Le lien entre le cas datif et les proprits syntactico-smantiques
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Le lien entre le cas datif et les proprits syntactico-smantiques
La corrélation entre l’opposition adjectif ergatif / adjectif inergatif et le cas datif en français et en italien. Fayssal Tayalati Université de Lille 3, UMR 8163, France Bien que les adjectifs d’un côté, et le cas datif marquant le complément des verbes de l’autre, ont longuement intéressé les linguistes s’occupant du français, comme en témoigne l’importante littérature sur les deux sujets (François 2005 ; Goes 1999 ; Herslund 1988 ; Leclère 1978 ; Léger 2006 ; Melis 1996a, 1996b ; Noailly 1999 ; Riegel 1985 ; Van Peteghem 2006, entre autres), il est important de noter que « les adjectifs à complément au datif » représentés dans (1) et (2), que nous opposons aux « adjectifs non datifs » de (3), n’ont pas joui en français de la même attention : (1) (2) (3) a. b. a. b. a. b. Paul est sympathique à Marie. Paul lui est sympathique (*à elle). Cette situation est bénéfique à Marie. Cette situation lui est bénéfique (*à elle). Paul est sensible / insensible à Marie. Paul (*lui) est sensible / insensible à elle. Le contraste relevé ci-dessus n’est pas spécifique au français. Les adjectifs italiens de (4-5) et ceux de (6) par exemple exhibent le même contraste puisque, même s’ils entrent dans des structures syntaxiques parallèles, leurs compléments prépositionnels en a SN (‘à SN’) ne sont pas marqués par le même cas comme en témoigne les pronominalisations respectives de (4b5b) et (6b). Les compléments des premiers sont marqués par le cas datif, et s’opposent par cette propriété morpho-syntaxique aux adjectifs non datifs de (6) : (4) (5) (6) a. b. a. b. a. b. Paolo è simpatico a Maria. Paolo le è simpatico (*a lei). Questa situazione è benefica a Maria. Questa situazione le è benefica (*a lei). Paolo è sensibile / insensibile a Maria. Paolo (*le) è sensibile / insensibile a lei. L’objet de notre communication est d’expliquer le contraste relevé en français et en italien dans le cadre d’une hypothèse générale qui rend compte du marquage casuel datif, ou à l’inverse non datif, des compléments des adjectifs français et italiens. Nous montrerons que le cas datif est attribué dans les deux langues dans une configuration syntaxique et thématique définie : il est assigné au second complément interne de l’adjectif, titulaire d’un rôle thématique hiérarchiquement plus élevé que le premier argument interne. Notre hypothèse rend compte d’un grand nombre de faits ayant trait aux différentes structures datives existant dans les deux langues (adjectifs trivalents, bivalents) et explique pourquoi les adjectifs français et italiens de (3) et (6) ne peuvent pas régir un complément marqué par le cas datif. L’hypothèse que nous formulons apporte des confirmations directes à celles formulées séparément par Van Pethegem (2006) pour les verbes datifs français, et Cinque (1987, 1990) pour les adjectifs italiens. En effet, les faits syntaxiques et sémantiques étudiés montrent que le cas datif marquant le complément des adjectifs français et italiens est attribué selon les raisons avancées dans Van Peteghem (2006) pour expliquer le marquage casuel datif des compléments des verbes français. De plus, ce type de marquage casuel semble être étroitement lié à l’ergativité des prédicats. D’un côté, des adjectifs italiens bivalents pour 1 lesquels la distinction entre adjectifs ergatifs et inergatifs a été prouvée (Cinque 1987, 1990), seuls ceux qui sont ergatifs marquent par le cas datif leur complément prépositionnel a SN (‘à SN’). De l’autre, les faits syntaxiques que nous discuterons (ex. l’extraction d’un élément interne au syntagme sujet postposé à l’adjectif, la reprise par en d’un syntagme prépositionnel interne au syntagme sujet, le placement du pronom clitique datif dans les constructions causatives avec rendre) montrent que les adjectifs bivalents français sont concernés par l’opposition ergatif / inergatif –rendant de ce fait légitime l’hypothèse de Cinque formulée initialement pour l’italien– et que ceux qui prennent un complément au datif sont ergatifs. Le cas datif dans les deux langues semble donc étroitement lié à l’opposition ergatif / inergatif. Bibliographie CINQUE, G. (1987) « Two classes of Intransitive Adjectives in Italian ». In Grewendorf G. & W. Sternefeld (eds) Structure and Scrambling. Amsterdam : Benjamins, 261-294. _ (1990) « Ergative Adjectives and the Lexicalist Hypothesis », Natural Language and Linguistic Theory 8-1: 1-39. FRANÇOIS, J. (dir.) (2005) L’adjectif en français et à travers les langues. Caen : Presses universitaires de Caen. GOES, J. (1999) L’adjectif, entre nom et verbe. Bruxelles / Paris : Duculot. HERSLUND, M. (1988) Le datif en français. Louvain / Paris : Peeters. LECLÈRE, C. (1978) « Sur une classe de verbes datifs », Langue française 39 : 66-75. LEGER, C. (2006) La complémentation phrastique des adjectifs en français. Thèse de doctorat, Université du Québec à Montréal. MELIS, L. (1996a) « The Dative in Modern French ». In Van Belle, W. & W. Van Langendonck (eds) The Dative and its Counterparts. Descriptive Studies. Vol. 1. Amsterdam : Benjamins, 39-72. _ (1996b) « From Form to Interpretation : Building up the ‘Dative’-Roles ». In Van Belle, W. & W. Van Langendonck (eds) Theoritical and Contrastive Studies. Vol. 2. Amsterdam : Benjamins, 261-291. NOAILLY, M. (1999) L’adjectif en français. Paris : Ophrys. RIEGEL, M. (1985) L’adjectif attribut. Paris : P.U.F. VAN PETEGHEM, M. (2006) « Le datif en français : un cas structural », Journal of French Languages Studies 16 : 93-110. 2