Le marché du lait en ébullition . Source International Herald Tribune

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Le marché du lait en ébullition . Source International Herald Tribune
20-09-2007
Le prix du lait atteint des niveaux records dans le monde entier. Car la production n'a pas suivi l'augmentation fulgurante
de la demande, notamment dans les pays émergents comme la Chine.
Après avoir mis de l'argent de côté pendant des années, Geoff Irwin a finalement pu racheter l'exploitation familiale en
2003. Depuis, ses parents ont pris leur retraite et Irwin, 45 ans, gère l'élevage de 300 vaches laitières. Il travaille dur,
avec des journées de douze heures, mais ses efforts semblent avoir payé. Au bout de quatre années seulement, sa
propriété vaut plus du double de son prix d'achat.
La valeur des exploitations laitières en Nouvelle-Zélande s'envole, tout comme les revenus des éleveurs, grâce à un boom
du lait dans le monde. "Ça fait vraiment du bien, se félicite Irwin. J'ai l'impression que nous allons enfin gagner l'argent
que nous méritons."
Dopés par la conjugaison de plusieurs facteurs (changement climatique, politiques commerciales et concurrence des
producteurs de biocarburant pour le fourrage), les prix mondiaux du lait ont doublé en l'espace de deux ans. Dans
certaines régions des Etats-Unis, le lait coûte plus cher que l'essence, et l'on signale des vols de vaches dans des
fermes du Wisconsin.
Mais le principal motif de cette hausse est le même que pour les matières premières traditionnelles comme le minerai
de fer et le cuivre : une économie mondiale florissante. De la Chine à l'Amérique latine en passant par l'Inde et le MoyenOrient, des millions de personnes sortent de la pauvreté et viennent gonfler les rangs des classes moyennes. Et, tout
comme les voitures rutilantes ou les téléviseurs à écran plat, le lait est un signe extérieur de nouvelle richesse, une
source importante de protéines, obligatoire dans le régime alimentaire de toute personne aisée qui se respecte.
Rien que pour satisfaire cette demande, selon Alex Duncan, un économiste de Fonterra, la principale coopérative
laitière en Nouvelle-Zélande et le premier exportateur mondial de produits laitiers, il faudra chaque année accroître l'offre
d'une quantité équivalant à la production annuelle de son pays. C'est énorme. D'après le Centre de recherches de
l'International Farm Comparison Network (IFCN) dont le siège est en Allemagne [l'IFCN est un réseau international
regroupant des instituts de recherche sur le lait et des compagnies laitières], la Nouvelle-Zélande est l'un des plus gros
producteurs mondiaux de lait et le premier exportateur de produits laitiers. Certains économistes doutent que les vaches
du monde entier se montrent à la hauteur de la tâche, et ils craignent que la pénurie de lait constatée dans certaines
régions ne fasse tache d'huile. D'autres estiment en revanche qu'il est possible d'en produire dans de nombreuses
nouvelles régions si le prix est suffisamment attrayant. Et tous s'accordent pour prévoir que ce prix devrait rester élevé,
voire grimper encore.
Ce qui ne fait pas l'affaire des acheteurs. Pizzerias et glaciers augmentent leurs prix. Chez Starbucks aussi, les boissons
coûtent plus cher. Et le relèvement de ses tarifs n'a pas empêché le fabricant américain de confiseries Hershey
d'enregistrer une chute de 96 % de ses bénéfices au deuxième trimestre 2007. Le lait pèse également sur les résultats
de Cadbury Schweppes et du pôle fromages de Kraft Foods [ Danone a pour sa part annoncé à la fin juillet une hausse de
2,5 % du prix de ses produits laitiers en France].
Ce qui distingue le lait d'autres matières premières dont la demande explose, c'est qu'à la différence du pétrole, par
exemple, on ne peut pas le mettre en baril et le stocker : il tourne. Même sous forme de poudre, la version la plus
négociable, il a une date de péremption. Résultat, à peine 7 % de la production mondiale traversent les frontières. Le
reste est consommé sur les marchés intérieurs, qui sont tout autant protégés par la géographie que par les droits de
douane ou les subventions.
Les gros acheteurs comme les fabricants de chocolat et les hypermarchés s'approvisionnent via des contrats à long
terme, ce qui leur permet de lisser les fluctuations de prix. Aussi la pénurie mondiale se fait-elle sentir différemment
selon les pays, et tous les consommateurs ne sont pas logés à la même enseigne. Mais, en raison du caractère local du
marché, il y a très peu de réserves. Par le passé, le monde pouvait toujours compter sur les Etats-Unis et l'Europe pour
combler les déficits en exportant une partie de leurs stocks subventionnés de fromages, de beurre et de lait en poudre.
Mais les Américains ont réduit leurs montagnes de beurre et autres produits laitiers. Il en est de même pour l'Union
européenne, où la baisse des subventions, entamée en 1993, aboutira à leur disparition à la fin de l'année. "Les entrepôts
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sont désormais vides", résume Torsten Hemme, le responsable du centre de recherches de l'IFCN.
L'Australie, grand pays exportateur, est touchée depuis quelques années pas la sécheresse, qui a porté un coup dur à
sa production en privant d'herbe les vaches laitières. Selon de nombreux Australiens, cette mauvaise météo, loin d'être
un problème temporaire, est en réalité liée au réchauffement de la planète, et la filière laitière ne sera plus jamais ce
qu'elle a été.
Parallèlement, la demande croissante de biocarburants tire vers le haut les prix du maïs et d'autres céréales, que les
agriculteurs américains, européens, canadiens et japonais utilisent pour nourrir leurs vaches. L'alourdissement du coût
de l'alimentation animale contribue ainsi à faire grimper un peu plus le prix du lait. La production augmente dans les pays
émergents comme la Chine, mais la demande y croît encore plus vite. Le Chinois moyen consomme maintenant plus de
25 litres de lait par an, contre 9 litres en 2000, selon l'IFCN. En conséquence, si ce pays est devenu l'un des premiers
producteurs, il est aussi l'un des premiers importateurs.
La consommation des Chinois a presque triplé en sept ans
La flambée des prix n'a pas que des bons côtés pour les producteurs, y compris en Nouvelle-Zélande. Dans ce pays,
leurs revenus devraient encore grimper de 24 % cette année, ce qui fera entrer 76 000 dollars supplémentaires [55 500
euros] dans la poche de l'éleveur moyen. Mais la hausse des exportations, du prix des terres et des revenus agricoles
ont relancé l'inflation, ce qui a poussé la Banque centrale à porter son taux directeur à 8,25 % en août. En conséquence,
la monnaie nationale n'a jamais été aussi forte face au dollar américain depuis vingt-deux ans. Et, à mesure que le dollar
néo-zélandais s'apprécie, les recettes d'exportation converties en monnaie locale baissent. Le boom des exportations a
également créé une pénurie de main-d'œuvre qui alourdit les charges salariales des éleveurs. Et le pays peine à accroître
sa production pour profiter de l'augmentation de la demande. Les éleveurs d'ovins, par exemple, tentent de se convertir à
la production laitière, mais le délai d'attente pour se faire livrer des installations de traite est de deux ans. Quant à la
hausse du prix des terres, elle renchérit l'achat de nouveaux pâturages.
Seuls des pays comme la Chine et l'Argentine, estiment les spécialistes, pourront à l'avenir satisfaire la demande
croissante, les prix élevés les encourageant à investir pour améliorer les rendements. Certains considèrent les EtatsUnis comme une autre source majeure d'approvisionnement supplémentaire. Comme les cours internationaux du lait
sont désormais supérieurs aux prix subventionnés dans ce pays, les producteurs ont davantage intérêt à en exporter.
Selon Torsten Hemme, les Etats du Middle West et l'Europe pourraient accroître leur production, mais cela prendrait un
an ou deux et nécessiterait l'utilisation de quantités plus importantes de maïs et d'autres céréales toujours plus chers.
C'est pourquoi, même si l'offre suit la demande, les prix resteront de toute façon élevés. "Même en cas de repli des
prix, il ne faut pas espérer les voir revenir aux niveaux antérieurs", prévient Hayley Moynihan, un analyste spécialisé
dans la filière à la Rabobank, en Nouvelle-Zélande.
Risques sociaux
La hausse du prix des importations de blé, de maïs ou de lait est porteuse de "tensions sociales qui pourraient conduire à
des troubles, voire à des problèmes politiques", prévient Jacques Diouf, directeur général de l'Organisation des Nations
unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), dans le Financial Times. L'alimentation ne représente que 10 à 20 % du
budget des consommateurs dans les pays industrialisés, mais ce chiffre monte à 65 % dans les pays en développement,
souligne M. Diouf, qui déplore le rôle inflationniste de la consommation de plantes fourragères par l'industrie des
biocarburants.
Grogne
Plusieurs gouvernements ont pris des mesures pour limiter leurs exportations de produits laitiers, dans l'espoir d'entraver
la hausse des prix sur leur marché national. L'Argentine a ainsi imposé des taxes à l'exportation, tandis que l'Inde
interdisait carrément les exportations de lait en poudre. Des enquêtes sur d'éventuelles ententes illégales sur les prix
ont par ailleurs été lancées par les autorités en Afrique du Sud pour le lait et aux Etats-Unis pour le fromage. En
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Allemagne, l'augmentation de 50 % du prix du beurre début août a provoqué une vive polémique. En France, ce
produit s'est renchéri de 40 % depuis le début de l'année.
Wayne Arnold
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