les confreries mystiques musulmanes dans les balkans
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les confreries mystiques musulmanes dans les balkans
1 Alexandre Popovic, École des Hautes Études en Sciences Sociales, Paris LES CONFRERIES MYSTIQUES MUSULMANES DANS LES BALKANS Communication présentée au Colloque international Le rôle su Soufisme et des confréries musulmanes dans l’islam contemporain. Une alternative à l’islam politique? Turin, 20-21-22 novembre 2002 1. Le rôle historique du soufisme et des confréries mystiques musulmanes dans le Sud-Est européen 1.1. Période pré-ottomane. – L'implantation des confréries mystiques musulmanes dans les Balkans ne commence véritablement qu'avec la conquête ottomane de la Péninsule. Avant l'arrivée des Ottomans en Europe on ne peut guère signaler que la présence, au XIIIe s., d'un saint guerrier turc, plus ou moins mythique, nommé Sari Saltuk Dede1, qui s'installa en Dobroudja avec des tribus turques venues de Sinop – puis, bien après sa mort – devint le symbole de la conquête (ghazâ) et de l'islamisation des populations balkaniques, symbole qui fut utilisé notamment par la confrérie des Bektachis. Pour cette période pré-ottomane il faut également signaler la présence, depuis le XIIIe s., de communautés bâbâ'îs en Dobroudja et dans le Deli Orman2. 1.2. Période ottomane. – Si l'on considère de façon globale la diffusion des réseaux confrériques dans l'espace balkanique et le rôle de leurs membres dans la société rouméliote, il convient de diviser l'époque ottomane en trois grandes périodes : celle des premières conquêtes (XIVe-XVe s.) au cours de laquelle on voit se développer des réseaux de derviches colonisateurs hétérodoxes3; puis (à partir du XVe s.), celle des conquêtes plus lointaines, qui coïncident avec la mise en œuvre d'une politique de « sunnitisation »4; et enfin, la période de recul territorial (à partir de la fin du XVIIe s.), qui est aussi celui du renforcement de l'élément musulman dans les territoires restés ottomans5. 1.2.1. – La période des premières conquêtes (XIVe-XVe s.), qui est aussi celle de l'installation des « derviches colonisateurs » : des derviches pour la 1 Leiser, 1995 ; Popovic, 1996, p. 98 ; Ocak, 2002. de Jong, 1993. 3 Barkan, 1942. 4 Beldiceanu-Steinherr, 1975. 5 Clayer-Popovic, 1998. 2 2 plupart hétérodoxes, Kalenderis6, Bektachis7 ou autres, qui émigrèrent vers les terres nouvellement conquises et s'installèrent dans des régions désertées par les populations chrétiennes ou en des points stratégiques, le long des voies de communication ; des derviches qui cultivaient eux-mêmes la terre, œuvraient pour la diffusion de la religion et de la culture musulmane, participaient aux campagnes militaires ou y envoyaient leurs fidèles. Dans la partie orientale des Balkans, territoires alors sous contrôle ottoman (Thrace, Deli Orman, Dobroudja), les deux figures les plus emblématiques de ce soufisme à très haute coloration hétérodoxe furent Cheikh Bedreddin, mis à mort à Serrès en 14168 et Othman Baba (m. en 1478/79). Tous deux laissèrent une empreinte durable au sein des populations appelées aujourd'hui alevi-kizilbash, de la Dobroudja, du Deli Orman, du Rhodope oriental et de l'Est de la Thrace9. Au XVe s., d'autres confréries commencèrent à étendre leurs réseaux jusque dans les Balkans, comme la Bayrâmiyya (deuxième quart du XVe s.)10, la Naqshbandiyya11 et la Khalwatiyya (seconde moitié du XVe siècle)12. 1.2.2. – À partir du début du XVIe s. commence une autre période caractérisée notamment par une politique de « sunnitisation » de l'Empire ottoman, face à la menace extérieure des Safawides et à l'hétérodoxie de divers groupes de populations au sein même de l'Empire. Ce changement de politique aura pour principales conséquences une structuration et une reprise en main de certains groupes hétérodoxes au sein d'une Bektâshiyya réorganisée (c'est à cette époque qu'on situe actuellement les débuts du Bektachisme en Albanie, avec notamment l'apparition du culte de Sari Saltuk à Kruja)13, et surtout la diffusion de confréries politiquement et religieusement plus orthodoxes. Parmi celles-ci il faut citer en premier lieu certaines branches de la Khalwatiyya, comme : la Djamâliyya14, la Sunbuliyya15 et la Djalwatiyya16, dont les principaux cheikhs dénoncèrent auprès des plus hautes autorités de l'Empire, entre autres, l'hétérodoxie des Bedreddinistes et des Kizilbash du Deli Orman. Ainsi, de nouveaux réseaux confrériques, essentiellement urbains, se développèrent, la plupart du temps grâce aux fondations de grands personnages, et cela jusque dans les nouvelles régions frontalières. Dans ces dernières, il faut souligner le soutien, voire la participation des cheikhs aux nombreuses entreprises de guerres saintes contre les « infidèles ». Aux cotés des différents réseaux khalwatis qui devinrent à cette époque extrêmement denses dans la Péninsule balkanique, d'autres confréries essaimèrent 6 Yazici, 1974 ; Ocak 1992. Tschudi, 1959 ; Popovic-Veinstein, 1995 ; Clayer, 1996b ; Clayer, 2002a. 8 Kissling, 1958 ; Filipović, 1971. 9 Zarcone, 1992. 10 Gölpınarlı, 1931 ; Lewis, 1959 ; Clayer-Popovic-Zarcone, 1998. 11 Algar, 1972 ; Ćehajić, 1990 ; Gaborieau-Popovic-Zarcone, 1990 ; Algar-Nizami, 1993. 12 de Jong, 1977 ; Clayer 1994. 13 Kiel, 1995 ; Clayer 1996b. 14 Clayer, 1994, p. 166-169 et 268-269. 15 Clayer, 1994, p. 164-166 et 267 ; Clayer, 1997. 16 Gölpinarli, 1957 ; Beldiceanu-Steinherr, 1961 ; Yılmaz, 1982 ; Tezeren, 1984. 7 3 dans ces régions : la Djalwatiyya déjà mentionnée, et la Shamsiyya-Sîwâsiyya17 – alors que les autres réseaux khalwatis, d'ailleurs plus hétérodoxes, comme la Gulshaniyya18, la Sinâniyya, depuis Skopje19, la Ushshâkiyya20, la Uwaysiyya21, ou la Misriyya22 eurent, semble-t-il, un développement plus limité – ; enfin, la Kâdiriyya, à partir du début du XVIIe s.23, la Mawlawiyya24, et probablement aussi la Rifâ‘iyya25. Le Seyâhatnâme d'Evliya Çelebi témoigne de cette présence confrérique dans pratiquement tous les centres urbains balkaniques au milieu du XVIIe s.26. Mais, malgrè la volonté des autorités ottomanes, le soufisme hétérodoxe fut cependant loin d'être éradiqué dans la Péninsule ; il y eut même l'expansion d'un nouveau mouvement hétérodoxe au XVIe s., venu d'Anatolie : celui des Melâmis-Bayrâmis (plus tard des Hamzevis)27, qui eut des adeptes notamment en Thrace, en Bosnie-Herzégovine, dans la région de Belgrade et peutêtre jusqu'en Hongrie. 1.2.3. – L'échec des armées ottomanes devant Vienne en 1683, suivi de la « reconquista » autrichienne, hongroise et vénitienne, entraîna de profonds bouleversements pour la Turquie d'Europe : une perte de territoires qui en annonçait d'autres, plus importantes encore ; et une crainte permanente des soulèvements de populations chrétiennes. Ce sont là probablement les raisons pour lesquelles les autorités ottomanes entreprirent dans les Balkans, à partir du milieu du XVIIIe s., une politique de renforcement de l'élément musulman, soit par une colonisation plus poussée, soit en favorisant l'islamisation des populations locales. Même si les sources ne font que rarement apparaître explicitement le rôle des confréries dans ce processus, c'est un fait que celui-ci fut accompagné de l'expansion de nouveaux réseaux confrériques, qui contribuèrent à renforcer la cohésion des populations musulmanes fraîchement islamisées ou installées dans ces régions. Ces nouveaux réseaux supplantèrent en partie les plus anciens dans les villes, mais connurent également une expansion sans précédent en zone rurale, notamment dans les régions que recouvrent aujourd'hui l'Albanie, la Macédoine le Kosovo, la Grèce du Nord et la Bulgarie. De nouvelles confréries, ou de nouvelles branches de celles-ci, essaimèrent dans les territoires rouméliotes à cette époque, parfois même très tardivement, à la fin du XIXe - début du XXe s. : la Sa‘diyya28, à partir du début du XVIIIe s., dans la partie occidentale de la Péninsule ; la Malâmiyya-Nûriyya29, fondée en Macédoine par Muhammad Nûr al-‘Arabî (m. en 17 Clayer, 1994, p. 169-170 et 268-269 ; Clayer, 1996a. Yazıcı, 1965 ; Yazıcı, 1982 ; Clayer, 1994, p. 170-171 et 263. 19 Popovic, 1991 ; Popovic, 1994 ; Clayer 1994, p. 172-174 et 265-266. 20 Clayer, 1994, p. 174-175 et 264-265 ; Clayer, 2002. 21 Ocak, 1982 ; Clayer, 1994, p. 171-172 et 268-269. 22 Clayer, 1994, p. 177-178 et 267-268. 23 Margoliouth, 1974 ; Popovic, 2000 ; Clayer, 2000. 24 Yazıcı-Margoliouth-de Jong, 1989 ; Popovic, 1994, p. 265-271 ; Mevleviyye, 1994. 25 Popovic, 1989-1990 ; Bosworth, 1994. 26 Popovic, 1988. 27 Imber, 1987 ; Algar, 1997. 28 Popovic, 1978 ; von Schlegel, 1994. 29 Gölpınarlı, 1931 p. 229-357 ; Popovic, 1998 ; Tanasković, 1998. 18 4 1888) ; la Shâdhiliyya30, dont quelques rares tekke furent fondés au Kosovo et en territoire bulgare ; la Tidjâniyya31 qui essaima vers 1900 en Albanie du Nord, ainsi que plusieurs branches de la Khalwatiyya, telles : la Misriyya32, la Ramâzaniyya33, et la Sha‘bâniyya34 ; alors que d'autres branches de la Khalwatiyya naquirent dans les Balkans, notamment : la Djarrâhiyya35, dont les membres eurent un rôle actif dans la reconquête et la recolonisation de la Morée après 1715 ; la GulshaniyyaSezâ’iyya36 qui vit le jour à Edirne au début du XVIIIe s., et la Hayâtiyya37 fondée à Ohrid dans la seconde moitié du XVIIIe s. ; ainsi que deux nouvelles branches nakshbandies (la Mudjaddidiyya, et surtout la Khâlidiyya au XIXe s.). D'anciennes confréries renforcèrent également leur implantation, comme la Rifâ‘iyya38 à partir du début du XIXe s., la Kâdiriyya (à travers les branches Zindjiriyya et Razzâkiyya), où la Bektâshiyya qui connut, à partir de la seconde moitié du XIXe s., une expansion très importante dans les territoires albanais, du Sud et du centre, où elle joua un rôle de premier plan dans l'éveil national albanais39. Comme dans le reste de l'Empire ottoman, les confréries mystiques musulmanes furent extrêmement présentes dans les territoires balkaniques sous domination ottomane. Elles y jouèrent un rôle dans la vie religieuse, représentant des courants plus ou moins orthodoxes (ou plus ou moins hétérodoxes), mais aussi sur le plan économique et social (par le biais des waqf, « biens de main-morte »), ainsi que dans les domaines culturel, artistique et politique. 1.3. Période post-ottomane (jusqu'à 1990). – Parmi la quinzaine de confréries mystiques musulmanes (et à peu près autant de leurs nombreuses branches et sous branches) qui se sont implantées pendant la période ottomane dans les Balkans et dans le Sud-Est européen en général, onze auraient survécu (de façon relativement organisée et structurée, autour de leurs établissements, c'est-àdire de leurs tekke et de leurs zâwayâ40), plus ou moins longtemps après le départ des troupes ottomanes. Il s'agit de la Bektâshiyya, de la Kâdiriyya, de la Khalwatiyya, de la Malâmiyya-Nûriyya, de la Mawlawiyya, de la Naqshbandiyya, de la Rifâ‘iyya, de la Sa‘diyya, de la Shâdhiliyya, de la Sinâniyya (une branche de la Khalwatiyya qui est considérée dans les Balkans comme une confrérie à part) et de la Tidjâniyya. Il n'y en aurait eu ensuite, plus que dix existantes, car la Mawlawiyya a disparu à son tour au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, 30 Popovic, 1991a ; Lory, 1996. Clayer, 1989 ; Abun-Nasr, 2000. 32 Babinger, 1993 ; Kara, 1994. 33 Clayer, 1994, p. 253-256. 34 Clayer, 1994, p. 176 et 260-262 ; Clayer, 1996. 35 Clayer, 1994, p. 256-259. 36 Clayer, 1994, p. 263. 37 Clayer, 1994, p. 259-260. 38 Mašulović-Marsol, 1992. 39 Clayer, 1990 ; Clayer, 1995 ; Clayer 2002a. 40 Le mot tekke désigne dans les Balkans un établissement de derviches situé dans un bâtiment à part (ou dans un ensemble de bâtiments), alors que le mot zavija (zâwiya) désigne un établissement constitué uniquement d'une pièce située dans une maison (ou dans un appartement) privée. 31 5 alors que la Malâmiyya-Nûriyya, la Shâdhiliyya et la Sinâniyya s'éteignaient peu à peu41. Pour diverses raisons, dictées avant tout par la force numérique des populations musulmanes restées sur place, leur survie ne s'est pas faite de façon uniforme dans l'ensemble des différents pays du Sud-Est européen, car ces onze confréries n'ont pas eu partout la même résistance. Sans oublier de souligner ici un autre phénomène important dont il faut absolument tenir compte, à savoir que les débuts de la période « post-ottomane » se situent dans les Balkans, suivant les diverses régions, entre 1699 et ... 1912. Globalement parlant, les confréries ont survécu (ou se sont même parfois développées) surtout dans la partie occidentale de la Péninsule (Albanie et ex-Yougoslavie), dans une moindre mesure dans la partie orientale et méridionale (Roumanie, Bulgarie, Grèce), et pas du tout dans la partie septentrionale (Hongrie, Croatie). Cette survie ne devait d'ailleurs son existence qu'à la faveur d'une double lutte : d'une part contre, ou tout au moins en marge des États nouvellement créés ou reconstruits, dont ces confréries faisaient dorénavant partie (notamment pendant la période communiste), d'autre part, contre, ou au mieux en marge des autorités officielles des communautés musulmanes locales, souvent hostiles à ces confréries42. Dans ce dernier cas, il faut noter plusieurs tentatives de celles-ci de s'émanciper de la tutelle des autorités musulmanes officielles en créant des structures plus ou moins indépendantes, ou au contraire la formation de structures du même type, mais mises en place par la Communauté musulmane officielle, destinées à contrôler les confréries (en exYougoslavie, création de la ZIDRA au Kosovo, dans les années 1970, et du Tarikatski Centar de Sarajevo43 ; en Albanie où l'on note la formation de deux organisations de ce genre dans les années 1930 (Drita Hyjnore et Kryesija e Sekteve Alevijan), et surtout, cas extrême dans ce domaine, la reconnaissance officielle d'une Communauté bektachie, devenue une communauté religieuse indépendante, au même titre que celle des musulmans sunnites44. On trouvera les principaux renseignements sur l'historique de cette survie, sur l'organisation et le fonctionnement de ces onze confréries au cours de la période considérée, ainsi que des bibliographies développées, dans les ouvrages et articles citées, mais la situation pourrait être présentée également selon trois groupes de confréries, qui ont fonctionné plus ou moins activement suivant les régions et les périodes données. Tout d'abord le groupe des deux « grandes » confréries, composé par la Bektâshiyya (présente surtout en Albanie, au Kosovo et en Macédoine ; et aussi, mais pendant peu de temps, en Grèce : en Thessalie et en Thrace occidentale) et la Khalwatiyya (un peu partout, mais surtout en Albanie, au Kosovo, en Macédoine et en Bosnie-Herzégovine) ; ensuite le groupe des six confréries « moyennes » : celles de la Kâdiriyya (surtout en Albanie, au Kosovo, en Macédoine et en Bosnie-Herzégovine, ainsi que, dans une faible mesure, dans le Deli Orman en Bulgarie), de la Malâmiyya-Nûriyya (surtout au Kosovo et en Macédoine et un peu, peut-être, dans le Deli Orman), de la Mawlawiyya (qui a 41 Popovic, 1986 ; Tanasković, 1986 ; Popovic, 1991b ; Popovic, 1996a. Popovic, 1985 ; Popovic, 1987-1988 ; Clayer-Popovic, 1999. 43 Clayer-Popovic, 1999, p. 654-659. 44 Popovic, 1986a, p. 14-36 ; Clayer, 1990, p. 185-202. 42 6 subsisté pendant quelque temps en Bosnie-Herzégovine, au Kosovo et en Macédoine, et semble-t-il aussi un peu en Bulgarie), de la Naqshbandiyya (surtout en Bosnie-Herzégovine, et un peu au Kosovo, en Macédoine, dans le Deli Orman et dans la Dobroudja bulgare et roumaine), de la Rifâ‘iyya (surtout au Kosovo, en Macédoine et en Albanie, et aussi un peu en Bulgarie, ainsi qu'en BosnieHerzégovine où il s'agit cependant avant tout des Albanais du Kosovo installés dans la ville de Sarajevo), et de la Sa‘diyya (surtout au Kosovo, en Macédoine et en Albanie) ; enfin le groupe des trois « petites » confréries : celles de la Shâdhiliyya (en Bulgarie et au Kosovo), de la Sinâniyya (en Macédoine et au Kosovo), et de la Tidjâniyya (dont la présence n'est signalée qu'en Albanie). Il est à noter que les réseaux de ces confréries étaient en général divisés en sous-réseaux régionaux et même ethniques, c'est-à-dire, qu'il pouvait y avoir, au sein d'une même confrérie, des « filières » turques, albanaises, slaves, voire même, depuis quelques décennies, tziganes (en Macédoine surtout). Ajoutons enfin, en ce qui concerne le culte des saints, qui constitue souvent le seul témoignage de la présence passée des confréries, qu'il réunit fréquemment les populations musulmanes et les populations chrétiennes. 1.4. Deux dernières remarques concernant l'ensemble des périodes précédentes. – Avant d'essayer d'examiner la situation actuelle des confréries mystiques musulmanes dans les Balkans (tâche qui s'avère être extrêmement difficile, sinon impossible à réaliser pour l'instant, au moins dans certaines régions de la Péninsule), il me semble nécessaire de rappeler, ne serait-ce qu'en quelques lignes, deux faits majeurs que l'on doit avoir présents à l'esprit, si l'on cherche à comprendre où nous sommes réellement aujourd'hui, dans l'étude de l'histoire du « phénomène confrérique » dans le Sud-Est européen. Le premier concerne les sources qui sont à notre disposition, et le second les travaux qui ont été réalisés jusqu'à présent. Il est clair je pense, pour tous ceux qui travaillent sur ce sujet, que nos sources ne sont en fait qu'une masse disparate d'informations embrouillées et plus ou moins sûres, qui ont été reprises maintes et maintes fois par des auteurs et des publicistes en tous genres, dont la plupart n'était d'ailleurs nullement préparé pour s'atteler à une telle tâche, mais chez lesquels cependant il peut y avoir parfois, ici et là, des renseignements importants, ou au moins intéressants, qu'il faut donc absolument prendre en considération. De plus, ces sources (toujours ponctuelles et très éparpillées) se composent en fait des données éclatées et très largement insuffisantes en nombre, pour pouvoir nous permettre – tout du moins à l'heure actuelle – de présenter quelque chose de cohérent et de suivi. De plus, on doit retenir aussi un autre fait indéniable, à savoir qu'un certain nombre d'éléments qui nous intéresseraient au plus haut point aujourd'hui, n'ayant pas été notés à leur époque, il sera très certainement impossible à tout jamais, de reconstituer l'histoire des différentes confréries mystiques musulmanes balkaniques dans toute leur complexité. Quant aux travaux publiés jusqu'à présent, ils souffrent tous d'une carence bien connue, à savoir que nous manquons déplorablement de monographies fiables, soit sur les principaux centres (tekke) et leurs cheikhs et derviches, soit sur les principaux « réseaux » de ces centres, soit encore (mais alors toutes confréries 7 confondues) sur les principales régions du Sud-Est européen ; monographies qui devraient être faites obligatoirement, d'une part d'après l'ensemble de la documentation existante, d'autre part sur la base de longs séjours de travail et d'observation sur place. Car il est évident, bien entendu, que seule une longue fréquentation de ces milieux, et des séjours prolongés, peuvent permettre une bonne appréciation de la situation qui est, partout dans ces régions, d'une rare complexité. Cette extrême complexité des différents problèmes locaux, aggravée par la nécessité d'utiliser des langues peu connues, a pu rebuter les spécialistes étrangers qui voudraient éventuellement s'aventurer dans ce domaine. Les spécialistes (et à plus forte raison les non spécialistes) locaux, de leur côté, sont très souvent dans l'impossibilité de situer les ordres mystiques musulmans de leur région dans un contexte historique plus vaste (du fait de leurs insuffisances dans les domaines historique, islamologique, anthropologique ou autres). Quant à nos propres supputations, fruit de trop brefs passages dans ces régions, elles reposent beaucoup plus sur des impressions un peu trop rapides, que sur une présentation des faits longuement observés et analysés « sur le terrain », ce qui donc, dans un cas comme dans l'autre, pose problème. 2. La situation actuelle des confréries mystiques musulmanes dans les régions balkaniques 2.1. La situation globale au moment de la chute du mur de Berlin (novembre 1989). – Selon la documentation dont je dispose à l'heure actuelle, plus d'un milliers de tekke et de zâwiya auraient existé dans les différentes régions des Balkans au cours de la période ottomane et post-ottomane. D'après mes estimations personnelles, le nombre de ceux qui fonctionnaient encore (plus ou moins régulièrement), en novembre 1989, était d'environ une soixantaine, situés tous en ex-Yougoslavie – dont un peu plus de la motié se trouvait – dans les villes et les agglomérations urbaines, et le reste dans les villages et dans les campagnes45. Sur le plan de la distribution géographique, ces établissements étaient situés comme suit : sept en Bosnie-Herzégovine46, une quarantaine au Kosovo47, une quinzaine en Macédoine48, et deux ou trois en Serbie et au Monténégro. Comme principaux centres (une trentaine en tout), on pouvait mentionner à ce moment-là les suivants : – chez les Bektachis : ceux de Kanatlarci, Tetovo et Kičevo (en Macédoine), ainsi que celui de Djakovica (au Kosovo) ; – chez les Halvetis : ceux de Prizren, Orahovac et Djakovica (au Kosovo), ainsi que ceux de Kičevo, Struga et Ohrid (en Macédoine) ; – chez les Kadiris : ceux de Sarajevo (en Bosnie), et ceux de Prizren, Orahovac, Kosovska Mitrovica, Peć et Djakovica (au Kosovo) ; – chez les Melamis : ceux de Štip et de Pagaruša (en Macédoine), 45 Concernant l'implantation des tekke dans les Balkans, voir Clayer-Popovic, 1993. Pour les chiffres concernant cette région, voir : F.Hadžibajrić, « Mevlud u tekiji na vrelu Bune » ["La cérémonie de mawlid dans le tekke situé près de la source de la Buna"], Preporod, 259, Sarajevo, 1er juin 1981, p. 21 ; Anonyme, « Četrdeset tekija » ["Quarante tekke"], Preporod, 410, Sarajevo, 15 septembre 1987, p. 14. 47 Voir par exemple : Rexhepagiqi, 1999. 48 Voir : Clayer-Popovic, 1992. 46 8 ainsi que ceux de Orahovac, Prizren et Suvi Do (au Kosovo) ; – chez les Naqshbandis : ceux de Sarajevo, Visoko, Oglavak et Vukelići-Živčići (en Bosnie), et ceux de Djakovica et de Planeja (au Kosovo) ; – chez les Rifa‘is : ceux de Prizren, Djakovica et Orahovac (au Kosovo), ainsi que celui de Skopje (en Macédoine) ; – chez les Sa‘dis : plusieurs tekke de Djakovica (Kosovo), ainsi que celui (ou ceux ?) de Sutka, près de Skopje (en Macédoine) ; – chez les Sinanis : le (ou les ?) tekke de Prizren (au Kosovo) ; alors que – chez les Shadhilis, le dernier tekke de cette confrérie, celui de Djakovica (au Kosovo), venait de s'éteindre depuis quelque temps déjà. Cependant, il ne faut surtout pas perdre de vue le fait qu'un tekke où, par manque de cheikh et de derviches, le rituel ne se fait plus, celui-ci continue néanmoins "à fonctionner", comme l'objet de vénération, de dévotion et de piété populaire, grâce à ses türbe (c'est à dire des mausolées dans lesquels reposent le fondateur du tekke en question et ses successeurs). Le nombre des cheikhs et de leurs affiliés avait évidemment beaucoup diminué lui-aussi. Toujours selon mes estimations personnelles, il devait se situer à cette époque entre dix et vingt mille personnes en tout, mais tout dépend de ce que l'on entend sous le terme d' « affilié ». La plus grande partie se composait, comme on le remarque facilement d'après l'implantation régionale des tekke, d'Albanais et des "Turco-Albanais"49, ensuite de musulmans slaves de BosnieHerzégovine (qui à l'époque se disaient "Musulmans", avec un "m" majuscule), nom qu'ils ont abandonné depuis (en septembre 1993 plus précisément) pour celui de "Bochniaques"50 ; de musulmans slaves de Macédoine ("Torbech"-s, "Gorani"s etc.) ; de quelques Turcs qui n'avaient pas (encore) émigré en Turquie ; et enfin, d'un relativement grand nombre de Gitans (Tziganes ou "Rom"-s) qui, surtout en Macédoine, mais également au Kosovo, cherchaient par ce biais à se faire passer pour des "Turcs"51, afin d'essayer de s'élever ainsi dans la hierarchie des "nations" et des "nationalités", qui avait existé dans l'ex-Yougoslavie à l'époque titiste52. L'ensemble de ces tekke et zâwiya était "coiffé" (plutôt de façon "théorique", bien 49 Sur cette catégorie de population, qui occupe une position particulière dans la société, voir : N.Clayer, "L'islam, facteur des recompositions internes en Macédoine et au Kosovo", (dans Bougarel-Clayer 2001, p. 177-240), où, à la p. 181, elle écrit notamment : « En réalité, il existe également une catégorie qui ne peut apparaître dans les recensements, de musulmans citadins, la plupart d'origine mixte turco-albanaise et de culture turque (voire turque et albanaise), parlant et le turc et l'albanais. Selon un stéréotype très répandu, qui leur permet de fonder leur double identité, ils se disent la plupart du temps de mère turque et de père albanais » ; puis, dans la note 9 de la même page, elle ajoute : « Sur ces citadins "turco-albanais", voir Eran Fraenkel, "Urban Muslim Identity in Macedonia : The Interplay of Ottomanism and Multilingual Nationalism", in : E.Fraenkel et Ch.Kramer (eds.), Language Contact-Language Conflict, New York, Peter Lang, 1993, p. 27-41. Je n'emploie pas ici l'expression "Turco-Albanais" dans le sens d'Albanais musulmans (usage existant par exemple en Grèce), mais bien dans le sens, plus restreint, de musulmans citadins à la fois de culture albanaise et de culture turque ou "ottomane" ». 50 Voir à ce sujet, Bougarel-Clayer, 2001, ("Introduction", p. 39) ; puis aussi, dans ce même volume, X.Bougarel, "L'islam bosniaque, entre identité culturelle et l'idéologie politique", p. 79132 (cf. p. 112-113) ; ainsi que son article (actuellement sous presse), "Comment peut-on être Bochniaque", à paraître dans Alain Dieckhoff et Riva Kastoriano (éds.), Nationalismes et mutations en Méditerrannée orientale, Paris, Éditions du CNRS. 51 Clayer-Popovic, 1992, p. 59-60. 52 Il n'y a pas eu encore de travaux poussés sur ce sujet, qui a été signalé pourtant (mais uniquement "au passage") par plusieurs auteurs. 9 entendu, que de façon effective) par deux institutions dont il a été déjà question cidessus, à savoir le « Tarikatski Centar » de Sarajevo53, pour les centres de BosnieHerzégovine, et la « ZIDRA » de Prizren, pour ceux des autres régions du pays. Ajoutons aussi que le niveau d'instruction et de connaissances des cheikhs avait beaucoup baissé par rapport à ceux des périodes antérieures, comme on peut le constater facilement, en lisant leurs revues et autres publications54. 2.2. Années 1990-2002. Une vue d'ensemble. – La période des douze dernières années qui ont suivi l'effondrement des régimes communistes en Europe de l'Est, a été marquée pour les populations balkaniques, aussi bien musulmanes que non musulmanes, par toute une série de bouleversements profonds, ponctués par des événements tragiques que très peu de gens pouvaient prévoir : la dissolution de la fédération yougoslave (juin 1991) ; les affrontements armés entre Serbes et Croates en Croatie, se transformant très rapidement en guerre ouverte (août-septembre 1991-décembre 1995) ; l'éclatement du conflit bosniaque (avril 1992), puis la guerre civile "à trois", entre Musulmans, Serbes et Croates en Bosnie-Herzégovine (1992-1995) ; la quasi guerre civile albanaise (mars-avril 1997) ; l'éclatement d'un conflit armé au Kosovo (mars 1998) ; l'intervention militaire de l'OTAN et l'exode massif des Albanais du Kosovo (mars-juin 1999) ; le passage du Kosovo sous tutelle internationale (juin 1999) ; la série d'attaques contre la police serbe en Serbie du Sud, revendiquée par une "Armée de libération de Preševo, Medvedja et Bujanovac" (février 2000) ; et en dernier lieu, les affrontements armés entre Albanais et Macédoniens, en Macédoine (à partir de juin 2000)... On comprendra facilement que tous ces bouleversements et ces tragédies ont dû se répercuter inévitablement à plus d'un endroit, d'une part sur la situation des diverses confréries mystiques musulmanes de ces pays et régions, et que, d'autre part, il a été très difficile (pour ne pas dire impossible) de se rendre « sur le terrain » pour effectuer des recherches dans le domaine qui nous intéresse55. Et comme, par ailleurs, les publications concernant l'état précis de l'évolution de ces confréries, et de leurs principaux centres, se comptent sur les doigts d'une seule main, je ne peux guère qu'essayer de brosser ici un tableau très général sur la situation actuelle, en y ajoutant par-ci, par-là (dans les notes des bas de pages), des rares renseignements ponctuels dont j'ai pu avoir parfois, quelques échos. C'est pour cette raison d'ailleurs que je joins à la fin de ce petit texte quelques Annexes, tirées de plusieurs publications récentes de Nathalie Clayer, qui est actuellement à 53 Voir à ce sujet, Sead Halilagić, « Istine o tarikatu kod nas » ("Les vérités sur les tarîqat chez nous"), Islamska Misao, 144, Sarajevo, décembre 1990, p. 72-74. 54 Popovic, 1986b ; et dans un tout autre contexte, Clayer, 1991. 55 Ainsi, par exemple, si au cours des douze années précédentes (à savoir dans la période avril 1979-avril 1991) j'ai pu effectuer une quinzaine de séjours au Kosovo, en Macédoine, en Serbie, en Bosnie-Herzégovine et au Monténégro (correspondant, au total, à une centaine de jours effectifs passés dans les divers milieux confrériques de ces régions), depuis 1992 je n'ai pu travailler sur le terrain, qu'une seule fois en Macédoine (un très bref séjour en octobre 1997) et à deux reprises en Albanie (juin 1996 et août-septembre 2001). 10 mon avis, le principal spécialiste des ordres mystiques musulmans dans les Balkans. Voici donc les points essentiels de cette "vue d'ensemble"56 : La nouvelle situation politique a eu plusieurs conséquences "positives" pour les musulmans balkaniques : liberté d'expression et de circulation, intensification des contacts avec le monde musulman extérieur, possibilité pour les missionnaires musulmans étrangers de venir faire du prosélytisme etc. Mais, d'autre part, les musulmans balkaniques (de même évidemment que leurs concitoyens non musulmans) ont été confrontés aussi, àvec une situation économique et sociale extrêmement préoccupante (si ce n'est désastreuse), sans parler des conséquences des conflits armés, du "nettoyage ethnique", de la perte des habitations et des biens, et de l'obligation de fuir ou de s'exiler au loin... En ce qui concerne les pratiques religieuses, et plus particulièrement les rituels soufis, ils ont été naturellement tributaires des transformations qui se sont opérées dans leurs communautés et confréries respectives au cours des différentes périodes de leur histoire, puis du contexte politique et social actuel, suivant les pays et les régions. Mais il y a lieu de rappeler avant tout un fait certain, à savoir que dans les Balkans d'aujourd'hui (et d'hier), l'importance numérique des confréries mystiques musulmanes (donc celles des cheikhs et des derviches) est extrêmement limitée, par rapport à l'importance numérique des communautés musulmanes locales non-soufies. On ne sait pas exactement quelle est l'évolution que connaissent (et que connaîtront) les confréries balkaniques, ni quel peut-être le rapport de force entre les deux dynamiques existantes – celle du renouveau des réseaux anciens, et – celle de la diffusion de nouveaux réseaux, venant notamment de Turquie, pays avec lequel les musulmans du Sud-Est européen sont en train de resserer leurs liens, mais arrivant aussi des nombreux autres pays musulmans, ainsi que de leurs propres diasporas d'Europe occidentale, des États Unis, ou d'ailleurs. Par rapport aux différentes régions des Balkans, la situation actuelle peut être résumée comme suit : dans la partie orientale (en Bulgarie, en Roumanie et en Grèce, c'est-à-dire en Thrace occidentale) tous les anciens réseaux confrériques ont complétement disparu au cours du vingtième siècle, excepté dans un cas très particulier, celui des communautés alevi-kizilbash (qui professent en fait leur propre religion, à savoir un islam hétérodoxe et syncrétique) ; ce qui implique ipso facto que les seuls réseaux confrériques encore actifs, ne se trouvent plus que dans la partie occidentale de la Péninsule, donc dans les territoires de l'ex-Yougoslavie et de l'Albanie. Dans la partie musulmane la plus occidentale des Balkans, en BosnieHerzégovine, les confréries mystiques avaient beaucoup baissé (depuis la fin de la période ottomane déjà, puis surtout à la suite de la fermeture officielle de leurs 56 Clayer, 1997a ; Clayer, 1998, p. 157-158 ; Clayer-Popovic, 1999a ; Clayer, 2000, p. 238-240 ; Clayer, 2001 ; Clayer, (sous presse, 39 p.) ; Clayer (sous presse/a, 13p.). 11 centres [tekke], imposée par les autorités communistes locales en 1952), mais y ont survécu tout de même, grâce d'abord aux cérémonies de récitation du Mathnawî de Djalâl al-Dîn Rûmî, et aux très nombreuses séances de mevlud (mawlid), collectives57 ou familiales ; et enfin, naturellement, depuis l'autorisation officielle de réouverture de leurs tekke, grâce aux deux principales confréries de ces régions (la Naqshbandiyya et la Kâdiriyya), sous la houlette de leur dernier grand cheikh Fejzulah Hadžibajrić (1913-1990) qui a su manœuvrer à merveille (au cours de la décennie 1980-1990 notamment) les autorités communistes locales à la dérive, et utiliser les possibilités offertes par la création du « Tarikatski Centar » de Sarajevo. Cela dit, sa disparition (en avril 1990), puis celle de son plus proche collaborateur, cheikh Abdulah Fočak (décédé en mars 1991), ainsi que la terrible guerre civile qui a suivi (1992-199558) ont certainement beaucoup affaibli le renouveau opéré au cours de la décennie précédente. L'héritage confrérique dans cette région repose donc aujourd'hui, avant tout, sur les épaules d'un cheikh naqshbandi, de la célèbre famille des Hadžimejlić, du tekke de Vukelići-Živčići59, près de Fojnica en Bosnie. Mais, le moins que l'on puisse dire à ce sujet, est que l'on ne possède pas beaucoup d'informations précises, ni sur la situation générale actuelle des réseaux soufis en Bosnie-Herzégovine, ni sur une éventuelle instrumentalisation de ces réseaux, pour des buts politiques ou idéologiques, par les autorités musulmanes locales de cet "État". Dans les autres régions de l'ex-Yougoslavie, c'est-à-dire avant tout au Kosovo et en Macédoine, où la plupart de la population musulmane parle l'albanais (et non pas une langue slave, comme en Bosnie-Herzégovine), les confréries mystiques musulmanes étaient – dans une certaine mesure – moins persécutées par les autorités communistes locales, que celles de Bosnie-Herzégovine. Et cela notamment à partir de 1975, lorsque le cheikh rifa‘i de Prizren (cheikh Djemali) a eu la possibilité d'assurer un nouvel essor aux confréries de Kosovo, de Macédoine, de Serbie et de Monténégro, en leurs offrant la possibilité de se regrouper dans une organisation, nommée d'abord SIDRA ("Union des ordres de derviches..."), puis ZIDRA ("Communauté des ordres de derviches..."), créant ainsi, de facto, une nouvelle communauté officielle musulmane yougoslave, pratiquement indépendante, et même "parallèle", par rapport à la très officielle "Communauté musulmane de Yougoslavie". Cette institution fonctionnait grâce aux dons bénévoles et aux cotisations, provenant des milieux de derviches de ces 57 On peut citer à titre d'exemple, une cérémonie de ce genre qui a eu lieu le 24 août 1991, à laquelle avait participé un très grand nombre de gens, ainsi que le Président de BosnieHerzégovine Alija Izetbegović (voir Preporod, 504, Sarajevo, 1.9.1991, p. 7). 58 Selon Amina Šiljak-Jesenković (1996, p. 84-85), au cours de cette période ont été détruits en Bosnie-Herzégovine les centres suivants : le tekke naqshbandi de Foča (mai-juin 1992), le tekke de Divič, près de Zvornik (mai-juin 1992), [voir aussi à ce sujet, H.Algar, "Bayramiyye", The Oxford Encyclopædia of the Modern Islamic World, New York, Oxford Univ. Press, 1995, t. I, p. 206207], la zavija de Carevo Polje, près de Jajce (octobre 1992), le tekke de Mostar (à la même date [?]), et l'illustre tekke naqshbandi d'Oglavak (octobre [?] 1993) ; alors qu'ont été endommagés : le tekke de Blagaj, et deux autres de Sarajevo (celui de "Nad Mlini" et le Haniqah de Gazi Husrevbeg). 59 J'ai appris récemment qu'un grand zikr (dhikr) annuel, particulièrement solennel et émouvant, a eu lieu dans ce tekke en présence d'un très nombreux public, le 24 août 2002. 12 régions travaillant souvent comme Gastarbeiter dans les pays occidentaux. Par ailleurs, un autre phénomène s'est généralisé dans ces régions, le développement des réseaux confrériques gitans (comme celui de Šutka, quartier gitan situé non loin de Skopje) dont il a déjà été question ci-dessus à plusieurs reprises, réseaux où la promotion accélérée de nouveaux cheikhs (et "cheikhs") était assurée par le biais de la ZIDRA et de son Président. Bien que ces réseaux se composent de plusieurs différentes confréries (telles les : Khalwatiyya, Kâdiriyya, Rifa‘iyya, Sa‘diyya etc.), les pratiques de leurs rituels respectifs tendent à se simplifier et à s'homogénéiser, avec une très nette prédominance (notamment dans le cas des trois dernières confréries citées) de l'idjrâh (le très spectaculaire rituel de mortification du corps), qui est devenu le point central du zikr, sur lequel il existe maintenant un relativement grand nombre de films documentaires60. Le cas de l'Albanie diffère beaucoup de celui de l'ex-Yougoslavie, pour deux raisons. La première est que les réseaux confrériques y ont continué de fleurir, même après la fin de la domination ottomane, puis ont été totalement étouffés ensuite, pendant la période communiste, à partir de 1967, tout comme d'ailleurs, l'ensemble des autres organisations (et manifestations) religieuses. La seconde raison est que dans ce pays, une de ces confréries soufies, la très hétérodoxe et la très syncrétique Bektashiyya, est devenue, au lendemain de la Première Guerre mondiale, une Communauté religieuse musulmane à part, au même titre que la Communauté musulmane sunnite et les deux Églises chrétiennes d'Albanie, Église orthodoxe et Église catholique. Et, lorsque vers la fin de l'année 1990 la pratique de la religion a été de nouveau autorisée par le Gouvernement albanais, la Communauté bektachie, à l'instar des autres confréries mystiques musulmanes du pays, a cherché à se rétablir. Les descendants des cheikhs qui avaient survécu à la terreur anti-religieuse du gouvernement d'Enver Hodja, ont d'abord rebâti les türbe (mausolées), afin de regagner la légitimité par la baraka ("bénédiction" ou "faveur divine"61) des saints, et pour retrouver par ce biais les moyens nécéssaires, grâce aux offrandes des fidèles. Ensuite, quelques uns parmi eux ont essayé de créer des petits groupes, pour se réunir et commencer à pratiquer le rituel propre à leur confrérie. Certains de ces nouveaux « cheikhs » ont été aidés aussi par des cheikhs albanais du Kosovo (comme ce fut le cas plus particulièrement de ceux appartenant à la Rifa‘iyya), voire par des cheiks d'autres régions et pays du monde musulman. On a pu remarquer donc depuis, ici et là, un lent réapprentissage des pratiques (et des doctrines), que signale par exemple N.Clayer concernant un dhikr observé en 1993 dans le tekke kâdiri de Tirana, auquel participaient – dans le même cercle – les hommes et les femmes (non voilées), alors que deux ans plus tard, on observait déjà une nette séparation au cours des prières rituelles, entre 60 Voir l'analyse des touts premiers de ces films, par D.Tanaskovic (Tanaskovic, 1986). Depuis cette date, plusieurs autres films sur ce sujet ont été réalisés, notamment par le cinéaste Dan Alex de Bruxelles. 61 Ou encore, comme l'a très joliment écrit G.S.Colin, "la force bénéfique d'origine divine, qui provoque la surabondance dans le domaine physique, la prospérité et la félicité dans l'ordre psychique", EI2, t. I, p. 1063 (de l'éd. fr.). 13 hommes et femmes (ces dernières portant d'ailleurs à cette occasion un voile blanc). Quant aux ilahi (hymnes religieuses) elles étaient déjà beaucoup mieux apprises et chantées que précédemment. De plus, outre le rétablissement ou la consolidation des anciens réseaux confrériques, trois autres évolutions majeures ont apparu dans le paysage soufi balkanique, qui doivent absolument être signalées ici : – Premièrement, l'arrivée de quelques nouveaux réseaux confrériques, soit par l'intermédiaire de « missionnaires » musulmans venant prêcher en Albanie, soit par des jeunes musulmans des Balkans ayant fait des études dans les différents pays musulmans, où certains d'entre eux avaient établis des contacts avec des confréries soufies locales. – Deuxièmement, l'arrivée et le développement dans ces régions, de mouvements que l'on peut considérer globalement comme des « néo-confréries », tels que les Süleymandjis62 et les Nurdjus-Fethullahdjis63, originaires tous deux de la Turquie, et issus de la Naqshbandiyya Les Süleymandjis par exemple, se sont implantés en Albanie en ouvrant des cours de religion, ainsi qu'un "Centre religieux turco-albanais". Pour ce qui est des adeptes de Fethullah Gülen, ils ont étendu leur réseau et leurs activités dans les différents pays du Sud-Est européen (Roumanie, Bulgarie, Albanie et Macédoine), où ils publient notamment des éditions locales de leur journal Zaman, et ont ouvert des écoles secondaires privées, ainsi que (dans certains endroits seulement, pour l'instant) des écoles religieuses64. – Le troisième élément important de cette évolution est le prosélytisme chiite, qui est particulièrement présent dans les milieux soufis de la partie occidentale de la Péninsule. En effet, de la même façon que les Chiites essayent d'introduire leur doctrine en Turquie (à travers les groupes alévis locaux), ils essayent également de diffuser le chiisme dans les Balkans, et plus spécialement par l'intermédiaire de la réémergence des réseaux soufis locaux. En Albanie par exemple, ils ont approché les représentants des Bektachis, des Khalvetis, des Rifa‘is et de quelques autres confréries (dont la connaissance de la mystique musulmane, du reste, est aussi pauvre que leurs moyens financiers). Ils les aident également à publier des traductions en albanais d'ouvrages d'orientation chiite, et leur offrent des bourses, afin que les jeunes Albanais puissent aller faire des études en Iran. Au Kosovo et en Macédoine, les groupes chiites de l'Iran ou de l'Europe occidentale établissent également des contacts avec des musulmans de ces régions, dont certains sont maintenant convaincus de voir dans le chiisme le « vrai islam » de la « troisième phase », qui doit succéder à l'islam soufi, lui-même considéré comme la « seconde 62 Voir A. Ak, Zarûri Bir Açıklama. "Süleymancilik" ile Yaftalanan Federasyon ve Dernekler. İthamlara Cevaplar, Istanbul, 1987, 187 p. ; et avant tout : Gökalp, 1990. 63 Voir N.Clayer, dans Bougarel-Clayer, 2001, p. 204-206 ; et dans le même volume, Ferhat Kentel, « Les Balkans et la crise de l'identité nationale turque », p. 357-395 [cf. p. 386-394]. 64 On est moins bien informé cependant, sur quelques autres contacts pris avec des groupes venant de l'extérieur, comme par exemple avec celui de Cheikh Nazim de Chypre, ou sur une visite faite à Skopje par un groupe phantomatique s'intitulant les "Mevlevis d'Athènes". 14 phase », après l'islam sunnite de la « première phase ». Une association chiite, qui s'intitule "Ehli Beyt" a été "fondée", à un moment donné, à Prizren au Kosovo65 Il est difficile d'imaginer comment les divers courants confrériques (qui, rappelons-le, demeurent très largement marginaux en nombre – sauf évidemment dans le cas des Bektachis en Albanie –, par rapport au principal courant de l'islam dans la Péninsule balkanique) se développeront dans les années à venir, mais il est cependant certain qu'ils sont déjà entrés dans une nouvelle ère. Les Communautés musulmanes (soufies et non-soufies) de ces régions sont maintenant plus proches du reste de l'Umma que précédemment. Des nouvelles tendances ont été introduites chez eux, venant non seulement de l'Est (comme auparavant), mais aussi des diasporas musulmanes d'Europe occidentale et d'ailleurs. Ces réseaux soufies des Balkans vont certainement subir des transformations analogues à celles qui ont eu lieu dans d'autres régions du monde musulman, concernant par exemple, les adaptations de leur rôle social dans la société moderne. Mais, sur la scène intérieure, à cause des très importants changements politiques qui ont eu lieu, ces réseaux confrériques auront nécessairement besoin de chercher à se repositionner eux-mêmes, face aux nouvelles autorités musulmanes, politiques et religieuses (non soufis), des pays balkaniques. 2.3. L'organisation et le rôle joué aujourd'hui, sur le plan social, politique et religieux. – Avant d'examiner la situation actuelle sur chacun des trois plans énoncés, il y a lieu de rappeler que le repositionnement des confréries et des milieux soufis des Balkans dont on vient de parler – et sur lequel, comme on va le voir nous avons relativement peu de renseignements précis pour l'instant – se manifeste (ou se manifestera) forcément de façon différente, dans chacune des quatre principales régions concernées (Bosnie-Herzégovine, Kosovo, Macédoine, Albanie) : suivant la composition "ethnique" des groupes en présence, leur importance sociale et culturelle au sein de ces régions ou de ces États, puis aussi suivant la situation politique du moment de chacun de ces quatre "pays", sur le plan international. Il est évidemment impossible d'essayer de décrire tout cela en détail ici, ce qui m'oblige donc de nouveau, à présenter un panorama global : En ce qui concerne le regroupement des confréries mystiques balkaniques, dans des organismes plus larges, ou dans des associations de ce type, je dois dire que je ne dispose malheureusement pour l'instant d'aucune information précise sur le fonctionnement (ou sur des transformations qui auraient éventuellement eu lieu au cours de la dernière décennie), ni sur le "Tarikatski Centar" de Sarajevo, ni sur la "ZIDRA" de Prizren. La situation semble être très complexe en Macédoine, où l'on compterait à l'heure actuelle trois institutions de ce genre, qui sont visiblement toutes, plus ou moins fantomatiques66 : à savoir, une "Communauté religieuse des 65 Voir : Clayer, dans Bougarel-Clayer, 2001, p. 227, ainsi que les différentes Annexes qui suivent. Vor CEDIME-SE, August 2000, Muslims of Macedonia, p. 2, 3, 18-20, 25, 35-36, 38-39, 41, 44. 66 15 ordres de derviches musulmans" fondée en 199267 ; un "Conseil des Cheikhs" (Meshihat na Tarikatite), faisant partie de l'officielle Communautés musulmanes (sunnite) de Macédoine, "Conseil" qui ne forme donc pas une "Communauté" à part, mais un "Groupe"68, intitulé "Section de derviches" de la Communauté en question ; et enfin une "Communauté bektachie" qui n'arrive toujours pas à se constituer officiellement, faute de pouvoir obtenir une autorisation de la part des autorités gouvernementales, celles-ci ne voulant pas avoir des problèmes avec la direction de l'officielle Communauté musulmane sunnite ... Quant à la situation en Albanie, tout ce que l'on peut dire est qu'il y a eu plusieurs tentatives de regroupement, mais que celles-ci n'ont pas pu aboutir jusqu'à présent, comme l'essai de création d'une "Kryesia e sekteve aleviane të Shqipërisë" ("Direction des sectes alévies en Albanie")69 de Tirana. Pour ce qui est du rôle joué aujourd'hui par les confréries soufies balkaniques sur le plan social, ce rôle consistait dans ces régions, avant 1990 (comme j'ai essayé de le décrire à plusieurs reprises70), dans toute une série de "services" et de "prestations", dont la première était – et est évidemment encore aujourd'hui –, l'enseignement des bases (et de "l'histoire sainte") de la mystique musulmane. Il s'agit également de fournir un cadre propice pour l'élévation spirituelle et religieuse, ainsi que pour la "cure des âmes", en offrant soutien moral et "thérapie", selon la croyance en la possibilité de guérison miraculeuse de toutes les maladies, y compris celle de la stérilité chez les femmes, grâce à l'intercession bienveillante des saints, et au recours aux thaumaturges vivants et morts ou aux "traitements médico-magiques". Il peut s'agir même – dans le cas particulier des populations albanaises – de contribuer à la "reconciliation des sangs", c'est-à-dire au réglement pacifique de vendetta71. Mais leur rôle est également d'offrir un "lieu de sociabilité", un foyer populaire d'accueuil, d'information et d'entraide, ou tout simplement un "club". Du point de vue des adeptes, sur le plan individuel, il s'agit de pouvoir marquer ainsi son appartenance à une communauté précise, librement choisie. Dans le cadre d'un dhikr violent (accompagné de mortifications corporelles extrêmement spectaculaires), il s'agit aussi d'une aventure, d'un "dépassement de soi", au sein d'une communauté virile "d'hommes entre eux", qui, bravant le fer et le feu se confirment et se réalisent à leur manière... Y a-t-il eu, depuis 1990, apparition de tendances nouvelles, ou d'adaptations/transformations notables, qui seraient liées d'une façon ou d'une autre aux bouleversements politiques et sociaux qui ont eu lieu depuis, dans ces quatre régions ? Cela est fort possible bien entendu, mais je dois avouer que je n'en ai pas eu d'échos, en dehors de ce qu'on peut lire dans quelques textes récents de N. Clayer, que l'on trouvera dans les Annexes ci-jointes. 67 Il s'agirait ici, presque exclusivement, d'un réseau constitué de tekke dirigés par des cheikhs gitans qui, avant la dissolution de la Yougoslavie, étaient affiliés à la ZIDRA de Prizren. 68 Il s'agirait-là aussi d'un réseau constitué de tekke dont les cheikhs (ici non gitans) étaient affiliés auparavant à la ZIDRA de Prizren, mais qui ne veulent pas faire partie de l'association dont il a été question dans la note précédente. 69 Voir à ce sujet : Clayer, 2000, p. 240, ainsi que les différentes Annexes qui suivent. 70 Voir par exemple Popovic, 1993, p. 139-143. 71 Voir Clayer, 2000, p. 239, note 104. 16 Le rôle politique des confréries mystiques musulmanes balkaniques a été très réduit dans la période post-ottomane (sauf dans le cas des Bektachis d'Albanie, cas qui reste évidemment tout-à-fait exceptionnel), mis à part les relations (plutôt mauvaises ou carrément conflictuelles) de ces confréries avec les dirigeants de la Communauté musulmane officielle (non-soufie). D'autre part, on a vu plus haut aussi comment les autorités (non musulmanes) des États en question pouvaient chercher parfois à utiliser ces mêmes confréries, lorsqu'elles en ressentaient le besoin, comme dans le cas de la ZIDRA ou du Tarikatski Centar, par exemple. Il semblerait que cette situation ait peu changé depuis 199072 (sauf peut-être en Bosnie-Herzégovine), ne serait-ce que du fait que le rôle politique des populations musulmanes balkaniques d'aujourd'hui est devenu avant-tout l'apanage des partis politiques musulmans de chacun des États et régions balkaniques73, dont aucun n'est naturellement un "parti politique soufi"). Quant au rôle religieux du soufisme et des confréries, je pense qu'il faut d'abord préciser un certain nombre de choses. On voit ainsi par exemple qu'un très grand spécialiste, Michel Chodkiewicz, considère très clairement que « le rôle des confréries est de fabriquer la sainteté et de transmettre cette sainteté », assertion que l'on pourrait compléter utilement à mon avis, par l'opinion de Ziba MirHosseini qui, en parlant de la religion des Ahl-i Haqq74, rappelle qu'il faut surtout se pencher sur la question : «...how the popularisation of certain mystical aspects of Islam has taken the form of a religious system negating many of Islam's fundamentals in terms of belief ritual and symbolism ». Car, on observe aujourd'hui, tout comme hier, une dichotomie flagrante entre – d'une part, les autorités de "l'islam de la mosquée" (qui prônent ce qu'ils estiment être un islam rationnel et "scientifique"), et – d'autre part, un islam "déviationniste" (ou pas), mais en tout cas très différent du premier, à savoir "l'islam du tekke", prôné également depuis des siècles par ses propres représentants. Celui-ci contiendrait – suivant l'optique des observateurs extérieurs (spécialistes ou non ) – soit des "grains de sagesse infuse", soit des "grains de folie pure", mais en tout état de 72 La seule mention que j'ai pu trouver sur cette question est celle concernant l'Albanie, notée par N. Clayer (Clayer, 1997a, p. 132) qui écrit : « Unlike the Sunni Community, the Bektashi Community appears so far not to have played an important political role except perhaps in the context of Greek-Albanian relations and the problem of Northern Epirus ». 73 Voir à ce sujet, dans Bougarel-Clayer, 2001 (Xavier Bougarel, « L'islam bosniaque entre identité culturelle et idéologie politique », p. 79-132 ; Rajwantee Lakshman-Lepain, « Albanie : les enjeux de la réislamisation », p. 133-176 [voir p. 136-138 et 147-150] ; Nathalie Clayer, « L'islam facteur des recompositions internes en Macédoine et au Kosovo », p. 177-240 [voir p. 204-206 et 227] ; Nadège Ragaru, « Islam et coexistence intercommunautaire en Bulgarie post-communiste », p. 241-288) ; et dans Gaborieau-Popovic, 2001 (Nadège Ragaru, « Quel islam en Bulgarie postcommuniste ? », p. 125-159 ; Nathalie Clayer, « Islam et identité nationale dans l'espace albanais [Albanie, Macédoine, Kosovo] », p. 161-181 ; Xavier Bougarel, « Trois définitions de l'islam en Bosnie-Herzégovine », p. 183-201) ; ainsi que la thèse inédite de Xavier Bogarel, Islam et politique en Bosnie-Herzégovine : le Parti de l'action démocratique, Paris, Institut d'Études politiques, 1999, 2 vols., 585 p. 74 Colloque de CERI (Centre d'Études et de Recherches Internationales, Fondation Nationale des Sciences Politiques), Paris, juin 1993. 17 cause beaucoup plus qu'un "grain de mysticisme", à savoir : une vision totalement mystique de l'islam, de la religion et de la spiritualité en général. Cependant, le soufisme est une affaire strictement individuelle, alors que le "confrérisme" est, par la nature des choses, une affaire collective, ce qui implique évidemment toute une série de devoirs et de contraintes.Il s'agit donc de deux choses à ne pas confondre comme on le fait trop souvent chez les "demi-savants" et dans les media. Mais pour revenir à notre sujet, il est, me semble-t-il, extrêmement difficile de savoir si les événements survenus depuis 1990 ont influé (ou non) de manière significative sur le rôle religieux du "soufisme", par exemple pour des raisons de désanchantements qui auraient pu avoir eu lieu dans les milieux musulmans "confrériques" et "non confrériques" des Balkans75. 3. Le rapport des confréries actuelles avec le soufisme classique. (Dans quelle mesure les confréries utilisent les textes classiques du soufisme dans la prière, dans la vie spirituelle, etc. ; quels sont les textes classiques et les auteurs soufis utilisés) Selon ce que j'ai pu observer personnellement "sur le terrain", il n'y a pratiquement aucun rapport entre les confréries mystiques musulmanes balkaniques actuelles et le "soufisme classique", sauf peut-être, dans quelques rarissimes cas, et encore ! Cela, d'une part – parce que le niveau théologique (et parfois le niveau intellectuel) de l'immense majorité de cheikhs et de "cheikhs", était et reste extrêmement modeste, du fait qu'il s'agit de gens qui ont très rarement pu fréquenter des établissements scolaires ou des maitres spirituels ayant de solides connaissances théologiques ; d'autre part – parce qu'il y a eu pendant plus d'un demi-siècle, une coupure plus ou moins totale, avec les milieux confrériques de Turquie (eux-mêmes d'ailleurs très fortement ébranlés, ou carrément anéantis depuis 1925, par les réformes de Mustafa Kemal). Ainsi, il n'y a pratiquement plus de cheikhs capables de lire l'arabe ou le turc ottoman (et encore moins le persan, bien entendu), alors que les principaux tekke possèdent de petites bibliothèques, contenant en plus de leur silsile ou de leur tomâr-name quelques ouvrages, voire quelques manuscrits anciens76. Il s'agit donc ici d'une "mystique (ou plutôt d'une dévotion) populaire", très éloignée (sauf à des rares exceptions près) de la grande 75 Un des cas extrêmement intéressants est évidemment celui de la "Sainte Éléonora" en Albanie, qui prétendait dans les débuts de sa "mission", faire partie des hautes sphères du Bektachisme albanais, aux grand dam évidemment de ces dernières. Voir à ce sujet, un long passage dans (Clayer, sous presse), qui cite notamment : Misioni Shenjtëror Eleonorë. Zonja e shpirtit në veprimtarinë Misionare, [The Holy Mission Eleonora. The Lady of Soul in her missionary activity], Tiranë, s.d., p.28-29, au sujet duquel N.C. écrit : "She claims to be since 1987 regularly in spiritual contact with the soul of a Bektashi saint, Abdyl Baba Qesaraka who lived around 1800, and to be the transmission channel for his messages and powers. Thus, at the beginning of the 1990s, she was acting as a kind of Bektashi mediator, healing a lot of people coming to her. However, since she could not (and maybe also because she did not want to) integrate into the Bektashi network, she has progressively formed a particular group with a special doctrine and a special ritual, inspired by energy, meditation and cosmos theories, which ressembles more a Western sect, than a Muslim mystical Brotherhood". 76 Pour illustrer ce faible niveau, on peut signaler par exemple le fait que la halvet (retraite) ne se pratique plus nulle part, tandis que le rituel se limite très souvent à un dhikr réduit et simplifié. 18 littérature mystique musulmane médiévale, au sujet de laquelle d'ailleurs les protagonistes balkaniques n'ont que vague idée77. Nous risquons d'ailleurs de ne rien comprendre à ce qui se passe dans ces milieux, en cherchant obstinément à les comparer aux cercles classiques de la grande mystique musulmane, telle qu'elle a été élaborée par les noms célèbres. En effet, ce avec quoi nous avons à faire aujourd'hui dans les milieux mystiques musulmans des Balkans est une toute autre chose : ce sont des groupes d'hommes et de femmes issus la plupart du temps de milieux modestes et même très modestes, qui spontanément et de leur plein gré (parfois depuis plusieurs générations), encadrés par des personnes auxquelles elles reconnaissent certaines qualités, vertus et pouvoirs (souvent "surnaturels") vivent une "expérience" commune, dans laquelle une forme de spiritualité, même si celle-ci peut paraître "naïve", voire "primitive", n'est nullement absente. Quant à l'utilisation éventuelle des textes classiques du soufisme dans la prière, dans la vie spirituelle etc., il est évidemment très difficile de se prononcer de façon catégorique, du fait que je n'ai pas eu l'occasion de le vérifier partout. Mon opinion personnelle, d'après ce que j'ai pu constater sur place, est que l'on utilise bien entendu : les formules du rituel de chaque confrérie ; on récite les prières et les wird (hymnes et litanies, qu'on récite ou on chante) ; on chante les ilahi (poèmes religieux) qu'on a appris par cœur, mais que la plupart de derviches (et souvent aussi des cheikhs) ne comprennent pas, ne sachant pas ni le turc (sauf évidemment dans les dans les milieux turcophones), ni l'arabe. Cela se résume donc, en gros (et encore dans le meilleur des cas), à l'utilisation des ouvrages populaires turcs plus ou moins récents, ou à quelques traductions faites de seconde ou de troisième main. Nathalie Clayer remarque d'ailleurs très justemment à ce sujet que l'une des œuvres les plus lues et les plus récitées dans les milieux bektachis albanais (tout comme dans ceux du Kosovo et de la Macédoine, ainsi que chez les Sa‘dis de ces deux régions) est la Hadikat üs-suada du poète ottoman d'origine persane, Fuzuli (m. en 1556)78. Pour terminer, il y a lieu de signaler aussi, que quatre autres traductions récentes (dont deux font partie d'ouvrages bien particuliers du soufisme classique), sont peut-être "utilisés" dans les milieux confrériques balkaniques, bien que, logiquement parlant, tous les quatre devraient être totalement hermétiques à ces milieux. Il s'agit du Mathnawî de Djalâl al-Dîn Rûmî79 ; d'une anthologie de discours, de missives, de recommandations et de propos sentencieux, intitulée Nahdj al-Balâgha, attribuée à ‘Alî b. Abî Tâlib (m. 77 Voire les publications diverses des milieux confrériques balkaniques par exemple, et notamment les résultats d'une enquête menée récemment chez les Bektachis de Macédoine (cheikhs et derviches), par Metin Izeti, Tarikati Bektashian, Tetovë, Çabej, 2001, 184 p. 78 Son ouvrage ["Le jardin des bienheureux"] est dédié aux martyrs de Kerbela. On en récite des extraits dans certains tekke, tout au long des cérémonies du mâtem, les dix premières nuits du mois de muharrem. La Hadika, comme on l'appele en Albanie (et chez les Albanais du Kosovo et de Macédoine) fut traduite, entièrement ou en partie, plusieurs fois en albanais, parfois même avec une adaptation. La toute dernière traduction semblerait être celle publiée il y a cinq ans : Hadikai Suada, Lulishte e Shenjtorëve, Fushë-Kruje, korrik 1997, 368 p. 79 Xhelaluddin Rumiu, Hazreti Mevlanaja, Mesnevia, Pjesa e parë, Gjakovë, 1997, 480 p. Il s'agit là d'une traduction en albanais, par le Shejh Jahja, du "Grand" tekke sa‘di de Djakovica ("Teqja e Madhe"), (du premier tome, publié à Sarajevo en 1985), d'une traduction faite du persan en serbocroate, par le cheikh Fejzulah Hadzibajric de Sarajevo, dont il a déjà été question plus haut. 19 en 661)80 ; du prétendu "Dîwân de ‘Alî"81 ; et enfin, du Vilâyet-nâme de Hadjdji Bektash (XIII-XIVs.)82. 80 Nahjul Balagha, thënie të zgjedhurra të Imam Aliut, s.l. (Tiranë), Komunitetit Bektashian Shqiptar, s.d. (avant 1999 ?), (= Biblioteka e Bektashizmës), 319 p. 81 Divani Ali, (Libri Ali), Tiranë, Koha, 1999, 303 p. 82 Shenjti mbi gur (Vilajetname), Mistika dhe Urtësia, Tiranë, Urtësia, (Biblioteka e Bektashizmës), 2000, 270 p. 20 ANNEXE I : [Albanie] "The Bektashi Community" et "The dervish brotherhoods" (extrait tiré de : N. Clayer, « Islam, State and Society in Post-Communist Albania », dans Hugh Poulton and Suha Taji-Farouki, (Eds.), Muslim Identity and the Balkan State, London, Hurst and Co, 1997, p. 115-138 [ici p. 125-130]). « The Bektashi Community. Albanian Bektashis encounter more difficulties than the Sunnis in their efforts to reorganize themselves. Unlike the latter, they do not enjoy the benefits of material and spiritual support from abroad, largely because of the situation of Bektashism globally. A few Bektashi groups survive among the Albanians in Kosovo, Macedonia, the United States and Turkey where they form a small section of the larger Turkish Bektashi community together with an important community of Alevis who share many beliefs and practices with them. However, since the end of the nineteenth century Albanian Bektashism has pursued its own path, which is quite different from that of Bektashism in Turkey (1). Hence, the leaders of the Community in Albania can rely only on the contributions of private individuals or collectivities among Albanian Bektashis at home, in Kosovo, Macedonia and Turkey, and in the Albanian diaspora in America or Australia (2). However, assistance has been offered by Iran. While it would be unthinkable for the Arab countries or Turkey (which does not favour its Alevi minority) to provide aid to as unorthodox an expression of Islam as Bektashism, Iran's attempt to win over Bektashis and members of other dervish orders is unsurprising. At the end of 1993 and early in 1994, the representative of Albania's communities were invited to visit Iran. During their short stay Dede Reshat Bardhi (the new head of the Bektashis) and Baba Bajram (another Bektashi baba residing in Tirana) obtained grants for students and probably some financial aid for their Community as a whole from the Iranian authorities (3). Nevertheless this aid appears to have been limited, since no significant change is observable in the Community's situation. Its leaders continue to demand the long-awaited restitution of the Community's confiscated properties, which in the past were its main source of income (4). As a consequence of this lack of material and spiritual resources, few Bektashi tekkes are functioning; of some sixty which existed in the past, only five or six have reopened. The first of these was the main tekke (or Kryegjyshata) in Tirana, the opening of which was celebrated on 22 March 1991 (four months after the inauguration of the first mosque in Shkodër). The few surviving babas (who, along with dedes, are the leaders and instructoors of dervishes) and dervishes were assigned to other tekkes – in Fushë-Krujë, Elbasan, Korçë, Koshtan (in the Mallakastra region) Gjirokastër, and later also in Krujë Kulmak (Mount Tomor), Martanesh and Nepravishtë. However, the requirement for religious personnel continues to be a grave problem. The remaining 'clergy' are not highly qualified. Baba Rexhebi, the most learned of the babas and Honorary Head of the Community, died in the summer of 1995 in his tekke near Detroit. To complicate matters, the initiation and training of new dervishes require a minimum of three years. Aspirants, who to date have been few, must serve in a tekke for years before they may become dervishes, celibate dervishes (myxheret) and then babas (5). 21 Such difficulties notwithstanding, the Albanian Bektashi Community took an important step towards reorganisation by convening the 'Sixth World Bektashi Congress' in Tirana on 19-20 July 1993 (6). Albanian delegates from all regions of the country, as well as from Kosovo, Macedonia, Turkey and the United States confirmed the revival of Albanian Bektashism. New statutes were elaborated (7), but the main subject of discussion was the definition of Bektashism: should it be considered a Community ('komunitet' in Albanian), i.e. an organisation independent of the Sunni Muslim Community, or simply a dervish order ('sekte') within the Sunni Muslim Community? In line with historical tradition, the first option was adopted by the vast majority of the assembly. This outcome certainly has important implications for the future of Islam in Albania. Estimates of how many of the Bektashi population throughout the country have been re-mobilised are difficult to obtain. In many places, türbes (tombs of saints) are being restored or rebuilt (8) and commitees of lay members have been formed to assume responsibility for future activities of this nature. However, it is notable that Bektashi activities are more intense in the north of the country, and there is a slight predominance of northerners among the leaders; the Community's two main figures are Dede Reshat Bardhi (the overall head or Kryegjysh) and Baba Selim (the baba of Fushë-Krujë), both of whom are from the north. This is significant because in the past Bektashism was always dominated by the southern Tosks. As for relations between the Bektashi Community and the other dervish orders, the new statutes contain an article stipulating that the Bektashi Communty can accept in its bosom other dervish orders, like the Halvetis, Rifa'is and Kadiris. However, this clearly does not hinder these orders from attempting to reorganise themselves separately. The dervish brotherhoods. In the past the dervish orders or dervish brotherhoods were much in evidence and enjoyed a widespread presence in the daily life of many Albanian Muslims. Today these orders, and especially the Halvetiyya, Kadiriyya, Rifa'iyya, Sa'diyya and Tijaniyya, face a difficult situation. Like other religious Communities, the orders experience economic problems in their endeavours to restore and rebuild their places of worship (tekkes and türbes) (9). They also confront a grave problem over the creation of future leaders, i.e. new shaikhs. Transmission of the mystical tradition was almost universally broken in the Communist period (10), and as a result the descendants of former shaikhs have had no opportunity to acquire the necessary knowledge and experience. Furthermore the Sufi orders, much more than the Sunni and Bektashi communities, have suffered and continue to suffer from the upheavals experienced by Albanian society as a whole. Wherever they settled, the dervish brotherhoods assumed an important role not only in the religious life of the people but also in their social, economic and at times even political life. The emergence of new powers and social forces makes it unlikely that they will soon regain the social position they occupied in the past. Even though numerous türbes are being at least partly rebuilt throughout Albania by the families of shaikhs, and some descendants of former shaikhs have declared themselves shaikhs, are producing amulets and have sent one of their 22 children to study in a medrese at home or abroad, the activity of the dervish brotherhoods remains limited. The Halvetiyya, which in the past was the most widespread among the Albanian dervish orders with about 150 tekkes in the northeast, central region and south, is virtually without any establishment where the ritual (zikr) can be performed. The head of this order in Tirana attempted to reestablish an organisation such as existed in the past to assemble all the dervish orders, but the attempt failed because of a clash of interests. The Rifa'iyya is much more active. This order expanded relatively late – in the 1920s – in the west of Albania from Shkodër to Vlorë. Its current revival is due largely to the efforts of the enterprising Sheh Xhemali, the Albanian Rifa'i shaikh of Prizren (in Kosovo) and head of the ZIDRA (Community of the Dervish Orders of Yugoslavia), who has appointed shaikhs in Tirana, Shkodër and elsewhere. The Kadiriyya, which had about twenty-five tekkes in central Albania, notably in Tirana and the Peshkopi-Zerqan region, is barely active. The Sa'diyya, which had only a few tekkes in the southern region of Tepelen and in the extreme northern Tropojë region, has succeeded in re-establishing some representatives in the latter area; these are connected with the Sa'dis of Djakovica in Kosovo. The Tijaniyya, the order closest to the ulema before the Second World War, is represented today by the mufti of Shkodër, Faik Hoxha, son of the former head of the Tijaniyya order, Qazim Hoxha. As the case of the Rifa'iyya demonstrates, the only real chance for the dervish brotherhoods to reconstitute their networks comes from outside the country. The impetus may come not only from the Albanian milieux of Kosovo and Macedonia but also from other Sufi networks in Turkey and elsewhere, especially through the medium of young Albanian students in Istanbul, Cairo and other Muslim centres. It cannot be predicted exactly which of the Sufi orders will be 're-imported' or newly imported in this way in the coming years (11) ». Notes : (1) At the end of the nineteenth century the Albanian Bektashis integrated a nationalist component into their doctrine while the Turkish Bektashis were close to the Young Turk movement. On this subject see Nathalie Clayer, 'Bektachisme et nationalisme albanais' in A.Popovic and G.Veinstein (eds.), Bektachiyya, Istanbul: Isis, 1995, pp. 277-307. The new leaders of the Albanian Bektashi Community have made contact with Bedri Noyan, head of the Bektashis in Turkey and even visited him there to receive a hilafet (diploma of investiture) and to go on pilgrimage to the tekke of Haci Bektaş. The question of where the order's centre is located – Haci Bektaş or Tirana – still remains a point of disagreement between them (cf. Cemal Şener, Yaşanan Alevilik, Istanbul: ANT, 1993, pp. 37-38). (2) It seems that Albanians in the United States no longer contribute as much as they did in the past, as for example after the First World War, when it was also necessary to rebuild a large part of the Bektashi tekke. (3) Cf. Urtësia, Tirana, n°. 2, February 1994, p. 2. (4) Evidence of the poor material means of the Bektashi Community lies in the fact that the Bektashi journal Urtësia (The Wisdom), which was launched in December 1993, had to stop after its third issue (April 1994). 23 (5) These are 3 of the successive degrees of the Bektashi hierarchy (see N.Clayer, 'L'Albanie' [1990], p. 47 ff.). (6) The 5th congress was held in Tirana in 1950. (7) These have been published under the title Statuti i Komunitetit Bektashian, Tirana: Shtyp. 'Gjergj Fishta', 1993, 28 pp. Internal regulations were also published at the same time (Rregulore e brendeshme e Komunitetit Bektashian), Tirana: Shtyp. 'Gjergj Fishta', 1993, 28 pp.). (8) The restoration of the two main Bektashi pilgrimages sites, Sari Saltik on the top of the Kruja Mountain and that of Abbas Ali on the top of the Tomor (south of Berat) constitutes a significant action aiming at the re-mobilisation of the Bektashis around the two symbolically most important sites for their community. (9) A reference was made above to the visit to Iran of several members of various dervish orders, along with the Bektashi representatives. Although it is probable that they did receive some financial help, it seems that as for the Bektashis, it was not large. (10) Certain of the most prominent shaikh were killed at the beginning of the Communist period, sometimes simultaneously with their eldest sons and potential successors. (11) Two clues have come to light to date concerning the possible introduction of new Turkish Sufi networks into Albania. First is the circulation in Albania of a Nakshbandi opuscule, published in Istanbul by the Waqf Ikhlas (Mevlânâ Halid-i Bagdâdî, Besimi dhe Islâmi, Istanbul, 1992). Second is the affiliation of an Albanian student to a Kadiri shaikh in Istanbul. * 24 ANNEXE II : [Albanie] " Die Erneuerung des Bektaschismus nach 1990 " (extrait tiré de : N.Clayer, « Der Bektaschi-Orden in Albanien », dans Werner Daum (éd.), Albanien zwischen Kreuz und Halbmond, München, Staatliches Museum für Volkerkunde, 1998, p. 152-158 [ici p. 157-158]). « Seit dem Fall des Kommunismus sind die Religionen in Albanien wieder frei. Wie die übrigen Religionsgemeinschaften auch, müssen die Bektaschis ihre Kultgebäude aufbauen. Geistliche ausbilden und das Volk wiedergewinnen. Für die Bektaschis ist dies schwieriger als für die sunnitische Gemeinschaftt, die von außen her unterstützt wird. Es ist undenkbar, daß die arabischen Länder oder gar die Türkei, die nicht einmal ihre eigene alavitische Minderheit fördert, Unterstützung für einen als wenig orthodox geltenden Islam in Albanien leisten könnten. Die albanischen Bektaschis können sich also nur auf sich selber verlassen, und das ist sehr wenig, da sie den Grundbesitz, der einstmals ihre wirtschaftliche Unabhängigkeit sicherte, nicht zurückerhalten haben. Die Spenden Einzelner, auch aus der Diaspora in Amerika, Australien, der Türkei, Mazedonien und Kosovo bleiben bescheiden, wie man an der geringen Anzahl der jetzt wieder arbeitenden Tekken und dem beklagenswerten baulichen Zustand der übrigen sehen kann. Das wichtigste Zentrum des Ordens heute liegt in Tirana. Es wurde am 22. März 1991, vier Monate nach der ersten Moschee, wiedereröffnet. Nur ein Zehntel der früheren Tekken, insgesamt sechs, sind wieder in Funktion. Dort wo es noch keine Tekke gibt, bemühen sich die Gläubigen, wenigstens die Türben – Grabstätten von Babas – wieder zu restaurieren. Was den Wiederaufbau der Gemeinschaft selber anlangt, so versammelten sich beim sechsten Kongreß der Bektaschis (Tirana, Juli 1993) rund fünfhundert Personen aus den verschiedenen Regionen des Landes: Kruja, Tirana, Elbasan, Korça, Gjirokastër, Mallakastra und Vlora, aber auch aus dem Kosovo und aus Mazedonien. Die Gemeinschaft beginnt wieder, sich zu konsolidieren. Sie hat sich neue Statuten gegeben. Seit Dezember 1993 erscheint eine Zweimonatszeitschrift mit dem Titel Urtësia (Weisheit). Das Hauptproblem ist aber die Reorganisation der Hierarchie: Heute gibt es, nach dem Tod des Baba von Elbasan 1992, nur vier Baba hohen Alters und zwei Derwische. Hilfe aus dem Ausland kann es schon deswegen nicht geben, weil die Gemeinschäft in der Türkei seit 1925 offiziell verboten ist, und ihre wenigen dennoch praktizierenden Vertreter verheiratet sind, während die albanischen Bektaschis zum Zölibatszweig gehören. Die kleinen Gemeinschaften in Mazedonien und im Kosovo haben selber nur noch einen oder zwei Babas. Und auch wenn Baba Redjebi in Detroit heute als das geistige Oberhaupt auch der albanischen Bektaschis gilt, gibt es auch von dort keinen Nachwuchs. Hinzu kommt die Schwierigkeit, daß die Bektaschiya zusätzlich zum Bekenntnis auch noch die Initiation ihrer Mitglieder verlangt. Der Kandidat muß wenigstens drei Jahre an einer Tekke dienen – mit der Hand – und sich dabei unterweisen lassen. Nur fünf junge Männer leben derzeit im Zentrum in Tirana und zwei in Elbasan. Doch wurden in jüngster Zeit einige junge Leute im Iran fortgebildet. Die Remissionierung der Gläubigen macht gewisse Fortschritte. Gruppen von initiierten Laien (muhib) haben sich hier und da gebildet. In Gjirokastra sind es 25 etwa 150 und in Elbasan etwa 30. In der Tekke von Tirana, der aktivsten seit dem Wiederbeginn, finden häufig Initiationszeremonien statt. Man sieht hier auch immer wieder Paare oder junge Frauen mit ihren Kindern. Insgesamt aber ist die geringe Zahl der Geistlichen ein beträchtliches Hindernis für die Wiedergewinnung der Bevölkerung. Hinzu kommt, daß die junge Generation im Lande ganz ohne Religion aufgewachsen ist, und manchmal nicht einmal weiß, was « an Got glauben » bedeuten könnte. Heute kann man deshalb noch kaum Voraussagen darüber machen, welche Stellung die Bektashiya in Albanien im nächsten Jahrhundert einnehmen wird, und ob sie vielleicht wieder das werden kann, für was man sie – zu Recht oder zu Unrecht – in den dreißiger Jahren hielt – nämlich eine Brücke zwischen Islam und Christentum, zwischen Halbmond und Kreuz ». * 26 ANNEXE III : [Albanie] " La Kadiriye albanaise depuis 1990" (extrait tiré de : « La Kadiriye en Albanie », Journal of the History of Sufism, 1-2, (Special Issue, The Qâdiriyya Order), Istanbul, Simurg, 2000, p. 213-244 [ici : p. 238-240]). « Comment les membres de la Kadiriye ou leurs descendants abordent-ils, après ce long silence, la période qui a débutée en 1990-91, avec la réhabilitation des cultes, la libéralisation du système, la crise politique, sociale et économique, l'ouverture du pays, l'arrivée massive de missionnaires religieux "de tous poils", etc.? Comme la plupart des familles de cheikhs, les familles de cheikh kadiris non seulement s'intéressent à leur passé, mais tentent de faire revivre la tradition, ne serait-ce que partiellement. Par là, elles essaient aussi de retrouver un certain statut dans la société, voire dans certain cas de tirer quelque avantage économique. On a ainsi assisté petit à petit à la reconstruction de türbe, centres de dévotion populaire et sources de gains (plus ou moins lucratives) pour leurs gardiens. Dans la région de Peshkopi, la réorganisation des türbe et des tekke aurait été menée par Mensur Shehu de Peshkopi (1). En octobre 1992, la reconstruction du tekke (i.e. du türbe) de Zerqan fut entamée par Fadil Shehu, le fils du cheikh Hajredin. Deux ans plus tard eut lieu l'inauguration officielle, en présence du chef de la confrérie des Bektachis. La cérémonie comprenait une "partie scientifique" (c'est-à-dire une communication sur l'histoire du tekke), puis une cérémonie religieuse, avec un zikr mené par Mensur Shehu et des prières, pour finir par un dîner. À Tirana, le 26 octobre 1992, le tekke (en réalité türbe) de Dervishe Hatixhe/Hatice fut lui aussi inauguré, en présence de personnalités politiques et civiles, du cheikh halveti Muamer et du chef de la Communauté musulmane (2). Néanmoins, la volonté dans certains milieux de présenter Dervishe Hatixhe comme une sainte guérisseuse et protectrice de la capitale (en la comparant parfois à la Mère Thérésa), ne tarda pas à déclencher une réaction de la rédaction du journal de la Communauté musulmane. On y précisait que dans l'islam il n'y avait jamais eu de création d'un symbole, d'un saint ou d'un protecteur de ville, que tout ceci n'avait rien à voir avec la religion musulmane, et que les musulmans étaient uniquement les serviteurs de Dieu (3). Cette réaction illustre la position du courant aujourd'hui dominant au sein des cercles dirigeants de la Communauté musulmane, très opposé aux confréries et au culte des saints (4). Le türbe, gardé par une femme, est néanmoins très fréquenté, notamment par les mères qui viennent prier pour leurs fils travailleurs clandestins en Italie ou en Grèce. Au delà du culte des saints, les anciens centres de la Kadiriye ne sont guère actifs, faute de cheikhs. Si à Tirana, au tekke de Sheh Dyrri Horasani se déroulent des zikr, ils sont la plupart du temps menés par un derviche rifa‘i (5). Conscients de leur manque de formation, de connaissances religieuses et mystiques dû à la coupure plus ou moins nette dans la chaîne de transmission, les familles de cheikhs sont les premières à vouloir qu'au moins l'un des jeunes membres fasse des études religieuses dans les medrese nouvellement ouvertes dans le pays (6), ou mieux encore à l'étranger, parmi les contingents de boursiers des pays arabes et musulmans. Qu'en résultera-t-il ? Ces jeunes recevront-ils seulement un vernis de 27 culture religieuse, deviendront-ils des oulémas, ou essaieront-ils ensuite de s'initier auprès d'un cheikh de la Kadiriye ou d'une autre confrérie ? On ne peut le savoir, bien sûr, mais on peut déjà citer l'exemple d'un jeune homme de la famille des cheikhs de Peshkopi, Ali Shehu, qui a été envoyé à Istanbul, où il a été rapidement attiré par une yurd de Kadiris (lié au tekke de Tillo, près de Siirt), installés dans le quartier de Fatih (7). Lorsque je l'ai rencontré en juin 1995, il semblait en bonne voie pour diffuser un peu plus tard une nouvelle branche de la Kadiriye dans sa région natale. En attendant, les descendants des anciens représentants de la Kadiriye ont participé avec les fils des cheikhs des autres confréries à une première tentative de réorganisation des tarîkat albanaises renaissantes, en dehors de la Communauté bektachie. Mensur Shehu de Peshkopi a assisté à la réunion organisée à cet effet, en avril 1994, par le cheikh halveti de Tirana, Sheh Muamer, qui tente de faire revivre l'organisation des "Sectes alévies" que dirigeaient ses aïeux, en y englobant les confréries qui avaient opté autrefois pour l'organisation concurrente Drita Hyjnore (8). D'après le compte rendu publié grâce à une firme à financement iranien (IRALB) (9), Mensur Shehu a été élu membre de la "Direction des Sectes alévies" (Kryesia e sekteve aleviane) et membre de la commission chargée d'organiser le Quatrième congrès des tarîkat albanaises (10). En réalité, à la suite de dissensions internes et des problèmes économiques et politiques qu'a connu l'Albanie depuis, aucun congrès de ce type n'a eu lieu à ma connaissance ». Notes : (1) Cf. Sheh Ismail Aga, Vendet e shenjta shqiptare. Tariikatet, s.l., 1995, p. 17-18. Mensur Shehu, fils du cheikh Besim Selimi, est né en 1931 à Peshkopi. Il a d'abord étudié à l'école primaire locale, puis à la medrese de Tirana (entre 1949 et 1954). De 1956 à 1963, il a exercé la fonction de müfti à Kruja, et de 1963 à 1967 dans la région de Gjirokastër. Avec l'interdiction des pratiques religieuses, il est devenu ouvrier (1967-1991). Depuis 1991, il est à nouveau imam de Peshkopi et, détail intéressant, il a été nommé président de la Commission de réconciliation des sangs de la préfecture de Dibra (couvrant les régions de Peshkopi, Bulqizë et Mat). Cf. Mynir Shehu, Gjenealogjia..., p. 87. (2) Cf. Drita Islame, 21, octobre 1992, p. 4. (3) Cf. Drita Islame, 23, novembre 1992, p. 3. (4) À ce sujet, cf. N. Clayer, « Islam, State ...[1997a] », op. cit., p. 124-125. (5) Les descendants de la famille Horasani y participent cependant. Il est à noter qu'au début (en 1993 par exemple), hommes et femmes participaient de façon indifférencié au zikr. Deux ou trois ans plus tard, la séparation des sexes est plus nette : les femmes se voilent pour la cérémonie, elles s'assoient sur l'un des côtés, etc. (6) Par exemple, un enfant de la famille des cheikhs de Zerqan étudiait en 1995 dans un centre islamique créé à Bulqizë par des missionnaires arabes. (7) Cette yurd est dirigée par le cheikh el-Seyyid el-Şeyh Ali Efendi, auteur d'un opuscule intitulé Irşad' ül-Muridîn, Istanbul, Fatih, s.d. (8) Cf. supra. (9) La République islamique d'Iran est assez présente en Albanie. Ses "missionnaires" utilisent beaucoup la "filière" des anciens milieux confrériques 28 pour pénétrer dans la société (à propos des Bektachis notamment, cf. N.Clayer, « Islam, State... [1997a] », op. cit., p. 126). (10) Konferenca kombëtare aleviane. 11 prill 1994, Tiranë, [IRALB, 1994], brochure de 40 p. (cf. p. 36 et 39) ; et Sheh Ismail Aga, Vendet e shenjta shqiptare. Tarikatet, s.l., 1995, p. 58-62. Pour ce qui est de l'organisation propre de la Kadiriye albanaise, en 1994 également, Mensur Shehu a été choisi président de la Direction de la confrérie, Bujar Horasani (de Tirana) vice-président, Fadil Shehu (de Zerqan) secrétaire, Ali Dervishi (de Krajka) membre de la Direction, de même que Mehmet Kostenja (de Strkçan) et Zyber Shehu Dushaj de Bulqizë (cf. Mynir Shehu, Gjenealogjia..., p. 88). * 29 ANNEXE IV : [Albanie] " Bektashism, the other 'Muslim' or 'Albanian' religious alternative " (extrait tiré de : N.Clayer « God in the "Land of the Mercedes", the religious communities in Albania since 1990 », à paraître dans Österreichische Osthefte, Sonderband : Albanien, Vienne, 2002. « Bektashism acquired a specific place on the Albanian religious and political scene since the end of the nineteenth century. It became de facto an independent religious Community within the framework of the Albanian state, as already mentioned. The consequence of this singularity was the weakening of the (Sunni) Islamic Community in the country. That is why a polemic broke out already in 1929-1930 about the organic relation the Bektashi Community must have with the Albanian Islamic Community (1). Since 1990, the same issue reappeared, not without a political dimension. The independence of a Bektashi Community reduces the power of the Islamic community on a numerical as well as on a political level. It can also be a means of promoting "another Islam", a "religion" interpreted as a "bridge between Islam and Christianity", or even as an "Albanian religion". Since 1990, the two trends – for or against an organic tie between the two Muslim Communities – are coexisting and are instrumentalized by the political authorities. During Sali Berisha's time (1992-1997), unlike the Islamic Community, the Bektashi Community had no privileged links with the highest political authorities. The group around Baba Reshat Bardhi (the Kryegjysh or head of the Community), which was in favour of an independent status, won the leadership of the Bektashi Community. On the occasion of the 6th Bektashi Congress held in Tirana in July 1993, Baba Selim, the head of the tekke of Fushë-Krujë, expressed the opinion of the other trend, more in accordance with the will of the Democratic party, but representing only a minority within the Bektashi community (2). Berisha's party could only rely on small groups of Bektashis (like in Lazarat, a Democrat stronghold near Gjirokastër), because members of the brotherhood are often natives of Southern areas which were communist strongholds. It is striking that, although Berisha's government was not visibly unfavourable to Bektashism, it is only with the return of the Socialist to power that is experienced a significant evolution (3). Indeed, since 1997, the Bektashi Community has been trying to transform itself, on a national as well as on international level. As a consequence of these changes, the conflict between Baba Reshat Bardhi's entourage and Baba Selim (probably backed by right wing circles) (4) intensified. This conflict, more than a doctrinal dispute, is a fight for power within the Community with an external political dimension. In 1999, both sides published books to expose their positions (5). Baba Selim charges the leading group of the Community of wanting to transform Bektashism into a "semi-religious" brotherhood, a "politico-moral organization" or a "charitable organization, anti-orientalist, pro-Orthodox, or more exactly half Christian and half Muslim" (6). On the other hand, probably supported by some socialist circles (the Prime Minister Ilir Meta is himself of Bektashi origin, from Skrapar), the leading group of the Bektashi Community began to promote Bektashism as a "non-fundamentalist" and "non-political" 30 version of Islam, that is to say as the opposite of Sunni Islam which is sometimes suspected of having a fundamentalist dimension and which was politically used by Sali Berisha. There is also a clear trend to make of Bektashism a "progressive thought", a symbol of spiritual service with nobility of soul turned to people, for the spiritual quietness, for peace among people, for fraternity and kindness" (7), a "bridge between Islam and Christianity", a national product or simply a channel of Albanianism. At the same time, the leading group of the Community wants to promote Bektashism as a World wide phenomenon with its centre in Albania. To this end, it has strengthened its bonds with foreign groups and networks : the Haji Bektash Research Institute of the Ankara University, or Shiite oriented groups, like the Saadi Shirazi foundation created in Tirana by Iranians or the World Ahlul Bayt Assembly with its ramifications in Turkey, in the Balkans and in Europe (8). In order to have a common central reference with these groups (Shiites, Alevis, etc.), along with the notion of "Bektashi", that of adherents of the "Ehl-i beyt" ("People of the House [of the Profet]") is promoted (9). The fact that the same phenomenon can be observed for other mystical brotherhoods in Albania, which also have contacts with Shiite oriented groups, seems to prove that is partly the result of the politics of the successful penetration of these Shiite networks (10). The new form of Bektashism, which results from these transformations, has been expressed through the new Statutes set up during the 7th Bektashi Congress held in Tirana in September 2000 (11), and through a new doctrinal corpus which is being elaborated. In order to attract a younger and more urban public and to have an audience among intellectuals, the priority is given to the organization of scientific, historical and cultural sessions or to add a scientific component to traditional ceremonies during which a "human, precise and scientific argumentation" is developed (12). An effort is also made to present the "scientific progressive Bektashi thought" through the media and publications. In other respects, in the newly elaborated corpus, the proportion of pieces from the Shiite literature is not negligible. In the journal of the Community (Urtësia, The Wisdom) for example, texts of various Iranian thinkers are edited. Some of them are translated from the journal of the World Ahlul Bayt Assembly, entitled Risalat-u-Thaqalayn. The Shiite inspired iconography especially concerning the Qerbela [the battle during which Hüseyin, the grand-son of the Prophet, perished as a martyr] and the Family of the Prophet, is even more widespread. One can find it in every tekke and türbe. Besides this Shiite influence, the new Bektashi corpus has in inner dynamics, related to the need for a social and politico-religious positioning and for a local legitimization. This is mainly made through the sanctification of the poet Naim Frashëri, died in 1901, in order to crystallize the new intellectual, national and scientific trend of Bektashism. Naim Frashëri was a Bektashi layman working as official in the Ottoman administration. At the end of the nineteenth century, he wrote, among other things, a booklet on Bektashism and an epic on Qerbela. In these texts he introduced nationalist themes, in order to develop nationalist feelings among the Albanian Bektashi people. Recently, Naim Frashëri was elevated to the rank of "honorary baba" (Baba nderi) of the Kryegjyshata, the main Bektashi centre in Albania, situated in Tirana's suburb. In March 1999, his 31 bust was inaugurated in the courtyard of this tekke, during the feast of Sultan Nevruz. In the growing literature celebrating this figure and his work, he even appears as the founder of an "Albanian Bektashism" : "Naim Frashëri understood what benefit our nationality could draw from Bektashism... He deserves to be considered as one of the founders of the albanian Bektashism" (13). Some formula, such as "the message of the Naimian light for the blossoming, the dignity and the identity of the Albanian nation" (14), even make of him a kind of saint or prophet. Furthermore, in the spring of 2001, a book dedicated to Naim Frashëri and Bektashism appeared under the title "The third eye" (Syri i tretë). Written by an intellectual, Moikom Zeqo, the director of the National Museum (15), it seems to have an important impact in Albania, even on the non Bektashi public. In September of the same year, the book was reviewed by a daily newspaper, where the author's thesis was summed up as follows : "Naim Frashëri, as an apostle of Bektashism, searched what is called the Third Way ; it means a faith which could unite the two great faiths of the Albanians, and could accept Christianity and Islam, so that, as a synchronized ideology, it strengthens Albanianism" (16). Thus the new central figure is as much the symbol of a religious group (the Bektashis), as the symbol of an ideology, a special Albanianism, which try to put the personality of the Albanian people forward, combining Eastern and Western influences, without rejecting the one or the other, as the Neo-shqiptars did in the inter-war period. "The Third Eye is Naim Frashëri himself, between the eye of the times gone by and the eye of the times to come. The Third Eye is Bektashism between the eye of Christianity and the eye of Islam. The Third Eye is Albania between the eye of the East and the eye of the West", writes Moikom Zeqo (17) ». * Notes : (1) See, for example, Goliku, "Bektashisma", in : Demokratia, n° 241, 8.2.1930, p. 1. In the Regulations of the Community published in 1930, the Bektashis were officially recognized only as a "sekte", that is to say as a brotherhood within the Islamic Community. See Rregulore e Bektashijvet Shqiptarë [Rules of the Albanian Bektashis], Tiranë, 1930. (2) In order to stress on his stance, Baba Selim built a mosque next to his tekke. (3) It is also true that Bektashism had difficulties to recover, since it could not have a strong help from abroad, as the other "traditional religious Communities". (4) For example, he has published a book in the publishing house Koha, which is of the right wing. (5) Baba Selim published in 1999 a book entitled History e Bektashizmit si sekt mistik islam [History of Bektashism as an Islamic mystical path]. The Bektashi authorities quickly replied to Baba Selim through a book written by Sokrat Ahmataj, Bektashizmi në smogun e një libri [Bektashism under the smoke of a book], Tiranë, without date. (6) Baba Selim Rexhep Kaliçani, Testamenti Bektashian, Tiranë, 2000, p. 6 and 59. According to Baba Selim, the existence of a reformist group inside the Bektashi Community already existed at the beginning of Enver Hoxha's era. The progressives (përparimtarët) were close to the political authorities. They were in 32 favour of the abolition of Celibacy. They wanted to approach Bektashism to Christianity. They were "anti-orientalist", diminishing for example the importance of Arabic, the language of the Koran. They were in favour of the statute of Community for Bektashism. And they thought that the fatherland was more important than religion (Baba Selim Rexhep Kaliçani, Dede Ahmeti i gjallë mes nesh [Dede Ahmet alive among us], Fushë Krujë, 2000, p. 35-36. (7) Nuri Çuni, Tomor, o mal i bekuar [Tomor, o blessed mountain !], Tiranë, 1999, p. 18. (8) All these groups were represented at the "7th International Bektashi Congress", held in Tirana on the 23-24 September 2000. (9) During the Congress mentioned in the previous footnote, the representative of the World Ahlul Bayt Assembly stressed that there were 350 millions of disciples of the Ehl-i Beyt in the World. See, Kongresi 7 Botëror bektashian. 23-24 shtator 2000, Tiranë, Tiranë, Komuniteti Bektashian, 2001, p. 47. (10) For example the Kadiris of Tirana are distributing a series of books of the Ayatollah Es-Seyyid Muhammad Shirazi, translated by a young Albanian in Lebanon and published by the Freemuslim Organization. In September 2001, they were also distributing advertisements for the newly opened Iranian college in Tirana. (11) The Statutes of 1993 were practically the same as those of 1950 (only the references to the popular power were left out). (12) In 1999 for example, two ceremonies called "Dritë Bektashiane" (Bektashi Light) were organized in Kruja and Elbasan, which maybe were elaborated on the model of the "Ehl-i-beyt ışığı" of the Ehl-i-Beyt Vakfi from Turkey. See Urtësia [The Wisdom], n° 18, mars 1999 ; and n° 20, july 1999. (13) Nuri Çuni, Tomor, o mal i bekuar, Tiranë, 1999. (14) Kujtim Ahmataj, in : Kongresi 7 Botëror Bektashian, p. 28. (15) Moikom Zeqo, from a family of Libohovë (near Gjirokastër), is a member of the former communist élite. His grand-father was a Bektashi. (16) "Bektashizmi e Naim Frashëri në Syrin e Tretë" [Bektashism and Naim Frashëri in "The third eye"], in : Gazeta Shqiptare, 6 September 2001, p. 12-13. (17) Moikom Zeqo, Syri i Tretë. Naim Frashëri dhe Bektashizmi [The third eye. Naim Frashëri and Bektashism], Tiranë, 2001, p. 262. * 33 ANNEXE V : [Albanie] " Saints and Sufis in the Albanian Society " (extrait tiré de : N. Clayer, « Saints and Sufis in the Albanian Society », à paraître dans les Actes du Colloque : "Islamic Area Studies. International Conference 'Session on Sufis and saints among the People in Muslim Societies', 5-8 October 2001, Tokyo"). «... Everywhere in the country (but especially in the countryside), a very quick rebuilding of türbe occured. For example, the mausoleum of a local Baba; next to the tekke of Melan, not far from the Greek border, was rebuilt between January and April 1991, whereas the türbe in Tirana – the capital – were rebuilt only two years latter. The young men working illegally in Greece began to bring gifts to türbe and tekke. During the opening ceremony, laments for Bektashi Babas were sung by young women from Libohova and Lazarat, two small localities which are strongholds of Bektashism in the area of Gjirokastra. The songs, which prove the transmission of tradition in private during the communist period, were recorded on tapes, and thereafter diffused among Bektashi circles; In the same manner, in Kruja, a Bektashi stronghold in Northern Albania, near all the türbe where rebuilt by the local population in 1991, especially the famous sanctuary of Sari Saltik, on the top of the mountain above the town. Before of the opening of the main Bektashi center in the Albanian capital, Baba Selim, who had been baba in the tekke of Martanesh before the abolition of religion, went to Zerqan, a rural zone where the türbe of a certain Baba Hysen from Martanesh had been. There, he wore the traditional bektashi costume, gathered a group of disciples and performed the first ritual. When I visited the country for the first time in 1993, in almost every places I went looking for the traces of a tekke's the former presence, a türbe had been rebuilt, or a tomb (kubur) had been re-improvised. There were all around candles and gifts. In Tirana, in the türbe of Dervishe Hatixhe, frequented mainly by women with children, there were also photographs of "refugjat" – these Albanians who had fled to Italy or Greece. Visitors were lighting candles, kissing the headdress disposed on the tombs, and leaving gifts and money in a box. A few days later, when I visited the Baba in the tekke which lays in the plain, near FushëKrujë, he was making amulets for a man, copying formulas and magic squares from a kind of mecmua. When on a trip in North-Eastern Albania, I went to the village of Kolesjan (Luma), where two new local religious leaders whose ancestors were shaykhs, were competing for the making of amulets (nuska). In the same area, the vice-director of the medrese of Kukës, a young man and turuq opponent, explained to me that people went to tekke because shaykhs resolved problems, while one went to a mosque only to pray. On another occasion, when going up from Fushë-Krujë to Kruja in a mini-bus, I remember that among the dozen of persons in the vehicle was a young woman, crying out from time to time. When the mini-bus was approaching the famous türbe containing the footprint of the saint Sari Saltik, she began to calm down. The car stopped and she got down there with a man to ask the saint's aid. Thus, a strong impulse came from below to recreate holy places and to restore the cult of saints, in order to ask for help and remedy. This phenomenon was 34 accompanied by the (re)emergence from the society of holy men or women, seen as intermediaries between God and the people : former shaykhs, babas and dervishes, descendant or disciples of former shaykhs who possess the baraka of their ancestors, and new saints, whose first function – like that of dead saints – seems to be that of healers. Compared with this dynamics, the formation of Sufi networks was much slower, despite the fact that these networks tried to control this search for sainthood. The huge economical, political and social changes, the limited number of spiritual leaders, the time necessary to establish networks and the competition with other religious groups (for or against the practice of healing) are probably the main explanations for that. The turuq, which can also be used by political and social actors, have to adapt themselves to the society, to its various segments and to their demand. This process of adaptation, between tradition and innovation, can be seen, for example, in the elaboration of saints' images. Saints and national heroes. When the Sufi networks develop, as for example the more important of them – the Bektashi network –, they try to structure and to control this strong search for sainthood and mediation between God and the people. But at the same time, they try to impose from above (sometimes using also dynamics from abroad) new trends and new practices around new figures and new saints. Here, I shall show how the weight of this two movements varies, by analysing on one hand a kind of classical menakıbnâme, published in 1997 by a Bektashi dervish from a rural area of Northern Albania. On the other hand, I shall analyse the literature produced by the leaders of the Bektashi Community, who are elaborating, for more urban and intellectual circles, a new corpus, influenced by the Shiite literature, and in which the figure of the Albanian Bektashi poet of the Second half of the nineteenth century, Naim Frashëri, tends to be sanctified. Dervish Hysni Shehu is a young man born in 1997 – ten years after the abolition of religion –, in the village of Kostenje (Eastern Albania). According to his name, one of his ancestors was a shaykh (sheh in Albanian). In 1998, he published a first book of poetry, entitled "Fllad nga kopeshti i Ehli Bejtit" (The breeze from the garden of Ehl-i Beyt). A year later, another book of his came out under the title "Shenjtorë të Ehli-Bejtit" (The saints of the Ehl-i beyt). In the introduction, he qualifies his work as spiritual, historical, ethnographic, etc. He adresses the book mainly to "the Albanians and the Albanian nation", which is "autochtonous" and which he considers as a "fundamental part of the existence of Europe". For him, the Albanian nation is saintly (like the other nations), and "its sainthood shines with the light of all the saints that [this nation] has given or welcomed, especially the saints of the Ehl-i beyt, such as Abaz Aliu, Sari Saltik and Balim Sultan. Their sainthood given by God [sic] always gave to the Albanian nation equilibrium, vitality, humanism and sanctity". He adds that the Bektashi tarikat had always had a special mission in the transmission of this sainthood (1). In a kind of second introduction, Dervish Hysni explains first how traditionally the relationship was between the shaykh and the disciples within the tekke and when the shaykh came to the villages to visit his followers. Then, the author proceeds as if it was a traditional menakıbnâme, relating the life and miracles (keramet) of various saints. The first chapter, as the introduction and 35 some other passages, assumes on a national, non traditional, dimension. Indeed, it is dedicated to what he calls "the three pillars of Bektashism in Albania", the three main saints revered in the country (Abaz Aliu, Sari Saltik and Balim Sultan). The two other chapters are devoted to the saints of Kruja, the town where the author is serving as dervish, and to the saints of his native area. Despite the national colour which appeared from time to time, the model of sainthood which emerges from the book is a rather traditional one : the saints show supernatural powers and knowledge, they have also initiation powers, they perform blessings (healing, protection against attacks) and they punish in particular those who do not respect them. A particular aspect is the power exerted by the saints after their death to protect their türbe, at least for some time, against the attacks of the Communists in 1967, or their ability to indicate the place where they were buried, so that people could now rebuilt their türbe. The saints operate in a rural environment, where cattle is omnipresent. The literature produced by the group leading the Bektashiyye in the Albanian capital is quite different. As the years go by, a new corpus is being elaborated, on one hand, according to a desire to adapt Bektashism to the present situation: that is to say to try to attract a younger and more urban public, to have an audience among intellectuals and to fit in the inner political situation. On the other hand, the new doctrinal elaboration results from external influences, coming from groups and networks with which the Bektashi authorities have now bonds, in this case the Haji Bektash Research Institute of the Ankara University, or Shiite oriented groups, like the Saadi Shirazi Foundation created in Tirana by Iranians or the World Ehli Beyt Assembly and its ramifications in Turkey, in the Balkans and in Europe (2). The result is that a priority is given to organize scientific, historical and cultural sessions or to add a scientific part to traditional ceremonies, during which a "human, precise and scientific argumentation" is developed (3). An effort is also made to present the "scientific progressive Bektashi thought" through the media and publications. In the newly elaborated doctrine, the proportion of pieces from the Shiite literature is not negligible. In the journal of the Community for example, texts of various Iranian thinkers are edited. Some of them are translated from the journal of the World Ahlul Bayt Assembly, entitled Risalatuth Thaqalayn (4). The Shiite inspired iconography, especially concerning the Qerbela and the Family of the Prophet, is even more widespread. One can find it in every tekke and türbe. Besides this Shiite Influence, the new Bektashi corpus has an inner dynamics, related to the need for a social and politico-religious positioning and for a local legitimization. Since the return of the Socialists to power (in 1997), there is a clear trend which makes of Bektashism a version of Islam "far from fundamentalism and political manipulations", a "progressive thought", "a symbol of spiritual service with nobility of soul towards people, for the spiritual quietness, for peace among people, for fraternity and kindness" (5), a "bridge between Islam and Chistianity" – the two main religions which divide the Albanians –, a national product, but at the same time a World wide phenomenon which has his centre in Albania. The process of legitimization is made through the sanctification of some figures. On a personal level, the new leaders, according to a somewhat classical process, draw 36 their legitimacy from the figure of Ahmed Myftar Dede, who had been the head of the Bektashiyye during the Communist regime, between 1948 and 1957. The new head of the Order, Dede Reshat Bardhi, had been his servitor, and he is considered to be the one who inherited all his amanet and recommendation. His main rival, baba Selim, had been made baba by him, and wrote a book about him. But on a more general level and in a more original way, the figure which is now sanctified to crystallize the new intellectual, national and scientific trend of Bektashism is that of the poet Naim Frashëri, died in 1901 ...». [Sur celui-ci, voir l'Annexe IV]. Notes : (1) Dervish Hysni Shehu, Shenjtorë të Ehli-Bejtit, Tirana, Flesh, 1999, p. 3-4. (2) All these groups were represented at the « 7th International Bektashi Congress », held in Tirana on the 23-24 September 2000. (3) In 1999 for example, two ceremonies called « Dritë Bektashiane » (Bektashi Light) were oganized in Kruja and Elbasan, which maybe were elaborated on the model of the "Ehl-i Beyt Işığı", (Urtësia, n° 18, March 1999, and n° 20, July 1999). (4) See, Urtësia, n° 4, March 1996. (5) Nuri Çuni, Tomor, o mal i bekuar, Tiranë, 1999, p.18. 37 Références des textes cités (ouvrages et articles) et bibliographie ABUN-NASR (Jamil M.), 2000 : « Tidjâniyya », EI2, t. X, p. 497-499 (de l'éd. fr.). ALGAR (Hamid), 1972 : « Some notes on the Naqshbandî tarîqat in Bosnia », Die Welt des Islams, 13, p. 168-203 (rééd. dans Studies in comparative religion, 9, Bedfont (Middlesex), 1975, p. 69-96). ALGAR (Hamid), 1997 : « The Hamzeviyye : A deviant movement in Bosnian Sufism », Islamic Studies, 36/2, Islamabad, p. 243-261. ALGAR (Hamid)-NIZAMI (K.A.), 1993 : « Naqshbandiyya», EI2, t. VII, p. 935-940 (de l'éd. fr.). BABINGER (Franz), 1993 : « Niyâzî », EI2, t. VIII, p. 66-67 (de l'éd. fr.). BARKAN (Ömer Lütfî), 1942 : « Osmanlı imparatorluğunda bir iskân ve kolonizasyon metodu olarak vakıflar ve temlikler. I. İstilâ devirlerinin Kolonizatör Türk dervişleri ve zaviyeleri », Vakıflar Dergisi, II, Ankara, p. 279-386. 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