« Les interests du sexe » : dédicataires féminins et réseaux de

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« Les interests du sexe » : dédicataires féminins et réseaux de
« Les interests du sexe » :
dédicataires féminins et
réseaux de sociabilité chez
Marie de Gournay
JEAN-PHILIPPE
BEAULIEU
ET HANNAH
FOURNIER
Even though Marie de Gournay’s (1565–1645) numerous texts contain only a few
direct references to the activities of the “salons” in the first half of the seventeenth
century, they show ample evidence of the author’s presence in public and social
life. Through anecdotes, allusive references and dedications to prominent people
she knew (or wished to know), Gournay reveals the complex web of relationships of
which she was part. Not only do her collected works (Advis, 1641) suggest her association with public figures known to attend notorious “salons”, they invite us to
broaden our view of sociability, defined mostly, according to Gournay, in terms of
intellectual endeavours and affinities. Describing herself as an active member of an
intellectual community (formed mostly by well-known women), Gournay validates
her life, work and ambitions through feminine solidarity—real or virtual.
B
ien que des sources contemporaines laissent entendre que Marie le Jars
de Gournay (1565–1645) a fréquenté certains cercles cultivés, on ne retrouve, dans ses écrits — pourtant substantiels — , aucune référence précise
à l’activité des salons de la fin du XVIe siècle et de la première moitié du
XVIIe. Une telle réticence à évoquer ces lieux de la sociabilité nous apparaît
intéressante en raison de ce qu’elle est susceptible de révéler, non seulement
sur l’inscription de Gournay dans les institutions culturelles de son époque,
mais aussi, plus largement, sur les rapports qu’entretiennent écriture et sociabilité chez une femme dont les ambitions intellectuelles étaient fort peu
tributaires de l’idéal des premières décennies du XVIIe siècle : celui de la
« mondaine » cultivée1. En l’absence de descriptions ou de développements
relatifs aux salons, les textes de Gournay regorgent néanmoins de dédicaces, d’anecdotes, de renvois à des personnalités qu’elle a connues ou désiré
connaître, désignant par le fait même les réseaux de sociabilité qui étaient
les siens. Plus que le terme « salon », celui de « réseau » nous semble rendre
compte de ce que laissent entrevoir les écrits de Gournay quant à la dynamiRenaissance and Reformation / Renaissance et Réforme, XXVIII, 1 (2004) /47
48/ Renaissance and Reformation / Renaissance et Réforme
que de ses relations sociales. En effet, tel qu’il est appréhendé à travers les
pratiques du siècle suivant, le salon du XVIIe siècle est souvent défini comme
un groupe restreint et régulier, avec des habitués notoires2. Or, les écrits de
Gournay font état d’une façon de circuler dans la société qui ne saurait se
réduire à ce seul type de sociabilité, d’autant qu’il est apparu difficile pour
notre auteure de faire reconnaître ses ambitions intellectuelles dans un espace qui, comme on le conçoit couramment, représente « le lieu tout indiqué
pour les jeux de l’amour et de la conversation, les divertissements littéraires,
la poésie galante et de circonstance »3. Soucieuse de mener à bien une entreprise d’écriture qui, sans négliger la poésie de circonstance, privilégie la
rédaction de traités et autres « discours de raison », Gournay présente son
œuvre non seulement comme un ouvrage intellectuel, fruit de sa réflexion et
de son labeur, mais aussi comme la vitrine d’un réseau de sociabilité dont elle
occupe la position centrale. En faisant ainsi coïncider, dans ses textes, espace
intellectuel et espace de sociabilité, Gournay assume le rôle d’animatrice
d’un univers relationnel constitué en grande partie de figures féminines. Le
constat de l’importance de ce que Gournay appelle les « interests du sexe »
n’a pas de quoi surprendre chez une auteure dont les visées protoféministes
ont été amplement mises en lumière4. Mais il reste encore à préciser, comme
nous chercherons à le faire dans les pages qui suivent, l’importance de ces intérêts communs dans les réseaux de sociabilité qui étaient ceux de Gournay.
***
Dans l’ensemble des quelque mille pages qui forment les Advis, ou, les Presens de la Demoiselle de Gournay de 1641, ultime version de son livre de
« Meslanges »5, il serait bien difficile de trouver des références précises aux
salons. Le mot lui-même n’apparaît pas — il n’y a là rien de très surprenant —
et ce n’est qu’au moyen d’allusions que Gournay évoque certaines figures
de la sociabilité du début du XVIIe siècle, notamment Madeleine de Senneterre, à propos des « visites illustres & frequentes qu’elle reçoit chaqu’un
jour » (Advis, p. 945), et Madame des Loges, qui accueille « benignement en
[sa] chambre » « les Livres superbes que [lui] offrent chaque jour [l]es Doctes nouveaux » (Advis, p. 390). Semblable au type de témoignage ponctuel
dont on peut parfois retrouver les traces dans les échanges épistolaires de
l’époque, ce mode indirect de référence laisse entrevoir la présence de Gournay dans des lieux variés de sociabilité et d’intellectualité. Par conséquent,
il est difficile de souscrire à la réputation de marginale que les Historiettes
de Tallemant des Réaux ont contribué à lui conférer6. Des travaux récents
nous ont montré la nécessité de revoir cette vision des choses7, d’autant que
certains contemporains de Gournay ont souligné l’étendue de ses rapports
Jean-Philippe Beaulieu et Hannah Fournier / « Les interests du sexe » /49
avec des gens d’importance, comme en fait foi, selon Hilarion de Coste8, sa
correspondance avec nombre de personnalités connues, dont Jacques Davy
Du Perron, François de Sales, Juste Lipse, Daniel Heinsius, Anna Maria van
Schurman. Dans ses Mémoires, Michel de Marolles affirme que, parmi ses
amis et connaissances, elle comptait La Mothe Le Vayer, les frères Ogier,
Boisrobert, Colletet, L’Estoile, Malleville9. Ce que confirme la notice d’Hilarion de Coste indiquant que les « sieurs de L’Estoile & Regnault » étaient
présents au moment de sa mort et que « [p]lusieurs chers nourrissons d’Apollon & des Muses ont fait des Epitaphes […] à sa memoire ; entre autres MM.
François & Charles Oger, Gilles Menage, Adrien Valois, Guillaume Colletet,
Monsieur des Marest […] & autres sçavans hommes »10. Les traités et dictionnaires biographiques du XVIIe siècle, tout en insistant surtout sur la solidité de son savoir et sur l’étendue de son esprit, attestent les liens de Gournay,
non seulement avec son « père d’alliance », Montaigne, mais avec d’autres
figures importantes, Juste Lipse notamment qui, selon les termes de Jacquette
Guillaume, « nous confirme ce que tant d’autres nous assurent, qu’elle estoit
en si grande reputation d’esprit, d’eloquence & de doctrine, qu’elle pouvoit
fermer la bouche aux plus sçavans hommes de ce siecle »11. Bref, si Gournay
a eu ses détracteurs, les gens qui la tenaient en estime ne manquaient pas12.
Il y a là la preuve indéniable d’une sociabilité intellectuelle qui coïncide avec
la fréquentation de certains cercles réputés : celui de Marguerite de Valois
(où elle a pu côtoyer François de Rosset, Philippe Desportes et Estienne Pasquier), de même que celui, plus tardif, de Mme des Loges (que fréquentaient
Malherbe, Balzac, Chapelain et Vaugelas)13, mais sans pour autant se limiter
à ces seuls lieux, puisque l’évocation par Gournay de diverses personnes bien
en vue laisse supposer des contacts et échanges dans des endroits variés14, ce
qui a d’ailleurs fait dire à Tallemant qu’« elle avoit veû le beau monde »15.
Grâce aux données que ses textes peuvent receler, il est donc possible
d’esquisser le sociogramme de son réseau de contacts. Ainsi, les dédicaces
(particulièrement nombreuses dans le Bouquet de Pinde, le recueil de poèmes
qui figure à la fin du deuxième livre des Advis), les textes préfaciels, de même
que certaines anecdotes16, offrent des renseignements sur la communauté
intellectuelle et affective qui était celle de Gournay. L’examen de ces diverses
données est fort intéressant et nous engage à reconnaître la place importante
que jouent les femmes dans ces réseaux. Certes, les dédicataires masculins,
et non les moindres (Louis XIII, Du Perron, Claude de Gelas), assument un
rôle crucial, puisqu’ils apparaissent comme les figures susceptibles de lui
apporter une protection et d’accréditer tant sa démarche intellectuelle que
son travail d’écriture17. Il faut toutefois constater que, dans l’ensemble de
l’ouvrage, de telles dédicaces, pour significatives qu’elles soient, demeurent
50/ Renaissance and Reformation / Renaissance et Réforme
peu nombreuses. En effet, à l’extérieur du Bouquet de Pinde, et à l’exception
du Proumenoir de M. de Montaigne (dont le destinataire est explicite) et du
traité De l’Impertinente Amitié (adressé à « Messieurs de la Roche Cousin
[…] & du Plessis de Bievre » (Advis, p. 356)), on ne trouve des dédicataires
masculins que dans le groupe de traductions qui occupe le deuxième livre
des Advis18.
Dans un tel contexte, la présence de cinq dédicataires féminins dans
les discours de raison n’en est que plus notable : Mme de Guercheville,
Anne d’Autriche, Mme des Loges, de même que les personnages désignés
au moyen des pseudonymes de Sophrosine et de Chrysante. Le Bouquet de
Pinde comporte également un nombre important de renvois à des femmes,
qui comptent pour environ la moitié des dédicaces. Dans un monde intellectuel façonné par les institutions et les pratiques masculines, le parcours
de Gournay, étranger aux divertissements et passe-temps ludiques qui sont
bienséants pour une femme de la première moitié du XVIIe siècle, se fonde à
la fois sur l’autorité que lui confèrent les figures masculines qu’elle sollicite,
notamment en matière d’écriture (dans la Lettre à Monseigneur de Gelas, par
exemple), et sur la solidarité qu’elle ne peut trouver qu’auprès des femmes
auxquelles elle dédie ses écrits. Cette évocation d’une communauté d’expérience féminine se retrouve exprimée à divers endroits des Advis, notamment
dans Egalité des hommes et des femmes (dont la dédicataire est Anne d’Autriche) et dans Grief des Dames, où les intérêts sociaux et culturels du « sexe »
sont présentés comme étant indissociables des siens propres19. Les liens privilégiés que Gournay tisse avec ses dédicataires féminins sont d’autant plus
significatifs que les Advis sont dédiés à une figure féminine, Sophrosine, dans
le cadre d’une grande préface (le Discours sur ce Livre) présentant de façon
systématique les divers textes du recueil. Le surnom de Sophrosine semble
cacher une amie distinguée, sensible aux « interests du sexe » et à ceux de
l’auteure (Advis, f. aiij ro), qui souligne l’honneur que lui a fait sa dédicataire de « prendre plaisir à [la] connaistre intimement » (Advis, f. biiij ro). À
l’ouverture du livre, Sophrosine apparaît comme la destinataire privilégiée
de celui-ci — on pourrait même ajouter la lectrice idéale, c’est-à-dire la plus
susceptible de comprendre la visée et la teneur de son œuvre. D’emblée, ce
n’est donc pas une figure masculine — comme celle censément fondatrice
de Montaigne20 — qui est convoquée, mais bien une figure féminine qui sert
en quelque sorte de marraine à l’ouvrage. Ce lien initial se voit d’ailleurs
relayé, dans le recueil lui-même, par les dédicaces à un groupe très diversifié
de femmes, formé aussi bien de reines que de servantes anonymes. Le recueil
comporte quatre préfaces adressées explicitement à des femmes : Mme de
Guercheville, Anne d’Autriche, Mme des Loges et Marie de Saint-Mesmin.
Jean-Philippe Beaulieu et Hannah Fournier / « Les interests du sexe » /51
De plus, dans le Bouquet de Pinde, on trouve près de trente brèves dédicaces
à des figures féminines : Léonor de Montaigne, Mme de Ragny, Mme Rolland, Mlle de Seneterre, Mme de Guercheville, Mme de Liancourt, Mme de
Brassac, la duchesse d’Enghien, Marie de Médicis, Élisabeth de France, de
même qu’à des femmes non identifiées, notamment une religieuse, une bienfaitrice noble et une servante qui pourrait bien être Nicole Jamyn, sa propre
demoiselle de compagnie.
Le but d’un petit nombre de ces dédicaces est d’obtenir une forme ou
une autre de soutien. C’est à cette fin que Gournay s’adresse à Mme des
Loges dans les termes suivants : « j’appelle à secours icy vostre authorité
seule & vostre protection » (Advis, p. 390). Le plus souvent, ces passages
semblent représenter une façon d’honorer une femme avec qui elle a des
affinités littéraires, des liens de parenté ou d’amitié, comme le souligne cette
remarque à Marie de Saint-Mesmin, à qui elle dédie sa traduction de l’épître de Laodamie, tirée des Héroïdes d’Ovide : « La raison qui m’a conviée
à faire choix de cette Piece & la vous offrir, c’est, que vous & moy nous
sommes tousjours aymées » (Advis, p. 660). En 1641, même si plusieurs des
dédicataires sont décédés, Gournay cherche à souligner le lien qu’elle a noué
avec eux en conservant dans le recueil l’essentiel de ses épigrammes où, avec
« simplicité d’artifice & des louanges modestes », elle parle entre autres de
ses « amis & amies » (Advis, p. 936). La sociabilité qui se donne ainsi à voir,
à travers l’adresse de ses « petits Poëmes » à ceux qu’elle a « creu se plaire
aux dons des Muses ou qui ont porté [s]a main sur la plume par occasions »
(Advis, p. 937), est fondée sur des affinités qui sont somme toute peu liées à
la condition de ses destinataires :
J’ay sçeu que quelqu’un s’estonne, pourquoy j’en dedie aucuns à certaines personnes de
condition peu relevée : neantmoins tant s’en faut que la consideration des qualitez me
touche pour ce regard : que j’y mesle tant plus librement par estime ou par recognoissance, les Petits, qui meriteroient d’estre Grands, que je n’y meslerois les Grands qui
meritent d’estre Petits. (Advis, p. 937)
Cette façon de présenter ses rapports aux dédicataires les met sous le signe d’une communauté d’intérêts qui, en reléguant au second plan la prééminence sociale, fait écho aux résonances égalitaristes que l’on peut sentir
dans quelques traités, comme Égalité des hommes et des femmes, bien sûr,
mais aussi dans De la neantise des communes vaillances, de même que dans
Que l’integrité suit la vraye suffisance, où elle suggère une certaine dissociation entre les mérites individuels et la condition sociale (par exemple, Advis,
p. 265–8).
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Une lecture attentive des dédicaces fait ressortir des indications ponctuelles qui, par recoupement et déduction, nous permettent de saisir la nature
des contacts de Gournay avec ces femmes et, indirectement, la nature des milieux qu’elle fréquentait. Plusieurs références laissent entendre que Gournay
a été reçue dans divers cercles sociaux et qu’elle circulait dans des lieux de
sociabilité plus étendus que ceux auxquels on l’associe habituellement. D’où
les allusions indiquant un certain degré de familiarité avec sa dédicataire. À
Mlle de Senneterre, que nous avons déjà évoquée, elle adresse ainsi un petit
poème qui, tout en soulignant la fréquentation de son salon, laisse entrevoir
l’intimité de leurs rapports : « Que te puisses-tu perdre en la presse espanduë, / Qui t’ombrageant par tout m’empesche de te voir ; / Et que ta Gournay
seule ait le gentil pouvoir, / De te faire crier quand tu seras perduë » (Advis, p.
945). De la même façon, offrir la Deffence de la Poesie à Marie de Bruneau,
dame des Loges, constitue la preuve d’un lien à la fois personnel et intellectuel, puisque, dans cette préface, Gournay formule l’espoir que, face aux
gens qui s’en prennent habituellement à ses écrits, sa dédicataire réserve à
son texte un bon accueil en sa chambre, comme elle le ferait de l’auteure ellemême : « Que si des gens le rembarrent [le traité] d’une trop rude guerre [...],
que comme vous daigneriez [...] donner favorablement place dans votre lict
à sa Mere, vous la donnerez à luy soubs le chevet, pour le cacher & le sauver
de leurs mains » (Advis, p. 390). Ailleurs, sur un ton qui dénote également la
familiarité (« Nous sçavons toutes deux & parler & nous taire », rappelle-telle à Mme de Ragny (Advis, p. 919)), Gournay s’adresse à ses dédicataires
de manière à recréer l’impression d’un échange, épistolaire ou autre. Ainsi ce
commentaire adressé à Mlle Roland est-il formulé, sur le mode de la conversation, comme la réponse à une question antérieure : « Tu demandes, Roland,
quelle trouppe jolie, / Va deffrayer mon Livre [...] » (Advis, p. 968). On retrouve également, par l’évocation d’objets, des indications sur la fréquentation de certains lieux, notamment l’hôtel de Mme de Liancourt, à propos d’un
tableau qui s’y trouve, comme l’indique le titre de l’épigramme « Sur une
image de Sainct Georges, où la Pucelle fuit. Du Cabinet de Madame de Liencourt [...] » (Advis, p. 959). Voilà autant d’indices que Gournay avait tissé
des liens avec ces Parisiennes de naissance ou d’adoption. À l’exception de
Mme de Liancourt, Gournay les a d’ailleurs certainement toutes rencontrées
dans la capitale. Selon ce que laissent entendre les Advis, cinq d’entre elles
ont une expérience de la plume : des Loges, Ragny, Rolland, Senneterre et
l’énigmatique Sophrosine. Les rapports de Gournay avec quelques-unes de
ces femmes trouvent leur origine dans la fréquentation des Balagny, famille
en vue dont les liens avec Gournay remontent probablement à sa jeunesse en
Picardie, où ils étaient voisins des Gournay. En effet, Jean de Montluc, sei-
Jean-Philippe Beaulieu et Hannah Fournier / « Les interests du sexe » /53
gneur de Balagny, qui a épousé en secondes noces Diane d’Estrées, sœur de
Gabrielle, a recueilli chez lui un frère et une sœur de Gournay après la mort
de leur mère. Cette sœur, Marthe, a par ailleurs épousé Pierre de la Salle, un
membre de la famille Balagny. À la mort de ceux-ci, Gournay elle-même est
devenue la tutrice de deux de ses neveux21.
Des femmes cultivées comme Jeanne de Schomberg, marquise de Liancourt, et Antoinette de Pons, marquise de Guercheville, demoiselle d’honneur de Marie de Médicis, jouissaient à la cour de la faveur des Grands. En
mesure d’apprécier les qualités littéraires de Gournay22, elles ont pu faire des
représentations en sa faveur auprès de courtisans influents. De ce point de
vue, une autre des dédicataires, Claire-Clémence de Maillé-Brézé, duchesse
d’Enghien et parente de Richelieu, était également bien placée pour lui assurer une protection.
Dans la genèse et le développement des liens de Gournay avec d’autres
femmes, il convient par ailleurs de souligner le rôle joué par certains cercles
cultivés, tout particulièrement ceux de certaines grandes figures d’aristocrates humanistes du tournant du XVIe siècle, comme Marguerite de Valois ou
Catherine de Clermont, maréchale de Retz. Marjorie Ilsley et Éliane Viennot
font référence au travail de bibliothécaire que Gournay a effectué pour la
princesse23. Ilsley, en particulier, suppose la participation de Gournay au cercle de Marguerite, cercle dont Damien de Montluc, le fils de Jean de Montluc, était un habitué et où elle a pu côtoyer Vincent de Paul, Bertaut et Du
Perron24.
S’il n’y a guère de témoignage direct de la fréquentation par Gournay
du salon de la maréchale de Retz, certains indices laissent toutefois croire
que, à un moment ou à un autre, elle a vraisemblablement côtoyé cette femme
réputée pour ses qualités intellectuelles et qui accueillait un grand nombre
de personnalités littéraires de l’époque, tels Nicolas Rapin et Brantôme. En
effet, dans sa jeunesse, Gournay a eu des contacts avec Du Perron et Bertaut, qu’elle cite ou commente dans ses Advis25, qui ont tous deux fréquenté
le salon de Mme de Retz, tout comme Françoise Babou d’Estrées, liée aux
Balagny, qui aurait pu présenter Gournay aux habituées du salon. Un autre
lien avec le salon de Retz pourrait être Catherine de Cypierre, marquise de
Ragny26, dont Gournay dit qu’elles ont toutes deux feuilleté « la Muse & son
mystere » (Advis, p. 919). Dans le plus long des poèmes qu’elle lui dédie,
l’auteure des Advis évoque leur lien avec les Nevers (Advis, p. 920) ; or, il
est notoire que Mme de Retz, Marguerite de Valois et la duchesse de Nevers
entretenaient d’étroits rapports d’amitié27. Le maréchal de Bassompierre,
autre habitué du lieu, est le dédicataire de la traduction du quatrième livre de
l’Énéide par Gournay. Tout en soulignant le fait que Gournay, par l’intermé-
54/ Renaissance and Reformation / Renaissance et Réforme
diaire des Balagny, a vraisemblablement connu ces gens au sein de réseaux
de sociabilité dont le point d’intersection est le salon de Mme de Retz, ces
observations, pour fragmentaires qu’elles soient, indiquent à quel point il est
difficile, pour des figures n’occupant pas l’avant-plan de la scène culturelle,
de reconstituer les liens sociaux complexes qui rayonnent manifestement
par-delà les lieux les mieux connus.
Nous possédons davantage de renseignements sur les liens de Gournay
avec Marie de Bruneau des Loges, une protestante cultivée28, dont le salon
accueillait dans les années 1620 un groupe très diversifié de protestants et
de catholiques, souvent notoires, tels Conrart, Turenne, Malherbe, Balzac et
Vaugelas29. Gournay a fréquenté ce salon qui, selon Marjorie Ilsley30, est
évoqué dans le passage suivant qui figure au début du premier traité de la
Deffence de Poesie : « Je sors d’une maison où j’ay veu jetter au vent les venerables cendres de Ronsard & des Poëtes ses contemporains, autant qu’une
impudence d’ignorans le peut faire, brossans en leurs fantaisies comme le
sanglier eschauffé dans une forest » (Advis, p. 391). Il est fort probable que
cette pointe contre les réformistes malherbiens défavorables à la Pléiade renvoie à l’hôtel de Mme des Loges. Ce qui n’empêche pas Gournay de souligner
par ailleurs l’opinion très favorable qu’elle avait des qualités personnelles
et intellectuelles de Mme des Loges, notamment sa « genereuse moderation
& [son] affabilité », qui s’étendent « jusques aux dons des Muses » (Advis,
p. 390). Gournay a vraisemblablement fréquenté l’hôtel de Mme des Loges
jusqu’en 1629, moment où cette dernière a dû quitter Paris en raison de problèmes d’ordre personnel et politique. La foi protestante de Mme des Loges,
les activités militaires de son fils à l’étranger et ses liens avec le parti de Gaston d’Orléans lui ont valu l’antipathie de Richelieu, qui a fini par interdire les
rencontres qui se tenaient chez elle31.
Une autre des dédicataires de Gournay, Catherine de Sainte-Maure,
comtesse de Brassac32, réputée pour sa connaissance du latin, de la théologie
et des mathématiques, était liée au salon de Mme de Rambouillet, par sa fille
Julie d’Angennes et par son frère, qui était l’un des plus fidèles habitués de
la « chambre bleue »33. Pour autant que nous le sachions, Gournay n’a pas
fréquenté ce très célèbre hôtel, mais elle a néanmoins cultivé des relations
avec des gens qui, eux, le fréquentaient.
Plusieurs de ces observations nous engagent à réfléchir au fonctionnement des salons comme lieux de sociabilité. Comme nous le signalions précédemment, bon nombre de travaux sur les cercles des XVIe et XVIIe siècles
les considèrent comme des associations caractérisées par une forme d’appartenance officielle incluant certaines personnes et en excluant d’autres. Sans
mettre en cause le caractère sélectif et régulier de telles rencontres34, il nous
Jean-Philippe Beaulieu et Hannah Fournier / « Les interests du sexe » /55
semble intéressant de les envisager comme un mode de socialisation dont les
frontières relativement perméables nous laissent croire qu’ils accueillaient
occasionnellement des gens dont les chroniqueurs ne prennent pas nécessairement toujours la peine de relever la présence35. C’est probablement le
cas de Gournay qui, si l’on se fie à des documents contemporains et aux
indices que l’on peut relever dans ses écrits, a côtoyé nombre de personnes
qui fréquentaient divers salons. De ce point de vue, les indications que l’on
retrouve chez les chroniqueurs n’offrent qu’un tableau partiel d’un ensemble
de réseaux de sociabilité qui débordent les lieux de rencontre les mieux documentés. Ce que nous savons des salons réputés reste incomplet quant à la
présence des femmes qui ont dû les fréquenter, reléguées dans l’ombre des
hommes les plus notoires. D’ailleurs, les chroniqueurs tendent à ne souligner,
chez les femmes qui tiennent salon, que leur rôle d’animatrice mondaine,
sans égard à leur propre participation aux discussions. Souvent confinée à un
rôle de muse ou d’égérie, la femme semble ainsi confinée à la fonction de catalyseur de l’érudition ou de l’activité littéraire masculines36. Pour cette raison, la lecture que l’on a souvent faite des sources historiographiques ne nous
fournit qu’un tableau partiel et partial des activités mondaines et intellectuelles des femmes, surtout celles qui, comme Gournay, ne correspondaient pas
étroitement à l’image que l’on se faisait de la place du sexe féminin dans la
société37. D’où la nécessité de compléter cette documentation par un autre
type de lecture attentif à tous les indices, qui nous permettent d’entrevoir les
liens de Gournay avec un certain nombre de femmes, sans toutefois révéler
entièrement la nature de ces liens. Les matériels préfaciel et dédicatoire, de
même que la poésie de circonstance, qui figurent dans les Advis constituent
donc le point de rencontre le plus tangible entre les aspirations de l’auteure
et la nécessité d’assurer à son texte un ancrage extérieur, sous une forme
ou une autre de « marrainage ». En d’autres termes, il s’y exprime un des
enjeux essentiels de l’écriture dans le contexte de cette période d’émergence
de l’écrivain au sens moderne38 : l’inscription sociale du texte qui, dans le
cas de Gournay, renvoie manifestement à une communauté d’intérêts intellectuels avec diverses figures de son époque, en particulier celles appartenant
comme elle au « sexe ».
Évitant la topique de la « chambre à soi » comme lieu privilégié de
l’écriture féminine39, Gournay refuse la dissociation entre lieu de l’écriture
et lieu de la sociabilité qui semble courante pour les femmes de la première
moitié du XVIIe siècle, comme c’est le cas de Charlotte d’Auchy, hôtesse
d’une célèbre académie, qui, pour affirmer ses ambitions intellectuelles, a
jugé nécessaire de faire publier sous son nom un texte savant, les Homilies
sur l’Epistre aux Hebreux (1634), tout à fait extérieur non seulement aux
56/ Renaissance and Reformation / Renaissance et Réforme
pratiques sociales de « l’honneste femme », mais aussi à son rôle d’animatrice de salon40. Gournay a effectué un tout autre choix : mettre son statut
auctorial au premier plan et faire de ses textes non seulement des preuves de
sa participation à certains cercles de son époque, mais aussi des vecteurs de
sociabilité et d’interaction intellectuelle. Du monde complexe de la sociabilité, où les apparences sont parfois trompeuses et où les faveurs se monnaient,
Gournay donne à voir, dans et par ses textes, la coïncidence des activités
sociales et intellectuelles, témoignage qu’elle nous laisse de sa présence dans
une société dont elle a fustigé la superficialité mondaine, en particulier la
« grimace de cour » (Advis, p. 993), tout en l’affrontant avec cette franchise
soumise aux « loix de l’équité » qu’on lui a parfois reprochée et qui donne à
ses textes leur couleur particulière.
Université de Montréal / University of Waterloo
Notes
1. Linda Timmermans, L’Accès des femmes à la culture (1598–1715). Un débat d’idées
de saint François de Sales à la marquise de Lambert (Paris : Honoré Champion, 1993),
p. 52.
2. Parmi les illustrations récentes de cette conception, on peut compter Verena von der
Heyden-Rynsch, Salons européens. Les beaux moments d’une culture féminine disparue,
trad. de l’allemand par G. Lambrichs (Paris : Gallimard, 1992), p. 14–15.
3. Timmermans, op. cit., p. 68.
4. Voir notamment Elyane Dezon-Jones, Marie de Gournay. Fragments d’un discours féminin (Paris : José Corti, 1988).
5. Nous renvoyons à l’édition de 1641 des Advis (Paris : Jean Du Bray) que reproduit notre
édition (Marie de Gournay, Les Advis, ou, les Presens de la Demoiselle de Gournay, éd.
Jean-Philippe Beaulieu et Hannah Fournier, 2 vols. [Amsterdam: Rodopi, 1997 et 2002]),
de même que celle établie sous la direction de Jean-Claude Arnould (Marie de Gournay,
Œuvres complètes [Paris : Champion, 2002], 2 tomes). Pour simplifier les renvois, nous
utilisons les indications de pages de l’original, qui figurent dans l’une et l’autre des éditions modernes.
6. Gédéon Tallemant des Réaux, « Mademoiselle de Gournay », Historiettes, éd. Antoine
Adam, « Bibliothèque de la Pléiade » I (Paris : Gallimard, 1960), p. 379–80 et 382–4.
7. On peut penser, entre autres, à Giovanni Dotoli qui, dans l’article « Montaigne et les libertins via Mlle de Gournay » (dans Montaigne et Marie de Gournay, Actes du Colloque
de Duke réunis et présentés par Marcel Tetel [Paris : Honoré Champion], 1997, p. 106),
veut donner à voir une Gournay « bien différente de celle de la tradition ».
8. Hilarion de Coste, Les Eloges et les vies des Reynes, des princesses et des dames illustres,
tome II (Paris : Sébastien et Gabriel Cramoisy, 1647), p. 669.
9. Michel de Marolles, Mémoires, vol. I (Amsterdam, 1755), p. 111.
10. Hilarion de Coste, op. cit., p. 669–70.
Jean-Philippe Beaulieu et Hannah Fournier / « Les interests du sexe » /57
11. Jacquette Guillaume, Les Dames illustres (Paris : Thomas Jolly, 1665), p. 292. Rappelons
toutefois que J. Lipse est revenu sur ce jugement dans une lettre du 27 décembre 1601
adressée à Moretus (Epistolarum selectarum [Anvers : J. Moretus, 1602]).
12. Pour un commentaire des témoignages favorables à Gournay, voir Giovanna Devincenzo,
Marie de Gournay. Un cas littéraire (Fasano, Paris : Schena, Presses de l’Université de
Paris - Sorbonne, 2002), 2002, p. 124–38.
13. Pour un survol des habitués de ces divers salons, voir L. Clark Keating, Studies on the
Literary Salon in France 1550–1615 (Cambridge [Mass.] : Harvard University Press,
1941), particulièrement p. 125–38, de même qu’Émile Fage, Portraits du vieux temps
(Paris : Paul Oldendorff, 1891), p. 10.
14. Peut-être même, à l’occasion, dans sa propre demeure, où, selon Tallemant (op. cit.,
p. 380 et p. 383–4), elle a accueilli Boisrobert et Racan et où, aux dires de Marolles (op.
cit., vol. III, p. 289), se réunissaient des gens qui ont participé à la fondation de l’Académie française. Voir Michèle Fogel, Marie de Gournay. Itinéraires d’une femme savante
(Paris : Fayard, 2004), p. 279–283.
15. Tallemant, op. cit., p. 380.
16. Par anecdotes, nous entendons les références ponctuelles de Gournay à ce qu’elle a vu
ou entendu dans certains lieux non précisés. Sans nous offrir une documentation précise,
ces allusions, qui proposent parfois une satire de certaines pratiques mondaines (surtout
lorsqu’elle sont associées à la médisance ; voir par exemple le début de la p. 514), confirment la circulation sociale de Gournay et sa présence dans les endroits où se discutaient
certaines questions. Citons, à titre d’exemple, ce passage du traité Des sottes finesses :
« Je souhaitterois avoir mesme grace à les railler [les sottes finesses] qu’un Seigneur qui
reside pourtant en ce climat, & dont le discours en lieu où j’estois, me mit l’autre jour en
volonté d’escrire ce Traicté : c’est monsieur de la Rocheguyon […] » (Advis, p. 370).
17. À ce propos, Anna Lia Franchetti note l’approche assez peu courtisane de Gournay face à
ses destinataires de condition sociale élevée (L’Ombre discourante de Marie de Gournay
[Paris : Honoré Champion, 2006], p. 23).
18. Au sujet de la fonction des dédicaces dans les traductions, voir Jean-Philippe Beaulieu,
« À la charnière de la traduction et du “discours de raison” : l’épître dédicatoire chez
Marie de Gournay », in Rhétorique épistolaire sous l’Ancien Régime, sous la direction de
Claude La Charité (Québec : Presses de l’Université Laval, à paraître).
19. À ce sujet, voir Jean-Philippe Beaulieu et Hannah Fournier, « Le discours politique de
Marie de Gournay », EMF : Studies in Early Modern France, vol. III, sous la direction
de David Lee Rubin (Charlottesville [Virginie] : Rockwood Press, 1997), p. 75.
20. Le rapport à Montaigne constitue une question abondamment traitée ces dernières années
(voir à ce sujet les deux ouvrages collectifs parus chez Champion : Marie de Gournay
et l’édition de 1595 des Essais de Montaigne (1996) et Montaigne et Marie de Gournay
(1997)). Sans vouloir réduire l’importance de l’influence de l’auteur des Essais, nous
croyons toutefois qu’il ne s’agit pas du principal horizon de l’œuvre de Gournay.
21. Apologie pour celle qui escrit fournit certains renseignements au sujet des liens entre les
Gournay et les Balagny (Advis, p. 618 et 620).
22. Madame de Schomberg est, comme on le sait, l’auteure de deux règlements qui ont été
publiés de façon posthume (Jeanne de Schomberg, Règlement donné par une Dame de
58/ Renaissance and Reformation / Renaissance et Réforme
haute qualité à M*** sa petite-fille, éd. Colette Winn [Paris : Honoré Champion, 1997]).
Mme de Guercheville, pour sa part, est la dédicataire de De la medisance, l’un des longs
traités de Gournay (voir Fogel, op. cit., p. 217–22).
23. Marjorie Henry Ilsley, A Daughter of the Renaissance : Marie le Jars de Gournay, her
Life and Works (La Haye : Mouton, 1963), p. 100 et Éliane Viennot, Marguerite de Valois. Histoire d’une femme, histoire d’un mythe, Paris, Payot, 1993, p. 219. Michèle Fogel
(op. cit., p. 157–62) explique les raisons pour lesquelles les liens de Gournay avec Marguerite ont été passés sous silence.
24. Ilsley, op. cit., p. 98–100.
25. Du Perron est même le dédicataire de sa traduction de deux livres de l’Énéide (voir Advis,
p. 773–4).
26. Épouse de François de la Magdelaine, marquis de Ragny, Catherine de Cypierre bénéficiait de pensions de Marie de Médicis (Le Tombeau de Madame de Ragny [Paris, Jean
Libert, 1619], p. 7). Gournay lui consacre deux poèmes (p. 919–20 et p. 957) et rédige
l’un de ses tombeaux à la mémoire de sa fille Madeleine (p. 971–2). Voir Michèle Fogel,
op. cit., p. 208.
27. Viennot, op. cit., p. 59. Selon Fogel (op. cit., p. 226) qui s’appuie sur Marolles, Catherine
de Gonzague-Nevers, duchesse de Longueville, et Anne de Montafié, comtesse de Soissons, auraient accueilli Gournay chez elles, sans pourtant se mériter une dédicace.
28. Selon Guez de Balzac (Fage, op. cit., p. 38), Mme des Loges s’est livrée à des activités
d’écriture.
29. Ilsley, op. cit., p. 134–5.
30. Ibid., p. 135.
31. À ce sujet, voir Fage, op. cit., p. 55–7.
32. Notre auteure lui a dédié sa Scène de sainct Joseph, traduction d’un passage de Danielis
Heinsii Herodes Infanticida (1632).
33. Tallemant des Réaux, op. cit., II, p. 185.
34. Joan DeJean, « Rooms of their own: Literary salons in seventeenth-century France », The
Cambridge History of Literary Criticism, vol. 3: The Renaissance, sous la direction de
Glyn P. Norton (Cambridge : Cambridge University Press, 1989), p. 379.
35. Dans « The Salon Woman Goes Public… or Does She? » (Going Public: Women and
Publishing in Early Modern France, sous la direction de Elizabeth Goldsmith et Dena
Goodman [Ithaca : Cornell University Press, 1995], p. 179–87), Erica Harth fait le point
sur la délicate question des frontières entre sphères publique et privée dans le contexte
des activités salonnières du XVIIe siècle.
36. Timmermans, op. cit., p. 178.
37. Jean-Philippe Beaulieu, « Marie de Gournay ou l’occultation d’une figure auctoriale »,
Renaissance and Reformation / Renaissance et Réforme, 24.2 (2000), p. 23–34.
38. À ce sujet, on consultera Alain Viala, Naissance de l’écrivain. Sociologie de la littérature
à l’âge classique (Paris : Éditions de Minuit, 1985), en particulier p. 29–39, sur les femmes et les salons.
39. À l’exception de ce qu’elle dit, dans Copie de la Vie de la Damoiselle de Gournay (Advis,
p. 992–3), au sujet de l’étude du latin à laquelle elle s’est livrée en cachette, on ne trouve
Jean-Philippe Beaulieu et Hannah Fournier / « Les interests du sexe » /59
guère chez Gournay la thématique du secret et de la dissimulation associée à l’écriture
féminine, qui se manifeste notamment dans les Angoysses douloureuses (1538) d’Hélisenne de Crenne.
40. Il plane un doute quant à l’authenticité de ces Homilies, que l’on a attribuées au jésuite Pierre Maucourt. Que l’ouvrage soit d’elle ou non, le fait qu’elle en revendique la
maternité (par l’obtention d’un privilège et de l’approbation ecclésiastique) constitue la
preuve d’un désir de participer à un domaine dont les femmes sont le plus généralement
exclues.

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