Edouard Balladur, Président du comité pour la réforme des

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Edouard Balladur, Président du comité pour la réforme des
« Il est temps de décider »
Edouard Balladur, Président
du comité pour la réforme des collectivités locales,
échange avec les Maires de l’Essonne,
le 22 septembre 2009
Laurent Béteille, Sénateur Maire de Brunoy, Président de l’UME ouvre la réunion, en
précisant que son déroulement au Théâtre de la Vallée de l’Yerres est symbolique du sujet
abordé aujourd’hui, puisque cet établissement a pu être réalisé grâce à la Communauté
d’Agglomération du Val d’Yerres, présidée par Nicolas Dupont-Aignan, Député Maire de
Yerres.
Il cède la parole à Edouard Balladur, qui remercie Laurent Béteille de son invitation à exposer
les principes de la réforme territoriale, saluant au passage les personnalités à l’origine de cette
initiative.
Edouard Balladur explique que c’est la seconde fois de sa carrière depuis son retrait de la vie
politique qu’il préside un comité de réflexion. Le premier était sur la réforme constitutionnelle
et il a dû rendre le service attendu puisqu’après avoir été décriée, la paternité de cette réforme
a été revendiquée par nombre de personnes qui n’étaient pas membres du comité…
Ce comité sur la réforme territoriale, comme son prédécesseur, a été composé de personnalités
de tous horizons, appartenant à l’opposition comme à la majorité politique, à l’administration
comme au monde associatif.
C’est un sujet extrêmement difficile car il a des implications techniques, juridiques et
fiscales ; de nombreux intérêts sont en cause.
Le comité a travaillé pendant trois mois et a remis son rapport au gouvernement en février.
Après la rédaction du projet de loi par le Conseil des Ministres, les consultations seront
multiples : d’abord le Conseil d’Etat, puis les navettes entre le Sénat et l’Assemblée.
A ce jour, le gouvernement doit proposer officiellement son projet de loi vers le 20 octobre.
Il y a des délais à respecter et la discussion devant le Sénat, qui est en charge des problèmes
des collectivités locales, n’aura pas lieu avant décembre, après que le Conseil d’Etat ait donné
son avis.
Ainsi, le débat à l’assemblée ne se déroulera qu’après les élections régionales et dans le
meilleur des cas, la réforme sera opérationnelle d’ici l’été prochain.
Edouard Balladur souligne qu’il n’est pas ici en porte-parole du gouvernement mais en
rapporteur de l’avancement des travaux réalisés.
Pourquoi une réforme territoriale ?
Parce que le mode de fonctionnement actuel est en place depuis un siècle et demi, avec divers
aménagements : à la fin du XIXème siècle, on tendait vers une certaine décentralisation ;
après la seconde guerre mondiale, le centralisme est revenu en force et depuis une vingtaine
d’années la tendance s’est à nouveau inversée.
Mais dans tous les cas, le constat est celui d’un fonctionnement très complexe, d’une
imbrication des administrations, d’une grande lourdeur des tutelles…
Cette réforme est donc nécessaire.
On parle toujours de décentralisation ; dans l’absolu, c’est une très bonne chose, mais qui
suppose une réelle force des organismes bénéficiaires ; dans la pratique, ce n’est pas le cas.
Le comité s’est donc attaché à proposer des solutions.
3 questions principales ont fait débat :
D’abord, une suspicion de manœuvre politique : le but de la réforme serait de favoriser
le succès d’un camp aux prochaines élections ? ! Doute rapidement dissipé car la réforme
en gestation ne sera pas applicable aux prochaines élections mais à celles de 2014.
En revanche, les prochains élus régionaux auront un mandat écourté qui prendra fin en 2014 ;
c’est en cela que le calendrier est important car il faut que cette modification soit entérinée
suffisamment tôt par rapport au scrutin de mars 2010.
Ensuite, c’est le statut des communes membres des communautés de communes ou des
métropoles qui fait débat ; seront-elles créées ou non, ces fameuses métropoles ?...
Enfin, le problème financier est d’importance car il se conjugue avec la suppression de la
taxe professionnelle.
L’affectation de la nouvelle taxe carbone aux ressources des collectivités a été évoquée mais
ce n’est pas une solution viable car elle devrait rapporter de moins en moins si elle dissuade la
consommation de carbone ; il n’est pas envisageable de demander aux collectivités locales de
construire des budgets sur une annonce de baisse de ressources !
Que propose le Comité, et qu’a retenu le gouvernement ?
A l’axe actuel « département – commune » sera substitué un couple « région –communautés
de communes » mais sans disparition des communes elles-mêmes. Simplement, c’est la
région qui sera prédominante.
Il faut bien avoir à l’esprit que le système actuel est techniquement et financièrement très
lourd.
La réforme créera un nouveau conseiller : le conseiller territorial, qui sera à la fois
conseiller régional et conseiller départemental.
Ces 3000 conseillers territoriaux administreront les régions et les départements et seront élus
de façon mixte : 80% au scrutin nominal dans le cadre de cantons redécoupés, 20% au scrutin
proportionnel.
En outre, les élections dans les communes resteront au suffrage universel au scrutin de listes,
et les conseillers des communautés de communes seront élus sur la même liste avec un
système de fléchage déjà utilisé.
Autre grand axe de réflexion, la clause de compétence générale attribuée aux communes
qui leur permet d’intervenir dans tous les domaines dans l’intérêt des administrés.
Le bénéfice leur en serait maintenu. La question est encore débattue pour les départements et
les régions. Il y a un préalable : définir avec précision les compétences attribuées à chaque
niveau de collectivité.
Pour être efficace, cette réforme devra se décomposer en 3 lois : - une sur les structures
- une sur les compétences,
- et une sur les finances.
Et c’est dans cet ordre qu’il faudra travailler sans quoi la réforme risquerait d’être
inapplicable.
Le concept de métropole : 11 ont été envisagées pour les communautés supérieures à
450 000 habitants mais elles devront être volontaires.
Une métropole, c’est une communauté urbaine avec plus de pouvoirs que les autres
communautés de communes.
Il pourra y avoir rétrocession de compétences du département vers la métropole.
Quant aux communes membres de ces métropoles, elles resteront des collectivités
territoriales.
La métropole, elle, sera un établissement public.
Cette réforme sera une transition productrice d’économie, telle la suppression des syndicats
qui font souvent double emploi avec les communautés de communes et ont des frais de
fonctionnement très élevés.
Du point de vue financier, la suppression de la taxe professionnelle, qui représente la
moitié des ressources des collectivités locales, pose un problème réel que l’on ne sait
pour l’instant comment traiter.
L’Ile de France est un cas particulier : il a été proposé de regrouper les quatre départements
de la petite couronne mais devant le tollé général, l’idée a été abandonnée.
Pourtant, beaucoup de problèmes montrent que la réforme est nécessaire car la multiplicité
des compétences crée une inertie préjudiciable, ainsi pour les transports ou le logement.
Ceux qui s’opposent à la réforme favorisent l’alourdissement de la tutelle de l’État.
L’indépendance revendiquée passe inévitablement par la réforme.
Edouard Balladur conclut en soulignant une certaine cohérence dans les réformes sur
lesquelles il a travaillé : la réforme constitutionnelle a apporté un meilleur équilibre entre
le parlement et l’exécutif ; la réforme territoriale doit en créer un entre l’État et les
collectivités qui réclament des pouvoirs et des moyens financiers.
Laurent Béteille propose à l’assemblée de se livrer au jeu des questions - réponses.
Xavier Guiomard, conseiller municipal de Chalo-Saint-Mars s’interroge sur la disparition
des syndicats communaux qui ont souvent des compétences dépassant la notion de territoires
communaux.
Edouard Balladur n’est pas opposé au maintien de ceux qui sont justifiés.
Françoise Ribière, Maire d’Igny, fait une déclaration dans laquelle elle explique qu’elle
pense que la réforme est uniquement politique, pour avoir ure revanche sur la gauche et pour
asphyxier les collectivités locales qui assurent pourtant l’essentiel des fonctions publiques
mais n’en représentent qu’une infime partie du déficit.
Elle constate des problèmes induits par cette réforme en gestation, notamment par rapport aux
réflexions en cours sur l’évolution du plateau de Saclay.
Elle demande que l’Association des Maires de France puisse en discuter au préalable et
réclame plus de concertation avant de lancer la réforme.
Edouard Balladur, rappelle que la mise en application de la réforme en 2014 donne
justement du temps à tous pour s’exprimer, d’autant que cela fait des dizaines d’années que
les pouvoirs publics réfléchissent à la question, toutes tendances politiques confondues.
Discuter est indispensables mais il vient un moment où il faut décider.
La perte de temps engendre une perte d’autonomie, créant ainsi un surplus de tutelle de l’État.
Nicolas Dupont-Aignan, Député Maire de Yerres, souligne qu’il est effectivement temps de
se décider et de clarifier les situations floues.
Il se dit inquiet par les différences entre l’esprit du rapport du comité et la philosophie du
projet de loi. Il se demande si l’impartialité va bien prédominer ou bien si l’État qui dépense
le plus ne va pas en profiter pour montrer du doigt les collectivités locales comme
« budgétivores » ?
Il plaide pour que rien ne soit imposé aux communes, or le projet de loi crée des contraintes
démographiques aux petites communes qui seront moins bien représentées.
Et les départements ? On comprend bien qu’ils disparaîtront…
Quant au mode de scrutin à un seul tour, ce serait la fin de la personnalisation au profit des
courants politiques. Or les conseillers généraux sont des hommes de terrain et doivent le
rester.
Edouard Balladur explique que, concernant le mode de scrutin, le scrutin proportionnel
serait appliqué jusqu’aux communes de 500 habitants. En deçà, le maire d’une commune
serait automatiquement membre du conseil de la communauté de communes à laquelle il
appartient. Il n’y aurait donc pas d’autoritarisme.
La question est de travailler efficacement sur la carte territoriale et il y a jusqu’en 2014 pour
le faire, le problème étant souvent que des communes riches ne veulent pas s’associer à des
communes pauvres.
Sur la « mort » du département, ce sera en réalité une transformation en circonscriptions de la
région ; il lui serait donc subordonné dans beaucoup d’attributions ; cela n’y met pas fin mais
le place sous tutelle de la région.
Sur le mode de scrutin, le principe cantonal maintenu ne devrait pas avoir d’impact sur la
notion de personnalité locale.
Guy Malherbe, Député Maire d’Epinay-sur-Orge, demande si la réforme de la taxe
professionnelle va permettre aux communautés de se financer.
Il se demande aussi si les financements croisés qui fonctionnent par solidarité auront encore
cours ?
Pour la spécificité francilienne, est-ce qu’on créera d’abord les structures ou bien on les
adaptera aux problèmes majeurs des transports, du logement et du développement
économique ? Quel est le bon sens pour faire fonctionner la réforme ?
Edouard Balladur répond qu’à l’heure actuelle, la question des finances ne pourra qu’être
traitée en dernier car il faut d’abord connaître les besoins pour les financer ensuite.
Les financements croisés pourraient être préservés entre les communes et l’État mais leur
remise en question éviterait qu’il y ait nombre de cas où ils sont soumis à des accords
« donnant-donnant » dont personne n’est satisfait…
Sur la question de l’Ile de France, il faudra faire du cas par cas : par exemple les transports
peuvent être traités par le syndicat des transports et la région, pas besoin d’une nouvelle
structure pour cela ; il faut raisonner en termes de compétences, qui sont trop nombreuses sur
un si petit territoire.
Frédéric Rose, conseiller municipal de Juvisy-sur-Orge, demande des précisions sur le
système de fléchage.
Edouard Balladur rappelle qu’il fonctionne déjà dans certains cas, Paris par exemple ; il
s’agit de la mention sur les listes des élus désignés pour le conseil municipal et ceux destinés
au conseil communautaire par apposition d’une flèche devant les noms concernés.
Vincent Delahaye, Maire de Massy, souligne son inquiétude par rapport à la disparition de
la taxe professionnelle, son souci du scrutin qui doit absolument privilégier les élus de terrain
et son interrogation sur la représentation des communes les plus petites à l’intérieur des
communautés.
Alain Lamour, 1er adjoint de Longpont-sur-Orge, précise que le consentement des
communes est capital.
Olivier Legois, Maire de Dourdan, s’inquiète du statut des élus qui seront de fait moins
nombreux mais auront encore plus de responsabilités… et qu’en sera-t-il du cumul des
mandats ?
Edouard Balladur reconnait que la rémunération des élus est trop faible pour remplir leurs
tâches. Il faudrait que ceux qui travaillent réellement sur leur commune puissent en vivre sans
avoir à cumuler un emploi rémunérateur ; néanmoins, il ne faut pas admettre plus de deux
fonctions exécutives pour éviter les abus. Et il ne faut surtout pas oublier que dans les
petites communes, les élus font du bénévolat en rendant un service public !
Il faut avoir à l’esprit que c’est la réforme qui donnera plus d’autonomie aux communes et
communautés de communes.
Laurent Béteille conclut en remerciant Edouard Balladur pour la clarté de ses explications et
la hauteur apportée aux débats.