chapitre 1

Transcription

chapitre 1
Les choix en astrophotographie (1)
par Alain Kohler
Introduction
Il s’agit dans ces 6 modestes chapitres d’aider l’astronome amateur à faire le choix optimum en fonction de
différents paramètres, tels que la distance focale, le diamètre de l’objectif, du type de films, etc... Comme
d’habitude, il n’y a pas un choix qui est le meilleur de tous. Par contre, il convient d’éviter certains « pièges ». Le
choix d’un paramètre influence plus qu’on ne le croit habituellement certains résultats ou exploitations
photographiques. Les choix sont interdépendants : dans ce sens, ces articles conviendraient à une publication de
type hypertexte. J’ai essayé dans ces différents articles de dégager les points essentiels. Il a fallu parfois aller
dans certains détails qui peuvent être assez longs mais qui restent toutefois nécessaires si l’on veut être
suffisamment exhaustif et précis.
Après ces 6 chapitres, l’auteur traitera des techniques astrophotographiques. Une bonne partie du terrain aura
cependant été défriché.
Les choix :
1)
2)
3)
4)
5)
6)
La distance focale de l’objectif
Le diamètre de cet objectif
La nature de cet objectif : miroir ou lentille ou combinaison des deux
Le rapport f/d de cet objectif : cette grandeur est une combinaison des deux premières
Le système de suivi
Les films et les chips
Remarques : les 3 premiers choix concernent les caractéristiques géométriques des objectifs qui sont considérées
dans une première approche comme indépendantes de la nature de ces objectifs. On ne fera donc pas de
différence entre miroir et lentille pour les 3 premiers points, sauf mention explicite contraire.
En particulier, il est plus simple « graphiquement » de faire des constructions géométriques avec des lentilles,
mais ce qui est dit pour des lentilles restent valables pour des miroirs.
1. Choix de la distance focale f en fonction du champ désiré
Le choix de la distance focale f va influencer :
• Le champ photographique et donc les types d’objets à photographier
• L’échantillonnage (cf films et chips )
• Le système de suivi
• Le rapport f/d avec ses conséquences
1.a Quelques rappels sur la distance focale
Soit un faisceau de rayons parallèles arrivant sur un objectif : ils vont converger vers un point qu'on appelle le
foyer F de l'objectif
Objectif
Plan focal
F
axe optique
distance focale f
L'axe optique est l'axe perpendiculaire à l'objectif et le traversant par son milieu.
La distance, comptée le long de l'axe optique, entre l'objectif et le foyer F est appelé distance focale et on la note
par f.
Le plan focal est le plan perpendiculaire à l'axe optique et qui passe par le foyer.
Rappelons comment se forme une image donnée par une Plan
lentille. Un objet est situé à une distance p de l’objectif. objet
A
Le sommet de cet objet, le point A émet des rayons
lumineux dans tous les sens dont 3 nous intéressent : le
Objet
premier, parallèle à l’axe optique, passe par la lentille
O
puis est réfractée au foyer, le deuxième, qui passe par le
centre de la lentille n’est pas dévié et le troisième, qui
passe d’abord par le 1er foyer, est réfracté parallèlement
à l’axe. Ces trois rayons ont une intersection commune :
le point A’, image du point A. On remarque par ailleurs
que l’image obtenue, à une distance p’ de l’objectif, est à l’envers.
P
p’
F
Plan
image
O'
F
Image
A'
f
Imaginons maintenant un objet considéré comme ponctuel situé sur l’axe optique à une distance p de l’objectif.
Cet objet lumineux émet des rayons lumineux dans toutes les directions. Les rayons lumineux qui arrivent sur cet
objectif forment un faisceau divergent. Eloignons alors cet objet de l’objectif. On peut se rendre compte que plus
l’objet est loin, moins le faisceau est divergent sur l’objectif. Dans le cas limite où l’objet est à l’infini sur l’axe
optique, on imagine aisément que les rayons arrivent parallèlement sur l’axe optique et vont ensuite converger au
foyer. Le foyer est donc le point image d’un objet à l’infini placé sur l’axe optique.
Corollairement l'image d'un objet à l'infini se trouve dans le plan focal : c'est donc l'endroit où il faut placer le
film photographique pour avoir une image nette en astronomie.
Mais qu’entendre par distance infinie puisque l’objet astronomique est à une distance finie de nous ? Un
objet à une distance finie p a son image à une distance p’ plus grande que la distance focale f. Pour nous, il suffit
de voir quelle est la condition sur p, pour que la différence entre p’ et f soit minime.
On montre que p ≈ f2 / (p’ – f)
(approximation valable pour p’ – f très petit)
Considérons comme exemple un télescope ayant 1 mètre de distance focale f. Fixons-nous une distance p’ – f de
l’ordre de 0,1 mm ce qui correspond habituellement à une tolérance admissible pour une bonne focalisation. La
formule nous donne alors p = 10 km.
Autrement dit, tous les objets entre 10 km et l’infini ont une image à moins de 0,1 mm du foyer !! Donc, il n’y
aura pas de différence notable sur la netteté de l’image si on laisse le plan du film au foyer.
Une application intéressante est la focalisation de l’instrument réalisée en plein jour sur un objet du
paysage. Dans le cas précédent, si l’on trouve un objet terrestre à plus de 10 km, faire la mise au point sur cet
objet ne nécessitera pas de mise au point supplémentaire en soirée. En théorie du moins !! En pratique, il est
difficile de faire une bonne mise au point sur un objet de jour. Ce sont les étoiles (ou une lampe) qui conviennent
le mieux à la focalisation. Toutefois, cette technique peut être appliquée à la photographie du Soleil (et de ses
éclipses !!) ou de Lune (dans ce cas là, pour les débuts de soirée où les étoiles ne sont encore pas assez
brillantes). Dans d’autres cas, cette technique peut permettre au besoin (cf flat CCD) une première mise au point
grossière qu’on affinera en soirée.
Voici une tabelle des distances p à choisir comme distances minimales de mise au point en fonction de la
tolérance p’ – f et de la distance focale f . On verra plus loin une formule ad’hoc « optimale ».
p’ – f // f
0,05 mm
0,1 mm
0,2 mm
0,5
1 mm
50 mm
50 m
25 m
12 m
5m
2,5 m
300 mm
1800 m
900 m
450 m
180 m
90 m
1m
20 km
10 km
5 km
2 km
1 km
2m
80 km
40 km
20 km
8 km
4 km
4m
320 km
160 km
80 km
32 km
16 km
10 m
2'000 km
1'000 km
500 km
200 km
100 km
Par exemple, avec un télescope de 10 m de focale et une tolérance de 1 mm, il faudrait pointer un objet terrestre à
100 km. On oublie !!
1. b Le champ photographique
En photographie, la connaissance de la distance focale donne directement le champ du ciel qu'on obtient sur le
plan du film. La construction géométrique ci-dessous se comprend par le fait que les rayons lumineux passant par
le centre de l'objectif ne sont pas déviés.
Objectif
film de
longueur L
α
α
vers l’objet
foyer
distance focale f
Le champ α (habituellement en degrés) est donné par la formule suivante :
α = 2 arctg ( L / 2 f)
où
L = largeur ou longueur du film
f = distance focale de l'objectif
f et L sont à exprimer dans les mêmes unités
Autrement dit, le champ photographique est d'autant plus grand que le négatif est grand et que la distance
focale est petite.
Cette formule est valable pour des distances focales supérieures à la plus grande dimension du film. Autrement,
le champ se déforme passablement puisqu'il faut aplatir sur un plan une portion de voûte céleste.
En photographie classique, on travaille essentiellement avec le format standard (dit petit format) 24 x 36 mm,
c'est-à-dire que la longueur du négatif est de 36 mm et sa largeur est de 24 mm. Il existe le moyen format
(6 x 6 cm) ou le grand format (plaques de 9 x 12 cm ou même plus).
Comme le négatif dans le format standard n'est pas carré, il convient de mentionner le champ du ciel
photographié sous la forme α x β , où α est la dimension angulaire selon la longueur et β est la dimension
angulaire selon la largeur.
Nous donnons ci-après une tabelle de valeurs, y compris la diagonale, pour différentes focales et pour le format
photographique standard. Un degré = 60 ' (minutes d'arc).
En photographie CCD, le chip de réception est plus petit que le format 24 x 36 mm. Un des standards en astronomie d'amateur est le KAF400 (par exemple sur les HISIS22 ou les ST7) dont les dimensions sont 4,6 x 6,9
mm, donc chaque dimension est 5,2 fois plus petite qu'un négatif !! Cela implique que le champ obtenu est
également 5,2 fois plus petit : c'est d'ailleurs un problème important en CCD, les champs sont souvent très petits
et cela limite sérieusement la photographie à grand champ (à moins de faire de la composition d'images, mais
cela peut s'avérer assez fastidieux). Autrement dit, un objectif de 50 mm placé sur la CCD correspond en terme
de champ à un téléobjectif de 260 mm pour le format négatif standard.
Comme le champ en CCD est plus petit, on peut utiliser des réducteurs de focale, comme une réduction de 1,6 x,
de 2 x ou de 3 x (maximum !!)
La formule du champ peut se simplifier pour des angles α inférieures à 10° de la manière suivante :
α =
57,3 L
f
le résultat est en degrés
f = distance focale
L = largeur ou longueur du film ou chip
f et L sont à exprimer dans la même unité
Multiplier le résultat par 60 pour obtenir le champ en minutes d’arc.
L'erreur commise en utilisant cette formule est typiquement de 1 % pour des angles voisins de 1 degré mais elle
est d'autant plus faible que l'angle est petit.
Tabelles des champs en fonction de la focale et du format
Champ en degrés et minutes d'arc pour le format 24 x 36 mm
Description de l'objectif en fonction de sa focale Focale
Objectif fish-eye
Objectif à très grand champ
Objectif grand champ
Objectif standard
Objectif standard : le standard !
Objectif standard
Petit téléobjectif
Téléobjectif standard
Grand téléobjectif
Très grand téléobjectif
Télescope type C90
Télescope SC de 20 cm avec réducteur 1,6 x
Télescope SC de 28 cm avec réducteur 1,6 x
Télescope SC de 20 cm sans réducteur
Télescope SC de 40 cm avec réducteur 1,6 x
Télescope SC de 28 cm sans réducteur
Télescope SC de 40 cm sans réducteur
Diagonale
< 10 mm
20 mm
28 mm
35 mm
50 mm
80 mm
135 mm
200 mm
300 mm
500 mm
1'000 mm
1'280 mm
1'780 mm
2'030 mm
2'560 mm
2'800 mm
4'060 mm
presque
180 °
100°
78°
64°
47°
30°
18°
12°20'
8°10'
5°
2°30'
1°56'
83'
73'
58'
53'
36'
Angle
selon
longueur
Angle
selon
largeur
80°
64°
53°
39°
25°
15°
10°20'
6°50'
4°15'
2°06'
1°37'
69'
61'
48'
44'
30'
60°
45°
37°
26°
17°
10°
6°50'
4°30'
2°45'
1°22'
1°04'
46'
41'
32'
29'
20'
Remarque : les télescopes mentionnés sont des Schmidt-Cassegrains qu'on peut utiliser en configuration standard
ou à l'aide d'une pièce optique, appelée réducteur, qui diminue la distance focale. On se méfiera quelque peu de
la focale donnée chez les SC car elle peut changer de quelques pour cents selon les rallonges photographiques
utilisées.
Champ en degrés et minutes d'arc pour le format CCD 4,6 x 6,9 mm
Description de l'objectif en fonction de sa
focale
Focale
Objectif standard
Petit téléobjectif
Grand téléobjectif
Télescope SC de 20 cm avec réd 3 x
Télescope SC de 20 cm avec réd 2 x
Télescope SC de 20 cm avec réd 1,6 x
Ou télescope SC de 40 cm avec réd 3 x
Télescope SC de 20 cm sans réducteur
Ou télescope SC de 40 cm avec réd. 2 x
Télescope SC de 40 cm avec réd 1,6 x
Télescope SC de 40 cm sans réducteur
50 mm
135 mm
300 mm
670 mm
1'015 mm
1’300mm
Diagonale
9,5°
3,52°
95'
43'
28’
22'
Angle
selon
longueur
7,9°
2,93°
79'
36'
24’
18'
Angle
selon
largeur
5,3°
1,95°
53'
24'
16’
12'
2'030 mm
14'
11,7'
7,8'
2'560 mm
4'060 mm
11,2'
7'
9,3'
5,8'
6,2'
3,9'
Quelques applications pratiques
1) On veut photographier avec un film standard 24 x 36 mm la comète Hyakutake dont la longueur est de 30°.
Solution « maximale » : en regardant dans la 1ère tabelle, on voit qu’on pourrait juste caser la comète sur la
diagonale du négatif au foyer d’un objectif de 80 mm de focale.
Solution « optimale » : la diagonale d’un objectif de 50 mm est de 47°, la hauteur de 39°, la largeur de 26°. Cela
évite un cadrage trop « serré »
Solution « minimale » : un objectif de 28 mm, la comète ne remplissant même pas la moitié de la hauteur (on
pourrait diminuer encore la focale à condition d’avoir un paysage).
2) On veut photographier une éclipse de Lune, celle-ci ayant un diamètre apparent de 32’.
Solution « maximale » : un télescope de 2,56 m de focale donne un champ en largeur juste de 32’.
Solution « optimale » : il faut carrément diviser par deux la focale maximale pour avoir une Lune bien
« entourée2 de son ciel, soit donc une focale de 1,3 m (par exemple un SC de 20 cm avec un réducteur de 1,6 x).
Solution « minimale » : si on peut cadrer avec un paysage, un téléobjectif de 300 mm peut donner encore des
résultats très satisfaisants.
On retiendra, qu’en absence de paysage d’avant plan, la solution optimale correspond à une focale
pratiquement deux fois inférieure à la focale maximale, cela afin de donner une « dimension cosmique » à
l’objet photographié.
1.c L’équipement focal de base de l’amateur
On pourra toujours discuter d’un équipement focal de base et apporter des nuances, toutefois mon expérience
personnelle permet de dire qu’on fait déjà bien des choses avec les focales suivantes :
Focale de 50 mm (objectif photo) pour : les champs stellaires, une partie de la Voie Lactée, beaucoup
de constellations, comètes genre Hyakutake, étoiles filantes, circumpolaire, traînées d’étoiles, éclipse de
Soleil avec paysage, conjonction planétaire avec paysage.
b) Focale de 300 mm (téléobjectif) pour : comètes genre Hale-Bopp, champs stellaires dans la Voie
Lactée, amas ouverts (les Pléiades et le double amas de Persée par exemple), galaxie d’Andromède,
quelques nébuleuses (comme celle d’Orion ou l’Hélice), éclipse de Soleil, éclipse de Lune avec
paysage.
c) Focale de 1 à 1,5 m (par exemple SC de 20 cm avec réducteur) : la plupart des objets Messiers (mise à
part les galaxies faibles et/ou petites et bien des nébuleuses planétaires), la Lune, éclipses de Soleil et de
Lune, tête de comète forte ou comète assez forte.
a)
d)
L’adjonction éventuelle (et coûteuse) d’une CCD standard permet avec le télescope utilisé de réduire
encore fortement le champ et de photographier beaucoup de galaxies et de nébuleuses planétaires.
Ces 3 focales impliquent l’achat ou la possession d’un appareil photo réflexe muni de ses 2 objectifs de 50 et
300 mm et d’un télescope motorisé au moins sur un axe.
La photographie des planètes ou des détails sur la Lune ou le Soleil demande des focales beaucoup plus grandes
car les planètes ont des diamètres apparents très petits, inférieurs à la minute d’arc. Il est toutefois possible
d’utiliser un télescope standard et d’augmenter la focale par un dispositif approprié discuté dans les techniques
astrophotographiques : la projection oculaire.