Les élections contestées de 1997 au Mali

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Les élections contestées de 1997 au Mali
Les élections contestées de 1997
au Mali
MOUNTAGA TALL
Avocat, Député du Mali
Président du Congrès national d’initiative démocratique
Les élections générales organisées au Mali en 1997 (élections présidentielles et législatives) et en 1998 (élections municipales dans 19 communes sur 701) ont été très fortement contestées. L’opposition a dénoncé une fraude
massive viciant la sincérité des scrutins, boycotté les différentes élections et ne reconnaît toujours pas la légitimité
des institutions issues desdits scrutins.
Les critiques formulées portent aussi bien sur les opérations préparatoires des élections que sur le déroulement
du vote et sur les résultats. La sincérité d’un scrutin dépend, dans une très large mesure, des opérations préparatoires des élections. Dans le cas des élections générales de 1997 et de 1998 en République du Mali, ces opérations
ont été émaillées de pratiques frauduleuses qui ne pouvaient que vicier les résultats des élections.
I.– L’ABSENCE DE LISTES ÉLECTORALES
Il existe, à travers le monde, plusieurs systèmes électoraux. Si dans certains systèmes électoraux, les élections
peuvent se dérouler sans listes électorales, au Mali ces listes électorales constituent le socle de toutes les élections.
Sans liste électorale, il ne peut y avoir d’élections au Mali dans le respect de la loi électorale. Sans liste électorale fiable, il ne peut y avoir d’élection libre, régulière et sincère. Malgré ces évidences, des élections ont eu lieu
au Mali sans liste électorale.
En témoignent la non-révision des listes électorales de l’entrée en fonction du Président Alpha Omar Konaré
en 1992, aux élections générales de 1997 en violation flagrante des lois électorales. En effet, l’alinéa premier de
l’article 15 de l’ordonnance n° 91-074 P-CTST du 10 octobre 1991 portant Code électoral énonçait : « Les listes
électorales font l’objet d’une révision annuelle du 1er septembre au 31 décembre de chaque année ». Cette disposition n’a pas été appliquée jusqu’à l’adoption de la nouvelle loi électorale. La loi 97-008/AN-RM du 14 janvier
1997 portant loi électorale reprend cette disposition sans aucune modification ni rajout. Il est donc établi qu’aucune révision annuelle de liste électorale n’a eu lieu jusqu’au mois de septembre 1997, c’est-à-dire après les élections présidentielles et législatives.
Pourquoi ?
A.– Les explications du gouvernement
Elles tiennent en deux assertions :
a) l’insécurité au Nord ne permettait de faire une révision normale des listes et le retour de la paix était la préoccupation principale du gouvernement ;
b) les difficultés sociales (multiples revendications et tensions socio-politiques) ont focalisé toute l’attention
du gouvernement en ces domaines.
B.– Critiques des explications du gouvernement
Le pouvoir en place, qui évoque l’insécurité au Nord, pour justifier la non-révision annuelle des listes, est issu
d’élections préparées et réussies au plus fort du conflit du Nord. Ce conflit, qui a d’ailleurs connu une gestion
consensuelle, a constitué la préoccupation principale du gouvernement.
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Mais elle n’avait pas été et ne devrait pas être la préoccupation exclusive d’un gouvernement responsable qui
a pour mission de gérer les problèmes de la Nation.
Et, parmi ceux-ci, figurent en bonne place dans une démocratie, l’organisation d’élections libres, régulières et
démocratiques et la gestion des crises sociales et politiques. En vérité, les motivations réelles du gouvernement se
situaient ailleurs.
1. L’arrêt de la révision des listes électorales a été imposé par le Gouvernement aux administrateurs et élus locaux
qui ont pris l’initiative de réviser les listes électorales conformément à la loi.
a) La preuve : un fac similé
b) Les explications du Gouvernement
Le Gouvernement n’a jamais contesté l’authenticité du document ni sa teneur. Il a simplement motivé ces insinuations par le fait que, selon lui, la révision des listes devrait relever de la compétence de la CENI.
c) Critiques des explications
– de 1992 à 1996, la création de la CENI n’avait pas été envisagée a fortiori décidée. Comment donc lui imputer la révision des listes électorales ?
– À supposer que cela fût le cas, la révision annuelle des listes ne relève pas au terme de la loi, de la CENI en
dehors des périodes électorales.
– À sa création, le Gouvernement n’a pas imposé à la CENI de procéder à une révision annuelle des listes électorales.
d) Les motivations réelles du Gouvernement
« Oublier » de procéder à la révision annuelle des listes électorales conformément à la loi électorale, peut être
une regrettable négligence. Mais interdire la révision desdites listes procède d’une volonté caractérisée de frauder.
2. Le flou et les inconnues sur l’origine des « listes électorales » utilisées pour les élections
Puisque le gouvernement n’a pas révisé les listes électorales pendant cinq années, il se pose légalement et légitimement la question de l’origine des listes électorales utilisées. Au cours d’une motion de censure discutée à
l’Assemblée nationale et portant sur l’organisation des élections, le Premier ministre, Chef du Gouvernement, a
refusé de répondre à cette question.
Il reste alors à examiner diverses hypothèses :
a) la réutilisation de listes électorales de 1992
Cette hypothèse est à rejeter pour au moins deux raisons :
– les listes utilisées en 1997 ne coïncidaient pas avec celles de 1992 ;
– l’évolution démographique n’aurait pas alors été prise en compte alors qu’en fonction de cette donnée le
nombre des députés était passé de 116 à 147.
b) les résultats du recensement administratif de 1997
Cette seconde hypothèse est aussi à rejeter pour deux autres raisons :
– Le marché pour la confection du fichier électoral avait été passé au courant du 3ème semestre de 1997 et les
résultats étaient attendus pour le mois d’octobre. Or, les résultats du recensement ne pouvaient être disponibles qu’en décembre 1997. Donc les listes ne pouvaient être extraites d’un recensement inachevé.
– Au jour des élections présidentielles et législatives il n’existait aucun texte législatif et/ou réglementaire sanctionnant les résultats du recensement administratif de 1992.
3. Les scandales du fichier électoral informatisé
a) l’attribution du marché du fichier électoral informatisé
Sur appel d’offres, la société TATA Informatique a été déclarée adjudicataire du marché du fichier électoral
informatisé. Sur décision du ministre chargé de l’Administration Territoriale et de la Sécurité, ce marché a été
annulé et un nouvel appel d’offres lancé.
Cet appel d’offres a été « boycotté » par toutes les sociétés informatiques de Bamako qui savaient que l’adjudicataire était désigné d’avance : la société CITA informatique appartenant au beau-frère du Président Alpha Oumar
Konaré. Il en fut ainsi : CITA seul compétiteur a été déclaré adjudicataire.
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b) La mise au placard du fichier de CITA informatique
Le Directeur de CITA informatique, un ancien de la NASA, n’a pas répondu aux attentes du Pouvoir. Les
résultats de son travail furent incendiés et ses révélations instructives.
Reste toujours la question : d’où proviennent les listes électorales utilisées pour les élections législatives et
présidentielles de 1997 ?
La seule piste non explorée pourrait être les résultats de la révision exceptionnelle des listes électorales ordonnées par le Président de la CENI. Mais il faut remarquer que le problème à ce niveau demeure entier : d’où provient la liste soumise à révision exceptionnelle ? Car, avant d’être exceptionnellement révisée, une liste doit
normalement exister.
4. Les constatations de la Cour constitutionnelle
Malgré l’inexistence manifeste de listes électorales, des élections législatives ont été organisées le 13 avril
1997.
La catastrophe annoncée se produisit : La Cour constitutionnelle saisie décida d’annuler purement et simplement le scrutin sur toute l’étendue du territoire national au motif que « aucune liste électorale n’a été fournie
à la Cour pour se prononcer sur la régularité et la sincérité du premier tour des élections législatives du 13 avril
1997 ».
a) Analyse de la décision de la Cour constitutionnelle
La Haute Juridiction, malgré une demande formelle, n’a pu entrer en possession de listes électorales sans lesquelles il ne pouvait y avoir élections.
Alors, de trois choses l’une :
– la CENI n’avait effectivement pas de listes électorales ;
– la CENI n’a pas voulu fournir les listes électorales dont elle disposait ;
– la CNI n’a pu fournir les listes électorales qui seraient indisponibles. Dans tous les cas le mal est infini…
b) Conséquences des constatations de la Cour constitutionnelle
Le 25 avril il n’y avait pas de listes électorales au sens de la loi.
Était-il possible, dans le respect de la loi électorale, d’élaborer des listes électorales pour l’élection présidentielle initialement fixée au 4 mai puis finalement repoussée au 11 mai ? Une lecture attentive de la loi électorale apporte une réponse négative à cette question. En effet, les délais, parfois incompressibles, la nécessité de
préserver les droits des candidats et des partis, les voies de recours ouvertes ne permettaient pas de confectionner de nouvelles listes électorales en trois semaines (entre le 25 avril et le 11 mai 1997). Donc l’élection présidentielle s’est également faite sans liste électorale.
5. Les constatations des observateurs internationaux
Le 13 avril, les observateurs internationaux ont affirmé que « les listes électorales ne reflétaient pas la réalité
du corps électoral ».
a) Analyse de la constatation des observateurs internationaux
Ainsi les observateurs disaient essentiellement :
– des listes existaient matériellement ;
– mais elles ne reflétaient pas la réalité du corps électoral (traduction elles n’étaient pas bonnes).
b) L’embarras des observateurs
Après les élections du 13 avril 1997 annulées, les observateurs ont focalisé leur attention sur la présentation
matérielle des listes électorales. Ceux qui ont émis un avis sur les élections, ne se sont plus prononcés sur la
conformité listes électorales-corps électoral. Certains autres ont préféré se réfugier dans un silence éloquent.
Le NDI a fermé ses bureaux à Bamako et n’a jamais publié ni rapport ni avis.
En conclusion, les élections présidentielles et législatives qui se sont déroulées au Mali en 1997 ont été plus
frauduleuses que toutes les élections organisées dans la sous-région.
En effet, ailleurs, les contestations ont porté sur le déroulement du scrutin et sur le décompte des voix, toutes
choses supposant un accord sur l’élément premier d’une élection : les listes électorales.
Au Mali, il n’y avait pas de listes électorales au sens de la loi. Mais au-delà, d’autres faits contraires à la
démocratie sont à signaler.
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II.– Les manœuvres politiciennes ayant vicié le scrutin
Au Mali, le Pouvoir a usé de plusieurs stratagèmes pour faire des élections une simple formalité voire une procédure de désignation tout en veillant habilement à préserver son image démocratique. Ainsi, en mettant en place
tardivement le cadre législatif et réglementaire des élections et en dissolvant l’Assemblée nationale, Alpha Oumar
Konaré a réussi à inverser l’ordre normal des élections pour son intérêt exclusif.
La CENI, présentée comme une concession majeure à l’opposition, mais vide de son essence, a été l’instrument pour réussir le plan élaboré.
1. La mise en place tardive du cadre législatif et réglementaire pour les élections
Au-delà des accusations réciproques que s’adressent le Pouvoir et l’Opposition au Mali, un fait demeure
constant: les textes législatifs et réglementaires pour l’organisation des élections qui devaient commencer normalement en janvier 1997 ont été très tardifs. Ainsi, la loi électorale n’a été promulguée que le 14 janvier 1997 (loi
électorale n° 77 – 008/AN-RM du 14 janvier 1997) alors que le mandat des conseillers municipaux expirait en janvier et celui de députés en mars 1997.
Il ne peut être contesté que la mise en place de ce cadre relevait de la responsabilité du gouvernement et de sa
majorité parlementaire. Lesquels affirment avoir perdu du temps par souci de dialogue qui lui-même s’est instauré
très tardivement malgré les invitations précoces (dès 1997) et réitérées de certains responsables politiques.
Tout devant procéder de la loi électorale elle-même, le gouvernement a très tardivement déposé sur le bureau
de l’Assemblée nationale un premier projet de loi portant loi électorale conçu pour être rejeté par la Cour constitutionnelle en raison de dispositions manifestement contraires à la Constitution.
Pourquoi une telle manœuvre ?
Un premier rejet, suivi de la procédure législative normale d’adoption d’une seconde loi, allait entraîner obligatoirement le report de l’élection municipale qui se déroule au scrutin proportionnel. Il faut, à cet égard, rappeler qu’après les élections de 1992 et suite à des accords municipaux, l’ADEMA, le parti du Président Konaré, ne
gérait que 6 communes sur 19, contre par exemple 5 dont 3 sur 6 à Bamako au principal parti d’opposition le CNID.
Donc il fallait éviter la réédition de pareilles situations.
Ainsi prévu, ainsi fait, le gouvernement a décidé de reporter les municipales qui ne se sont finalement tenues
dans 19 communes sur 701 que le 21 juin 1998.
2. La dissolution de l’Assemblée nationale
Sans conflit entre le Parlement et l’opposition Alpha Oumar Konaré a décidé de dissoudre l’Assemblée Nationale
pour rendre intangible le délai du 13 avril 1997 décidé par le Gouvernement pour le premier tour de l’élection
législative.
Par cette manœuvre :
– il mettait un terme aux débats sur l’absence des conditions minimales pour l’organisation d’élections
crédibles ;
– créait toutes les conditions pour l’invalidation des résultats à venir ;
– il se donnait enfin les moyens d’organiser les présidentielles avant les autres élections.
3. L’inversion de l’ordre des élections
Elle a été acquise avec le report des municipales suivies de l’annulation des législatives du 13 avril 1997.
Le candidat Alpha Oumar Konaré pouvait ainsi engranger tous les avantages liés à son statut de président sortant.
Mieux, il empêchait une probable défaite de son parti aux municipales et aux législatives, ce qui aurait eu des
conséquences très négatives sur ses chances de réélection.
4. La mise en place d’une Commission Électorale Nationale Indépendante, très indépendante
Le principe de la CENI permettait au pouvoir de Bamako d’affirmer son attachement aux valeurs démocratiques et son esprit de compromis.
En vérité, la CENI qui a été finalement mise en place ne pouvait, de par sa composition et son processus décisionnel, qu’être un instrument entre les mains du gouvernement.
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La CENI était composée de :
– 16 représentants des partis politiques (8 majorité/8 opposition) ;
– 7 représentants désignés par les pouvoirs publics ;
– 7 représentants désignés par la société civile.
• Critiques
– La majorité politique en désignant directement 15 membres sur les 30 que comptait la CENI, s’était donnée
une majorité mécanique au sein de l’institution chargée de réguler de façon neutre les élections.
– Ce vice originel a été aggravé par le processus décisionnel qui prévalait au sein de la CENI où les décisions
étaient prises à la majorité simple.
– Les propositions consistant à instaurer la majorité qualifiée pour les prises de décisions ou de faire des représentants des pouvoirs publics des experts sans droit de vote, n’ont pas été acceptées.
• Le comportement de la CENI
Ainsi constituée, et ses décisions procédant d’une majorité mécanique, la CENI a posé des actes fortement
contestables viciant tout le processus électoral.
En clair, un « accord » pouvant se résumant en ceci « prends l’argent et laisse-moi le pouvoir » a été conclu.
En l’occurrence, la CENI a dilapidé 15 milliards de FCFA pour des élections qui ont coûté 2 300 000 FCFA en 1992.
III.– La fraude
1. Les constatations de la Cour constitutionnelle
Dans son arrêt EL 97-046 CCDU 25 avril 1997, la Cour, pour invalider le scrutin du 13 avril 1997, écrivait
« Considérant que sans qu’il soit nécessaire de statuer sur les requêtes présentées par les candidats et les partis politiques, la Cour ayant conformément à l’article 6 de la Constitution, constaté de nombreuses irrégularités entachant
de manière grave la régularité et la sincérité du scrutin du 13 avril 1997 doit en tirer les conséquences de droit ».
De fait, la lecture de l’arrêt permet de constater que toute la panoplie de la fraude, avait été mise en œuvre.
2. Les variations de populations dans les circonscriptions électorales
Les populations résidentes dans certaines circonscriptions ont plus que doublé en cinq années, pendant que,
dans d’autres, on observait selon les documents officiels des baisses que seules auraient pu expliquer des catastrophes naturelles qui n’ont jamais eu lieu.
Ainsi, rien que pour Bamako, le constat est le suivant :
Communes
I
II
III
IV
V
V
1992
83.074
128.028
84.479
81.210
91.449
62.992
1997
145.163
160.686
87.249
158.210
175.210
211.797
3. Les inscriptions sur les listes électorales
Les données officielles les plus récentes, en matière démographique au Mali, retiennent environ 10 000 000
d’habitants répartis entre les groupes d’âges suivants :
0 à 4 ans
5 à 9 ans
10 à 14 ans
15 à 19 ans
soit de 0 à 19 ans
18,0 % de la population
17,9 % de la population
13,9 % de la population
8,1 % de la population
58,3 % de la population.
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Ainsi les personnes âgées de 0 à 18 ans constituent environ 55 % de la population.
Or, sur les listes électorales de Bamako, sont inscrits plus de 750 000 électeurs pour une population estimée à
1 016 000 habitants, soit un taux d’inscription de près de 75 %.
Ce taux en commune IV du district de Bamako a atteint 106 % d’électeurs inscrits.
Or, le taux d’inscription au regard des chiffres officiels cités supra, ne peut dépasser 45 % de la population
totale, soit pour Bamako 450 000 à 500 000 électeurs maximum.
Ainsi, rien qu’à Bamako et de façon incontestable, circulent indûment, près de 250 000 cartes d’électeurs.
Ces cartes, qui ne sont pas perdues pour tout le monde, ont abondamment servi le parti ADEMA qui détenait,
en outre, des carnets de famille vierges.
Il devenait dès lors facile de voter plusieurs fois et le vote multiple a particulièrement caractérisé les dernières
élections au Mali.
4. Des écarts injustifiables
Si le nombre de votants peut varier suite à d’éventuelles annulations, le nombre d’inscrits est une donnée
constante pour un scrutin.
Or, en cinq jours, la CENI a dénombré 402 514 noms en trop sur les listes électorales. D’où viennent ces noms
fictifs ? En toute hypothèse, il n’est pas inutile de faire remarquer que 402 500 noms fictifs pour 1 542 229 électeurs donnent à l’avance, à ceux qui peuvent frauder, près de 25 % des voix.
Peut-on, dans ces conditions, parler d’élections ?
5. L’utilisation d’une encre frelatée au lieu d’une encre indélébile
Ce fait, unanimement reconnu par tous, a permis le vote multiple. C’est ainsi que lors des différents scrutins,
le parti au pouvoir et ses candidats ont affrété de multiples bus et mini-bus qui transportaient des « mercenaires de
vote » de bureau de vote en bureau de vote où ils votaient.
Pour faciliter cette opération, il suffisait, à l’intérieur du bus, de se rincer le doigt avec une solution embarquée
à cet effet.
6. Revue de presse
• NOUVEL HORIZON du lundi 22 juin 1998
Élections municipales : la fraude massive par les cartes d’électeurs.
« À Bozola, première étape de notre série de visites, le Président de vote n° 1, Boubacar Touré, nous confia
que le vote a effectivement commencé à partir de 8 heures dans son bureau, mais qu’au fil du temps, ils ont eu
d’énormes problèmes, surtout avec beaucoup de cartes frauduleuses qui circulent entre les mains des gens. Selon
notre interlocuteur, des cartes sont remises à des enfants dont l’âge réel n’a rien à voir avec ce qui est sur la carte
d’électeur…
Monsieur Touré estime qu’il n’y a pas d’autres problèmes majeurs, même s’il constate également que l’affluence n’est pas grande…
Des problèmes, le bureau n° 11 de Badala, en connaît également ; par exemple, selon M. Coulibaly, des gens
sont venus avec des cartes qui ne leur appartiennent pas. En la matière, le président du bureau n° 11 de Badala, dit
avoir fait son travail, c’est-à-dire saisir ces cartes et les signaler dans le procès-verbal ».
• LE MALIEN, n° 284 du 22 juin 1998
Municipales d’hier. Une simple OPA pour l’ADEMA.
« Organisées pour conforter la démocratie malienne, les Municipales qui se sont déroulées hier, dans les 19
communes urbaines du Mali, risquent d’être une simple Offre Publiques d’Achat pour l’Alliance pour la Démocratie
au Mali. En effet, le parti majoritaire a étalé au grand jour ses ambitions gargantuesques en envoyant son Président
Ibrahima Boubacar Keita, aller déstabiliser dans leurs fiefs politiques ses alliés de la CDS et du PARENA. Quand
on sait que l’ensemble de la campagne a été morose, justement faute de moyens financiers pour les autres concurrents, la grosse artillerie mise en avant par le parti de l’Abeille solitaire fait de celui-ci, le plus sérieux client pour
acheter les voix électorales par l’argent du contribuable. Si demain, l’ADEMA investissait toutes les communes
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du Pays de notre démocratie, il ne resterait qu’une simple caricature qui n’inspirerait plus personne en Afrique et
dans le monde. Ce serait la meilleure façon de conforter la conviction de ceux qui n’ont plus foi dans le système
électoral et qui avaient d’ailleurs appelé au boycott actif du scrutin d’hier. »
• LE ZENITH, n° 198 du lundi 22 juin 1998
Élections municipales de juin : les électeurs boudent les urnes.
« Sans exception, ils déplorent tous le fort taux d’abstention qui, selon eux, serait dû au manque d’engouement
faute d’enjeu (l’opposition ayant activement boycotté le processus électoral). Les opérations de vote se sont déroulées en présence d’un important dispositif de sécurité qui a certainement dissuadé d’éventuels fauteurs de trouble ».
• L’OBSERVATEUR, n° 370 du 22 juin 1998
Élections municipales : fraude massive en commune V.
« L’accusation peut paraître banale au regard des multiples scènes de fraude décriées ça et là lors des précédents scrutins. La fraude voilà le mot, une pratique à a mode chez les acteurs de la scène politique malienne. À
chacun d’ourdir son petit plan pour mettre toutes les chances de son côté.
Certains convoient les électeurs d’un quartier à un autre ou d’un bureau de vote à un autre. D’autres se spécialisent dans le vote à plusieurs reprises. Les derniers se procurent le maximum de cartes d’électeurs (on sait comment !) pour les distribuer à leur guise aux militants de leur choix. Triste constat ! Ce dimanche 21 juin, nous avons
pu faire un constat à Badalabougou rue 114 à quelques encablures de l’école fondamentale (épicentre de vote de
la commune V), là, un jeune homme, en toute impunité, distribuait à tour de bras, des cartes d’électeurs. Comment
l’intéressé s’est-il procuré ces cartes ? Après enquête, de fil en aiguille, nous avons découvert que c’est une femme
qui est au centre de cette magouille. »
• ÉLECTIONS COMMUNALES À DJICORINA-PARA
Faible affluence mais vote des « électeurs mystérieux. »
Si on constatait une faible affluence dans les bureaux de vote aux premières heures du scrutin, on a remarqué
aux environs de midi, le phénomène contraire. Une affluence « inespérée » se fit sentir. Des véhicules « SOTRAMA »
venaient déverser devant les bureaux de vote des « électeurs mystérieux ». Ils sont des centaines de femmes, de
jeunes et vieux, tous munis de leurs cartes électorales. Ces électeurs mystérieux sont visiblement venus des périphéries de la capitale, mais le doute est permis quant à la régularité de leur vote et l’authenticité des cartes qu’ils
détenaient. « Ce sont des militants qui ramassent des inconnus dans les villages pour venir voter dans la capitale »
martèle avec indignation un observateur dans un bureau de vote de Djicorino Dontémé ! »
• LE RÉPUBLICAIN, n° 336 du mardi 23 juin 1998
Élections municipales : comment les Bamakois ont voté ?
Commune III : un vote serein
« Malgré le manque d’engouement apparent des électeurs, les opérations de vote en commune III du district
de Bamako, se sont déroulées dans la plus grande tranquillité en dépit des petits problèmes »
Commune IV : les électeurs boudent les urnes
De mémoire collective, rarement un scrutin électoral est passé inaperçu comme ce fut le cas en commune IV
du district de Bamako.
D’Hamdallaye à Djikoroni, en passant par Lafiabougou et Sébénikoro, le constat était presque le même, manque
d’affluence. Partout, les urnes sont restées désespérément vides.
Commune V : le désordre dans presque tous les autres centres de la commune V ; un seul mot était sur toutes
les lèvres : fraude.
Justement, c’est ce qui a failli gâcher la belle fête électorale du 21 juin. Ici, nous avons appris la disparition de
plus de 700 cartes d’électeur. Aussi, des électeurs se sont permis toutes les pratiques malveillantes. Nous vous
livrons ici, en substance, nos constats de terrain.
Qui sont les tricheurs ?
Seuls les militants et responsables étaient restés en dehors de la cohue.
Pourtant, tout le monde les accusait d’entretenir un réseau de fraude. Les électeurs débarquaient, « SOTRAMA »
provenant du quartier Mali, de Torokorobougou et de Sabalibougou. La plupart d’entre eux détenaient des cartes volées.
Courageuse mais naïve fille.
Les élections contestées de 1997 au Mali
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Enivrées par les hommes politiques, certaines personnes se livrent à tout. Tenez une fille albinos qui a refusé
de nous décliner son identité s’est permis de voter dans 6 bureaux différents… selon certains, le sac qu’elle portait, était plein de cartes. Or nous avons appris que près de 700 cartes d’électeurs avaient disparu à la Mairie de la
Commune V.
Des enfants de 13 ans ont voté,
Des badauds aux urnes.
Il y avait des personnes qui erraient devant les bureaux de vote. En fait, ce sont ceux qui avaient perçu de
modiques sommes en échange de leur voix
Certains d’entre eux votant pour la première fois étaient donc des novices dans le « métier » des urnes.
Un gaillard, dont la moralité laissait à désirer, tenait en main une dizaine de cartes d’électeurs. Notre curiosité
nous a amené à lui demander d’où il venait. « Je viens de Sabalibougou », a-t-il répondu. Avez-vous donc voté làbas ? « Oui » répond-il naïvement. Quand nous nous sommes rendus compte de sa naïveté, nous lui avons demandé
combien de fois il devrait voter à Badalabougou.
Le jeune se met alors à compter les cartes qu’il tenait en main. – « Dix fois », dit-il. Voilà donc comment les
choses se passaient très souvent ».
• AURORE, n° 480 du 22 juin 1998
Élections municipales, la rigolade :
« Plusieurs cas de fraude ont été signalés dans les centres que nous avons visités.
Niaréla : le coordonateur du centre déplore le vol des cartes du bureau n° 25 (600 cartes qui étaient attribuées
aux fraudeurs).
Bagadadji : un candidat et ses disciples nous ont contacté avec des cartes fraudées. Dans d’autres familles avoisinantes se trouvaient d’autres cartes qui étaient distribuées à des personnes pour la circonstance. À Niaréla, une
famille située près de l’école, serait le berceau des fraudeurs. Des voitures SOTRAMA étaient à louer pour acheminer les « électeurs achetés ». Tout s’est déroulé (90 % de la fraude) dans ces trois centres…
Médina-Coura. : À Médina-Coura le même phénomène a été remarqué où on a mis en rang des jeunes pour
les acheter à 1 000 FCFA…
Mais la rigolade a été la pièce maîtresse de ces élections dans les Communes HI, W. D’une manière générale,
le constat est identique partout avec des fraudes et l’achat d’électeurs. Tout se passait comme s’il fallait seulement
en finir avec ces élections. Donc toutes les manières sont les bienvenues. Ce qui est sûr, les rires sont tombés comme
de la pluie. »
• LE SOIR DE BAMAKO, n° 425 du lundi 22 juin 1998
Élections municipales : la grande fraude.
Grande journée de vol : les partis politiques, au lieu de participer à la conscientisation des citoyens, se livrent
à cœur joie, au trafic, au vol de cartes d’électeurs…
Presque tous les partis politiques ont voté hier et chacun qualifie l’autre de voleur. C’est intéressant… »
• LE TAMBOUR, n° 999 du lundi 22 juin 1998
Scrutin communal : encore la pagaille.
« Les élections du 21 juin ont été caractérisées par une fraude massive pilotée de l’extérieur des bureaux de
vote par presque tous les partis en lice et même par des candidats indépendants.
Des « SOTRAMA » et « DOUROUNI » remplis de véritables « électeurs mercenaires » ont défilé dans presque
tous les bureaux et centres de vote. Ces « électeurs » ainsi escortés ayant des lots impressionnants de cartes d’électeurs sillonnaient les bureaux de quartier en quartier et même de commune en commune pour voter au nom des partis « commanditaires. » Des « électeurs mercenaires qui faisaient la fête de l’argent» ont eu à voter pour plusieurs
partis dans plusieurs localités différentes. Il serait intéressant de savoir comment ces « mercenaires » se procuraient
des cartes d’électeurs d’autrui… En tout état de cause, il serait très difficile d’établir à ce niveau, des responsabilités d’autant plus que presque tous les partis politiques et groupes de candidats indépendants en ont fait ailleurs. »
• INFO MATIN, n° 108 du 22 juin 1998
Communales du 21 juin : la malédiction électorale.
« Au-delà du calme et de la tranquillité, dans toutes les circonscriptions électorales, c’est la faible affluence
sinon l’indifférence totale des électeurs. Outre ce constat, unanime à plusieurs endroits, le scrutin qui a démarré
avec un retard dû à la pluie ou au manque de matériel électoral, aura été caractérisé par des irrégularités et des
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Symposium international de Bamako
fraudes massives : racolage électoral, vote de mineurs et disparition de cartes électorales ou leur cession conditionnelle à des électeurs qui acceptent de voter pour des « receleurs ». Et dire qu’on avait inculpé et traîné dans la
boue Me Mountaga Tall lors des élections législatives de 1997 pour avoir dénoncé preuve à l’appui, que les cartes
électorales étaient vendues aux plus offrants. La loi n’est-elle pas la même pour tous ou bien seuls ne doivent être
poursuivis que les militants et responsables du COPPO ? C’est trop facile pour le Président de la CENI de dire
aujourd’hui que s’il y a évasion ou disparition des cartes électorales, ce sont les partis qui en sont responsables
parce que tous siégeaient dans les commissions administratives. Les cartes étant numérotées comme par le passé,
une enquête ne devait-elle pas être ouverte contre X comme Me Tapo l’avait fait en 1997, sachant que c’est son
confrère Tall qui avait révélé l’existence de ces cartes qui circulent à Bamako ? »
• LES ÉCHOS, n° 997 du 21 juin 1998
Élections municipales du 21 juin : on a voté … en masse.
• SUD INFO, n° 93 du 22 juin 1998
Élections municipales : boycott massif, graves violences et fraudes.
Le scrutin d’hier a connu un taux record d’abstention dans la quasi-totalité des communes concernées. Il a été
aussi émaillé de nombreuses fraudes, d’actes de violence et d’affrontement entre certains concurrents en lice à
Bamako. On déplore un mort, de nombreux blessés à Ségou et aussi des arrestations.
FIASCO ÉLECTORAL. Qu’on en juge : en fin de journée électorale, le district de Bamako a plutôt vécu hier
une journée absolument ordinaire avec des populations ayant décidé de rester massivement à la maison et, en fait
d’électeurs, on a plutôt vu des groupes organisés de jeunes circulant à bord de cars SOTRAMA s’adonnant sans
vergogne au vote multiple, allant allégrement d’un centre de votre à l’autre et d’un quartier à l’autre…
Alpha Oumar Konaré et Ibrahim Boubacar Keita voulaient des élections. Ils sont désormais servis : tous les
concurrents y compris l’ADEMA, quoique celle-ci soit mieux dotée parce que se servant sans scrupule sur la bête,
ont payé ou mobilisé des jeunes, pour la plupart des enfants afin de prendre une longueur d’avance sur leurs concurrents. Le 21 juin n’a certes pas été un 13 avril bis mais il a ressemblé comme un frère jumeau au 11 mai où un
enfant d’environ 12 ans (des photos prises sur les lieux en font foi) avait pu tranquillement accomplir son « devoir
civique » dans le même bureau que le candidat Alpha Oumar Konaré.
De manière générale, il faut craindre que les Maliens ne désespèrent définitivement du système démocratique
et des vertus qu’on lui prête avec ce dernier scrutin qui lui-même couronne une série de mascarades électorales
qui ont vu l’ADEMA et ses alliés se partager les rôles suivant les règles non écrites mais invariablement respectées. Au parti au pouvoir la part du lion, aux alliés des prébendes et des sinécures.
• SUD INFO, n° 96 du 26 juin 1998
Élections municipales : l’épreuve de la fraude.
Rappelons tout d’abord que c’est la loi 97-011 du 12 février 1997 portant loi organique déterminant le nombre
de circonscriptions électorales, les conditions d’éligibilité et d’inéligibilité au Mali qui fixent dans une annexe le
nombre d’habitants des différentes communes du district de Bamako.
Dans la Commune I, ce nombre est de 145 163, de 160 686 en Commune II, 82 249 en Commune III, 158 210
en Commune IV, 175 210 en Commune V et de 211 797 en Commune VI.
Dans les mêmes circonscriptions électorales, le nombre d’inscrits est respectivement de 113 411, soit par rapport à la population, un pourcentage de 78,1 en Commune I, 106 987, soit un taux de 66 % en Commune II, 68
721 soit un pourcentage de 78,7 en Commune III, 168 671, soit un pourcentage de 106,6 en Commune IV, 113
596, soit 64 % en Commune V, 148 450, soit un pourcentage de 70 % en Commune VI. Ces chiffres sont surévalués et aberrants et, pour comprendre, il suffit de rappeler la structure de la population du Mali telle qu’elle ressort
du recensement actuellement en cours. Que dit ce recensement ?
Que les moins de 15 ans forment 46 % de la population malienne, que 67 % de cette même population ont
moins de 25 ans. Pour déterminer la tranche de la population qui a moins de 18 ans et qui ne peut donc pas voter
dès l’instant qu’il est admis d’une part que 46 % des Maliens ont moins de 15 ans et, d’autre part, que 67 % ont
moins de 25 ans. Il suffit d’établir une moyenne, laquelle donne 50 %. Comment peut-on, dans ces conditions,
avancer pour Bamako dont la population reproduit les tendances ci-dessus comme taux d’inscrits des chiffres
tels que ceux précédemment donnés et dont certains plafonnent comme les Communes I et III à plus de 70 %.
Ces différentes « technologies électorales » combinées ont ôté tout crédit aux élections qui se sont déroulées
au Mali en 1997 et 1998 et s’apparenteraient plus à une procédure de désignation qu’à une compétition électorale.
D’ailleurs, au cours d’un débat radiotélévisé, les partis politiques qui ont participé aux élections ont tous reconnu
la réalité de la fraude à large échelle.
Certains médias et observateurs ont évoqué le Consensus autour de la fraude.
Les élections contestées de 1997 au Mali
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IV.– Conséquences des élections frauduleuses et réactions de la communauté internationale
La mauvaise organisation des élections a ouvert une crise politique sans précédent dans l’histoire du Mali et
peut-être de l’Ouest africain : mort d’hommes, non-reconnaissance des institutions par l’opposition, Assemblée
nationale monocolore. Pour résoudre la crise, de nombreuses médiations nationales et internationales ont, à ce jour,
échoué.
1. Au plan national
La fraude massive qui a entaché tout le processus électoral, a conduit à la rupture de la paix sociale qui prévalait au Mali.
• Le cycle manifestation-répression
Les manifestations organisées par le Collectif des partis politiques de l’opposition au Mali ont été fortement
réprimées. De nombreux militants ont été arrêtés, torturés, condamnés. Des leaders dont 4 candidats à l’élection
présidentielle ont également été arrêtés, placés sous mandat de dépôt, déportés dans des prisons à l’intérieur du
Mali avant de bénéficier de non-lieu.
Les manifestations démocratiques ont été interdites pendant plusieurs mois. Même des journalistes, dont des
correspondants de presse internationale, ont été molestés.
Amnesty International a publié un rapport intitulé « Violation des libertés essentielles au Mali. »
• La non-reconnaissance des institutions
L’opposition malienne qui a refusé de servir de caution à des élections mal organisées n’a toujours pas reconnu
les institutions issues des élections. Ainsi la légitimité du Président Konaré est toujours contestée.
• Le retour du Parti unique de fait : l’ADEMA
– À l’Assemblée Nationale : les 147 députés à l’Assemblée nationale sont soit ADEMA (130) élus sur les listes
ADEMA (10) soit appartiennent à des partis alliés de l’ADEMA ;
– Le Président de la République « élu » avec 96 % des voix n’a rien à envier au score des dictateurs des pays
communistes.
En conséquence de ces exclusions, une profonde fracture, porteuse de tous les dangers caractérise la Nation
malienne aujourd’hui.
2. Au plan international
Après la proclamation des résultats par la Cour constitutionnelle, la communauté internationale a reconnu le
Président Alpha Oumar Konaré comme Président élu. Par la suite, de nombreuses médiations pour résoudre la
crise politique ont échoué.
• La reconnaissance d’Alpha Oumar Konaré
Malgré les réserves formulées par l’opposition, la communauté internationale s’est fondée sur l’arrêt de proclamation des résultats de l’élection présidentielle par la Cour constitutionnelle pour reconnaître l’élection d’Alpha
Oumar Konaré.
Le raisonnement tenu était le suivant : la Cour constitutionnelle étant la juridiction suprême en matière électorale, ses décisions s’imposent à tous.
Cette position de principe, parfaitement compréhensible, doit donc faire jurisprudence et s’appliquer à tous les
autres pays.
Surtout en ce qui concerne le Mali, la Cour constitutionnelle a une composition contestable et a usé de faux
pour valider l’élection de M. Alpha Oumar Konaré.
– La composition de la Cour constitutionnelle : la Haute juridiction est présidée par l’ancien Secrétaire Général
de la section ADEMA de la Commune 2. Il est secondé par l’ancien Président d’honneur de l’ADEMA-Parti,
qui était président actif de l’ADEMA-Association.
L’ADEMA est le parti du Président Konaré.
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Symposium international de Bamako
Le faux de la Cour constitutionnelle :
La validation, le samedi 24 mai, par la Cour constitutionnelle, des résultats du scrutin du 11 mai est assez troublante. En effet, par un arrêt du 25 avril, cette même Cour avait annulé les élections du 13 avril au motif fondamental d’absence des listes électorales. Le Collectif des Partis politiques de l’opposition avait déposé un recours
en annulation du décret présidentiel convoquant le collège électoral pour le scrutin du 11 mai, d’une part, pour non
conformité aux délais constitutionnels et, d’autre part, pour non fiabilité des listes électorales. La Cour constitutionnelle a rejeté ce recours au motif que les délais étaient respectés et que l’appréciation de la validité des listes
électorales relevaient de la compétence d’une autre juridiction. Cette juridiction saisie immédiatement par le
Collectif des Partis politique de l’opposition, n’a toujours pas statué sur la validité des listes électorales qui, aux
termes mêmes de l’arrêt de la Cour constitutionnelle en date du 25 avril n’avait pu être produite par la CENI.
Curieusement, l’arrêt par lequel la Cour constitutionnelle proclame les résultats de l’élection du 11 mai, ne fait
nullement allusion à la validité des listes électorales. En effet, comment comprendre que la proclamation du 24
mai 1997 par la Cour constitutionnelle ne fait aucune mention des listes électorales alors que, cette même Cour,
par lettre n° 002/P-CCM en date du 19 avril 1997, avait réclamé à la CENI les listes électorales avant de rendre
son arrêt n° CC-EL 97046 du 25 avril 1997. Elle avait, à l’époque, indiqué qu’aucune liste électorale n’a été fournie à la Cour pour se prononcer sur la régularité du 1er tour des élections législatives. On peut légitimement se
demander sur quelle base la Cour a validé l’élection de M. Alpha Oumar Konaré.
Plus grave, cette proclamation comporte de fausses énonciations : le premier considérant de la proclamation
est ainsi libellé : « Considérant que par proclamation en date du 7 avril 1997, la Cour a arrêté la liste des candidats
à l’élection présidentielle (scrutin du 11 mai 1997) de MM. ……. ». Or, la Cour constitutionnelle n’a jamais arrêté
de listes de candidats pour le scrutin du 11 mai 1997. La seule proclamation de la liste des candidats à l’élection
du Président de la République date du 7 avril 1997 et concernait le scrutin du 4 mai 1997.
Ce fait est constant et d’ailleurs, à la date du 7 avril 1997, aucun scrutin n’était prévu pour le 11 mai. Comment
faire une proclamation pour cette date ? Mais sans ce faux manifeste, il ne pourrait y avoir de validation de l’élection d’Alpha Oumar Konaré. Un faux manifeste d’une Cour constitutionnelle ! Que reste-t-il ?
Enfin, il ressort clairement que la proclamation du 24 mai 1997 est en contradiction flagrante avec l’arrêt CC
EL 97043 du 11 avril 1997 qui déclare M. Abdoulaye Sogoba Konate « forclos pour le dépôt de sa candidature à
l’élection du Président de la République de 1997 ». Il faut savoir que pour un dossier déposé le 9 avril, M. Konate
n’était pas forclos pour le 11 mai. Et il n’a pu compétir.
Il n’y a pas de doute : même reconnu Alpha Oumar Konaré est mal élu et le Mali traverse une réelle crise politique. Pour la juguler, de nombreuses médiations – demandes de renseignements, marques d’intérêt – ont été constatées. Elles ont émané de M. Jimmy Carter, ancien Président des États-Unis, M. Lionel Jospin, Premier ministre
français et M. Pierre Mauroy, ancien Premier ministre français.