TA Cergy-pontoise 7 avril 2011 n°0806065, 5

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TA Cergy-pontoise 7 avril 2011 n°0806065, 5
TA Cergy-Pontoise 7 avril 2011 n° 0806065, 5e ch., UGC Ciné Cité Ile-de-France
Mmes Evgenas, Prés. - Stoltz-Valette, Rapp. - M. Chayvialle, R. public
Considérant que la société UGC Ciné Cité Ile-de-France, qui exerce son activité dans le domaine de l'exploitation de salles
cinématographiques, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2004 à l'issue
de laquelle le vérificateur a remis en cause le caractère déductible de la provision pour dépréciation d'un terrain constatée au titre de
l'exercice clos en 2002 et lui a notifié des redressements d'impôt sur les sociétés correspondants, suivant la procédure contradictoire de
l'article L 55 du LPF dont la requérante demande à être déchargée ;
Sur les conclusions à fin de décharge :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes des articles R 198-10, alinéa 2 du LPF : « En cas de rejet total ou partiel de la réclamation, la
décision doit être motivée », que l'article R 199-1 du même Livre dispose que : « L'action doit être introduite devant le tribunal compétent
dans le délai de deux mois à partir du jour de la réception de l'avis par lequel l'administration notifie au contribuable la décision prise sur la
réclamation (...) » ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que si le défaut de motivation de la décision par laquelle le directeur
statue sur la réclamation du redevable fait obstacle à ce que le délai de recours contentieux contre cette décision commence à courir, cette
circonstance n'est par elle-même d'aucun effet sur la régularité comme sur le bien-fondé de l'imposition ; que par suite, le moyen tiré du
défaut de motivation de la décision de rejet de la réclamation préalable doit être écarté comme inopérant ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 39 du CGI : « 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, cellesci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : (...) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges
nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les
écritures de l'exercice. (...) Les provisions pour pertes afférentes à des opérations en cours à la clôture d'un exercice ne sont déductibles des
résultats de cet exercice qu'à concurrence de la perte qui est égale à l'excédent du coût de revient des travaux exécutés à la clôture du même
exercice sur le prix de vente de ces travaux compte tenu des révisions contractuelles certaines à cette date. S'agissant des produits en stock à
la clôture d'un exercice, les dépenses non engagées à cette date en vue de leur commercialisation ultérieure ne peuvent, à la date de cette
clôture, être retenues pour l'évaluation de ces produits en application des dispositions du 3 de l'article 38, ni faire l'objet d'une provision pour
perte. (...) » ; qu'aux termes de l'article 38 sexies de l'annexe III au CGI : « La dépréciation des immobilisations qui ne se déprécient pas de
manière irréversible, notamment les terrains, les fonds de commerce, les titres de participation, donne lieu à la constitution de provisions
dans les conditions prévues au 5° du 1 de l'articles 39 du CGI. » ; qu'il résulte de ces dispositions qu'une entreprise peut valablement porter
en provisions et déduire des bénéfices imposables d'un exercice des sommes correspondant à des pertes ou charges qui ne seront supportées
qu'ultérieurement par elle, à la condition que ces pertes ou charges soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d'être
évaluées avec une approximation suffisante, qu'elles apparaissent comme probables eu égard aux circonstances constatées à la date de clôture
de l'exercice et qu'elles se rattachent aux opérations de toute nature déjà effectuées, à cette date, par l'entreprise ; qu'il appartient à celle-ci,
indépendamment des règles qui régissent la charge de la preuve pour des raisons de procédure de justifier, dans leur principe comme dans
leur montant, les écritures comptables par lesquelles elle constate une telle provision ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société UGC Ciné Cité Ile-de-France a acquis le 26 février 2001 huit parcelles formant un
ensemble indivisible d'une superficie de 51 079 m2 sises sur la commune de Corbeil-Essonnes (91) pour un montant de 1 937 079 € ;
qu'ayant renoncé à construire un complexe cinématographique sur les parcelles acquises, elle a comptabilisé à la clôture de l'exercice 2002
une provision d'un montant de 1 937 079 € correspondant à la dépréciation du terrain lui appartenant en raison d'un risque de pollution du
sous-sol ; qu'à l'occasion des opérations de contrôle, l'administration fiscale a remis en cause le caractère déductible de cette provision et l'a
réintégrée dans les résultats imposables de la société au motif qu'aucune dépréciation du terrain n'était justifiée ;
Considérant, d'une part, que pour justifier la provision litigieuse, la société UGC Ciné Cité Ile-de-France fait valoir que l'acte d'acquisition
indique qu'à la connaissance du vendeur le terrain ne contient dans son sous-sol aucune pollution, que dans le cadre d'une étude géotechnique
des sols réalisée en mai 2001, les techniciens ont verbalement attiré son attention sur la possibilité de pollution du sous-sol et sur
l'opportunité de réaliser une étude spécifique, que toutefois la réalisation d'une telle étude n'a pas été jugée utile compte tenu des déclarations
du vendeur, qu'ayant par la suite renoncé à son projet de construction d'un complexe cinématographique elle a signé une promesse unilatérale
de vente avec la SCI Epicure le 4 novembre 2002 pour une cession du terrain dont le montant a été fixé à 2,5 millions d'euros, que
conformément à ses obligations figurant dans ladite promesse elle a dû procéder à un diagnostic de pollution dès janvier 2003 et que le
cabinet ayant procédé à cette étude a mis en évidence la présence de polluant dans le sol ; que, toutefois, il résulte de l'acte de vente établi le
26 février 2001 que le vendeur déclare « que l'immeuble dont il s'agit n'a jamais supporté une exploitation soumise à déclaration ou à
autorisation dans le cadre des lois relatives aux installations classées pour la protection de l'environnement, qu'à sa connaissance le terrain ne
contient dans son sous-sol aucune pollution » ; qu'il résulte également de la promesse de vente établie le 4 novembre 2002 que « que les
documents d'urbanisme ne révèlent aucun projet ou servitude de nature à déprécier la valeur du bien, compte tenu de la destination prévue
par le bénéficiaire, que le promettant déclare qu'une étude de sol a été réalisée par le Bureau Sol Consultants le 8 février 2000 et que le
bénéficiaire après avoir pris connaissance de cette étude déclare faire son affaire personnelle de la situation, que le promettant déclare qu'à sa
connaissance le terrain objet de la présente vente ne révèle pas de pollution du sol, du sous-sol et des tréfonds, soit par des matières
radioactives soit par des produits chimiques soit par des métaux soit par des liquides et notamment des hydrocarbures et qu'il n'est frappé
d'aucune pollution susceptible de résulter notamment de l'exploitation actuelle ou passée d'une installation classée, qu'il n'a jamais été
déposé, enfoui ni utilisé sur le terrain des déchets ou substances quelconques telles que, par exemple, amiante, PCB ou PCT directement ou
dans des appareils d'installation pouvant entraîner des dangers ou inconvénients pour la santé et l'environnement » ; qu'il résulte également
des termes mêmes de la promesse de vente de ce terrain établie le 4 novembre 2002 que la vente est soumise à la condition suspensive de la
production par le promettant dans le délai de trois mois d'un rapport établi par un bureau d'études agréé confirmant l'absence de déchets et
qu'une procédure spécifique a été prévue pour régir les suites de la condition suspensive aux termes de laquelle le bénéficiaire peut renoncer
sans indemnité à la promesse de vente si le rapport révèle la présence de déchets sauf si le promettant prend en charge l'élimination des
déchets quatre mois avant la réalisation de la vente ; qu'il est également prévu que le bénéficiaire notifie au promettant une lettre
recommandée avec accusé de réception s'il renonce à la condition ; qu'en se bornant à faire état de conseils verbaux donnés par des
techniciens alors même que le rapport établi en 2000 ne fait état d'aucun risque de pollution, la société requérante n'apporte aucun élément de
nature à établir ses allégations quant à la réalisation ou non de cette condition suspensive ; que, dans ces conditions, la société UGC Ciné
Cité Ile-de-France ne démontre pas, en tout état de cause, que le risque de pollution du terrain ayant fait l'objet de la provision litigieuse
présentait un caractère suffisant de probabilité lors de l'inscription de la provision pour dépréciation en comptabilité au titre de l'exercice clos
en 2002 ;
Considérant, d'autre part, que pour justifier la provision litigieuse, la société UGC Ciné Cité Ile-de-France fait valoir que les prévisionnels
d'exploitation ont mis en évidence des surcoûts importants et une baisse des recettes escomptées en raison d'un renforcement de la
concurrence dans un proche secteur géographique, qu'ayant renoncé à son projet, elle a demandé le retrait du permis de construire le 23 août
2002, et que dès lors que le projet de construction du complexe cinématographique était abandonné, la valeur d'usage de cet actif devenait
nulle puisqu'aucun avantage économique futur ne pouvait être attendu de son utilisation ; que, toutefois, la valeur intrinsèque d'un terrain est
indépendante de la réalisation finale de l'objectif initial ayant présidé à son achat ; que l'abandon du projet d'édification d'un complexe
cinématographique, la révision à la baisse des recettes escomptées et l'éventualité de coûts de portages financiers importants sont ainsi sans
influence sur la valeur intrinsèque du terrain à l'origine du litige qui, au demeurant, a été cédé le 4 novembre 2002 pour une valeur vénale
supérieure à sa valeur d'achat ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société UGC Ciné Cité Ile-de-France ne démontre pas le caractère probable de la
dépréciation du terrain à l'origine de la provision constatée au titre de l'exercice clos en 2002 ; qu'ainsi le caractère déductible de la charge en
litige n'étant pas établi, c'est à bon droit que l'administration a remis en cause la provision en litige et l'a réintégrée dans les résultats de
l'entreprise ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la UGC Ciné Cité Ile-de-France n'est pas fondée à demander la décharge de la cotisation
supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2002 ;
Décide : Rejet.