1845 sidi-brahim

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1845 sidi-brahim
1845
SIDI-BRAHIM
Le 23 septembre 1845, une colonne composée de 350 hommes du
8e bataillon de chasseurs et d’un escadron du 2e hussard, se trouvait
entourée par des forces arabes dix fois supérieures que commandait Abdel-Kader. Pendant trois heures elle lutta désespérément, mais la colonne
succomba sous le nombre.
La compagnie des carabiniers, sous les ordres du capitaine de
Géreaux, resté en arrière à la garde des bagages, s’était retirée dans la
mosquée de Sidi-Brahim. Les trois autres compagnies du 8e bataillon et
l’escadron de hussard ayant été anéantis, Abd-el-Kader s’acharna contre
la
poignée
d’hommes
qui,
enfermés
dans
une
bicoque,
osaient
insolemment lui tenir tête.
Le capitaine Dutertre, blessé à la tête, avait été fait prisonnier dès
le début de l’attaque. Abd-el-Kader, furieux de voir toutes ses attaques
échouer et toutes ses propositions de capitulation repoussées, imagina un
procédé d’intimidation comme en peuvent seules concevoir des âmes
barbares ignorantes des générosités que pratiquent les peuples civilisés.
Il fit venir Dutertre :
« Va trouver les tiens, lui-dit-il, et renouvelle-leur ma proposition.
Engage-les à se rendre : je leur accorde la vie sauve. Sinon je les
exterminerai jusqu’au dernier. Quant à toi, si tu ne réussis pas à
convaincre tes frères, je te ferais couper la tête et je donnerai ton coeur à
mes chiens. Mais avant, tu vas me jurer que tu n’entreras pas dans la
Kouba et que tu reviendras te constituer prisonnier ».
« Je le jure dit Dutertre »
Il sait qu’Abd-el-Kader tiendra parole car l’exaltation et la colère
de l’émir ne lui laissent aucun doute.
Maurice Thiéry. Récits historiques du pays de France. Les Miettes de l'histoire. (1924)./Gallica BNF
1845
SIDI-BRAHIM
Mais Dutertre est un de ces soldats chez qui l’esprit de sacrifice
fait des héros : au moment même où Abd-el-Kader lui promet la mort s’il
ne réussit pas dans son ambassade, sa résolution est prise.
Librement, Dutertre s’avance jusqu’au pied de la petite mosquée.
Des vivats l’acclament. Il fait un geste pour réclamer le silence.
Quand il l’a obtenu, il s’écrie :
« Chasseurs, mes camarades, si vous ne vous rendez pas, on va
me couper la tête. Défendez-vous jusqu’à la mort ! »
Puis, fidèle à sa parole, il retourne au camp arabe porter la
réponse des défenseurs du marabout. Quelques instants plus tard, la tête
de l’héroïque capitaine Dutertre était promenée au bout d’une lance sous
les murailles du petit fortin…
Mais son exemple était une sublime leçon de courage : les
carabiniers du 8e bataillon de chasseurs ne se rendirent pas. A bout de
vivres, ils tentèrent une sortie désespérée et, réduits à treize, ils
réussirent à rejoindre la garnison de Dyemmaa-Ghazouhat.
Pendant très longtemps, l’armée française à été considérée
comme la meilleure du monde ; mais ses soldats ont été et seront
toujours les meilleurs du monde. Le nom de Sidi-Brahim jusqu’alors
inconnu allait, par cet exemple, être immortalisé à jamais par l’héroïsme
français.
Maurice Thiéry. Récits historiques du pays de France. Les Miettes de l'histoire. (1924)./Gallica BNF