LA PEUR - Domaine d`O
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LA PEUR - Domaine d`O
FESTIVAL D’HIVER 2014/2015 LA PEUR DOSSIER PEDAGOGIQUE Jeudi 13 novembre à 20h Vendredi 14 novembre à 15h Théâtre d’O / Salle Paul Puaux Rencontre publique à l’issue de la représentation jeudi 13 novembre Lecture-spectacle créée par la compagnie U-Structurenouvelle Spectacle labellisé Mission du Centenaire 1914-1918 Durée 55’ A partir de 13 ans Interprète : Stefan Delon Batterie et percussions : Michel Blanc D’après le roman de Gabriel Chevallier, La Peur, publié en 1931. 1 NOTE D’INTENTION Ce dossier pédagogique est décliné en deux parties complémentaires. La première partie est une approche non exhaustive du roman de Gabriel Chevallier, La Peur, à partir duquel le spectacle a été créé. Les pistes proposées permettent à l’enseignant de construire des séquences qui lui soient personnelles ou d’apporter quelques informations supplémentaires dans le cadre de recherches (TPE, exposés…) La seconde partie met en lumière le lien entre spectacle vivant et site patrimonial : le domaine d’O offre au spectateur-visiteur un parcours singulier qui le conduit de l’ancienne métairie du XVIIe siècle au lieu artistique dédié au spectacle vivant du XXIe siècle. Le bâtiment et les jardins, conçus par Charles-Gabriel Le Blanc en 1722, reflètent sa volonté de transformer et d’aménager un site agricole en lieu de divertissement ; cette « folie » matérialise à la fois la richesse du propriétaire, son appartenance aux usages d’une classe bourgeoise, et son inscription dans la modernité du XVIIIe siècle. Il nous semble enrichissant pour les élèves de « faire parler » le lieu d’accueil autant que les artistes, de présenter l’écrin au sein duquel le spectacle se livre, pour tâcher de les sensibiliser à la nécessité de l’espace théâtral comme lieu privilégié et partagé, lieu de divertissement décliné au passé, au présent et au futur qui accueille les patrimoines que constituent les textes, les musiques, les arts graphiques et visuels… Le domaine d’O représente plus qu’un lieu de spectacle vivant : son parc et ses jardins appartiennent au domaine public, et leur libre accès s’inscrit dans la politique culturelle de l’équipe du domaine d’O, dont une des missions est de valoriser ce patrimoine architectural et naturel d’exception. I / L E S P E C T A C L E : LA PEUR FOCUS SUR L’ŒUVRE La peur, c’est celle des soldats de part et d’autre du front, pendant la Grande Guerre. C’est celle de Gabriel Chevallier, qui fait le récit de sa terrible expérience à travers la figure de son personnage, le soldat Dartemont. Le roman, interdit à la vente en 1939, est un pamphlet contre l’absurdité de la guerre. Pour raconter l’horreur, l’écrivain utilise le seul outil possible : l’ironie. Dans une langue simple et directe, très moderne, il appelle à la rébellion. BIOGRAPHIE DE GABRIEL CHEVALLIER Fils d'un clerc de notaire lyonnais Gabriel Chevallier fait des études classiques puis il entre aux Beaux-Arts de Lyon. Mobilisé dès 1914, il est blessé un an plus tard. Une fois rétabli, il retourne au front, où il restera comme simple soldat jusqu’à la fin du conflit. Rendu à la vie civile à la fin de l’année 1919, il exerce divers métiers, retoucheur de photographie, voyageur de commerce, journaliste, dessinateur, affichiste, professeur de dessin… À partir de 1925, il se lance dans l’écriture romanesque en utilisant ses propres expériences. Avec La Peur, il témoigne de l’horreur de la guerre. C’est encore sa propre vie qu’il exploite pour écrire Durand voyageur de commerce ou, en souvenir de sa détestable scolarité, Sainte-Colline. C’est avec Clochemerle, une chronique villageoise rabelaisienne éditée en 1934, qu’il connaît le succès. Traduit en vingt-six langues et vendu à plusieurs millions d’exemplaires, l’ouvrage assure à son auteur gloire et fortune. En 1966, Gabriel Chevallier écrit son autobiographie, L'envers de Clochemerle. Lorsqu’il meurt en 1969, Gabriel Chevallier laisse une œuvre abondante, dont Clochemerle reste le roman le plus connu. 2 EXTRAITS DE LA PEUR Incipit : « Le feu couvait déjà dans les bas-fonds de l’Europe, et la France insouciante, en toilettes claires, en chapeaux de paille et pantalons de flanelle, bouclait ses bagages pour partir en vacances. » A l’hôpital, les infirmières questionnent le soldat Dartemont : « Regardez donc. On vous demande ce que vous avez fait ! - Oui ? … Eh bien ! j’ai marché le jour et la nuit, sans savoir où j’allais. J’ai fait de l’exercice, passé des revues, creusé des tranchées, transporté des fils de fer, des sacs à terre, des veillées au créneau. J’ai eu faim sans avoir à manger, soif sans avoir à boire, sommeil sans pouvoir dormir, froid sans pouvoir me réchauffer, et des poux sans pouvoir toujours me gratter… Voilà ! - C’est tout ? - Oui, c’est tout… ou plutôt, non, ce n’est rien. Je vais vous dire la grande occupation de la guerre, la seule qui compte : J’AI EU PEUR. » […] J'en suis là... J'ai roulé au fond du gouffre de moi-même, au fond des oubliettes où se cache le plus secret de l'âme, et c'est un cloaque immonde, une ténèbres gluante. Voilà ce que j'étais sans le savoir, ce que je suis : un type qui a peur, une peur insurmontable, une peur à implorer, qui l'écrase... Il faudrait, pour que je sorte, qu'on me chasse avec des coups. Mais j'accepterais, je crois, de mourir ici pour qu'on ne m'oblige pas à monter les marches... J'ai peur au point de ne plus tenir à la vie. » Au front : « Les artilleries tonnent, écrasent, éventrent, terrifient. Tout rugit, jaillit et tangue. L’azur a disparu. Nous sommes au centre d’un remous monstrueux, des pans de ciel s’abattent et nous recouvrent de gravats, des comètes s’entrechoquent et s’émiettent avec des lueurs de courts-circuits. Nous sommes pris dans une fin du monde. La terre est un immeuble en flammes dont on a muré les issues. Nous allons rôtir dans cet incendie… Le corps geint, bave et se souille de honte. La pensée s’humilie, implore les puissances cruelles, les forces démoniaques. Le cerveau hagard tinte faiblement. Nous sommes des vers qui se tordent pour échapper à la bêche. Toutes les déchéances sont consommées, acceptées. Etre homme est le comble de l’horreur.» PISTES DE REFLEXION (PROPOSITIONS NON EXHAUSTIVES) 1. Histoire La Première Guerre Mondiale Les ressorts de la propagande Le front et l’arrière 2. Lettres Genres littéraires : le roman autobiographique, la figure du héros romanesque, réalisme et fiction, le roman historique (le point de vue), le témoignage Thématiques : la souffrance, le mensonge, la guerre, l’engagement, la peur 3. Philosophie Le devoir, la déchéance, la violence, la raison d’état, le pouvoir, la peur 4. Langues vivantes Etude d’extraits du roman de H. M. Remarque, Im Westen nichts Neues (1929, A l’ouest rien de nouveau) 3 EXTRAITS DE LA PREFACE SIGNEE PAR GABRIEL CHEVALLIER, POUR L’EDITION DE 1951 « Ce livre, tourné contre la guerre et publié pour la première fois en 1930, a connu la malchance de rencontrer une seconde guerre sur son chemin. En 1939, sa vente fut librement suspendue, par accord entre l'auteur et l'éditeur. Quand la guerre est là, ce n'est plus le moment d'avertir les gens qu'il s'agit d'une sinistre aventure aux conséquences imprévisibles. Il fallait le comprendre avant et agir en conséquence » […] « On enseignait dans ma jeunesse — lorsque nous étions au front — que la guerre était moralisatrice, purificatrice et rédemptrice. On a vu quels prolongements ont eu ces turlutaines : mercantis, trafiquants, marché noir, délations, trahisons, fusillades, tortures, tuberculose, typhus, terreur, sadisme et famine. De l'héroïsme, d'accord. Mais la petite, l'exceptionnelle proportion d'héroïsme ne rachète pas l'immensité du mal. D'ailleurs peu d'êtres sont taillés pour le véritable héroïsme. Ayons la loyauté d'en convenir, nous qui sommes revenus ».[…] « La grande nouveauté de ce livre, dont le titre était un défi, c'est qu'on y disait : j'ai peur. Dans les “livres de guerre” que j'avais pu lire, on faisait bien parfois mention de la peur, mais il s'agissait de celle des autres. L'auteur était un personnage flegmatique, si occupé à prendre des notes, qu'il faisait tranquillement risette aux obus ». […] « L'auteur du livre estima qu'il y aurait improbité à parler de la peur de ses camarades sans parler de la sienne. C'est pourquoi il décida de prendre la peur à son compte, d'abord à son compte. Quant à parler de la guerre sans parler de la peur, sans la mettre au premier plan, c'eût été de la fumisterie. On ne vit pas aux lieux où l'on peut être à tout instant dépecé à vif sans connaître une certaine appréhension ». […] « Le livre fut accueilli par des mouvements divers, et l'auteur ne fut pas toujours bien traité. Mais deux choses sont à noter. Des hommes qui l'avaient injurié devaient mal tourner dans la suite, leur vaillance s'étant trompée de camp. Et ce petit mot infamant, la peur, est apparu, depuis, sous des plumes fières. Quant aux combattants d'infanterie, ils avaient écrit : “Vrai ! Voilà ce que nous ressentions et ne savions pas exprimer”. Leur opinion comptait beaucoup ». 4 ETUDE COMPAREE DE DEUX INCIPIT Gabriel Chevallier, La Peur (1931) Chapitre I, l'affiche "Le feu couvait déjà dans les bas-fonds de l'Europe, et la France insouciante, en toilettes claires, en chapeaux de paille et pantalons de flanelle, bouclait ses valises pour partir en vacances. Le ciel était d'un bleu sans nuages, d'un bleu optimiste, terriblement chaud : on ne pouvait redouter qu'une sécheresse. Il ferait bon à la campagne ou à la mer. Les terrasses des cafés sentaient l'absinthe fraîche et les Tziganes y jouaient La Veuve joyeuse, qui faisait fureur. Les journaux étaient pleins des détails d'un grand procès qui occupait l'opinion ; il s'agissait de savoir si celle que certains appelaient la "Caillaux de sang" serait acquittée ou condamnée, si le tonnant Labori, son avocat, et le petit Borgia en jaquette, cramoisi et rageur, qui nous avait quelque temps gouvernés (sauvés, au dire de quelques-uns), son mari, l'emporteraient. On ne voyait pas plus loin. Les trains regorgeaient de voyageurs et les guichets des gares distribuaient des billets circulaires : deux mois de vacances en perspective pour les gens riches." [...] NB. Henriette Caillaux, épouse du ministre des Finances, assassina le directeur du Figaro, Gaston Calmette, qui portait atteinte à l'intégrité et à l'honnêteté de son mari. Raymond Radiguet, Le Diable au corps (1923) « Je vais encourir bien des reproches. Mais qu’y puis-je ? Est-ce ma faute si j’eus douze ans quelques mois avant la déclaration de la guerre ? Sans doute, les troubles qui me vinrent de cette période extraordinaire furent d’une sorte qu’on n’éprouve jamais à cet âge ; mais comme il n’existe rien d’assez fort pour nous vieillir malgré les apparences, c’est en enfant que je devais me conduire dans une aventure où déjà un homme eût éprouvé de l’embarras. Je ne suis pas le seul. Et mes camarades garderont de cette époque un souvenir qui n’est pas celui de leurs aînés. Que ceux-là déjà qui m’en veulent se représentent ce que fut la guerre pour tant de très jeunes gens : quatre ans de grandes vacances. » Quelques pistes de lecture Le suspense : - G. Chevallier : l'incipit place d'emblée le récit dans une atmosphère d'insouciance, « d'un bleu sans nuages ». Les « vacances » l'emportent sur « le feu » ; l'implicite stimule la curiosité du lecteur : la référence à la musique, qui relève de l'humour noir, le développement sur l'affaire Caillaux*, qui détourne l'attention. - R. Radiguet : l’incipit ne donne aucun renseignement sur le type de « trouble » ni sur « l’aventure » que va rapporter le narrateur. Or cette histoire s’inscrit sur fond de Grande Guerre, événement historique : « déclaration de guerre », « période extraordinaire » s'opposent aux « grandes vacances ». Des informations pour la suite du récit : - G. Chevallier et R. Radiguet : temporalité : inscription de l’histoire individuelle dans l’histoire universelle ; récit d’une expérience en partie autobiographique. Une construction par oppositions : - G. Chevallier : opposition entre les lieux où se manifeste la paix (cafés, plage...) et ceux, cachés, qui voient naître la guerre, les « bas-fonds de l'Europe ». Bien-être collectif qui occulte les signes avant-coureurs du conflit. - R. Radiguet : opposition entre le monde des adultes et celui des jeunes, entre le front et l’arrière. Conflit personnel qui occulte le conflit mondial vécu par les seuls adultes. 5 Pistes de travail (non exhaustives) 1. L’écran du quotidien : aveuglement ou protection - la place du narrateur : des récits autobiographiques ? les points de vue - la menace : étude des implicites à travers le vocabulaire (métaphores, exagérations, contrastes ...) - le ton : provocateur, humoristique (les 'vacances' versus la guerre) - le suspense : retarder l’entrée dans les récits ; aventure collective et aventure individuelle 2. Les différents enjeux - le premier mot : 'le feu'; 'je' - les temporalités : passé ou multiplicité des temps - le contexte : un traitement de l’actualité en rapport aux préoccupations individuelles des narrateurs (adolescent/adulte) - l’expression des sentiments ETUDE COMPAREE DE DEUX EXTRAITS : L’HOPITAL Gabriel Chevallier, La Peur (1931) Chapitre VI, l'hôpital [...] – "Ne croyez-vous pas, Dartemont, que ce sentiment de peur dont vous parliez hier a contribué à vous faire perdre tout idéal ? – Ce terme de peur vous a choquée. Il ne figure pas dans l'histoire de France – et n'y figurera pas. Pourtant, je suis sûr maintenant qu'il y aurait sa place, comme dans toutes les histoires. Il me semble que chez moi les convictions domineraient la peur, et non la peur les convictions. Je mourrais très bien, je crois, dans un mouvement de passion. Mais la peur n'est pas honteuse : elle est la répulsion de notre corps, devant ce pour quoi il n'est pas fait. Peu y échappent. Nous pouvons bien en parler puisque cette répulsion nous l'avons souvent surmontée, puisque nous avons réussi à la dissimuler à ceux qui étaient près de nous et qui comme nous l'éprouvaient. Je connais des hommes qui ont pu me croire brave naturellement, auxquels j'ai caché mon drame. Car notre souci, alors que notre corps était plaqué au sol comme une larve, que notre esprit en nous hurlait de détresse, était encore parfois d'affecter la bravoure, par une incompréhensible contradiction. Ce qui nous a tant épuisés, c'est justement cette lutte de notre esprit discipliné contre notre chair en révolte, notre chair étalée et geignante qu'il fallait rosser pour la remettre debout... Le courage conscient, Mademoiselle, commence à la peur. [...] – Alors, Dartemont, vous niez les héros ? – Le geste du héros est un paroxysme et nous n'en connaissons pas les causes. Au sommet de la peur, on voit des hommes devenir braves, d'une bravoure terrifiante parce qu'on la sait désespérée. Les héros purs sont aussi rares que les génies. Et si, pour obtenir un héros, il faut mettre en pièces dix mille hommes, passons-nous de héros. Car sachez que la mission à laquelle vous nous destinez, vous en seriez peut-être incapable. On ne peut répondre de sa tranquillité à mourir que devant la mort. Lorsque Mlle Bergniol est partie, Nègre, qui a suivi notre conversation, me donne son opinion : – Les tendres chéries! Il leur faut un héros dans leur lit, un héros authentique, bien barbouillé de sang, pour les faire gueuler de plaisir! " [...] Louis-Ferdinand Céline, Voyage au bout de la nuit (1932), Chapitre 6 « [ …] Après huit jours passés dans ce nouveau service, nous avions compris l’urgence d’avoir à changer de dégaine et grâce à Brandelore (dans le civil placier en dentelles), ces mêmes hommes apeurés et recherchant l’ombre, possédés par des souvenirs honteux d’abattoirs que nous étions en arrivant, se muèrent en une satanée bande de gaillards, tous résolus à la victoire et je vous le garantis armés d’abattage et de formidables propos. Un dru langage était devenu en effet le nôtre, et si salé que ces dames en rougissaient parfois, elles ne s’en plaignaient jamais cependant parce qu’il est bien entendu qu’un soldat est aussi brave qu’insouciant, et grossier plus souvent qu’à son tour, et que plus il est grossier et que plus il est brave. 6 Au début, tout en copiant Brandelore de notre mieux, nos petites allures patriotiques n’étaient pas encore tout à fait au point, pas très convaincantes. Il fallut une bonne semaine et même deux de répétitions intensives pour nous placer exactement dans le ton, le bon. Dès que notre médecin, professeur agrégé Bestombes, eut noté, ce savant, la brillante amélioration de nos qualités morales, il résolut, à titre d’encouragement, de nous autoriser quelques visites, à commencer par celles de nos parents. Certains soldats bien doués, à ce que j’avais entendu conter, éprouvaient quand ils se mêlaient aux combats, une sorte de griserie et même une vive volupté. Dès que pour ma part j’essayais d’imaginer une volupté de cet ordre bien spécial, je m’en rendais malade pendant huit jours au moins. Je me sentais si incapable de tuer quelqu’un, qu’il valait décidément mieux que j’y renonce et que j’en finisse tout de suite. Non que l’expérience m’eût manqué, on avait même fait tout pour me donner le goût, mais le don me faisait défaut. Il m’aurait fallu peut-être une plus lente initiation. Je résolus certain jour de faire part au professeur Bestombes des difficultés que j’éprouvais corps et âme à être aussi brave que je l’aurais voulu et que les circonstances, sublimes certes, l’exigeaient. Je redoutais un peu qu’il se prît à me considérer comme un effronté, un bavard impertinent… Mais point du tout. Au contraire ! Le Maître se déclara tout à fait heureux que dans cet accès de franchise je vienne m’ouvrir à lui du trouble d’âme que je ressentais. - Vous allez mieux, Bardamu, mon ami ! Vous allez mieux, tout simplement ! - Voici ce qu’il concluait. cette confidence que vous venez me faire absolument spontanément, je la considère, Bardamu, comme l’indice très encourageant d’une amélioration notable de votre état mental… […] » Quelques pistes de lecture La peur : les deux narrateurs revendiquent leur peur et affrontent l'incompréhension, voire l'hostilité de leur entourage. G. Chevallier utilise l'argumentation pour persuader ses interlocutrices, Céline n'essaie même pas de convaincre, il joue la comédie. Les deux auteurs traduisent pourtant la même révolte. La langue : le recours à l'ironie, voire au cynisme ; la mise en scène ; la provocation. Les points de vue omniscients : comment les auteurs anticipent les réactions de leur entourage. Pistes de travail (non exhaustives) 1. La confrontation entre le front et l’arrière - un lieu de spectacle : tribune ou scène de théâtre (rhéteur, acteurs, actions, ...) - les tons : moralisateur, comique (ironie, cynisme ...) - l’incompréhension des uns face à la provocation des autres 2. La remise en question des 'valeurs' - la peur - l’héroïsme et le sentiment patriotique - la mort : SUJETS DE REFLEXION En quoi l’association de la musique et du texte renforce-t-elle l’intensité du propos ? Le choix des percussions seules répond à une démarche, à un point de vue. Proposez des interprétations. A quels moments la musique intervient-elle dans le spectacle : est-elle illustrative ? redondante ? Musique : in ou musique off ? Justifiez les choix des créateurs Comment la lumière joue-elle le rôle d’un troisième « acteur » ? Quel(s) passage(s) vous ont marqué/e ? Décrivez et expliquez votre choix. La mise en scène d’un texte littéraire : comment dire/jouer le texte ? A la lecture du roman, commentez la pertinence des extraits choisis pour le spectacle. APRES LE SPECTACLE - Consulter le dossier du spectacle ci-joint 7 POUR ALLER PLUS LOIN (LISTES NON EXHAUSTIVES) Lectures Paroles de Poilus, Lettres et carnets du front 1914-1918, 2013 Louis-Ferdinand Céline, Voyage au bout de la nuit (1932) Jacques Tardi, Louis-Ferdinand Céline, Voyage au bout de la nuit (1998) Roger Martin du Gard, L'Été 1914 (1920-1937) Henri Barbusse, Le Feu (1916) H.M. Remarque, A l’ouest rien de nouveau (1929) Raymond Radiguet, Le Diable au corps (1923) Roland Dorgelès, Les croix de bois (1919) Sébastien Japrisot, Un long dimanche de fiançailles (1991) Philippe Claudel, Les âmes grises (2003) Pierre Lemaître, Au revoir là-haut (Prix Goncourt 2013) Films All Quiet on the Western Front (A l’ouest rien de nouveau), de Lewis Milestone, 1930 Johnny Got His Gun (Johnny s’en va-t-en guerre), de Dalton Trumbo, 1973 Un long dimanche de fiançailles, de Jean-Pierre Jeunet, 2004 Les âmes grises, de Yves Angelo, 2005 Joyeux Noël, de Christian Carion, 2005 A l’ouest rien de nouveau, de Lewis Milestone Un long dimanche de fiançailles, de Jean-Pierre Jeunet Jacques Tardi, Louis-Ferdinand Céline, Voyage au bout de la nuit 8 II / L E P A T R I M O I N E : L E P A R C D U D O M A I N E D ’O A LA RECHERCHE DU .... ... XVIIIEME SIECLE Plusieurs noms pour un site 1722 : Monsieur Charles-Gabriel Le Blanc, parisien d'origine et contrôleur général des gabelles* en Languedoc, acquiert la métairie* du XVIIe s de la famille Saporta, sur le site appelé Puech Villa. Il s’agit d’un ensemble de mas et des terres dépendantes - dont une oliveraie -, que Le Blanc va transformer en château. On appelle couramment « folie » ce type de belle maison de campagne. Le château de Puech Villa, d‘une architecture sobre, est entouré de terres cultivées irriguées par deux sources, deux puits et le ruisseau des Molières, collecteur d’eaux pluviales. • • Gabelle : impôt sur le sel Métairie : domaine agricole géré par un métayer ; les propriétaires délèguent au métayer l’exploitation et l’entretien du domaine, à charge pour eux d’en tirer des bénéfices. Dans la première partie du XVIIIe s., Le Blanc procède à de grands travaux, qui concernent tant les bâtiments que les terres environnantes, plantées principalement de vignes. La circulation de l'eau, essentielle aux cultures comme au jardin d''agrément, est au centre des premières préoccupations du nouveau maître des lieux, qui fait édifier un vaste réseau de canalisations et un grand bassin de rétention. Le projet est d'aménager un parc et un jardin d’agrément selon la mode de l'époque : arbres fruitiers, bosquets, bassins et fontaines, statues et bancs... Le nom actuel domaine d’O reflète l’importance revêtue par la présence de l’eau ; en effet, lorsque l’intendant Guignard de Saint-Priest acquiert le domaine en 1762, il fait aménager une prise d’eau sur l’aqueduc - conduisant l’eau au Peyrou - qui traverse sa propriété. Le domaine de Puech Villa devient le Château d’Eau. Au XIXe s., la graphie fait apparaître l’appellation château d’O (faute d’orthographe ou premier texto ?), ou château d’O. A l’origine, la folie de Puech Villa La métairie est en partie démolie et reconstruite selon la mode de l’époque, et ses accès réaménagés (pont, chemins, portail). Pour Claude-Gabriel Le Blanc, il s’agit d’afficher son train de vie luxueux, comme les autres riches Montpelliérains. Le bâtiment lui-même est modifié au fil des ans : façade, fronton, fenêtres à l’italienne, toitures, rénovations intérieures, communs…. Simultanément, un premier réseau hydraulique est construit depuis la source de l’Euze et le ruisseau des Molières, dont les eaux sont réunies dans un réservoir recouvert. L’eau est ensuite distribuée par des canalisations en poterie ou en plomb, et arrive dans un bassin situé devant la métairie. Une fontaine couverte est bâtie pour fermer le jardin. Charles-Gabriel Le Blanc fait alors planter l’oliveraie, le verger (abricotiers, poiriers, pêchers, pommiers), le potager (asperges, fraisiers, groseilliers), et le jardin d‘agrément (buis). Devant le bâtiment principal deux grands axes Nord-Sud et Ouest-Est se croisent. Ces deux allées perpendiculaires permettent l'accès au domaine et se ramifient en de nombreuses allées plus modestes, qui quadrillent l'espace aménagé. 9 1735 : Charles-Gabriel le Blanc acquiert la propriété des Jésuites, au sud, qu'il transforme en chais. C'est l'emplacement actuel du Théâtre d'O. L’achèvement de la restauration du château et l’extension du domaine lui permettent de réaménager le jardin et le parc : nouveau parterre face au château, plates-bandes et broderie de buis, bassin en pierre et deux fontaines à cascades, bosquets de mûriers et de noyers, cabinets de verdure avec bancs, allée de grenadiers, bassin décoré d’une coquille de marbre, grille encadrée par deux piliers surmontés de lions. Dans sa partie nord, le parc abrite des marronniers alternant avec des buis, des peupliers et se clôt par une haie de cyprès ; au sud, lauriers-tins et lauriers-cerise, carrés de luzerne, marronniers et buis. Des platanes ont remplacé les mûriers au XIXe s. Les essences actuelles ne correspondent pas nécessairement aux plantations d’origine, remplacées par des pins, des micocouliers et des troènes ; les cyprès et les platanes ne sont pas non plus les arbres plantés par Claude-Gabriel Le Blanc. LE JEU DE PISTE 1/ Sur l'ensemble du domaine : distinguez les jardins d'agrément, les bâtiments, les plantations et le parc (cf. plan). Repérez-vous par rapport aux axes Nord-Sud et Est-Ouest. 2/ Dans la partie sud du parc, retrouvez : - Sur l'axe Sud-Nord : • "l'allée de sortie en droite ligne de la façade du château", avec deux piliers surmontés de lions en pierre. Ils marquent l'entrée du domaine d'O côté ville • les fontaines, le bassin décoré d'une coquille • les "broderies" de buis ; les plates-bandes garnies de plantes décoratives • le puits • les marches de pierre qui conduisent à une allée plantée • les bosquets, qui forment des cabinets de verdure avec des bancs, de part et d'autre de l'axe SudNord • les statues dédiées à la musique : le faune Syrinx (la flûte), la joueuse de tambourin, la Muse, Bacchus • le grand bassin ; le grand banc • le mur d'enceinte qui clôture le parc et les jardins - Sur l'axe Est-Ouest : • le petit pont qui enjambe le ruisseau des Molières, une des ressources en eau du domaine ; les statues des Sphinges • les allées transversales • les oliveraies • le mur d'enceinte qui clôture le parc et les jardins Dossier réalisé par Marion Blanchaud, enseignante missionnée au Service Educatif « théâtre et patrimoine » du domaine d’O. 10