Coup de froid sur la planète Android

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Coup de froid sur la planète Android
Tous droits réservés - Les Echos 201227/8/2012P.17High-tech
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Coup de froid sur la planète Android
HTC, LG, Sony, Motorola,
Huawei, ZTE : les fabricants qui
utilisent la plate-forme de Google sont prévenus des risques. Ils
pourraient se tourner vers
Microsoft et son logiciel Windows Phone.
Samsung n’est pas le seul perdant
du procès intenté par Apple. Vendredi, il n’est pas un fabricant
d’Android qui n’ait senti la terre
trembler sous ses pieds. Le taïwanais HTC, l’américain Motorola, le
coréen LG, le japonais Sony, les
chinois Huawei et ZTE, tous ont
commis un jour ou l’autre un
smartphone « rectangulaire aux
coins arrondis » risquant donc de
violer un brevet de design de la
firme à la pomme. Surtout, certains
gestes inventés par Apple, qui sont
aujourd’hui des brevets logiciels,
sont devenus l’alphabet du smartphone tactile – un peu comme le
concept du « bureau virtuel » s’affichant sur les ordinateurs. C’est le
cas du « tapotement double » qui
permet de recentrer et d’ajuster
une page, ou bien de la fonction
« agrandir » qui consiste à faire
glisser le pouce et l’index sur
l’écran dans des directions opposées. La tentation est grande aussi
de provoquer un « effet rebondissant » lorsque l’on a fait défiler une
page jusqu’en bas, comme sur
l’iPhone. Enfin, le système des
applications, avec ses petites icônes carrées sagement rangées sur
l’écran d’accueil, est devenu la lingua franca du smartphone.
Et ce n’est qu’un début. Apple n’a
excipé que de 7 brevets logiciels ou
de design, afin de rendre sa victoire
plus éclatante. Six d’entre eux ont
été jugés valides par les jurés. Mais
la firme fondée par Steve Jobs, qui
entretenait le culte de la création et
de la propriété intellectuelle, a
encore des munitions. Il y aura
d’autres procédures, portant sur
d’autres brevets. Car ce que veut
Apple, au fond, c’est rendre la vie
impossible à Android. Steve Jobs
considérait que cette plate-forme
n’était qu’une pâle réplique d’iOS,
son propre système d’exploitation.
En novembre 2007, il avait essayé
de convaincre le patron de Google
Eric Schmidt de laisser tomber la
start-up qu’il avait rachetée en
2005. Jobs s’était même déclaré prêt
à dépenser sa trésorerie « jusqu’au
dernier penny » pour détruire ce
projet (40 milliards de dollars à
l ’é p o q u e , 1 1 7 m i l l i a r d s
aujourd’hui). Devant l’obstination
d’Eric Schmidt, la firme à la pomme
a commencé à retirer les logiciels
de Google de son écosystème, des
cartes au moteur de recherche. Progressivement éjecté de la boutique
App Store, Google est obligé de produire des applications Web moins
bien intégrées au cœur d’iOS.
50
MILLIONS
Le nombre de smartphones
Android vendus par Samsung
au dernier trimestre.
Tandis que la réplique technologique touche directement Google,
la réplique judiciaire frappera le
reste de la planète Android. Le
moteur de recherche ne fait pas
directement commerce de sa plateforme gratuite au code ouvert ; il est
donc plus facile d’attaquer des
fabricants. A commencer par Samsung, devenu numéro un mondial
du mobile, qui a vendu 50 millions
de smartphones au dernier trimestre. Mais cette amende monumentale va faire réfléchir tous les autres.
Les équipementiers sont déjà obligés de verser un montant estimé à
5 % du prix de leurs terminaux à
Microsoft, qui a fait valoir des droits
de propriété intellectuelle sur
Android. Ils ont aussi vu que Google
ne comptait pas revendre Motorola,
acquis il y a un an, et craignent un
favoritisme en faveur de ce dernier.
Le but de ce rachat était en théorie de constituer une « ombrelle »
constituée des 17.000 brevets de la
firme, pour « abriter » les adeptes
d’Android – Google avait d’ailleurs
cédé une partie d’entre eux à des
clients comme HTC. Objectif :
équilibrer la dissuasion. A présent,
ils ne peuvent que constater que
cela ne suffira pas à les protéger.
Car Apple attaque sans relâche. Et
les brevets « historiques » sur la 3G
sont dévalués face aux siens.
Bonne affaire pour Microsoft ?
En toute logique, c’est donc Microsoft qui pourrait tirer les marrons
du feu. Le groupe de Steve Ballmer
peine à imposer sa propre plateforme, Windows Phone. Malgré
son partenariat privilégié avec l’exleader mondial du mobile Nokia,
elle n’équipait au deuxième trimestre que 3,5 % des nouveaux
smartphones. Mais Apple et
Microsoft entretiennent désormais
de très bonnes relations, contrairement à Apple et Google. La firme à
la pomme a en effet licencié plusieurs de ses technologies au géant
du logiciel, en échange de la promesse de ne pas le copier servilement. On ne peut assurément pas
confondre un Lumia de Nokia avec
un iPhone, tant par le design de la
coque que par la présentation des
applications sur l’écran d’accueil,
sous forme de « tuiles ». Ces innovations ont sans doute dérouté les
cons ommateurs, habitués à
l’alphabet Apple. Mais si Samsung,
HTC, Sony et les autres reviennent
en force vers Windows, ils s’y
feront. Et Steve Jobs tiendra sa
revanche posthume.
SOLVEIG GODELUCK

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