Dans le Shôdôka, Kôdô Sawaki a principalement extrait une phrase
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Dans le Shôdôka, Kôdô Sawaki a principalement extrait une phrase
Claude é mon Cannizzo Dojo de Mulhouse dimanche 10 juin 2007 Premier zazen Dans le Shôdôka, Kôdô Sawaki a principalement extrait une phrase qui lui semblait très importante pour notre pratique de zazen : « Soudain, au moment où on réalise le zen de Bouddha, les six grandes vertus et les dix mille pratiques s'accomplissent parfaitement dans notre corps. » Le satori fait penser à une lumière qui s'allume dans l'esprit : on a l'impression que quelque chose a changé et c'est en cela qu'il lui a semblé important d'approfondir cette phrase, de bien comprendre ce qu'est le zen de Bouddha. Une pratique dénaturée, erronée, conduit à des aberrations dans la vie quotidienne, comme dans la voie de bouddha. Dans ce cas-là, même zazen peut devenir infernal ou cupide. On dénonce six états infernaux : le premier d'entre eux, c'est le zen de l'enfer, qui est appelé naraka. On entend souvent parler de naraka dans l'enseignement et on le résume par kontin, des états d'endormissements ou sanran, des états d'excitation. Alors naraka, c'est la plus basse des six voies mauvaises, en tant qu'état de vie. Sous notre forme humaine, l'enfer est une condition de souffrance mentale ou physique extrême, souvent caractérisée par des pulsions destructrices. C'est ce qui nous pousse toujours à faire des choses qui nous sont pénibles; je pense par exemple aux personnes qui se font ordonnées et qui continuent de trouver la pratique de zazen pénible : ils sont toujours avachis, ils bougent tout le temps, ils se demandent pourquoi ils sont là... Et pourtant il se font ordonner. Le deuxième, c'est le zen avide : ce qu'on appelle gaki. A l'origine, dans l'Inde ancienne, on appelait gaki l'esprit des morts. Dans le bouddhisme il signifie l'esprit famélique. Dans cet état, on est consumés par des désirs insatiables de nourriture, de richesse, de pouvoir, on cherche toujours à obtenir quelque chose. Ensuite vient le zen animal, shikudo. Dans cet état-là, on est sous l'emprise des désirs instinctifs, en relation avec le cerveau reptilien l'origine de notre cerveau ; et toute notion de raison ou de moralité est inexistante. Il s'agit principalement du sexe, de la nourriture et du sommeil. Par exemple ceux qui, en zazen, dorment tout le temps. Dans le sûtra du Lotus il est écrit, concernant ces personnes qu'elles ne connaissent que l'eau et l'herbe : tout le reste, elles l'ignorent. Par exemple, pendant zazen ils se demandent ce qu'il y aura à manger au prochain repas. Ensuite il y a le zen colérique, shura. Dans la mythologie indienne, on appelait shura, les démons querelleurs : ils vivent tout le temps dans l'état de colère, ils ne sont jamais satisfaits. Les personnes dans cette condition ne supportent pas d'être inférieures aux autres, rien ne les intéresse plus que d'être plus fortes que les autres... le zen de compétition. Ensuite vient le zen humain, nin gen. C'est l'état opposé bien sûr à celui du zen animal, dans lequel on contrôle les désirs instinctifs, tout ce qui émane du cerveau reptilien. Et grâce à la raison on agit de façon humaine : on se donne une belle apparence, on porte des vêtements de ville sous le kimono, on est bien coiffé, on porte la raie, d'autres se laissent pousser la moustache, la barbe, ils aiment l'argent, et dépendent souvent de lui. Maître Kôdô Sawaki disait d'eux qu'ils ont des superstitions bizarres. Ensuite vient le sixième : le zen céleste. C'est le zen de l'extase, on aime zazen, on se sent bien assis, immobile, heureux... le bonheur temporaire. Tous ces aspects, tout en faisant zazen, nous font rester dans le monde commun des mortels, c'est le samsara. La roue de la vie tourne, il y a six chemins ou conditions d'existence, un peu comme un rond-point avec six voies de sorties et nous n'en empruntons aucune. On prend zazen comme une technique de bien-être, on utilise la posture pour renforcer son hara, son ki, pour trouver l'extase, pour vivre vieux, manger sainement, mais en réalité, ce genre de pratique est en dehors du zen. Ça reste un zen intéressé, avide mais il ne se dégage pas de celui-ci la véritable grande voie qui est celle du zen véritable. Mais ces pratiques erronées qui ne sont que six par rapport aux quatre-vingt-seize erreurs de pratique qu'on a dénombrées depuis l'enseignement de Bouddha... De toutes façons nous collons tous de près ou de loin à 20070610_mulhouse.doc1 toutes ces définitions et c'est en cela qu'il est important de comprendre les six paramitas, c'est-à-dire les six perfections, qui sont à l'opposé des six voies mauvaises que l'on vient de voir. Claude é mon Cannizzo Dojo de Mulhouse dimanche 10 juin 2007 Deuxième zazen Entrons maintenant dans ce qui est l'enseignement du Bouddha, en fonction de ces six voies mauvaises. Alors en bas, on trouve le zen shomon et au-dessus le zen engaku. Shomon veut dire ceux qui entendent la voix : les disciples du Bouddha écoutent son enseignement et font tous leurs efforts pour atteindre l'éveil mais à des fins personnelles, pour leur propre salut. Engaku veut dire parvenu à l'éveil par soi-même. Ce terme désigne les personnes qui se retirent du monde et cherchent seuls l'éveil, dans une forêt. Les six chemins ou conditions d'existence, que nous avons vus tout à l'heure, sont en dehors de la voie. Mais les zen shomon et engaku sont à l'intérieur de la voie. Ils sont plongés dans l'enseignement du Bouddha. Tout en demeurant des hommes ordinaires, quand ils deviendront boddhisattva, ils prendront place parmi les saints parce qu'ils se seront échappés de la forteresse des hommes ordinaires. Donc les six paramitas qui vont suivre sont ce qui nous libère des pratiques erronées et dénaturées dans le zen. Le premier, c'est le don. Bien sûr à notre époque lorsqu'on parle de don, on pense toujours à de l'argent, à une somme que l'on verse pour ceci ou cela ; mais ici le don signifie mushotoku, c'est-à-dire une pratique sans escompter un profit personnel, que ce soit matériel ou autre, genre de satori ou de paradis que l'on chercherait à obtenir en faisant un don. Par le don, non seulement on ne désire pas de paradis mais on n'a pas peur de l'enfer. Le don dans l'esprit de l'enseignement de bouddha métamorphose la vie quotidienne, il fait apparaître un homme nouveau qui n'a besoin de rien, pas même la vie. C'est un individu libre, décontracté, ouvert et non-conventionnel. Ensuite, nous avons les préceptes. Alors on a tort de penser qu'ils sont fondés sur des interdits. Il est écrit dans les préceptes, les kaï : « La notion de châtiment éternel n'existe pas. » Les préceptes sont des vertus fondamentales qui portent l'homme à faire ce qui est juste. J'avais déjà dit dans un autre kusen que les préceptes sont le corps du bouddha, le fondement de l'esprit de bouddha. Ensuite, la patience. Alors la patience n'est pas le résultat d'un effort de volonté, c'est-à-dire qu'on ne se force pas à endurer ou à persévérer ; simplement on vit comme un homme qui oublie son ego. C'est-à-dire ne pas vivre les entraves de ses vues personnelles. Il n'y a donc là pas lieu de forger une quelconque maîtrise de soi car une telle maîtrise serait encore construite en fonction de notre ego. La quatrième, c'est l'énergie. Pour ceux qui ont une idée martiale ou autre, de ce mot, ça n'est pas ki mais shojin. Sho, excellent, pur, subtil et jin, qui veut dire avancer, progresser. Shojin est à l'opposé de la passivité et de la vulgarité : avoir un comportement juste sans pactiser avec le mal. Par exemple, c'est shojin d'arrêter de fumer ou de boire à l'excès. C'est véritablement utiliser notre énergie la plus pure pour réaliser ce qui est juste. Ensuite nous avons la concentration. La concentration, c'est vivre conformément à la loi, conformément au dharma, sans la souiller, sans la contredire dans nos actes, paroles ou pensées. Et enfin la sagesse : c'est simplement porter sur toute chose un regard lucide, porté par l'attention juste et le respect des préceptes. Alors dès que ces six paramita sont compris, ces six perfections sont comprises, tout le reste disparaît : l'enfer, l'avidité, l'animalité, la colère, l'humain, le céleste, même shomon ou engaku. Tous ces états de conscience n'existent plus. Lorsque notre zazen est fort, soudain, d'un coup on réalise le zen du bouddha, autrement dit on comprend que l'on est bouddha. En réalité le plus difficile, c'est de comprendre comment on peut, d'un seul coup, devenir bouddha. A ce propos, Kôdô Sawaki donne l'exemple d'un voleur... quelqu'un oublie sa montre, 20070610_mulhouse.doc2 et hop mine de rien, on la glisse dans sa poche : subitement on est devenu voleur. Il en va de même pour devenir avide, ou brute, mais aussi pour devenir bouddha. Il est souvent répété dans le zen, que zazen est le secret de l'enseignement du bouddha. Si vous faites zazen, si votre posture est juste, aucune illusion ne peut entrer. S'il y a le moindre interstice, vous laissez pénétrer le zen animal ou le zen cupide et vous ouvrez toute grande la voie à un flot de désirs humains, et comme les désirs humains sont des illusions, vous ne ferez qu'entretenir la souffrance originelle. Maître Dôgen a écrit dans le chapitre du zan maî o zan maî, du Shôbôgenzo : « Zazen transcende le monde instantanément. » Il nous fait pénétrer dans le secret des patriarches et devenir bouddha. Si nous parvenons à franchir les pratiques erronées, ou hérétiques, il nous fait accéder à la demeure du bouddha, zazen seul nous permet d'atteindre l'éveil parfait du bouddha ; ce qui revient à dire que faire zazen, c'est réaliser le zen du bouddha. Donc quand on comprend le zen du bouddha, et qu'on le réalise dans la vie quotidienne, les six grandes vertus et les dix mille pratiques s'accomplissent parfaitement dans notre corps. Si nous gardons à l'esprit les six paramitas, lorsque les six pratiques erronées se manifestent - et elles se manifestent naturellement chez tout le monde, il n'y a pas d'exception - on peut alors simplement apprendre, par l'application des six paramitas, à contrer ces tendances, à petit à petit lâcher tous ces réflexes qui sont simplement humains, construits en fonction de notre éducation, de nos conditionnements mais également de nos peurs. Des constructions qui se sont mises en place depuis notre naissance et qui sont considérés comme normales car humaines, donc théoriquement raisonnées, socialement correctes... Mais les paramitas, c'est pas raisonner, c'est trouver l'essence de la pratique juste qui de fait n'a plus besoin de raisonnement. Un peu comme les préceptes, qui dès lors qu'ils sont appliqués au quotidien, n'ont plus lieu d'exister puisque la pratique de zazen elle-même est au-delà de ces préceptes dès lors qu'il est pratiqué profondément, véritablement. Pratiquer les paramitas, c'est s'entraîner à trouver la voie juste, les comportements justes, l'effort juste et trouver sa véritable réalité, celle justement qui ressemble à cette lumière dans notre esprit. J'ai presque envie de dire : ne doutez pas de zazen, mais doutez peut-être de l'esprit que vous mettez dans la pratique de zazen : est-ce véritablement l'esprit de zazen ou celui justement qui est dénoncé dans la première partie, cet esprit qui cherche à obtenir quelque chose par la pratique. Il n'y a RIEN à obtenir, si ce n'est devenir cet être qui a la nature de bouddha. 20070610_mulhouse.doc3