connais toi toi même (Apprenti)

Transcription

connais toi toi même (Apprenti)
A la Gloire du Grand Architecte de l’Univers.
Sous les auspices de la GLDF, VM et vous tous mes FF en vos grades, degrés et
qualités.
Prélude
Monsieur le Recteur,
Dans la citerne étroite que vous appellez « Pensée », les rayons spirituels pourrissent comme
de la paille. Assez de jeu de langue, d’artifices de syntaxe, de jongleries de formules, il y a à
trouver maintenant la grande Loi du cœur, la Loi qui ne soit pas une loi, une prison, mais un
guide pour l’Esprit perdu dans son propre labyrinthe. Plus loin que ce que la science pourra
jamais toucher, là ou les faisceaux de la raison se brisent contre les nuages, ce labyrinthe
existe, point central ou convergent toutes les forces de l’être, les ultimes nervures de l’esprit.
Dans ce dédale de murailles mouvantes et toujours déplacées, hors de toutes formes connues
de pensée, notre Esprit se meut, épiant ses mouvements les plus secrets et spontanés, ceux qui
ont un caractère de révélation, cet air venu d’ailleurs, tombé du ciel. [STOP]
Mais la race des prophètes s’est éteinte. L’Europe se cristallise, se momifie lentement sous les
bandelettes de ses frontières, de ses usines, de ses tribunaux, de ses universités. L’Esprit gelé
craque entre les ais minéraux qui se resserrent sur lui. La faute en est à vos systèmes moisis, à
votre logique de 2 et 2 font 4, la faute en est à vous, Recteurs, pris au filet des syllogismes.
Vous fabriquez des ingénieurs, des magistrats, des médecins à qui échappent les vrais
mystères du corps, les lois cosmiques de l’être, de faux savants aveugles dans l’outre-terre,
des philosophes qui prétendent à reconstruire l’Esprit. Le plus petit acte de création spontanée
est un monde plus complexe et plus révélateur qu’une quelconque métaphysique.
Laissez-nous donc, Messieurs, vous n’êtes que des usurpateurs. De quel droit prétendez-vous
canaliser l’intelligence, décerner des brevets d’esprit ?
Vous ne savez rien de l’Esprit, vous ignorez ses ramifications les plus cachées et les plus
essentielles, ces empreintes fossiles si proches des sources de nous-même, ces traces que nous
parvenons parfois à relever sur les gisements les plus obscurs de nos cerveaux.
Au nom même de votre logique, nous vous disons : la vie pue, Messieurs. Regardez un instant
vos faces, considérez vos produits. A travers le crible de vos diplômes, passe une jeunesse
efflanquée, perdue. Vous êtes la plaie d’un monde, Messieurs, et c’est tant mieux pour ce
monde, mais qu’il se pense un peu moins à la tête de l’humanité.
[Reprise]
Antonin ARTAUD, Lettre aux Recteurs des Universités Européennes.
Sur le fronton du temple de Delphes consacré à Apollon était inscrit « Connais-toi toimême, laisse le monde aux Dieux ». Cette phrase donnait la part belle à la toute
puissance des dieux et quelque part laissait peu de marge de manœuvre à l’homme.
Socrate révolutionnaire de son temps aurait revu la formule en la transformant en
« Connais-toi toi-même » ou « Connais-toi toi même et tu connaîtras l’Univers et les
Dieux ». D’autres ont ajouté : « Et tu connaîtras le Dieu qui est en toi
», « Et tu
connaîtras dieu et les hommes ». En définitive toutes les variations sont exactes et
reviennent à dire la même chose d’un point de vue différent.
Le stade du profane en recherche.
Il se passe dans notre vie, un processus où nous ne sommes plus satisfaits de ce
que nous sommes et de ce que nous faisons.
Ce que nous sommes à l’intérieur est en désaccord avec ce que nous sommes et
faisons à l’extérieur.
Nous sommes en recherche de quelque chose de neuf, d’une nouvelle lumière qui
correspond à nos aspirations internes.
« Notre Esprit est perdu dans son propre labyrinthe ». Nous nous sommes rendu
compte que ce que nous croyons être nous n’est que notre façade sociale et que
l’édifice comporte encore bien des pièces inexplorées mais encore inaccessibles.
C’est le moment où nous frappons à la porte du Temple.
Certains ne franchirons jamais cette étape et se contenterons de ce monde
d’apparence et confiné jusqu’à la fin.
Lorsque j’ai frappé pour la première fois à la porte du Temple, je voulais travailler à
me changer moi-même.
A l’époque, c’était déjà le thème de ma quête puisque quasi parallèlement j’entamais
une psychanalyse.
Pour moi, dès le départ, la démarche initiatique est donc liée au travail sur soi, donc
à la connaissance de soi.
On ne se contente pas de s’explorer, on se transforme, le plus possible en
conscience.
Si la psychanalyse agit par les interactions avec un thérapeute, la Franc-maçonnerie
agit par les Symboles qui jouent un effet de catalyseur sur les aspects conscients et
inconscients de notre personnalité.
Il va se produire une modification progressive, « alchimique » de ce que nous
sommes en ce que nous serons.
Les symboles seront distillés progressivement par les Rituels et nous nous
efforcerons d’en pénétrer le sens et les effets tout aussi graduellement.
Après Delphes, changeons de lieu et de fronton mais pas de dimension. Au dessus
d’une des portes d’entrée de l’église de Trehorentuc, en forêt de Brocéliande, figure
le dicton « La vraie porte est à l’intérieur ».
Remarquons tout d’abord que dans ce cas comme dans celui du temple antique
évoqué précédemment, nous sommes au seuil d’un lieu sacré.
Mais comme le sous-entend la citation de cette église au cœur de la Bretagne, le lieu
sacré n’est pas qu’en dehors de nous, il est aussi en nous. Cependant, si le divin, la
Vérité est en nous, il faut bien avouer que nous en sommes coupés.
Une vieille légende hindoue raconte qu'il y eut un temps où tous les hommes
étaient des dieux. Mais ils abusèrent tellement de leur divinité que Brahma, le
maître des dieux, décida de leur ôter le pouvoir divin et de le cacher à un endroit
où il leur serait impossible de le retrouver.
Le grand problème fut donc celui de trouver une cachette.
Lorsque les dieux mineurs furent convoqués à un conseil pour résoudre ce
problème, ils proposèrent ceci :
- Enterrons la divinité de l'homme dans la terre.
Mais Brahma répondit :
- Non, cela ne suffit pas, car l'homme creusera et la trouvera.
Alors les dieux répliquèrent :
- Dans ce cas, jetons la divinité dans le plus profond des océans.
Mais Brahma répondit à nouveau :
- Non, car tôt ou tard l'homme explorera les profondeurs de tous les océans et il
est certain qu’un jour il la trouvera et la remontera à la surface.
Alors les dieux mineurs conclurent :
- Nous ne savons pas où la cacher car il ne semble pas exister sur terre ou dans
la mer d’endroit que l'homme ne puisse atteindre un jour.
Alors Brahma dit :
- Voici ce que nous ferons de la divinité de l'homme : nous la cacherons au plus
profond de lui-même, car c’est le seul endroit où il ne pensera jamais à chercher.
Depuis ce temps-là, conclut la légende, l'homme a fait le tour de la terre. Il a
exploré, escaladé, plongé et creusé à la recherche de quelque chose qui se trouve
en lui.
Si on analyse cette légende, il y a au fond de nous-mêmes un Fondamental, une
Vérité et autour de ce Fondamental, ce que les expériences de la vie ont déposé ou
ce que ce Fondamental a fixé.
C’est ce Fondamental, cette Vérité qui fait ce que nous sommes réellement,
« fondamentalement ». Le reste n’est que corps étrangers accumulés comme une
gangue autour d’une pierre précieuse.
Carl Gustav Jung a nommé ce fondamental le Soi. Il le distingue du Moi qui est plutôt
lié à ce que nous sommes dans la partie consciente de notre personnalité.
La quête initiatique consiste à réintégrer cette part de divin, à accéder à cette Vérité
progressivement, en suivant « ces empreintes fossiles » et surtout en se maîtrisant
de manière à ne pas tomber dans les erreurs de l’abus de pouvoir. Ce travail est
celui du chantier intérieur qui nous amène à explorer tout ce qui est en haut comme
tout ce qui est en bas comme l’induit la célèbre citation d’Hermes Trismegiste.
Bref, plus qu’une quête de soi, il y a ce qu’on peut appeler un processus
d’individuation (devenir réellement soi) intégrée (tout en s’intégrant dans la société et
le groupe humain qui nous entoure).
La quête de l’Individuation intégrée va passer par différentes étapes, démontages et
remontages, dissolutions et réagrégations. Ces « mues » de la personnalité ne sont
pas forcément agréables, elles peuvent même être franchement douloureuses. Chez
certains, elles se sont même avérées fatales.
Pour les décrire, on peut utiliser différents modèles explicatifs et descriptifs.
On peut tout d’abord citer les 3 phases de l’œuvre Alchimique (œuvre au noir, au
rouge, au blanc, …) mais on peut aussi parler en termes plus psychologiques de la
rencontre de la réintégration de l’Ombre, de l’archétype sexuel et de l’archétype
Lumière.
En Franc-maçonnerie, il y a entre autres les trois grades symboliques des Loges
bleues. Cependant, ce n’est pas parce qu’on a été élevé Maître qu’on l’est
intrinsèquement. I
Il y a un symbolisme à assimiler.
Dans chacune de ces phases, il y a des bénéfices mais aussi des désavantages et
des risques. Les instances de notre personnalité et plus particulièrement celles qui
organisent peuvent souffrir, connaître un accident de bénin à très grave. Derrière
ces dérapages incontrôlés, il y a surtout une faiblesse, une faille dans la
personnalité. Il y a aussi un manque élémentaire de prudence, un excès de
confiance, voir l’orgueil. On présume de ses forces et comme un célèbre personnage
de film de science fiction, on tombe du côté obscure de la force. Au lieu de réintégrer
une part de soi, on est débordé, avalé par son archétype tout puissant.
Il y a un chemin à parcourir, mais progressivement, sans brûler les étapes.
Rappelons le mythe d’Icare qui s’abîme dans la mer car il a voulu voler trop près du
soleil.
La rencontre avec l’Ombre se passe dès notre initiation, les différentes épreuves (de
la Terre, de l’Air, de l’Eau et du Feu), nous confrontent à notre part d’Ombre avant de
nous permettre de recevoir la Lumière. Nous en restons d’ailleurs secoués un certain
temps et le fait de revoir une initiation ne manque pas de raviver ces émotions.
Nous sommes initiés, nous avons reçu la Lumière, certes, mais si on met une lampe
plus forte près d’un objet, son ombre se fait plus noire. Donc si notre part de lumière
gagne en puissance notre ombre aussi et si notre Soi n’est pas assez fort, il pourrait
se faire avaler par un des trous noirs de l’univers de la personnalité.
C’est sans doute une des raisons pour lesquelles nous sommes amenés à garder le
silence et à nous fier à la guidance des FF plus avancés.
Fions-nous au symbolisme de deux outils : le Fil à Plomb et le Niveau.
Le Fil à Plomb est dans la droite ligne de la recherche à l’intérieur de soi puisqu’il
« … suggère de rechercher la Vérité dans les profondeurs des fondations aussi bien
que dans les hauteurs du faîtage, en explorant notre personnalité pour acquérir la
connaissance de nous-mêmes, condition première de notre perfectionnement.
Quant au niveau il fait le lien avec le reste des hommes. Il « … fait allusion à l’égalité
foncière de tous les hommes dans leur nature profonde et leur vocation.
En effet, il ne suffit pas de chercher à l’intérieur, il faut aussi à appliquer à l’extérieur.
Et c’est la qu’intervient la Fraternité humaine qui devient notre chantier extérieur.
Ceci dit les deux chantiers sont liés et l’un ne peut aller sans l’autre car l’un renvoie à
l’autre comme la spéculation intellectuelle nourrit la pratique quotidienne et la
pratique quotidienne fait cheminer notre spéculation intellectuelle par ce qu’elle
permet ou non de mettre en œuvre. L’Esprit (représenter par le Compas) ne va pas
sans la matière (représentée par l’Equerre).
Comme le dit Jung, en alchimie, l’opus magnum avait comme but aussi bien la
délivrance de l’âme humaine que la guérison du Cosmos (C.G. Jung parle, page
180).
Tout le travail va consister à réussir la conjonction des contraires. Il s’agit entres
autres, de notre part d’Ombre avec notre part de Lumière.
Mais comme le sous-entend la citation de Jung, ce travail sur soi n’est pas
qu’introspection. Le Rituel nous indique également qu’il concerne aussi un travail sur
la société.
Comme dit dans les instructions du premier degré : « Les forces qui sont destinées à
se déployer utilement au dehors doivent d’abord être concentrées sur elles-mêmes et
acquérir ainsi leur maximum d’énergie expansive ».
Le connais-toi toi-même concerne donc non seulement l’initié mais le groupe, la
communauté d’Initiés.
Il n’y a pas de Réintégration individuelle au Divin et à la Vérité sans qu’elle soit aussi
collective et vice-versa.
Le maçon taille sa pierre mais sa pierre est appelée à constituer une part d’un
édifice. L’édifice est un Temple formé d’une Fraternité mais le Temple est aussi
l’Homme.
CONCLUSION
J’ai dit.

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