % de
grossesses s'accompagnant de complications maternelles (3,4). Ces complications sont plus fréquentes dans
les PV que dans les TE. Sont principalement observés
des accidents thromboemboliques, hémorragiques et
des états pré-éclamptiques (5). Après 35 ans, le risque
thrombo-embolique est encore majoré. La possibilité
d’accidents thrombotiques graves persiste en postpartum et nécessite une prise en charge spécifique
(tableau 1). Le risque hémorragique quant à lui, peut
être possiblement expliqué ou majoré par la présence
d’un syndrome de Willebrand acquis observé en cas de
chiffres de plaquettes très élevés (6).
Thérapeutiques habituelles
des SMPs et grossesse.
Prévention des risques thromboemboliques
La prévention des risques thromboembolique dans
les SMPs est habituellement assurée par l’aspirine à
faible dose (7). De nombreuses études montrent son
innocuité chez la femme enceinte dont certaines ont
été menées chez les femmes traitées pour une TE (3).
Il faut cependant rester prudent en cas de chiffre
de plaquettes très élevé car il peut être associé un
syndrome de Willebrand acquis. En cas de contreindication à l’aspirine, seul le traitement par héparine
est alors possible chez la femme enceinte (8).
Traitements cytoréducteurs
L’hydroxyurée appartient à la classe des antimitotiques inhibiteurs de la synthèse de l’ADN. Il a un effet
tératogène chez l’animal en provoquant des malformations cardiaques, squelettiques, génito-urinaires,
cérébrales et oculaires. Il est donc formellement
contre-indiqué chez la femme enceinte. Cependant,
aucune malformation majeure n’a été rapportée lors
de l’analyse d’une série de 58 patientes traitées en
dehors du 1er trimestre par hydroxyurée (9). Son utilisation doit cependant être discutée au cas par cas
lorsqu’il existe une nécessité absolue à une cytoréduction (intolérance ou contre-indication à l’interféron
par exemple).
L’anagrelide n’a pas de risque de mutagénicité connu
mais du fait de son faible poids moléculaire passe
la barrière fœto-placentaire et comporte donc un
risque de thrombopénie chez le fœtus. Une dizaine
de grossesses sous anagrelide ont été rapportées dans
la littérature sans anomalie particulière (1,4). Certains
auteurs cependant ne recommandent pas son utilisation pendant la grossesse (10).
L’interféron n’est ni tératogène ni mutagène chez
l’animal et ne passe pas la barrière foeto-placentaire.
Son emploi n’est donc pas contre-indiqué pendant
la grossesse. Seul, le peg-interferonα-2a est contreindiqué chez le nouveau-né et l’enfant de moins de
3 ans du fait de la présence d’alcool benzylique dans
ses excipients. De nombreuses études confirment l'innocuité de l'interféron voire montrent une amélioration
du risque évolutif de la grossesse (4,11). Il reste donc le
traitement de choix chez la femme enceinte en cas
d’indication d’une cytoréduction.
Le ruxolitinib est un inhibiteur sélectif des tyrosines
kinases de type JAK1 et 2. Les études effectuées chez
l’animal ont mis en évidence une toxicité sur la reproduction. Il n’existe à l’heure actuelle aucune donnée
dans la littérature quant à son usage chez la femme
enceinte et son utilisation est donc contre-indiquée
pendant la grossesse. Il est à noter qu'actuellement sa
prescription est soumise à l’utilisation d’une contra-
■■Auteur
Laurence Legros
Hématologue.
Expertise :
Maître de conférences
à l’Université de Nice
Sophia-Antipolis et
praticien hospitalier dans
le service d’hématologie
clinique du CHU de Nice,
Laurence Legros consacre
pleinement son activité
notamment aux patients
atteints de syndromes
myéloprolifératifs
ainsi qu’à la recherche
clinique ou appliquée.
Membre du conseil
d’administration du
FI-LMC et du FIM.
Déclaration publique
d’intérêts :
Aucun.
Correspondance :
Service d’hématologie
clinique du CHU de Nice.
[email protected]
Coécrit avec :
Agnès Guerci-Bresler
Praticien Hospitalier,
Service d'hématologie
CHU Brabois, Vandœuvre.
Cynthia Trastour
Praticien Hospitalier,
Service de gynécoobstétrique reproduction
medecine fœtale,
CHU de Nice.
Mots clés
Thrombocytémie
essentielle,
polyglobulie
Vaquez,
grossesse,
aspirine,
interféron.
de
Horizons Hémato // Juillet / Août / Septembre 2012 // Volume 02 // Numéro 03
147
Grand Angle
■■ Prise en charge des syndromes myéloprolifératifs au cours de la grossesse
Tableau 1 :
Abréviations : PV
Polyglobulie de Vaquez,
HBPM: héparine de bas
poids moléculaire,
ATCD: antécédent,
IFN: Interféron
Grossesses de faible risque
Aspirine faible dose
HBPM à dose prophylactique après l’accouchement pendant 6 semaines
Dans les PV : maintien d’un hématocrite < 45 %
+
ception chez les femmes en âge de procréer.
Recommandations ELN
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Grossesse de risque élevé
La problématique du traitement chez la femme
enceinte est de concilier le développement harmonieux
du bébé tout en contrôlant les risques complications
liés à l’hémopathie de la mère. Bien qu’il n’existe pas
de grandes études prospectives dans la littérature,
l’ELN a émis récemment des recommandations selon
le caractère faible risque ou haut risque de la grossesse
(tableau 1) (12). La grossesse à haut risque est définie
par un antécédent de thrombose veineuse ou artérielle,
d’hémorragie liée au SMP, de grossesse pathologique
(fausse couche, retard de croissance, accouchement prématuré, hémorragie ante/post partum, pré-
HBPM en cas d’ATCD d’accident thrombohémorragique ou grossesse compliquée
IFNα si plaquettes > 1500 G/L
Si ATCD d’hémorragie arrêter aspirine et discuter IFN
éclampsie…) et par une thrombocytose supérieure à
1500 G/L.
Conclusion
Une grossesse chez une patiente traitée pour un SMP
reste une situation à risque et quand cela est possible,
elle doit être anticipée et préparée. Une information
des femmes en âge de procréer est indispensable. Une
prise en charge par des équipes spécialisées doit être
discutée et le choix de sa modalité pourra s’appuyer sur
les recommandations ELN. Enfin, une étude observationnelle européenne dans le cadre du projet n°9 de
l’ELN est toujours en cours collectant les cas de grossesse (http://www.leukemia-net.org/content/leukemias/
cmpd/pregnancy/).
■■Ce qu’il
faut retenir
•
•
•
•
La grossesse au cours d’un SMP est une situation à risque maternel et fœtal.
La prévention des risques thromboemboliques est assurée par l’aspirine faible dose.
En cas d’indication d’une cytoréduction, seul l’interféron-α est recommandé.
Il existe un registre européen des grossesses au cours des SMPs.
■■Références
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148
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Horizons Hémato // Juillet / Août / Septembre 2012 // Volume 02 // Numéro 03
Grand Angle
■■ DOSSIER : Syndromes Myéloprolifératifs
Recommandations de l’eln : Interféron-alpha
■■Auteur
Le groupe d’experts internationaux réunit sous l’égide de l’European
LeukemiaNet (ELN) a publié en 2011 des recommandations concernant
la prise en charge des SMPs Philadelphie négatifs, notamment leur
traitement. (1) Cet article s’intéressera plus particulièrement à la place de
l’Interféron-alpha (IFNα) dans la stratégie thérapeutique des SMPs.
Pourquoi l’Interféron-alpha ?
L’IFNα a été montré comme efficace pour le traitement de la PV et de la TE depuis plus de 20 ans. (2)
De nombreux articles ont rapporté des expériences sur
de petites séries de patients. Globalement toutes ces
études indiquent que l’IFNα est efficace pour contrôler
la thrombocytose dans la thrombocytémie essentielle
(TE), réduire ou supprimer le besoin de saignées dans
la polyglobulie de Vaquez (PV), réduire la splénomégalie
de ces deux SMP, et être efficace sur le prurit de la PV.
En revanche, toutes ces études relativement anciennes
ont montré un assez fort taux d’arrêt de traitement lié à
des effets indésirables bien connus : syndrome pseudogrippal, fatigue, troubles de l’humeur et syndrome
dépressif, myalgies, céphalées, arthralgies, manifestations dysimmunitaires. Pourquoi donc s’acharner à
utiliser ce médicament qui semble mal toléré alors que
nous avons d’autres alternatives thérapeutiques ?
Un traitement non leucémogène pour les
patients plus jeunes : l'IFN avant l'ELN 2011
Les précédentes recommandations des sociétés
savantes au sujet de l’IFNα proposaient ce traitement
comme traitement de choix chez les patients les plus
jeunes, notamment ceux de moins de 40 ans. (3,4) La
raison évoquée dans ces articles en est simple : ce médicament n’a pas de potentiel leucémogène. L’ambiguïté
de ces recommandations résidait dans le fait qu’elles
soulignaient par ailleurs que le traitement « de référence » (hydroxyurée) n’avait pas d’effet leucémogène
prouvé. Cette recommandation a été modifiée de
manière importante dans les recommandations 2011
de l’ELN.
En effet, deux études de phase II ont récemment remis
en avant les avantages de l’IFNα dans la PV et aussi la
TE. (5,6) Ces deux études ont utilisé une forme d’IFNα
qui n’avait pas encore été testée dans les syndromes
myéloprolifératifs, l’IFNα-2a pégylé (peg-IFNα-2a).
IFNα et PV : une réponse complète
et durable chez la majorité des patients
La première de ces études est l’étude française PVN1,
qui a montré, uniquement chez des patients porteurs de
PV qu’un traitement par peg-IFNα-2a pouvait entraîner
un taux très élevé de réponse hématologique. En effet,
tous les patients traités ont présenté une réponse
hématologique, avec une grande majorité de réponses
hématologiques complètes selon les critères de l’ELN
(numération entièrement normale, absence de splénomégalie, absence de symptômes et de complications
vasculaires), et avec une toxicité très inférieure à celle
décrite avec les autres formes d’interféron dans la PV.
Moins de 10 % des patients ont dû interrompre leur
traitement au cours des 12 premiers mois du fait d’un
effet indésirable. De plus, cette étude a été la première
à tester la quantification de la mutation JAK2V617F
comme marqueur de maladie résiduelle dans la PV. (5)
L’étude PVN1 a ainsi pu montrer que le peg-IFNα-2a
était susceptible de réduire de manière importante la
quantité d’allèles JAK2 mutés détectables dans le sang
chez une grande proportion de patients. Une récente
mise à jour des résultats de cette étude après 75 mois de
suivi médian a ainsi montré que l’incidence cumulative
de réponses moléculaires complètes (c’est-à-dire que la
mutation de JAK2V617F n’était plus détectable dans
le sang par PCR) atteignait 14 % à deux ans et 30 % à
quatre ans. (7) Cette actualisation des résultats a également montré que les réponses hématologiques et observées initialement étaient durables, 78 % des patients
restant en réponse hématologique complète selon les
critères ELN après 75 mois de suivi. De manière importante, cette étude a également montré qu’au total 27 %
des patients ont pu arrêter le traitement par peg-IFNα-2a
et sont restés en rémission hématologique complète
sans aucun traitement cytoréducteur pour une durée
médiane de plus de 31 mois après arrêt du peg-IFNα-2a
(jusqu’à 66 mois pour la plus longue de ces rémissions complètes persistantes). Enfin, l’étude séquentielle de biopsies médullaires chez quelques patients
a également permis de montrer que le traitement par
peg-IFNα-2a avait permis de restaurer une histologie
médullaire normale chez certains patients. Les résultats
de l’étude PVN1 ont globalement été confirmés par une
étude équivalente menée aux états-Unis qui a inclus
des patients porteurs de PV mais également des patients
porteurs de TE. (6) Dans cette étude de phase II du MD
Anderson, des taux élevés de réponse hématologique et
de réponse moléculaire ont également été observés, y
compris des réponses moléculaires complètes.
Les données de ces deux études chez les patients
porteurs de PV associées à l’ensemble des essais
disponibles dans la littérature d’IFNα dans la PV ont
conduit les experts de l’ELN à proposer que le traitement
de première ligne des PV de haut risque (c’est-à-dire
nécessitant un traitement cytoréducteur) pouvait utiliser
soit l’hydroxyurée, soit l’IFNα, cette fois sans restriction
d’âge ni d’indication particulière pour l’une ou l’autre
de ces deux molécules (en dehors de contre-indications
éventuelles). (1) Il s’agit donc d’une modification importante des recommandations, donnant pour la première
fois une justification académique à l’utilisation hors
AMM de l’IFNα dans les PV en première intention.
IFNα dans TE et MF :
des résultats intéressants à confirmer
Dans la TE, les données de la littérature n’ont pas été
jugées suffisamment importantes pour proposer la
même attitude. L’IFNα reste donc un traitement de
Annalisa Andréoli
Hématologue.
Expertise :
syndromes
myéloprolifératifs, essais
cliniques précoces
Déclaration publique
d’intérêts :
Aucun.
Correspondance :
Centre d’Investigations
Cliniques,
Hôpital Saint-Louis
et Université Paris Diderot,
Paris.
[email protected]
Coécrit avec :
Jean-Jacques Kiladjian
Hématologue,
Hôpital Saint-Louis
et Université Paris Diderot,
Paris.
jean-jacques.kiladjian@
sls.aphp.fr
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Mots clés
Syndromes
myéloprolifératifs ,
interféron alpha ,
recommandations
ELN 2011.
Horizons Hémato // Juillet / Août / Septembre 2012 // Volume 02 // Numéro 03
149
Grand Angle
■■ Recommandations de l’eln : Interféron-alpha
deuxième intention, chez les patients intolérants à
l’hydroxyurée ou à l’anagrélide.
Dans la myélofibrose primaire les données de la
littérature semblant indiquer une très mauvaise tolérance (2), l’IFNα n’est pas recommandé par les experts
de l’ELN pour traiter la splénomégalie de ces patients.
Néanmoins, l’expérience française rapportée par
J.-C. Ianotto semble indiquer que le peg-IFNα-2a
pourrait donner des bons résultats avec une tolérance
nettement meilleure que celle précédemment décrite
avec l’interféron standard. (8)
Recommandations PV et TE :
la place de l'IFNα en 2012
Au total, les recommandations de l’ELN concernant
l’utilisation de l’Interféron-alpha peuvent être résumées
de la façon suivante :
• Dans la PV, l’IFNα peut être le traitement de première
ligne au même titre que l’hydroxyurée chez les patients
de haut risque (plus de 60 ans, et/ou antécédent de
thrombose).
• Dans la TE, l’IFNα reste un traitement de seconde
intention.
L'avenir : essais en cours
Il faut noter que deux grands essais internationaux académiques, conduits par le MPD-Research
Consortium vont pour la première fois étudier sur une
grande échelle l’utilité du traitement de l’Interféron
par peg-IFNα-2a dans la PV et la TE, en comparant
directement ce médicament à l’hydroxyurée en première
intention chez les patients de haut risque. Cet essai
randomisé a prévu d’inclure plus de 650 patients dans
le monde avec un objectif principal à court terme de
réponse hématologique et de tolérance. Cet essai ne
pourra probablement pas conclure sur l’évolution au long
cours de ces maladies, notamment les transformations
leucémiques, du fait de leur délai très tardif d’apparition (9) mais, s’il est positif, permettra de confirmer que
le peg-IFNα-2a est un traitement aussi efficace et bien
toléré que l’hydroxyurée contrairement à l’image que l’on
peut en avoir actuellement. Si tel est le cas, les bénéfices supplémentaires en terme de réponse moléculaire
(non clairement démontrés avec des données contradictoires dans la littérature pour l’hydroxyurée (10,11)), et les
réponses histologiques décrites avec l’IFNα (7,12) seraient
des raisons supplémentaires de proposer ce traitement
aux patients porteurs de PV et TE. à ce jour, aucune
forme d’IFNα n’a l’autorisation de mise sur le marché
dans la PV et la TE. Cette situation pourrait changer
dans les prochaines années. D’une part, les essais du
MPD-Research consortium pourraient pousser le laboratoire commercialisant le peg-IFNα-2a a enfin demander
une extension d’AMM. Mais peut-être de manière plus
vraisemblable, une nouvelle forme d’IFNα pégylée en
cours de développement pourrait être le premier IFNα
enregistré dans un SMP Philadelphie négatif. (13) Cette
molécule est en effet en cours d’essai de phase 2 dans
la PV, et un essai de phase 3 d’enregistrement devrait
débuter fin 2012.
■■Ce qu’il
faut retenir
• L'IFNα a été demontré efficace dans le traitement de la PV et de la TE depuis plus de 20 ans, mais pas toujours bien toléré. Son principal atout : l'absence
de leucemogénicité, qui le rendait particulièrement intéressant chez les patients d'âge de moins de 40 ans.
• Deux grandes études multicentriques (PVN1, MD Anderson) ont testé l'utilisation de peg-IFNα-2a dans la PV, concluant à de taux élevés de réponse
complète hématologique durable et à une régression histologique et moléculaire de la maladie, permettant chez une partie des patients l'arrêt du traitement.
Peu d'effets secondaires notables ont été décrits.
• De résultats prometteurs ont été retrouvés dans la TE, à confirmer ultérieurement.
• Les recommandations de l'ELN 2011 proposent l'utilisation de l'IFNα (en alternative à l'hydroxyurée) chez les patients atteints de PV à haut risque, et en
deuxième ligne pour les patients atteints de TE
• Plusieurs études internationales de phase II/III testant l'utilisation de l'IFNα-2a sont en cours, d'autres vont démarrer prochainement et pourraient permettre
l'enregistrement d'une nouvelle forme de IFNα pegylé dans les SMPs.
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12. Silver RT, Vandris K, Goldman JJ. Recombinant interferon-α may retard progression of early primary myelofibrosis: a preliminary report. Blood. 2011; 117(24): 6669-6672.
13. Gisslinger H, Kralovics R, Schoder R, et al. Open-Label, Prospective, Multicentre, Phase I/II Study of AOP2014, a Novel PEG-Proline-Interferon Alpha-2b in Patients
with Polycythemia Vera: Update from an Ongoing Study. ASH Annual Meeting Abstracts. 2011; 118(21): 1747-.
Horizons Hémato // Juillet / Août / Septembre 2012 // Volume 02 // Numéro 03
Grand Angle
■■ DOSSIER : Syndromes Myéloprolifératifs
Que peut-on attendre des inhibiteurs des JAKs ?
Suite à la découverte de la mutation JAK2V617F, présente dans une large
proportion de patients atteints de syndromes myéloprolifératifs BCR-ABL
négatifs, différents inhibiteurs des JAKs ont été développés pour être testés
en clinique. Ces médicaments constituent une avancée significative pour
le traitement des patients atteints de myélofibrose avancée en diminuant la
splénomégalie et les symptômes systémiques. Cependant, leur incapacité
à faire disparaître le clone néoplasique ou à diminuer la fibrose médullaire
suggère qu’ils ne constituent pas la solution définitive pour le traitement de la
myélofibrose, de la maladie de Vaquez ou de la thrombocytémie essentielle.
Développement et caractéristiques
des inhibiteurs des JAKs
Suite à la découverte en 2004 de la mutation V617F
de la tyrosine kinase JAK2 par le groupe de William
Vainchenker (1), différents inhibiteurs de JAK2 ont été développés dans l’espoir de traiter spécifiquement les patients
atteints de syndrome myéloprolifératif BCR-ABL négatifs.
La myélofibrose (MF) avancée a constitué leur principale
indication étant donné la survie limitée de ces patients,
l’importance des symptômes généraux et l’absence de traitement efficace. Dès 2007, les premiers patients atteints
de MF ont été inclus dans des études cliniques utilisant
le Ruxolitinib, le plus avancé des inhibiteurs des JAKs.
Depuis lors, plus de 8 molécules sont en développement
clinique dans la MF, et certaines d’entre elles sont également testées dans la maladie de Vaquez (PV) ou la thrombocytémie essentielle (TE). Toutes ces molécules sont des
inhibiteurs compétitifs de l’ATP, mais leur spécificité varie :
certaines inhibent spécifiquement JAK2, alors que d’autres
inhibent également JAK1 ou d’autre kinases (tableau 1) (2,3).
Aucune molécule n’est spécifique pour la mutation V617F.
Cette importante caractéristique explique que les effets
bénéfiques sont observés chez les patients porteurs ou
non de la mutation JAK2V617F, mais démontre que les
inhibiteurs des JAKs ne peuvent pas être considérés stricto
sensu comme une thérapie ciblée des cellules tumorales,
contrairement aux inhibiteurs de BCR-ABL par exemple.
Quels effets bénéfiques peut-on
attendre des inhibiteurs des JAKs ?
Effet sur la splénomégalie dans la MF Lorsque vous prescrivez un anti-JAK2, vous pouvez vous
attendre à une diminution significative de la splénomégalie
chez votre patient. Cette diminution sera rapide, maximale
après quelques semaines, et sera durable. Cet effet bénéfique est clairement démontré par les études COMFORT-I
et -II (4,5), qui comparaient l’effet du Ruxolitnib à un placebo
ou au meilleur traitement disponible chez des patients avec
une MF avancée. Dans ces études, alors que le placebo
ou tout autre traitement disponible n’avait aucun effet,
30 à 40 % des patients ont présenté une diminution de
plus de 33 % du volume splénique mesuré par résonance
magnétique (objectif primaire de l’étude), ce qui correspond
une diminution de moitié de la taille de la rate mesurée
cliniquement sous le rebord costal. La majorité des autres
patients ont également présenté une diminution plus légère
du volume de la rate. Cet effet permet d’améliorer les symptômes liés à la splénomégalie, comme la satiété précoce
ou les douleurs abdominales. La réponse sur la splénomé-
galie semble durable et se poursuivre pendant plus d’un an.
Cet effet sur la splénomégalie est dose-dépendant et sera
rapidement réversible à l’arrêt des traitements. Cet effet
bénéfique est partagé par tous les inhibiteurs de JAK2.
Effet sur les symptômes systémiques dans la MF La qualité de vie des patients atteints de MF est profondément altérée par l’existence de symptômes systémiques
invalidants tels que des sueurs nocturnes, une inappétence
avec cachectie et de la fatigue. Lorsque vous prescrivez un
anti-JAK2, vous pouvez vous attendre à une amélioration
rapide et importante de ces symptômes chez une majorité
des patients. Leur état général va s’améliorer et ils vont
prendre du poids. Cet effet a été objectivé par l’amélioration significative de scores de qualité de vie sur différentes
échelles utilisées dans les études COMFORT-I et -II (4,5), et
ne semble pas être dose dépendant.
Effet sur les valeurs sanguines dans la MF, la PV et la TE La MF peut être accompagnée d’une hyperleucocytose
ou d’une thrombocytose importante. Par définition, la PV
s’accompagne d’une polyglobulie et la TE d’une thrombocytose. En prescrivant un anti-JAK2, vous pouvez vous
attendre à une diminution des valeurs sanguines anormales.
Cette diminution sera dose-dépendante et démontre l’effet
anti-myéloprolifératif des anti-JAK2.
■■Auteur
Laurent Knoops
Hématologue aux Cliniques
Universitaires Saint-Luc,
à Bruxelles, chargé
de cours à l’Université
catholique de Louvain où
il enseigne l’hématologie
générale, et chercheur
à l’Institut de Duve.
Expertise :
Recherche clinique sur les
hémopathies myéloïdes
chroniques, recherche
fondamentale sur la
dérégulation des récepteurs
de cytokines et de la
voie JAK-STAT dans les
hémopathies malignes. Il
est membre actif du FIM.
Déclaration publique
d’intérêts :
Aucun.
Correspondance :
Université catholique
de Louvain
Avenue Hippocrate 10
1200 Bruxelles Belgique
[email protected]
Quels effets secondaires peut-on
attendre des inhibiteurs des JAKs ?
Anémie
L’anémie est un des symptômes cardinaux de la MF. La prescription d’anti-JAK2 s’accompagnera souvent d’une majoration de cette anémie, effet secondaire attendu étant donné
que JAK2 est essentiel pour la transduction du signal par le
récepteur de l’érythropoïétine. L’anémie augmentera essentiellement durant les premières semaines de traitement,
pour diminuer plus tard et se stabiliser à un nouvel état de
base. Dans les études COMFORT-I et -II (4,5), l’anémie posait
peu de problèmes et était contrôlée par une modification de
la dose de Ruxolitinib ou par des transfusions sanguines.
De plus, sur toute la durée de l’étude COMFORT-II (1 an) (5),
les patients traités dans le bras Ruxolitinib n’ont pas reçu
plus de transfusions sanguines que les autres patients.
étonnamment, certains patients voient leur taux d’hémoglobine augmenter grâce aux anti-JAK2, particulièrement
pour le CYT387. Ces résultats doivent être confirmés à plus
grande échelle.
Thrombopénie
La thrombopénie est un effet secondaire attendu des anti-
Mots clés
Syndromes
myéloprolifératifs ,
myélofibrose,
inhibiteur de
tyrosine kinase,
Janus K inase.
Horizons Hémato // Juillet / Août / Septembre 2012 // Volume 02 // Numéro 03
151
Grand Angle
■■ Que peut-on attendre des inhibiteurs des JAKs ?
Phase
d’étude
clinique
Effets cliniques
Effets secondaires
principaux – Toxicité
limitante
JAK1, JAK2 III, publié
Splénomégalie,
symptômes
systémiques
Thrombopénie, anémie
SAR302503
TG101348
JAK2,
FLT3, RET
III, en
cours
Splénomégalie,
symptômes
systémiques
Thrombopénie, anémie
hyperamylasémie,
nausées, diarrhées
CYT387
JAK1,
JAK2, CDK2,
JNK1, PKD3,
PKCmu,
TBK1
II
Splénomégalie,
symptômes
systémiques, anémie
Thrombopénie,
céphalées
hyperamylasémie,
neuropathie périphérique
II
Splénomégalie,
Nausées/diarrhées,
anémie, thrombopénie
II
Splénomégalie,
symptômes
systémiques
Nausées, diarrhées
Agent
Ruxolitinib
(INCB018424)
Cibles
JAK2,
CEP-701 (Lestaurtinib) FLT3, TRKA,
VEGFR
SB1518
(Pacritinib)
JAK2, FLT3
Tableau 1 : Liste des
principales médications
inhibant les JAKs en
étude clinique pour le
traitement des syndromes
myéloprolifératifs
■■Ce qu’il
faut retenir
• Plusieurs inhibiteurs
des JAKs sont en
développement pour
le traitement de la
myélofibrose.
• Ces inhibiteurs
diminuent la
splénomégalie et les
symptômes systémiques.
• Ils sont efficaces
chez les patients
porteurs ou non de la
mutation JAK2V617F.
• Ils ont comme effets
secondaires principaux
une majoration de l’anémie
et une thrombopénie
dépendant de la dose.
• Ils ne semblent pas
modifier de manière
significative l’histoire
naturelle de la maladie.
Retrouvez cet article
sur notre application Horizons Hémato
■■Références
JAK2 vu le rôle essentiel de JAK2 dans la transduction
du signal par le récepteur de la thrombopoïétine. Cette
thrombopénie explique que les études COMFORT (4,5)
étaient réservées aux patients avec un taux de plaquettes
supérieur à 100 000/mm3. La thrombopénie sera maximale au début du traitement, et sera la principale cause
des modifications de dose, comme démontré dans les
études COMFORT. L’effet thrombopéniant semble être
moindre pour le pacratinib, ce qui reste à confirmer
dans des études à plus grande échelle.
Nausées, Vomissements, diarrhée
Il semble exister un effet de classe gastro-intestinal pour
les molécules inhibant également FLT3 (SAR302503
Lestaurtinib, Pacritinib).
Symptômes systémiques à l’arrêt des anti-JAK2
L’équipe de la Mayo Clinic a décrit d’importants
symptômes systémiques chez des patients ayant
arrêté le traitement par Ruxolitinib, s’apparentant à
un syndrome de relargage des cytokines (6). Dans les
études COMFORT (4,5), les arrêts thérapeutiques se sont
accompagnés d’une réapparition rapide des symptômes
liés à la MF ou parfois d’effets secondaires variales
modérés. L’absence de pattern symptomatique spécifique ne permet pas de conclure à syndrome de relargage des cytokines. Cependant, par prudence, il faut
conseiller au patient de diminuer progressivement la
dose d’anti-JAK2.
Que doit-on encore apprendre
sur les inhibiteurs de JAK2 ?
Effet sur la survie dans la MF
Les résultats sur la survie des patients traités dans
l’étude COMFORT-I sont encourageants, puisque les
patients traités par Ruxolitinib ont une survie légèrement mais significativement augmentée par rapport aux
patients traités par placebo (4). Ces résultats devront être
confirmés à plus long terme. Malheureusement, l’étude
COMFORT-II, de par son design et son cross-over, ne
permettra pas de confirmer ces résultats.
Modification de l’histoire naturelle de la maladie
Les inhibiteurs des JAKs n’ont pas (encore) démontré d’effet
sur l’histoire naturelle de la MF. Bien que le taux d’allèle
muté JAK2V617F ait diminué chez certains patients, cette
diminution n’est pas spectaculaire. De même, certains paramètres intrinsèques à la maladie, tels que le taux de LDH,
l’histologie médullaire ou le taux de blastes circulants n’ont
pas été modifiés par ces traitements. Cette absence d’effet
peut être expliquée d’une part par le manque de spécificité
des anti-JAK2, ne permettant pas d’administrer une dose
suffisante pour éradiquer le clone anormal sans être toxique,
et d’autre part par la génétique complexe de la MF rendant
peu probable l’addiction totale du clone anormal à la voie
JAK-STAT.
Effet sur le système immunitaire
Les JAKs sont des constituants essentiels des récepteurs
de cytokines et sont essentielles au bon fonctionnement
du système immunitaire. Les inhibiteurs des JAKs n’ont
provoqué jusqu’à présent que peu d’effets secondaires de
type infectieux ou auto-immuns, mais leur émergence devra
être surveillée pour prouver l’innocuité dans anti- JAKs au
long terme.
Traitement de la PV et de la TE
La PV et la TE sont des pathologies chroniques qui peuvent
être adéquatement traitées par des saignées, de l’aspirine
ou une prescription d’hydroxyurée. La survie des patients
atteints de TE semble comparable à la population normale,
et elle n’en est pas très éloignée pour les patients atteints
de PV. Bien que l’effet anti-prolifératif des anti-JAK2
permettra probablement de contrôler les valeurs sanguines
de ces patients, il est essentiel d’objectiver leur innocuité
à long terme avant de les utiliser à grande échelle. Dans le
cadre d’études cliniques, les anti-JAK2 peuvent être utiles
pour des patients résistants aux mesures thérapeutiques
classiques.
Résistance aux inhibiteurs
En cancérologie, l’utilisation d’inhibiteurs de tyrosine kinase
s’est invariablement accompagnée par l’apparition, chez
certains patients, de clones résistants. In vitro, nous avons
montré que des mutations du domaine kinase des JAKs
pouvaient s’accompagner d’une résistance aux inhibiteurs
des JAKs (7). Bien qu’aucun de ces phénomènes n’ait encore
été décrit en clinique, ils sera important de comprendre
les mécanismes par lesquels les patients pourront devenir
résistants aux anti-JAK2.
Conclusions
Les inhibiteurs des JAKs sont extrêmement efficaces pour
contrôler les symptômes des patients avec une MF, et constituent dès lors le premier traitement réellement actif dans
cette maladie. Ils n’ont cependant pas encore démontré
d’effet sur l’histoire naturelle des syndromes myéloprolifératifs, effets qui ne pourraient être observés qu’après leur
association à d’autre molécules capables de cibler plus
spécifiquement le clone anormal.
1. James C et al. A unique clonal JAK2 mutation leading to constitutive signalling causes polycythaemia vera. Nature. 2005; 434: 1144-1148. doi:10.1038/nature03546.
2. Harrison C, Verstovsek S, McMullin M F & Mesa R. Janus kinase inhibition and its effect upon the therapeutic landscape for myelofibrosis: from palliation to cure?
Br J Haematol. 2012; 157: 426-437. doi:10.1111/j.1365-2141.2012.09108.x.
3. Pardanani A. JAK2 inhibitor therapy in myeloproliferative disorders: rationale, preclinical studies and ongoing clinical trials. Leukemia. 2008; 22: 23-30. doi:10.1038/
sj.leu.2404948.
4. Verstovsek S et al. A double-blind, placebo-controlled trial of ruxolitinib for myelofibrosis. N Engl J Med. 2012; 366: 799-807. doi:10.1056/NEJMoa1110557.
5. Harrison, C et al. JAK inhibition with ruxolitinib versus best available therapy for myelofibrosis. N Engl J Med 366, 787-798, doi:10.1056/NEJMoa1110556 (2012).
6. Tefferi A & Pardanani A. Serious adverse events during ruxolitinib treatment discontinuation in patients with myelofibrosis. Mayo Clin Proc. 2011; 86: 1188-1191.
152
doi:10.4065/mcp.2011.0518.
7. Hornakova T et al. Oncogenic JAK1 and JAK2-activating mutations resistant to ATP-competitive inhibitors. Haematologica. 2011, 96: 845-853. doi:10.3324/
haematol.2010.036350.
Horizons Hémato // Juillet / Août / Septembre 2012 // Volume 02 // Numéro 03
Grand Angle
■■Auteur
Jérôme Rey
Praticien spécialiste dans
le département d’oncohématologie de l’Institut
Paoli-Calmettes à Marseille.
Expertise :
Membre actif du FIM
et secrétaire du conseil
scientifique du FIM,
il est référent des SMPs
non LMC dans l’unité
des hémopathies
myéloïdes de l’institut
Paoli-Calmettes.
Il s’occupe des essais
thérapeutiques dans
les SMPs non LMC.
Membre de la SFH,
du GOELAMS, du
FIM, de l’EHA.
Déclaration publique
d’intérêts :
Consultant Novartis,
Shire.
Correspondance :
Service d’Hématologie 2
Département d’oncohématologie
Institut Paoli-Calmettes,
232 boulevard
Sainte Marguerite,
13273 Marseille cedex 9
[email protected]
■■ DOSSIER : Syndromes Myéloprolifératifs
Les essais thérapeutiques des SMPs
non LMC en France
Les essais thérapeutiques concernant les SMPs non LMC
ont connu un essor important ces dernières années, suite
en 2005 à la publication de l’essai britannique PT1 et
surtout à la découverte de la mutation V617F de JAK2.
L’essai PT1 a démontré qu’une étude de grande ampleur
était réalisable dans ces maladies rares (809 patients
atteints de TE). Depuis la description de ces maladies il y
a plus d’un siècle, peu d’études de phase III randomisées
ont été réalisées dans les SMPs non LMC. La mise en
évidence de la mutation V617F de JAK2 a ouvert les
portes au développement de molécules ciblant JAK2. Cet
article fait le point sur les essais ouverts à l’heure actuelle
en France. Il est très probable que la liste de ces essais
ne cesse d’augmenter dans les années qui viennent.
Thrombocytémie essentielle
études observationnelles
• Rétrospective : le FIM coordonne une étude rétrospective des patients atteints de
TE traités par interféron, en particulier pegylé.
• Prospective : l’étude faible risque du protocole britannique PT1 est ouverte en France
et inclut les patients TE à faible risque (< 40 ans, plaquettes < 1 500 000, sans facteurs
de risque cardiovasculaires), au diagnostic ou non. Les patients sont suivis mais traités
par aspirine faible dose. L’objectif est d’évaluer la fréquence de thrombose et d’hémorragie. L’investigateur principal est le Pr. Jean-Jacques Kiladjian (hôpital Saint-Louis).
Essais thérapeutiques
• Essai clinique de Phase III :
– Protocole PT1 bras intermédiaire : le dernier bras de l’essai PT1 est encore ouvert en
France pour quelques semaines. Les patients à risque intermédiaire selon la définition
britannique (TE de 40 à 59 ans, sans ATCD de thrombose, sans facteurs de risque
cardio-vasculaires, avec des plaquettes < 1 500 000), au diagnostic ou non, sont
randomisés entre de l’aspirine avec de l’hydroxyurée versus aspirine seule. L’objectif
est le pourcentage de thrombose et d’hémorragie. Le nombre de patients à inclure au
total est de 500 à 600. Ce chiffre sera bientôt atteint. L’investigateur principal est le
Pr. Jean-Jacques Kiladjian (Hôpital Saint-Louis).
– Protocole MPD-RC 112 (consortium international) : cet essai international devrait
ouvrir en 2012 en France. Il s’agit d’un essai randomisé de 12 mois comparant
l’interféron pegylé alpha-2a à l’hydroxyurée dans les TE à haut risque (et les PV) au
diagnostic (< 3 ans du diagnostic, < 3 mois d’hydroxyurée). L’objectif principal est le
pourcentage de RC. Cet essai devrait inclure 306 TE. L’investigateur principal est le
Pr. Jean-Jacques Kiladjian (Hôpital Saint-Louis).
• Essai clinique de Phase II :
– Protocole MPD-RC 111 (consortium international): cet essai international devrait
ouvrir en 2012 en France. Il s’agit d’un essai de 12 mois testant l’interféron pegylé
alpha-2a dans les TE à haut risque (et les PV et les thromboses splanchniques) résistantes ou intolérantes à l’hydroxyurée. L’objectif principal est le pourcentage de RC et
de RP. Cet essai devrait inclure 84 TE. L’investigateur principal est le Pr. Jean-Jacques
Kiladjian (Hôpital Saint Louis).
– Essai ARD12042 (Sanofi) : cet essai international teste l’utilisation d’un inhibiteur
JAK2 de Sanofi, le SAR302503, dans les TE (et les PV) résistantes ou intolérantes à
l’hydroxyurée. Les patients sont randomisés entre 3 posologies de la molécule (200,
300, 400 mg/j). L’objectif principal est le taux de réponse hématologique. Cet essai
doit inclure 30 TE pour la partie de l’essai avec randomisation visant à identifier le dose
recommandée puis 15 TE avec la dose recommandée. L’investigateur principal est le
■■Auteur
Vincent Ribrag
Vincent Ribrag est chef
du comité hématologie de
l’Institut de cancérologie
Gustave Roussy.
Expertise :
Membre du conseil
scientifique du FIM,
du conseil d’administration
du Lysa, il est plus
particulièrement impliqué
dans les essais précoces
(phase I) dans le cadre
du SITEP de l’IGR où
il est responsable des
essais hématologie.
Il est impliqué plus
directement dans la
prise en charge des
SMPs non LMC et des
lymphomes à l’IGR.
Membre du LYSA, du FIM.
Déclaration publique
d’intérêts :
Subvention de
recherche Bayer,
Sanofi Board : Takeda.
Correspondance :
Service d’Hématologie
Institut de cancérologie
Gustave Roussy,
114 rue E. Vaillant,
94805 Villejuif
[email protected]
Mots clés
SMP non LMC,
essais thérapeutiques ,
anti
JAK2,
interféron pegylé.
Horizons Hémato // Juillet / Août / Septembre 2012 // Volume 02 // Numéro 03
153
Grand Angle
Pr. Jean-Jacques Kiladjian (hôpital Saint-Louis).
– Protocole I3X-MC-JTHB (Lilly) : cet essai international
teste l’anti JAK2 de Lilly, le LY2784544, dans les TE (et
les PV et les MF) résistantes ou intolérantes à l’hydroxyurée.
Trois doses seront testées. L’objectif principal est le taux
de réponse hématologique. Cet essai doit inclure 40 TE
dont 10 JAK2 négatives. L’investigateur principal est le
Pr. Jean-Jacques Kiladjian (hôpital Saint-Louis).
Polyglobulie primitive
études observationnelles
Rétrospective : le FIM coordonne une étude rétrospective
des patients atteints de PV traités par interféron, en particulier pegylé.
Essais thérapeutiques
• Essai clinique de Phase III :
– Protocole RESPONSE (promoteur de l’essai : Novartis) :
cet essai international randomisé compare l’inhibiteur de
JAK2 développé par Novartis, le Ruxolitinib, au meilleur
traitement disponible (interféron, pipobroman…) dans la
PV résistante ou intolérante à l’hydroxyurée. Un cross over
est possible. L’objectif principal est le nombre de saignées
et la taille de la rate. Cet essai devrait inclure 300 PV.
L’investigateur principal est le Pr. Jean-Jacques Kiladjian
(Hôpital Saint-Louis).
– Protocole MPD-RC 112 (consortium international): cet
essai international devrait ouvrir dans les mois qui viennent
en France. Il s’agit d’un essai randomisé de 12 mois
comparant l’interféron pegylé alpha-2a à l’hydroxyurée
dans les PV à haut risque (et les TE) au diagnostic (< 3 ans
du diagnostic, < 3 mois d’hydroxyurée). L’objectif principal
est le pourcentage de RC. Cet essai devrait inclure 306 PV.
L’investigateur principal est le Pr. Jean-Jacques Kiladjian
(Hôpital Saint-Louis).
Essai clinique de Phase II :
– Protocole MPD-RC 111 (consortium international) : cet
essai international devrait ouvrir dans les mois qui viennent
en France. Il s’agit d’un essai de 12 mois testant l’interféron pegylé alpha-2a dans les PV à haut risque (et les TE
et les thromboses splanchniques) résistantes ou intolérantes à l’hydroxyurée. L’objectif principal est le pourcentage de RC et de RP. Cet essai devrait inclure 84 PV et 20
thromboses splanchniques. L’investigateur principal est le
Pr. Jean-Jacques Kiladjian (Hôpital Saint-Louis).
– Essai ARD12042 (Sanofi) : cet essai international teste
l’anti JAK2 de Sanofi, le SAR302503, dans les PV (et
les TE) résistantes ou intolérantes à l’hydroxyurée. Les
patients sont randomisés entre 3 posologies du médicament (200, 300, 400 mg). L’objectif principal est le taux
de réponse hématologique. Cet essai doit inclure 30 PV
pour la randomisation puis 15 PV avec la dose définie.
L’investigateur principal est le Pr. Jean-Jacques Kiladjian
(hôpital Saint-Louis).
– Protocole I3X-MC-JTHB (Lilly): cet essai international
teste l’anti JAK2 de Lilly, le LY2784544, dans les PV (et
les TE et les MF) résistantes ou intolérantes à l’hydroxyurée.
Trois doses seront testées. L’objectif principal est le taux
de réponse hématologique. Cet essai doit inclure 30 PV.
L’investigateur principal est le Pr. Jean-Jacques Kiladjian
(Hôpital Saint-Louis).
Myélofibrose primaire ou secondaire
154
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études observationnelles
Rétrospective : le FIM coordonne une étude rétrospective
des patients atteints de MF traités par interféron pegylé.
Horizons Hémato // Juillet / Août / Septembre 2012 // Volume 02 // Numéro 03
Essais thérapeutiques
• Essai clinique de Phase III :
Essai EFC12153- JAKARTA (Sanofi) : cet essai international teste l’inhibiteur de JAK2 de Sanofi, le
SAR302503, dans les MF de risque intermédiaire 2 ou
élevé. Les patients sont randomisés en double aveugle
entre soit le médicament (400 ou 500 mg) soit le
placebo. L’objectif principal est la réduction de la taille
de la rate. Un cross over est possible après 6 cycles ou en
cas de progression. Cet essai doit inclure 225 patients.
L’investigateur principal est le Dr. Vincent Ribrag (IGR).
• Essai clinique de Phase II :
– Essai ARD12181 (Sanofi) : cet essai international teste
l’inhibiteur de JAK2 de Sanofi, le SAR302503, dans
les MF de risque intermédiaire 2 ou élevé résistantes ou
intolérantes au Ruxolitinib. Les plaquettes doivent être
supérieures à 50 G/L. Les patients sont traités par le
médicament à la posologie de 400 mg. L’objectif principal est la réduction de la taille de la rate. Cet essai doit
inclure 41 patients. L’investigateur principal est le Dr.
Jérôme Rey (IPC, Marseille).
– Protocole I3X-MC-JTHB (Lilly): cet essai international
teste l’anti JAK2 de Lilly, le LY2784544, dans les MF (et
les TE et les PV) de risque intermédiaire 1, 2 ou élevé.
Les plaquettes doivent être supérieures à 25 G/L. Trois
doses seront testées. L’objectif principal est le taux de
réponse hématologique. Cet essai doit inclure 55 MF
dont 10 JAK2 négatives. L’investigateur principal est le
Pr. Jean-Jacques Kiladjian (hôpital Saint-Louis).
– étude JAK ALLO (FIM-GOELAMS) : cet essai est
la première étude promue par le FIM lui-même. Il
s’agit d’une étude nationale, multicentrique. Environ
25 centres seront ouverts. Les patients pourront être
inclus dès qu’une indication d’allogreffe sera posée. Les
patients seront traités préalablement par du Ruxolitinib
pendant au moins 4 mois. Les patients n’ayant pas de
donneur ou ayant développé des contre-indications à
la greffe poursuivront le ruxolitinib. L’objectif principal
est la survie sans rechute à 12 mois de l’allogreffe. Cet
essai doit inclure 53 MF greffées et environ 25 MF non
greffées. L’investigateur principal est le Dr. Marie Robin
(hôpital Saint-Louis).
• Essai clinique de Phase Ib :
– étude CINC4242A2201 (Novartis) : cet essai international de phase 1b est une étude de recherche de
dose de l’inhibiteur de JAK2 de Novartis, le Ruxolitinib,
dans la MF primitive ou secondaire avec une numération plaquettaire entre 50 G/L et 99 G/L. L’objectif
principal est la DLT. Cet essai devrait inclure 42 MF.
L’investigateur principal est le Pr. Jean-Jacques Kiladjian
(hôpital Saint-Louis).
– étude CLBH589X2106 (Novartis) : cet essai international de phase 1b est une étude de recherche de dose de
l’association de l’anti JAK2 de Novartis, le Ruxolitinib, et
de l’inhibiteur HDAC, le panobinostat, dans la MF primitive ou secondaire. L’objectif principal est la tolérance
et la pharmacocinétique. L’investigateur principal est le
Dr. Vincent Ribrag (IGR).
Les essais thérapeutiques concernant les SMPs non LMC
sont en pleine révolution. Le développement d’inhibiteurs
de JAK2 va encore élargir cette liste, soit en monothérapie soit dans des associations. Le FIM a pour objectif
de développer ces futurs essais dans le plus de centres
en France et si possible de les promouvoir (retrouver
ces essais sur le site du FIM, http://www.fim-asso.org/
index.php).
Grand Angle
■■ DOSSIER : Syndromes Myéloprolifératifs
Nouvelles cibles thérapeutiques
dans les néoplasmes myéloprolifératifs (NMPs)
Des mutations de gènes codant pour des protéines de signalisation sont
responsables de la myéloprolifération des NMPs et aboutissent jusqu’à présent
toutes à une activation de JAK2 et des voies de signalisation en aval des
récepteurs de cytokines. Pour ces raisons les nouvelles thérapeutiques ciblent en
priorité JAK2 directement ou indirectement. Cependant aucun des inhibiteurs
actuels n’est spécifique des formes mutées de JAK2 et ils agissent à la fois sur
l’hématopoïèse normale et pathologique. L’objectif actuel est d’augmenter cette
spécificité avec le doute que l’émergence des NMPs nécessite même en dehors des
myélofibroses plusieurs événements génétiques et dans ce cas le ciblage purement
des voies de signalisation pourrait être insuffisant pour obtenir une guérison.
Les nouvelles cibles thérapeutiques des NMPs sont
essentiellement les conséquences de la physiopathologie
moléculaire. Le rôle majeur de JAK2 dans la physiopathologie des NMPs en fait une cible privilégiée des
nouvelles approches thérapeutiques (1).
JAK2
L’effort majeur de l’industrie pharmaceutique s’est porté
sur le développement d’inhibiteurs de JAK2 dirigés
contre la poche de fixation de l’ATP alors que les mutations activatrices ne touchent pas le domaine kinase.
Tous les inhibiteurs actuels sont de type I, c’est-à-dire
qu’ils se lient sur la molécule phosphorylée et stabilisent cette conformation activée tout en bloquant la
fonction kinase (2). Dans des lignées transformées par
JAK2V617F, ce type d’inhibition aboutit à une résistance
aux inhibiteurs via une surexpression de JAK2V617F
avec une réactivation en trans par JAK1 ou TYK2 (2). Pour
ces raisons, des inhibiteurs de type II se fixant comme
pour BCR-ABL sur la molécule non activée seraient vraisemblablement plus intéressants (3). Cependant aucun
des inhibiteurs n’est spécifique de JAK2V617F ou des
autres mutants, ce qui a l’avantage de pouvoir les utiliser
dans les NMPs indépendamment des mutations de JAK2
et dans les maladies inflammatoires ; inversement ceci
a le désavantage d’inhiber également l’hématopoïèse
normale pour laquelle JAK2 est une molécule indispensable avec la toxicité attendue c’est-à-dire des anémies et
des thrombopénies. La limite de cet abord est donc que,
pour éviter une toxicité, les doses utilisées n’inhibent
que partiellement JAK2. Ceci pourrait expliquer l’effet
jusqu’à présent très faible ou modéré des inhibiteurs de
JAK2 sur la maladie elle même, du moins dans les MF,
mais un effet majeur sur les symptômes associés, eux
liés à « l’orage » cytokinique et à l’activation des JAKs
non mutés dans les cellules immunes (4). Par ailleurs
aucun de ces inhibiteurs n’est réellement spécifique de
JAK2 et bloquent d’autres kinases comme JAK1 ou FLT3
ou le FGFR, etc., ce qui peut expliquer des différences
entre chacune de ces molécules. Pour ces raisons, il
existe une nécessité pour développer d’autres inhibiteurs
de JAK2. Une des approches actuelles est de cibler les
protéines qui régulent la stabilité de JAK2. Différents
types d’approche sont en cours de réalisation
Ciblage d’HSP90, molécule chaperonne de JAK2
Il s’est avéré que l’inhibition d’HSP90 était très efficace pour inhiber JAK2V617F et les autres mutants
y compris ceux qui présentent des mutations dans le
domaine ATP qui les rendent résistants aux inhibiteurs
de JAK2. La limite est en clinique la toxicité des inhibiteurs d’HSP90.
Les inhibiteurs d’HDAC (HDACi)
Une dernière approche serait de ne pas cibler JAK2,
mais JAK1 spécifiquement, ou d’alterner des inhibiteurs JAK2 et JAK1. Il semble qu’une grande partie
des effets des inhibiteurs de JAK2 sur les signes généraux et le syndrome inflammatoire soit liée au niveau
élevé de cytokines inflammatoires dans les NMPs. Le
blocage de JAK1 pourrait également avoir ces mêmes
effets sans entraîner d’anémie ou de thrombopénie alors
que plusieurs inhibiteurs de JAK2 comme le Ruxolitinib
agissent sur JAK2 et JAK1.
Autres molécules de signalisation
Les autres cibles de signalisation peuvent être soit en
amont de JAK2 comme les récepteurs de cytokine soit
en aval de JAK2, soit encore indépendantes pour les
cytokines responsables de la fibrose.
Molécules en amont de JAK2
La principale cible potentielle est le récepteur de la
TPO, MPL, qui peut être muté dans 5 à 10 % des TE
et MFP (1), en outre dans les autres NMPs la signalisation via MPL est probablement impliquée dans le
développement de la myélofibrose, comme le montrent
les modèles murins surexprimant la TPO (5). Les formes
mutées correspondent toutes quasiment à des mutations
en W515, un résidu clé du domaine amphipathique qui
empêche l’activation spontanée du récepteur (figure 1) .
Les modèles murins rétroviraux avec ce récepteur muté
aboutissent à un NMP avec une myélofibrose. En fait le
phénotype myélofibrose est dépendant de la tyrosine 626
qui phosphorylée permet la fixation des Stats, de shc et
des MAPK (6). Une molécule ciblant cette tyrosine serait
donc intéressante car ce résidu n’est pas indispensable
au récepteur sauvage.
Molécules en aval de JAK2
Les STATs sont certainement les molécules les plus
importantes à cibler. Il a été montré que STAT5 et STAT3
étaient activés dans les PV et que par contre l‘activation
de STAT1 et STAT3 était très importante dans les TE (7).
Les souris double KO pour STAT5 (a et b) ne développent
pas de NMP en présence de JAK2V617F alors qu’elles
■■Auteur
William Vainchenker
MD, PhD.
Expertise :
Directeur de recherche
INSERM, Mégacaryopoïèse
normale et pathologique,
Syndromes
Myéloprolifératifs,
Président du Conseil
Scientifique du FIM.
Déclaration publique
d’intérêts :
Contrat de recherche avec
Celgene, Participation à
des comités ad hoc sur
les inhibiteurs de JAK2 en
2012 (Novartis, Sanofi).
Correspondance :
[email protected]
Coécrit avec :
Stefan N. Constantinescu
MD, PhD.
Institut de Duve, Bruxelles.
stefan.constantinescu@
bru.licr.org
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Mots clés
JAK2,
épigénétique,
STAT,
signalisation,
interféron.
Horizons Hémato // Juillet / Août / Septembre 2012 // Volume 02 // Numéro 03
155
Grand Angle
Figure 1 : Les voies de
signalisation dérégulées par
JAK2 activé dans les MPN
La signalisation par le récepteur
à la thrombopoïétine (TpoR)
est normalement déclenchée
par la liaison de la Tpo.
Dans les MPNs le récepteur
est constitutivement actif
conséquence soit du mutant
JAK2V617F (complexes
TpoR – JAK2V617F) soit des
mutants TpoR W515L/K/A.
A Cette signalisation
indépendante du ligand
entraine l’activation des
STAT5/3 des MAP-Kinases et
de la PI-3-Kinase. Un anticorps
dirigé contre le domaine
extracellulaire du TpoR pourrait
bloquer cette signalisation
constitutive. Des inhibiteurs
de JAK2, des STATs des MAPKinases et de PI3-Kinase sont
actuellement testés seuls ou en
combinaison dans différents
essais cliniques.
B La structure cristalline du
domaine pseudokinase JH2 de
JAK2V617F a été récemment
établie . Elle montre une
interaction aromatique entre
F617 et les résidus F595 et
F594 de l’hélice C de JH2.
Cette interaction est essentielle
pour l’activation constitutive
de JAK2, mais n’est pas
nécessaire à l’activation de
JAK2 médiée par les cytokines .
La structure de l'hélice C et
de la boucle contenant la
mutation V617F a été dérivée
de par PyMol (PDB 4FVR).
■■Ce qu’il faut retenir
■■ Nouvelles cibles thérapeutiques dans les NMPs
TPO
A
P
JAK2
P
Anti-PO-R antibody
JAK2
P
P
P
P
P
P
P
JAK2
P
W515
L/K/A
W515
L/K/A
JAK2
P
P
Mutated P617
B
ont peu de modification de l’hématopoïèse normale .
Une autre cible plus indirecte de STAT5 pourrait être
l’accumulation des ROS qui semble impliquée dans le
phénotype et la progression de la maladie. La cascade des
sérine/thréonine kinases est une autre cible potentielle.
Autres molécules de signalisation
« indépendantes » de JAK2
Le TGF-b1 est une molécule indispensable au développement de la myélofibrose dans les modèles murins.
Il est actuellement possible de cibler le TGF beta avec
différentes petites molécules dont certaines sont en
essais cliniques ou avec des anticorps neutralisants
humanisés ou encore avec un récepteur soluble. Les
autres approches seraient de cibler son activation dans la
moelle, mais le mécanisme en reste grandement inconnu,
son récepteur ou encore sa signalisation via les protéines
Smad. D’autres cytokines pro-fibrotiques comme le PDGF
pourraient également ciblées.
Cellules souches hématopoïétiques
Dans les NMPs la CSH « leucémique » est certainement au début de l’évolution le talon d’Achille de la
maladie dans la mesure où dans les TE et les PV les
CSH JAK2V617F sont très minoritaires (8). Dans les
modèles murins, l’effet de JAK2V617F sur les CSH est
controversé. Dans les modèles KI avec un JAK2V617F
murin, JAK2V617F donne un léger avantage aux CSH
sur les CSH JAK2WT alors que dans le modèle KI avec
un JAK2V617F humain, les CSH JAK2V617F ont un
désavantage suggérant la nécessité absolue d’une autre
élément génétique pour le développement de la maladie
humaine. L’Interféron-alpha en particulier pégylé est le
seul agent thérapeutique qui ait été montré avoir un effet
majeur sur la charge allélique en JAK2V617F dans les
PV avec parfois l’induction d’une rémission complète y
compris moléculaire.
épigénétiques et épissage
Des mutations dans des gènes impliqués dans la régulation épigénétique, soit au niveau de la méthylation de
l'ADN (TET2, DNMT3A), soit des histones (complexe
PRC2) soit des deux (IDH1/IDH2) et dans l’épissage
(SRSF2) sont impliqués dans la pathogénie des NMPs.
En outre, JAK2V617F par des voies non canoniques
pourrait également modifier la régulation épigénétique.
Parmi les molécules importantes dans la physiopathologie
des NMPs, il a été rapporté des extinctions d’expression
de CXCR4 et des SOCS via des méthylations de leurs
promoteurs (9). De nombreuses petites molécules sont en
cours de développement ciblant des méthyltransférases,
mais les mutations des NMPs seront difficiles à cibler
car elles correspondent à des pertes de fonction. L’abord
le plus prometteur concerne les mutations d’IDH1/ IDH2
car les mutants peuvent être ciblés spécifiquement par
de petites molécules en cours de développement, ceci est
d’autant plus important que dans les MF les mutations
d’IDH1/2 sont associées à un très mauvais pronostic.
Actuellement des molécules dirigées contre la machinerie
d’épissage sont en cours de développement mais il est
encore trop tôt pour savoir si elles seront des thérapeutiques intéressantes dans les hémopathies associées à
des mutations dans les gènes d’épissage.
Conclusion
De nombreuses approches thérapeutiques semblent
possibles ; ces nouvelles thérapeutiques bénéficieront
d’une meilleure compréhension de la pathogénie des
NMPs, en particulier d’une meilleure connaissance de leur
architecture clonale. Il est possible mais non démontré
que des abords visant des voies de signalisation puissent
être suffisants dans la majorité des TE et des PV comme
semble le démontrer l’effet de l’interféron alpha alors que
dans les MF des abords thérapeutiques ciblant simultanément plusieurs voies de signalisation et l’épigénétique
pourront être importants, spécialement pour les MFP.
• Les nouvelles cibles thérapeutiques des SMPs sont essentiellement dictées par leur physiopathologie moléculaire de ces hémopathies.
• Les inhibiteurs de JAK2 actuellement disponibles ne sont pas spécifiques de la mutation V617F de JAK2 et inhibent l'hématopoïèse normale. Par contre ils
peuvent donc être utilisés quelque soit le statut mutationnel des patients.
• Dans l'avenir le seul ciblage des voies de signalisation sera-t-il suffisant ?
■■Références
1. Vainchenker W, Delhommeau F, Constantinescu SN, Bernard OA. New mutations and pathogenesis of myeloproliferative neoplasms. Blood. 2011; 118: 1723-17352.
2. Koppikar P, Bhagwat N, Kilpivaara O, et al. Heterodimeric JAK-STAT activation as a mechanism of persistence to JAK2 inhibitor therapy. Nature. 2012; sous presse.
3. Andraos R, Qian Z, Boenfant D et al. Modulation of Activation-Loop Phosphorylation by JAK Inhibitors Is Binding Mode Dependent. Cancer Discovery, 2012; sous presse.
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5. Villeval JL, Cohen-Solal K, Tulliez M, et al. High thrombopoietin production by hematopoietic cells induces a fatal myeloproliferative syndrome in mice. Blood. 1997; 90:
4369-4383.
6. Pecquet C, Staerk J, Chaligne R, et al. Induction of myeloproliferative disorder and myelofibrosis by thrombopoietin receptor W515 mutants is mediated by cytosolic tyrosine
112 of the receptor. Blood. 2010; 115: 1037-1048.
156
7. Chen E, Beer PA, Godfrey AL, et al. Distinct clinical phenotypes associated with JAK2V617F reflect differential STAT1 signaling. Cancer Cell. 2010; 18: 524-535.
8. James C, Mazurier F, Dupont S, Chaligne R, Lamrissi-Garcia I, Tulliez M, Lippert E, Mahon FX, Pasquet JM, Etienne G, Delhommeau F, Giraudier S, Vainchenker W, de
Verneuil H. The hematopoietic stem cell compartment of JAK2V617F-positive myeloproliferative disorders is a reflection of disease heterogeneity. Blood. 2008; 112: 2429-38.
9. Bogani C, Ponziani V, Guglielmelli P, et al. Hypermethylation of CXCR4 promoter in CD34+ cells from patients with primary myelofibrosis. Stem cells. 2008; 26: 1920-1930.
Horizons Hémato // Juillet / Août / Septembre 2012 // Volume 02 // Numéro 03
Dossier spécial
■■Auteur
Ibrahim Yakoub-Agha
PU-PH, responsable
de l’unité d’allogreffe
des cellules souches
hématopoïétiques au
CHRU de Lille.
Expertise :
En dehors de l’allogreffe,
le myélome multiple
et les syndromes
myélodysplasiques
constituent ses principaux
champs de recherche
clinique. Il est membre des
conseils d’administration
de la SFGM-TC et de l’IFM.
Déclaration publique
d’intérêts :
Aucun.
Correspondance :
Maladies du Sang
Hôpital Huriez
CHRU,
59037 LILLE Cedex
[email protected]
■■ Allogreffe et « greffe versus hôte » (GVH)
Inhibiteurs de tyrosine kinase
et GVH chronique
Si la corticothérapie constitue le traitement de première ligne
des formes symptomatiques de la réaction chronique du greffon
contre l’hôte (GVHc), il n’y a pas de consensus sur le traitement
des formes résistantes en deuxième ligne et au-delà.
Des résultats très encourageants, en termes d’efficacité et de tolérance,
ont été observés après l’utilisation de l’Imatinib mesylate (IM) chez des
patients atteints de maladies auto-immunes ou de GVHc corticorésistante.
Bien que le mécanisme exact responsable de l’efficacité des
inhibiteurs de la tyrosine kinase (ITK) dans cette pathologie ne
soit pas parfaitement connu, l’inclusion des patients dans des
protocoles prospectifs cliniques doit être encouragée.
Actuellement différents essais thérapeutiques testant les ITK
de 1re et 2e génération (réputés mieux tolérés) sont en cours. Leur objectif
est d’évaluer l’efficacité à long terme dans la GVHc mais également,
les modifications biologiques engendrées in vivo par les ITK.
La maladie du greffon contre l’hôte chronique (GVHc)
extensive constitue une cause majeure de morbidité
et de mortalité chez les patients, survivants à long
terme, ayant fait l’objet d’une allogreffe de cellules
souches hématopoïétiques (allo-CSH).
Cette complication a les caractéristiques des collagénoses auto-immunes, avec des manifestations
cliniques similaires à celles des maladies autoimmunes telles que le syndrome de Sjögren, la sclérose systémique, le lupus érythémateux disséminé, la
cirrhose biliaire primitive, la bronchiolite oblitérante,
les cytopénie auto-immunes, la maladie de Crohn, etc.
L’aspect clinique des lésions est typique et suffit
généralement à porter le diagnostic d’une GVHc.
Toutefois, une confirmation anatomo-pathologique ou
par d’autres examens complémentaires, est parfois
nécessaire devant une association de symptômes non
spécifiques.
On a longtemps distingué la GVHc de la GVH aiguë
par la survenue tardive des manifestations au-delà de
100 jours après l’allo-CSH. Récemment, la conférence
de consensus du NIH (National Institut of Health), a
mis l’accent sur l’importance des caractères et l’aspect clinique des lésions plutôt que sur le moment
de survenue des symptômes pour distinguer les deux
types de GVH. (1)
Physiopathologie de la GVHc
Mots clés
GVH chronique,
inhibiteurs de la
tyrosine kinase,
158
sclérodermie.
Alors qu’il est généralement accepté que la pathogénèse de la GVH aiguë repose sur la reconnaissance
des antigènes mineurs d’histocompatibilité par les
lymphocytes T du donneur après présentation par les
cellules présentatrices d’antigènes du receveur, celle
de la GVHc reste encore controversée. Les difficultés
dans la compréhension de la physiopathologie de la
GVHc sont principalement liées à la présentation pléomorphe de la GVHc et aux effets variables que peuvent
avoir les différents traitements immunosuppresseurs.
Horizons Hémato // Juillet / Août / Septembre 2012 // Volume 03 // Numéro 01
Ces derniers peuvent être donnés soit en prophylaxie
soit pour le traitement d’une GVH aiguë préalable.
Néanmoins, trois acteurs principaux ont, à présent, été
identifiés comme jouant un rôle dans la pathogénèse
de la GVHc à savoir les lymphocytes T, les lymphocytes B et les cytokines inflammatoires profibosantes.
Si les lymphocytes T du donneur ont été longtemps
considérés comme les acteurs principaux de la GVHc,
le rôle des lymphocytes B dans la physiopathologie
de la GVHc est de plus en plus important. (2) Le rôle
des sous-populations lymphocytaires régulatrices est
quelquefois avancé mais reste, à ce jour, controversé.
Une activation anormale des voies de signalisation
impliquant le TGF- (transforming growth factor- ) et
le PDGF-R (platelet-derived growth factor receptor) a
été observée au cours de certaines maladies inflammatoires fibrosantes et de certaines formes sclérodermiques de la GVHc. Par ailleurs, dans le sérum des
malades atteints de sclérose systémique, des autoanticorps anti-PDGF-R responsables de l’activation
des fibroblastes de la peau ont été identifiés. (3) Ces
mêmes anticorps ont été retrouvés dans le sérum de
22 patients atteints de GVHc avec des taux très élevés
chez ceux présentant une atteinte cutanée généralisée
et/ou une fibrose pulmonaire. (4)
β
β
Traitement de la GVHc
Le traitement de la GVHc repose sur des données
principalement issues de l’expérience des greffes à
conditionnement myéloablatif utilisant notamment la
moelle osseuse comme source de greffon.
Un traitement par voie générale est indiqué en cas
d’atteinte d’au moins trois organes ou lorsque l’atteinte
est sévère même si elle n’intéresse qu’un seul organe.
Le traitement de première ligne est basé sur la corticothérapie à la dose de 1 mg/kg/jour (équivalent de
prednisone). Le rôle des inhibiteurs de la calcineurine demeure controversé, particulièrement chez les
■■ Inhibiteurs de tyrosine kinase et GVH chronique
patients ne présentant pas de critères de mauvais
pronostic tels qu’une survenue progressive de la GVHc
et/ ou un taux de plaquettes < 100 000/mm². Par
contre, les patients présentant une thrombopénie au
diagnostic de la GVHc et ceux pouvant présenter une
toxicité importante aux corticoïdes pourraient bénéficier de la combinaison prednisone et inhibiteur de
la calcineurine.
Des lignes de traitement ultérieures seront nécessaires
pour les formes de GVHc résistantes à la première
ligne (GVHc réfractaire ou corticorésistante).
Il n’existe pas, à l’heure actuelle, de critères uniformes
ou formels pour définir la GVHc réfractaire mais, en
général, trois cas de figure sont admis à savoir :
une progression après 14 jours de prednisone ≥ 1
mg/ kg/ jour ou une stabilité après 4 à 8 semaines de
prednisone ou une incapacité à diminuer la corticothérapie en dessous de 0,5 mg/kg/jour.
Même si différentes options thérapeutiques existent
au-delà de la première ligne, il n’existe pas de traitement validé par des essais cliniques contrôlés. Les
recommandations actuelles reposent sur les données
empiriques de la littérature.
En règle générale et compte tenu du poids de l’immunosuppression dans la mortalité liée à la GVHc, le
traitement de rattrapage doit avoir un profil de sécurité
acceptable et une efficacité prouvée dans la GVH au
sens large permettant une épargne cortisonique relativement rapide. Toutefois, il n’est pas recommandé
d’arrêter les corticoïdes au moment de l’initiation d’un
traitement de deuxième ligne ou au-delà.
Les ITK
Les ITK appartiennent à une classe thérapeutique
comprenant des petites molécules inhibitrices de la
tyrosine kinase oncogénique. Ils sont efficaces chez
les patients atteints de leucémie myéloïde chronique
(LMC) et les patients présentant des tumeurs stromales gastro-intestinales (GIST). (5-7)
Ils sont cliniquement bien tolérés. Leurs effets secondaires le plus fréquents sont : céphalées, œdème
des paupières, secrétions lacrymales augmentées,
nausées, diarrhée, vomissements, dyspepsie, douleur
abdominale, œdème périorbitaire, crampes et spasmes
musculaires, douleurs musculo-squelettiques incluant
les myalgies, arthralgies, douleurs osseuses, rétention
hydrique et œdème, fatigue, prise de poids, et sur le
plan biologique : cytopénies et élévation des enzymes
hépatiques.
Rationnel à l’utilisation des
ITK dans la GVHc
Il existe un rationnel à l’utilisation des ITK chez les
patients atteints d’une GVHc notamment réfractaire
ou corticorésistante :
• Les ITK exercent une double inhibition sélective
sur les voies impliquant le TGF- et le PDGF. (8,9)
Récemment, il a été décrit des effets de l’imatinib
mésilate (IM) sur les fibroblastes dans des études in
vitro et in vivo. L’inhibition de la croissance des fibroblastes et la diminution de la production de collagène
dans les fibroblastes dermiques constituent donc une
approche thérapeutique logique. En plus, les inhibiteurs
de la TK auraient des propriétés immunomodulatrices,
justifiant leur utilisation dans le traitement de la GVHc
non seulement sclérodermiforme
• Les ITK ne sont pas des immunosuppresseurs à
β
proprement parler. Bien que des cytopénies puissent
être observées après utilisation des ITK, les malades
ne requièrent pas de traitement anti-infectieux prophylactique particulier. Les ITK ont été utilisés en toute
sécurité après allo-CSH dans d’autres indications que
la GVHc, notamment en prophylaxie ou en rattrapage
de la rechute post-allogreffe dans les hémopathies
chromosome Philadelphie positives.
• Les options thérapeutiques pour la GVHc réfractaire
restent tout de même limitées.
Figure 1 : La patiente avant
l’initiation de l’IM (gauche) et
8 ans plus tard (droite)
IM dans le traitement de la GVHc
L’impact de l’IM sur le développement de la GVH a été
rapporté dans quelques études rétrospectives ayant
utilisé l’IM en post-greffe pour la LMC.
Certains auteurs ont observé une augmentation de
l’incidence de GVH aiguë de grade 3-4, alors que
d’autres ont observé une diminution de l’incidence
de la GVHc. Les premiers rapports supportant un
possible rôle des ITK dans le traitement de la GVHc,
proviennent d’observations anecdotiques. Nous avons
rapporté le premier cas de réponse complète d’une
GVHc sclérodermiforme après un traitement par IM.
Il s’agissait d’une patiente âgée de 49 ans, qui avait
fait l’objet en 1996 d’une allo-CSH pour une LMC.
En 2000, elle recevait une injection de lymphocytes
du donneur pour une rechute moléculaire de sa LMC.
Malgré le développement d’une GVHc, aucun traitement immunosuppresseur n’a été donné en raison
de la rechute de la LMC mais la patiente a été mise
sous IM. Actuellement, la patiente est toujours vivante
en rémission complète de sa LMC et de sa GVHc. (10)
(figure 1) Un cas similaire a été rapporté par Majhail
et al. en 2006. (11)
Nous avons publié notre expérience rétrospective sur
les 14 premiers patients atteints de GVHc sclérodermiforme et traités par IM. (12) Tous les patients ont reçu
l’IM à la dose maximale tolérée avec une dose médiane
de 400 mg/jour. Dans cette étude, nous avons observé
que l’IM est un traitement de rattrapage efficace chez
les patients présentant une GVHc sclérodermique
réfractaire avec une réponse (> 90 %) chez 50 %
des patients. En plus de l’atteinte cutanée sclérodermique, l’IM s’est avéré efficace contre d’autres
atteintes liées à la GVHc avec des degrés variables
Horizons Hémato // Juillet / Août / Septembre 2012 // Volume 03 // Numéro 01
159
Dossier spécial
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■■ Inhibiteurs de tyrosine kinase et GVH chronique
de réponse, ce qui justifie son utilisation chez les
patients présentant une GVHc extensive au sens large.
Cependant, environ 30 % des patients ont abandonné
rapidement le traitement en raison d’une intolérance,
principalement pour des crampes musculaires.
Une étude italienne menée chez 19 patients a montré
des résultats comparables à nos données avec là aussi
une efficacité observée sur plusieurs organes. (13)
Une seconde étude a été présentée lors du congrès de
l’European Group for Blood & Marrow Transplantation
(EBMT) à Genève en avril 2012. L’étude a été conduite
chez 34 patients présentant une GVHc réfractaire à au
moins deux lignes de traitement (dont 19 avec photochimiothérapie extracorporelle et/ou rituximab). Ils ont
reçu de l’IM à faible dose (100-200 mg/kg/jour). La
durée médiane de traitement s’est élevée à 16 mois et
17 patients étaient toujours sous traitement.
Les auteurs ont observé une réponse chez 45 % des
patients à six mois et 48 % à un an selon les critères
du NIH. Concernant les différents sites de l’organisme
touchés par cette réaction, la surface corporelle cutanée
impliquée a diminué de 43 %, le score fonctionnel
pulmonaire s’est amélioré de 47 % et le score gastrointestinal de 63 %. Parmi 15 patients recevant des
corticoïdes, 11 ont pu arrêter ou significativement diminuer ce traitement. Après un suivi médian de 31 mois,
27 patients sont toujours vivants. 4 sont décédés de la
progression de la GVHc et deux d’infection. 17 patients
étaient toujours en réponse prolongée sans autre traitement que l’IM. La survie globale et la survie sans
événement étaient respectivement de 79 % et 50 %.
Les résultats de ces deux études sont prometteurs dans
cette population « très difficile à traiter ». à noter que
la durée nécessaire pour obtenir une réponse était plus
courte dans l’étude française (2 mois) que dans l’étude
italienne (6 mois). Cette différence est probablement
liée à la dose utilisée dans chaque étude. Compte tenu
de l’effet-dose observé par Distler et al. (14) en ex-vivo,
nous avons débuté l’IM à une dose initiale de 100
mg/ jour avec augmentation de 100 mg/jour toutes les
deux semaines jusqu’à la dose maximale tolérée ou
400 mg/jour, contrairement aux études italiennes où
les patients ont souvent reçu l’IM à la dose de 100
mg/jour tout au long de l’étude.
Depuis ces deux études, des centaines de malades
sont traités par IM à travers le monde.
Conclusion et perspectives
L’IM est une alternative thérapeutique pertinente
dans le traitement de la GVHc réfractaire ou corticorésistante. Les données biologiques et les résultats cliniques obtenus avec l’IM, nous encouragent à
évaluer l’utilisation des ITK de deuxième génération
chez les patients avec une GVHc réfractaire ou intolérant à l’IM. En effet, le Nilotinib, inhibiteur de tyrosine
kinase de deuxième génération, généralement utilisé
chez les patients présentant une LMC réfractaire ou
une intolérance à l’IM, est cliniquement mieux toléré
que l’IM. Un protocole prospectif multicentrique de
la SFGM-TC est actuellement en préparation, dont
l’objectif est d’évaluer l’efficacité et la tolérance du
Nilotinib chez des patients présentant une GVHc
extensive résistante ou intolérante à l’IM.
■■Ce qu’il
faut retenir
• Les résultats encourageants observés après l’utilisation de l’Imatinib mesylate chez des patients atteints de GVHc réfractaire justifient l’utilisation
des inhibiteurs de la tyrosine kinase dès la deuxième ligne thérapeutique dans cette pathologie notamment en cas de sclérodermie associée.
• L’inclusion des patients dans des protocoles prospectifs cliniques doit être privilégiée.
■■Références
1. Filipovich AH, Weisdorf D, Pavletic S, et al. National Institutes of Health consensus development project on criteria for clinical trials in chronic graft-versus-host
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160
Horizons Hémato // Juillet / Août / Septembre 2012 // Volume 02 // Numéro 03
Dossier spécial
■■ Allogreffe et « greffe versus hôte » (GVH)
Rituximab et maladie du greffon
contre l’hôte chronique
La maladie du greffon contre l’hôte (« greffe versus hôte » – GVH)
chronique (GVHc) est une complication fréquente des allogreffes
de cellules souches hématopoïétiques (CSH).
à l’heure actuelle, à l’exception des corticostéroïdes, peu de traitements
se sont avérés réellement efficaces pour la prise en charge de la GVHc.
Des données récentes suggèrent un rôle important des lymphocytes B
(LB) dans la physiopathologie de la GVHc. Elles constituent le rationnel
scientifique à une série d’études évaluant l’efficacité du rituximab,
un anticorps monoclonal dirigé contre l’antigène CD20 exprimé à la
surface des LB, dans la prévention ou le traitement de la GVHc.
Rituximab : un anticorps
anti-lymphocyte B (LB)
Le rituximab est un anticorps monoclonal IgG1 kappa,
chimérique murin et humain, dirigé contre l’antigène
CD20 exprimé à la surface des LB, depuis le stade
pré-B jusqu’au stade B mature (1). Par son action ciblée
contre les LB, cette molécule a révolutionné le traitement
de nombreuses hémopathies lymphoïdes malignes de
type B. Elle a également démontré son efficacité dans
le traitement de certaines pathologies auto-immunitaires
telles que les cytopénies auto-immunitaires, la polyarthrite rhumatoïde, ou le lupus érythémateux disséminé,
ainsi que dans le traitement des rejets de greffes d’organes solides causés par des anticorps (1).
Les mécanismes d’action du rituximab sont multiples
(figure 1). Le principal d’entre eux est la déplétion cellulaire B. En effet, la liaison du rituximab à l’antigène CD20
à la surface des LB est capable d’induire la destruction de
ceux-ci selon différentes voies de mort cellulaire : cytotoxicité cellulaire dépendant des anticorps, cytotoxicité
dépendant du complément et induction directe de l’apoptose (1). Certaines études ont également démontré une
amélioration de la fonction des lymphocytes T régulateurs
(Treg) après un traitement par rituximab (2). D’autres ont
mis en évidence une diminution de l’expression des molécules de costimulation des lymphocytes T à la surface
des LB, après un traitement par rituximab (1).
Rôle émergent des lymphocytes B
dans l’immunobiologie de la GVHc
Initialement considérée comme toute manifestation de
la maladie du greffon survenant plus de 100 jours après
la greffe de CSH, la GVHc est actuellement définie sur
base de manifestations cliniques et biologiques spécifiques, souvent semblables aux manifestations observées lors de certaines pathologies auto-immunes telles
que la sclérodermie, le syndrome de Sjögren, le lupus
érythémateux disséminé, la cirrhose biliaire primitive ou
la bronchiolite oblitérante (3). Elle touche jusque 60 %
des survivants à long terme des allogreffes de CSH, et
est responsable d’une morbi/mortalité tardive importante.
De plus, elle peut considérablement affecter la qualité
de vie des patients lorsqu’elle est sévère. Par contre, la
GVHc est associée à l’effet bénéfique de la greffe contre
la tumeur (4).
La physiopathologie de la GVHc n’est que partiellement
élucidée (3). L’implication possible des LB a été proposée
la première fois dans les années 1970 sur la base des
similitudes cliniques entre la GVHc et certaines maladies
auto-immunes, et sur la démonstration de la présence de
dépôts d’anticorps IgM et de complément dans la jonction dermo-épidermique de patients atteints de GVHc
cutanée (5). Depuis lors, différents groupes ont rapporté
des nombreuses autres observations soutenant l’hypothèse d’un rôle important des LB dans la GVHc (3, 6, 7).
Parmi celles-ci, citons la corrélation entre le nombre
de LB greffés et l’incidence de GVHc, l’identification
de titres élevés d’auto-anticorps chez certains patients
atteints de GVHc, la forte corrélation entre la détection
d’allo-anticorps dirigés contre des antigènes encodés
sur le chromosome Y (H-Y) et l’incidence de GVHc
post-greffe lors d’allogreffes entre receveur masculin et
donneur féminin, et la démonstration d’une perturbation
de l’homéostasie des LB chez les patients souffrant de
GVHc.
Les cibles antigéniques des auto-/allo-anticorps présents
dans la GVHc sont multiples et différentes d’un patient
à l’autre (3). Spécifiquement, on peut retrouver des
allo-anticorps dirigés contre des antigènes majeurs ou
mineurs d’histocompatibilité différents entre le donneur
et le receveur, ou des auto-anticorps dirigés contre des
motifs antigéniques non polymorphiques (anticorps
anti-nucléaires, anticorps anti-cytosquelettes, anticorps
anti-neutrophiles, anticorps anti-récepteurs au PDGF),
communs au donneur et au receveur. Ces anticorps pourraient être directement impliqués dans les manifestations de GVHc en induisant des lésions tissulaires via
l’activation du complément et/ou l’activation d’effecteurs
cellulaires ou en favorisant les phénomènes fibrotiques
dans le cas d’auto-anticorps agonistes dirigés contre le
récepteur du PDGF, ou ne représenter que des biomarqueurs non pathogènes. Leur rôle physiopathologique
dans la GVHc reste actuellement encore controversé.
Il est probable que les LB contribuent à la physiopathologie de la GVHc d’avantage via des mécanismes
indépendants de la production d’anticorps tels que la
présentation d’auto-/allo-antigènes aux lymphocytes T du
donneur, et la production de certaines cytokines activatrices (3, 8) (tableau 1).
L’homéostasie des LB semble être perturbée lors de la
GVHc. à l’instar des patients souffrant de pathologies
auto-immunes, les patients atteints de GVHc ont une
■■Auteur
Frédéric Baron
Hématologue.
Expertise :
Chercheur au
FNRS Belgique,
spécialisé dans les
allogreffes de cellules
souches hématopoïétiques.
Secrétaire de la section
leucémie de l’EORTC.
Membre de l’ASH,
l’ASBMT, l’EBMT et l’EHA.
Groupe Interdisciplinaire
de Génoprotéomique
Appliquée (GIGA)-I³,
Section Hématologie,
Université de Liège.
Correspondance :
Université de Liège
Département
d’hématologie
CHU Sart-Tilman
4000 Liège, Belgique
[email protected]
Coécrit avec :
Sophie Servais
Médecin en cours
de spécialisation en
hématologie, et aspirant
de recherche « Télévie »
au FNRS Belgique.
CHU Sart-Tilman, Liège.
Groupe Interdisciplinaire
de Génoprotéomique
Appliquée (GIGA)-I³,
Section Hématologie,
Université de Liège.
Déclaration publique
d’intérêts :
Les auteurs n’ont pas
de conflit d’intérêt.
Mots clés
Maladie du greffon
contre l’hôte,
lymphocytes B,
rituximab .
Horizons Hémato // Juillet / Août / Septembre 2012 // Volume 02 // Numéro 03
161
Dossier spécial
Figure 1 : Effets
thérapeutiques du rituximab
Le traitement par rituximab
induit la déplétion cellulaire B
via différents mécanismes :
cytotoxicité cellulaire
dépendant des anticorps,
cytotoxicité dépendant du
complément et induction
directe de l’apoptose.
Il entraîne ainsi la destruction
des clones B auto- / alloréactifs
responsable de la production
d’auto-/ allo-anticorps et/ ou de
l’activation de lymphocytes T
réactifs.
Le traitement par rituximab
entraîne également une
diminution de l’expression des
molécules de costimulation
des lymphocytes T à la surface
des LB et l’expansion des
lymphocytes T régulateurs.
LB : lymphocyte B ;
LT : lymphocyte T ;
NK : cellule natural killer ;
M : macrophage ;
PN : polynucléaire neutrophile ;
Treg : lymphocyte T régulateur.
162
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■■ Rituximab et maladie du greffon contre l’hôte chronique
proportion plus faible de LB naïfs et une proportion
plus importante de LB mémoires activés (3). Des études
récentes ont montré que les taux sanguins de BAFF
(B cell activating factor of TNF family), une cytokine
essentielle pour la survie et l’homéostasie des LB, étaient
plus élevés chez les patients allogreffés atteints de GVHc
que chez les patients greffés indemnes de GVHc (3). La
persistance d’un taux élevé de BAFF associé à un nombre
faible de LB naïfs en post-greffe pourrait être un élément
initiateur de la perte de tolérance des LB et de l’apparition de LB auto-réactifs par inhibition de l’apoptose.
Par ailleurs, certaines sous-population de LB exercent,
en conditions physiologiques, une fonction immunomodulatrice et participent au maintient de la tolérance T
périphérique (3). Des études sont actuellement en cours
afin d’évaluer si ces sous-populations sont affectées lors
de la GVHc.
Rituximab comme traitement de la GVHc
Rituximab comme traitement de la
GVHc cortico-résistante
à l’heure actuelle, la corticothérapie systémique associée ou non à un inhibiteur de calcineurine (ciclosporine
ou tacrolimus) reste le traitement standard de première
ligne de la GVHc. Il n’existe malheureusement aucun
consensus thérapeutique concernant le traitement des
GVHc cortico-résistantes.
L’utilisation du rituximab comme traitement de la GVHc
cortico-résistante a débuté après le rapport d’un cas de
résolution d’une GVHc extensive après l’administration de
rituximab chez une patiente souffrant d’une thrombocytopénie immune après une allogreffe de cellules souches
hématopoïétiques (9). Après cette observation originale,
plusieurs études cliniques ont évalué l’efficacité du
rituximab dans cette indication.
Récemment, Kharfan-Dabaja et coll. ont synthétisé les
résultats de celles-ci dans une méta-analyse (3 études
prospectives, 4 rétrospectives, incluant les données de
108 patients) (10). Pour la plupart d’entre elles, le schéma
thérapeutique comprenait 4 semaines de traitement par
rituximab avec une dose hebdomadaire de 375 mg/m².
Le taux de réponse global de la GVHc au traitement par
rituximab était de 66 % (intervalle de confiance (IC) à
95 %, 57-74 %), avec essentiellement des réponses
Horizons Hémato // Juillet / Août / Septembre 2012 // Volume 03 // Numéro 01
partielles. Les taux de réponses étaient variables selon
l’organe cible atteint de GVHc, avec un meilleur taux de
réponse pour les manifestations cutanées [60 %, (IC
95 %, 41-78 %)], et un taux de réponse plus modeste
pour les autres organes : muqueuse buccale 36 % (IC
95 %, 12-65 %), foie 29 % (IC 95 %, 12-51 %), tube
digestif 31 % (IC 95 %, 7-62 %), et poumons 30 %, (IC
95 %, 11-53 %). Le traitement par rituximab permettait également la diminution des doses des corticoïdes
systémiques, avec une réduction médiane de 75-86 %
de celles-ci.
La tolérance du traitement était globalement bonne avec
une morbidité liée au traitement modérée: quelques
cas rapportés de réaction lors de la première perfusion
(5-11 %) et de complications infectieuses (3-33 % de
sepsis, 8-33 % de pneumonies, 33 % de réactivations
herpétiques). De façon intéressante, Von Bonin et coll.
ont également rapporté, dans une série de 13 patients, un
taux de réponse globale de 69 % en utilisant des doses
hebdomadaires plus faibles de rituximab (50 mg/ m²) (11).
D’autres groupes d’études ont également récemment
tenté d’identifier les facteurs prédictifs de réponse au
traitement par rituximab au sein de la population des
patients souffrant de GVHc cortico-résistante. Ainsi, Van
Dorp et coll. ont démontré un taux de réponse 10 fois
supérieur chez les patients ayant un taux de LB circulant > 400/µL avant traitement par rituximab par rapport
aux autres patients (LB qui avaient un phénotype naïf par
ailleurs), et une récupération d’une homéostasie des LB
un an après traitement chez les patients ayant répondu
au rituximab (12).
Bien qu’une interprétation fiable des résultats de ces
études préliminaires soit difficile compte tenu de populations de patients hétérogènes et de l’absence de critères
d’évaluation de la réponse au traitement identiques
d’une étude à l’autre, ces premières études suggèrent
une certaine efficacité du rituximab comme traitement
de la GVHc cortico-résistante, en particulier des formes
cutanées. Des études prospectives de phase II et III,
larges et multicentriques sont nécessaires pour confirmer
ces résultats préliminaires.
Rituximab comme traitement
de première ligne de la GVHc
Conceptuellement, une intervention précoce avec un
agent responsable d’une déplétion cellulaire B tel que
le rituximab, en combinaison avec la corticothérapie
systémique, semble une approche logique qui pourrait améliorer le traitement de la GVHc. Une étude de
phase II, menée par le groupe de l’Université de Stanford,
est actuellement en cours et évalue l’administration
hebdomadaire de 375 mg/m² de rituximab pendant deux
cycles de 4 semaines en association à la corticothérapie
systémique (prednisone 1 mg/kg/j PO) comme traitement
de première ligne des GVHc (ClinicalTrials.gov – NCT
00350545). Une autre étude est également en cours
à l’Université de Nantes, évaluant l’association corticoïdes systémiques – ciclosporine – rituximab comme
traitement de première ligne de la GVHc (ClinicalTrials.
gov – NCT01135641).
Rituximab comme prophylaxie de la GVHc
Au travers d’une analyse de registre reprenant les
données des patients atteints de lymphomes non
Hodgkiniens B greffés entre 1999 et 2004 (N=435),
le CIBMTR (« Center for International Blood and Marrow
Transplant Research ») a comparé récemment l’incidence
■■ Rituximab et maladie du greffon contre l’hôte chronique
Implications possibles
des LB lors de la GVHc
Mécanismes lésionnels effecteurs
possibles lors de la GVHc
Production d’anticorps auto-/alloréactifs
Cytotoxicité médiée par le complément
Cytotoxicité cellulaire dépendant des anticorps
Cross-présentation de complexes immuns
Production d’anticorps agonistes
du récepteur au PDGF
Production tissulaire accrue de collagène
Présentation d’antigènes
Présentation d’auto-/d’allo-antigènes
Activation de lymphocytes T auto-/alloréactifs
Production de
cyto-/ chemokines
Production de cyto-/chemokines pro-inflammatoires
(IL2,TNFα, IL6, IL12,MIF,IFNγ)
Recrutement et activation de
différents types cellulaires :
lymphocytes T, macrophages et cellules natural killer
Régulation immunitaire
Diminution des LB immunorégulateurs
Diminution de cytokines
immunomodulatrices (IL10,TGFβ)
Perte de la tolérance T périphérique
Activation des cellules dendritiques
Diminution du nombre et de la fonctionnalité des Treg
Homéostasie B
Perturbation de l’homéostasie B :
• Augmentation du ratio BAFF/LB
• Diminution du nombre des LN naïfs
• Augmentation du nombre de LB mémoires activés
Survie et inhibition de l’apoptose
des LB auto-/alloréactifs
Rôles physiologique des LB
Production d’anticorps
de GVH entre les patients ayant reçu du rituximab lors
du conditionnement ou au cours des 6 mois précédant
la greffe et ceux n’ayant pas reçu de rituximab à ces
périodes (13). L’incidence cumulative de GVH aiguë grave
(de grade III-IV) était significativement plus faible pour la
cohorte ayant reçu du rituximab en pré-greffe que pour la
cohorte n’en ayant pas reçu (12 % versus 23 % respectivement, p= 0,002). Par contre, aucune différence n’avait
été observée concernant l’incidence cumulative à 3 ans
de GVHc entre les deux groupes (56 % pour les patients
ayant reçu du rituximab et 53 % pour les patients n’en
ayant pas reçu).
Le groupe de l’Université de Stanford a mené récemment
une étude prospective de phase II évaluant le bénéfice
de l’administration prophylactique de rituximab délivré
aux J+56, +63, +70 et +77 après une allogreffe avec
conditionnement réduit (minigreffe) chez des patients
traités pour une leucémie lymphoïde chronique (n=22)
ou un lymphome du manteau (n=13) (14). Les résultats de
celle-ci viennent d’être publiés. L’incidence de GVH aiguë
de stade II-IV était de 6 % et l’incidence cumulative de
GVHc à 4 ans était de 20 % (95 % CI : 6-34 %), proche
de ce qui est observé avec ce type de minigreffe sans
administration de rituximab.
Tableau 1 : Mécanismes
possibles d’implication
des LB dans la
physiopathologie
de la GVHc
■■Ce qu’il
faut retenir
• Il n’existe pas de consensus thérapeutique concernant le traitement des GVHc cortico-résistantes.
• Les premières études ont rapporté des résultats encourageants concernant l’usage du rituximab pour les GVHc cortico-résistantes, en particulier
pour les formes cutanées. Des études prospectives de phase III sont cependant nécessaires pour confirmer son efficacité dans cette indication.
• Le rituximab dans les schémas de traitements prophylactiques et curatifs de première ligne de la GVHc est actuellement à l’étude.
■■Références
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Horizons Hémato // Juillet / Août / Septembre 2012 // Volume 03 // Numéro 01
163
Dossier spécial
■■Auteur
Bilal Mohty
Chef de clinique,
service d’hématologie,
hôpital Universitaire
de Genève.
Déclaration publique
d’intérêts :
Aucun.
Correspondance :
Service d’Hématologie
Hôpital Universitaire
de Genève
rue Gabrielle-PerretGentil 4
CH-1211 Genève 14,
Suisse.
[email protected]
Mots clés
Photophérèse
extra- corporelle,
réaction du greffon
contre l’hôte,
allogreffe de
cellules souches
hématopoïétiques ,
circulation
extra- corporelle,
164
immunomodulation.
■■ Allogreffe et « greffe versus hôte » (GVH)
La photophérèse extra-corporelle dans le
traitement de la réaction du greffon contre l’hôte
La photophérèse extracorporelle (PEC) ou photochimiothérapie extracorporelle est
une thérapie immunomodulatrice qui consiste à ré-infuser au patient ses propres
cellules mononuclées (MNC) après traitement ex-vivo par un agent intercalant
de l’ADN, le 8-methoxypsoralène (8-MOP), et photo-activation par des UV-A.
Même si le premier cas d’utilisation de la PEC a été rapporté en 1987 dans
le Traitement des lymphomes T cutanés érythrodermiques (1), il a fallu attendre
1994 pour voir publier le premier cas dans le Traitement de la GVH chronique (2).
Bien que l’indication première de la PEC reste aujourd’hui le traitement des
lymphomes T cutanés, cette technique est de plus en plus utilisée dans les
pathologies dysimmunitaires, notamment pour le traitement du rejet aigu des
greffes d’organe solide et la réaction du greffon contre l’hôte (GVH). L’objectif de
cette mini-synthèse est de faire le point sur la place actuelle et les perspectives
de développement de la PEC dans le traitement de la GVH chronique et aiguë.
Concepts généraux
Technique de la PEC
La procédure de PEC comprend une étape initiale de cytaphérèse consistant à collecter des globules blancs chez
le patient (leucaphérèse) qui sont ensuite traités ex-vivo
par le 8-MOP suivie d’une étape de photo-activation par
une source d’UV-A. Après irradiation, les leucocytes sont
réinjectés au patient. Actuellement, 2 approches sont
possibles : la première technique, développée par la compagnie Therakos, utilise un seul appareil (Cellex® étant l’appareil de 3e génération) qui assure de manière automatisée en
circuit fermé l’ensemble des étapes ci-dessus mentionnées.
La 2e technique requiert quant à elle plusieurs manipulations en circuit ouvert : une cytaphérèse classique permet
dans un premier temps la collection des MNC qui sont
ensuite traités par le 8-MOP et exposés aux UV-A dans un
appareil indépendant. Cette dernière approche présente
l’avantage de pouvoir collecter plus de MNC, de pouvoir
moduler l’intensité de l’irradiation et un coût relativement
modéré comparée au système de Therakos. Cependant,
elle présente l’inconvénient de la durée de la procédure
et de la nécessité de multiples manipulations en circuit
ouvert, majorant le risque infectieux. De ce fait, le système
développé par Therakos est actuellement la seule technique
approuvée par les autorités sanitaires.
Mécanismes d’action de la PEC
Le traitement des leucocytes par le 8-MOP suivi de leur
photo-activation déclenche l’entrée en apoptose. Il apparaît
de plus en plus évident que l’injection de cellules apoptotiques induit un état de tolérance immunitaire dans
des situations cliniques telles que celles de la GVH. Les
cellules apoptotiques injectées sont alors phagocytées par
les cellules présentatrices d’antigènes du patient entraînant
plusieurs changements fonctionnels :
• Diminution de la production de cytokines pro-inflammatoires (par ex. l’IL-2, l’IL-12 et le TNF-α).
• Augmentation de la production de cytokines anti-inflammatoires (particulièrement l’IL-10 et le TGF-β).
• Baisse de la capacité d’activation des réponses des
cellules T.
• Suppression des cellules effectrices T CD8.
• Stimulation des cellules T régulatrices (3).
Horizons Hémato // Juillet / Août / Septembre 2012 // Volume 03 // Numéro 01
Toxicité et effets secondaires
En comparaison avec les autres agents immunosuppresseurs
utilisés actuellement pour le traitement de la GVH (MMF,
thalidomide, sérum anti-lymphocytaire, rapamycine,
rituximab…), l’ensemble de la littérature traitant de la PEC
s’accorde à considérer cette thérapeutique comme dénuée
d’effets secondaires significatifs, y compris l’absence
d’infection sur cathéter. Si on combine l’expérience de la PEC
dans les lymphomes T cutanés et dans la GVH depuis 1987,
l’incidence des évènements indésirables reste inférieure
à 0,005 %. Les effets indésirables les plus courants
sont ceux inhérents à toute procédure de cytaphérèse
(problèmes d’accès veineux, paresthésies transitoires liées
à l’hypocalcémie, épisodes d’hypotension…). Rarement,
quand les procédures de PEC sont rapprochées, il peut
apparaître une anémie ou une thrombopénie modérée
nécessitant le recours à une transfusion sanguine.
Place actuelle de la PEC
dans le traitement de la GVH
Dans la GVH chronique
La littérature actuelle sur la PEC est principalement documentée pour le traitement de la GVH chronique chez des
patients réfractaires ou dépendants des stéroïdes, et chez
qui aucune autre thérapeutique standard n’est disponible.
La majorité des études étant rétrospectives avec un nombre
limité de patients, et en l’absence de paramètres d’évaluation objective de la réponse thérapeutique, la comparaison
entre ces différentes études reste difficile. Le tableau 1
résume les principales données de la littérature sur l’expérience de la PEC dans le traitement de la GVH chronique.
L’analyse de la littérature suggère que l’atteinte cutanée
qu’elle soit lichénoïde ou sclérodermiforme, ainsi que
l’atteinte muqueuse sont les localisations qui répondent le
mieux avec des réponses généralement autour de 70 % (29
à 100 % selon les séries, y compris des réponses complètes
pour un nombre substantiel de malades) (4-9). L’atteinte hépatique semble également être une cible sensible à cette
thérapeutique avec des taux de réponse autour de 60 %.
L’expérience dans d’autres manifestations de GVH chronique, telles que l’atteinte pulmonaire, ostéo-musculaire ou
occulaire est plus restreinte même si certains investigateurs
ont suggéré un bénéfice potentiel (4-8).
■■ La photophérèse extra-corporelle
Auteur
Pts
Greinix et al.
(Blood 1998)
15
Taux de Survie
réponse globale
globale
N(%)
(%)
93
Poumon Intestin
épargne des
stéroïdes
Peau
Muqueuse
Foie
14/15
(93 %)
CR : 80 %
11/11
(100%)
7/10
(70%)
-
-
Oui
-
CR : 40 %
PR : 20 %
CR :
30 %
(PR :
14 %)
CR : 33 %
(PR :
14 %)
-
Remarques
Messina et al.
(BJH 2003)
44
88
34/44
(77 %)
Amélioration :
55 %
Stabilité :
29 %
Apisarnthanarax et
al. (BMT 2003)
32
56
19/32
(59 %)
CR : 22 %
(PR : 34 %)
-
-
CR :
20 %
(PR :
14 %)
-
Oui
Arrêt des stéroïdes chez 64 % des pts
Foss et al.
(BMT 2005)
25
64 %
15/25
(60 %)
80 %
24 %
-
-
-
Oui
Arrêt des stéroïdes et d’au moins 1 IS chez
52 % et 44 % des pts respectivement
32
69 %
-
82 %
92 %
77 %
40 %
-
-
Réponse yeux : 94 %
63
59 %
(CR : 21%)
-
56 %
71 %
67 %
54 %
-
-
Réponse yeux : 67 %
Couriel et al.
(Blood 2006)
71
61%
(CR 20 %)
13/71
(18 %)
59 %
77 %
71 %
54 %
-
Oui
Réponse yeux : 67 %
Arrêt des stéroïdes et des IS
chez 22 % et 10 % des pts
respectivment à 1 an de la PEC
Flowers et al.
(Blood 2008)
95
-
-
CR+PR :
40 %
53 %
-
-
-
Oui
étude comparant la réponse aux IS +
PEC vs IS seul
Réponse yeux : 30 %
Amélioration significative de la
GVH cutanée et de la qualité
de vie dans le bras PEC
Rubegni et al.
(BJH 2005)
Couriel et al.
(BBMT 2006)
Bien qu’il n’existe pas de définition uniforme de la GVH
chronique réfractaire, il est généralement admis qu’une
GVH chronique réfractaire ou résistante aux stéroïdes est
caractérisée par :
• une progression sous prednisone à 1 mg/kg/j pendant
2 semaines,
• une maladie stable sous prednisone ≥ 0,5 mg/ kg/j
pendant 4-8 semaines
ou
• une impossibilité à sevrer la prednisone sous 0,5 mg/
kg/j (10). Dans ce contexte, la littérature actuelle montre
largement que la PEC permet une épargne des stéroïdes
et des immunosuppresseurs, limitant ainsi de manière
notable les complications liées à l’utilisation de corticoïdes
et d’immunosuppresseurs au long cours (infections, diabète,
ostéoporose, myopathies, cataractes…), principaux facteurs
de morbi-mortalité chez ces patients. Dans une étude ayant
inclus 25 patients, Foss et coll. montrent que la mortalité
à 72 mois était favorablement influencée avec un taux
de 35 % chez les répondeurs versus 55 % chez les nonrépondeurs à la PEC. La survie globale quant à elle était
de 55 mois chez les répondeurs contre 39 mois chez les
non-répondeurs (p=0,3) (6). La capacité de la PEC à réduire
les stéroïdes et les immunosuppresseurs rend compte également pour plusieurs autres investigateurs de l’amélioration
de la mortalité non liée à la rechute, de la survie globale
ainsi que de la qualité de vie chez les patients répondeurs
par rapport aux non-répondeurs (5, 7-9, 11).
Dans la GVH aiguë
Peu d’études ont analysé l’efficacité de la PEC dans la
GVH aiguë réfractaire aux corticoïdes. La plus large série
publiée par Greinix et coll. rapporte 59 patients réfractaires
ou dépendants aux corticoïdes inclus dans un programme
de PEC intensif. Le taux de réponse pour l’atteinte cutanée
était particulièrement favorable autour de 80 %, avec
parfois des réponses complètes. Les atteintes hépatique
et digestive semblaient moins bien répondre à la PEC
avec au mieux des réponses partielles d’environ 60 %.
Globalement, les auteurs ont montré une amélioration
significative de la mortalité non liée à la rechute et de
la survie globale chez les patients répondeurs à la PEC
(59 % de survie à 4 ans chez les patients présentant une
réponse complète contre 11 % chez les non-répondeurs,
p<0.0001) (12). Cette étude a également montré que la
PEC permettait un sevrage plus rapide des corticoïdes et
qu’une interruption brutale du programme de PEC n’était
pas grevée d’un rebond de la GVH.
Considérations pratiques
Il n’existe à ce jour aucun consensus quant aux indications
et critères de sélection des patients, aux modalités de traitement ou aux critères d’évaluation de la réponse au décours
du traitement par PEC.
Indications et critères de sélection
Actuellement, les données de la littérature ne permettent
pas de recommander la PEC dans le traitement de 1re ligne
des GVH aiguës ou chroniques. Cette thérapeutique doit
par contre être proposée en 2e ou 3e ligne chez des patients
atteints de GVH chronique extensive réfractaire à un traitement de corticoïdes bien conduit, ou bien encore à des
patients sensibles à la corticothérapie mais présentant des
effets secondaires importants. Actuellement, il n’y a pas de
critère objectif fiable permettant d’identifier les meilleurs
candidats à la PEC. Chez un malade présentant une GVH
(aiguë ou chronique) et candidat à un traitement par PEC,
le type d’organe atteint demeure le principal paramètre
objectif permettant de prédire la réponse. De ce fait, en
se basant sur les réponses rapportées dans la littérature
au niveau des sites cutanés, muqueux et hépatiques, ces
trois atteintes doivent être privilégiées. L’utilisation de la
PEC dans les autres atteintes de la GVH chronique comme
l’atteinte pulmonaire, ostéo-musculaire, oculaire ou hématopoïétique n’est pas recommandée en routine et doit être
évaluée au cas par cas. Par ailleurs, il a été montré que
les meilleures réponses à la PEC sont observées chez les
patients ayant le moins de dommages tissulaires, laissant
penser qu’il ne faut pas hésiter à proposer cette thérapeutique de manière précoce dans l’histoire de la GVH en
échec aux corticoïdes (9). Le nombre de traitements immunosuppresseurs préalablement administrés pourrait être
prédictif de la réponse, les patients ayant reçu le moins de
lignes d’immunosuppresseurs semblant être les meilleurs
répondeurs. Toutefois, malgré l’importance de l’utilisation
précoce de la PEC, cette thérapeutique peut également être
efficace chez des patients résistants à de multiples lignes
de traitement et devrait donc leur être proposée.
Fréquence et durée optimales de traitement
Devant la multitude de schémas thérapeutiques employés
dans la littérature, il est difficile actuellement d’évaluer
l’impact précis de la dose-intensité (nombre de cycles par
mois) et la durée optimal du traitement (nombre de cycles
au total). à ce jour, aucun schéma thérapeutique ne s’est
révélé plus efficace qu’un autre. Pour la GVH aiguë, un
Tableau 1 : Résultats de la
PEC dans le traitement de la
GVH chronique de l’adulte
Abréviations :
CR : réponse complete ;
PR : réponse partielle ;
IS : immuno-suppresseurs ;
pts : patients ;
sem : semaines ;
ttt : traitement
■■Ce qu’il
faut retenir
• La photophérèse
extra-corporelle
est une thérapie
immunomodulatrice
qui se compose de 3
étapes :
– leucaphérèse,
– traitement par un
agent photosensibilisant
(8-MOP) et photoactivation par les UV-A,
– réinfusion des
leucocytes au patient.
• Bien que les
mécanismes d’action de
la PEC ne soient pas bien
élucidés, les données
actuelles suggèrent
que la PEC induit un
profil immunitaire
tolérogénique chez
l’hôte, notamment
par l’induction de
lymphocytes T
régulateurs.
• La PEC a montré des
résultats particulièrement
intéressants dans le
traitement de la GVH
chronique corticoréfractaire pour les
localisations cutanées,
muqueuses et dans
une moindre mesure
hépatiques. Les autres
atteintes de la GVH
chronique (oculaire,
pulmonaire…) semblent
peu ou pas répondre.
Dans la GVH aiguë
cortico-réfractaire, bien
que très peu d’études
aient évalué cette
technique, les résultats
préliminaires semblent
assez prometteurs.
• Actuellement,
il n’existe pas de
consensus sur les
indications et critères
de sélection des
patients, les modalités
de traitement et les
critères d’évaluation de
la réponse à la PEC.
Horizons Hémato // Juillet / Août / Septembre 2012 // Volume 03 // Numéro 01
165
Dossier spécial
■■ La photophérèse extra-corporelle
grand nombre d’investigateurs proposent 2 à 5 séances par
semaine pour les 2 à 4 premières semaines avec en principe
une réponse rapide attendue durant cette période, si le
patient doit être considéré comme répondeur à la PEC. Dans
la GVH chronique, la majorité des investigateurs proposent
2 séances sur 2 jours consécutifs toutes les 2 semaines
pendant 3 mois, avec une diminution progressive de cette
fréquence à 2 séances par mois chez les patients répondeurs. Il n’y a pas réellement d’argument qui laisse penser
que l’augmentation de la dose-intensité des séances de
PEC pourrait augmenter l’efficacité thérapeutique. En ce
qui concerne la durée totale du traitement, il n’existe pas de
consensus non plus, et il est recommandé de poursuivre le
traitement pendant plusieurs mois ou années jusqu’à obtention de la réponse maximale. On ne connaît pas encore les
conséquences d’une baisse rapide du rythme des PEC,
notamment en terme de risque de rebond, bien que les
données préliminaires soient rassurantes (12).
Retrouvez cet article
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■■Références
166
Critères d’évaluation de la réponse
Il n’existe actuellement aucun paramètre histologique ou
biologique objectif permettant de mesurer la réponse à la
PEC. Le principal critère permettant de juger de l’opportunité ou non de poursuivre la PEC reste la réponse clinique
au traitement. Dans la GVH aiguë, une réponse précoce
est en général observée au cours des deux premiers cycles
hebdomadaires de traitement, avec une réponse maximale obtenue habituellement au bout de 6 à 8 cycles.
Ceci suggère que si une amélioration n’est pas observée
précocement, il est fort probable que la PEC sera inefficace.
Dans la GVH chronique, même si des réponses tardives ont
pu être rapportées, la littérature s’accorde à considérer que
les réponses sont souvent observées dans les 3 à 4 premiers
mois du traitement, et si le malade n’est pas répondeur
à la PEC dans ce délai, il faut envisager des traitements
alternatifs. De ce fait, il est recommandé qu’un patient
reçoive un traitement initial de 3 mois avant une évaluation
clinique. Si on prend l’exemple de l’atteinte cutanée, une
amélioration touchant 25 à 50 % de la surface cutanée est
considérée par la majorité des auteurs comme suffisante
pour justifier la poursuite du traitement. Une décroissance
progressive des séances est en générale proposée par la
majorité des investigateurs chez les patients répondeurs.
Les patients présentant une amélioration des signes de
leur GVH cutanée, hépatique ou muqueuse ou encore
bénéficiant d’une réduction de leur traitement immunosuppresseur systémique sans effet rebond des signes de
la GVH peuvent continuer le programme à un rythme plus
espacé (un cycle toutes les 3 ou 4 semaines). Dans le cas
de plusieurs traitements immunosuppresseurs concomitants, la diminution de la corticothérapie doit toujours être
proposée en premier au vu de ses effets secondaires au
long cours. Les autres traitements pourront être diminués
quand la dose quotidienne des corticoïdes devient inférieure
à 10 mg par jour. Il est évident qu’une progression des
signes de la GVH par rapport aux signes initiaux doit être
considérée comme un échec thérapeutique et pousser à
proposer rapidement des thérapeutiques alternatives. En
cas de rebond des signes cliniques après diminution ou arrêt
de la PEC, un redémarrage du traitement peut être envisagé.
En outre, une réponse dissociée peut survenir, comme par
exemple une amélioration cutanée mais une dégradation
hépatique. Dans ce genre de situation, l’opportunité ou non
de poursuivre un traitement par PEC doit être appréciée au
cas par cas.
Conclusion
La PEC est une thérapie immunomodulatrice qui présente
un excellent profil de sécurité et dont l’efficacité pour la
prise en charge de la GVH chronique a été démontré dans de
nombreuses études (13). Il est largement admis aujourd’hui
que dans les GVH chroniques cortico-réfractaires ou –
dépendantes, la PEC permet une épargne des stéroïdes et
des immunosuppresseurs, contribuant ainsi à diminuer la
mortalité non liée à la rechute et à améliorer la qualité de
vie et la survie globale. De ce fait son utilisation ne cesse
de se développer, et elle est incluse maintenant dans les
recommandations de la conférence de consensus sur le traitement de 2e ligne de la GVH chronique (10). La généralisation
de l’utilisation des critères du NIH pour la classification
et l’évaluation de la réponse de la GVH chronique devrait
permettre progressivement une meilleure standardisation et
une optimisation de l’utilisation de la PEC, notamment dans
de nouvelles perspectives comme le traitement préventif ou
de première ligne de la GVH.
1. Edelson R, Berger C, Gasparro F, Jegasothy B, Heald P, Wintroub B et al. Treatment of cutaneous T-cell lymphoma by extracorporeal photochemotherapy.
Preliminary results. N Engl J Med. 1987; 316(6): 297-303.
2. Owsianowski M, Gollnick H, Siegert W, Schwerdtfeger R, Orfanos CE. Successful treatment of chronic graft-versus-host disease with extracorporeal photopheresis. Bone Marrow Transplant 1994; 14(5): 845-8.
3. Peritt D. Potential mechanisms of photopheresis in hematopoietic stem cell transplantation. Biol Blood Marrow Transplant. 2006; 12(1 Suppl 2): 7-12.
4. Apisarnthanarax N, Donato M, Korbling M, Couriel D, Gajewski J, Giralt S et al. Extracorporeal photopheresis therapy in the management of steroid-refractory
or steroid-dependent cutaneous chronic graft-versus-host disease after allogeneic stem cell transplantation: feasibility and results. Bone Marrow Transplant.
2003; 31(6): 459-65.
5. Couriel DR, Hosing C, Saliba R, Shpall EJ, Anderlini P, Rhodes B et al. Extracorporeal photochemotherapy for the treatment of steroid-resistant chronic GVHD.
Blood. 2006; 107(8): 3074-80.
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7. Greinix HT, Socie G, Bacigalupo A, Holler E, Edinger MG, Apperley JF et al. Assessing the potential role of photopheresis in hematopoietic stem cell transplant.
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8. Greinix HT, Volc-Platzer B, Rabitsch W, Gmeinhart B, Guevara-Pineda C, Kalhs P et al. Successful use of extracorporeal photochemotherapy in the treatment
of severe acute and chronic graft-versus-host disease. Blood. 1998; 92(9): 3098-104.
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disease after haematopoietic stem cell transplantation. Br J Haematol. 2003; 122(1): 118-27.
10. Wolff D, Schleuning M, von Harsdorf S, Bacher U, Gerbitz A, Stadler M et al. Consensus Conference on Clinical Practice in Chronic GVHD: Second-Line
Treatment of Chronic Graft-versus-Host Disease. Biol Blood Marrow Transplant. 2011; 17(1): 1-17.
11. Flowers ME, Apperley JF, van Besien K, Elmaagacli A, Grigg A, Reddy V et al. A multicenter prospective phase 2 randomized study of extracorporeal photopheresis for treatment of chronic graft-versus-host disease. Blood. 2008; 112(7): 2667-74.
12. Greinix HT, Knobler RM, Worel N, Schneider B, Schneeberger A, Hoecker P et al. The effect of intensified extracorporeal photochemotherapy on long-term
survival in patients with severe acute graft-versus-host disease. Haematologica. 2006; 91(3): 405-8.
13. Scarisbrick JJ, Taylor P, Holtick U, Makar Y, Douglas K, Berlin G et al. U.K. consensus statement on the use of extracorporeal photopheresis for treatment
of cutaneous T-cell lymphoma and chronic graft-versus-host disease. Br J Dermatol. 2008; 158(4): 659-78.
Horizons Hémato // Juillet / Août / Septembre 2012 // Volume 02 // Numéro 03
Zoom congrès
■■ EHA 2012
Les temps forts
de l'European Hematology Association (EHA)
Amsterdam, 14-17 juin 2012
Avec la participation de
L
’association des internes en Hématologie (AIH) a été fondée en 1998. En 2006, sous
l’initiative du Dr. Peffault de la Tour (alors président de l’AIH) a été créé un groupe
d’internes partant au congrès de l’European Hematology Association (EHA) grâce au soutien du
laboratoire Amgen. La formation de ce groupe a pour but d’aider les internes en Hématologie
dans leur apprentissage. La participation des internes à des congrès internationaux tels
que le congrès de l’EHA fait partie intégrante du cursus d’hématologie clinique. Depuis
six années consécutives, le laboratoire Amgen soutient ce projet et permet à des internes
ayant soumis un résumé au congrès de l’EHA de pouvoir assister au congrès et de pouvoir
y présenter leurs travaux. Pour la deuxième année consécutive, l’AIH s’associe à la revue
Horizons Hémato pour que les internes participant à ce groupe puissent rédiger un résumé
des points forts de l’EHA en collaboration avec des référents dans chaque thématique
hématologique. Cette initiative permet ainsi à des internes venant de toute la France d’assister
à des communications d’excellente qualité scientifique, de rencontrer des référents nationaux
et internationaux dans toutes les thématiques de l’hématologie et de mieux se connaître
entre internes. La rédaction d’un résumé post congrès permet aux internes de commencer
à rédiger des documents scientifiques ce qui en fait une excellente expérience et formation
pour le futur. Compte tenu du caractère extrêmement formateur de la participation à ce
groupe d’internes, l’AIH souhaite voir perdurer ces soutiens encore plusieurs années.
Thomas CLUZEAU
Président de l'AIH,
Service d'hématologie clinique,
Hôpital Archet,
CHU Nice
INSERM U1065,
équipe 2,
Centre Méditerranéen de
Médecine Moléculaire.
Bulletin d’abonnement
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❒ Particulier : 70 € TTC
❒ Étudiant : 30 € TTC*
❒ Étudiant : 50 € TTC*
Prénom : …………………………………………………………….
Pratique : ❒ Hospitalière
❒ Libérale
❒ Autre……………
*joindre la copie de la carte d’étudiant
Règlement
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Déductible de vos frais professionnels (vous recevrez une
facture à l’adresse indiquée, cette facture pourra vous servir de
justificatif pour votre accréditation de FMC*). Conformément à la
loi informatique et liberté du 6 janvier 1978, vous disposez d’un
droit d’accès et de rectification de vos données en adressant un
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de votre règlement à :
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64 rue Anatole France – 92300 Levallois-Perret France
167
Horizons Hémato // Juillet / Août / Septembre 2012 // Volume 02 // Numéro 03
Zoom congrès
■■Auteur
■■ EHA 2012
Leucémie Lymphoïde chronique (LLC) :
quand un monde de cibles se déploie
En ce congrès EHA 2012, les sessions orales ont été
marquées par les résultats spectaculaires des molécules
ciblant les mécanismes du développement et de la persistance de la maladie.
Figure 1 : Survie sans
progression (PFS) sous
ibrutinib selon le statut
del 17p chez les patients
réfractaires ou en rechute
L’ibrutinib, l’inhibiteur sélectif de BTK (Bruton’s Tyrosine
Kinase), avait déjà attiré l’attention à l’ASH 2011 et
l’ASCO 2012. Les résultats très prometteurs obtenus dans
2 études de phase IB/II on été ici actualisés (1,2). En monothérapie, à 420 mg/j per os, dans les LLC réfractaires/ en
rechute, la survie sans progression (PFS) est de 87,7 %
à 17,7 mois de suivi médian et n’est pas impactée par
le statut mutationnel ou la del 17p (figure 1). Toujours
en monothérapie, mais en première ligne chez le sujet
âgé (> 65 ans), la PFS est de 96 % à 14,4 mois de suivi
médian, surtout avec une très bonne tolérance.
Survie sans progression (%)
Tereza Coman
DES Hématologie
CNRS UMR 8147,
Hôpital universitaire
Necker Enfants Malades
AP-HP Paris.
[email protected]
BCR (B cell receptor)
et voies de signalisation
Del 17p-Non (n=36)
1,0
0,8
Del 17p-Oui (n=20)
0,6
0,4
0,2
0,0
0 2 4 6 8 10121416 18 20
Mois
Le taux de réponse globale peut atteindre 93 % en associant l’ibrutinib à la bendamutine et au rituximab (BR) y
compris chez les patients précédemment réfractaires à
la fludarabine ou à la bendamustine et sans être impacté
par les facteurs pronostiques dont la del 17p. Bien qu’un
suivi plus long soit nécessaire pour confirmer ces résultats, l’efficacité constatée chez ces patients à haut risque
et l’absence de toxicité majeure sont autant d’éléments
encourageants orientant la molécule vers une phase III.
Cycle cellulaire et apoptose
L’ABT-199 est un inhibiteur plus sélectif de Bcl-2 qui
remplacera désormais le développement du précédent
ABT-263 (navitoclax) inhibant également Bcl-xL et
Bcl-w et connu pour sa toxicité plaquettaire limitante.
A. Roberts a présenté les résultats préliminaires (phase I)
de ce nouveau composé oral administré chez des
malades en rechute ou réfractaires (3). La tolérance est
significativement améliorée (1 thrombopénie) et l’efficacité préservée avec plus de 65 % de réponses partielles,
indépendamment du statut del 17p et notamment avec
une diminution rapide de la lymphocytose sanguine et
une réponse ganglionnaire dès la 6e semaine.
Une étude de phase I testant l’association ABT-199 et
BR est prévue.
Le dinaciclib (SCH 727965) est un inhibiteur des
cyclin-dependent kinases – cdk (cdk1/2, cdk5 et cdk9),
administré en phase I chez 52 patients en rechute
ou réfractaires (4). Le taux de réponses partielles peut
atteindre jusqu’à 70 % y compris en cas de del 17p.
L’induction de syndromes de lyse tumorale reste néanmoins un facteur d’administration limitant de cette
molécule.
■■ Le point de vue de l’expert
Retrouvez cet article
sur notre application Horizons Hémato
■■Références
Dans le domaine de la leucémie lymphoïde chronique (LLC), l’EHA 2012 a mis en
exergue les résultats préliminaires de nouveaux traitements, principalement l’ibrutinib
(PCI-32765) (#0542). Ce dernier, administré oralement, est un inhibiteur sélectif et
irréversible de la Bruton Tyrosine Kinase.
L’actualisation des résultats de la phase Ib/II de l’ibrutinib en monothérapie dans
les LLC en rechute/réfractaires (R/R, n=61) ou en première ligne chez les patients
> 65 ans (n=31), peut être résumée ainsi :
• Le très bon profil de tolérance de l’ibrutinib, en particulier sur le plan hématologique.
• Le taux de réponse globale (RC+RP) selon les critères de l’IWCLL 2008 chez les
patients R/R tout comme chez les patients en première ligne est d’environ 70 % à
1 an, auquel il faut ajouter 20 % de patients ayant une réponse ganglionnaire avec
lymphocytose résiduelle (l’ibrutinib entraine précocement une augmentation de la
lymphocytose pouvant persister plusieurs mois).
• Le taux de réponse n’est pas influencé par les facteurs de mauvais pronostic
habituels.
• La survie sans progression à 1 an est proche de 90 % pour les patients R/R et en
première ligne.
Ainsi, l’ibrutinib est un agent efficace et bien toléré dans la LLC. Ce profil favorable
a logiquement conduit à initier des études en combinaison avec d’autres molécules
(rituximab et bendamustine) ainsi qu’une phase III randomisant ibrutinib vs
ofatumumab, dans les LLC R/R.
David Sibon
Hématologue.
Expertise :
Hémopathies Lymphoïdes,
Hématologie Adulte,
Hôpital universitaire Necker
Enfants Malades
AP-HP
CNRS UMR 8147,
Université Paris Descartes.
[email protected]
1. O’Brien S, Furman R, Coutre S, Burger J, Blum K, Sharman J, Flinn I, Grant B, Heerema N, Johnson A, Navarro T, James D, Hedrick E, Byrd J. The Bruton’s Tyrosine Kinase
inhibitor ibrutinib is highly active and tolerable in relapsed or refractory (r/r) and treatment naïve (tn) cll patients, updated results of a phase ib/ii study. #0542.
2. Brown J, Barrientos J, Flinn I, Barr P, Burger J, Navarro T, D James, Hedrick E, Friedberg J, O’Brien S. The Bruton’s Tyrosine Kinase (btk) inhibitor ibrutinib combined
with bendamustine and rituximab is active and tolerable in patients with relapsed/refractory cll, interim results of a phase ib/ii study. #0543.
3. Roberts A, Davids M, Mahadevan D, M Anderson, Kipps T, Pagel J, Kahl B, Wierda W, Darden D, Nolan C, Xiong H, Huang D, Chyla B, Busman T, Cerri E, Enschede S,
Humerickhouse R, Seymour J. Selective inhibition of bcl-2 is active against chronic lymphocytic leukemia (cll): first clinical experience with the bh3-mimetic abt-199. #0546.
4. Jones J, Flynn J, Andritsos L, Johnson A, Blum K, Wiley E, Small K, Grever M, Graef T, Bannerji R, Byrd J.Phase i study of the cyclin-dependent kinase (cdk) inhibitor
168
dinaciclib (sch 727965) in patients (pts) with relapsed or refractory chronic lymphocytic leukemia (cll). #0544.
Horizons Hémato // Juillet / Août / Septembre 2012 // Volume 02 // Numéro 03
Zoom congrès
■■ EHA 2012
Myélome multiple
Malgré l’hétérogénéité clinique et biologique que l’on
observe dans le myélome, les stratégies thérapeutiques
actuelles reposent essentiellement sur l’âge du patient
et ses comorbidités. Les technologies de biologie moléculaire utilisées jusqu’à présent permettaient d’analyser
le clone tumoral prédominant sans prendre en compte
l’hétérogénéité intra-clonale ce qui peut expliquer les
difficultés rencontrées dans la caractérisation moléculaire des myélomes (1). Les données récentes obtenues
par des méthodes de séquençage haut débit illustrent
bien cette hétérogénéité intra-clonale qui semble être
un mécanisme essentiel de l’évolution tumorale soustendant la progression et la rechute de la maladie.
Le travail présenté par N. Bolli – Whole exome sequencing
defines clonal architecture and genomic evolution in multiple
myeloma (abstract 0571) – en est un bel exemple. Dans
le but de décrire les évènements moléculaires impliqués
dans la survenue et l’évolution du myélome multiple,
les auteurs ont séquencé l’exome de cellules plasmocytaires purifiées issues de 68 patients atteints de
myélome multiple. Pour 17 patients ils disposaient de
plusieurs prélèvements réalisés au cours de l’évolution
de la maladie. Ils ont utilisé le taux de mutations afin
d’estimer l’architecture clonale de chaque échantillon.
Les résultats les plus frappants ont concerné l’analyse
de la structure clonale. En effet, au diagnostic, il a été
mis en évidence la présence d’au moins 2 sous-clones
chez 66/68 (97 %) patients, illustrant bien le concept
d’hétérogénéité intra-clonale. Enfin le taux de mutations a changé chez 12/15 (80 %) patients au cours du
temps révélant l’évolution clonale ayant lieu lors de la
progression de la maladie. Ces résultats rejoignent les
conclusions d’autres travaux récents (2–5) qui remettent
en question le modèle d’une tumeur issue d’une cellule
accumulant des anomalies moléculaires au cours du
temps de façon linéaire. Le modèle qui ressort est celui
d’une architecture clonale complexe avec une évolution tumorale de type Darwinienne (figure 1) qui se
■■Auteur
ferait de manière ramifiée, ce qui explique la présence
de différents sous-clones coexistant chez un même
patient et par conséquent l’hétérogénéité des anomalies moléculaires observées, avec différentes populations sous-clonales plus ou moins représentés au cours
de la progression de la maladie (1,6). La compréhension
des processus d’évolution clonale et la caractérisation
de l’impact des traitements sur celle-ci (sélection de
clones minoritaires résistants) permettra probablement
d’optimiser les approches thérapeutiques actuelles et
d’affiner les régimes d’induction, de consolidation et de
maintenance afin d’éradiquer tous les « sous-clones » et
d’éviter l’émergence d’un clone résistant ou plus agressif
et ainsi d’améliorer le pronostic global de nos malades (1).
Initiation
Centre germinatif
Gabriel Brisou
Interne des Hospices
Civils de Lyon.
[email protected]
Progression
Moelle osseuse
Cellule B post
centre germinatif
MGUS
Sang périphérique
Myélome
« smouldering »
Myélome
Leucémie à
plasmocytes
Anomalies héréditaires
évènements génétiques
primaires :
• Translocations touchant l’IGH@
• Hyperdiploïdie
évènements
génétiques secondaires :
• Anomalies chromosomiques
• Hypométhylation de l’ADN
• Mutations somatiques
Sélection compétitive pour les niches médullaires
Avantage clonal
Migration
Diversité
des cellules tumorales
Lésions
génétiques
MGUS : Monoclonal gammopathy of undetermined significance. IGH@: locus codant la chaine lourde de l’immunoglobuline.
■■Le point de vue de l’expert
Laurent Garderet
Hématologue.
Expertise :
Traitement du myélome.
[email protected]
Le traitement du myélome s’est considérablement amélioré ces dernières années.
Cependant, l’objectif de transformer le myélome en une maladie chronique pour la
majorité des patients n’est pas atteint. Le myélome demeure une maladie mortelle à
plus ou moins longue échéance.
Les résultats de cette étude permettent de mieux comprendre la physiopathologie du
myélome. D’une part, ils apportent un élément d’explication à la grande hétérogénéité
du myélome et d’autre part, ils ouvrent de nouvelles perspectives thérapeutiques. Ils
suggèrent en effet qu’il faut s’attaquer non pas à un seul clone mais aux différents clones
tumoraux qui existent simultanément et par conséquent utiliser des combinaisons
de traitements plutôt qu’une monothérapie. Or nous disposons de plus en plus de
nouvelles molécules. Non seulement, nous disposons de nouveaux inhibiteurs du
protéasome (le carfilzomib) mais également un imunomodulateur de 3e génération
(le pomalidomide) et, pour ne citer que ceux actuellement en phase III, seront bientôt
disponible trois nouvelles classes médicamenteuses : les inhibiteurs de HDAC, les
inhibiteurs de la PI3 Kinase et des anticorps monoclonaux. Il faut donc maintenant
trouver la meilleure combinaison avec la séquence la plus appropriée.
Figure 1 : Initiation et
progression du myélome,
adapté à partir de la figure 2 de
la référence 1: illustration du
concept d’hétérogénéité intraclonale avec évolution de type
Darwinienne sous-tendant la
progression entre les différentes
phases évolutives de la maladie
Retrouvez cet article
sur notre application Horizons Hémato
■■Références
1. Morgan, GJ, Walker, B A & Davies, F E. The genetic architecture of multiple myeloma. Nature Reviews Cancer. 2012; 12: 335–348.
2. Chapman, MA et al. Initial genome sequencing and analysis of multiple myeloma. Nature. 2011; 471: 467–472.
3. Egan, JB et al. Whole Genome Sequencing of Multiple Myeloma from Diagnosis to Plasma Cell Leukemia Reveals Genomic Initiating Events, Evolution and Clonal Tides.
Blood. 2012. doi:10.1182/blood-2012-01-405977.
4. Keats, JJ et al. Clonal competition with alternating dominance in multiple myeloma. Blood. 2012; 120: 1067–1076.
5. Walker, BA et al. Intraclonal heterogeneity and distinct molecular mechanisms characterize the development of t(4;14) and t(11;14) myeloma. Blood. 2012. doi:10.1182/
blood-2012-03-412981.
6. Bahlis, NJ. Darwinian evolution and tiding clones in multiple myeloma. Blood. 2012; 120: 927–928.
Horizons Hémato // Juillet / Août / Septembre 2012 // Volume 02 // Numéro 03
169
Zoom congrès
■■Auteur
■■ EHA 2012
Avancées dans les myélodysplasies
Depuis plusieurs années de nombreux progrès on été
réalisés dans la mise en évidence de mutations somatiques
chez les patients atteints de myélodysplasie permettant
ainsi de mieux comprendre leur physiopathologie.
Implication des mutations des gènes d’épissage
Marion LOIRAT
Interne, CHU Nantes.
[email protected]
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Si la notion de mutation de gènes d’épissage est déjà
connue, il est plus difficile de définir actuellement sa conséquence dans la prise en charge clinique des patients. La
mutation est responsable de la modification de la fonction
de la protéine codée sans pour autant bloquer sa traduction.
F. Damm a étudié la séquence des gènes les plus fréquemment mutés au diagnostic chez 221 patients atteints de
myélodysplasie (SF3B1, SRSF2, ZRSR2 et U2AF35) (1).
L’incidence globale de ces mutations est de 45 % dans
la population étudiée et elles sont pour la plupart exclusives entre elles. L’analyse univariée montre que la survie
globale est moindre et la fréquence des transformations
leucémiques plus importante chez les patients porteurs du
génotype ZRSR2mut/TET2wt. Ces mutations pourraient
ainsi définir de nouveaux facteurs pronostics cliniques.
M. Ambaglio a rapporté son travail portant sur les conséquences cliniques de la mutation de SF3B1, gène codant
pour l’épissage de l’ARN dans les myélodysplasies et en
particulier dans les anémies sidéroblastiques (2). Sur une
population de 76 patients, la mutation a été retrouvée dans
près de 28 % des cas. Sa présence étant corrélée à la
fois à une diminution de la proportion d’érythroblaste dans
la moelle osseuse (p=0.009), une diminution du taux du
récepteur soluble à la transferrine (p=0.039) et une dimiProduct limit Survival EstimatesWith Number of Subjects of Risk
■■Ferritin Leval 500-1000
■■Ferritin Level >1000
■■Ferritin Level < 500
1,O
Survival probability
Figure 1 : Survie globale
corrélée à la férritinémie
0,8
0,6
0,4
0,2
1 0,0
2
3
45
49
95
0
41
39
52
25
28
34
250
15
18
12
500
T Survival
5
8
4
750
1
8
0
0
3
1000
1250
nution du taux d’hepcidine. L’importance de la diminution
de ces paramètres étant directement en relation avec la
proportion d’allèle muté. La conséquence de ces transformations est une érythropoièse inefficace et une redistribution pathologique du fer apporté par les transfusions vers
les cellules parenchymateuses de l’organisme.
La chélation martiale : oui !
A. Guerci-Bresker dans son étude observationnelle prospective multicentrique française analyse la conséquence de la
surcharge martiale chez 247 patients porteurs d’une myélodysplasie de bas et haut risque (3). La surcharge étant définie
par une férritinémie supérieure ou égale à 800 ng/mL ou un
besoin transfusionnel de plus de 15 culots globulaires. Il en
ressort qu’après traitement chélateur près de la moitié des
patients obtient une réduction de la férritinémie, avec un
taux médian passant de 1 493 ng/ ml à 1 274 ng/ml, et ceci
associé à une diminution des besoins transfusionnels. Cette
analyse est confirmée par l’étude rétrospective espagnole de
R. Garcia chez 240 patients traités par Azacitidine (4). Une
ferritinémie basse (inférieure à 500 ng/mL) pré-Azacitidine
permet d’augmenter la réponse globale au traitement de
manière significative (p<0.0001) et donc d’augmenter la
survie globale (figure 1).
Limiter les complications hémorragiques
L’étude randomisée, d’E. Olivia analyse en prospectif
69 patients traités par Eltrombopag versus Placebo (2:1)
chez des patients porteurs d’une myélodysplasie de bas
risque ou de risque intermédiaire-1 et d’une thrombopénie (inférieure ou égale à 30 000) (5). L’Eltrombopag est
donné à la dose de 50 mg/j, augmentée de 50 mg toutes
les 2 semaines jusqu’à obtenir un taux de plaquettes a
100 G/L. 12 patients sont inclus à ce jour. Il en ressort une
augmentation significative du chiffre de plaquettes chez
les patients bénéficiant de la molécule avec l’obtention
d’un taux de plaquette supérieur à 100 G/L chez 3 d’entre
eux après 14 jours de traitement, ceci corrélé à l’absence
de complications hémorragiques associées. Par ailleurs,
4 patients sur 5 notent une amélioration de leur qualité de
vie. Des résultats prometteurs qui méritent confirmation sur
une cohorte plus importante.
■■Le point de vue de l’expert
■■Références
L’approfondissement des connaissances biologiques dans le domaines des
myélodysplasies a permis ces dernières années de mieux comprendre les différents
mécanismes physiopathologiques qui conduisent à l’hétérogénéité des différentes
formes cliniques. Ainsi plusieurs fonctions cellulaires sont atteintes tel que la régulation
épigénétique via les mutations de TET2, ASXL1, EZH1, DNMT3a. Les mécanismes
de résistances au traitement en particulier dans les syndromes 5q- peuvent être en
partie expliqués par la présence d’une mutation TP53. Plus récemment, ce sont les
anomalies de l’épissage de l’ARN qui ont été décrites avec en particulier les mutations
du gène SF3B1 plus fréquemment observées dans les anémies sidéroblastiques et
dont les conséquences moléculaires expliquent en partie la présentation cytologique
de ce sous-groupe. Ces nouvelles mutations ont pour la plupart une valeur pronostique
indépendante ou non de la classification IPSS modifiée (IPSS). L’enjeu des années
à venir passe donc à la fois par des outils biologiques intégratifs capable de détecter
l’ensemble de ces anomalies au diagnostic et par l’innovation thérapeutique orientée
plus spécifiquement vers leurs différents mécanismes d’action.
Jacques DELAUNAY
PH hématologie
CHU Nantes.
Expertise :
Leucémies aiguës,
myélodysplasie.
[email protected]
1. Damm F et al. Mutations affecting mrna splicing define distinct clinical Phenotypes and correlate with patient outcome in myelodysplastic Syndromes (abstract o0547).
2. Ambaglio M et al. Effect of sf3b1 mutation on erythroid marrow activity, transfusion iron overload, and hepcidin levels in patients with myelodysplastic syndrome (abstract o0550).
3. Guerci-breslet A et al. Management under real conditions of iron overload in Patients with mds. Follow up at six month of a french observational Study (abstract p0890).
4. Garcia R et al. Impact of pre-azacitidine serum ferritin on response and Overall survival on patients with myelodysplastic syndromes (abstract p0882).
5. Olivia E et al. Efficacy and safety of eltrombopag for the treatment of Thrombocytopenia of low and int-1 risk mds: preliminary results of a Prospective, randomized, single-blind
170
placebo-controlled trial (abstract o1138).
Horizons Hémato // Juillet / Août / Septembre 2012 // Volume 02 // Numéro 03
Zoom congrès
■■ EHA 2012
Lymphome de Hodgkin à l’EHA :
stades avancées, réfractaires et rechutes
Les chimiothérapies « intensives » de type BEACOPP
escaladés améliorent les réponses dans les stades
avancés mais la morbi-mortalité liée aux traitements
reste un challenge, la place de la radiothérapie demeure
controversée dans ce contexte. Par ailleurs la prise en
charge des patients réfractaires ou en rechute reste
difficile avec une médiane de survie inférieure à 3 ans.
La radiothérapie guidée
par le PET scan dans les stades avancés
Les résultats de l’étude HD15 du GHSG qui ont déjà fait
l’objet d’un abstract à l’ASH 2011 et d’une publication
dans le Lancet ont été rappelés ici (abstract 01108) (1).
2182 patients de stade IIB défavorable, III et IV ont été
inclus et randomisés entre 8 ou 6 BEACOPP escaladés
ou 8 BEACOPP14. Les patients en rémission partielle
avec une masse résiduelle ≥ 2,5 cm positifs au PET
scan ont bénéficié d’une irradiation à 30 Gy. La PFS
est comparable entre les patients en RC et ceux en RP
avec PET négatif et on constate que 6 cycles avec RT
30Gy sont plus efficaces et moins toxiques que 8 cycles.
L’actuel protocole HD18 est basé sur la même stratégie
avec 4 cycles de BEACOPP escaladé et IFRT si PET
positif. Il ne faut néanmoins pas négliger les résultats
de l’EORTC présentés à l’ASCO (abstract 8002) par
P. Carde mais non abordés à l’EHA qui montrent une
EFS comparable entre 8 ABVD et BEACOPP 4+4 avec
une PFS un peu moins bonne mais pas de différence
significative en OS à 4 ans. L’association RituximabABVD semble par ailleurs intéressante dans ces formes
disséminées.
Nouveaux traitements
des patients réfractaires et en rechute Plusieurs molécules ont fait l’objet d’études dans ces
indications : les inhibiteurs des histones déacétylases
(Panabinostat® notamment) et inhibiteurs de mTOR
(rapalogues, Everolimus®), leur efficacité est prometteuse mais seulement en association à la chimiothérapie. En revanche le Brentuximab Vedotin® en phase II
dans les HL réfractaires ou en rechute post autogreffe
(abstract 01109) montre une ORR de 75 % dont 33 %
de RC, une OS à 24 mois de 65 % avec une PFS médiane
des patients en RC de 29 mois, 5,1 mois en RP et
3,5 mois pour les SD. Les effets indésirables principaux
sont les neuropathies périphériques, nausées, fatigue,
neutropénie et diarrhée. Ces résultats avec un follow-up
plus long renforcent ceux publiés par A. Younes dans
JCO (2). Son association avec la chimiothérapie est en
cours d’évaluation en 1re ligne.
Définition
EORTC
GHSG
Stades précoces favorables
Sus-diaphragmatique
Stades I et II sans FDR
Stades I et II sans FDR
Stades précoces
défavorables
Sus-diaphragmatique
Stades I et II + ≥ 1 FDR
Stades I et II
Avec ≥ 1 FDR n°1 et/ou n°2
Mais sans FDR n° 3 ou 4
FDR
1 : bulky médiastinal
(IMT ≥ 0,35)
2 : âge ≥ 50 ans
3 : ≥ 4 sites ganglionnaires
atteints
4 : présence de signes B
1 : ESR augmenté
2 : ≥ 3 sites ganglionnaires atteints
3 : bulky médiastinal
4 : atteintes extraganglionnaires
Stades avancés
Stades III et IV
Stades II b avec FDR n°3 et/ou n°4
Stades III et IV
Bruno ROYER
Hématologue,
CHU AMIENS.
Expertise :
Myélome- amylose ;
lymphomes hodgkiniens
et non hodgkiniens,
Waldenström,
déficits immunitaires primitifs.
[email protected]
■■Auteur
Magalie JORIS
DES hématologie clinique
CHU AMIENS.
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Tableau 1 : Définition
des stades et facteurs
de risque (FDR) selon
l’EORTC et le GHSG
Source: Hematology
Education: the
education program for
the annual congress
of the European
Hematology Association
2012; 6:175-180.
Radiotherapy in Hodgkin
Lymphoma: witch dose
and for whom, B. Böll,
A. Engert
■■Le point de vue de l’expert
• Comment améliorer le pronostic des Hodgkin disséminés tout en diminuant
la toxicité ?
Probablement une place pour la radiothérapie en cas de RP avec PET positif, tout
en diminuant le nombre de cycles de chimiothérapie.
• Nouvelles avancées ?
Les anticorps monoclonaux anti-CD30 donnent des résultats intéressants en
rechute, à évaluer en première ligne.
■■Références
1. Engert A et al. Reduced-intensity chemotherapy and PET-guided radiotherapy in patients with advanced stage Hodgkin’s lymphoma (HD15 trial): a randomised, openlabel, phase 3 non-inferiority trial. Lancet. 2012; 379(9828): 1791-9.
2. Younes A et al. Results of a Pivotal Phase II Study of Brentuximab Vedotin for Patients With Relapsed or Refractory Hodgkin’s Lymphoma. JCO. 2012; 30(18): 2183-9.
Horizons Hémato // Juillet / Août / Septembre 2012 // Volume 02 // Numéro 03
171
Zoom congrès
■■Auteur
■■ EHA 2012
L’allogreffe de CSH
L’allogreffe de CSH est le traitement curatif de nombreuses
hémopathies malignes. Les principaux enjeux dans ce
domaine consistent en :
• Prédire au mieux le devenir (survie et TRM) des patients
avant la greffe.
• Développer des thérapies cellulaires capables de traiter
la GVH tout en maintenant l’effet GVL.
Prédire le devenir des patients
Maud D’Aveni
Interne hématologie
Thèse de sciences à
l’Hôpital Necker, service
du Pr. Hermine.
[email protected]
La splénomégalie dans la LMMC est un facteur
prédictif de survie globale (abstract 0558)
Une étude rétrospective réalisée sur 73 patients avant
l’arrivée des agents hypométhylants a mis en évidence
la splénomégalie comme seul facteur péjoratif indépendant de l’OS. En effet, indépendamment du statut de la
maladie (stratification WHO ou scores IPSS ou GFM), des
traitements préalables et de l’intervalle entre diagnostic et
allogreffe, la survie à 2 ans des patients avec une splénomégalie palpable au moment de la greffe (36 %) était de
28 % vs 52 % (p=0,03).
Références
Contexte clinique
Devenir
Le Blanc et al.
Lancet 2004;363:1439-41
GVHa grade IV digestive et
hépatique (1er patient décrit)
Rémission complète
de la GVH
Le Blanc et al.
Lancet 2008;371:1579-86
GVHa grade II-IV (55 patients)
Phase II multicentrique
69 % de réponse
Ball et al. BMT 2011;46:56
GVHa grade III-IV corticorésistante
(37 enfants)
59 % RC, diminution
TRM de 14 % vs 60 %
Tableau 1 : Études de
phase I et II sur l’injection
IV systémique de MSC en
préventif ou curatif de GVH
aiguë sévère
Le phénotype des LT circulants chez le receveur est
un facteur prédictif de la GVH (abstract 0560)
Les cellules T alloréactives peuvent être identifiées
précocément dans le sang périphérique selon leur profil
d’expression de récepteurs aux chimiokines (CCR5) et de
marqueurs de migration faiblement exprimés à l’état basal
(α4β7 intégrine, αEβ7 intégrine, P-et E-sélectine-ligand).
L’identification d’une augmentation en pourcentage et
en valeur absolue d’un contingent lymphocytaire T, P et
E-SélectinL+ α4β7 intégrine+ et CCR5fort est prédictif de
la GVH 6 à 10 jours avant le début des symptômes.
Le pourcentage de cellules myéloïdes suppressives
immatures ou MDSC dans les greffons est
prédictif de la GVH (posters 1008 et 1009)
Connues depuis longtemps dans le microenvironnement
tumoral, les MDSC ont montré leurs propriétés immunorégulatrices dans la prévention de la survenue de la GVH
aiguë dans les modèles murins. La proportion de MDSC
présentes dans le greffon mobilisé par G-CSF et leur reconstitution en post-greffe précoce sont négativement corrélées à l’incidence de la GVH aiguë. Cette reconstitution se
normalise lorsque la GVH est contrôlée par le traitement
immunosuppresseur.
La thérapie cellulaire
par les cellules mésenchymateuses
(MSC) – session éducationnelle
Les MSC sont capables d’inhiber la prolifération allogénique des cellules vectrices de la GVH aiguë (notamment
les LT) par différents mécanismes. Elles peuvent aussi
interférer in vitro avec la maturation et la différenciation
des cellules présentatrices d’antigènes en induisant des
cellules dendritiques immatures incapables d’éduquer des
LT vers l’alloréactivité. Dans les études résumées dans le
tableau 1, l’administration par voie intraveineuse de MSC
allogéniques a été évaluée en phase I et II et doit être maintenant prouvée dans une étude prospective randomisée
pour évaluer leur effet sur la reconstitution immunitaire et
la rechute de la maladie.
■■ Le point de vue de l’expert
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■■Références
172
Malgré les progrès indéniables obtenus dans le domaine de l’allogreffe de CSH du fait
de l’amélioration des soins de support et d’une diminution de la toxicité d’organe suite
au développement des conditionnement atténués, la morbi-mortalité liée à la GVH
et le risque de rechute (par inhibition de l’effet GVL) demeurent problématiques. La
plupart des travaux de recherche actuellement menés dans ce domaine concernent la
recherche de facteurs biologiques qui permettraient de prédire le risque de GVH et faire
l’objet d’une immunointervention afin de séparer les effets GVH et GVL. Outre le contexte
protéique inflammatoire post-greffe (1, 2), ou le contenu du greffon en certains sous-types
de lymphocytes T (selon leur état de maturation ou d’expression de marqueurs de
migration aux sites d’allo-priming) (3) qui peuvent prédire la survenue de GVH aiguë, un
intérêt particulier est actuellement porté sur les cellules immunorégulatrices. Ainsi, les
lymphocytes T régulateurs, qui diminuent au moment de la GVH (4, 5), ont déjà fait l’objet
de protocoles d’immunointervention dans des greffes haploidentiques (6) ou de sang
placentaire (7). Le contenu du greffon ou la reconstitution post-greffe en lymphocytes
NKT invariants sont inversement corrélés au risque de GVH aiguë (8, 9). Comme présenté
au congrès de l’EHA, certaines cellules souches mésenchymateuses semblent pouvoir
contrôler des GVH aiguës sévères (10, 11). Une autre présentation du congrès suggère
que les cellules myéloïdes suppressives (MDSC) mobilisées par le G-SCF pourraient
également être intéressantes. La manipulation d’un ou de plusieurs de ces acteurs
de la réponse allogénique pourrait permettre à l’avenir de développer des approches
d’immunomodulation « à la carte ».
1. Paczesny S et al. Blood. 2009; 113: 273.
2. Mohty M et al. Blood. 2005; 106: 4407.
3. Yakoub-Agha I et al. Leukemia 20, 1557 (Sep, 2006).
4. Magenau JM et al. Biol Blood Marrow Transplant. 2010; 16: 907.
5. Ukena SN et al. Ann Hematol. 2011; 90: 213.
6. Di Ianni M et al. Blood. 2011; 117: 3921.
7. Brunstein CG et al. Blood. 2011; 117: 1061.
8. Chaidos A et al. Blood. 2012; 119: 5030.
9. Rubio MT et al. Blood. 2012 (Jun 22).
10. Le Blanc K et al. Lancet. 2008; 371: 1579.
11. Le Blanc K et al. Lancet. 2004; 363: 1439.
Horizons Hémato // Juillet / Août / Septembre 2012 // Volume 02 // Numéro 03
Marie-Thérèse Rubio
Praticien Hospitalier,
service d’hématologie et
de thérapie cellulaire
Hôpital Saint-Antoine, Paris.
Expertise :
Hématologie clinique,
allogreffe de cellules souches
hématopoïétiques (CSH),
immunobiologie de la
greffe de CSH.
[email protected]
Zoom congrès
■■ EHA 2012
Nouvelles thérapeutiques
dans les LAL de l’adulte
Malgré l’amélioration des schémas d’induction sur le
modèle des protocoles pédiatriques, on observe dans les
LAL de l’adulte 40-50 % de rechutes et < 5 % de LAL
réfractaires. Ces patients ont une survie globale inférieure à 10 %. De nouvelles options thérapeutiques sont
donc nécessaires afin d’obtenir une RC2 et d’amener
les patients éligibles à une allogreffe de moelle mais
également afin d’améliorer le pronostic des patients âgés
ou ayant rechuté post allogreffe.
Les attentes se tournent aujourd’hui
principalement vers les nouveaux
anticorps monoclonaux Anti-CD19 Antibody
(B)
l’autre pour les rechutes cytologiques et LAL réfractaires.
• Inotuzumab Ozogamicine : anticorps monoclonal
anti CD22 couplé à la calicheamicine (même design
que le gemtuzumab ozogamicine anti-CD33 des LAM).
49 patients (adultes et enfants) atteints de LAL en rechute
ou réfractaire ont reçu l’IO intraveineux, 1 h toutes les
3-4 semaines, au cours d’une étude de phase 2. 57 %
des inclus obtenaient une RC/RCh après une médiane
de 2 cycles. Les principaux effets secondaires observés
étaient : fièvre, hypotension et hépatotoxicité.
Florence Rabian
Interne,
hôpital Saint-Louis, Paris.
[email protected]
Autres anticorps et cibles thérapeutiques
• Blinatumomab : anticorps bispécifique de type Bite,
anti-CD19 et anti-CD3 qui dirige les lymphocytes T cytotoxiques du patient contre les cellules CD19+ (figure 1).
Une étude de phase II chez les patients ayant une LAL B
en rechute ou réfractaire montre, après administration
du traitement ivse pendant 2 cycles (cycle de 28 jours),
une RC/RCh de 68 % sur les 25 patients traités. Tous
les répondeurs obtenaient une MRD négative à la fin du
premier cycle. 6 patients étaient allogreffés. Le syndrome
de relargage cytokinique et les troubles du système
nerveux central étaient les 2 effets secondaires majeurs
notés. Les troubles du SNC étaient tous réversibles à
l’arrêt du traitement. Deux études de phase 2 sont en
cours : une pour les LAL B ayant une MRD positive,
(A)
■■Auteur
D’autres anticorps monoclonaux comme le veltuzumab
(anti-CD20 humanisé) ou l’épratuzumab (anti-CD22)
sont en cours de développement.
De nouvelles cibles thérapeutiques sont également
recherchées notamment au sein des voies d’activation
de Hedgehog ou de signalisation de Notch1 et de PI3k/
PkB.
Retrouvez cet article
sur notre application Horizons Hémato
Conclusion
Ces nouveaux traitements sont prometteurs et permettront probablement d’améliorer dans les années futures
le pronostic des patients ayant des LAL en rechute ou
réfractaire voire le pronostic des patients en 1re ligne,
reposant la question des indications d’allogreffe.
Apoptotic Cell death
Proliferation
Figure 1 : Blinatumomab,
anticorps bispécifique de
type Bite
BITE® MT103
Activation
Anti-CD3 Antibody
B Cell
Redirected Cell Lysis
Cytotoxic T Cell
■■Le point de vue de l’expert
Emmanuel Raffoux
Hématologue, PH,
Hôpital Saint-Louis, Paris.
Expertise :
Leucémie aiguë de l’adulte.
[email protected]
Ces résultats de phase II sont prometteurs et intéressants, d’une part par le bénéfice
qu’ils donnent potentiellement chez des patients en rechute ou réfractaires, mais
surtout pour intervenir précocement chez des patients mauvais répondeurs.
Dans l’étude blinitunomab, les taux de réponse clinique sont importants, mais les taux
de réponse moléculaires (MRD) sont tout aussi impressionnants.
L’impact pronostique de la maladie résiduelle dans la LAL est majeur, et l’utilisation
de l’outil MRD permet clairement d’identifier les patients mauvais répondeurs. La
possibilité d’intervenir précocement avec de nouveaux médicaments ciblés, pour
diminuer rapidement la masse tumorale (MRD) permet d’espérer encore une
amélioration du pronostic dans ces maladies.
Les anticorps monoclonaux, après nous avoir permis de mieux comprendre la
physiopathologie de ces maladies (démembrement des LAL B/T et leur stade de
différenciation), sont aujourd’hui des armes thérapeutiques importantes permettant
de cibler la population tumorale et, via des constructions ingénieuses, de neutraliser
la population tumorale.
■■Références
1. Gökbuget N. Outcome of relapsed adult lymphoblastic leukemia depends on response to salvage chemotherapy, prognostic factors and realization of stem cell transplantation. Blood. 2012; Apr 4.
2. Topp MS.Targeted therapy with the T-cell-engaging antibody blinatumomab of chemotherapy-refractory minimal residual disease in B-lineage acute lymphoblastic
leukemia patients results in high response rate and prolonged leukemia-free survival. J Clin Oncol. 2011; 29(18): 2493-8.
3. Kantarjian H. Inotuzumab ozogamicin, an anti-CD22-calecheamicin conjugate, for refractory and relapsed acute lymphocytic leukaemia: a phase 2 study. Lancet
Oncol. 2012; 13(4): 403-11.
Horizons Hémato // Juillet / Août / Septembre 2012 // Volume 02 // Numéro 03
173
Zoom congrès
■■Auteur
■■ EHA 2012
Avancées sur l’aplasie médullaire
Communication sur la physiopathologie
de l’aplasie de Fanconi
Gabrielle Roth-Guepin
Interne en hématologie
clinique, Nancy.
[email protected]
Figure 1 : Modèle de
défaillance médullaire
dans l’aplasie de Fanconi
Chez les Fanconi (F), lors de l’hématopoïèse fœtale
hépatique, une augmentation de l’expression de p21
liée au stress réplicatif a été constatée induisant une
atteinte du pool de cellules souches hématopoïétiques
(CSH).
L’équipe montre que les CD34+ de F ont une activité
clonogénique moindre que les témoins, même chez
les jeunes patients F non en aplasie. (1)
Après la naissance, le stress cellulaire et les anomalies
constitutionnelles de réparation de l’ADN entraînent
une augmentation de l’expression de p53/ p21 conduisant à un arrêt du cycle cellulaire en G0/G1 avec une
diminution majorée du pool de CSH (apparition de la
Stress réplicatif pendant
l’expansion des CSH
Foie fœtal
Diminution de l’expansion
du pool de CSH
Naissance
Début de la vie
Faible pool CSH
Stress cellulaire et
atteinte de l’ADN
(TNFα, ROS, ICL...)
Enfance
Défaillance médullaire
défaillance médullaire, figure 1). En effet, chez les F,
un shRNA inhibant l’expression de p53 ou de p21
restaure la clonogénicité. Dans un modèle humain de
F conçu en inhibant l’expression de FANCD2 par un
lentivirus dans des CD34+ de cordons puis xénogreffé
à une souris NSG, l’inhibition de p53 par shRNA
améliore la prise de greffe.
Ceci pourrait aussi expliquer les anomalies de l’hématopoïèse observées dans d’autres pathologies (anémies
de Blackfan-Diamond et Dyskératoses congénitales).
Autogreffe de sang placentaire
Un poster sud-coréen relance la polémique sur les
banques privées de sang placentaire (SP). (2) Ils ont
autogreffé 2 enfants atteints d’aplasie médullaire
sévère idiopathique (AMSI) avec leur propre sang
placentaire. 6 ans après, ces enfants sont toujours
en rémission hématologique. Ces cas remettent en
question la physiopathologie de l’AMSI en plaidant ici
plus pour une défaillance du système immunitaire que
pour une anomalie intrinsèque de la cellule souche
hématopoïétique (CSH).
D’autre part, ils interrogent sur l’intérêt des banques
privées de SP puisque la probabilité d’utilisation autologue est de moins de 1 enfant sur 50 000. Ceux-ci
soulèvent aussi des considérations éthiques liées à
une sollicitation des parents par ces banques lors
d’une vulnérabilité émotionnelle (naissance de leur
enfant), avec un risque d’inégalité d’accès aux CSH
(différence économique). En effet, le but des banques
de SP publiques est d’élargir l’éventail des typages
HLA rares parmi les donneurs volontaires.
■■ Le point de vue de l’expert
• Bien que l’anémie de F soit la plus fréquente cause héréditaire de défaillance
médullaire, la physiopathologie reste obscure. Ces travaux ouvrent des pistes
intéressantes dans la prise en charge de ces patients.
En effet, la limitation du stress oxydatif (amélioration de la détoxification des
aldéhydes liés au métabolisme cellulaire) et l’inhibition de p53 (sans majorer le risque
d’anomalies clonales et donc de leucémies et/ou myélodysplasies) permettraient de
diminuer la défaillance médullaire à terme.
Si une thérapie génique est envisagée, le traitement devra être initié au plus vite,
avant l’apparition de la défaillance médullaire, les anomalies hématopoïétiques étant
présentes dès la naissance. Enfin, il parait intéressant de cibler les voies de réparation
de l’ADN pour les myélodysplasies dans les F et en général.
Retrouvez cet article
sur notre application Horizons Hémato
• Les indications d’autogreffe de SP sont très rares en pédiatrie (100 réalisées)
contrairement aux allogreffes de SP dont les indications sont variées en l’absence de
donneur volontaire (hémopathies malignes, déficits immunitaires…). Ces autogreffes
soulèvent plusieurs polémiques (sociales, éthiques, morales et économiques) du
fait des différences d’accès aux banques privées. Elles pourraient être envisagées
dans l’AMSI après réalisation d’un traitement immunosuppresseur afin de limiter les
complications post greffe (maladie du greffon contre l’hôte) mais la physiopathologie
de l’AMSI reste à confirmer afin d’assurer le bénéfice de ces greffes au long court.
élodie Colomb
Hématologue, Chef de clinique.
Expertise :
Hématologie pédiatrique,
service de transplantation
médullaire, CHU Nancy.
[email protected]
■■Références
1. Ceccaldi et al. Bone marrow failure in Fanconi anemia is triggered by an exacerbated P53/P21 damage response that impairs hematopoietic stem cells (communication orale 00570).
174
2. Park et al . The successful transplantation of severe aplastic anemia with autologous cord blood (poster P1001).
Horizons Hémato // Juillet / Août / Septembre 2012 // Volume 02 // Numéro 03
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