cour d`appel de paris

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cour d`appel de paris
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Grosses délivrées
aux parties le :
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 5-7
ARRÊT DU 26 MAI 2016
(n°
79, 8 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : 2015/04360
Décision déférée à la Cour : rendue le 22 octobre 2014
par le Comité de règlement des différents et des sanctions (CoRDiS)
enregistré sous le numéro 19-38-13
de la COMMISSION DE RÉGULATION DE L’ENERGIE
DEMANDERESSE AU RECOURS :
- La société BLANDINS HYDRO NATURE
Prise en la personne de son représentant légal
Dont le siège social est : Le Village - 20 rue du Chevalier d’Urre 26600 CROZES HERMITAGE
Elisant domicile au Cabinet de Maître Patricia HARDOUIN
90 Rue d’Amsterdam 75009 PARIS
Représentée par :
- La SELARL 2H Avocats,
avocats associés au barreau de PARIS,
toque : L0056
90 rue d’Amsterdam 75009 PARIS
- Maître Karine SANCHEZ-EVANGELISTA,
avocate au barreau d’AVIGNON
46 route de Montfavet 84000 AVIGNON
DÉFENDERESSE AU RECOURS :
- La société ELECTRICITE RESEAU DISTRIBUTION FRANCE (ERDF)
Prise en la personne de son représentant légal
Dont le siège social est : Tour Wintherthur - 102 Terrasse Boieldieu 92085 PARIS-LA
DÉFENSE CEDEX
Représentée par Maître Cédric de POUZILHAC,
avocat au barreau de PARIS,
toque : P0485
SELAS BERSAY ET ASSOCIES,
31 avenue Hoche 75008 PARIS
EN PRÉSENCE DE :
- La COMMISSION DE RÉGULATION DE L’ENERGIE
Représentée par son Président
15 rue Pasquier 75379 PARIS CEDEX 08
Représentée par Maître Céline GAGEY,
avocate au barreau de PARIS,
toque : L0259
SELARL EARTH AVOCATS,
58 avenue Marceau 75008 PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 24 mars 2016, en audience publique, devant la Cour composée
de :
- Mme Valérie MICHEL- AMSELLEM, Présidente de chambre, Présidente
- M. Olivier DOUVRELEUR, Président de chambre
- Mme Laurence FAIVRE, Conseillère
qui en ont délibéré
GREFFIER, lors des débats : M. Benoît TRUET-CALLU
MINISTÈRE PUBLIC :
L’affaire a été communiquée au ministère public, représenté lors des débats par Mme Madeleine
GUIDONI, Avocate Générale, qui a fait connaître son avis.
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties
en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450
du code de procédure civile.
- signé par Mme Valérie MICHEL- AMSELLEM, présidente et par M. Benoît
TRUET-CALLU, greffier.
********
Faits et procédure
La société Blandins Hydro Nature (ci-après société BHN) exploitait jusqu'en octobre
2012 une microcentrale hydroélectrique, dite de "Pény", située sur le cours d'eau du Vincou sur
le territoire de la commune de Compreignac en Haute-Vienne. Pour cette exploitation, elle
disposait d'une autorisation délivrée au précédent exploitant le 21 mai 1982 par le préfet de la
Haute-Vienne, pour une durée de trente ans expirant donc le 21 mai 2012.
Par courrier du 23 mars 2012, la société BHN a présenté à la société Électricité Réseau
Distribution France (ci-après EDRF), qui gère le réseau public de distribution d'électricité sur le
territoire de la commune de Compreignac où est installée la microcentrale, une demande de
contrat d'accès au réseau de distribution en injection, pour faire suite au contrat d'obligation
d'achat "Hydro 97" dont elle était jusqu'alors titulaire. La société ERDF lui a, en retour, demandé
des compléments d'information.
Par lettre du 25 juillet 2012, qui faisait suite à de précédents courriers, la Direction
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départementale des territoires de la préfecture de la Haute-Vienne a indiqué à la société BHN que
l'autorisation d'exploiter la centrale de Pény, faute d'avoir été renouvelée, avait expiré au 21 mai
2012 et que cette centrale devait, en conséquence, être mise à l'arrêt, sous peine de poursuites
pénales et administratives.
Cette même administration a, par courrier du 20 août 2012, fait savoir à ERDF que
l'autorisation délivrée le 21 mai 1982 au précédent exploitant de la microcentrale était expirée
depuis le 21 mai 2012 et que n'ayant pas été renouvelée, l'actuel exploitant de la centrale, la
société BHN, n'était plus autorisée à produire de l'électricité. Ce courrier rappelait, en outre, les
sanctions encourues, de nature pénale et administrative, en cas d'exploitation d'une entreprise
hydroélectrique sans autorisation.
Par courrier électronique du 25 février 2013, la société ERDF a indiqué à la société BHN
qu'elle ne pouvait donner suite à sa demande de raccordement, par application de l'article L. 11193 II 1° du code de l'énergie, selon lequel elle était tenue de refuser l'accès au réseau au
producteur qui ne peut justifier d'une autorisation d'exploitation. Ce refus a été confirmé par
courrier du 17 mai 2013, par lequel ERDF a rappelé qu'elle ne pouvait autoriser l'accès à son
réseau en l'absence d'autorisation d'exploiter la centrale. ERDF a, en outre, rejeté la demande
d'indemnisation du manque à gagner qu'avait présentée la société BHN. Par courrier du 27 juin
2013, elle lui a indiqué qu'elle avait procédé au dé-raccordement de la centrale et, par courrier du
10 juillet 2013, elle a notifié à la Commission de régulation de l'énergie (ci-après CRE) le refus
qu'elle avait opposé à la société BHN, en en exposant les motifs.
Le 13 août 2013, la société BHN a saisi le Comité de règlement des différends et des
sanctions (ci-après Cordis) de la CRE du différend l'opposant à ERDF en sollicitant la délivrance
d'un contrat d'accès au réseau public de distribution d'électricité et l'allocation d'une compensation
financière correspondant à sa perte de recettes.
Par décision du 22 octobre 2014, le Cordis a rejeté les demandes de la société BHN en
constatant que les dispositions applicables du code de l'énergie faisaient obligation à ERDF de
refuser à cette société d'accéder au réseau de distribution d'électricité.
La société BHN a formé le 27 février 2015 un recours tendant à l'annulation ou à la
réformation de cette décision.
LA COUR
Vu la déclaration de recours déposée au greffe de la cour le 27 février 2015 par la
société Blandins Hydro Nature et tendant à l'annulation ou à la réformation de la décision du
Cordis de la CRE en date du 22 octobre 2014 ;
Vu les mémoires déposés par la société Blandins Hydro Nature les 26 mars 2015 et 6
janvier 2016 ;
Vu le mémoire déposé par la société ERDF le 6 octobre 2015 ;
Vu les observations de la Commission de régulation de l'énergie déposées au greffe de
la cour le 6 octobre 2015 ;
Vu les observations du Ministère public déposées le 23 mars 2016 ;
Après avoir entendu à l'audience publique du 24 mars 2016 les conseils des parties qui
ont été mis en mesure de répliquer, le conseil de la Commission de régulation de l'énergie et le
Ministère public ;
Par ses mémoires des 26 mars 2015 et 6 janvier 2016, la société Blandins Hydro
Nature demande à la Cour :
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- d'annuler la décision rendue par le Cordis le 22 octobre 2014 ;
- de dire que la société Blandins Hydro Nature est autorisée à se raccorder au réseau ERDF ;
- de condamner la société ERDF à porter et payer à la société Blandins Hydro Nature la somme
de 58 942 euros au titre du préjudice financier supporté ;
- de condamner la société ERDF à porter et payer à la société Blandins Hydro Nature la somme
de 5 000 euros au titre du préjudice moral subi ;
- de condamner la société ERDF à payer à la société Blandins Hydro Nature une somme de 5 000
euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- de condamner la société ERDF aux entiers dépens.
La société BHN soutient qu'elle bénéficie, pour l'exploitation de la microcentrale de
Pény, de la dispense d'autorisation prévue par l'article L. 511-3 du code de l'énergie en faveur des
ouvrages régulièrement autorisés en application du code de l'environnement et dont la production
d'énergie constitue un accessoire à leur usage principal. Elle invoque également les dispositions
de l'article L. 311-6 du code de l'énergie qui répute "autorisées" les installations de production
électrique existantes régulièrement établies au 11 février 2000. Elle considère que le préfet de la
Haute-Vienne a ignoré ces dispositions législatives et qu'en conséquence, son appréciation selon
laquelle elle ne pouvait plus exploiter la centrale est entachée d'une illégalité manifeste. Elle
ajoute que la direction départementale des territoires a violé les dispositions du code de
l'environnement relatives à la procédure de demande d'autorisation qu'elle avait engagée "en
désespoir de cause" ; elle fait valoir, en effet, que cette administration a prétendu avoir accusé
réception de sa demande le 6 octobre 2009, tout en considérant que le dossier qu'elle lui avait
transmis n'était pas complet.
Par ailleurs, la société BHN met en cause la légalité externe de la décision du Cordis.
C'est ainsi qu'elle soutient, d'une part, que le Comité a statué tardivement puisque, selon elle, sa
décision aurait dû être rendue avant le 1er octobre 2014, par application des dispositions de
l'article L. 134-20 du code de l'énergie et, d'autre part, qu'en violation de l'article 3 du décret du
11 septembre 2000, aucun délai de réponse n'a été imparti aux parties pour qu'elles répondent aux
observations adverses.
Enfin, la société BHN soutient qu'elle a subi un important préjudice financier et moral,
dont elle demande à être indemnisée à hauteur de 58 942 euros et 5 000 euros.
Par son mémoire en réponse déposé le 6 octobre 2015, la société ERDF demande
à la Cour de :
Juger recevable et bien fondée la société ERDF en ses demandes, fins et conclusions ;
In limine litis :
Se déclarer incompétente au profit de la cour administrative d'appel de Paris ;
A titre principal :
Rejeter l'ensemble des demandes formulées par la société Blandins Hydro Nature ;
En conséquence :
Confirmer la décision du Cordis de la CRE, en date du 22 octobre 2014, en toutes ses dispositions
;
En tout état de cause :
- condamner la société Blandins Hydro Nature à payer à la société ERDF la somme de 5 000
euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société Blandins Hydro Nature aux entiers dépens de première instance et d'appel,
qui seront recouvrés directement par Maitre Cédric de Pouzilhac en application des dispositions
de l'article 699 du code de procédure civile.
In limine litis, la société ERDF fait valoir que la cour n'est pas compétente pour juger
de la légalité de la décision du préfet de la Haute-Vienne, que la société BHN met en cause dans
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le cadre du présent recours. Elle demande donc à la cour de se déclarer incompétente au profit de
la cour administrative d'appel de Paris.
A titre principal, elle expose que l'article L. 511-3 du code de l'énergie, - qui soumet à
une simple déclaration les ouvrages régulièrement autorisés et dont la production d'énergie
constitue un accessoire à leur usage principal -, n'est pas applicable en l'espèce, comme l'a indiqué
à plusieurs reprises le préfet de la Haute-Vienne. Elle fait valoir que la société BHN ne disposant
plus dans ces conditions d'une autorisation d'exploitation de sa centrale, elle était tenue de lui
refuser l'accès au réseau de distribution d'électricité, par application des dispositions de l'article
L. 111-93 du code de l'énergie.
S'agissant des irrégularités de procédure soulevées par la société BHN, ERDF fait valoir
qu'elles ne sont pas démontrées et elle s'en rapporte, en toute hypothèse, aux observations sur ce
point de la CRE.
Enfin, ERDF soutient qu'en tout état de cause, les demandes indemnitaires de la société
BHN ne sont pas fondées. Elle souligne que le Cordis n'est pas compétent pour allouer une
compensation financière ou prononcer une sanction, et que d'ailleurs la société BHN ne démontre
par la réalité du préjudice qu'elle invoque.
Par ses observations écrites déposées le 6 octobre 2015, la CRE récuse les moyens
de légalité externe soulevés par la société BHN. Elle fait valoir que le délai de deux mois que
celle-ci invoque n'est pas assorti de sanction et qu'aucun dommage n'a résulté de ce que le Cordis
a rendu sa décision quelques jours après l'expiration de ce délai. Elle considère qu'il en va de
même de l'absence de fixation par le Cordis d'un délai laissé aux parties pour répondre aux
observations adverses. En ce qui concerne les moyens de légalité interne développés par la
requérante, la CRE expose que les dispositions de l'article L. 111-93 du code de l'énergie
obligeaient ERDF à refuser l'accès au réseau de distribution d'électricité, puisque le préfet de la
Haute-Vienne lui avait fait savoir que la société BHN ne disposait plus de l'autorisation
d'exploiter la centrale hydroélectrique. Elle souligne qu'il appartenait alors à la société BHN, qui
contestait cette appréciation, d'en saisir le juge administratif. La CRE conclut donc au rejet de
l'ensemble des moyens dirigés contre la décision du Cordis.
Le Ministère public conclut au rejet des moyens de procédure, dans la mesure où il n'est
résulté aucun dommage des irrégularités alléguées par la société BHN. Sur le fond, il fait valoir
que la société ERDF, informée par le préfet de l'absence d'autorisation d'exploitation de la
microcentrale de Pény, était tenue par l'article L. 111-93 du code de l'énergie de refuser l'accès
à son réseau. Il demande donc à la cour de rejeter le recours de la société BHN.
Sur ce,
Sur la compétence de la cour d'appel de Paris
La société ERDF fait valoir que la société BHN soulève, pour la première fois devant
la cour, un moyen tiré de l'illégalité d'une décision du préfet de la Haute-Vienne. Elle en conclut
que le présent recours relève de la compétence du juge administratif et elle demande à la cour de
se déclarer incompétente au profit de la cour administrative d'appel de Paris.
Il convient, cependant, de constater que le présent recours est dirigé non contre une
décision de l'autorité préfectorale, mais contre la décision du Cordis statuant dans le différend
opposant les sociétés BHN et ERDF. Dès lors, la cour d'appel de Paris est, par application des
dispositions de l'article L. 134-24 du code de l'énergie, seule compétente pour connaître de ce
recours. La demande de la société ERDF tendant à ce que la cour se déclare incompétente sera
donc rejetée.
Sur la légalité interne de la décision déférée
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L'article L. 111-93 II du code de l'énergie prévoit que le gestionnaire d'un réseau public
de transport et de distribution d'électricité, lorsqu'il est saisi par un producteur d'électricité d'une
demande d'accès à ce réseau, "est tenu (...) de refuser l'accès au réseau (...) à un producteur qui
ne peut justifier d'une autorisation en application de l'article L. 311-1 ou de l'article L. 311-6".
En l'espèce, la société BHN a présenté le 23 mars 2012 à la société ERDF une demande
d'accès au réseau, par la conclusion d'un contrat d'accès au réseau de distribution en injection
destiné à remplacer le contrat d'obligation d'achat "Hydro 97" dont elle disposait pour
l'exploitation de la microcentrale de Pény. Il incombait donc à la société ERDF de s'assurer,
conformément aux dispositions législatives précitées, que la société BHN disposait d'une
autorisation d'exploitation de cette microcentrale.
A cet égard, les services du préfet de la Haute-Vienne ont, par courrier du 20 août 2012,
fait savoir à la société ERDF que l'autorisation dont la société BHN était jusqu'alors titulaire avait
expiré le 21 mai 2012 et n'avait pas été renouvelée et que, dès lors, cette société "n'[était] plus
autorisée à produire de l'électricité". Dès lors, c'est à juste titre que le Cordis a constaté que
ERDF était tenue de refuser la demande d'accès présentée par la société BHN, par application des
dispositions ci-dessus rappelées de l'article L. 111-93 du code de l'énergie.
Toutefois, la société BHN fait valoir que l'appréciation du préfet - selon laquelle elle
n'était plus autorisée à produire de l'électricité - est entachée d'une illégalité manifeste, qui aurait
dû conduire le Cordis à l'écarter et à décider qu'elle était autorisée à se raccorder au réseau ; aussi
reproche-t-elle au Cordis de ne pas avoir relevé cette illégalité manifeste et soutient-elle que la
décision déférée doit, pour ce motif, être annulée. Ce grief ne peut cependant qu’être écarté
puisqu’il n’appartenait pas au Cordis, statuant sur le fondement et dans les limites de l’article L.
134-19 du code de l’énergie, d’apprécier la légalité des décisions et positions prises par l’autorité
administrative, quand bien même serait alléguée, comme en l’espèce, une illégalité manifeste dont
la société BHN devait alors saisir le juge administratif, ce qu’elle s’est abstenue de faire.
Enfin, la circonstance que l'administration ait, par courrier du 6 octobre 2009, déclaré
qu'elle accusait réception de la demande d'autorisation de la société BHN, tout en lui signalant que
son dossier était "incomplet", alors que selon les textes un tel "accusé de réception" n'est délivré
que si le dossier est "complet", est sans effet sur la légalité de la position prise par cette
administration en ce qui concerne l'obligation pour la requérante de solliciter un renouvellement
de l'autorisation d'exploitation de la microcentrale de Pény.
Sur la légalité externe de la décision déférée
A titre subsidiaire, la société BHN soutient, en premier lieu, que la décision déférée est
entachée d'illégalité, comme étant intervenue tardivement. Elle invoque les dispositions de
l'article L. 134-20 du code de l'énergie, selon lesquelles "le comité se prononce dans un délai de
deux mois, après avoir diligenté, si nécessaire, une enquête dans les conditions fixées aux articles
L. 135-3 et 135-4 et mis les parties à même de présenter leurs observations. Le délai peut être
porté à quatre mois si la production de documents est demandée à l'une ou l'autre des parties.
Ce délai de quatre mois peut être prorogé sous réserve de l'accord de la partie plaignante". Elle
fait valoir qu'elle avait transmis ses dernières observations le 1er août 2014 et qu'en conséquence,
le Cordis aurait dû rendre sa décision avant le 1er octobre 2014. Elle en conclut que la décision
en date du 22 octobre 2014 et, pour ce motif, entachée d'illégalité.
Il convient, cependant, d'observer que le délai de deux mois qu'invoque la société BHN,
à supposer qu'il ait été dépassé - en admettant, par conséquent, que ERDF n'entendait pas
répondre aux "observations en triplique" déposées par la requérante le 1er août 2014 et que
l'instruction de l'affaire était terminée à cette date -, n'est assorti par l'article L. 134-20 du code
de l'énergie, qui l'institue, d'aucune sanction. Son dépassement, dès lors, est sans effet sur la
régularité de la décision déférée, étant rappelé que s'il avait excédé les limites du délai raisonnable
dans lequel le Cordis doit statuer sur les différends dont il est saisi, - ce qui n'est pas le cas en
l'espèce puisque la décision a été rendue quelques jours après l'expiration prétendue du délai -,
il resterait aux parties la possibilité de réclamer la réparation du dommage qui en serait
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ARRET DU 26 MAI 2016
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éventuellement résulté pour elles.
En second lieu, la société BHN allègue la violation de l'article 3 du décret du
11 septembre 2000 qui, dans sa rédaction applicable au différend, prévoyait que "la Commission
de régulation de l'énergie assure la communication à chacune des parties des observations et
pièces déposées par les autres parties et fixe le délai dans lequel il devra y être répondu (...)".
Elle fait valoir que la décision déférée a été rendue au mépris de ces dispositions puisque le
Cordis n'a pas imparti aux parties un délai pour répondre aux observations adverses.
Mais, outre que les dispositions invoquées n'assortissent d'aucune sanction le défaut de
fixation d'un tel délai, force est de constater que la société BHN a disposé pleinement de la
possibilité de produire ses observations et de répondre aux observations adverses. C'est ainsi qu'il
ressort des énonciations de la décision déférée qu'ayant déposé des premières observations suite
à sa saisine du Cordis le 13 août 2013, elle a répondu aux observations en défense de la société
ERDF par un mémoire en réplique et des observations complémentaires déposés les 5 et 10 juin
2014, puis a répondu aux observations en duplique de la société ERDF par des observations en
triplique le 1er août 2014, de sorte que la requérante n'apporte pas la démonstration d'un
quelconque dommage.
Les moyens d'annulation développés par la société BHN seront donc rejetés.
Sur les demandes de condamnation présentées au titre du préjudice financier
invoqué par la société BHN
La société BHN fait valoir qu'en instruisant sa demande avec "lenteur", la société ERDF
lui a causé un préjudice dont elle demande réparation par l'allocation des sommes de 58 942 euros
au titre de son préjudice financier et de 5 000 euros au titre de son préjudice moral. Mais cette
allégation n'est nullement démontrée, puisqu'il ressort au contraire du dossier que la société ERDF
a fait connaître sans tarder son analyse de la situation, au regard, en particulier, de l'information
reçue de l'administration selon laquelle la société BHN devait être titulaire d'une autorisation
d'exploitation. La demande de la société BHN sera donc rejetée.
Sur les frais irrépétibles
Il n'y a pas lieu de prononcer de condamnation en application de l'article 700 du code de
procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
REJETTE la demande de la société Électricité Réseau Distribution France tendant à ce
que la cour se déclare incompétente ;
REJETTE le recours formé par la société Blandins Hydro Nature contre la décision
rendue le 22 octobre 2014 par le Comité de règlement des différends et des sanctions de la
Commission de régulation de l'énergie dans le différend l'opposant à la société ERDF ;
REJETTE les demandes de compensation financière présentées par la société Blandins
Hydro Nature ;
REJETTE les demandes de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure
civile ;
CONDAMNE la société Blandins Hydro Nature aux dépens de la présente instance.
LE GREFFIER,
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