Spécial 70 ans de Saint-Marcet - sictame

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Spécial 70 ans de Saint-Marcet - sictame
Syndicat des Ingénieurs Cadres Techniciens Agents de Maîtrise et Employés
LES CAHIERS DU SICTAME
« Spécial 70 ans de Saint-Marcet »
SOMMAIRE
1. Genèse de l’aventure pétrolière dans le Sud-Ouest de la France ............................ Page
1.1 Quelques dates repères .............................................................................................................................................. Page
1.2 Comment a été choisi l’emplacement du premier puits de la découverte de Saint-Marcet : le SM-1 .... Page
1.3 Les grandes heures de la RAP ................................................................................................................................... Page
1.4 Les intérêts économiques ........................................................................................................................................... Page
1.5 La vie des gens .............................................................................................................................................................. Page
1.6 L’essaimage ..................................................................................................................................................................... Page
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2. Au cœur de la RAP .............................................................................. Page 23
2.1 La vie sociale à la RAP ................................................................................................................................................. Page
2.2 La vie syndicale à la RAP ............................................................................................................................................ Page
2.3 Le village de la RAP au ‘‘Pinat’’ ................................................................................................................................... Page
2.4 L’école des maîtres sondeurs .................................................................................................................................... Page
3. Les témoignages .................................................................................. Page
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4. Lexique ............................................................................................ Page 39
5. Bibliographie ...................................................................................... Page 41
6. Annexes ........................................................................................... Page 42
6.1 La résistance ................................................................................................................................................................. Page
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6.3 Pathologie du Pétrole .................................................................................................................................................. Page 45
6.4 Le chant des Pétroliers .............................................................................................................................................. Page 46
Pourquoi ce numéro « Spécial 70 ans de Saint-Marcet ? » ..................................... Page 48
6.2 Je reviens d’Amérique par J.H. Vries DG de la RAP ........................................................................................... Page
Retrouvez toutes les informations du SICTAME-UNSA sur son site internet :
http://www.sictame-unsa-total.org
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1- Genèse de l’aventure pétrolière dans le Sud-Ouest de la France
Préambule
Les coupures de journaux entre 1922 et 1926 relatent l’activité pétrolière en France :
Journal de Saint-Gaudens du 21 octobre 1922 (article de M. Abadie) : en 1920, une société américaine
avait acquis des droits temporaires sur des terrains du village de Lespugne en vue d’extraction de pétrole ;
les travaux ne furent jamais entrepris ! A cette époque, la presse méridionale et parisienne s’intéresse à la
découverte du Chanoine Estinès, permettant la prospection minière par perception de radiations émanant des
gisements. Cette nouvelle méthode fut inventée quatorze ans auparavant, mais le Chanoine Estinès garda
secrète sa méthode.
Le Télégramme en 1922 interviewe le chanoine qui déclare que la région Sud-Ouest Pyrénées est “toute
entière riche en pétrole !” Les travaux de l’éminent géologue Leymerie l’ont inspiré dans ses recherches. Sa
méthode comprend :
• un appareil portatif avec lequel il va sur le terrain et qui lui indique où se trouve le pétrole d’après les
radiations de ce corps,
• un appareil très lourd qui lui indique la profondeur exacte du gisement à l’aide de courants électriques,
opération difficile, mais grâce à une nouvelle propriété de la radioactivité, on obtient automatiquement
et sans erreur la profondeur de la première couche de pétrole. Ses pronostics sont d’une extrême
précision. Il parle d’une nappe de pétrole à Sainte-Suzanne (près d’Orthez), à Gabian (au nord de
Béziers) dans les Cévennes, etc. A Gabian, les sondages furent implantés sur le site par les Ingénieurs
des Mines parce qu’un filet de pétrole coulait depuis 200 ans. Ce pétrole était vendu en pharmacie sous
le nom « d’huile de Gabian ».
La Petite Gironde du 10 décembre 1924 : la méthode du chanoine est présentée dans le journal l’Oeuvre du
8 novembre 1920. Découverte de Castagnède (à côté de Carresse, près du gave d’Oloron) où le pétrole a
“jailli” lorsque le forage a atteint 220 mètres de profondeur.
La Petite Gironde du 12 décembre 1924 :
• La Société de Recherche d’Hydrocarbures qui a fait le sondage de Coutets n’a trouvé que gypse et
marnes à -175 mètres.
• Le Pétrole National, sur le sondage de Castagnède, à - 220 mètres, a observé un jaillissement, mais ce
n’était qu’une projection de gaz et d’eau huileuse, témoignant du voisinage d’un horizon hydrocarburé.
Le Journal de Saint-Gaudens en attribuait le mérite au chanoine mais l’ingénieur Pourbaix signalait
avoir prévu cette découverte trois ans auparavant !
• Le Syndicat Lestage trouve une projection identique à celle de Castagnède mais un deuxième forage ne
décela qu’un gisement de chlorure de potassium.
• La Société de Recherches et d’Exploration de Pétrole en France va prospecter au nord-ouest, région de
Carresse-Cassaber. Un propriétaire de Jurançon (près de Pau) demande un permis exclusif. En 1925,
les travaux dans le sud-ouest porteront sur une quinzaine de points.
Pour en revenir au Chanoine Estinès, ce dernier, aussi bien dans la presse que dans ses lettres, ne donne que
fort peu de renseignements sur ses appareils et sa méthode infaillible ! Toutefois, dans une lettre de 1925, il
cite le procédé Schlumberger toujours utilisé de nos jours. Il parle aussi d’une machine “Rotary” foreuse
américaine qui travaille à Sainte-Suzanne et avance rapidement. Elle appartient à la Compagnie Générale des
Sondages qui travaille pour la société ‘’Le Pétrole de France’’, filiale du groupe belge Empain. Il mentionne
aussi des appareils pour prospecter le pétrole tel l’appareil de Courrier identique à celui d’Alfred Régis (connu
il y a 15 ans). La différence entre les deux étant que :
• le premier suspend la caisse à son cou,
• le second la fait porter par sa femme !
Après 1926, l’ère du modernisme arrive.
Cette période des années 1920-1926, couvre une petite partie de la recherche pétrolière du début de notre
siècle, recherche qui avait, en réalité, débutée à la fin du XIXéme siècle en Aquitaine où des notables locaux
réalisèrent, entre 1896 et 1926, une trentaine de forages pouvant atteindre 750 mètres de profondeur.
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La présence d’indices d’hydrocarbures a bien été reconnue à cette époque, mais les résultats des forages
furent très décevants, d’où l’arrêt de l’activité d’exploration liée aussi à la crise économique de 1930 et à la
chute du prix du brut. Il faut ajouter que les profondeurs auxquelles parvenaient ces sondages anciens
étaient incompatibles avec la présence d’un gisement pétrolier : le gaz de Saint-Marcet a été découvert
entre - 1 700 et - 2 500 mètres, l’huile de Lacq supérieur vers - 1 000 mètres et le gaz de Lacq profond
entre - 3 500 et - 4 000 mètres.
Il faut dire aussi que le pétrole se trouve avec tout un ensemble de données géologiques, géophysiques et une
connaissance approfondie du forage, ce qui n’existait pas à cette époque …et, parfois aussi, avec un peu de
chance !
En fait, la reprise structurée de l’activité pétrolière en France n’eut lieu qu’en 1936.
(Article de Janine Reulet : Recherche de pétrole et avatars d’un chercheur trop modeste)
1.1- Quelques dates repères
1498 : L’historien Jacob Wimpfeling écrit que, depuis longtemps, il existe une ’’fontaine de poix’’ sur le site
de Pechelbronn à Merkwiller en Alsace. On s’y sert de bitume appelé aussi graisse et/ou huile de pétrole. Ce
liquide est utilisé comme lubrifiant mais aussi comme remède (blessures, lutte contre les insectes parasites,
etc.).
1735 : Un médecin d’origine grecque, Evrini d’Evrinis entreprend l’exploitation du gisement. Il cède en 1740
ses droits au Gentilhomme suisse de la Sablonnière qui crée la première société par actions, faisant de
Pechelbronn une des plus anciennes sociétés pétrolières au monde. Puis, Antoine Le Bel (originaire de SaintSernin-sur-Rance en Aveyron) s’établit à Pechelbronn et, pendant plus d’un siècle, cette famille reste
propriétaire de l’exploitation.
1772 : à Pechelbronn, la famille Le Bel se trouve être la seule concessionnaire à exploiter et à vendre du
bitume.
1857 : Les Le Bel montent une première raffinerie à Pechelbronn qui produira du pétrole lampant appelé
“huile blanche”, à partir de sable pétrolifère.
1889 : Joseph Achille Le Bel vend l’exploitation à une Société franco-alsacienne.
1906 : Cette société est dépossédée de ses exploitations par le groupe allemand Deutsche Erdöl
Agtiergesellschaft (D.E.A.). Elle reviendra à la France en 1918, repassera allemande de 1940 à 1945 pour
revenir française à la Libération.
1917 : Georges Clemenceau envoie un télégramme pressant au président Wilson :
« Si les alliés ne veulent pas perdre la guerre, il faut que la France combattante, à l’heure du suprême choc
germanique, possède l’essence aussi nécessaire que le sang dans les batailles de demain ! »
En effet, depuis la découverte de la “fontaine de poix” de Pechelbronn en 1498 et sa mise en exploitation en
1735, la France ne possède aucun gisement pétrolifère sur son sol.
Elle ne dépend, pour son énergie, que des importations d’huiles étrangères.
Et même si, en 1937, la France :
• réalise la moitié de ses importations pétrolières sous pavillon français, notamment avec le pétrolier
“Emile Miguet”, le plus gros bateau pétrolier du moment (220.000 tonnes) et,
• possède 14 raffineries sur son sol,
elle n’a toujours pas de ressources trouvées sur le territoire métropolitain.
1920 : Après la guerre, par le traité de San Remo, la France obtient les 25 % que détenait la Deutsche Bank
dans le capital de la Turkish Pétroleum Company.
1921 : Création le 8 mars de « Pechelbronn Société Anonyme d’Exploitation Minières » (S.A.E.M.).
1922 : S.A.E.M. fonde la Société Alsacienne des Carburants (SOCAL).
1924 : C’est la grande peur de la pénurie, ressentie par Clemenceau pendant la première guerre mondiale, qui
réveille la France.
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A la suite des accords de San Remo, Raymond Poincaré, président du Conseil de la IIIème République, charge
Ernest Mercier de présider un Syndicat d’études pétrolières devant mener à la constitution d’une compagnie
pétrolière française. Ainsi, le 24 mars, est créée la C.F.P. (Compagnie Française des Pétroles).
La C.F.P., qui détient 25 % de participation dans la Turkish Pétroleum Compagnie, la Royal Deutch Shell, la
Standard Oil New Jersey, Mobil et Gulbenkian, est, en quelque sorte, l’ancêtre de la compagnie TOTAL.
Cette même année, c’est la découverte dans l’Hérault, près de Béziers, du minuscule gisement d’huile de
Gabian.
1925 : Création de l’O.N.C.L. (Office National des Combustibles Liquides) avec à sa tête, Louis Pineau.
L’Office forera, entre 1926 et 1932, 14 forages de profondeurs modestes, à travers l’Aquitaine.
Création aussi d’une école du pétrole rattachée à l’université de Strasbourg.
1926 : Création à Pechelbronn de la première école de maîtres-sondeurs et lancement de l’huile ANTAR par
la SOCAL.
1927 : Les frères Schlumberger, pour la première fois au monde, expérimentent la prospection électrique
sur le site de Pechelbronn.
1928 : La société Pechelbronn S.A.E.M. lance la marque ANTAR (ANTAR qui sera absorbée, en 1972, par ElfAquitaine).
1929 : Création de la C.F.R. (Compagnie Française de Raffinage) et création de l’Irak Petroleum Company à la
place de la Turkish Petroleum Company.
1936 : La prospection du territoire national ne semble pas à la mesure des ambitions des pétroliers de
l’époque. Ils ont, au demeurant, assez à faire au Caucase, au Texas, en Mésopotamie et en Indonésie.
Malgré tout, de nombreuses recherches ont été effectuées mais avec des résultats décevants, notamment
l’échec des entreprises privées ayant foré à l’ouest du méridien d’Orthez.
La raison est simple : des travaux menés en ordre dispersé avec des moyens matériels, scientifiques et
financiers trop faibles. Les forages à grandes profondeurs (3 000 à 4 000 mètres), nécessitaient des
investissements très importants. Alors, au début des années trente, quelques hauts fonctionnaires ont une
idée ingénieuse : confier à des petits «syndicats de recherche » créés pour l’occasion et financés sur fonds
publics, le soin de prospecter la France.
L’Etat décide donc d’intervenir directement dans la gestion des recherches sur le sol national.
Paul Ramadier, sous-secrétaire d’Etat au Ministère des Travaux Publics et de la Défense Nationale dans le
gouvernement du Front Populaire, charge Louis Pineau, Directeur de l’O.N.C.L., de prendre en main les
recherches de pétrole en France.
Donc sont créés :
• un service spécial des Recherches de Pétrole en France. C’est la naissance du C.R.P.M. (Centre de
Recherche du Pétrole du Midi) avec à sa tête J.H de Vries, qui prend comme collaborateurs Bernadac,
Guillot et les géologues Pérébaskine et Renouard.
• une commission de géologues présidée par Charles Jacob, membre de l’Institut, qui se voit confier le
soin de retenir les régions susceptibles de bénéficier des premiers sondages à grande profondeur.
Autre «apôtre » des recherches de pétrole au nord des Pyrénées, Léon Bertrand en fait partie ainsi
que Louis Barrabé et D. Schneegans. Elle porte son choix sur le Languedoc et sur les Petites Pyrénées.
1937 : Le C.R.P.M. met en route deux appareils de forage ‘’Rotary’’ :
• l’un, à 25 km au nord de Montpellier au Pic Saint Loup non loin du village de Montpezat,
• l’autre, aux environs de Saint-Marcet au lieu-dit Pinat.
1938 : Le premier forage, installé en octobre, au Pic Saint-Loup, est sec.
1939 : Le deuxième forage, installé en janvier, dans les Petites Pyrénées, sur l’anticlinal d’Aulon, Latoue,
Saint-Marcet, sur la colline du “Pinat”, au lieu-dit Esquillan, sur la commune de Latoue, débute, le 20 janvier.
« Dans la nuit du 13 au 14 juillet, la sonde est à - 1 500 mètres lorsque le gaz jaillit. »
Le sifflement du gaz a été entendu à plus de 4 km. A plus de 100 m, le souffle a fait frissonner les feuillages.
Heureusement qu’en 1939, les pétroliers tels le géologue Renoir, le chef de chantier Guillot, le contremaître
Susini et les 40 ouvriers spécialisés, savent maîtriser une éruption contrairement à 1924 où on ne savait
qu’abandonner le puits. Pour refouler l’éruption, une boue épaisse est injectée afin d’exercer une pression de
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180 kg/cm2 au fond du puits. Le débit de gaz est de l’ordre de 180 000 m3/jour et la pression de 150 kg/cm2
en tête de puits.
M. de Vries estime, qu’à défaut de pétrole, ce gaz constituerait une richesse industrielle d’une valeur
considérable. M. de Beaumais, sous-préfet de Saint-Gaudens fait interdire l’accès du chantier à la Presse !
L’installation totale aura coûté environ 8 000 000 de francs d’après le journal “La Garonne”.
Le Gisement de Gaz naturel de Saint-Marcet est découvert !
Ce puits, bien que situé sur la commune de Latoue, sera nommé “Saint-Marcet 1” (SM-1) et baptisé du nom du
président du C.R.P.M. : “Louis Pineau”.
Que trouve-t-on dans la Presse d’alors ?
Le Journal de Saint-Gaudens (Ph. de Latour) relate : « Et c’est justement à Latoue, au voisinage du lieu-dit
Esquillan, que jaillit au ciel la superbe flamme le 14 juillet 1939. Branle-bas général : le premier concerné est
le député du secteur, Hyppolite Ducos, radical socialiste bien connu. A Aulon et à Latoue les deux maires sont
socialistes. Officiellement, le député radical-socialiste ne peut aisément se rendre en fief socialiste, d’autant
qu’à Saint-Marcet le maire est de sa propre famille politique. C’est donc là que le député se rendra. Ainsi fut
dénommé ce gaz, selon les rumeurs, ou, comme on voudra, les ‘’ragots’’ locaux … qui font aussi partie de la
petite histoire ».
La Garonne du 19 juillet 1939 (M.Dupeyrat) : « Depuis six mois des forages étaient faits en secret entre
Saint-Marcet et Aulon. Mais la nouvelle filtrait début juillet : une couche de gaz hydrocarburée venait d’être
découverte. Une sonde “Rotary” a traversé en six mois 1 500 m de marne grise et 50 m d’une roche plus dure.
L’appareil de forage a huit vitesses et la tour de forage (derrick) mesure 47,50 m de hauteur.
Actuellement le sondage est gardé par la gendarmerie qui en interdit l’accès ! »
Quotidien de Paris du 17 août 1939 : « Deux moteurs diesel de 250 HP à 600 tours animent les pompes et
le trépan. Le trou qui a fait éruption le 13 juillet a été bouché et le gaz ne s’échappe plus. Commandés aux
U.S.A, ces appareils étaient des “Rotary” avec table de rotation entraînant le train de tiges et le trépan car
en France, on forait encore avec des appareils par battage (chocs propagés à travers un câble sur l’outil au
fond du trou) ».
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La Dépêche du 28 avril 1940 : « A cette date, Louis Pineau était directeur de l’Office National des
Combustibles Liquides (O.N.C.L.), Charles Bihoreau était directeur des Services Techniques ».
A la suite de cette découverte :
• concentration de toute l’activité du C.R.P.M. au nord de Saint-Marcet et arrivée d’autres appareils de
forage provenant d’Alsace, de Tunisie, du Maroc et des U.S.A.,
• parution du décret loi du 29 juillet qui crée un établissement public en vue de toutes opérations de
recherches et de l’exploitation provisoire du pétrole sur le territoire métropolitain dans des
périmètres définis par décret : c’est la Régie Métropolitaine des Pétroles qui, à la disparition du
C.R.P.M., deviendra en 1941 la R.A.P. (Régie Autonome des Pétroles).
• parution du décret du 24 août qui délimite un périmètre ayant pour sommets : Lannemezan, Mirande, Le
Fossat, Montesquieu-Avantès, à l’intérieur duquel la Régie est chargée de faire des recherches et de
l’exploitation du pétrole. Ce périmètre, d’une surface voisine de 245 000 hectares, englobe la plupart
des structures anticlinales connues au nord des Pyrénées centrales.
1940 : L’O.N.C.L. devient la Direction des Carburants (D.I.C.A.).
Naissance de la R.A.P.
1941 : La décision est prise de mettre le Gisement de Saint-Marcet en exploitation
• le décret loi du 12 avril crée la R.A.P. (Régie Autonome des Pétroles) avec Pierre Angot à sa tête.
• la loi du 18 juillet réserve à l’État un vaste périmètre qui coiffe tout le Bassin Aquitain. Ses limites
passent par Bayonne-Mimizan-Agen-Albi-Quillan-Foix-Pau et jouxtent le périmètre de la Régie.
• le 11 novembre, création de la S.N.P.A. (Société Nationale des Pétroles d’Aquitaine). C’est un
établissement mixte dans lequel l’État est majoritaire à 55 % et les 45 % restants sont détenus par les
actionnaires dont le principal est l’O.N.I.A. (Office National des Industries de l’Azote).
Pierre Angot :
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prend la tête de la S.N.P.A. (il est donc Président de la R.A.P. et de la S.N.P.A.),
s’adjoint Ernest Mercier, premier président de la C.F.P., également Directeur général de la R.A.P.
installe ses bureaux à Toulouse.
1944 : Création de l’Institut Français du pétrole (I.F.P.)
La loi du 5 juin institue une nouvelle société d’économie mixte avec participation majoritaire de l’Etat (55 %),
la S.N.P.L.M. (Société Nationale des Pétroles du Languedoc Méditerranéen) qui fait suite à la société privée
créée en 1941 par Pechelbronn, la S.R.E.M.I. (Société d’Exploitations Minières et Industrielles). A noter ici
que, lors du bombardement du 3 août par l’aviation américaine où 106 forteresses volantes déversèrent plus
de 2 000 bombes, la raffinerie de Pechelbronn fut détruite à 90 %.
La S.N.P.L.M. a un permis exclusif de recherche d’hydrocarbures à l’intérieur d’un périmètre de 830 000
hectares délimité par des droites joignant Grau-du-Roi, Redessan, Remoulins, Barjac, Alès, Lodève,
Bédarieux, Saint-Chinian, Lézignan-Corbières, La Nouvelle.
Ainsi, trois sociétés d’État, la R.A.P., la S.N.P.A. et la S.N.P.L.M. sont chargées des recherches de pétrole
dans la partie la plus intéressante du sud de notre pays.
Évalué en kilomètres carrés, le domaine de la R.A.P. paraît singulièrement restreint si on le compare à celui
des deux autres sociétés. Il n’en représente pas moins, en raison des résultats obtenus, une valeur actuelle
infiniment supérieure !
1945 : Après la Libération, le Général de Gaulle sait que, pas plus que la guerre, la paix ne peut se gagner sans
pétrole. Il met en place, le 14 août 1945, le Comité Supérieur des Carburants qui créera le 6 septembre le
B.R.P. (Bureau de Recherche du Pétrole) qu’il charge de relancer l’exploration pétrolière à l’échelle mondiale
”dans l’intérêt exclusif de la nation”.
Avec à sa tête Pierre Guillaumat, la mission du B.R.P. est de promouvoir l’exploration pétrolière en Métropole
et Outre-mer.
Pierre Guillaumat prend comme adjoint Paul Moch qui deviendra Président de la R.A.P..
Avec la R.A.P., la S.N.P.A., la S.N.P.L.M. et le B.R.P.,
les ancêtres d’Elf-Aquitaine sont nés.
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Création, la même année de S.N.G.S.O. (Société Nationale des Gaz du Sud Ouest) qui transportera le gaz
naturel de la R.A.P. et, plus tard, celui de la S.N.P.A.
Création de la SN-MA.R.E.P. (Société Nationale des Matériels pour la Recherche et l’Exploitation du Pétrole)
à 50/50 entre le Gouvernement général d’Algérie et le B.R.P.
1946 : Constitution de la SN-REPAL (Société Nationale de Recherche et Exploitation des pétroles en
Algérie).
1949 : Découverte, en octobre, à - 625m, du pétrole brut à Lacq supérieur.
Création de la Société de Recherche et d’Exploitation des Pétroles en Tunisie et de la S.P.A.E.F.
(Société des Pétroles d’Afrique Équatoriale Française).
1951 : Le 19 décembre, découverte du gisement de gaz de Lacq profond à - 3 150 mètres dont les réserves
étaient estimées à 260 milliards de m3.
1953 : Pechelbronn est épuisé.
1954 : Apparition de la marque TOTAL.
1965 : Le 15 novembre, compte tenu de la réorganisation des entreprises pétrolières nationales annoncée par
le Ministère (décret du 17 décembre, prenant acte au 1er janvier 1966), naissance de l’E.R.A.P. par
fusion de la R.A.P. et du B.R.P.
Fusion TOTAL/Desmarais.
1966 : Campagne du ‘’Gaulois’’ ANTAR Molygraphite ‘’L’huile de l’an 2000’’.
1967 : Le 27 avril, lancement de la marque ELF.
1970 : L’ERAP rachète ANTAR.
1972 : Fusion ELF / ANTAR.
1976 : Rapprochement E.R.A.P. et S.N.P.A. qui donne deux sociétés : la S.N.E.A. (Société Nationale Elf
Aquitaine) et la S.N.E.A.(P) pour l’exploration production.
1985 : La C.F.P. devient TOTAL-C.F.P.
1988 : Saint-Marcet est épuisé … il a beaucoup donné !
Il a joué un rôle capital dans le Comminges et il est le maillon essentiel de l’aventure pétrolière en France.
Saluons sa contribution à la remise en route de l’économie française, profondément affectée par 5 années de
guerre, et surtout ce premier succès de la recherche pétrolière, dans le Sud-Ouest, qui eut pour résultat
d’accélérer le développement de l’exploration dans cette région qui devait se traduire, les années suivantes,
par une série de brillantes découvertes au premier rang desquelles celle de Lacq.
Il a été le point de départ d’une vocation pétrolière à partir de Boussens.
1991 : TOTAL-C.F.P. devient TOTAL.
2000 : Rapprochement des deux sociétés Elf-Aquitaine et TotalFina pour former TotalFinaElf puis TOTAL.
1.2- Comment a été choisi l’emplacement du premier puits de la découverte
de Saint-Marcet : le SM-1
(article de Claude Poumot/APETRA)
1.2.1- Un peu d’histoire
Au XVème siècle à Pechelbronn :
Les paysans écopent l’huile à la surface de l’eau pour l’utiliser à des fins thérapeutiques et pour graisser leurs
outils et roues de charrettes.
Le 20 Janvier 1921 dans le “Républicain Libéral”.
On nous écrit de Lespugue :…… « Ce n’est pas une vision de cinéma, ni même une information fantaisiste
quoique la plus inattendue ; il y aurait du pétrole dans notre région ! Des ingénieurs américains spécialistes,
conduits par des inductions scientifiques sur la constitution géologique de notre pays y avaient séjourné
plusieurs mois et, après avoir procédé à quelques analyses, ont décidé d’entreprendre des travaux. A cet
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effet, tous les habitants vont être invités à signer des polices accordant à une société d’exploitation le droit
de passage sur leurs terres et le droit de forage de puits moyennant une somme forfaitaire à l’hectare »”…
En décembre 1924 dans le “Républicain Libéral”.
Informations - Du pétrole dans les Pyrénées :
…… « La durée du contrat
était de trois ans, elle est
aujourd’hui expirée sans que
les
travaux
aient
été
entrepris.
Les
géologues
venus d’Amérique n’ont-ils pas
osé ?” »…
Le 26 février 1927 dans le
‘’Républicain Libéral’’.
Chronique régionale et locale
– Le pétrole en Comminges :
….. « L’on
a
appris sans
étonnement
qu’un
permis
exclusif de recherches de
pétrole
et
de
gaz
combustibles
avait
été
accordé le 7 février dernier à
M.
Casterés
sur
un
périmètre délimité englobant
les communes de Blajan,
Lespugue, Charlas, Saman,
Montgaillard, Ciadoux et
Saint-Pé-Delbosc.
Le
nouveau Syndicat – car on
constitue
toujours
des
Syndicats pour le forage de
puits de pétrole – sera-t-il
plus
heureux ?
C’est
à
souhaiter, mais constatons
que depuis le commencement des travaux sur tous les points de la France, et particulièrement dans les
Pyrénées, on est allé de déception en déception. Seul Gabian (Hérault), dans un de ces puits, a fourni un jet
assez abondant, mais nulle part le précieux liquide ne s’est trouvé en quantité exploitable »……
Le 5 septembre 1927 :
Les premières mesures électriques sont faites dans un sondage alsacien. Le carottage électrique était né, il
devait être par la suite une véritable révolution dans toutes les recherches faites par sondage.
En 1936, 1937, 1938, 1939 :
En 1936, la Société Anonyme d’Exploitation Minière (S.A.E.M.), achète une puissante machine “Rotary”
américaine qui permet de faire des forages à 2 000 mètres.
Avec l'expérience de Pechelbronn, et en sachant que des indices de pétrole sont assez nombreux au nord des
Pyrénées, les géologues et les sociétés de forage espèrent trouver du pétrole dans cette partie méridionale
de la France.
La commission de géologues, sous l’impulsion de C. Jacob :
• élimine la partie occidentale de la bordure Nord-Pyrénéenne, déjà forée sans succès malgré ses
nombreux indices et la partie orientale trop riche en massifs cristallins.
• porte donc son choix sur le nord des Pyrénées ou Petites Pyrénées.
• demande d’entreprendre les forages le plus à l’ouest possible vers les confins du plateau de
Lannemezan, pour essayer de se rapprocher des indices connus (Saint-Boés près d’Orthez et en
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Chalosse). De plus, la recherche du pétrole dans une zone située en bordure d’une chaîne de montagne
ressemblait aux gisements de Californie, d’Irak et même aux Indes Néerlandaises (aujourd’hui
l’Indonésie).
Le bassin d’Aquitaine a été comblé par des sédiments provenant de l’érosion des Pyrénées et ces séries
sédimentaires ont été plissées en formant des rides dont l’amplitude décroît avec l’éloignement de l’axe de la
chaîne. Ainsi, les formations génératrices d’hydrocarbures ont certainement alimenté d’énormes réservoirs
dans ces plissements ou anticlinaux. En conséquence, les bitumes et les suintements d’huile observés en
surface, proviennent d’anticlinaux, soit décapés par l’érosion, soit ouverts par des failles et ils ne sont plus
étanches. Mais ils indiquent quand même l’existence d’un gisement et sa disparition progressive.
La lisière nord des Pyrénées est séparée en deux parties par le plateau de Lannemezan, où le Miocène
transgressif mord sur la bordure de la chaîne et masque les structures et les terrains plus profonds. Le
choix est fait sur la partie moyenne dite des “Petites-Pyrénées” (entre la Garonne et l’Ariège) où les
conditions les plus favorables sont réunies. En effet des dépôts de roches poreuses du Jurassique supérieur
(dolomitiques et calcaires) sont surmontés par des marnes Aptien et Albien dépassant 1 000 mètres
d’épaisseur jouant le rôle de couverture. Cet ensemble, ayant
subi les plissements de l’Éocène supérieur lors de la formation
des Pyrénées, avait fait naître des anticlinaux particulièrement
développés à Aulon/Saint-Marcet, Proupiary, Saint-Martory,
Gensac, Aurignac, Plagne, et Richou, qui paraissaient propices
à l’accumulation du pétrole.
Le premier forage est implanté sur la structure anticlinale
d’Aulon/Saint-Marcet, c’est-à-dire dans la partie occidentale
des ‘’Petites Pyrénées’’, le plus près possible des indices du
Béarn. Il est préféré à une implantation sur la structure de
Gensac sur laquelle le recouvrement Miocène ne permettait pas
d’être assuré d’une fermeture en profondeur.
1.2.2- Premier Forage d’Aulon-Saint-Marcet : SM-1
20 janvier 1939 : Le forage ‘’Rotary’’ commence sur l’anticlinal
d’Aulon-Saint-Marcet sur la colline du Pinat.
23 mai 1939 : Une première venue de gaz de faible débit
100 lit/min. est apparue entre les colonnes 18’’- 5/8 et le 9’’.
2 juin 1939 : Reprise du forage en 7’’.
5
juin 1939 : Après avoir traversé 1 400 m de marnes
Sénoniennes (Crétacé Supérieur), le forage rencontre une
brèche dolomitique d'âge vraisemblablement Cénomanien
renfermant du gaz. Le fond étant à - 1 531 m, il y a un début
d'éruption. La pression sous le “shaffer” (vanne) monte à
59 kg/cm2 d’où l’injection de 73 m3 de boue de densité 1,35.
10 juin 1939 au 17 juillet 1939 : Des essais ont lieu dans la
zone située entre - 1 508 et - 1 530 mètres.
Nuit du 13 au 14 juillet 1939 :
Un débit de gaz de 180 000 m3/jour est enregistré avec une
pression de 150 kg/cm2 en surface.
17 juillet au 14 septembre 1939 : Arrêt des essais et du forage pour congés du personnel et pour
mobilisation sous les drapeaux car c’est la déclaration de guerre.
22 avril 1940 au 4 mai 1940 : Essais de mise en production par les tiges de la zone située au-dessus
de – 1 600 m.
4 mai 1940 : Arrêt des essais.
10
16 mai 1940 : Démontage du derrick. C’est la guerre !
20 janvier 1942 : Remontage du derrick. C’est l’occupation !
6 juin 1942 au 15 septembre 1943 : Reprise du forage, puis arrêt à - 2 300 m dans une formation
d'anhydrite du Trias : il a traversé à - 1 840 m une dolomie jurassique qui donna un pétrole brut de toute
première qualité (22 % essence, 12 % de lampant, 12 % de gas-oil, 4 % de paraffine et 50 % d'huile de
graissage).
Puis travaux suspendus et démontage de l'installation.
17 février 1948 : Reprise des travaux.
20 mai 1948 : Mise en production.
Malgré l'absence de moyens techniques, utilisés couramment de nos jours, cette découverte montre que
les considérations scientifiques de l'époque se révélèrent justes.
Cette histoire de la découverte du gaz de Saint-Marcet constitue une étape industrielle prépondérante pour
le développement de l'industrie pétrolière française et plus particulièrement pour l'Aquitaine.
11
1.2.3- Région des Petites Pyrénées
Sur l'ensemble des structures anticlinales, 39 forages ont été réalisés, dont 19 ont découvert du gaz et 2 du
gaz et du pétrole.
12
En particulier sur la structure d'Aulon/Saint-Marcet, 14 forages dont 2 stériles ont été forés : 1 sur la
structure d’Auzas, 1 à Proupriary qui a donné du gaz, 1 à Saint-Martory, 1 à Richou, 2 à Aurignac,
3 à Gensac dont un a terminé à - 3 090 m (c’est le record de France pour l'époque ; le record du monde
étant à - 4 950 m aux USA), 2 à Plagne et 1 à Puymaurin, implanté pour la première fois sur des données
géophysiques car les séries recherchées sont recouvertes de dépôts importants de Miocène.
1.3- Les Grandes Heures de la R.A.P.
1939 : Suite à la découverte de Saint-Marcet, le C.R.P.M. (Centre de Recherche du Pétrole du Midi) est
transféré de Montpellier à Saint-Gaudens et deviendra, en 1941, la R.A.P. (Régie Autonome des Pétroles).
A. de Monzie, ministre des travaux Publics, vient visiter le chantier et décore J.H. de Vries de la Légion
d’Honneur.
1940 : C’est la guerre, expulsion des pétroliers français qui travaillaient en Roumanie. La plupart d’entre eux
arrivent à la R.A.P. (Pierre Angot reviendra en France fin 1940/début 1941, il sera le premier président de
la R.A.P.).
Naissance de la R.A.P.
1941 : le 12 avril, le décret d’application officialise la fin du C.R.P.M. et c’est donc la vraie naissance
de la R.A.P.
Le vif intérêt pour la structure de Saint-Marcet, et par suite de la zone nord-pyrénéenne et l’attraction
pour les capitaux privés de participer aux recherches de pétrole incitèrent l’État à s’assurer le bénéfice de
la magnifique découverte, faite par un de ses services, tout en permettant aux capitaux privés de participer
à ce nouveau champ d’activité. Dans ce but, deux lois sont promulguées :
• La loi du 18 juillet 1941 fixe les dispositions suivantes :
¾ La recherche et l’exploitation d’hydrocarbures sont réservées à l’État à l’intérieur d’un périmètre
délimité par des droites joignant : Mimizan (Landes), Agen, Albi, Quillan, Foix, MontesquieuAvantès, Lannemezan, Pau, Bayonne. Ce périmètre, qui couvre toute l’Aquitaine a une superficie
dix fois plus grande que le périmètre de la R.A.P. qu’il englobe.
¾ La R.A.P. continue à exercer pour le compte de l’État la recherche et l’exploitation des
hydrocarbures à l’intérieur du périmètre qui lui a été attribué par décret du 24 août 1939.
La mise en valeur du grand périmètre restant pour le compte de l’État peut être confiée par ce dernier à une
ou plusieurs Sociétés de son choix.
• La loi du 10 novembre 1941 complète celle de juillet en instituant une société d’économie mixte à
participation majoritaire de l’État, la S.N.P.A.
A cette date, la Régie aura foré 7 puits. Elle possède 6 appareils “Rotary” et son effectif est de
15 ingénieurs géologues et maîtres-sondeurs, 43 employés et 255 ouvriers.
C’est le début de l’exploitation de Saint-Marcet
1942 : La R.A.P. confie à la C.F.R. (Compagnie Française de Raffinage) l’installation de l’usine de
dégazolinage de Peyrouzet à 15 km à l’ouest de Boussens, pour transformer le gaz humide provenant du
gisement en gaz sec.
C’est aussi la naissance de la Forex, société française créée pour se consacrer exclusivement au métier du
forage. Jusqu’alors les compagnies françaises foraient avec leur propre matériel. Son premier contrat est de
forer 5 trous en 6 ans, pour la R.A.P.
1943 : Faute de trouver à Saint-Gaudens des terrains nécessaires à son développement, la R.A.P.
transfère :
• ses ateliers d’entretien et de réparation du parc d’appareils de forage de Saint-Gaudens au lieu-dit
Estarac à Boussens, et ses bureaux juste à côté, dans une ancienne poudrerie.
• c’est la guerre, la R.A.P. doit cohabiter avec la Kontinentale Oel Aktien Gesselschaft (K.O.), car les
Allemands manquent de pétrole et ils occupent la zone libre (ils ont déjà mis la main sur le petit
gisement de Gabian qui produit 300 t de pétrole en 1943). La K.O. a emmené 5 appareils “Rotary” qui
13
travaillent principalement hors de la structure de Saint-Marcet (bien qu’ils aient, d’après le foreur
Jean Sensebé, travaillé sur SM-7).
1944 : La R.A.P. crée, à Latoue, sa propre école de maîtres-sondeurs.
1946 : Le gaz de Saint-Marcet arrive à Saint-Gaudens et à Pau.
1947 : Les premiers appareils commandés aux Etats-Unis arrivent en France.
1948 : La R.A.P. finit la construction des Grands Bureaux à Boussens.
1949 : La R.A.P. a foré vingt puits sur Saint-Marcet.
• La R.A.P., pour faire face à l’augmentation de la demande, met en service l’U.D.B. (Usine
Dégazolinage de Boussens), achetée ‘’clés en main’’ au Texas. L’usine démarrera au printemps
traitera 1 200 000 m3/jour de gaz de Saint-Marcet. Dans l’année, création aussi, à Boussens,
l’A.G.P. (Société Auxiliaire des Gaz de Pétroles) pour l’enfûtage des produits G.P.L. (Gaz Liquéfiés
butane et propane). A l’époque cette usine est la plus puissante et la plus moderne d’Europe.
• La R.A.P. transfère sa Direction Technique de Saint-Gaudens à Boussens.
de
et
de
de
1950 : La R.A.P. emploie un effectif de 1 100 personnes réparties comme suit : 85 ingénieurs ou géologues,
30 contremaîtres de forage ou maîtres-sondeurs, 120 agents de maîtrise, 865 ouvriers et employés.
1953 : La R.A.P. ouvre un Bureau à Paris, transfère ses Directions Générale et Administrative de SaintGaudens à Boussens et crée une filiale la C.R.E.P.S. (Compagnie de Recherche et d’Exploitation du Pétrole
au Sahara) dont la R.A.P. détient 65 % du capital.
1954 : La C.R.E.P.S. fait, avec le forage du Djebel Berga sur le permis d’In Salah, la première découverte
d’hydrocarbures au Sahara.
Boussens devient la Base logistique pour la recherche pétrolière de la R.A.P. au Sahara.
1956 : Découverte d’huile à Edjeleh au Sahara, puis les champs de Zarzaitine, Tiguentourine, Tin Fouye.
1965 : L’évolution des effectifs de la R.A.P. est impressionnante, ils passent de 84 personnes en 1938 à
1 546 en 1965. La R.A.P. aura foré à Saint-Loup, Gensac, Plagne, Saint-Marcet, Proupiary, Labarthe,
Aurignac, Richou, Saint-Plancard, Castillon, Muret, Bresse, Mondilhan, Dreuilhe, Clarens …
1966 : Les fusions :
• 1er janvier, fusion de la R.A.P. et du B.R.P. qui donne naissance à l’E.R.A.P. (Entreprise de Recherche
et d’Activités Pétrolières)
• 1er Juillet, l’E.R.A.P. crée une société qui est son maître d’œuvre délégué en matière d’explorationproduction : la S.O.F.R.E.P. (Société Française de Recherche et d’Exploitation de Pétrole).
L’aventure continue à Boussens avec l’E.R.A.P.
1968 : La S.O.F.R.E.P. devient Elf-R.E.
La R.A.P. ferme définitivement ses bureaux administratifs restés à Saint-Gaudens. La R.A.P. occupait des
bureaux dans 7 bâtiments : immeuble Gardes (rue Raynard), immeuble Lafaye (rue Raynard), immeuble Latour
(rue Victor Hugo), immeuble Larrard (27 rue de la République), immeubles Bougues et Masset (rue Jacques
Lepêtre), immeuble Touron (place Armand Marrast).
Les laboratoires de Géologie venant du B.R.P et de la R.A.P s’installent à Boussens.
Création à Boussens d’un Centre de formation professionnelle qui sera inauguré en 1969.
1970 : Création au Fourc, près de Boussens, d’un Centre d’essais de matériel pétrolier. Il sera fermé en
1995 lors du départ des laboratoires de la Direction Production de Boussens à Pau. En 1971, la mise en place
d’une canalisation est envisagée pour alimenter en gaz naturel la sonde école de Elf-RE. sur le forage de
Fourc-1 à Roquefort sur Garonne. Cette conduite sera raccordée sur le pipe Boussens/Saint-Gaudens qui
appartient à Elf-RE (décret du 19/03/57 paru au JO du 07/04/09). La fourniture des quantités de gaz
nécessaire sera assurée par les gisements de Lacq et/ou Saint-Marcet.
Création de Mission France à Boussens.
1971 : Le gouvernement algérien crée sa propre société pétrolière, la SONATRACH dans laquelle ELF-RE
garde des intérêts minoritaires et perd son rôle d’opérateur. La Direction Générale abandonne les champs
14
sahariens ce qui entraîne la fin de l’activité logistique du C.R.E.P.S. Tous les effectifs sont revus à la baisse
et celui de Boussens passe de 760 à 539 : 26 ingénieurs, 195 ETAM et 318 ouvriers.
1976 : Le 1er septembre, ELF-RE (Branche Exploration-Production) fusionne avec la Société Nationale des
Pétroles d’Aquitaine (S.N.P.A.) pour constituer la Société Nationale Elf Aquitaine (Production) filiale à
100 % de la Société Nationale Elf Aquitaine. Le groupe Elf-Aquitaine prend une dimension internationale et
s’assoit, en France, sur 4 sites :
Paris, Pau, Lacq, Boussens
1977 : Regroupement à Boussens de l’ensemble des activités Exploration/Production Métropole d’Elf
Aquitaine.
1987 : Création à Boussens d’une Banque Centrale d’Information (BCI) mais, transfert à Pau du Laboratoire
de Géologie et du Service de Mesures Pétrophysiques.
1988 : Inauguration le 5 décembre du nouveau Centre de Formation sur la colline du Pradet, le
C.I.S.F.A.B. (Centre International de Séminaires et de Formation André Bouillot).
1989 : Création de la Direction Exploration Production France (D.E.P.F.), regroupant Mission France et la
Direction des Exploitations de Lacq. Le Directeur est basé à Boussens.
1992 : Le puits SM-23 (ou SM-Proupiary-1) est toujours en production.
1993 : Le 5 février, annonce au C.C.E de la délocalisation totale de l’Etablissement de Boussens. Le fort
mouvement revendicatif du 12 février fait reculer le projet.
1994 : Privatisation du Groupe Elf-Aquitaine. Annonce de la réorganisation de la DPRO (Direction
Production) et du transfert de ses activités “boussinoises” sur Pau. Un effectif minimum sera conservé sur
Boussens jusqu’en 1998.
1995 : Départ des Laboratoires DPRO de Boussens vers Pau et fermeture du Centre d’essais du Fourc.
1996 : Il reste 184 agents sur le site de Boussens.
1997 : Le 31 mai après le Conseil d’Administration, E.A.P. (Elf Aquitaine Production) est scindée en plusieurs
sociétés dont ELF-EP et E.A.E.P.F. (Elf Aquitaine Exploration Production France). Boussens perd encore
43 agents.
2009 : C’est le 70ème anniversaire de la découverte de Saint-Marcet.
Il reste, ce 10 septembre 2009, en tout et pour tout 7 agents à Boussens
(Division Finance Economie Informatique)].
[6 à Géosciences et 1 à FEI
Rappel
En 1939, le Gisement de Gaz naturel de Saint-Marcet est découvert !
En 1941, la décision est prise d’exploiter ce gisement pétrolier qui produira environ :
• 7 milliards de mètres cubes de gaz,
• 610 000 tonnes de gazoline.
1.4- Les intérêts économiques
Saint-Marcet a été le point de départ d’une vocation pétrolière de Boussens qui s’est poursuivie et enrichie
jusqu’à nos jours à travers ELF et TOTAL. Ce fut vraiment une révolution dans cette région du Comminges où
la Régie Autonome des Pétroles (R.A.P.) apporta malgré la guerre :
• l’activité industrielle,
• l’essor économique,
• la sécurité (pour beaucoup d’hommes jeunes soustraits aux griffes du STO).
La R.A.P. sera la salvatrice de la région ‘’Commingeoise’’.
Elle aidera au développement régional et sera à l’origine du développement pétrolier qui essaimera dans le
monde entier.
15
1.4.1- La R.A.P. sera à la base de l’émergence de nouvelles entreprises
• Société des Matériels de Forage créée avec l’Arsenal de Tarbes et la R.A.P. pour fabriquer les
matériels dont l’achat est, du fait de la guerre, impossible à l’étranger,
• FOREX, créée le 2 août 1942 par MM. Godet, Maratier et Viret, et qui sera le “contracteur” de la
R.A.P. C’est avec un appareil allemand WIRTH, acheté dans la région parisienne, et bricolé avec
talent, car il fut couplé à une chaudière récupérée à Tarbes sur une locomotive à vapeur, que Forex
signe son premier contrat avec la R.A.P. à Saint-Marcet. Elle fore 5 puits en 6 ans dont Proupriary
avec les seuls spécialistes du Moyen Orient (en IRAK), Joseph Le Bail, Paul et Louis Pernoud.
(réf : Amicale des Foreurs)
• S.N.G.S.O. (Société Nationale des Gaz du Sud Ouest) créée en 1945 pour transporter le gaz naturel
de la R.A.P. (Saint-Marcet) et plus tard celui de la S.N.P.A. (Lacq).
• C.F.R. qui construit l’usine de dégazolinage de Peyrouzet, pour produire du gaz sec commercialisable
à partir des réseaux de transports et de distribution. Elle opère pour la R.A.P. A signaler que, pendant
la guerre, Peyrouzet fabriquait du “carbon black”, cette poudre de noir de carbone qui, incorporée au
caoutchouc, augmente les qualités de résistance à l’abrasion de celui-ci.
• U.D.B. (Usine de Dégazolinage de Boussens), devant le succès du gaz de Saint-Marcet, l’usine de
Peyrouzet est devenue trop petite ; il faut passer à des quantités de traitement supérieures d’où la
construction de l’U.D.B. Les installations techniques de l’U.D.B. sont situées à Boussens et délimitées
ainsi :
¾ en bordure de la nationale 125, Saint-Gaudens - Toulouse,
¾ en bordure de la route de Salies du Salat et,
¾ en bordure du canal de Saint-Martory.
Les bureaux, cantine, vestiaires et les installations de conditionnement et chargement du Gaz butane
(A.G.P.) sont bordés par la route de Salies du Salat, le canal de Saint-Martory et la voie de chemin de fer
en bord de Garonne.
1.4.2- La R.A.P. impacte la vie de nombreuses personnes et tout le secteur tertiaire
Dès le début des travaux, les agents de maîtrise alsaciens côtoient une main d’œuvre :
• locale, formée de nombreux agriculteurs, embauchés dans des postes de manœuvres et de
manutentionnaires et la jeunesse qu’il fallait protéger du STO,
• étrangère, formée d’expatriés tels les réfugiés républicains espagnols.
Malgré l’expérience acquise par les équipes en provenance de Pechelbronn et transmise à la main d’œuvre sur
le chantier de Saint-Marcet, il est nécessaire de former le personnel. Une collaboration étroite avec la
Société Chérifienne des Pétroles permet de passer les périodes difficiles des démarrages. En effet, cette
société met au service de la R.A.P. des techniciens qualifiés et accepte de prendre dans ses équipes le
personnel nouveau, engagé en France, pour assurer sa formation.
La Régie, ayant créé sa propre école de maîtres-sondeurs en 1944, la première promotion de 10 maîtressondeurs sort dès 1945 (voir 2.4 p. 26). A partir de 1969, toutes les formations sont regroupées à Boussens.
Avec Saint-Marcet en production et l’activité de la R.A.P., l’impact sur l’économie régionale est
majeur.
Le gaz de Saint-Marcet est composé essentiellement de méthane (CH4) auquel viennent s’ajouter d’autres
hydrocarbures saturés : éthane, propane, butane, pentane, hexane et homologues supérieurs. Il renferme en
outre un peu d’azote ainsi que des traces d’eau. L’absence de soufre rend son transport aisé par des
canalisations métalliques dont le métal ne subira aucune attaque (contrairement aux canalisations qui
véhiculent le gaz humide et acide de Lacq). Le pouvoir calorifique du gaz est voisin de 9 500 calories, soit
environ deux fois et demie celui du gaz de ville.
Le gaz de Saint-Marcet est traité dans l’installation de dégazolinage de Peyrouset qui a pour but de
transformer les gaz humides en gaz secs par élimination des parties condensables. L’installation appartient à
la C.F.R. (Compagnie Française de Raffinage) qui opère, pour le compte de la R.A.P., le traitement du gaz et
la vente des produits liquides recueillis dans cette opération.
16
Le gaz de Saint-Marcet est utilisé par l’industrie chimique :
• la fabrication de l’hydrogène en partant du méthane intéresse l’Office National des Industries de
l’Azote à Toulouse [O.N.I.A qui deviendra A.Z.F. (AZote Fertilisants)].
Le gaz de Saint-Marcet est utilisé :
• comme combustible pour les chaudières à vapeur de l’O.N.I.A., les fours Martin (fonderie et
laminoirs) de la Société des Hauts Fourneaux de la Chiers à Toulouse et les chaudières de la C.F.R.
de Boussens. Il est servi à la clientèle, compressé à 250/300 kg/cm2 dans des stations de compression
de Toulouse, Peyrouzet, Boussens, Saint-Gaudens, Tarbes et dans toutes les villes desservies par un
pipeline, et porté à la clientèle par la Société de Distribution de Gaz du Comminges. (Cela ne va pas
sans quelques modifications des brûleurs puisque le gaz de ville a un pouvoir calorifique voisin de 4 000
calories soit moitié moins que celui de Saint-Marcet.)
• comme matière première de la fabrication du gaz de ville dans des usines à gaz car le charbon s’est
fait rare après la 1ére guerre mondiale. C’est la S.L.E.E. à Toulouse (Société Lyonnaise des Eaux et de
l’Éclairage créée en 1880 et ancêtre de la Lyonnaise des Eaux) et la C.N.E. à Saint-Gaudens
(Compagnie Nouvelle d’Éclairage), ancêtre de l’U.P.E (Union Pyrénéenne d’Electricité), qui amènent le
gaz puis l’électricité.
• directement comme gaz d’éclairage. En décembre 1943, le gaz naturel arrive à Saint-Gaudens et
remplace le gaz manufacturé de l’usine à gaz pour alimenter les becs de gaz éclairant les rues de la
ville. L’usine à gaz fournissait la ville depuis le 25 novembre 1881 (elle alimentait 122 becs d’éclairage),
la ville de Toulouse était équipée de becs de gaz depuis 1839 !
• comme carburant automobile. Le gaz comprimé a été mis à la disposition du public en 1942. Son emploi
s’est développé de façon rapide et, deux ans après en France, environ 22 000 voitures roulent au gaz
dont 7 000 au gaz naturel. Dans la région toulousaine, le gaz, livré par la Société Pétrogaz de Toulouse
en bouteilles de 50 litres chargées à la pression de 150/200 kilos, permet à une voiture de rouler 300
km. La plupart de ces véhicules sont concentrés à proximité du gisement de Saint-Marcet et dans le
département de la Haute-Garonne. Dès 1941, la municipalité de Saint-Gaudens, confrontée au
problème du ravitaillement pétrolier, décide d’équiper sa camionnette municipale au gaz de SaintMarcet.
Depuis 1946, la station Denis Fages de Saint-Girons vend du GNV (Gaz Naturel Véhicule). L’histoire raconte
que, en pleine guerre, le carburant était affecté aux troupes allemandes, les véhicules étaient transformés
pour fonctionner au gaz, combustible abondant dans la région puisque approvisionné par Saint-Marcet. Les
autos étaient ravitaillées en cascade avec des camions semi-remorques chargés de 220 bouteilles en acier de
50 litres. Les ventes de cette petite station de compression sont importantes, jusqu'à 80 000 m3/mois en
1946 pour alimenter les Jeeps, GMC et les industries locales.
La station est raccordée au G.S.O. et 300 véhicules des environs de Saint-Girons viennent encore s’y
alimenter en 1978.
Un service de gaz porté :
La C.F.R, ou plus exactement la Société de Distribution de Gaz du Comminges, sert la clientèle par route
avec une flotte de 40 camions et par rail avec 21 wagons spéciaux. Ces wagons, laissés par les Allemands,
étaient initialement utilisés pour transporter l’hélium nécessaire aux ballons de barrage du ’’Mur de
l’Atlantique’’. Chaque bouteille ‘’Zeppelin’’ avait les caractéristiques suivantes : longueur 10 mètres,
poids 2 650 kg, volume 1 250 litres. Les bouteilles à haute pression installées sur ces camions ou wagons
jouent un rôle analogue à celui des citernes d’essence pour les véhicules à moteurs à explosion.
La S.N.G.S.O. (Société Nationale des Gaz du Sud Ouest) transporte le gaz naturel de la R.A.P. (SaintMarcet) vers les industries car, si au début la distribution des produits pétroliers se faisait par route ou rail,
il faut, pour répondre à la demande, passer au pipeline.
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C’est un formidable chantier qui a mobilisé beaucoup de main d’œuvre locale et qui a transformé, bouleversé
l’économie locale et régionale.
• le premier pipeline a été mis en service le 11 novembre 1942 entre Peyrouzet et Toulouse (dès 1942,
les chaudières de l’O.N.I.A. fonctionnent au gaz de Saint-Marcet). En 1947, il sera doublé à partir de
Boussens.
• dans l’autre sens, les villes de Tarbes et Saint-Girons sont desservies en 1945 et Pau en décembre
1946.
• puis Lourdes et Pierrefitte en mai 1947 et Longages et Pamiers en octobre 1947.
• Bayonne est laissée de côté, car il y a sur place une grande usine à gaz de houille.
• la priorité est donnée au pipeline Toulouse-Bordeaux qui est construit de mai 1948 à mars 1949.
Enfin, l’arrivée du gaz de Saint-Marcet dans les grandes villes apporte un nouveau confort épaulé par la
structuration d’un réseau de distribution et de vente d’appareils ménagers.
Et le gaz de Saint-Marcet sert même à alimenter le phare de l’île d’Harbour dans les Côtes d’Armor en
Bretagne !
L’essence de Saint-Marcet est distribuée dans les stations service. En 1949, parmi ces stations, les anciens
se souviennent de deux d’entre-elles situées : l’une devant l’entrée de la R.A.P. face aux Grands Bureaux à
Boussens et l’autre à Billère, près de Pau.
De Peyrouzet, l’essence stabilisée produite est portée par camions–citernes pour aller vers les points de
distribution et le pétrole brut est amené par pipeline du chantier de Saint-Marcet à la gare de SaintGaudens, puis en wagons-citernes à la raffinerie de Frontignan.
Et, pour la petite histoire, en 1974 un super pétrolier sera baptisé ‘’Saint-Marcet’’. Ce super pétrolier de
277 000 tonnes dont la marraine est Mme André Bouillot, est livré par les chantiers Sumitomo le 16 janvier
à la Japan Line qui le met aussitôt à la disposition d’Elf Union. Elf est représentée par MM. Bouillot, R.H.
Levy, Bonnet de la Tour et Jullien. Le navire appareille le 17 janvier pour le Golfe Persique où il effectue
son premier chargement de pétrole brut ; ayant quitté Rastunara le 3 février il arrive au Havre le 3 mars.
(Échos Elf Aquitaine n°29).
1.4.3- L’économie locale a fait un bond en avant
Le Comminges n’avait que ses terres et les bras de ses paysans pour toutes ressources, le gaz et le pétrole
allumèrent la torche de la prospérité.
Un Eldorado !
Avec un afflux considérable de main d’œuvre nécessaire à ses chantiers, et en offrant à tous ces gens des
emplois de qualité, la vie locale a évolué très vite.
Les infrastructures ont été modernisées, des écoles ont été implantées, les réseaux de transports améliorés,
les réseaux de santé accessibles, l’artisanat rénové et les gens ont gagné en qualité de vie. Ce bond
économique s’est fait sentir jusqu’à Toulouse dont l’aéroport a connu un trafic accru avec les pétroliers qu’il
fallait amener en expatriation, notamment vers le Sahara.
1.5- La vie des gens
Il est certes vain de refaire l’histoire, mais on ne peut s’empêcher d’imaginer ce qui se serait passé si
SM-1 avait été placé 300 mètres plus au sud, à l’emplacement où a été foré SM-2 ? Car SM-2 s’est avéré
négatif ! Par contre, les troisième et quatrième puits forés l’un à 600 mètres au nord et l’autre 300 mètres à
l’ouest confirmèrent l’existence d’un réservoir à gaz.
Y a-t-il eu vraiment miracle à Saint-Marcet ?
La légende : dans la région d’Aulon-Latoue, une légende relatait que les bœufs refusaient de boire dans un
ruisseau, affluent de la Louge car il y avait de larges taches d’huile à la surface de l’eau et une forte odeur de
pétrole. Dès 1914, le chanoine Estinès prophétisa qu’il y avait du pétrole dans le secteur des Petites
Pyrénées mais lui, n’avait pu rien trouver … sans doute que les techniques d’alors n’étaient pas assez
performantes.
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La réalité : aujourd’hui, Saint-Marcet existe mais il n’y a pas eu de miracle, seulement le résultat conjugué
d’une forte volonté politique, d’un heureux hasard face au pari osé de la part de géologues entreprenants, de
l’emploi de techniques nouvelles arrivées à point nommé, de l’intelligence et du dur labeur des hommes !
1.5.1- Un contexte difficile, la guerre, l’occupation allemande
Bravo à tous ceux qui ont travaillé à
Saint-Marcet
car
la
moitié
du
développement du site s’est effectué,
pendant la deuxième guerre mondiale, au
milieu des difficultés extrêmes dues aux
restrictions de toutes sortes et
notamment à l’épuisement des stocks
des pièces de rechange.
L’époque est “compliquée” !
Aux difficultés d’approvisionnement en
matériel s’ajoute, après juin 1940, un
problème moral. Doit-on, mettre en
valeur des ressources qui peuvent
profiter à l’occupant ?
Les activités de forage continuent
néanmoins : 7 532 m sont forés en 1940,
4 735 m en 1941, 7 500 m en 1942 et
cette même année, la production de
Saint-Marcet démarre. En 1943, SaintMarcet produit 46 millions de m3 de gaz
traités à l’usine de Peyrouzet et le
dégazolinage fournit 520 tonnes d’huile.
L’installation à Boussens se prépare,
l’usine de traitement U.D.B. et les
premiers bureaux sortent de terre.
Le matériel de forage est stocké soit
sur le parc à Saint-Gaudens, soit sur les
chantiers de Gaussan, Gensac, et SaintMartory … à portée des résistants !
La zone libre est occupée le 11 novembre
1942 et donc Saint-Marcet.
A partir de 1943, les Allemands, que le recul de leurs armées en Russie a privé de sources de ravitaillement
pétrolier, veulent participer aux travaux d’exploration tandis que l’O.N.C.L. s’efforce de les cantonner dans
un rôle de “contracteurs” de forage.
Ils ont préalablement réquisitionné toute la production du petit gisement de Gabian près de Béziers qui a
produit 301 tonnes en 1943.
La Kontinentale Oel tente de conclure un accord avec la R.A.P. mais courageusement, Pierre Angot et le
Conseil d’administration refusent.
En conséquence, le Ministère des Transports de Vichy impose la présence allemande. Ces derniers arrivent
avec du personnel technique, géologues, sondeurs, ingénieurs, et du matériel : cinq appareils “Rotary” qui
foreront dans la région, mais principalement sur les structures autres que Saint-Marcet. Toutefois, le
SM-7, non loin du centre de la commune, au lieu-dit “La Palenquetto”, en bordure des routes menant du
hameau de “Lacouge” au “Pinat” et du chemin de “Chirolle”, est foré par les spécialistes allemands amenés par
la K.O. Il donne des résultats satisfaisants et, en 1992, ce puits était encore productif.
Par contre, ils ont eu beaucoup de déconvenues, leurs puits de Saint-Martory et de Laffitte-Toupière ont
été non productifs.
19
Il est vrai que l’activité de ces forages a été sans cesse contrariée par la Résistance locale, et la surveillance
des chantiers de la R.A.P. par des contingents de germano-mongols n’y a rien changé !
(A. Laffitte-Toupière, Jean-Marie Artigue, ouvrier de la R.A.P. déroba la mobylette de l’ingénieur
allemand et des armes, … dénoncé, il fut, malheureusement fusillé !)
Les wagons-citernes qui alimentent l’armée allemande et donc les chantiers allemands, viennent de l’Oural,
d’Ukraine, sont des cibles toutes désignées pour les attaques du maquis.
Après la fusillade du 7/8 juin 1944 au Mengué les Allemands occupent le chantier de Saint-Marcet pour y
exercer, dès ce moment-là, un contrôle direct et strict sur le personnel. Le certificat de travail délivré à
chaque agent, sur ordre de l’autorité allemande, par la Régie, témoigne de la rigueur exercée par l’occupant
sur les travailleurs de l’époque.
A la débâcle, en 1944, l’occupant abandonne tout le matériel sur place et l’Administration des Domaines en
hérite. Elle a estimé à environ 1 million de francs le matériel laissé par la Kontinentale Oel.
Mais, pour l’avenir, ce matériel n’étant pas suffisant, il faut en commander en Amérique, ce que fait
J.H. de Vries, Directeur Général de la R.A.P. (voir annexe 6.2 p. 44).
Les événements de la Libération ont eu un écho dramatique dans la région de Saint-Marcet où se sont
rassemblés, à l’appel du Général de Gaulle, les mouvements de la Résistance.
Les résistants ayant mené une action sur Saint-Marcet et le PDG de la R.A.P. Pierre Angot, résistant parmi
tant d’autres, l’ayant caché le plus longtemps possible aux Allemands, fut déporté et mourut en déportation
(voir annexe 6.1 p. 42).
Et combien de résistants, autres que ceux de la R.A.P., vont payer de leur vie leur soif de liberté ?
1.5.2- Le chantier de Saint-Marcet après la guerre
En octobre 1945, une centrale de détente et de dégazolinage par le froid est édifiée à Peyrouzet. La
production du gisement est de 85 millions de m3 de gaz et de 750 tonnes de pétrole. Depuis sa découverte en
1939, 49 351 mètres ont été forés, sur le bassin, par sept appareils “Rotary”. En 1946, face à la demande
croissante d’énergie de la région, une station de surpression est construite à Peyrouzet (dans la vallée de la
Louge). Le gisement fournit 110 millions de m3 mais, le 8 avril 1946, c’est la loi de nationalisation du gaz et de
l’électricité qui crée E.D.F et G.D.F. Dès lors G.D.F. lorgne sur le gaz de Saint-Marcet mais, les syndicats
de la Régie veillent pour que la R.A.P. conserve son monopole sur la production et la distribution de son gaz !
Le 15 janvier 1947, la station de dégazolinage par le froid de Peyrouzet est arrêtée ; elle est remplacée par
une unité plus importante, l’U.D.B (Usine de Dégazolinage de Boussens) qui sera inaugurée le 21 mars 1949.
1.5.3- Un événement qui a frappé les esprits de l’époque : l’incendie du SM-4
A Latoue, le puits SM-4 est implanté à 300 mètres à l’ouest de SM-1 au lieu-dit “Chirolle” afin d’amorcer
une coupe longitudinale E-W de la structure. Dès l’entrée de l’outil dans la brèche, une éruption de gaz se
produit, suivie d’un incendie rapidement éteint. Mais le 15 juin 1941, au cours des travaux de remise en état
du puits, nouvelle éruption et nouvel incendie, suivis d’une explosion provenant des gaz accumulés sous le
plancher de la sonde : neuf personnes sont brûlées et projetées violemment hors du plancher de la sonde.
Les témoins de l’époque racontent :
• c’était dantesque, des flammes de 40 mètres, plus hautes que le derrick, jaillissent avec un bruit
d’enfer et illuminent le Comminges. Tout autour, la terre vibre, tremble, se fissure, flambe au dessus
de l’amoncellement de ferraille dû à l’effondrement de la tour qui s’est écroulée au début de l’incendie.
Les gens et les bêtes ne peuvent plus se reposer à cause du bruit d’enfer et de l’aveuglante lueur des
flammes. Le quartier, jusqu’au château de Boubène (commune de Saint-Marcet), doit être évacué !
• pour stopper l’incendie, les hommes protégés par un mur pare-feu ont, à l’aide d’un câble tendu entre
deux supports, réussi à faire glisser “une cloche”, fabriquée par l’entreprise Buzzichelli, sur la tête de
puits pour étouffer la flamme (témoignage écrit de M. André Morange, géologue à la R.A.P., sur le
chantier de Saint-Marcet).
• au bout de 45 jours d’instrumentation et avec l’aide du pompier volant américain Red Ader en personne
(d’après un sachant ?) et les gars du Génie de Castelsarrasin, les ingénieurs et les techniciens de la
R.A.P. maîtrisent l’incendie.
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1.5.4- Ruralité versus industrie pétrolière
Le nombre important de familles, 1 546 en 1965, vivant dans la région notamment à Saint-Marcet, Latoue,
Aulon, grâce aux chantiers de forage, va avoir une incidence non négligeable sur la vie économique et sociale
locale.
Mais, quel choc entre ruralité et réalité industrielle, les habitudes ancestrales et la modernité apportée par
la R.A.P. !
A cette époque, il faut bien se souvenir que la télévision n’existait pas, que c’était le temps des veillées entre
voisins, le soir au coin du feu. Enfin, une vie sans électricité, sans eau courante, rythmée par le calendrier des
travaux agricoles et comme distractions les parties de manille ou de ‘’coinchée’’ au bistrot, les dépiquages, les
vendanges, le ‘’tue-cochon’’, ‘’l’espérouquère’’ du maïs, le déboguage des châtaignes dans la grange ou le chai,
les fêtes patronales et plus rarement encore les bals populaires, creusets des épousailles !
Avec la R.A.P. tout cela va changer, les chars à bœufs, les tracteurs et maintenant tous les camions et
appareils de forage vont se côtoyer !
A cette époque, le plein emploi existe :
• avec la construction des gazoducs qui vont de Peyrouzet jusqu’à Toulouse, Pau, Bordeaux et qui
appelle quantité de main d’œuvre locale,
• avec la construction de toutes les installations de pompage, l’usine de Peyrouzet, le stockage de gaz de
Saint-Gaudens, etc. Pour exemple, citons la construction de la ‘‘Centrale de détente du gaz’’ qui,
construite sous la direction de M. Jonquiert (Ingénieur du Service Production R.A.P.) emploie une
douzaine de personnes (en plus d’Hippolyte Blanc, son chauffeur de la Jeep), toutes originaires de
Saint-Marcet.
Tous ces emplois et les emplois induits, créent un vigoureux dynamisme économique dans tous les villages
environnants, proches des sites de forages et tous les gaillards commingeois doivent s’adapter au gré des
circonstances liées aux forages !
« Pour équiper en personnel son appareil WIRTH, le premier appareil de la Forex, des jeunes de la région
sont embauchés et formés sur le tas. Métier dur et méconnu à l’époque, la population les voit comme des
aventuriers. Ces hommes rudes et courageux travaillaient déjà par équipes de 3 fois 8 heures et, lors des
montages et démontages, ils étaient sollicités dix à douze heures par jour. La promotion était cependant très
rapide pour les plus doués car Forex avait besoin de personnel ! ». (Foreurs Contact n°89).
Jean, un des ‘’sachants’’ raconte : « à Aulon, j’avais un lopin de terre, j’avais 20 ans et pas d’avenir. Aussi,
quand la R.A.P. est arrivée et qu’elle embauchait à tour de bras, je me suis précipité pour être embauché.
Et, à partir de là, un autre monde s’est ouvert devant nous. A l’époque, un petit patron payait 20 francs/jour,
la R.A.P. nous offrait 80 francs/jour, alors le choix était vite fait.
Et quelle chance, nous avons de suite habité à la cité du ’’Pinat’’ dans un chalet en bois. Et tout était gratuit,
pas de loyer, pas de quittance d’eau, ni de gaz, ni d’électricité. Chauffage, eau courante, WC et salle de bain.
De l’inespéré ! »
Une anecdote : « un jour, un visiteur dit à mon épouse, madame éteignez votre gaz ; ça coûte cher. Mais
monsieur, c’est gratuit alors j’économise les allumettes ! »
Le modernisme est en route et notamment sur les 23 ha 62 a et 37 ca du village créé, de toutes pièces, au
“Pinat” pour accueillir du personnel de la Régie. Tout y est prévu : des routes goudronnées, de l’eau courante
venant du château d’eau de Garlach pompant les eaux de la Barousse, de l’électricité dans toutes les pièces,
du gaz de Saint-Marcet pour la cuisine et le chauffage central, le téléphone, des dortoirs, des réfectoires,
des chalets, des WC, une cantine/restaurant (tenu par M. Dumay), une piscine, des cours de tennis, des
buanderies, des douches, eau chaude/eau froide partout et une école !
La vie sociale s’organise :
• les cours du soir à l’école,
• du sport avec piscine, tennis (M. Fauconnet était un ‘‘accro’’), Basket-ball, Foot, Gymnastique avec
M. Porta et surtout la pétanque !
• et aussi le côté festif avec, présente dans les souvenirs de tous les anciens que j’ai rencontrés : la fête
de la Saint-Sylvestre. Pour l’occasion, la R.A.P. affrétait des cars pour faire le ramassage de son
personnel. De Saint-Gaudens à Boussens en passant par Aurignac et tous les villages du secteur, tout
le monde convergeait vers le ‘’Pinat’’ où se déroulaient le repas et le bal de fin d’année. Les festivités se
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tenaient dans le garage en face SM-1 et si le transport était gratuit, l’entrée était payante. Le chef
d’orchestre était M. Lacroix et à la fin de la soirée le “Chant des pétroliers” résonnait (voir Annexe
6.4 p. 46).
La vie était rude mais, quelle solidarité entre les hommes ! Si l’on en croit cette lettre de G. Barthe
adressée à un de ses collaborateurs, (mécanicien-sondeur à la Forex depuis 1946), sous les drapeaux : « Je ne
sais pas encore quelle est l’affectation que nous te donnerons à ton retour … en tout cas, une place t’attend
toujours dans nos activités … à défaut tu alterneras en Alsace avec Guillaume, car Saint-Marcet est en voie
de liquidation ».
Déjà en 1948, la fin de l’exploration à Saint-Marcet est évoquée ! [Après les 5 trous forés en 6 ans, Forex
prend d’autres contrats hors du bassin. Aujourd’hui, en 2009, la Forex n’existe plus. Rachetée à 100% par
Schlumberger en 1971, elle devient Sedco-Forex en 1985. En 1999, Schlumberger revend Sedco-Forex à la
société américaine Transocéan].
Les premiers forages entrepris dès 1939 par la R.A.P. sont exécutés par un personnel issu de toute la
France et des colonies :
• les foreurs français expérimentés ne sont pas légion à l’époque, ils sont sur le seul gisement français à
Pechelbronn et, suite à la débâcle, ils sont arrivés dans le Comminges. Il y a aussi les pétroliers
expulsés de Roumanie et ceux qui viennent du Maroc, de la Chérifienne des Pétroles (fondée entre la
C.F.P., l’Etat chérifien et l’O.N.C.L.),
• les spécialistes confirmés, mécaniciens, métallurgistes, diésélistes, électriciens, tuyauteurs, soudeurs
viennent de la France entière, le réservoir local n’étant pas suffisant,
• la population locale et surtout les jeunes fournissent le principal de la main-d’œuvre de faible
qualification. Ainsi paysans, valets de ferme, petits artisans, “gagne-petit”, trouvent là des débouchés
aussi prometteurs qu’inattendus et, selon leurs capacités et leurs aptitudes, ils deviennent chauffeurs,
mécaniciens, sondeurs, accrocheurs et plus tard, certains d’entre eux iront s’expatrier en Alsace, en
Espagne, au Sahara, etc.,
• des expatriés tels les ‘’républicains espagnols’’,
• plus inattendu, certaines routes d’accès aux forages sont construites par des indochinois !
C’était quand même une vie rustique, à preuve, sur Proupiary-1, certains employés sur le chantier sont
chaussés de bottes en caoutchouc, d’autres de sabots et quelques-uns de souliers. Sur la tête, pas de casque,
mais un béret ou une casquette. Pas de bleu de travail non plus, presque des tenues de ville, pantalon,
chemise, pull, blouson et c’est tout juste si la cigarette n’est pas au bord des lèvres !
« Les sabots, avec paille dedans, le bleu de travail et le béret pouvaient être considérés comme les éléments
de base de la panoplie vestimentaire du sondeur 1942, accrocheur compris, ce qui valait quelquefois aux
sondeurs de recevoir un sabot sur la tête. Tous les équipements actuels, casques, gants, chaussures de
sécurité, cirés, etc … étaient inexistants. Par temps de pluie, il ne restait plus au sondeur qu’à se laisser
mouiller, puis en fin de poste d’aller étendre ses affaires à proximité des chaudières pour les retrouver
sèches le lendemain, ce qui transformait le hangar à chaudières en véritable séchoir à linge. » (Foreurs
Contact n°89).
Tous ces employés de la R.A.P. et aussi ceux de la Forex, concentrés sur les 3 communes d’Aulon, Latoue et
Saint-Marcet, donnent à cette région un aspect de “Far West” made in France.
1.5.5- Quelques hommes parmi les hommes
Après Gensac, le puits Puymaurin-1 bat le record d’Europe de profondeur à - 4 043,90 mètres le
21 novembre 1947.
Avec :
• Pour les ingénieurs et la maîtrise : Albert Munsch (maître-sondeur), Edouard Dapp dit ‘‘Popeye’’
(contremaître), Henri Le Parc (maître-sondeur), André Cendre (ingénieur), Antoine Ferbach (maîtresondeur) et André Morange (géologue).
• Pour les 3 équipes de forage :
¾ Une première équipe : Albert Munsch, Joachim Saforcada et Jean Foix de Saint-Marcet,
Marcel Vialle,
22
¾
Une deuxième équipe : Auguste Lo Royo, Jean Villa, Joseph Faure, Robert Roth, Antoine
Ferbach, Armand Ferré, José Lopez, Paul Lasserre, Joseph Laborde, Jean Danflous, Albert
Dufrechou et Emile Barus de Saint-Marcet.
¾ Et, une troisième équipe : Henri Le Parc, Charles Blanc, Aristide Favaron, Charles Riegert,
Bartholome Navarro, Paul Spohr, Aimé Pujo, Pedro Titos.
SM-14 : l’équipe de forage avec Maxime Frage (accrocheur), Dossin (ouvrier foreur), Paul Pernoud (chef de
chantier).
Proupiary-1 : Adrien Barcy (ouvrier sondeur de Saint-Marcet), Jean Artigue (ouvrier sondeur de SaintMarcet), Marius Mariande (maître-sondeur de Cassagnabère), Louis Pernoud (chef de chantier).
1.5.6- Un syndicat de défense
Mais tout ne va pas pour le mieux car, en plus de tous les problèmes d’approvisionnement, de l’occupation
allemande, la R.A.P. doit faire face à la grogne des paysans regroupés en syndicat de défense pour se faire
indemniser des dégâts causés par les activités de forage … dégradations et pollution. C’est, à n’en pas douter,
une bonne formation pour les futurs “permit-men” (agents chargés de négocier les autorisations de passage
des engins sur les terrains et d’évaluer les préjudices causés par le chantier de la S.N.P.A. et Elf !).
Illustrons ce propos par quelques coupures de presse :
Extraits de la Dépêche du midi du 25 octobre 1950.
Les déplorables exploits de la Régie Autonome des Pétroles.
« Le 2 mai 1947, la R.A.P., sans aucune autorisation ni accord préalable, occupait sans vergogne le terrain
appartenant à Claude Nogués et Agnés Gaillard de Saint-Marcet qui tentèrent bien timidement de
protester contre cette violation flagrante de propriété mais la R.A.P. se croyait tout permis et agissait
absolument comme au temps de la féodalité. Personne n’osait protester et ne pouvait résister en raison de
l’épouvantail de l’expropriation que l’on ne manquait pas d’agiter à chaque occasion.
• les ingénieurs de la R.A.P. ont-ils le droit de se moquer des propriétaires en ne se gênant pas de
montrer à ces derniers leur mépris pour leur ignorance de leurs droits ? …
• nous sommes l’État, nous avons tous les droits !…
La R.A.P. est rappelée à l’ordre mais continue et voici bientôt 8 ans et demi que SM-19 est installé au ras
de la maison d’habitation de Nogués …
La R.A.P. verse une indemnité dérisoire …
La R.A.P. n’installe pas de clôture autour de ses sondes, elle est répréhensible, mais …. »
« Pourtant si nous allions simplement armés d’un vilebrequin percer seulement un trou dans le plancher du
bureau du directeur général de la R.A.P. nous serions traduits séance tenante en correctionnelle alors que,
lorsque le même Directeur général de R.A.P. prend la liberté, sans nous demander notre avis, de forer un
puits de pétrole dans notre propriété, ce qui équivaut au percement d’un coffre-fort, il a droit à la légion
d’honneur ! »
La petite histoire de Saint-Marcet d’Odette Saint-Laurent (octobre 1992)
« Le puits, situé au centre de la commune, entre le hameau de ‘’Lacougué’’ et le lieu-dit ‘’Courtoum’’ était le
SM-21. Le derrick fut monté le 7 avril 1949 sur la parcelle de Léon Barus, épicier, maquignon et agriculteur.
Quelques Saint-Marcétois se rappellent encore du vent de discorde qui souffla entre la R.A.P. et les
paysans à l’occasion du forage de ce puits. Un mouvement se forma, qui fit d’ailleurs jurisprudence pour
obtenir de la Régie, des indemnités raisonnables en réparation des dommages portés aux cultures par le
passage du matériel des sondes pétrolières. Cette cause qui semblait au début, perdue d’avance, fut
finalement entendue et justice fut rendue aux agriculteurs. »
1.6- L’essaimage des pétroliers
En 1956, la R.A.P. est au cœur de l’aventure saharienne et les “boussinois” deviennent des habitués de la
“Caravelle” affrétée par la R.A.P. qui relie Toulouse à In Amenas où est installée la base des pétroliers, au
Sahara.
Quelques années plus tard, les sociétés S.N.P.A. et ELF trouvent des gisements de gaz et de pétrole un peu
partout, en France, au Sahara, en off-shore, ailleurs, alors, “le Pinat” se vide petit à petit de ses
occupants … qui s’en vont vers d’autres aventures.
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2- Au cœur de la R.A.P.
2.1– La vie sociale à la R.A.P.
(Extraits du Bulletin n°1 de la R.A.P. édité par le C.E. en 1945 et, extraits du Bulletin de la R.A.P.
édité par le C.E. en 1946-1947)
2.1.1- La coopérative
Le consommateur qui vient tranquillement s’enquérir s’il n’y a rien de nouveau se doute bien un peu des
difficultés à surmonter, mais n’en soupçonne généralement pas l’ampleur. Demandez-en des nouvelles aux
sympathiques camarades Pondeau, Sorlin et Lemire qui font des prodiges de diplomatie pour trouver quelque
chose pour garnir leurs rayons.
Une coopérative comme la nôtre regroupe plus de 2 000 rationnaires.
2.1.2- La bibliothèque
Possède actuellement 1 250 ouvrages utilisés par 400 abonnés répartis entre les 4 sites de distribution :
Saint-Marcet, Saint-Gaudens, Plagne, Gensac et prochainement Boussens.
2.1.3- Le Sport
A part l’équipe féminine de basket qui fait de son mieux, et il faut l’en féliciter, les sports paraissent être
absolument ignorés à la R.A.P.
2.1.4- Le restaurant de la R.A.P.
Un restaurant R.A.P. fonctionne à Saint-Gaudens depuis le 2 janvier 1946. Situé au Pouech, Hôtel Castex, il
est réservé aux membres du personnel de Saint-Gaudens, aux personnels des chantiers et à leur famille qui
doivent se rendre à Saint-Gaudens. Il en coûte 30 francs aux ingénieurs et agents de maîtrise et 25 francs
aux employés et ouvriers, pain compris, sans vin.
2.1.5- Le Courrier des Lecteurs (Humour R.A.P.)
M. T…. à Boussens : « Je ne suis pas payé pour faire un travail qu’on me demande et qui devrait être fait
par un de mes supérieurs …. »
Comment voulez-vous alors, cher ami, qu’on envisage un jour de vous payer pour ce travail puisque vous ne le
faites pas !
Dernière minute.
“Un beau geste“ : le personnel féminin de la R.A.P., réuni en assemblée générale a décidé, à l’unanimité, de
répartir, dorénavant, parmi le personnel masculin, la totalité du tabac auquel il a droit. Inutile de souligner
que cette héroïque décision a été appréciée comme il convient par les bénéficiaires.
2.1.6- Le domaine économique
Au C.E., des interventions sont faites :
• pour s’opposer à la nationalisation du gaz de la R.A.P. au profit de Gaz de France, ce qui aurait pour
résultat la suppression des bénéfices de l’entreprise et compromettrait l’avenir des recherches de
pétrole en France,
• en faveur de la construction du pipeline Toulouse-Bordeaux,
• pour obtenir plus de livraison de pneumatiques vélos, motos, autos,
• pour modifier les statuts de la R.A.P.
2.1.7- La Caisse d’entraide
Elle fonctionne à la satisfaction de ceux qu’elle fut à même de secourir : vêtements : 38 920 F, prêts :
132 350 F, secours : 187 160 F, achat des insignes R.A.P. : 27 274 F, fleurs et couronnes : 5 710 F, dons à
l’hôpital de Saint-Gaudens : 3 500 F.
2.1.8- La Colonie de vacances
Prévue comme l’an passé, cette année 1946, 75 garçons et 60 filles en bénéficient.
L’achat d’un terrain à Capbreton est réalisé.
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2.1.9- Arbre de Noël
Dix cars amènent 800 personnes aux Variétés à Saint-Gaudens et 725 jouets sont distribués.
2.1.10- Gaz butane
Une intervention pour le gaz butane, en liaison avec le Service Achats et le Syndicat permet d’obtenir une
attribution plus importante.
2.1.11- La fête de la Sainte-Barbe
Est célébrée, en 1946, pour la première fois à la R.A.P.
2.1.12- Anniversaire du 8 juin 1944 (voir 6.1.2 p. 44)
Est célébré, comme l’an passé à Aulon, en souvenir des agents tombés au combat.
2.1.13- Prime au mariage
Une prime au mariage vient d’être établie et est mise en vigueur le 1er juillet 1946.
2.2– La vie syndicale à la R.A.P.
2.2.1- Chronique syndicale
« Aussitôt après la Libération, le mouvement syndical, qui avait été mis sous le boisseau pendant l’occupation,
prit une brusque et considérable importance. Ceux qui, envers et contre toutes les difficultés et les périls
défendirent les idées qui leur étaient chères, furent les piliers de la puissante renaissance syndicale ».
Le ralliement d’un grand nombre de salariés, et parmi eux des Cadres et Ingénieurs, aux Organisations
Syndicales montre bien l’intérêt grandissant pris par tous aux questions sociales et économiques.
La prépondérance, maintenant généralement reconnue, du Travail ne peut que favoriser le développement du
Syndicalisme Il faut que chacun comprenne que le syndicat est non seulement un organe revendicatif mais
encore un organe constructif. Il faut que chaque travailleur s’instruise et devienne un syndicaliste convaincu
et éclairé.
Les cadres syndicaux ont maintenant un rôle très important à jouer et, en liaison avec le Comité d’Entreprise,
ils supporteront pour une large part les responsabilités de l’Économie de demain.
2.2.2- Composition des Commissions et bureaux
Au sortir de la guerre, parmi les réseaux, ceux des communistes/CGT étaient parfaitement organisés donc
rien d’étonnant à ce que les gens de la R.A.P. militants de ces réseaux se retrouvent à la tête du syndicat qui
a émergé en premier : la C.G.T. en fin 1943.
Quelques noms, dont certains ont fait carrière à la R.A.P., à la Forex, chez S.N.P.A. ou Elf :
Chez les ouvriers, employés, agents de maîtrise, la commission exécutive élue le 27 octobre 1945 est
composée de : Allaire, Briche, Danzin, Viguié, Baqué, Bordes, J. Boutet, Déjean, Derhan, Devèze,
Abadie, Audoin, Avezac, G. Boutet, Caze, Fourcade, Mathieu, Muller, Prat, Rabarry, Renault, Senges,
Valette, Wourms.
Chez les ingénieurs et cadres, la commission exécutive élue le 24 novembre 1945 est composée de : Le
Polles, Buttin, Mangin, Rengade, Lepreux, Nougaro, Michel, Cauchois, De Boulard, Guilhaudis, Mothré,
Thibaut.
2.2.3- Quelques actions
Le 25 octobre 1950 : les ouvriers pétroliers de Saint-Marcet sont en grève ; ils demandent la suppression
de l’abattement des zones de salaires.
Le 28 octobre 1950 : 95 % du personnel pour la poursuite illimitée de la grève. La solidarité s’organise
d’après le “Le Patriot”. La délégation intersyndicale se rend à Paris pour informer les Pouvoirs Publics de la
véritable nature des revendications du personnel. Elle constate l’extraordinaire incurie et même la mauvaise
foi des responsables gouvernementaux et des présidents de la R.A.P.
La pression de gaz pour la sécurité est ramenée de 130 000 m3 à 80 000 m3 par jour, à partir de lundi
30 octobre …
Accord avec les Directions et la Caisse minière pour que les salaires et les allocations familiales d’octobre
soient versés le 2 novembre …
25
Le 8 février 1993 : C’est comme un tremblement de terre, alors que le Groupe Elf-Aquitaine affiche
6,2 milliards de francs de bénéfice pour 1992, dont une part non négligeable provient de l’activité de
Boussens, c’est le transfert envisagé de 480 salariés de Boussens vers Pau et Lacq ! Le vendredi 12 février
1993, tous à Saint-Gaudens pour l’opération “Comminges mort !”
2.3– Le village de la R.A.P. au “Pinat”
Au début, pour loger son personnel, la Régie réquisitionne d’abord toutes les maisons inoccupées des villages
alentours, afin d’assurer un maximum de sécurité au plus proche des installations. Ensuite, une cité ouvrière
voit le jour et la vie s’organise à proximité de SM-1, au lieu-dit Pinat sur la commune de Latoue. Parfois, ce
lieu est aussi nommé, mais à tort, ‘’Chantier de Saint-Marcet’’ !
Juste en face SM-1, à côté du parc à tubes, sont construits les garages, les ateliers, les bureaux et une salle
de cours. La route monte sur la colline, dans la première courbe à droite, 3 bacs de stockage (construits en
1944) pour la récupération du carburant et, en fin de courbe, des villas réservées aux ingénieurs puis après la
dernière courbe, se dressent tous les autres bâtiments et dépendances du village.
Quelques exemples montrant le modernisme des lieux de vie :
(Expertise de juin 1971 de la propriété de la R.A.P. sise au lieu dit ‘’Pinat’’ sur la commune de Latoue, canton
d’Aurignac, arrondissement de Saint-Gaudens dans la Haute-Garonne)
• Une villa d’ingénieur (ex : chalet 10) : avec 90 m2 au sous-sol comprenant ; un garage, une entrée, un
cellier, un lavoir et un escalier de 10 marches pour monter au rez-de-chaussée très surélevé et qui
comprend un vestibule, une cuisine, un salon, un living-room, trois chambres, un W.C, une salle de bain et
un escalier pour accéder au grenier. La villa est entièrement équipée avec :
¾ Salon et living : 1 buffet à 2 corps en chêne massif, 1 table en chêne massif, 6 chaises en chêne
massif, 1 armoire à 1 porte en chêne massif 0.75x0.50x1.80 m, 1 armoire ordinaire, 1 table de salon,
2 fauteuils chêne foncé avec dossier en corde, 1 divan canapé complet.
¾ Cuisine : 1 cuisinière en fonte, 1 buffet de cuisine moderne, 1 table de cuisine 1.10x0.70 m avec
1 tiroir, 4 chaises paillées, 1 placard à 2 portes, 1 réchaud à gaz avec 2 feux et un four, 1 table
support métallique pour réchaud, 1 évier grès émaillé.
26
Les chambres :
• Parents : 1 lit en 140 avec sommier métallique et matelas Simmons, 2 tables de nuit en chêne,
1 armoire 3 portes dont une avec une glace et 1 chaise avec le dessus en tissu.
• Enfants : 2 lits en bois laqué, 2 sommiers, 2 matelas de crin, 1 armoire ordinaire, 1 table
ordinaire à un tiroir, 2 chaises en bois, 1 armoire en bois laqué.
¾ Salle de Bain : 1 baignoire fonte émaillée, 1 bidet grès émaillé, 1 lavabo grès émaillé, 1 glace lavabo,
1 porte serviettes émaillé, 1 chauffe bain au gaz, 1 tabouret de dessinateur, 1 armoire à pharmacie.
¾ WC : 1 cuvette de WC en porcelaine, 1 lavabo d’angle en grès émaillé.
¾ Divers : 3 radiateurs à gaz “Bengale”, 3 lustres électriques, 2 fauteuils en bois pour jardin, 1 lavoir
en ciment,
¾
(Tout le mobilier pour une valeur à neuf de 33 700 F en 1939 et 218 500 F en 1946).
• Un logement ménage : studio avec cuisine et évier, grand placard, cheminée, chambre, salle à manger
avec chauffage, électricité, eau froide/chaude et W.C à la turque.
• Un logement pour célibataires (ex : bâtiment 7, logement 13) avec une entrée, un W.C à la turque avec
lavabo et bidets et 13 chambres de 3.10x2.93 m avec chauffage central, eau chaude et froide et
électricité. Avec une armoire en sapin 2 portes, 1 table en sapin avec un tiroir, 1 lit métallique pliant,
1 matelas en laine, 2 couvertures, 1 chaise paillée, 1 chaise dessus bois, 1 glace 0.48x0.35 m et un
radiateur à gaz type “Bengale”.
• Le logement de l’instituteur qui professe à ‘’l’Ecole de Chantier’’ a comme mobilier : 1 bureau à
9 tiroirs, une bibliothèque à 2 portes, une cuisinière en fonte, 1 réchaud à gaz avec 2 feux et four,
1 évier granito, 1 baignoire granito, 1 radiateur à gaz type “Bengale”, 1 lavoir en ciment,
2 portemanteaux à 5 têtes, 1 armoire en bois pour enfant, 1 table de nuit en bois pour enfant, 1 lit en
bois pour enfant, 1 table ordinaire 0.80x0.70 m, 1 bahut de 2.25 m, 1 table à rallonges, 6 chaises
paillées, 1 radiateur tubulaire à gaz de 5 éléments, 2 radiateurs à gaz type “Sun”.
(Le tout pour une valeur à neuf de 15 650 F en 1939 et 98 400 F en 1946).
• La salle de classe avec : 2 bibliothèques vernies à 2 portes 1.00x0.35x2.00 m, 1 poste d’eau en grès
émaillé, 1 lavabo de 1.75 m en tôle peinte, 16 tables pupitres d’écoliers d’une largeur de 1.20 m, 5 cartes
géographiques murales de 1.25x1.10 m, 6 cadres bois blanc pour les cartes, 1 table de bureau à 2 tiroirs
de bois 1.20x.75 m, 1 estrade de 1.60x1.30 m, 1 autre estrade de 2.70x1.30 m, 3 tableaux noirs de
1.20x1.00 m, 1 meuble porte-cartes, 1 cadre en chêne clair de 1.40x0.95 m, 2 portemanteaux en bois à
5 têtes, 10 portemanteaux en aluminium, 1 chaise bois, 3 radiateurs à 4 tubes, type R.A.P., 1 fichier
bois à 2 tiroirs 0.45x0.30x0.15 m, 1 aquarelle, 7 jeux de dames et de l’oie et 2 fauteuils en bois blanc.
(Le tout pour une valeur à neuf de 21 000 F en 1939 et 136 100 F en 1946).
• Une piscine de 220 m2 de surface avec plongeoir, et de profondeur variable dont 0.60 m pour les
enfants. Elle fut construite par les Allemands lorsque ceux-ci occupèrent le chantier.
• Téléphone : les villas des ingénieurs, les bureaux et la cantine sont équipés du téléphone.
• La cantine a même un poulailler ! Etc.
2.4– L’école des maîtres sondeurs (Bulletin de la R.A.P. édité par le C.E. en 1945)
Le développement de la prospection du pétrole en France et dans l’Empire français pose en particulier le
grave problème du recrutement et de la formation de nombreux spécialistes de qualité.
Dans cet esprit, la Régie Autonome des Pétroles a créé fin 1944, au chantier de Saint-Marcet, son école de
maîtres sondeurs ; elle est dirigée par E. Bernadac, Professeur à l’Ecole Nationale Supérieure du Pétrole.
Cette école a pour mission de donner à des seconds, déjà confirmés par quatre ou cinq années de pratique de
grand “Rotary”, une culture générale et une éducation technique qui permettent à ceux-ci d’élever leur niveau
en matière de forage.
Voici le résultat de l’examen de fin d’études pour l’année 1945 : Jacques Weibel, Emile Weibel, Charles
Weltzer, Edouard Boellinguer, Clément Guepratte, Laurent Sozio, Joseph Messmer, Henri Leparc,
Alphonse Valette, Joseph Riff.
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3- Les témoignages
Témoignages recueillis par Jean-Claude BREGAIL
Voici livrées, à la ‘’Prévert’’, les notes que j’ai prises lors des interviews des personnes que j’ai rencontrées et
qui m’ont très aimablement reçu.
Serge Bergés (matricule 732 à la R.A.P.).
Serge, tu es né le 4 mars 1935 à Aulon (31 420), en plein pays gazier. Le 14 juillet 1939 lorsque le gaz a été
découvert au Pinat tu étais très jeune mais, de quoi te souviens-tu ?
Ce puits là, je ne sais pas.
Mais mes parents habitaient à 1 km du puits Saint-Marcet-12 qui était à Aulon et même jeune, je me
souviens que l'on voyait l'appareil de forage depuis chez nous.
Eh oui, parce qu'il faut avoir la géographie des lieux en tête, Aulon est au centre de ce lieu de découverte :
• à 4,1 km à l'ouest d'Aulon, c'est Pinat (lieu-dit de la commune de Latoue) et 3,1 km plus loin c'est
Saint-Marcet (31 800),
• à 2,8 km au nord-ouest d'Aulon c'est Peyrouzet,
• à 4,1 km à l'ouest c'est Cazeneuve-Montaut (31 420),
• à 4,1 Km au sud-est d'Aulon c'est Latoue (31 800) située à 10,4 km de Saint-Gaudens,
• et à 7,4 km au sud-est c'est Proupiary (31 300) et en poursuivant encore sur 12,6 km, mais en
obliquant un plus à l'ouest, c'est Boussens.
Pour ce puits, la sonde était donc montée sur un derrick, il n'y avait que 2 tiges pour forer et c'est une
machine à vapeur qui fournissait l'énergie. Deux tiges cela veut dire que, pour mettre une troisième tige, il
fallait que la première soit dans le sol et ainsi de suite. Les tiges, carrées ou pas faisaient 8 m 50 de haut, ce
qui représente la hauteur de l'accrocheur par rapport à la table de rotation. (Bien sûr, à l'époque je ne
possédais pas les mots que j'emploie aujourd'hui, mais enfin, c'était comme çà).
Pour le puits SM-12, le patron du forage était M. Barthe et son chef mécano M. Fourcade (je l’ai connu à la
Forex et puis, parce qu’il avait monté une entreprise de grillages/clôtures dans la région).
C’est à Aulon qu'a été créée la Forex et le fils de M. Fourcade y a été chef de chantier.
Tous les jours, M. Fourcade passait, devant chez moi, juché sur sa moto “Motobécane”. Cette moto avait le
levier de vitesses manuel placé sur le côté droit du réservoir d’essence (comme la ‘’Terrot’’ de ton grandpère !) et M. Fourcade y accrochait sa gamelle.
Et le jeudi, pour passer le temps, nous allions sur le chantier, car rien n’était clôturé, pour voir M. Fourcade
faire tourner sa machine à vapeur. Pour indiquer les manœuvres c'est-à-dire, accrocher les tiges, remonter le
trépan, …, il calait le sifflet de la machine à vapeur avec un marteau et alors les opérateurs, avertis par le son
strident et continu, montaient, dare-dare, sur la plate-forme pour opérer. Tu sais, nous étions gamins, aussi
quelquefois, nous tentions une pyramide humaine périlleuse pour aller accrocher le marteau et mettre en
œuvre le sifflet … ce qui nous a valu quelques volées de bois vert !
A côté du puits SM-12 à Latoue a été construit un stockage d'essence ; mon frère y a été gardien.
A Saint-Gaudens, en haut de la côte de la Garenne, sur la gauche (après les tribunes du circuit autos/motos,
maintenant classées au Patrimoine national), il y avait le dépôt de gaz de Saint-Marcet. C'est là que les gens
venaient avec leurs camions, leurs voitures et leurs tracteurs faire ‘’le plein’’ de gaz. Il s'agissait de remplir
les bouteilles de gaz placées sur les engins, telles les ‘’Traction avant’’ de chez Citroën, les 302 Peugeot, etc.
Au début, lorsque la C.F.R existait à Peyrouzet, les tracteurs venaient directement à l'usine pour y faire le
plein de gaz, ensuite ils sont venus à Saint-Gaudens et je revois le tracteur de M. Torrignan (maire d'Aulon)
un Fordson à essence transformé pour rouler au gaz, lorsqu’il venait s’approvisionner et aussi la 302
de M. Vergnes, patron local de l’ORTF.
Mon père, maçon avant de venir à la R.A.P. a participé à la construction de l’usine de Peyrouzet.
28
Quant à moi, en 1952, avec la Société S.P.I.E. (Société Parisienne d'Industrie), j’ai participé au démontage
du pipeline qui allait de Peyrouzet au stockage d’essence à côté du puits Saint-Marcet-12 (tu sais en
bordure de la route de Latoue, là où nous sommes allés … il ne reste plus rien aujourd’hui !).
Malgré la surveillance étroite des Allemands, les maquisards perçaient régulièrement ce tuyau pour
s'approvisionner en essence. Les camions passaient devant chez moi, ils arrivaient tous feux éteints et
moteur coupé et se laissaient glisser jusqu'au piquage sur le pipeline.
Un jour, la vanne bricolée, installée sur le piquage a refusé de se fermer. Et, tu me crois si tu veux, mais
l'essence, par les fossés, est arrivée au village, il a fallut fermer la source du village et l'abreuvoir des bêtes.
Mais tu sais à cette époque, tout le monde, dans le coin, y compris la Résistance, avait de l'essence par le
piquage. Chez moi, le fût de 200 litres était toujours plein !
Autre chose encore, les corps des maquisards tués au Mingué, bien que récupérés par les villageois, sont
restés exposés plusieurs jours sous le préau de l'école avant d'être jetés dans une fosse commune ; j’avais
9 ans, cela m’a marqué à vie !
Quelque chose de peu connu, les routes d’accès aux chantiers étaient faites en utilisant une main d’œuvre
particulière, des ouvriers asiatiques, des prisonniers indochinois qui travaillaient à la pelle, à la pioche et avec
des brouettes à bras. Pour se faire de l’argent de poche, ils fabriquaient des statuettes en terre glaise et
des bagues dans des pièces de monnaies de 1928/1929 qui, je crois, contenaient un très faible pourcentage
d'or ? Il y avait aussi du troc, ils touchaient des rations de boîtes de sardines que nous leur échangions car
nous n’en avions pas pendant cette période de privations. Ils logeaient à Martres-Tolosane … je crois !
La R.A.P., c’était l’avenir ! J’ai commencé ma vie professionnelle comme ‘’domestique agricole’’ et j’ai terminé
ma carrière sur les forages, au Sahara !
J'ai connu M. de Vries qui était le premier Directeur de la R.A.P. Il habitait avec son épouse et leurs
6 enfants au château de Lasserre de Cazaux et ma sœur y travaillait. Ensuite, il est parti Directeur chez
ESSO-REP à Biscarosse.
Mon frère Pierre est rentré à la R.A.P., il avait 15 ans ! Ne pouvant pas être titularisé à cet âge, il était
employé comme vaguemestre, il portait, avec son vélo, du courrier sur les divers sites et chantiers du
secteur.
J'ai failli être embauché à la R.A.P. lorsque j'avais 17 ans car j’y faisais des petits boulots sur la sonde de
Louis Mailhé et M. Fauconet mais surtout, je jouais au rugby et l'équipe de la R.A.P. cherchait un deuxième
ligne. En échange de mon accord, la R.A.P. m'embauchait. J'en ai décidé autrement et finalement j'y suis
entré, plus tard, à 23 ans. Embauché en 1958, je suis parti sur le forage de Caubon-101, sur un Ideco H40, à
Levignan de Guyenne où mon maître sondeur, M. Kraut était un ancien de la saga de Saint-Marcet ! (Un peu
d’humour alsacien : Kraut avec un “K” comme “Krenouille” !) Puis, toujours sur des appareils de la R.A.P., un
Emesco 1250, je me suis retrouvé sur Lacq-117 à Os-Marsillon avec les maîtres-sondeurs Chouraut et
Schinger, de la R.A.P. et sur le 112 à Gouze et le 133 à Mont (puits prévu pour traverser la couche).
J’ai revu Louis Mailhé qui était Chef de forage à la Grande Paroisse en Seine et Marne. A l’époque de
Saint-Marcet, ce juriste qui avait fait des études pour être avocat s’est retrouvé maître-sondeur à la
R.A.P. et il habitait sur le chantier de Saint-Marcet alors que son adjoint M. Fauconet habitait une villa au
village du Pinat.
La R.A.P. avait son centre de formation au chantier de Saint-Marcet pour former des techniciens du
pétrole. Tous les maîtres sondeurs venaient de Pechelbronn et allaient parfaire leur formation à Houjda au
Maroc (près de Meknès). La R.A.P., pour avoir des maîtres-sondeurs, des chefs de chantiers et des seconds
formés, a fondé son école dans la cantine qui existait à Aulon, cantine tenue par M. et Mme Jacquemin qui a
laissé sa place à la bascule municipale, qui, elle aussi, a, aujourd'hui, disparu !
Personnellement, j'ai eu comme instructeur M. Isoard alors jeune ingénieur à la R.A.P. ainsi que
M. de La Jarte.
As-tu des souvenirs de l'incendie du puits Saint-Marcet-4 ?
C'est vague.
29
Par contre, je connais l'endroit ; il y a toujours le mur qui avait été construit pour protéger les gens qui ont
éteint le feu (mur pare feu). C'étaient des militaires et aussi des américains venus du Texas !
As-tu des souvenirs sur certains autres puits ?
Le Pinat, c'était le grand chantier car en fait, le Pinat est limitrophe de 3 communes : Saint-Marcet, Latoue,
Aulon et il y avait une activité intense dans ce secteur.
A Cazeneuve-Montaut, 3 puits furent forés et l'on m'a raconté qu'un ami de mon père, ‘’le père Rif’’ était
tombé dans l'un deux. En tombant de dos sur sa musette qui contenait sa bouteille de vin, celle-ci s'est
cassée et lui a sectionné la colonne vertébrale.
Je me souviens aussi de 2 puits à Pourpiary-1 et 2 qui ont été forés dans les propriétés de Barousse et de
Bernadet.
As-tu des souvenirs d'autres réalisations industrielles ?
Prévoyant un essor de Saint-Marcet et pour pouvoir l'alimenter en eau potable, deux stations de pompage
furent créées sur la Louge à Mingué et sur la Noue à Aulon.
A côté du puits SM-12 à Latoue, la station de pompage était juste en face le stockage d'essence, au-dessus
du ruisseau.
Et l'usine de PEYROUZET ?
La raffinerie de Peyrouzet appartenait à la Compagnie Française de Raffinage, toutes ses autres usines
étaient fermées à cause de la guerre alors c’est la CFR qui a construit le dégazolinage.
L'usine a tourné jusqu'en 1944, j'en suis sûr car elle tournait lorsque les Allemands sont arrivés début 1944.
Le gaz arrivait par plusieurs tuyaux à Peyrouzet.
Que reste-t-il de cette usine ?
Rien, sinon un mur et une plaque ou stèle pour la Résistance.
La cheminée a résisté jusqu'à ce que le site soit racheté par un ferrailleur de Toulouse, M. Bergés (un
homonyme). Elle est tombée, c'est aujourd'hui, une friche !
Et BOUSSENS ?
M. de Pibrac, avocat et maire de Saint-Gaudens ne veut pas de raffinerie aux portes de sa ville, alors le
choix se porte sur Boussens.
Les travaux de la raffinerie de Boussens ont commencé en 1943 et l'usine de dégazolinage a dû démarrer fin
1944.
Le pipeline de Saint-Marcet, Pinat, Proupiary, Saint-Martory, Boussens a eu besoin d'un coup de pression
aussi une ‘’station de compression’’ avec un seul compresseur fut installée à Proupiary, son surveillant était
Maurice Bourdache, mari de l'institutrice du coin.
Et le maquis ?
Après le débarquement anglo-américain en Afrique du Nord, les Allemands envahissent la zone libre le
11 novembre 1942. Les Allemands arrivent à Saint-Marcet début 1943.
Pour surveiller la raffinerie, une escouade occupe, à Peyrouzet, la ferme Rey qui surplombe la raffinerie et ils
y installent un nid de mitrailleuses. Mon oncle travaillait comme fermier chez Rey et a pu témoigner de ce
fait ainsi que de cet Allemand qui me prenait sur ses genoux et à qui j'ai appris suffisamment de français
pour qu'il quitte l'armée allemande et passe au maquis français parce que, soi-disant, je ressemblais à l’un de
ses quatre fils qui l'attendaient en Allemagne et pour qui il voulait rester vivant !
Tu te souviens je t'ai parlé de M. Barthe. Il était, le pauvre, affublé du surnom de ‘’Neu-Neuil’’. C’était un
vrai combattant !
Le 7 juin 1944, une colonne SS qui venait de Boulogne-sur-Gesse (31 350), à 21 km d'Aulon voulait en finir
avec le maquis. Deux cents Allemands attendaient en embuscade, les maquisards, sur et autour du pont de la
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Noue au Mingué. Une stèle a été érigée au Mingué et une plaque avait été apposée devant l'entrée de l'usine
de Peyrouzet pour d'autres faits d'armes de la Résistance.
Plus tard, dans ce caveau de la R.A.P. sera inhumé un ingénieur de la R.A.P. décédé d'une crise cardiaque au
Sahara, puis la famille le fera transférer dans un caveau familial mais il est resté à Aulon (il s'agit de
M. Jonquiert).
Tu le sais j'étais jeune mais j'ai vécu plusieurs scènes atroces gravées à tout jamais dans ma mémoire.
J'étais avec ma famille aux champs, je conduisais les vaches devant la faucheuse/lieuse lorsqu'un camion
allemand arrive. Ils font descendre un gars avec les mains liées. C'était paraît-il un de leurs congénères. Ils
nous font partir, nous avons dételé les vaches, laissant la machine sur place. Puis, quelque temps après, nous
avons entendu un coup de feu !
J'ai dû aussi me déshabiller devant les miliciens qui pensaient que Bergés était un nom juif, à 9 ans ça
marque !
Autre chose encore, les corps des maquisards tués au Mingué sont restés exposés plusieurs jours sous le
préau de l'école avant d'être jetés dans une fosse commune.
As-tu un fait divers à me raconter ?
Il fait partie de l'histoire de Saint-Marcet, mais cette histoire se passe plus tard. Voilà, et c'est vrai, il y
avait deux frères, maîtres sondeurs, qui s’appelaient Jacques et Jean Hitler. Les deux frères ont travaillé
sur Saint-Marcet avec la R.A.P. Jean a pris le nom de son épouse pour s'appeler Monnot tandis que l'autre,
Jacques, à gardé son patronyme Hitler (ce qui ne l’empêchait pas de parler notre patois ‘’commingeois’’). En
1957, Jacques travaillait sur l'appareil Frank qui forait du côté de Lannemezan et, rentrant à son hôtel, il
brûle un Stop à un croisement routier et se fait arrêter par la maréchaussée. Comment vous appelez-vous ?
Hitler ! Vous vous moquez … et, la situation s'envenime à tel point que les gendarmes croyant avoir affaire à
un déséquilibré échappé de l’hôpital psychiatrique l'enferment à l'hôpital psychiatrique de la demi-lune à
Lannemezan. La patronne de l'hôtel ne le voyant pas revenir, ni le soir, ni la nuit, ni le lendemain va aux
nouvelles à la Gendarmerie du canton d’Aurignac (31 420) où est situé l’hôtel. Après explications, le
malheureux a été retrouvé et relâché … sans changer de nom !
Avec, Serge, nous avons en juin de cette année visité presque tous les anciens sites de la région de SaintMarcet, Aulon, Latoue pour voir dans quel état ils sont aujourd’hui … des friches industrielles !
Denise Lacan épouse Sole (agent R.A.P. de 1947 à 1950 puis à la S.S.M./Pau), née en
1930 à Latoue.
Ce puits là, le SM-1, il est sur la commune de Latoue d'après le cadastre. Le Pinat n'est qu'un lieu-dit de
Latoue, mais, il y eut, disait-on à l'époque, des interventions politiques pour que les puits du secteur
s'appellent Saint-Marcet !
Et ce puits, je le voyais bien de chez moi car la colline part de Latoue, grimpe jusqu'au Pinat, enfin jusqu'à
Sainte Radegonde (là où se trouve le cimetière de Latoue), puis descend d'un côté vers Saint-Marcet et de
l'autre vers Aulon.
Mon père, René-Marie Lacan, a travaillé sur ce puits et sur tous les puits aux alentours. Il était entré à la
C.R.P.M. avant d'arriver en 1939 à la R.A.P. où il devait être parmi les premiers embauchés pour finalement,
plus tard, quitter l'entreprise et reprendre son ancien métier de charron.
Il a commencé sa carrière comme accrocheur pour finir maître-sondeur. C'est une machine à vapeur qui
fournissait l'énergie, mon père y a travaillé aussi avec le chef mécano Fourcade.
Il travaillait en 3X8, c'était un travail très physique, heureusement il était rude, comme tous les ouvriers du
coin ! A cette époque, les gens étaient tellement contents d'avoir du boulot qu'ils travaillaient en se donnant
à fond, fi du casque (celui de mon père est encore tout neuf !), fi des gants, pas de maladie professionnelle,
pas d'arrêt de travail ... il fallait travailler, travailler et encore travailler, pour garder son emploi !
Aulon était le centre où vivait l'élite. L'élite c'était des ingénieurs et les maîtres-sondeurs alsaciens. Ils
vivaient tous à Aulon. Il me revient quelques noms : Roth, Reinagel, Schinkel, Kraut, Edouard Dapp (dit
‘’Popeye’’), Kocher .
31
Ils animaient la vie de la localité, surtout le bistrot où la bière coulait à flots.
Certains donnaient des cours au Centre de formation d'Aulon qui, plus tard, fut délocalisé dans les Grands
Bureaux à Boussens pour finir en Centre de formation flambant neuf, sur la colline du Pradet à Boussens
(Centre André Bouillot).
Nous, à la sortie de l’école, nous passions les voir car l’un ou l’autre avait toujours besoin de tabac que nous
courrions chercher, contre une piécette, au bureau de tabac situé en haut de la colline !
Saint-Marcet-4 ? Oh là là ! C'était gigantesque, quel brasier ! On voyait ce feu de partout, çà soufflait, çà
brûlait, ça sentait mauvais !
Ils ont colmaté le puits avec l'aide de l'armée.
La R.A.P. avait des bureaux à Toulouse, moi, j'étais la secrétaire de M. de Vries, Directeur du Gisement de
Saint-Marcet. Son bureau était à la R.A.P., rue de la République à Saint-Gaudens et tous les jours j'allais
récupérer ses enfants au château de Lasserre de Cazaux pour les amener à l'école.
De 1947 à 1950 j'ai travaillé à la R.A.P. où j'ai connu M. Boiage, M. Coulaty, M. Amiely, etc.
J'allais au boulot en faisant du stop ! Ce n’était pas pratique mais, jeune veuve, il fallait que je travaille !
Après, j’ai été mutée à Boussens.
J'ai travaillé, chez M. Ballaruc, à ce qu'on appelait, l'Usine, car il y avait des pointeuses, mais en fait,
c'était :
• un vaste parc de stockage de matériel de forage,
• quelques hangars et,
• des bureaux.
La vie a été complètement changée avec l'arrivée des foreurs, des pétroliers comme on les appelait.
L'encadrement venait d'ailleurs mais toute la main d'œuvre était du coin. Les gens abandonnaient, certains
pour un temps, d’autres pour toujours, leur métier (agriculteur, maçon, charron, etc.) pour travailler sur les
sondes et mieux gagner leur vie !
Avant 1946, les ‘’pétroliers’’’ étaient à la Sécurité Sociale Générale et après la promulgation du décret
mettant en place le Statut du mineur, a été créée, par M. Larochelle, la Caisse SSM à Saint-Gaudens et je
me souviens de M. Bonis, foreur à Boussens qui était un des administrateurs.
Dans les années 50, veuve de M. Sole, ancien forgeron à Aulon (son frère est resté forgeron à Latoue),
employé R.A.P., décédé dans un accident de la route en rentrant après son quart passé sur la sonde j’ai dû
continuer à travailler pour élever ma fille de 5 ans. Ensuite j’ai terminé ma carrière comme Responsable de la
SSM à Pau.
Michel Bignon (agent S.N.G.S.O. a vécu, enfant, à la cité du Pinat), né en 1935.
En 1944, mon père, infirmier militaire est démobilisé à Saint-Gaudens et il entre à l'hôpital de Montréjeau
où nous élisons domicile. Puis, il est embauché à la R.A.P. comme infirmier et nous déménageons à SaintMarcet où je fréquente l'école primaire du Pinat.
Il y avait des cours du soir ouverts à tous. L'instituteur, aidé des agents de la R.A.P., donnait des cours ou
du moins des explications sur ce qui se passait dans le bassin pétrolier. A 9 ans j'avais été passionné par
l'usage que les foreurs faisaient des boues, c'est là que j'ai appris la densité des boues, l'injection dans le
puits pour équilibrer les pressions (150 kg/cm2 à Saint-Marcet).
Saint-Marcet-4 ? Quel brasier ! Çà soufflait, çà brûlait, ça puait ! Jour et nuit tout était éclairé ! Il reste
encore debout le mur pare-feu qui a servi à abriter ceux qui ont éteint l’incendie. (Hélas non, un habitant de
l’endroit nous a informés lors de notre visite avec Serge, que le mur venait d’être détruit !)
De chez moi, j'habitais à 50 mètres de SM-1, j'entendais parfaitement le bruit que faisait l'accrocheur
lorsqu'il manipulait les tiges et j’ai donc connu le bruit de la machine à vapeur venue de Pechelbronn, puis celui
du diesel et enfin celui du moteur électrique.
Parce qu'on en parlait partout et que je lisais, à la maison, la ‘’Revue technique de forage’’, je me souviens de
tous ces engins qui passaient devant notre maison. Par exemple les '’biquettes’’ ces petites sondes très
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mobiles, montées sur un camion, le camion Halliburton équipé spécialement pour la cimentation des puits
(conduit par M. Ayerbe), la grue '’Lorraine’’, la seule dans le département (conduite par M. Munoz), le
camion sonde Franck (conduit encore par M. Ayerbe) et puis toutes les sondes Ideco H20, H30, H40. Aussi
la jeep de M. Pierre Jonquiert (Ingénieur du Service Production), conduite par son chauffeur Hippolyte
Blanc.
Mais, moi, c'est surtout du S.N.G.S.O. dont je me souviens ; c’est là que j’ai travaillé ! En France, le
producteur ne peut pas livrer directement son gaz aux clients, il faut un transporteur, d’où la création du
S.N.G.S.O.
Gaz de France avait ses usines à gaz de houille dans pratiquement toutes les villes de France et n'était pas
intéressé par le gaz naturel. Donc, la R.A.P., surtout pour alimenter l'O.N.I.A. à Toulouse depuis Boussens,
crée S.N.G.S.O. (70 % R.A.P. et 30 % G.D.F.).
Deux souvenirs d'enfant concernant le maquis :
• c'est mon père qui, avec un paysan, a récupéré les maquisards survivants de l'embuscade du Mengué
pour les amener, assez loin de ce lieu, cachés dans un tombereau de foin.
• C’est un peu flou, mais on a enterré 4 cercueils pour 3 morts, parce qu’on devait faire croire à
l’occupant qu’il y avait eu 4 morts ?
• c'est mon père qui a exhumé, à la Libération, les corps des maquisards pour les replacer dans le caveau
de la R.A.P. à Aulon et il m'est resté longtemps en mémoire olfactive l'odeur de ses vêtements !
Je me souviens de ce chantier de Saint-Marcet, il y avait 5 à 6 puits conduits en même temps, car il fallait
aller vite !
Certains puits duraient 3 semaines ou 1 mois, il fallait faire vite pour délimiter le gisement ; c'étaient des
puits d'exploration !
Eh bien, les gens étaient si nombreux sur les forages, qu'il n'y avait pas assez de baraquements pour les
loger, lorsqu'un ouvrier prenait son quart, celui qui venait se reposer prenait son lit. Comme dans un sousmarin !
La vie a été complètement changée avec l'arrivée des pétroliers ; la R.A.P. embauchait à tout va pour mettre
les gens à l'abri du STO ! A cette époque, il devait y avoir environ 2 500 personnes à Aulon !
Mon père était infirmier à la R.A.P. :
• le matin il partait sur les chantiers. La sécurité et les soins étaient donnés au plus prés, c'est-à-dire
directement sur les puits, les chantiers. Il y avait un service de ‘'pompiers’' qui disposait d'une
ambulance récupérée de l'armée et mon père circulait soit en ambulance, soit en stop en arrêtant un
camion de chantier ou alors en moto ou à pieds !
• et l'après-midi, il pratiquait à l'infirmerie du Pinat à Saint-Marcet, il y soignait la population locale qui
savait être reconnaissante au moment de Noël !
On commençait à parler de ‘’Pathologie du pétrole’’ (voir annexe 6.3 p. 45).
Je me souviens du maître-sondeur Zugmeyer, j'allais sur les chantiers, il y était ! Son adjoint était Maurice
Bourdage (fils du boucher d'Aulon, marié à l'institutrice de Saint-Elix-le-Château) et c'est lui qui, plus
tard, m'a fait rentrer au S.N.G.S.O. à Boussens.
Robert Garrés (agent R.A.P.), né à Aulon en 1926.
J’ai été employé par la R.A.P. en 1943, j’avais 17 ans. La société ne pouvait pas m’embaucher alors j’étais
occupé à faire des relevés de cadastre. Puis, dès que j’ai eu 18 ans, j’ai été embauché et j’ai terminé maîtresondeur.
Jean Lafforgue (agent de la R.A.P.), né à Aulon le 18/11/1919
J’ai été employé par la R.A.P. en 1944, après mon service militaire. Je suis rentré au Service Sécurité de la
R.A.P.
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Côté sécurité, on a eu Armand Sancebé blessé sur SM-1 car à l’époque les outils n’avaient pas de carter sur
les cardans et il a été happé et c’est le père Bignon qui lui a donné les premiers soins. L’infirmier se déplaçait
souvent à moto, derrière Dupont qui conduisait, c’était périlleux sur ces chemins mais ils n’ont jamais eu
d’accident ! Le Dieu des pétroliers devait veiller sur eux !
Sur la photo (p. 18) on voit les foreurs en sabots, sans casque et vous me parlez de sécurité !
Oui, mais mon rôle était de les sensibiliser à la sécurité, port des chaussures, casque, salopette de travail,
etc. Sans grand succès ! Pourtant on tenait des réunions de Sécurité et j’ai même appris aux agents à se
servir des extincteurs !
La chance était quand même avec nous !
Je me souviens de deux cas :
• il fallait chauffer le gaz à la sortie avec des grosses chaudières à vapeur. Pour une raison inconnue, la
pompe de Mengué est tombée en panne et le pipeline s’est ouvert en pleine route … il a été réparé sans
tambour ni trompette,
• sur une purge, impossible de refermer la vanne, le ruisseau le Pinat était plein d’essence. En aval,
Frédéric Perbost brûlait de l’herbe. Lorsque l’essence est arrivée sur les braises, tout le ruisseau s’est
embrasé. L’incendie n’a pas résisté à mon canon à mousse car j’habitais en face et je suis intervenu
immédiatement !
L’infirmerie du temps de Bignon était dans une baraque à côté du ruisseau le Pinat, face aux bureaux.
Ensuite, elle a été aménagée dans le bâtiment en dur en haut de la cité du Pinat dans un chalet à côté de la
cantine.
Au début, l’ambulance, c’était un ‘’dodge’’, récupéré à l’armée. Ensuite, la Régie a acheté deux ambulances,
l’une pour Boussens, l’autre pour les chantiers.
Heureusement que sur SM-4, l’accrocheur, Bernadet, était descendu. L’ingénieur a eu le temps de plonger
dans le bac à boue quant aux autres, malheureusement, ils ont été surpris par la déflagration et le feu sur la
plateforme.
A 3 ou 4 km de SM-4, on pouvait lire le journal, la nuit, à la lueur de l’incendie. Ce qui m’a aussi marqué ce
sont ces nuées de papillons qui, attirés par la lueur, venaient se jeter dans le brasier. Des gros papillons !
Depuis je n’ai jamais revu une telle concentration de papillons !
Pourquoi le dégazolinage a-t-il été implanté à Peyrouzet ?
Parce que c’était un endroit central et proche des puits !
La vie était moins facile sous l’occupation, il y avait la peur car lorsque le site de Saint-Marcet a été occupé,
il l’a été par des Mongols encadrés par des Allemands. Ces Mongols, des fous, des barbares se souvient
Mme Lafforgue. J’étais enceinte de mon fils lorsqu’ils ont fait irruption dans ma cuisine. Ils cherchaient des
moutons et me regardaient d’un air méchant car je n’avais pas de mouton. Heureusement qu’ils étaient avec
deux Allemands qui ont palabré avec eux pour les faire partir. Je suppose que ce jour là, je l’ai échappé belle !
Pour l’alimentation des agents, la ‘’Coop’’ faisait ce qu’elle pouvait ! (voir le chapitre 2.1 p. 23 “La vie sociale à
la RAP”).
Certains Allemands étaient sympathiques comme le dit Serge Bergés. En décembre 1944, les Allemands ont
donné de l’essence à l’ambulance qui l’a amené de l’école à l’hôpital de Saint-Gaudens où le Dr Bergez l’a opéré
de l’appendicite ( … et pourtant Serge m’a assuré que chez lui, le fût de 200 litres était toujours plein !).
Les agents de la R.A.P. mettaient des buses en bas des ’’tubings’’ pour réduire la production à 20 % au lieu de
100 %. L’occupant n’y a jamais rien vu et après leur départ, on a libéré les puits !
Sous l’occupation et après aussi, on circulait beaucoup à vélo. Lorsque le pneu était usé, on en cousait un, aussi
usagé par-dessus. Certains faisaient des rondelles en caoutchouc reliées en leur milieu par une ficelle et on
montait le tout sur la jante et, ça marchait … en pédalant fort !
Eh bien mais, à la S.N.P.A., il n’y avait plus de pognon, alors c’est la R.A.P. qui a mis 100 millions dans la
caisse … il faudrait le dire !
Quand même, de son début en 1940 à sa fin, le gisement aura produit pendant 60 ans !
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Marcel Fonade (agent Forex, dès sa création en 1942)
… Mais, comment la R.A.P. qui ne disposait que de 3 appareils qui mettaient de 12 à 15 mois pour forer ses
trous, était-elle en mesure de réaliser à temps son programme d’extension ? Actuellement ce problème se
résoudrait facilement par ‘’un appel d’offre’’, à cette époque, ce recours n’existait pas. C’est dans ce contexte
que la R.A.P. céda et donna suite aux ambitions de M. Godet en lui accordant un contrat de forage de 5
trous, le consacrant ainsi fondateur de la première entreprise française de forages pétroliers.
A partir de ce jour, le 2 août 1942, à Saint-Marcet fut créée la Forex issue de l’audacieuse initiative d’une
poignée d’hommes dont MM. Godet, Maratier et Viret furent les pionniers. Alors que MM. Godet et Viret
élisaient domicile au 44 rue de la Boétie à Paris pour mettre en place la Direction générale ; M. Maratier
(Ingénieur des Mines), M. Couchot (Comptable), et Mlle Bonnet (Secrétaire), installèrent leurs bureaux au
3 avenue de l’Isle à Saint-Gaudens. A quelques dizaines de mètres, dans la même rue, une baraque (genre
cabane de jardin) faisait office de garage pour la Renault Juvaquatre, l’unique voiture de la Société.
Le personnel de chantier, sous la houlette des 3 maîtres-sondeurs aussi prestigieux que redoutables
qu’étaient Joseph Le bail (dit ‘’Tonton’’), Paul Pernoud et Louis Pernoud, s’affairait à terminer l’emplacement
de forage car, si le plus gros du terrassement était réalisé aux frais du client de l’entreprise Chanudet de
Saint-Gaudens, toutes les finitions suivant les besoins de l’appareil de forage restaient à la charge des
sondeurs !
Ce personnel nouvellement recruté était en majeure partie constitué de jeunes garçons dont la plupart se
moquaient totalement de leur avenir dans le forage ne voyant dans ce dernier qu’un moyen de se faire de
l’argent de poche ou de se soustraire au STO … ce qui ne les empêchaient pas de faire preuve de courage et
d’un dévouement exemplaire.
Parallèlement à ces travaux de terrassement, Louis Fourcade (Chef mécanicien) dirigeait le montage du
hangar métallique fabriqué par lui-même dans son atelier de Saint-Marcet et destiné à abriter les
chaudières.
De son côté, le jeune ingénieur stagiaire Jean Brajon redoublait d’imagination pour tenter d’élaborer un plan
d’installation et se posait souvent la question de savoir si le métier de foreur était un bon choix !
C’est en octobre 1942 que l’appareil Wirth à vapeur fut acheminé, par voie ferrée jusqu’à Saint-Gaudens,
puis sur place par les camions de la R.A.P. Les grues ou engins mobiles de levage n’existant pas à cette
époque, exception faite d’un camion militaire porte-chars dont les transports R.A.P. étaient dotés, toutes
les manutentions de matériel étaient effectuées grâce aux crics, palans, leviers, rouleaux, etc. dont les
sondeurs étaient les habiles manipulateurs.
C’est ainsi que les 3 chaudières, en provenance d’un parc à ferraille de la S.N.C.F., furent mises en place, que
le treuil et sa machine furent hissés sur la substructure et que les pompes à boue et bassins furent
descendus dans leur fosse. (La substructure n’étant guère plus haute que les bassins, ces derniers devaient
être installés dans un fossé pour permettre le retour de boue par des goulottes). Les conduites de gaz, de
vapeur, de boue, d’eau, etc … furent montées à coups de scies à métaux, chalumeaux et filières … à partir de
tubes ou tiges de récupération. Les goulottes furent l’œuvre d’un artisan charpentier local, M. Guiard dit
‘’Pepet’’, qui les conçut avec des planches et madriers avant de devenir l’architecte réalisateur du magasin et
du bureau de chantier.
Tous ces travaux de montage réalisés sans plan, suivant l’imagination et le savoir-faire de chacun, et exécutés
en présence de M. Maratier qui venait quotidiennement apporter ses encouragements et prodiguer ses
conseils, durèrent 2 mois !
C’est le 27 décembre 1942 que les chaudières furent allumées … après les tests et vérifications d’usage, un
coup de sifflet strident semblable à celui des locomotives de grande ligne donnait le signal de départ du
Forex-1. C’est ce même sifflet qui par la suite allait siffler ponctuellement à tous les changements de poste,
au grand dam du voisinage qui n’appréciait pas les réveils anticipés !
Le démarrage fut un exemple de cafouillage inextricable consécutif à une ignorance quasi-totale des
rudiments du forage, car de tous ces jeunes sondeurs enthousiastes, rares étaient ceux qui avaient déjà vu
une clef Wilson.
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Dans un premier temps, il fallut donc que les 3 grands chefs se mettent dans la peau d’un instructeur pour
faire la formation sur le tas ; mission qu’ils accomplirent à force de courage, de compétence … et de
vociférations. La formation professionnelle comprenait également l’inculcation d’un esprit de performance :
allez ! vite ! vite ! disait ‘’Tonton’’’ que l’on retrouvait dans toutes les opérations et particulièrement pendant
les manœuvres de descente où chaque vissage de tige, à la clef à chaîne, faisait l’objet d’un sprint circulaire
du sondeur, agrémenté du bruit de claquettes produit par ses sabots sur la table de rotation.
Ainsi le forage avait enfin atteint son régime optimum et continuait le plus souvent avec des trépans à lames,
car il fallait absolument économiser les rares tricônes pour le forage des couches dures et que par ailleurs,
les trépans à lames étaient rechargés par Louis Fourcade sur le chantier même. La boue de forage n’avait non
plus rien de commun avec le fluide chimique d’aujourd’hui, en début de trou, elle était fabriquée au malaxeur à
partir d’argile de carrière, par la suite le forage du Flych (couverture argileuse du gisement), permettait la
fabrication, par simple ajout d’eau dans la goulotte, d’une réserve considérable de boue en vue du forage de la
brèche Jurassique (gisement de Saint-Marcet) et de la complétion du puits.
Le train de sonde qui présentait de graves signes de fatigue était à l’origine de nombreux incidents (ruptures,
tiges percées, …) et les sondeurs, entre les manœuvres, devaient s’adonner à une cure de rajeunissement des
tiges par le remplacement des ‘’tool-joints’’ à coups de masses et de clefs à chaîne. Les ‘’drill-collars’’’ cassés
étaient transportés à l’arsenal de Tarbes pour refiletage par l’intermédiaire du transporteur Portet de
Roquefort sur Garonne dont le chauffeur n’était autre que Marc Thomas qui, plus tard, devait devenir Chef
de Mission Forex. Certaines opérations spéciales telles les tubages, ‘’dégerbages’’, etc … faisaient l’objet de
longues préparations pour lesquelles un surcroît de personnel s’avérait indispensable. C’est pour satisfaire à
ces besoins que les sondeurs du poste de matin étaient souvent sollicités pour revenir travailler l’après-midi.
Tous étaient volontaires car ils savaient qu’outre le paiement des heures supplémentaires, Forex offrait
gracieusement le repas de midi à la ferme de M. et Mme Périsse (futurs beaux-parents de notre ami
Henri Castella), où P. Pernoud et J. Brajon étaient pensionnaires.
Les travaux se poursuivirent sans incidents majeurs et le puits fut mis en production fin janvier 1943,
battant tous les records des forages effectués jusqu’à ce jour sur le champ de Saint-Marcet.
L’appareil fut déménagé sur Proupiary-1 en mars 1943 et les équipes reprirent le travail avec la même ardeur
enrichie du fruit de l’expérience et cela continua jusqu’en 1946 au début de SM-15, date à laquelle un
événement nouveau vint bouleverser l’effectif du chantier. La jeune Société Forex qui avait réussi son entrée
dans le monde pétrolier, venait d’acheter un 2ème appareil qu’elle devait mettre en service à Antin et pour
lequel il lui fallait tout l’encadrement. Les maîtres-sondeurs étant introuvables à l’époque, elle fit appel à des
hollandais qui venaient des Indes Néerlandaises et un mélange de personnel s’effectua entre les deux
chantiers. C’est ainsi que J. Le Bail, J. Souribes, L. Pernoud et P. Vigneau furent mutés à Antin (Canton
de Trie sur Baïse près de Tarbes) et que le chantier de Saint-Marcet garda P. Pernoud et hérita de
4 hollandais : Zegelink, Schmit, Cott et Van Beer. Ces maîtres-sondeurs, qui ne parlaient pas un mot de
français eurent beaucoup de difficultés à communiquer avec leur équipe et la qualité du travail, le rendement
et la sécurité s’en ressentirent. Le forage continua cependant jusqu’en février 1949 date à laquelle fut
terminé SM-19, dernier des 5 trous du contrat avec la R.A.P.
Le derrick et le treuil furent vendus à la S.N.P.A. pour son forage de Garlin, le matériel à vapeur fut stocké
en attendant son transfert dans le parc de Billère, tandis que le personnel (excepté les cadres) fut repris par
la R.A.P.
Les bureaux furent déménagés de Saint-Gaudens au 24 chemin de la Plaine à Billère en Juin 1949, mettant
ainsi fin à la campagne Saint-Marcétoise.
L’aventure de Saint-Marcet était terminée.
(extrait du n°89 de Foreurs Contacts, publié avec l’aimable autorisation de l’Amicale des Foreurs)
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Osmin Larrey (agent R.A.P.)
« J’ai commencé à 17-18 ans. En 1939, j’étais manœuvre à la sonde numéro 1. Mais j’y suis resté qu’un an. Il y
avait trois ou quatre jeunes de Saint-Marcet comme moi. Mais plein d’autres personnes de toute la France,
se souvient Osmin, 87 ans ! » L’octogénaire est l’un des pionniers des tout débuts de l’extraction gazière au
sein du premier gisement découvert en France. Il taira la pénibilité des premières heures d’un ouvrage ardu.
Il se souvient : « de Vries et Bernadac étaient à la Direction, Guillot ingénieur, Kraut, Iltis et Pernau
maîtres-sondeurs ». Ces douze mois passés au gisement de Saint-Marcet ont constitué pour Osmin le coup
d’envoi d’une carrière internationale au sein de l’extraction pétrolière : Sahara, Libye, Iran, Gabon, etc. »
(La République des Pyrénées du vendredi 11 septembre 2009)
Suzanne Lacan épouse Bergez (agent R.A.P. en 1945).
Vous savez, au début c’était tout de bric et de broc mais ça marchait, la preuve !
J’étais embauchée au pool secrétariat à la R.A.P. lorsque le Directeur Général, M. de Vries, cherchait une
secrétaire. Aucune fille ne voulait y aller alors, nous avons tiré au sort et le sort est tombé sur moi. Voilà
comment j’ai commencé une carrière intéressante qui de Saint-Gaudens m’a amenée à la R.A.P. à Paris où j’ai
travaillé avec M. Moch qui était un Directeur extraordinaire s’asseyant avec le commun sur les bancs de la
cantine !
Vous savez tellement de choses sur la R.A.P. que je ne sais pas quoi vous dire, sauf peut être cette
anecdote : un ingénieur foreur, polytechnicien très sympathique qui après la R.A.P. est allé chez B.P.,
Monsieur N., racontait « que la promotion des institutrices dans la région dépendait de la densité des
forages dans le coin car enseignants et pétroliers faisaient de nombreux mariages ! »
Je me souviens de l’ambiance, tout le monde se côtoyait sans distinction de grade, c’était une industrie toute
neuve … cela devait y faire !
Boisneau (agent R.A.P.)
Se souvient de quelques anciens :
Mailhé, Fauconnet, Maurice Bourdages (d’Aurignac), Lucien Vialas, René Solles, Hyppolite Blanc, Danos (de
Cassagnabère), Montaut (de Latoue), Marcel Cieutat (de Saint-Marcet), Douat, Martin (de Saint-Martory),
Trescazes, Fages, Missio, Rey (de Saint-Martory), Gaston Lafforgue (d’Aulon), Sport (de Blajan),
M et Mme Gaston Dumay (de Saint-Gaudens).
Et combien d’autres ?
Conclusion
Accompagné par Serge Vergés, j’étais à la fois :
• content, de parcourir cette campagne “commingeoise” riche de son passé pétrolier et,
• déçu de n’y trouver que friches industrielles.
Heureusement que les souvenirs sont tenaces !
• ici, était le puits 12, il ne reste plus qu’une dalle en ciment au milieu d’un bois !
• ici, était le quai de chargement des essences, c’est là qu’il y avait une pierre amovible qui donnait accès
au piquage d’essence où tout le monde venait se servir. (Nous avons cherché la pierre …)
• là, sur la Louge, la station de pompage … plus rien !
• là Peyrouzet … quelques vestiges !
• là, le SM-4. Tiens il n’y a plus rien ! Un habitant du coin nous apprend que le mur a été détruit l’an
passé !
• ici, le SM-1, mais non, c’est une erreur de TOTAL, le Louis Pineau était à l’entrée du Pinat !
• ici, c’est le village du Pinat … ah bon, c’est privé, il y a une barrière, on ne peut pas visiter … tant pis !
• et là, c’est la caveau de la R.A.P. à Aulon. Il est un peu à l’abandon !
Dernière minute : Le Directeur Général de TE&PF vient de dire ce 10 septembre 2009, que des fonds
avaient été versés pour l’entretien de cette concession.
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« Les paysages de Saint-Marcet font sans cesse référence au passé, à l’histoire d’un gisement aujourd’hui
abandonné, mais qui aura généré dans la mémoire collective des habitants du Comminges un sentiment
particulier chargé de souvenirs, de nostalgie et d’amertume. Il faut à présent veiller à valoriser ce patrimoine
culturel, industriel. Faire connaître cette page de l’épopée gazière, appelle à une réflexion collective, pour
imaginer les moyens de découverte de ce patrimoine, de cette ressource locale aujourd’hui quelque peu
oubliée ! »
(L’histoire du gaz Saint-Gaudens/Saint-Marcet par la Caisse Mutuelle Complémentaire et d’Action
Sociale EDF/GDF de Toulouse)
Aujourd’hui, 10 septembre 2009 se déroule la cérémonie de la commémoration de la découverte du gisement.
Hier, c’était le comblement, par les équipes spécialisées de TE&PF, du dernier des 23 puits exploités sur le
gisement de Saint-Marcet.
C’est la fin d’une époque dont les réminiscences photographiques en sépia s’affichent aujourd’hui sur les murs
de la Salle des Fêtes du village. Ultimes vestiges d’un paysage révolu, puisque plus aucune des installations ne
subsiste aujourd’hui.
Alors, heureusement :
• qu’une plaque commémorative placée devant la Salle des Fêtes de Saint-Marcet et
• qu’une plaquette historique,
vont faire revivre ce passé et redorer un peu ce paysage industriel en friche !
Et pour clore cette page, une petite devinette :
Les gazoducs ont amené le gaz de Saint-Marcet à Saint-Gaudens, à Toulouse, à Bordeaux, à Pau, etc.
Le village de Saint-Marcet est-il raccordé à un réseau public de distribution de gaz ?
La réponse est : NON, il y a encore et toujours les bouteilles de butane !
(Question posée, le 10 septembre 2009, par les journalistes de FR3 au Président Directeur Général de
TE&PF)
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4- Lexique
A.G.P. :
AZF :
B.R.P. :
C.F.P. :
C.F.R. :
C.R.E.P.S. :
C.R.P.M. :
E.A.P. :
E.A.E.P.F :
ELF :
ELf EP :
ELF RE :
E.R.A.P. :
O.N.C.L. :
O.N.I.A. :
R.A.P. :
S.A.E.M. :
S.N.E.A. :
S.N.E.A.(P) :
SOCAL :
S.O.F.R.E.P. :
S.P.A.E.F. :
S.N.G.S.O. :
SN-MA.R.E.P. :
S.N.P.A. :
SN-PLM :
SN-REPAL :
S.R.E.M.I. :
U.D.B :
Société Auxiliaire des Gaz de Pétroles (jouxte UDB pour l’enfûtage des GPL)
AZote Fertilisants
Bureau de Recherche du Pétrole
Compagnie Française des Pétroles
Compagnie Française de Raffinage
Compagnie de Recherche et d’Exploitation du Pétrole au Sahara
Centre de Recherche du Pétrole du Midi
Elf Aquitaine Production
Elf Aquitaine Exploration Production France
Groupe ELF-Aquitaine
Elf Exploration Production
Elf Recherche Exploration
Entreprise de Recherches et d’Activités Pétrolières
Office National des Combustibles Liquides
Office National des Industries de l’Azote
Régie Autonome des Pétroles
Société Anonyme d’Exploitation Minière
Société Nationale Elf Aquitaine
Société Nationale Elf Aquitaine (Production)
SOCiété ALsacienne des Carburants
Société Française de Recherches et d’Exploitation de Pétrole
Société des Pétroles d’Afrique Équatoriale Française
Société Nationale des Gaz du Sud-Ouest (deviendra G.S.O)
Société Nationale des MAtériels pour la Recherche et l’Exploitation du Pétrole
Société Nationale des Pétroles d’Aquitaine
Société Nationale des Pétroles Languedoc Méditerranée
Société Nationale de Recherche et d’Exploitation des Pétroles en ALgérie
Société d’Exploitations Minières et Industrielles
Usine de Dégazolinage de Boussens
Gaz manufacturé : c’est le français Philippe Lebon qui vers 1796 découvre le procédé de production du gaz
combustible à partir du charbon. Il sera suivi de près par l’irlandais William Murdoch.
Chauffé à l’abri de l’air, le charbon libère du gaz. Ce gaz fabriqué est bien différent du gaz fossile trouvé à
Saint-Marcet (puis à Lacq). Au contact de l’oxygène, le gaz prend feu.
Les usines à gaz sont donc des lieux de fabrication du gaz manufacturé. La première usine à gaz est
construite Boulevard Poissonnière à Paris en 1818. La dernière à fermer sera celle de Cherbourg en 1983.
Rotary : (voir schéma p. 9) ce forage permet d’atteindre des profondeurs supérieures à 6 500 mètres. Le
principe de ce matériel est celui d’une chignole classique. Le foret s’appelle ici trépan : il est entraîné par le
treuil de forage. Un outil creux à molettes dentées, le trépan abrase la roche, poussé par des tiges
métalliques creuses de 27 mètres (une tige est finalement formée de 3 tiges d’environ 9 mètres chacune, à
quelques millimètres près … d’après les foreurs) dans lesquelles circulent de la boue et qui sont maintenues
par un palan sur la tour de forage de 40 mètres (derrick). La capacité de levage pour lever le train de tige, le
palan (moufle) est de 200 tonnes. Les moteurs installés sur une sonde ont une puissance de 450 CV. Le poids
du treuil de forage est de 12 t. Le poids d’une pompe à boue est de 10 t et la vitesse d’avancement varie de
4 à 140 mètres/jour, selon les couches traversées.
La centrale de détente : le gaz collecté dans les différents puits arrive à la ‘’duse’’ de la centrale de
détente. La ‘’duse’’ est un orifice calibré de faible diamètre qui permet de détendre le gaz.
Comment va se manifester la détente du gaz ?
C’est un phénomène bien connu que la brusque compression du gaz ou de l’air produit de la chaleur. Vous l’avez
plus d’une fois remarqué, par exemple en gonflant votre vélo R.A.P., à supposer du moins que votre délégué
vous ait permis d’en récupérer un ! Inversement la détente produit du froid.
40
A Saint-Marcet, pendant l’année 1946, le gaz a été détendu en moyenne de 128 à 36 kg/cm2 et, dans ces
conditions, sa température passait de 19 à - 19°C.
Quels sont les effets de cette basse température ? Lorsque vous vous promenez l’hiver sur les chantiers
vous avez pu remarquer la condensation, sous forme de buée de la vapeur d’eau, de votre respiration. C’est la
même chose après la détente. Le gaz qui sort du puits comprend, outre le méthane et l’éthane difficilement
liquéfiables, d’autres composés propane, butane, pentane, etc., tous gaz que l’on peut facilement liquéfier
comme en témoigne la bouteille de gaz que vous utilisez chez vous et qui contient du butane liquide à une
pression de 5 kg/cm2.
Sous l’influence du froid, tous ces produits se condensent en fines gouttelettes qu’il est nécessaire de
séparer du gaz. C’est le rôle des séparateurs dans lesquels les gouttes de liquide se rassemblent sur les
parois que le gaz heurte au passage et ruissellent pour se rassembler au bas de l’appareil où elles constituent
la gazoline naturelle, certes accompagnée d’un peu d’eau qui se transforme en glace vu la température.
On recueille ainsi par m3 de gaz traité, environ 105 cm3 soit 70 gr de gazoline et 1.5 gr d’eau.
Comme l’eau se transforme en glace et comme la glace occupe de la place, il faut réchauffer les tuyaux avec
de la vapeur d’où l’existence des machines à vapeurs que l’on entend à la ronde !
(J.-P. Lacroix Ingénieur Production à la R.A.P.)
Dégazolinage : le gaz est traité à Peyrouzet
dans une installation de dégazolinage qui a pour
but de transformer le gaz humide en gaz sec
par élimination des parties condensables. La
technique du dégazolinage repose sur la
possibilité de faire absorber par du pétrole
lampant ou du gas-oil léger les fractions
condensables que renferme le gaz arrivant des
sondes. Le gaz humide provenant des chantiers
traverse, à contre courant, dans une tour
d’absorption à plateaux haute d’une vingtaine de
mètres, une pluie de pétrole dans lequel
propane, butane, pentane et homologues
supérieurs se dissolvent.
Le gaz sec qui sort au sommet de la tour ne
contient plus guère que du méthane, de l’éthane
et un peu de propane ; il est livré tel quel dans
le pipeline.
Il ne reste plus qu’à séparer du solvant les
hydrocarbures qui y sont dissous par
distillation facilitée par injection de vapeur,
c’est le stripping. Le mélange d’hydrocarbures
extrait constitue une essence dite brute qui
doit être stabilisée à la station de
dégazolinage. Cette stabilisation est obtenue
par distillation et condensation classiques qui
donnent : des gaz servant au chauffage des
chaudières, du butane et propane liquides et enfin de l’essence stabilisée.
En définitive, la double récupération effectuée aux séparateurs des sondes et à l’usine de dégazolinage
permet de livrer mensuellement 450 t de produits finis dont 1/5 de butane et 4/5 d’essence pour une
production journalière de 250 000 m3 de gaz.
(A. Coulaty Ingénieur Attaché à la Direction de la R.A.P.)
Les combustibles liquides tirés du pétrole se divisent en 2 grandes classes :
• les combustibles distillés, soutirés en phase gazeuse des colonnes de distillation des raffineries,
• les combustibles résiduels tirés en bas de colonne à distiller.
41
En France, il y a deux spécifications relatives aux combustibles distillés, connus sous le nom de pétrole
lampant et gas-oil. Le pétrole lampant tire sa dénomination de son application spécifique à l’éclairage par
lampes à mèches ; il monte par capillarité dans la mèche.
Pipeline : Le gaz est séché au maximum pour éviter la constitution d’hydrates qui usent les tubes en acier et
il est amené aux centres de consommations où 1 m3 de gaz remplace environ 2 kg de charbon dans une
chaudière, 3 kg dans une usine à gaz et 1.2 à 1.5 litres d’essence dans un véhicule automobile.
Les tubes sont réunis par soudure ; ils comportent un revêtement extérieur protecteur ; ils sont enterrés
dans le sol à 0.75 m environ. Le pipeline Peyrouzet/Toulouse a un diamètre de 6’’ (150 mm) et peut assurer un
débit de 200 000 m3 par jour pour des pressions de départ et d’arrivée de 30 kg/cm2 et 4 kg/cm2.
(A. Coulaty Ingénieur Attaché à la Direction de la R.A.P.)
5- Bibliographie
¾
Les Grandes Heures de l’Exploration Pétrolière du Groupe Elf Aquitaine.
André Morange, Alain Perrodon et Francis Héritier. Année 1992.
Bulletin Centre Rech. Exploration – Production Elf Aquitaine Mém. 15
(Bibliographie reçu de la Bibliothèque Scientifique de l’UPPA).
¾
Gaz et Pétrole du Sud-Ouest, conditions de transport et de distribution.
Philippe Duchemin aux Annales de géographie, Année 1953, Volume 62 Numéro 331
(Avec un chapitre : Le gaz de Saint-Marcet et sa distribution régionale).
¾
Le gisement d’hydrocarbures de Saint-Gaudens.
Laurent Capdecomme aux Annales …. ? Année 1947, Volume 2, Numéro 2.
¾
Sur la récente découverte d’un important gisement d’hydrocarbures dans les Petites-Pyrénées au
nord de Saint-Gaudens.
Note de MM. Léon Bertrand et Louis Barrabé dans le Compte Rendu de l’Académie des Sciences N° 209.
Paris. 1939.
¾ La venue du gaz de Saint-Marcet (Haute Garonne).
Note de M. Charles Jacob dans le Compte Rendu de l’Académie des Sciences N° 209 Paris 1939.
¾ Le gaz de Saint-Marcet : l’originale épopée industrielle du Comminges.
Contribution pour une valorisation de la mémoire des hommes.
Claude Delor et Yves Lelli ; respectivement Vice Président et Président de l’Association pour la sauvegarde
du Patrimoine gazier.
Société des études du Comminges. Saint-Gaudens 2000.
(Envoyé par M. A. Morange)
¾ Bulletin de la RAP photocopies du N° 1 de janvier 1946.
Contient 23 pages de textes sur la recherche pétrolière avec six chapitres et avec de nombreuses photos :
I / Historique, II / Géologie, III / Résultats, IV / Technique du forage rotary, V / Surveillance scientifique
d’un forage, et VI / Exploitation du gaz
(Envoyé par le Service de la Bibliothèque de Total)
¾ Recherche du pétrole et avatars d’un chercheur trop modeste. Janine Reulet.
Revue du Comminges et des Pyrénées Centrales, Tome CIX oct-déc 1994 et Tome CX oct-déc 1995.
¾ Eloge de Georges Barthe. Denise R. Couret.
Revue du Comminges et des Pyrénées Centrales, Tome CXI jan-mars 1996.
¾
La découverte du gaz de Saint-Marcet par Ph. de Latour.
¾
Saint-Marcet sous l’occupation allemande de L.Caralp.
¾
1939 Saint-Marcet ou l’Année du Mi-Centenaire.
Provenant du Département Documentaire Commun de Boussens (1989 ?)
42
¾ L’HISTOIRE D’ELF AQUITAINE
Réimpression du Bulletin Mensuel d’Information ELF (juin 1986)
Livre relié contenant :
- Article du Professeur Charles Jacob C.R. Académie des Sciences (voir plus haut).
- Conférence de L. Cauchois lu à l’A.F.T.P. le 17 mai 1944.
- Plusieurs chapitres sur : l’exploitation du gisement, les pipelines et la distribution et l’utilisation du gaz.
- R.A.P. Encounters en anglais Pipeline Toulouse /Bordeaux.
- Rapport d’expert sur : Descriptif de bâtiments et plan cadastral.
- Extrait Bulletin R.A.P. Blagues.
- Affiches – Exposition « Histoire du Gaz ».
- Histoire du Gaz à Saint-Gaudens par la Caisse Mutuelle Complémentaire et d’Action Sociale de Toulouse
EDF/GDF (mars 1995).
¾
¾
Livre relié relatant l’histoire de Saint-Marcet par Odette Saint-Laurent ( ?) avec :
des articles de journaux (Républicain Libéral) et de nombreux articles extraits du Bulletin de la R.A.P.
avec de nombreuses photos commentées.
Bulletins de la R.A.P. édité par le C.E. en 1945 et en 1946-1947.
Et, pour finir, peut-être un texte qui, selon mes témoins, résume au mieux l’esprit de la R.A.P. :
« Si, chez le Chef, les subtilités mathématiques, techniques ou administratives cèdent le pas à l’observation
des ouvriers et à l’amélioration de leurs conditions de vie matérielle et morale, il en naîtra une cordialité qui
facilitera le règlement des intérêts, le respect des droits, des devoirs et l’augmentation des résultats. »
Raoul Dautry ‘’Métier d’homme’’ Plon 1936
6- Annexes
6.1- La Résistance
De nombreux agents de la R.A.P. s’illustrèrent pendant l’occupation allemande, peut-être que l’un des
premiers fut Jean Boutet qui dès avril 1943 se voit confier par Lucien Passament, Responsable de l’Armée
Secrète (A.S.) du secteur, la mission de constituer le premier groupe de l’A.S. sur le ‘’Chantier de SaintMarcet’’. En plus des coups de mains armés, il y avait aussi le sabotage idéologique et notamment le sabotage
de la Charte du travail dont les objectifs paternalistes contribuaient à la politique de collaboration avec les
nazis. La R.A.P. installa cette Charte en fin 1943 et elle fut aussitôt combattue par la CGT en liaison avec
l’A.S. de Saint-Gaudens (extrait Le Nanar déchaîné/CGT de TotalFinaElf n°24 et 26).
Parmi tous ces combattants de l’ombre, Pierre Angot et Georges Barthe.
6.1.1- Deux figures de légende
Pierre Angot, un “commingeois”, né en avril 1902 à Montrejeau, major de Polytechnique, ancien des Mines
était, à partir de 1936, Directeur Administrateur et Directeur Général adjoint de la Steaua Romana, société
roumaine contrôlée par des capitaux français.
Pierre Angot rejoignit la métropole en octobre 1940 en passant par la Turquie et le Liban, transitant donc
par Beyrouth, il arrive à Marseille avant de rejoindre Paris et va organiser le “métier pétrolier” même si on
ne fore pas beaucoup :
• parce qu’on n’a pas les outils pendant la guerre et,
• parce que le travail est désorganisé en France à cause du STO (Service du Travail Obligatoire) qui
déporte en Allemagne des jeunes ouvriers. Heureusement, beaucoup de jeunes “commingeois” étaient
souvent engagés par la Société R.A.P. pour les soustraire à cette déportation.
Arrêté par la Gestapo peu après le débarquement des alliés, déporté en Allemagne quelques jours après la
libération de Paris, il meurt d’épuisement en janvier 1945, à l’âge de 42 ans, à la mine de sel de Silésie à
Plömnitz du côté de Weimar.
Lors de l’Assemblée Générale de la Société, le 17 octobre 1945, M. André Blanchard, nouveau Président
dira : Pierre Angot était déjà suspect pour avoir participé pendant la guerre à un plan de destruction de
l’industrie pétrolière roumaine. Il a élaboré, avec d’autres ingénieurs français retenus en Roumanie, un plan
de destruction de l’industrie pétrolière roumaine qui aurait été mis en œuvre en cas d’invasion de ce pays par
43
l’Allemagne. Les Roumains demandèrent à négocier des indemnisations en compensation des dommages
qu’occasionnerait l’exécution éventuelle de ce plan. Les pourparlers avec le Gouvernement roumain étaient en
cours au moment où les Allemands envahirent la France en mai 1940 et ils s’emparèrent, à La Charité-surLoire des archives du G.Q.G français et découvrirent, hélas, le plan roumain et les noms de ses auteurs. Le
Gouvernement de Bucarest penchant du côté allemand arrêta les auteurs du plan et les expulsèrent vers la
France.
A son retour en France, il se refusa obstinément, en dépit des dangers d’une telle attitude, à signer le
contrat que la Kontinental Oel voulait conclure avec la R.A.P. pour s’immiscer dans ses entreprises. Bien que
la K.O. signe le 3 septembre un accord avec le gouvernement de Vichy, Pierre Angot a tout fait pour écarter
la K.O. des zones de Gensac où des indices avaient été trouvés. Les Allemands l’accusaient de sabotage !
“Par la suite,…, il s’ingénia pour que la nouvelle de l’occupation de Saint-Marcet réalisée par les F.F.I (Forces
Françaises de l’Intérieur) dans la nuit du 6 juin 1944, parvint le plus tard possible aux Allemands, espérant
ainsi soustraire à leurs représailles les auteurs de cette action qui appartenaient pour la plupart au personnel
de la Régie. Les Allemands n’en eurent connaissance que quelques jours après et quand ils arrivèrent à SaintMarcet, le maquis s’était volatilisé en emportant une provision d’essence. Le Commandant allemand ne pouvait
admettre que le maquis soit protégé par les dirigeants de la Régie. Alors, compte tenu de son passé et de
cette affaire du 6 juin, il fut arrêté et envoyé à Fresnes puis, quelques jours avant la libération de Paris,
dans un des derniers convois de la mort, envoyé à Buchenwald, le 15 août 1944.”
“Son intransigeance patriotique et le souci des hommes dont il avait la charge
l’auront ainsi conduit à l’un des bagnes …”.
Il repose au cimetière de Prölistz où les Américains, à leur arrivée, ont fait enterrer par les habitants, les
corps des déportés décédés.
Son fils François a travaillé à la S.N.P.A. à l’Usine de Lacq.
Georges Barthe, un “commingeois” né le 5 décembre 1914 à Labarthe de Rivière. Ingénieur des Arts et
Métiers, le lieutenant Barthe est gravement blessé à l’œil et à l’arcade sourcilière durant la bataille de
l’Aisne en 1940, fait prisonnier, emmené en Belgique puis à Berlin où il fut opéré avant d’être rapatrié en
novembre 1940. Il devient Chef de Chantiers de Jeunesse à Gabarret (Landes), puis à Bénac (Arriège) en
1943 et dans le Puy de Dôme où il préfère démissionner plutôt que de désigner un certain nombre de ses
jeunes pour les envoyer travailler en Allemagne au Service du Travail Obligatoire (STO). Revenu à la vie
civile, il est engagé à la R.A.P. en tant qu’ingénieur sur le chantier d’Aulon/Saint-Marcet. L’officier qu’il est,
est aussitôt contracté par l’Organisation de Résistance Armée (l’O.R.A.) et les parachutages s’organisent
puis, en 1944, il partira combattre avec le Corps Franc Pommiès … En avril 1945 à Stuttgart, une grenade lui
tranche la trachée artère, le médecin du Corps Franc, le Dr Tillard, de Tarbes, stoppe l’hémorragie et le
traite efficacement avec la nouvelle arme miracle : la pénicilline. Fin 1945, les combats se terminent et le
guerrier revient dans le Comminges. Dès novembre 1945, M. Maratier, le créateur de la Société Forex,
prend auprès de lui son ami du Corps Franc ; la Forex travaille alors à Saint-Gaudens pour la R.A.P. Cinq ans
plus tard, en 1949, la Forex quitte Saint-Gaudens et va s’installer à Billère, près de Pau. En 1946 il est
Directeur adjoint de la Forex à Paris, de 1970 à 1973 il sera Directeur Général de la Forex. En 1971, Forex
et Schlumberger fusionnent, l’entreprise devient gigantesque et de ce fait, n’a plus les mêmes qualités de
relations humaines : Georges démissionne.
Aussitôt, Elf le prend comme Conseiller pour le Moyen Orient …
Il s’éteindra le 11 décembre 1993.
Son fils Pierre est ingénieur chez Sanofi, son fils Dominique était Directeur du Forage chez Total.
“Georges, il ne commandait pas, on le suivait !”
(Eloge de Denise R. Couret prononcé le 28/12/1994 à l’Académie Julie Sacaze.)
Addendum : Georges Barthe a épousé Jeanne Couret sœur du Lieutenant Couret mort en sautant sur une
mine à la bataille d’Aulun. Les familles étaient très proches et Denise Couret note que c’est, sans doute en
souvenir de cet ami que le Bureau d’Assurances Couret à Galié assurera les Pétroliers de Saint-Gaudens, de
Lacq et en particulier le personnel de la Société Forex en France et sur les plateformes installées de part le
monde.
Une fois de plus Barthe avait retrouvé Couret !
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6.1.2- Les héros de la R.A.P.
Beaucoup de stèles dans la région rappellent les nombreux hauts faits de la Résistance autour de SaintMarcet.
Parmi eux, celui auquel participèrent quatre employés de la R.A.P.
Au détour du chemin, croisement des routes de Saint-Marcet, Cassagnabère, Aulon, ce furent quatre
agents de la Régie Autonome des Pétroles qui donnèrent leur vie le 8 juin 1944 : Jean Barbiéri, Fernand
Bergère, Raymond Patricio, Louis Schneider.
Ces hommes faisaient partie du maquis de Cassagnabère, unité du Corps Franc Pommiès qui s’est couvert de
gloire au moment des combats décisifs de l’été 1944.
La veille du débarquement de Normandie, la radio de Londres, avait lancé le message tant attendu “Véronèse
était un peintre…” puis “Le Père la cerise était verni…” messages qui annoncent une opération imminente,
ceux du maquis doivent se rendre à Boulogne pour prendre le petit train (aujourd’hui disparu) qui doit les
amener au maquis du Gers où va commencer l’aventure du Corps Franc Pommiès.
Une trentaine de maquisards dont certains de la R.A.P. et de la C.F.R., entassés dans deux camions, sont
arrivés le 6 juin 1944, dans la nuit, sur le chantier de Saint-Marcet pour se ravitailler. Le lendemain, sans
doute renseignés par un milicien, les Allemands cantonnés à Saint-Gaudens montèrent, au petit matin, une
embuscade sur cette route avec d’énormes moyens. Le convoi des maquisards part de Saint-Marcet à 7h30,
chargé d’hommes, de vivres, de matériel, de carburants et tombe dans l’embuscade aux alentours de 8h00.
Les 2 véhicules sont accueillis par deux cents Allemands équipés d’une automitrailleuse et de fusilsmitrailleurs.
• Dans le premier véhicule, Fernand Bergère et Barbiéri sont tués sur le coup, Patricio blessé reçoit le
coup de grâce, Schneider lance une grenade et est abattu, Léon Kleindienst blessé à une cuisse, peut
s’éloigner à la faveur de la confusion.
• La deuxième camionnette réussira à décrocher dans la forêt tout proche. La population d’Aulon vint
immédiatement recueillir les quatre tués et récupérer les blessés. Kleindienst, qui déclaré mort et
camouflé dans un tombereau, sera conduit au cimetière d’Aulon où il sera récupéré par le Dr Bergez de
Saint-Gaudens qui l’amènera à l’hôpital.
Huit jours après, les Allemands encerclaient l’hôpital pour récupérer le blessé et encore une fois,
Léon Kleindienst eut la chance d’être caché par le directeur et le personnel de l’hôpital de Saint-Gaudens.
A la Libération, les corps des agents de la R.A.P. inhumés dans la fosse commune furent exhumés et
enterrés dans le caveau construit par la R.A.P. à l’entrée du cimetière d’Aulon (la dépouille de F.Bergére
sera récupérée par sa famille en 1966).
De leur côté, les maquisards de la forêt de Cassagnabère rejoignaient en grande partie les contreforts
montagneux d’Arbas où se trouvait le maquis de “La Baderque”, dans lequel de nombreux agents de la R.A.P.,
dont M. Cauchois, ancien Directeur de la Production s’étaient enrôlés.
6.2- Je reviens d’Amérique par J.H. de Vries DG de la R.A.P.
« Notre ordre de mission ayant été demandé en novembre 1944, nous ne pûmes partir qu’en mars 1945.
Notre mission avait plusieurs buts :
• obtenir des autorités et fournisseurs américains du matériel de forage pour les sociétés françaises
engagées dans les recherches,
• se rendre compte de l’évolution des techniques américaines sur : forage, exploitation, transport et
utilisation du gaz naturel. »
A cette époque où la campagne d’Allemagne n’était pas encore entrée dans sa phase décisive, les mouvements
de bateaux étaient soigneusement dissimulés par les amirautés alliées.
Après quelques jours passés au Havre qui vivait dans les ruines, c’est le départ à 5 heures du matin après
vérification des papiers et visite médicale par un médecin américain très strict sur les nombreuses
vaccinations. Le camion nous amène aux docks flottants qui remplacent les quais détruits par les
bombardements et nous montons à bord d’un paquebot de 20 000 tonnes, autrefois réservé aux croisières de
luxe et qui maintenant, déverse de ses flancs des contingents de soldats américains. Certes des couchettes
rabattables mais, incroyable, le “Brazil” avait conservé sa salle à manger et ses stewards. Après une halte à
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Southampton pour charger des blessés, des convalescents et des permissionnaires, 56 navires, dont le nôtre,
voguent de conserve vers le sud-ouest.
Pendant 12 jours, le convoi suivit sa marche régulière sur 6 rangs et en file de 9 avec sur ses flancs les
chiens de garde, chasseurs rapides de sous-marins.
Enfin, nous arrivons à New-York où, à partir du bateau-phare d’Ambroise, à l’entrée de la rivière Hudson,
dans le chenal étroit balisé par des bouées sonores, ce fut un croisement ininterrompu de pétroliers et de
“Liberty Ships” allant en Europe alimenter un monde en armes.
L’Amérique fit, en cette période un effort considérable :
• la production de pétrole passa de 3 800 000 à 5 000 000 de barils/jour entre l’entrée en guerre des
US et le jour de la victoire finale,
• le gaz naturel est passé de 235 millions m3/jour à 315 pendant la même période soit 30 %
d’augmentation,
• au Texas, des usines de dégazolinage sont capables de traiter 15 000 000 de m3/jour soit 50 fois la
production de Peyrouzet,
• deux pipelines, l’un pour le brut, l’autre pour les produits finis, furent construits entre le Texas et
l’état de New-York. Il a fallu utiliser 645 000 tonnes d’acier pour construire les 2 400 km en 16 mois,
• gros boum sur l’essence d’aviation ; ¼ de l’essence produite aux US était réservé aux avions.
Et la mission ?
Au point de vue des techniques :
• rien de bien neuf depuis 1939 mais une évolution très marquée vers l’économie des matières et du
temps,
• la vapeur laisse de plus en plus place aux moteurs à explosion sur les installations,
• un très grand soin est apporté à l’emploi judicieux de la boue de forage,
• les trépans à molettes se généralisent même dans les formations tendres,
• les vitesses de rotation ont été augmentées et les opérations de cimentation perfectionnées,
En matière d’exploitation, grande simplification dans les appareillages d’éruption, un recours de plus en plus
marqué aux dispositifs automatiques et un développement très poussé vers la re-compression des gisements :
• soit pour conserver le gaz,
• soit pour augmenter la récupération totale de pétrole,
• soit pour reprendre des gisements abandonnés.
Au point de vue matériel, de grands progrès ont été réalisés dans la qualité des pièces d’usure telles que
chaînes, chemises et soupapes de pompes.
Du matériel a été commandé et d’autres commandes sont en instance à New-York.
(extrait du Bulletin de la R.A.P. édité par le C.E. en 1945)
6.3- Pathologie du Pétrole
L’huile de Gabian était employée par la faculté de Montpellier comme vermifuge !
Alors que l’on commence à s’apercevoir que :
• les ouvriers manipulant l’essence comme solvant, d’une façon habituelle, présentent des troubles
caractérisés,
• l’inhalation massive et brusque de vapeurs de pétrole détermine une perte de connaissance ; une
intoxication moindre est l’ivresse “pétroléïque” (vertiges, bourdonnements d’oreilles),
• les huiles de graissage manipulées par les chauffeurs, les graisseurs peuvent donner des eczémas
appelés ‘’bouton d’huile’’,
La manipulation des gas-oils donne des maux de têtes et des craquelures de la peau.
Heureusement, les femmes et les enfants de moins de 16 ans étant exclus des sites de production, ne sont
pas atteints par ces désagréments. En France, le décret du 16 octobre 1935 prévoit la déclaration obligatoire
des maladies causées par les huiles minérales.
(extrait du Bulletin de la R.A.P. édité par le C.E. en 1945)
46
6.4- Le chant des Pétroliers
Ce chant fait partie intégrante de la culture des agents de la R.A.P. et tous mes témoins m’ont assuré qu’il
était entonné dans beaucoup de manifestations et notamment lors de la célèbre nuit du pétrole.
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Pourquoi ce numéro « Spécial 70 ans de Saint-Marcet ? »
Quand on s’intéresse à l’épopée industrielle de Lacq et surtout lorsqu’on y a travaillé, il est impossible d’ignorer Boussens.
Pourquoi ?
Parce qu’à une époque, pas très lointaine, du temps de D.E.P.F. 1 (Direction Exploration Production France d’Elf Aquitaine
Production), certains agents partageaient leur temps de travail entre l’usine de Lacq et l’établissement de Boussens car
quelques services étaient scindés en deux. Du moins tel était le cas du service informatique/bureautique auquel
j’appartenais. Le Responsable du service informatique, Etienne Legendre (Président du SICTAME) était basé à Boussens
et je le secondais à Lacq pour la partie bureautique (je n’étais pas encore Président du SICTAME !).
A cette époque, encore une fois pas très lointaine, l’autoroute s’arrêtait à Lannemezan : le tronçon ‘’Capvern, Pinas’’ a été
ouvert en 1991 et le tronçon ’’Pinas, Lestelle de Saint-Martory, Martres-Tolosane’’ en 1996.
Donc, pour éviter la densité du trafic routier dans ces charmants villages (Labarthe, Valentine, Estancarbon,
Beauchalot, etc.) qui bordent la nationale et qui n’ont pas été bâtis pour supporter autant de roulage, j’avais coutume de
passer par Boulogne, Aurignac, pour rejoindre Boussens.
Ce faisant, passant dans le canton d’Aurignac où sont situés les villages de Saint-Marcet, Latoue, Aulon, Peyrouzet,
Proupiary, j’aimais ces noms mais j’ignorais tout de l’histoire de ceux-ci sauf pour Saint-Marcet qui gazait encore !
Arrivé à Boussens, mes collègues commingeois n’avaient de cesse de me raconter l’histoire :
¾ de l’établissement (le service était logé dans le grand bâtiment appelé ’’les grands bureaux’’) et,
¾ de cette grande société qu’était la R.A.P. et qui passait (même encore aujourd’hui) pour la bienfaitrice de la région.
Plus tard, Etienne Legendre et surtout Sylvie Gibergues (la ’’locale de l’étape’’, une amie, vraie égérie du SICTAME) m’ont
instruit, au moment du casse-croûte dans les auberges, d’une partie de l’histoire pétrolière (surtout gazière) de ce coin du
Comminges.
Et il a fallu attendre 2007 pour que les esprits, ou les consciences, se réveillent et que l’un d’entre eux s’étonne de ce que
rien, dans la région, ne rappelle son passé pétrolier. Total ayant décidé de pallier ce vide, j’ai eu l’opportunité de travailler
avec les équipes qui ont eu pour but de faire revivre tant soit peu ce passé glorieux.
Je m’y suis donc collé :
¾ parce que j’aime connaître le fonds des choses … dans le coin d’Occitanie qui m’a vu naître on dit vouloir savoir « la
racine de la raison » … (c’est plus joli en occitan, mais bon !),
¾ parce que j’ai été embauché à la S.N.P.A. née des entrailles de la R.A.P.,
¾ parce que les grands-parents du SICTAME étaient là,
¾ parce que les hommes n’ont pas beaucoup changé. Finalement, ces hommes durs à la tâche qui retournaient la terre
avec leur charrue, sont devenus ces hommes rudes à la tâche pour retourner et trouer la terre avec de drôles
d’engins,
¾ parce que l’aventure pacifique et économique de la R.A.P. dans le Comminges, est indissociable de l’aventure
guerrière sur cette terre car ces hommes qui ont trimé sur les chantiers ont, pour la plupart, combattu dans les
maquis. Il est vrai qu’avec ces synclinaux et ces anticlinaux, tout était réuni pour piéger les hydrocarbures et les
troupes d’occupation,
¾ parce que cela m’a donné l’occasion inespérée de rencontrer quelques acteurs qui, tantôt avec sérieux, tantôt avec
gouaille et souvent avec malice, m’ont fait vivre ces temps héroïques !
¾ parce que de vrais spécialistes se sont formés là, à la R.A.P. et à la FOREX et qu’ils ont contribué grandement à la
découverte et à la mise en exploitation de Lacq.
Hier, c’était la saga pétrolière, le ‘’far-west commingeois’’, aujourd’hui comme avant-hier, les cèpes poussent sur les
anciens terre-pleins supportant les derricks et les lapins gîtent dans les anciens bourbiers … la nature a repris tous ses
droits, plus rien ne rappelle l’épopée du pétrole … sauf une plaque commémorative érigée par T.E.P.F. devant la salle des
fêtes de Saint-Marcet !
Parce que les Anciens doivent revivre leur passé,
Parce que les Jeunes doivent connaître l’histoire,
Lisez, faites lire ce Cahier spécial du SICTAME.
Jean-Claude BREGAIL
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NB : D.E.P.F. est devenue Elf Aquitaine Exploration Production France en 1996/1997