grand-duche de luxembourg - Juridictions administratives

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grand-duche de luxembourg - Juridictions administratives
GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG
COUR ADMINISTRATIVE
Numéro du rôle : 23028C
Inscrit le 6 juin 2007
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Audience publique du 9 octobre 2007
Recours formé par
M. ..., …
contre une décision du comité de direction de la Banque et Caisse
d’Epargne de l’Etat
en matière de fonction publique
- Appel (jugement entrepris du 25 avril 2007, n° 21621 du rôle)
----------------------------------------------------------------------------------------------------Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 23028C du rôle et déposée au greffe
de la Cour administrative le 6 juin 2007 par Maître Tom KRIEPS, avocat à la Cour,
au nom de M. ..., demeurant à …, dirigée contre un jugement rendu par le tribunal
administratif le 25 avril 2007, par lequel ledit tribunal a déclaré non fondé un
recours contentieux introduit par … contre une décision prise le 21 juin 2006 par le
comité de direction de la Banque et Caisse d'Epargne de l'Etat prononçant sa
démission d'office ;
Vu l’exploit de signification de l’huissier de justice Frank SCHAAL, demeurant à
Luxembourg, du 12 juin 2007, portant signification de cette requête à
l’établissement public Banque et Caisse d'Epargne de l'Etat, établie et ayant son
siège social à L-2954 Luxembourg, 1, Place de Metz ;
Vu la constitution d’avocat de Maître Jeanne FELTGEN, avocat à la Cour, déposée
au greffe de la Cour administrative le 25 juin 2007, pour la Banque et Caisse
d'Epargne de l'Etat, représentée par son comité de direction ;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 9 juillet
2007 par Maître Jeanne FELTGEN en nom et pour compte de la Banque et Caisse
d'Epargne de l'Etat ;
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Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 9 août
2007 en nom et pour compte de l’appelant ;
Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 30 août
2007 en nom et pour compte de la Banque et Caisse d'Epargne de l'Etat ;
Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;
Le conseiller rapporteur entendu en son rapport et Maître Tom KRIEPS, ainsi que
Me Jeanne FELTGEN en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 25
septembre 2007.
----------------------------------------------------------------------------------------------------Le 21 juin 2006, le comité de direction de l’établissement public Banque et Caisse
d'Epargne de l'Etat, ci-après dénommé « la BCEE », adressa à M. ..., agent auprès
de ladite BCEE, un courrier recommandé libellé comme suit :
« Monsieur,
Sur base de l'article 40, paragraphe 2, de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le
statut général des fonctionnaires de l'Etat, le Comité de direction a constaté, lors de
la séance du 20 juin 2006, que vous ne remplissez pas les conditions de résidence
conformément au sens de l'art 13 de la même loi.
Dans le même contexte, vous avez omis de donner suite au courrier recommandé de
mise en demeure du 14 juin 2006. Par conséquent, le Comité de direction a
prononcé la démission d'office sur base du prédit article 40, paragraphe 2 avec
effet au 20 juin 2006.
Veuillez agréer, … ».
Saisi le 7 juillet 2006, le tribunal administratif, première chambre, statuant
contradictoirement et par jugement du 25 avril 2007, débouta M. ... de son recours
tendant à l’annulation de la susdite décision du comité de direction de la BCEE du
21 juin 2006.
Le 6 juin 2007, Maître Tom KRIEPS a déposé une requête d’appel en nom et pour
compte de M. ... par laquelle est sollicitée la réformation du jugement entrepris.
Il est reproché aux premiers juges d’avoir retenu que l’actuel appelant avait mis son
employeur dans l’impossibilité de savoir où il réside et ainsi de ne pas avoir
respecté les conditions de résidence légalement prévues.
Selon l’appelant le tribunal aurait mal appliqué et interprété les articles 13 et 40 de
la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l'Etat,
ci-après désigné par le « statut général », applicable aux agents de la BCEE, et il
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aurait eu tort de déclarer justifiée la démission d'office prononcée à son égard.
L’appelant soutient que le législateur « a voulu laisser une (…) grande liberté aux
fonctionnaires d'état, et notamment celle de ne pas habiter le territoire de
Luxembourg mais d'habiter à l'étranger » et que l’article 40 du statut général aurait
été détourné de sa fonction. Selon l’appelant, le simple fait de ne pas avoir eu de
domicile déclaré à Luxembourg pendant une période de 5 mois ne saurait justifier
qu’il fasse l’objet de la sanction grave qu’est la démission d'office et qu’il aurait
incombé à l’employeur de rapporter la preuve de ce qu’il avait pris une résidence
non-conforme aux dispositions de l'article 13 de la loi sur le statut général.
Dans son mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 9 juillet
2007, la BCEE réitère les faits à la base de l’affaire et conclut à la confirmation du
jugement entrepris avec condamnation de l’appelant aux frais, ainsi qu’à sa
condamnation à payer une indemnité de procédure d’un import de 1.000.- €.
Elle relève que depuis la fin de l'année 2005, son service du personnel aurait à
diverses reprises tenté de contacter le sieur ..., qui se serait trouvé en congé de
maladie depuis le 15 septembre 2003, à son domicile au 142, boulevard de la
Pétrusse ; que le 18 janvier 2006, un courrier lui aurait été adressé, alors que le sieur
... ne s'était pas présenté à un rendez-vous auprès du médecin de contrôle et qu’il
s'agissait de fixer un nouveau rendez-vous, courrier qui n’aurait pas pu être délivré
« alors que personne n'a pu être trouvé sur les lieux » ; que la situation n’aurait pas
pu être clarifiée même dans le cadre d’un échange de correspondance avec l’avocat
de M. ... ; qu’ayant reçu notification d’un jugement de condamnation et de
validation de saisie-arrêt pris au détriment de son agent, elle aurait découvert que
ledit jugement renseignait une adresse postale au sujet de M. ... dans …., à quelques
… km de Luxembourg-Ville et qu’il se serait encore révélé, au cours des recherches
entreprises à ce sujet, que M. ... avait fait l'objet d'une radiation d'office des
registres de la commune, alors que l’annuaire téléphonique, pages jaunes aurait
renseigné l’adresse française.
Ainsi, dès lors qu’une mise en demeure, adressée le 14 juin 2006 à l'adresse de M.
..., en vue de la communication d’un certificat de résidence permettant de vérifier si
le lieu de sa résidence satisfait aux conditions de l'article 13 du statut général, serait
également restée sans suite, elle estime avoir été en droit de prononcer la démission
d'office de l’intéressé.
Dans son mémoire en réplique, l’appelant prend position par rapport au mémoire en
réponse de la BCEE ; développe ses moyens et arguments et soulève un moyen
d’annulation de la décision litigieuse du comité de direction additionnel basé sur le
non-respect de l’article 9 du règlement grand-ducal du 9 juin 1979 relatif à la
procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes.
A l’appui de ce moyen additionnel, l’appelant fait soutenir que la BCEE aurait
manqué à son obligation de l’informer préalablement à la prise de la décision
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litigieuse et ceci par lettre recommandée au moins 8 jours à l'avance afin de lui
donner la possibilité de prendre position.
Pour le surplus, l’appelant soutient encore qu’il se dégagerait des pièces produites
en cause que la BCEE aurait essayé de se « débarrasser » de lui dès l’an 2000 ;
qu’il y aurait eu « intrusion scandaleuse dans sa vie » et violation de son droit de
s’établir où bon lui semble, tel que garanti par la Convention européenne des droits
de l'homme et que la décision litigieuse serait à situer dans ce contexte et
constituerait un moyen d’éviter le recours à une procédure disciplinaire vouée à
l’échec, pour le sanctionner « à travers un détour de procédures qui n'était pas
destiné pour cela. »
En outre, selon l’appelant il se dégagerait des attestations testimoniales produites en
cause qu’il « avait bien un domicile à Luxembourg sauf qu’il ne s’était pas déclaré
à la Commune à cet effet » ; qu'il ne serait pas prouvé dans la présente affaire qu’il
s’était établi dans …et que « l'adresse de son domicile relève finalement de sa
discrétion personnelle et n'a pas à être débattu par la BCEE ».
Concernant l’indemnité de procédure qui a été sollicitée par la partie intimée,
l’appelant estime que la demande afférente est irrecevable faute de précision de la
base légale sinon qu’elle n’est pas justifiée.
La BCEE a encore pris position à travers la fourniture d’un mémoire en duplique
déposé au greffe de la Cour administrative le 30 août 2007.
Elle estime que le règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979 ne serait pas
applicable à ses décisions, respectivement que le moyen manquerait de fondement
au regard de ce que faute de connaître l’adresse de son agent elle était dans
l’impossibilité de l’informer utilement.
Elle conteste tout détournement de pouvoir ou de procédure et soutient que la
décision litigieuse fonderait sur une juste application de la loi, loi qui ne
contreviendrait par ailleurs nullement aux dispositions la Convention européenne
des droits de l’homme.
Concernant l’indemnité de procédure sollicitée, la BCEE l’estime recevable et
justifiée.
L’appel est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai prévus par la
loi.
Le cadre légal applicable en l’espèce est celui tracé par les articles 13 et 40.2. du
statut général, étant précisé qu’en vertu de l’article 30, paragraphe 1er de la loi du 24
mars 1989 sur la Banque et Caisse d'Epargne de l'Etat, l’appelant doit être considéré
comme agent de la BCEE ; qu’il a de ce fait un statut de droit public, assimilé à
celui des employés de l'Etat et qu’en application du règlement grand-ducal du 16
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octobre 1993 fixant les conditions du statut des agents de la Banque et Caisse
d’Epargne, notamment les articles 9 à 16 (devoirs des fonctionnaires) et 39 à 42
(cessation définitive des fonctions) du statut général sont applicables aux agents de
la banque.
Aux termes de l’article 13 du statut général « sans préjudice des dispositions
légales prescrivant un domicile déterminé, le fonctionnaire est tenu de résider à un
lieu qui se situe à une distance de son lieu de travail ne l'empêchant pas
d'accomplir ses fonctions normalement. »
L’article 40.2. du statut général précise que « si le fonctionnaire, mis en demeure
par envoi d'une lettre recommandée à l'adresse qu'il a déclarée comme sa
résidence, n'y donne pas les suites voulues dans un délai de trois jours, la
démission d'office peut être prononcée :
(…)
c) en cas de prise de résidence non conforme aux dispositions de l'article 13 de la
présente loi. »
L’article 40.2. du statut général autorise l’employeur, en l’occurrence la BCEE, à
prononcer la démission d’office de tout agent qui a pris une résidence non conforme
aux dispositions de l’article 13 auquel il est renvoyé.
S’il s’ensuit à l’évidence que le premier et principal cas de figure visé est celui
d’une non-conciliation de la résidence que l’agent occupe par rapport aux nécessités
d’un accomplissement normal de ses fonctions, il n’en reste pas moins que l’agent
ne saurait déjouer le système en refusant de communiquer son lieu de résidence.
En effet, l’application et applicabilité du pouvoir légalement reconnu à l’employeur
repose sur la prémisse d’une collaboration de l’agent, moyennant communication de
son lieu de résidence habituel et non pas sur la prémisse incongrue d’une obligation
de l’employeur, comme l’ont relevé les premiers juges à bon escient, de faire des
recherches fastidieuses pour localiser le domicile de ses agents.
En d’autres termes, dès lors que l’agent omet de renseigner, à la demande de
l’employeur, le lieu même de sa résidence habituelle, l’employeur est en droit de
retenir que ce lieu n’est pas conforme aux exigences légales y relatives.
Ainsi, indépendamment de la question de savoir si M. ... s’était ou non
habituellement établi dans …, le fait qu’il n’a pas communiqué l’adresse de sa
résidence effective, étant précisé que la seule adresse communiquée à la BCEE, à
savoir celle du …, ne correspondait plus à la réalité des choses, porte l’agent en
faute et l’argumentation déconcertante développée par l’appelant qui s’insurge de
ce que la BCEE ne rapporte pas la preuve de son lieu de résidence, respectivement
de ce qu’il « estime que l’adresse de son domicile relève finalement de sa discrétion
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personnelle et n’a pas à être débattu par la BCEE » ne saurait évidemment pas être
entérinée. – Cette conclusion n’est nullement ébranlée par les attestations
testimoniales produites en cause, étant donné que s’il s’en dégage à la rigueur des
passages occasionnels au pays de M. ..., il ne s’en dégage non seulement pas où M.
... résidait habituellement, mais qui plus est, cela n’enlève rien au caractère fautif de
son omission d’information à l’égard de son employeur.
Aucun reproche ne saurait par ailleurs être fait à la BCEE d’avoir appliqué « à la
lettre » la loi et la Cour ne voit de même pas en quoi la condition légale d’une
résidence se trouvant à une distance garantissant le bon fonctionnement du service
limite le droit de l’appelant de s’établir librement, telle que ce droit est garanti par
l’article 2 du Protocole n°4 à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et
des libertés fondamentales – d’ailleurs non pas de façon absolue, des restrictions
légales étant admises –.
Enfin, la Cour rejoint l’analyse et la conclusion des premiers juges relativement à
l’argumentation de l’actuel appelant relativement à un prétendu détournement de
procédure, qui reste à l’état de simple allégation, étant relevé que le simple fait de
différents antérieurs entre la BCEE et son employé et le fait que la BCEE a dans le
passé entamé une procédure disciplinaire à son encontre ne sont pas de nature à
entacher la légalité ou la régularité de la décision querellée.
Concernant le moyen d’annulation additionnel basé sur le non-respect des
dispositions de l’article 9 du règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979, force est
de constater que ce moyen n’est pas pertinent.
En effet, même abstraction faite de la question de savoir si l’article 49 (1) de la loi
précitée du 24 mars 1989 qui dispose que « les décisions de la banque ne sont pas
soumises aux lois et règlements relatifs à la procédure administative non
contentieuse » vise toutes les décisions de la BCEE ou seulement les relations de la
BCEE avec les tiers dans le cadre du déploiement de ses services bancaires,
respectivement, pour le cas où il conviendrait de retenir que l’inapplicabilité du
règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979 englobe les relations entre la BCEE et
ses agents, abstraction faite de la question de savoir si pareille inapplicabilité ne se
heurte pas au principe d’égalité des citoyens devant la loi constitutionnellement
garanti, dès lors que la fonction publique, en sa généralité, se trouve dans le champ
d’application de ladite règlementation de 1979, il y a lieu de constater et de retenir
qu’en tout état de cause, l’article 9 du règlement grand-ducal de 1979 dispose que
l’obligation d’information de la personne concernée par une décision que
l’administration envisage de prendre « n’existe que pour autant que l’autorité
compétente est à même de connaître son adresse » et l’appelant, qui encore au jour
des présentes omet d’indiquer l’adresse où il résidait à l’époque, est
particulièrement mal venu de critiquer son employeur de l’avoir insuffisamment
informé.
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Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que l’appel manque
manifestement de fondement et que le jugement entrepris est à confirmer dans toute
sa teneur.
Eu égard à la solution du litige, la demande en allocation d’une indemnité de
procédure formulée par l’intimée, qui trouve son fondement légal dans l’article 33
de la loi du 21 juin 1999 relatif à la procédure applicable devant les juridictions de
l’ordre administratif, est justifiée. Le montant de l’indemnité de procédure est à
évaluer à 750.- €.
Par ces motifs,
la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties à l’instance ;
reçoit l’appel du 6 juin 2007 en la forme ;
le dit cependant non fondé et en déboute ;
partant confirme le jugement entrepris du 25 avril 2007 ;
condamne l’appelant aux dépens de l’instance d’appel, ainsi qu’au paiement d’une
indemnité de procédure de 750.- € en faveur de l’intimée.
Ainsi jugé par :
Jean Mathias Goerens, vice-président,
Marc Feyereisen, conseiller,
Henri Campill, conseiller rapporteur,
et lu par le vice-président en l’audience publique au local ordinaire des audiences de
la Cour à la date indiquée en tête en présence du greffier de la Cour Anne-Marie
Wiltzius.
le greffier
le vice-président
Reproduction certifiée conforme à l’original
Luxembourg, le 10 octobre 2007
Le greffier de la Cour administrative
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