Code noir : Ordonnance légale et raciste

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Code noir : Ordonnance légale et raciste
Fiche Thématique
Discutons avec Madou ...
En quelques articles ...
Coode nooir :
Ordoonnancce légale et racciste
Parce que la leçon de mon enseignant
(voir la Fiche Thématique n°99.283)
sur Gorée et la Traite Négrière
m’avait beaucoup intéressé,
j’ai décidé de présenter
un exposé en classe
sur le Code Noir !
En quelques phrases ...
En mars 1685, sous le règne de Louis XIV, son ministre
Colbert promulgua une ordonnance, connue sous le nom
de “Code noir”. Elle avait pour objet de préciser la condition
des esclaves noirs au regard du droit dans les colonies
françaises d’Amérique et de l’Atlantique, les “îles à sucre”.
Cette ordonnance, qui était censée freiner les abus des maîtres à l'égard de leurs esclaves, n'eut pour effet que de codifier
l'esclavage des Noirs et la traite négrière. L'ordonnance, inspirée par le clergé et justifiée par les philosophes de l’époque,
donnait à chaque esclave un statut
intermédiaire entre celui d'un homme libre et un bien mobilier.
Elle le consacrait comme un “être
de Dieu” et reconnaissait à sa
famille une existence légale (l'esclave ne pouvait être marié contre
son gré et aucun membre de sa
famille ne pouvait être vendu séparément), mais ne lui accordait
pas la personnalité juridique. Il ne
pouvait ni posséder, ni non plus,
témoigner en justice.
Sur les 60 articles que le Code de 1685 contient, celui-ci commence par ceux
concernant la question religieuse. Les Noirs sont considérés comme des êtres
humains ayant une âme car il est possible de les évangéliser. Ainsi, les articles
2 à 14 sont relatifs à la pratique de la religion catholique : tous les esclaves
doivent être baptisés et adopter le catholicisme ; le sujet esclave se voit interdire,
comme les Blancs, de travailler dimanche et jours saints ; et le concubinage sous
toutes ses formes est puni. Au niveau religieux, le Noir est donc une personne
et pourtant on verra plus loin que l'on pouvait le vendre, l'acheter, le léguer, le
donner tel un objet.
Le Code noir prévoit également les tentatives de révolte (articles 15 à 17). Il est
interdit aux esclaves d'être armé ou de se regrouper. Ils n'ont pas le droit de
gagner de l'argent pour leur compte (articles 18 à 21).
Quelques articles énoncent les devoirs des maîtres envers leurs esclaves
(nourriture, vêtements, …) et les sanctions contre les maîtres qui ne satisfont
pas à ces règles. Sanctions qui consistent uniquement en quelques amendes.
Si ces sanctions existent, c’est plus dans un souci d'économie (ne pas tuer les
esclaves à la tâche trop vite) ou de sécurité (que les esclaves ne soient pas
tentés de voler, ou de vagabonder pour subvenir à ces besoins primaires). Il est
également écrit que les esclaves peuvent porter plainte contre un maître négligeant car ne lui donnant pas assez de nourriture ou lui faisant subir des
"traitements barbares et inhumains". Notons que presque aucun esclave ne s'est
jamais permis de le faire.
L'esclave ne peut rien posséder. Sa propre personne ne lui appartient pas, il est
donc logique que tout revienne au maître. Il n'a pas de valeur en tant que personne juridique. Même son témoignage est considéré comme insignifiant. Il ne
peut pas se représenter seul lors d'un jugement (s’il a lieu) le concernant.
Les punitions infligées aux esclaves lorsqu'ils commettent une faute sont disproportionnées. Ainsi, l'article 33 mentionne : "L'esclave qui aura frappé au visage
son maître, sa maîtresse ou le mari de sa maîtresse ou leurs enfants avec contusion ou effusion de sang, ou au visage, sera puni de mort."
L'article 35 puni de mort le vol de "chevaux, cavales, mulets, bœufs et vaches
qui auront été fait par les esclaves, ou par les affranchis". "Les vols de moutons,
chèvres, cochons, volailles, cannes à sucre, pois, mil, manioc ou autres légumes
produits par les esclaves, […] les condamnent à être battus de verges par l'exécuteur de la haute justice, et marqués d'une fleur de lys". La fuite d'un esclave
est très sévèrement punie (article 38).
Par les articles 44 à 54, on voit que l'esclavage n'est rien d’autre que la chosification
d'êtres humains. Ces articles concernent
l'héritage, le legs et font des esclaves des
biens : "Nous Déclarons les esclaves êtres
meubles, et, comme tels, entrent en la communauté” (article 44).
Reproduction de l’entête de la couverture de l’ordonnance de 1685
Si le Code prévoyait l'intervention des intendants contre les
excès des propriétaires d'esclaves (ce qui s’est très rarement
traduit dans les faits), il maintenait notamment la pratique des
mutilations pour les esclaves fugitifs repris : on coupait les
oreilles, puis le jarret et la troisième évasion pouvait aisément
être punie de mort.
Une seconde version du Code Noir fut promulguée par son
successeur Louis XV en 1724. Outre de nombreuses petites
modification, les articles 5, 7, 8, 18 et 25 du Code de 1665
ne furent pas repris dans cette version plus dure pour les
esclaves et les affranchis. De plus, l’opposition précédente
entre les hommes libres et les esclaves, est accompagnée,
désormais, d'une autre distinction ... entre Blancs et Noirs.
Cependant, malgré sa dureté, les maîtres jugèrent le Code
trop favorable aux esclaves. Il ne fut pas vraiment appliqué,
mais remplacé, au XVIIIème siècle, par un ensemble de dispositions, appelées parfois “Coutume des Antilles”.
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Il convient tout de même de préciser que les
affranchis existent. Cependant, ils restent
noirs et sont donc par définition inférieurs à
l'homme blanc : "Nous commandons aux
affranchis de porter un respect singulier à
leurs anciens maîtres, à leurs veuves et à
leurs enfants ; en sorte que l'injure qu'ils auront faite soit punie plus grièvement que si
elle était faite à une autre personne" (selon
l’article 58 du Code Noir de 1685).
Le Code noir est donc réactualisé, lors de l'acquisition de la Louisiane. Cette
nouvelle version, sous Louis XV cette fois-ci, est beaucoup plus dure pour les
esclaves mais également pour les affranchis.
Cette disposition conduit à s’interroger : le Roi Soleil est-il plus libéral que la
République en matière d’immigration ? La vérité est ailleurs : le nombre d’affranchis est encore, à la fin du XVIIème siècle, très marginal, et leur intégration ne pose
aucun problème. Mais avec la croissance de la population d’affranchis dans les
colonies, Louis XV durcira considérablement ces dispositions à leur égard en
réformant le "Code Noir" en 1724. Désormais, même libre, le Noir reste un sujet
de deuxième catégorie, auquel sont refusés de nombreux droits juridiques. Par
ailleurs, il devient à cette date plus difficile d’affranchir un esclave. En outre, la
notion de race et racisme, qui n’existe pas en tant que tel dans le "Code Noir"
de 1685, apparaît explicitement avec sa version suivante. Et c’est avec ce texte
que la France vivra jusqu’à la Révolution ... de 1848 !
Le Code noir s'arrête avec l'abolition de l'esclavage, en 1848. Il était l'émanation
d'une froide pensée et avait légalisé les traitements inhumains que l'on a fait
subir à des millions d'êtres humains parce que noirs.
Sources (et pour aller plus loin - voir aussi Sources de la F.T. n°99.283) :
“Au temps de la Traite de Noirs” de Dominique JOLY - Casterman - 2002
“Les enfants du négrier” de F.M. HENDRY (Trad. J. ODIN) - Milan - 2003
04.797

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