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« Complexité, leadership et compétence : une
perspective négligée »
Conférence donnée par M. Louis Roy, M. Sc., Coach certifié, formateur &
conseiller en développement organisationnel
Depuis plusieurs années, M. Roy se passionne pour le développement humain et, plus particulièrement, la recherche
d'approches permettant aux personnes de développer la capacité à mieux vivre dans la complexité du monde
d'aujourd'hui. Titulaire d'une maîtrise en administration de l'Université Laval, il détient une certification en coaching
intégral et œuvre aujourd'hui comme Coach, formateur et animateur de groupe d'apprentissage dans l'action et
d'exploration collaborative auprès de cadres supérieurs. Il est l'un des intervenants du programme « Complexité,
conscience et gestion », un programme de recherche-formation offert depuis dix ans par la Faculté des sciences de
l'administration de l'Université Laval auquel ont participé plus de 300 cadres.
M. Roy est reconnu au Québec pour son expertise dans les stades de développement des cadres et la
communication consciente. Cette expertise l'a amené à intervenir en France à différentes reprises pour initier des
leaders à l'approche développementale. Soucieux d'explorer de nouvelles approches qui allient rigueur et pratique, il
est à l'affût des recherches dans le domaine du développement des cadres.
Dans le cadre du souper-conférence du 28 novembre 2012, M. Roy a offert une présentation dont l’intention était de
souligner aux membres de la SQPTO l’intérêt de l’approche développementale pour améliorer les capacités de
gestion des leaders dans un monde de plus en plus complexe. Voici donc, en quelques lignes, les principaux sujets
dont il a traité pour atteindre cet objectif.
Les défis actuels et les exigences en termes de compétences pour les leaders
Changements continus, rythme effréné, pénurie de ressources, incertitudes et paradoxes : voilà plusieurs exemples
cités par M. Roy pour illustrer les défis rencontrés de nos jours au sein des environnements de travail. Il n’y a pas à
dire, la complexité du monde dans lequel nous vivons actuellement s’est passablement accrue au cours des
dernières années, exigeant de nos leaders qu’ils possèdent des compétences de plus en plus pointues. Par exemple,
on exigerait d’eux d’être plus autonomes, d’avoir une plus grande capacité de vision systémique et une plus grande
capacité d’innovation, afin de pouvoir trouver des solutions globales et créatives, à la hauteur des problématiques
rencontrées. En somme, devant le constat de l’inefficacité des anciennes façons de faire à résoudre les problèmes
organisationnels contemporains, plusieurs leaders ressentiraient le besoin de se ressourcer afin de pouvoir mieux
s’adapter à ces nouvelles exigences.
La complexité: de quoi (ou de qui) parle-t-on?
M. Roy souligne l’idée qu’admettre la complexité du monde dans lequel on vit représente, d’une certaine façon, un
aveu de notre propre limite personnelle à gérer cette complexité. Autrement dit, s’il est important de savoir ce qu’on
entend par complexité organisationnelle, il serait d’autant plus important pour les leaders de réaliser qu’une des
seules façons de pouvoir agir efficacement dans un tel contexte passe par l’atteinte d’une plus grande complexité
d’esprit, soit par l’acquisition de nouvelles logiques d’actions, permettant de composer avec ce contexte. M. Roy
suggère dès lors de se baser sur l’approche développementale, afin de comprendre ce que l’on entend précisément
par « atteinte d’une plus grande complexité d’esprit ». et de comprendre ce qui est à l’œuvre dans le développement
de ces leaders.
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L’approche développementale: ses fondements et ses principes
L’approche développementale est basée sur la psychologie du développement. Bien qu’elle se soit intéressée
pendant longtemps principalement au développement du nourrisson, de l’enfant, de l’adolescent, voire au
vieillissement, ce domaine se penche maintenant également sur le développement de l’adulte.
Parmi ses principes, notons l’idée que cette approche perçoive le développement comme un processus continu de
transformation et d’adaptation à l’environnement, où l’adulte évolue progressivement vers une plus grande complexité.
De plus, selon cette approche, le développement serait conçu comme un processus discontinu et séquentiel, c’est-àdire que les apprentissages réalisés représenteraient une hiérarchie de stades de développement. Ces stades de
développement auraient pour fonction de structurer la réalité et de lui donner un sens, chacun d’entre eux
comprenant des forces et des limites qui leur sont propres. S’il suit un développement normal (i.e., à moins de vivre
un grave traumatisme de vie), l’adulte devrait donc passer par chacun des stades, sans en sauter et sans régresser.
La progression à travers les stades permettrait donc à l’adulte de raffiner de plus en plus sa compréhension du
monde. Toutefois, le passage d’un stade à l’autre ne se concrétiserait pas par une accumulation de connaissances
toujours plus grande, mais plutôt par l’adoption d’une manière différente d’organiser ces connaissances pour leur
donner un sens. M. Roy illustre ce principe par une métaphore : lorsqu’un adulte change de stade, cela équivaudrait
à changer de lunettes. Il verrait ainsi le monde avec plus de profondeur et de précision. Enfin, notons qu’au cours de
son développement, les adultes ne se trouvent pas nécessairement confinés à un seul stade, mais peuvent au
contraire se trouver à plusieurs stades de développements simultanément. Ainsi, lorsqu’ils bénéficient de conditions
favorables de la part de leur environnement, ils peuvent faire appel à un stade plus avancé pour comprendre leur
réalité que lorsqu’ils sont confrontés à un environnement moins supportant.
Au cours de la conférence, M. Roy a également mentionné qu’il existait un lien étroit entre les stades de
développement et la structure identitaire (i.e., Égo), puisqu’à chaque stade correspondraient des besoins, des peurs
et des capacités intellectuelles, émotives, intrapersonnelles et relationnelles auxquelles nous nous identifions. Cette
identification serait particulièrement mise à l’épreuve dans le processus développemental, puisqu’à chaque nouvel
apprentissage, nous serions amenés à remettre en question les façons de penser et de faire qui nous ont permis
d’être fonctionnels jusqu’à ce jour. Nous pourrions alors nous former un nouvel Ego, correspondant aux
caractéristiques du stade suivant. En d’autres mots, cette évolution à travers les stades de développement et la
modification de la structure identitaire seraient reliées à une tension humaine fondamentale, puisqu’apprendre c’est
changer et que changer implique une forme de bouleversement interne. Ainsi, le développement adulte serait lié à
une quête, qui nous amènerait à nous redéfinir constamment.
Les formes et les stades de développements
Il existerait deux formes de développement possibles. La première forme de développement est horizontale (appelée
expansion). Elle permettrait aux leaders d’acquérir de nouvelles connaissances. La deuxième forme de
développement est verticale (appelée transformation) et permettrait aux leaders d’intégrer un nouveau stade de
développement et de changer leurs façons de voir les choses. Au-delà de la participation à des programmes de
développement professionnel, un des facteurs qui pourrait expliquer pourquoi certains leaders ont de la facilité au
travail alors que d’autres rencontrent continuellement plus de difficultés, pourrait résider dans le type de
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développement visé par ces programmes. En effet, selon M. Roy, beaucoup de leaders aujourd’hui n’auraient pas
uniquement besoin de développement horizontal, mais bénéficieraient grandement d’un développement beaucoup
plus puissant (i.e., développement vertical), pour réellement s’adapter à leur environnement de travail. Ainsi, la simple
acquisition de connaissances via des « programmes de formation traditionnels » ne serait plus à même de répondre
aux exigences qui pèsent sur les leaders organisationnels. Selon les plus récentes recherches scientifiques, il
semblerait d’ailleurs que les leaders les plus fonctionnels seraient ceux qui auraient atteint les stades de
développement les plus avancés. Il faudrait dès lors trouver une façon de pouvoir faire évoluer les leaders vers ces
stades. Cela serait possible notamment en développant une bonne compréhension de ce qui distingue le
développement horizontal et vertical, puis en concevant des activités de formation qui présentent des conditions
favorables à ce dernier type de développement. Par exemple, des activités de coaching personnalisées tenant
compte du stade actuel auquel se trouve le gestionnaire pourraient contribuer au développement vertical de celui-ci.
Les différents stades de développements auxquels les leaders sont susceptibles de se retrouver se divisent en trois
niveaux : pré-conventionnel, conventionnel et post-conventionnel. Le niveau pré-conventionnel comprendrait les
stades symbiotique, impulsif et d’autoprotection, lesquels sont généralement atteints à l’adolescence; le niveau
conventionnel comprendrait les stades conformiste, de conscience de soi et consciencieux, soit les stades où se
trouvent environ 80% des adultes; enfin, le niveau post-conventionnel comprendrait les stades individualiste/pluraliste,
autonomie, conscience des construits et unité. Ce dernier niveau serait atteint par seulement 10 à 15% des adultes.
Un des enjeux importants concernant les stades de développement est de savoir à quel stade se trouvent les leaders.
En effet, étant donné leur position d’influence, ceux-ci sont susceptibles d’avoir un impact important sur les autres
membres de leur équipe. Notamment, au cours de la conférence, M. Roy a cité en exemple la mise en place de
processus organisationnels. Selon lui, on peut penser que les processus organisationnels reflèteraient en quelque
sorte le stade de développement des leaders les ayant implantés. En outre, plus les leaders se trouvent à des stades
avancés, plus ils auraient de chance de pouvoir guider leur équipe à travers la complexité, par exemple en les aidant
à intégrer efficacement les divers changements au sein de l’entreprise.
MAP : Un outil pour mesurer les stades de développements adultes
Pour déterminer à quel stade de développement se trouvent les leaders, M. Roy utilise un outil de mesure appelé le
« Maturity Assessment Protocol » (MAP). Cet outil, développé par Loevinger, comprend 36 phrases à compléter. En
ce sens, il est possible de le qualifier de test semi-projectif. Pour pouvoir en faire l’interprétation et pouvoir garantir
une certaine fidélité interjuge, une formation intensive est nécessaire. Néanmoins, malgré la complexité de
l’instrument, M. Roy soutient que celui-ci présente de nombreux avantages par rapport à d’autres outils disponibles,
dont entre autres le fait d’avoir une plus grande validité et fidélité et d’être l’outil le plus sophistiqué pour mesurer les
stades post-conventionnels. Étant donné l’intérêt de ces stades lorsqu’il est question de jongler avec la complexité du
monde actuel, l’utilisation du MAP auprès des leaders apparaît donc tout indiquée. De plus, le MAP serait un outil
pratique en termes de temps de passation, puisqu’il ne nécessite qu’environ 30 à 45 minutes pour être complété.
En plus d’être un outil de mesure intéressant au plan individuel, par exemple pour comprendre avec quelles lunettes
chacun perçoit et comprend son environnement, M. Roy a mentionné que la connaissance du stade de
développement des leaders pouvait permettre de comprendre pourquoi certaines personnes peuvent avoir des
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difficultés à se comprendre et vivent des conflits (elles sont à différents stades). De plus, la connaissance du stade
d’un tiers permettrait également d’ajuster ses attentes en fonction du stade atteint par celui-ci. Ainsi, il serait
inapproprié pour les entreprises de fixer des attentes de compétences correspondant aux stades post-conventionnels
à des leaders si ceux-ci se trouvent aux stades conventionnels, puisque ces stades de conscience ne leur sont pas
accessibles.
En conclusion : comment favoriser l’accès aux stades post-conventionnels
En conclusion de sa conférence, M. Roy a tenté de répondre à la question qui interpellait maintenant l’auditoire,
soit « comment favorise-t-on l’accès aux stades post-conventionnels ? ». Selon lui, il serait essentiel 1) de connaître
le stade de développement du leader et 2) d’adapter les exercices de coaching ou les programmes de formation
suivis au stade de développement auquel il se trouve. Pour répondre à cet ambitieux objectif, M. Roy a ensuite
présenté le programme de recherche-formation développé par M. Mario Cayer (professeur de Management à
l’université Laval), Marie-Ève Marchand et lui-même. Notons que M. Roy intervient d’ailleurs à titre de formateur au
sein de ce programme depuis son développement. Ce programme unique basé sur les principes de l’approche
développementale permettrait aux participants à la fois de mieux se connaître, par l’identification de leur stade de
développement, mais aussi de cheminer vers les stades post-conventionnels et de faire face à la complexité des
défis actuels avec plus de sérénité, en expérimentant notamment des méthodes innovantes telles que la pleine
conscience (« mindfulness »).
Rédigé par Sarah Girouard
Doctorante en psychologie I/O
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