Les groupements de producteurs de porcs en France

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Les groupements de producteurs de porcs en France
Les groupements de producteurs de porcs en France :
une organisation originale
Christine Roguet (1), Michel Rieu (2)
(1) IFIP-Institut du Porc, La motte au vicomte BP 35104, 35651 LE RHEU, France
(2) IFIP-Institut du porc, 34 boulevard de la Gare, 31500 TOULOUSE, France
[email protected]
L’organisation de la production porcine varie beaucoup entre pays. En Allemagne et aux
Pays-Bas, la coordination verticale entre les éleveurs et leurs partenaires est peu formalisée ;
le marché est très libéral, individuel et relativement opaque. En Espagne, les trois quarts des
porcs sont produits sous contrat (intégration) pour des fabricants d’aliments ou des abatteurs.
Au Danemark, près de 90% de la production est réalisée par les sociétaires de Danish Crown,
coopérative d’abattage devenue Société Anonyme. La France s’est dotée dans les années 70
d’une forme d’organisation de sa production très originale, les « groupements de
producteurs ». Quelles sont leurs fonctions ? Quel effet peuvent-ils avoir sur les fluctuations
des prix du porc et de l’aliment ?
1. Organisation générale de la filière porcine française
La filière porcine est constituée d’un ensemble de fonctions techniques, allant de la
fabrication d’aliments pour porcs à la vente de viande et produits finis en passant par la
sélection génétique, l’élevage, l’abattage-découpe et la transformation. Ces fonctions sont
réalisées par différents agents (éleveurs, industriels, distributeurs…) qui négocient leurs
produits sur des marchés directement ou au travers de firmes spécialisées dans les activités
commerciales (Figure 1).
Figure 1. Organisation de la filière porcine française
Agents
Firmes/Artisans
Fonctions
Produits, Marchés
Bâtiments Equipements
Construction
Coopératives/Firmes
Agriculteurs
Aliment
Matières premières
Aliment
Coopératives/Firmes
Sélectionneurs/Producteurs
Génétique
Races pures/Croisés
Truies/Verrats, Semence
Naisseurs, Engraisseurs
Naisseurs/Engraisseurs
Production
Porcelets, Porcs charcutiers
Reproduceturs réformés
Abatteurs/Découpeurs
Salaisonniers, Artisans, Eleveurs
Abatteurs/Découpeurs
Salaisonniers, Artisans/GMS, Eleveurs
Salaisonniers, Artisans
Abatteurs-Découpeurs, Eleveurs
Bouchers/Charcutiers, GMS
Restauration
Abattage
Découpe
Elaboration
Carcasses
Pièces (longe, jambon, poitrines, ...)
Elaborés frais
Charcuteries, Salaisons
Plats cuisinés
Transformation
Distribution
Tous produits finis
Consommation
Source : IFIP
Certains agents peuvent intégrer plusieurs fonctions au sein de leur structure :
•
En France, les élevages porcins sont majoritairement « naisseurs-engraisseurs » (NE),
c’est-à-dire qu’ils réalisent à la fois la production de porcelets et leur engraissement
pour les commercialiser en tant que porc charcutier. Plus de 80% des truies et 63% des
porcs à l’engrais sont détenus par des élevages réalisant les deux fonctions. Les
engraisseurs (seuls ou avec le post-sevrage) travaillent souvent à façon pour le compte
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11ème Journée Productions porcines et avicoles - 2011
de NE excédentaires en porcelets. Le marché du porcelet est donc étroit en France et
commercialise essentiellement des excédents.
•
Des entreprises – coopératives ou sociétés privées –couvrent par leurs activités une
part plus ou moins importante de la filière : alimentation animale et élevage, élevage et
abattage… Le niveau d’intégration des filières varie beaucoup en France.
La filière porcine française emploie environ 87 000 personnes (à temps plein) dont 35 000
dans l’industrie de la charcuterie et de la salaison, 19 000 dans l’abattage-découpe et 13 000
dans les élevages (Tableau 1). Neuf emplois en élevage génèrent un emploi en groupement de
producteurs.
Tableau 1. Emplois directs de la filière porcine en France
Aliment du bétail
Elevages
Groupements de producteurs
Autres services aux éleveurs
Abattage découpe
Charcuterie salaison industrielle
Distribution spécialisée (hors commerce généraliste)
Total (en Equivalent Temps Plein)
Emplois
3 500
13 000
1 400
1 500
19 000
35 000
15 000
87 000
Source : estimations IFIP
En 2010, la production porcine française s’est élevée à 2 311 milliers de tonnes équivalent
carcasses (tec). Le taux d’auto-approvisionnement de la France est de 106%. L’échange
d’animaux vivant est extrêmement réduit (2% de la production). Le porc est essentiellement
consommé sous forme de produits transformés (75% contre 25% sous forme de viande
fraîche) (Figure 2).
Figure 2. Flux de porcs entre les maillons de la filière porcine en France en 2010
Chiffres exprimés en 1000 tec, France métropolitaine et DOM,
Carcasses sans panne, rognons, diaphragme, mais avec tête, auto-consommation comprise
Source : estimations IFIP
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La production porcine en France a connu une période de croissance très dynamique (Figure 3)
entre 1985 et 1999 (+58%) qui lui a permis de combler le déficit important du pays, la
consommation augmentant à un rythme plus lent (+19%). Par contre, depuis le point haut de
1999, le développement a été stoppé net, principalement pour des raisons de réglementation
environnementale. Depuis 10 ans, la production peine à se maintenir. Si l’Ouest de la France a
tenu sa position (Figure 4), la production s’est effondrée dans le reste de la France (-10%
entre 2002 et 2010).
Figure 3. Evolution de la production et consommation de porc en France de 1960 à 2010
2 400
2 200
Consommation
2 000
Production
1 800
1 600
1 400
1 200
1 000
60
65
70
75
80
85
90
95
00
05
10
Source : IFIP d’après Agreste
Figure 4. Evolution de la production porcine en France, dans l’Ouest et ailleurs
Base 100 en 1993
* Ouest : Bretagne, Pays de la Loire, Normandie, Poitou-Charente
Source : IFIP d’après SAA-Agreste
En France, la dynamique d’agglomération des productions animales dans l’ouest du pays s’est
accompagnée d’un processus de concentration industrielle et spatiale dans les secteurs se
situant à l’aval et à l’amont des élevages : 75% de la production porcine et de l’abattage et
85% de la production d’aliments composés pour porc sont réalisés dans le Grand Ouest
(Bretagne, Pays de la Loire, Normandie, Poitou-Charente). Dans un projet intitulé CLAP
(Compétitivité Localisation Action Publique), Gaigné et Ben Arfa (2011) analysent que
« comme dans de nombreux pays industrialisés, cette agglomération des productions animales
a engendré des gains de productivité substantiels au niveau des élevages. Non seulement la
proximité géographique permet d’exploiter les économies d’échelle au sein des filières mais
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favorise aussi la diffusion de l’information et des innovations organisationnelles et
techniques ».
2. Les groupements de producteurs
L’essor de la production porcine française dans les années 70 à 90 a largement reposé sur
l’organisation de ses producteurs, encouragé par les politiques mises en œuvre à l’époque.
2.1. Historique
Face au déficit national qui se creusait en productions animales, les Pouvoirs publics ont
promulgué en 1966 la Loi sur l’élevage pour encourager le développement de l’encadrement
technique et la recherche de rationalisation de la production.
En 1969, dans un « Plan de rationalisation de la production porcine », les Pouvoirs publics, en
accord avec la profession agricole, ont fait le choix d’un modèle d’élevage porcin inséré dans
des exploitations agricoles et conduit par « des éleveurs compétents et responsables de leur
activité, organisés collectivement pour la commercialisation et le développement technique »
(ITP, 2002).
Des aides publiques « destinées à encourager la création et la modernisation des bâtiments
nécessaires à l'élevage des bovins, des porcins, des ovins et des caprins » (Loi n° 66-1005 du
28 décembre 1966 sur l'élevage) ont été octroyées aux éleveurs adhérents à un « groupement
de producteurs ». En 1991, l’accroissement de l’autosuffisance de l’UE et l’apparition
d’excédents structurels ont conduit la Commission européenne à interdire toute aide en faveur
de l’augmentation des capacités de production de porc.
En 1973, autour du slogan « pour que 1 kg égale 1 000 grammes », les éleveurs créent
l’association Uniporc-Bretagne avec pour mission « d'exécuter et de garantir les opérations de
pesée et de classification des porcs charcutiers et des animaux de réforme en Bretagne ». Par
la suite, cette organisation étendra ses activités aux régions du Grand Ouest et du nord de la
France. Uniporc-Ouest est au centre de la transaction entre les abatteurs et les producteurs de
porcs (www.uniporc-ouest.com). D’autres organisations de type associatif garantissent la
loyauté des transactions dans les autres régions.
En 1975, les éleveurs créent le Marché du Porc Breton qui remplace les marchés au cadran
mis en œuvre depuis 1972. Il s’agit de regrouper l’offre de porcs pour ajuster le rapport de
force avec les acheteurs et de se doter d’un outil permettant d’assurer la transparence des prix
et d’offrir à tous les éleveurs la même référence.
L’organisation des éleveurs en« groupements de producteurs », pièce maîtresse du dispositif
de rationalisation de l’élevage porcin en France, a remporté un vif succès. En 2009, 93% de la
production porcine est réalisée par des éleveurs adhérents à un groupement de producteurs.
Leur restructuration (fusions, unions…) conduit à une diminution rapide de leur nombre : 215
en 1974 pour 40% de la production contrôlée, 145 en 1990 (81%), 92 en 2000 (89%) et 56 en
2009 (93%).
2.2. Fonctions
La fonction initiale des Groupements de Producteurs est double : (1) diffuser le progrès
technique et génétique pour améliorer la compétitivité des élevages et mieux répondre aux
besoins de l’aval et (2) assurer la mise en marché des porcs pour le compte de leurs adhérents.
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Au-delà de cette fonction initiale, les groupements ont enrichi leur offre « horizontale » avec
divers services : santé animale, financement (garanties, prêts). En outre, ils ont élargi
« verticalement » leur champ d’action par des participations stratégiques ou lucratives, à
l’aval (abattage-découpe pour garantir leurs débouchés, et transformation) et/ou à l’amont
(alimentation animale, génétique, fournitures et équipement d’élevage, gestion des
déjections…).
2.3. Différents types de groupements
Brousset et al. (1998) ont identifié 4 types de groupements et 7 sous-types (Figure 5). Cette
typologie, bien que datant de 1998, peut être considérée comme toujours valable.
Figure 5. Type des groupements de producteurs selon le maillon initiateur de la filière
dans laquelle ils sont engagés
Groupements
Dans les filières initiées par
L’AMONT
AM 1
Aliment/
Génétique
Groupements
de producteurs
AbattageDécoupe
L’AVAL
Autonomes
ds la filière
AV
GA
GP
GP
GP
A-D A-D
A-D
A-D
LES PRODUCTEURS
AM 2
GP 1
A
A
A
GP
GP
GP
GP 2
GP 3
A
GP
A-D
Tranformation
T
T
T
T
Distribution
D
D
D
D
Liaison solide (financière par exemple)
Accords plus « fragiles » (contrats ou fidélité commerciale)
Source : Brosset et al., 1998
Les 4 types de groupement de producteurs se distinguent par la nature du pôle initiateur :
•
L’amont de la production (« la voie tracée par les firmes privées ») : ces
groupements ont le plus souvent été créés par des firmes d’aliment, parfois de
génétique (exemple : l’Armorique avec Glon-Sanders, la SICA Maine Porcs avec
Huttepain). Deux sous-types peuvent être distingués en fonction de l’existence
(fréquente) ou de l’absence (rare) de lien avec l’aval.
•
Les producteurs (« la voie de l’intégration de la filière ») : ce type de groupements
est le plus fréquent. Il s’agit soit de sections porcines créées au sein de coopératives
polyvalentes (Triskalia ex-Coopagri-Bretagne, Cecab, Cavac…) soit de groupements
spécialisés autonomes avec des participations dans des entreprises de la filière porcine
(CooperlArcAtlantique…). Trois sous-types sont mis en évidence selon le degré de
participation du groupement à l’amont seul (rare), à l’aval seul (peu fréquent) ou à
l’amont et l’aval (très fréquent).
•
L’aval de la production : certains rares groupements (CEB, Elpor…) ont des contrats
d’exclusivité avec un distributeur(Leclerc) mais sans participation dans le capital.
Cette situation résulte du choix stratégique du distributeur de détenir des outils
industriels (Kerméné) pour garantir une partie de ses approvisionnements en porc frais
et produits de charcuterie.
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•
Les groupements autonomes dans la filière (« la voie de la technicité ») : « ces
structures à la fois légères et spécialisées en production porcine limitent leurs missions
à la commercialisation des porcs, en grande partie par le Marché du Porc Breton, et à
l’appui technique aux adhérents » (Brousset et al., 1998).
2.4. Statut juridique des groupements de producteurs
De simples systèmes de mise en marché collective à leur création, les groupements de
producteurs de porcs sont devenus aujourd’hui de véritables entreprises commerciales,
soumises à la concurrence. Mais ils conservent une spécificité importante à savoir que « leur
finalité demeure le service des exploitations agricoles grâce à la solidarité entre les
personnes » (Brousset et al., 1998). De fait, ces groupements sont majoritairement des
coopératives ou des SICA (Société d’Intérêt Collectif Agricole).
3. Rôle des groupements de producteurs face à la volatilité des prix
3.1. Formation du prix du porc en France
En France, le prix perçu par les éleveurs pour leurs porcs charcutiers est très fortement
déterminé par le prix fixé au Marché du Porc Breton (MPB). Association loi de 1901 de mise
en marché des porcs charcutiers et des coches, le MPB est géré par les producteurs. C’est le
lieu de confrontation de l’offre (13 groupements de producteurs apporteurs) et de la demande
(13 acheteurs) ; 68 000 porcs sont négociés par semaine soit environ 10% de la production
nationale. Le prix du porc est déterminé deux fois par semaine, le lundi et le jeudi, grâce à un
système d’enchères électroniques dégressives. Malgré la faible part des porcs négociés, le prix
MPB est très directeur pour toute la France (Figure 6).
Figure 6. Evolution du prix au cadran MPB et de la cotation Classe E (prix payé par les abattoirs)
L’écart entre les deux prix correspond entre autres à la plus-value payée à chaque éleveur
pour la qualité de ses porcs
€/ kg
Cot. Nat. E
Cadran Prix de base
1,80
1,60
1,40
1,20
1,00
0,80
2006
2007
2008
2009
2010
2011
Source : IFIP d’après MPB et FranceAgriMer
A partir d’un prix de base commun, les grilles de rémunération, en fonction de la qualité
(Teneur en muscle des pièces) et du poids, sont relativement peu nombreuses en France et, la
plupart du temps, le résultat d’accords collectifs impliquant les groupements de producteurs.
Le mode de fixation du prix du porc en France, avec un marché transparent et un prix très
directeur, se distingue des pratiques des autres pays.
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En Allemagne, le Vereinigungspreis (littéralement le prix de l’union) est un prix d’orientation
fixé le vendredi pour la semaine à venir après des échanges avec des organisations de
producteurs et une simple consultation des abattoirs. Dans la pratique, le marché est très
libéral, les circuits de commercialisation sont divers (coopératives, négociants, en direct), les
prix payés peu transparents et très variés. Aux Pays-Bas aussi, le marché est très libéral,
opaque et individuel. A l’opposé, au Danemark, il n’y a pas de marché du porc. Le prix est
fixé par Danish Crown qui réalise 94% des abattages du pays.
3.2. Caisse de régulation des groupements de producteurs
Gérées par les groupements, les caisses de régulation visent à lisser le prix payé au producteur
en effectuant un prélèvement sur le prix de marché lorsqu’il est élevé et un reversement au
producteur lorsqu’il est bas. Le principe de leur fonctionnement est illustré sur la Figure 7. La
courbe noire représente l’évolution du prix de marché du porc depuis 1995, les courbes en
pointillées celles du coût de revient pour deux niveaux de rémunération du travail, 3 et
1 SMIC 1. Lorsque le prix de marché dépasse le coût de revient à 3 SMIC, l’écart entre le prix
de marché et le coût de revient est prélevé pour alimenter la caisse. Lorsque le prix de marché
tombe en dessous du coût de revient à 1 SMIC, les éleveurs perçoivent un reversement de la
caisse qui comble cet écart. Entre ces deux seuils, l’éleveur perçoit le prix de marché. Les
seuils de coûts de revient et la part des écarts prélevée et reversée sont décidés par les
gestionnaires de la caisse.
Figure 1. Fonctionnement d’une caisse de régulation
Simulation caisses de régulations positives - prix perçu (€/kg de carcasse)
Seuils à 1 et 3 SMIC, écart prélevé à 1/3, reversé à 2/3
2,0 €
1,9 €
1,8 €
1,7 €
1,6 €
1,5 €
1,4 €
1,3 €
1,2 €
1,1 €
1,0 €
0,9 €
1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009
Reversements
Prélèvements
Classe E
prix versé
Source : calculs et simulations de l’IFIP
Ce dispositif de lissage du prix perçu n’a pas rencontré de succès car, pour que l’éleveur
puisse tirer un avantage fiscal d’un tel dispositif, les sommes prélevées en période de cours
haut ne devaient pas être considérées comme des créances acquises. En d’autres termes, les
sommes prélevées sur chaque éleveur pour alimenter la caisse n’étaient pas « nominatives ».
De plus, une partie de prélèvement devait servir aux jeunes éleveurs installés qui n’avaient
pas eu le temps d’alimenter la caisse.
Comme dans la plupart des pays de l’Union européenne, le prix qui sert de base à la fixation
de la rémunération des éleveurs en France, celui issu du Marché du Porc Breton, est très
fluctuant dans le temps. Toutefois, certains groupements de producteurs offrent à leurs
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SMIC : Salaire minimum interprofessionnel de croissance
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adhérents la possibilité d’être payés non sur la base de la dernière cotation précédant la
transaction, mais sur celle de la moyenne de plusieurs marchés successifs, sans pour autant
mettre en place de caisse de régulation. Cela permet, surtout, d’éviter que des éleveurs
vendant à quelques jours d’intervalle soient traités de façon inéquitable, en raison des
fluctuations erratiques du marché. Ainsi, en France, les choix collectifs de mise en marché
des porcs, ont conduit à réduire la diversité des prix du porc entre producteurs.
Pour autant, le prix payé par les abattoirs est le prix de marché fixé à court terme et qui évolue
en parallèle avec le prix de la viande de porc sur le marché des pièces. La logique
commerciale du marché du porc en France reste, de manière dominante, d’ajustement à court
terme. Différents opérateurs de l’industrie et de la distribution utilisent des systèmes
permettant davantage d’anticipation et de régularité, tels que des contrats à livraison différés
ou des prix convenus à l’avance, mais ces pratiques sont plus répandues à l’aval et rares à
l’amont de la filière.
3.3. Formation du prix de l’aliment
En France, les porcs sont nourris avec de l’aliment industriel pour les deux tiers et de
l’aliment fabriqué à la ferme pour un tiers (25% à partir des matières produites sur
l’exploitation).
Le niveau de prix de l’aliment industriel est fixé par le fabricant qui établit des grilles de tarifs
pour différentes gammes d’aliments (composition de l’aliment, stade physiologique du porc).
Les fluctuations des marchés des matières premières ne sont pas répercutées instantanément
(Figure 8) pour plusieurs raisons. Tout d’abord, l’aliment est composé de matières premières
achetées à différents moments plus ou moins éloignées de sa fabrication. De plus, les
fabricants d’aliment se couvrent en achetant des contrats à terme ou des contrats à livraison
différée. Ils jouent aussi sur la formulation de l’aliment pour optimiser le rapport qualité/prix.
Enfin, les fabricants d’aliment modulent aussi leurs marges. Sur le long terme, la stratégie de
niveau de marge sur l’aliment est fonction de l’activité finale de l’entreprise.
Figure 8. Evolution du prix de l’aliment porc et de ses matières premières en France
En euros par tonnes
400
Tourteau de soja
350
Prix de
l'aliment
porc
300
250
Coût
matière
aliment
200
150
Blé
100
00
01
02
03
04
05
06
07
08
09
10
11
Source : calculs IFIP, d’après GTE et cotations des matières premières
Pour les groupements de producteurs de porcs, dont l’activité finale est la vente de porcs ou
de viande porcine, avec comme objectif principal le service aux éleveurs, le prix de l’aliment
peut alors constituer une variable d’ajustement, même si la rentabilité doit toujours être au
rendez-vous. La dernière période a été marquée par une grande variabilité du prix de l’aliment
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auxquels les éleveurs sont moins habitués à faire face qu’à celles du prix du porc. Les
groupements de producteurs qui en avaient les moyens ont pu offrir à leurs adhérents des
avances de trésorerie pour payer l’aliment ou faire face à d’autres charges. Mais les autres
fournisseurs ont aussi pu en faire autant.
4. Conclusion
Les groupements de producteurs de porcs tels qu’ils existent en France sont uniques dans le
paysage porcin mondial. Ils résultent de la volonté conjointe des producteurs et des Pouvoirs
publics de développer une production porcine qui repose sur des éleveurs indépendants,
compétents, et capables de s’organiser collectivement pour commercialiser leurs porcs et
gagner en compétitivité. Certains ont été initiés par des fabricants d’aliment ou des entreprises
d’abattage-découpe. Mais la plupart d’entre eux sont le fruit du regroupement d’éleveurs qui
ont pu, par la suite, choisir ou se trouver obligés d’investir dans les autres maillons de la
filière.
Cette organisation collective n’instaure pas un écran total entre les producteurs et le marché
(la variabilité des cours demeure), mais elle a introduit une atténuation très importante de la
diversité des prix du porc entre éleveurs. Par ailleurs, certains groupements ont choisi
d’investir dans la fabrication d’aliment pour faire bénéficier leurs adhérents d’un aliment au
meilleur prix. En périodes de crise, les groupements peuvent aussi atténuer les difficultés de
trésorerie des éleveurs en consentant à leurs clients des conditions de crédit exceptionnelles.
Plus globalement, on peut s’interroger sur l’effet de l’organisation et de la coopération entre
acteurs sur l’efficacité de la filière, ses performances, sa capacité à répondre aux attentes du
marché et à prendre en compte les contraintes. L’histoire porcine des 20 dernières années
montre que des filières très coordonnées et d’autres beaucoup moins ont alternativement
connu des phases de développement important. Finalement, peut-on définitivement trancher la
question de l’organisation de filière « optimale », entre coordination et libéralisme ? Il semble
bien que non tant que l’on n’introduit pas, dans la mesure de l’efficacité, des indicateurs de
bien commun à côté des seuls critères d’efficience macroéconomique. Mais c’est une autre
histoire !
Références bibliographiques
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l’organisation et des orientations des groupements de producteurs de porcs de l’ouest de la
France. Journées Rech. Porcine en France, 30, 153-159.
Gaigne C., Ben Arfa N., 2011. Environnement et concentration géographique des productions
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Grand Ouest, Série Les Focus PSDR3, Focus CLAPn°2, 4p.
ITP, 2002. Livre blanc de la production porcine : 1961-2001, 40 ans de recherche appliquée et
d’expérimentation au service de la filière porcine ». 48 pages. Ed.ITP.
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