Le militantisme au R.P.R.

Transcription

Le militantisme au R.P.R.
1
INSTITUT D’ETUDES POLITIQUES DE PARIS
CYCLE SUPERIEUR D’ETUDES POLITIQUES
Le militantisme au R.P.R.
(dans quatre circonscriptions parisiennes)
Contribution à l’analyse générale du militantisme politique.
Xavier JARDIN
Mémoire présenté pour le
DEA Etudes politiques
Sous la direction de
M. Jean CHARLOT
Septembre 1994
2
« - Pourquoi milites-tu ?
- Moi ? Allez. Quelle question ! (...) A un moment
donné, je l’ai décidé pour quelque chose, et je n’ai
pas eu de motifs suffisants pour changer d’avis. (...)
Mais dis-moi, ne sois pas si sournois : tu te
promènes parmi les gens de la base avec cette petite
question et tu les enfonces, les mecs. C’est comme
demander ce que c’est qu’une table ».
Manuel Vazquez MONTALBAN1
1
Manuel Vazquez MONTALBAN. Meurtre au comité central. Paris : Seuil, 1987. Souligné par nous.
3
INTRODUCTION
A la recherche du militantisme politique
4
Qu’est ce que le militantisme politique ?
Il est vrai que s’interroger de la sorte sur le militantisme politique, comme sur toute
autre pratique sociale ou politique, c’est bien comme de se demander ce qu’est une table. Le
chercheur en science politique, par la démarche d’élucidation qui est la sienne, pose aux
acteurs des questions souvent bien naïves et semble, à plaisir, complexifier des choses qui
paraissent si simples, naturelles, et évidentes à ceux-ci. Pourtant, les questions doivent être
posées, les définitions établies, la recherche effectuée, car rien n’est aussi simple que cela, et
les pratiques les plus naturelles pour les acteurs constituent, en définitive, des construits
sociaux et historiques complexes. Si comprendre et expliquer les pratiques dites politiques
constituent l’objectif principal de la recherche en science politique, alors il n’existe aucune
question naïve, et se demander ce qu’est une table même devient légitime. La connaissance
d’un objet particulier n’est pas immédiate ; elle passe par une série de présentations, de
représentations : des mots et des définitions. Les définitions scientifiques utilisent des
concepts, forme la plus abstraite de la connaissance, mais qui, parce qu’ils visent à
systématiser, on un but beaucoup plus large que la simple connaissance. Or, les concepts
n’échappent pas à la règle : ce sont eux aussi des objets construits, produits pour rendre
compte d’une réalité observée. Les mots ne sont pas la chose nommée. Et, bien souvent, le
concept renvoie à une réalité plurielle, multiforme. Ainsi, interroger scientifiquement la
réalité, c’est avant tout clarifier les concepts.
Le concept de militantisme fait sans aucun doute partie de ces concepts polysémiques,
faisant l’objet d’investissements sociaux et politiques différenciés : chaque parti politique,
chaque syndicat, chaque militant propose une définition du militantisme. D’autre part, la
diversité des définitions scientifiques du phénomène militant renforce l’impression de flou qui
5
flotte autour des concepts proposés pour rendre compte de ce phénomène. Il est étonnant de
constater que la science politique est incapable à l’heure actuelle de définir avec précision ce
qu’est un militant. Comme le signale M. OFFERLE « l’on sait, en effet que parmi les
adhérents a été socialement construite une catégorie « d’adhérents actifs » qui se
reconnaissent et sont reconnus par les autres comme militants. Faut-il dès lors entériner le
classement social spontané (« je milite au PS », « c’est un militant ») ou au contraire établir
objectivement des indicateurs de militantisme (assistance au réunions, activisme partisan,
temps consacré au parti, paiement régulier des cotisations...). Faut-il séparer les militants des
responsables ? Faut-il séparer le militant de l’élu en estimant que leurs rôles sont
contradictoires, et qu’un élu, même non professionnalisé, n’est déjà plus un militant ? »2.
Or, le problème de la définition du militantisme politique est l’enjeu principal de cette
recherche. Nous chercherons, en utilisant la méthode d’analyse des concepts en sciences
sociales proposée par G. SARTORI3, à clarifier le concept de militantisme afin d’en proposer
une formulation sans équivoque ni imprécision et qui puisse rendre compte de toutes les
dimensions de la réalité militante. Enfin, il s’agira de confronter le modèle théorique auquel
nous aboutirons à une certaine forme de pratique militante, en l’occurrence celle qui se
développe au sein du RPR dans le contexte parisien.
Ainsi ce mémoire présente une dualité. Mais, cette dualité de pure forme permet, nous
semble-t-il, de rendre le mieux compte de notre démarche : partir d’abord de la réalité telle
qu’elle se laisse appréhender en sciences sociales, par des mots, des représentations, clarifier
ensuite les définitions existante et en déduire une conceptualisation épurée, confronter, pour
finir, cette conceptualisation à l’épreuve des faits.
Pourquoi le Rassemblement pour la République ?
Un double constat préside au choix du mouvement gaulliste pour opérationnaliser
notre modèle. D’une part, le RPR est la seule formation de la droite modérée à présenter une
base militante importante et qui semble, par ailleurs, avoir échappé à ce qu’il est convenu
d’appeler la crise du militantisme. La grande majorité des commentateurs constate, en effet,
un déclin quantitatif important dans les années quatre-vingt du militantisme politique. Les
2
3
Michel OFFERLE. Les partis politiques. Paris : PUF, 1987, p.72.
Giovanni SARTORI (ed.). Social Science Concepts : a systematic analysis. Beverly Hills : Sage, 1984, 455 p.
6
partis qui, traditionnellement en France, ne connaissent pas des effectifs très élevés, les voient
encore diminuer. Or ce déclin touche de façon différenciée les formations de gauche et celles
de droite. Ce sont surtout ces premières, PS et PCF, qui, sous l’effet, d’une part, des
désillusions entraînées par le passage au pouvoir des socialistes et, de l’autre, de la crise
internationale du communisme, sont les plus touchées par le déclin du militantisme. A droite
au contraire cette crise est moins ou pas du tout ressentie. Le RPR, au début des années
quatre-vingt-dix, est fort de près de 200 000 adhérents. Il constitue aujourd’hui l’une des
principales forces militantes sur l’échiquier politique français. Or l’existence d’une véritable
base militante, mais aussi de symboles et d’activités appartenant traditionnellement à une
culture de gauche, en justifie, à nos yeux, l’étude. Nous chercherons donc à déterminer
quelles sont les formes spécifiques que revêt le militantisme au RPR.
Le second constat concerne la faiblesse des études empiriques sur la question du
militantisme au RPR, liée, en fait, à celle, plus générale, des études sur les formations de la
droite modérée. Avant 1981, le militantisme est évoqué dans des monographies générales sur
les mouvements gaullistes4 et un seul ouvrage aborde la question de la spécificité de ce
phénomène par rapport au militantisme communiste et socialiste5. Après 1981, il est possible
de recenser plusieurs travaux sur le RPR, concernant soit les adhérents6, soit un type
particulier de militants, les « cadres »7 du mouvement. Mais force est de constater l’absence
d’enquête, au niveau national, sur les militants de base du RPR.
Or, la prédominance des études sur le militantisme à gauche, conséquence de cette
absence, a eu pour effet d’imposer une certaine définition du militantisme, inappropriée dans
le cas des formations de droite, et plus particulièrement gaullistes. La définition du militant
comme d’un activiste, dévoué corps et âme à son parti, relève de la mystique communiste et
ne fait pas sens dans le contexte des partis de droite. Cela justifie, à nouveau, le travail de
clarification du concept de militantisme que nous nous proposons d’effectuer, tant il est vrai
que celui-ci est chargée de connotations et d’équivoque. Etudier le militantisme au RPR, c’est
4
Jean CHARLOT. L’UNR. Etude du pouvoir au sein d’un parti politique. Paris : Armand Colin, 1967. - Pierre
AVRIL. UDR et gaullistes. Paris : PUF, 1971.
5
Jacques LAGROYE et al. Les militants politiques dans trois partis français (PC, PS et UDR). Paris : PEDONE,
1976
6
Eric NEVEU. « Sociologie des adhérents gaullistes ». Pouvoirs, 28,1984. - Patrick LECOMTE. « Comment
viennent-ils à la politique ? L’engagement des nouvelles recrues du RPR ». Revue Française de Science
Politique, 39(5), oct. 1989.
7
Pierre BRECHON, Jacques DERVILLE, Patrick LECOMTE. Les cadres du RPR. Paris: Economica, 1987.
7
s’intéresser à une autre forme de militantisme dont seul un concept retravaillé est capable de
rendre compte.
Ainsi, il est nécessaire de s’attacher d’abord à l’analyse du concept de militantisme
selon la méthode de G. SARTORI, en s’attachant, en premier lieu, aux termes mêmes utilisés
pour qualifier le concept, puis, ensuite, aux définitions scientifiques, théoriques et empiriques,
proposées par les politistes (première partie).
Nous tenterons alors de confronter le modèle interprétatif issu de la reconstruction
conceptuelle effectuée au cas pratique du RPR dans la capitale. Nous chercherons à
déterminer les formes que revêt le militantisme gaulliste dans ce contexte (seconde partie).
8
PREMIERE PARTIE
Le concept de militantisme
9
La recherche en sciences sociales, et tout particulièrement en science politique, pose le
problème fondamental de la maîtrise des concepts. Force est de constater que bien souvent les
concepts utilisés par les politistes sont flous ou pour le moins ambigus. Le concept de
militantisme, ainsi que tous ceux qui lui sont liés (militants, militer...), n’échappe
malheureusement pas à ce constat. Il renvoie dans la réalité sociale à plusieurs phénomènes
donc forcement à plusieurs définitions. Car, comme tout concept, il a une histoire et s’est
enrichit de connotations plurielles. Or, pour être opérationnel, c’est-à-dire pour permettre de
poser à cette même réalité des questions pertinentes de « façon à maximiser leur utilité
scientifique et leur valeur cumulative »8, un concept doit être parfaitement défini. Autrement
dit, il convient de supprimer toute l’ambiguïté inhérente au vocabulaire utilisé et qui empêche
une claire compréhension des termes et partant de la réalité étudiée.
Pour tenter de définir le concept de militantisme nous nous inspirerons de la méthode
d’analyse des concepts en sciences sociales proposée par G. SARTORI9. Cette méthode
semble particulièrement appropriée pour clarifier les principaux concepts utilisés en science
politique. G. SARTORI énonce dix règles qui peuvent être ramenées à trois principales étapes
8
David E. APTER. Some conceptual approaches to the study of modernization. Englewood Cliffs, Prentice
Hall, 1968, p.17. cité par Alfred GROSSER. L’explication politique. Paris : Armand Colin, 1972, p. 21.
9
Giovanni SARTORI. « Guidelines for concept analysis ». in G. SARTORI (ed.). Social Science Concepts : a
systematic analysis. Beverly Hills : Sage, 1984.
10
de l’analyse des concepts. Il convient en premier lieu de s’attacher au terme même qui
désigne le concept : analyser l’histoire du mot, sa genèse dans le langage commun, ses
différents sens successifs ; analyser le champ sémantique dans lequel ce terme s’insère ;
analyser, enfin, les différents contextes dans lequel il est utilisé. Cette première étape doit
permettre un recensement préalable des caractéristiques propres à ce concept. La seconde
étape nécessite de s’attacher à la littérature scientifique où le concept étudié est mobilisé :
recenser les théories qui utilisent ce concept et analyser les définitions qui en sont données ;
analyser ensuite les définitions opérationnelles, celles qui supposent la possibilité d’une
opération de mesure.
Enfin, la troisième et dernière étape constitue un essai de reconceptualisation, c’est-àdire la mise en évidence de toutes les propriétés inhérentes au concept qui ne doit plus être à
présent ni flou ni ambigu mais parfaitement défini.
Ainsi il semble nécessaire d’effectuer un tel travail en ce qui concerne le concept de
militantisme dans la mesure où celui-ci est insuffisamment défini dans les travaux de science
politique. Dans un premier temps, nous analyserons le terme même de militantisme : sa
genèse, son histoire, son champ lexical et ses contextes d’utilisation (ch. 1). Ensuite, il
conviendra de recenser les définitions théoriques du concept qui existent dans la littérature de
science politique (ch. 2). Enfin, nous nous attacherons à analyser les définitions
opérationnelles
du
concept
reconceptualisation possible.
de
militantisme
(ch.
3)
avant
d’en
proposer
une
11
CHAPITRE 1
Analyse sémantique du terme ‘militantisme’
12
« Tout effort scientifique exige sans doute un
vocabulaire. Mais tout vocabulaire n’est pas signe
de science. Le jargon n’est inévitable que lorsque
tout a été fait pour l’éviter. »
Alfred GROSSER10
La clarification du concept de militantisme suppose au préalable une analyse précise
du terme même de « militantisme » ainsi que des différents mots qui lui sont liés :
« militant », « militer », voire « militance ». L’analyse sémantique entend partir du mot même
qui désigne l’idée et constitue le concept, mot qui opère une coupure dans la réalité, afin d’en
rechercher une signification cohérente. Une telle analyse suppose, d’une part, de retracer
précisément la genèse du terme car l’origine d’un mot renseigne sur le sens qu’il porte de nos
jours et sur son histoire pour repérer les changements qu’il a pu subir. Elle réclame, par
ailleurs, une étude lexicale devant mettre en évidence les liens entretenus entre le terme de
« militantisme » et d’autres plus ou moins équivalents et synonymes ainsi que les principales
caractéristiques qui lui sont communément attachées. Enfin, l’étude des différents contextes
d’utilisation du terme devrait nous amener à en proposer une définition provisoire dans son
acception politique et plus particulièrement partisane.
1) La genèse du terme ‘militantisme’ :
Dans la langue française contemporaine, quatre termes différents renvoient au concept
de militantisme : celui de militant qui est à la fois un substantif et un adjectif, le verbe militer,
le terme militantisme lui-même et celui synonyme de militance. L’origine étymologique de
10
Alfred GROSSER. Op. cit., p.8.
13
tous ces mots est latine et renvoie au vocabulaire guerrier : militare signifie combattre,
participer à une guerre, militia milice et miles, -itis soldat.
Historiquement, l’adjectif « militant », employé uniquement au féminin singulier,
apparaît le premier en français. Le tout premier usage du terme date de 1420 et relève du
vocabulaire théologique. Il signifie « qui appartient à la milice du Christ »11. Sous cette forme
le terme s’impose pour qualifier l’Eglise catholique « militante », c’est-à-dire l’Eglise qui
rassemble tous les fidèles sur terre, par opposition à l’Eglise « souffrante », les âmes du
purgatoire, et l’Eglise « triomphante », les âmes qui sont au Ciel. Jusqu’en 1835 le terme « ne
s’emploie que dans cette locution : Eglise Militante »12.
Vers 1835, l’adjectif se laïcise et devient un synonyme pour « combattant »,
« agressif » suivant en cela son origine latine. Il sert à qualifier toute personne « qui prône
l’action directe, le combat »13. Le terme de militant qui conserve sa forme d’adjectif, et qu’on
peut désormais rencontrer sous une forme masculine, s’utilise pour caractériser des notions
(comme « doctrine » ou « politique ») ou des collectifs (telle que « classe ») abstraits. En
aucun cas il ne sert à définir les membres d’une organisation politique14. Au même moment,
le verbe « militer » qui, depuis le XVIIème siècle, s’entend au figuré (militer pour ou contre
c’est-à-dire « constituer une raison, un argument pour ou contre »15) s’applique aux personnes
et signifie : « agir, lutter avec violence pour ou contre une cause »16.
Le substantif « militant » apparaît quant à lui dans les dernières années du XIXème
siècle. Sous l’influence des théories marxiste et léniniste et du syndicalisme révolutionnaire, il
sert à qualifier le révolutionnaire, l’activiste professionnel qui doit constituer l’avant-garde de
la classe prolétarienne.
Par ailleurs, le contexte politique français des vingt dernières années du XIXème
siècle est propice à une telle évolution du sens de ce terme. En effet, en 1881 une loi sur la
liberté de réunion supprime l’obligation d’une autorisation préalable, la même année la liberté
de la presse est assurée et en 1884 est votée la loi Waldeck-Rousseau qui autorise la création
des syndicats. Enfin, en 1901 la loi sur les associations suscite la création des premiers partis
11
Dictionnaire Etymologique de la Langue Française. Paris : PUF, 1975.
Dictionnaire de l’Académie Française. Paris : Académie Française, 1835.
13
C’est le deuxième sens retenu par Le Petit Robert. Paris : Dictionnaires le Robert, 1989.
14
A ce sujet cf. Jean DUBOIS. Le Vocabulaire Politique et Social en France de 1869 à 1872. Paris : Larousse,
1962.
15
Le Petit Robert. Op. cit.
12
14
politiques dignes de ce nom en France (en 1901, le Parti Radical et Radical-Socialiste ; en
1905, la SFIO ; en 1920, le futur PCF). Ainsi les conditions favorables à l’action politique
organisée et démocratique sont mises en place.
C’est ainsi que dans les années trente, le terme « militant » perd sa connotation
spécifiquement révolutionnaire. Il s’applique désormais à tout membre d’une organisation, à
celui qui défend activement une cause quelle qu’elle soit. Il devient synonyme de « partisan »
sans pour autant signifier une appartenance politique. On peut ainsi parler de militants
ouvriers ou chrétiens aussi bien que de militants communistes ou socialistes. En 1938 apparaît
le néologisme « militance »17 qui sert à qualifier l’activité des militants : il n’aura pourtant pas
de postérité, aucun dictionnaire usuel ne l’indiquant plus aujourd’hui. On peut toutefois
remarquer que certains auteurs18 l’utilisent pourtant mais apparemment comme synonyme de
militantisme.
Après la seconde guerre mondiale, le substantif « militant » se spécialise et désigne
ceux qui dans un parti politique ou un syndicat luttent pour une cause à laquelle ils adhèrent.
M. GILL19 étudiant le vocabulaire politique employé lors des élections législatives de 1967
constate en effet que ce terme s’emploie dans ce sens : « militants UNR », « militants PSU ».
Ce n’est qu’en 1963 qu’apparaît le terme « militantisme » qui peut se définir comme
« l’attitude de ceux qui militent dans une organisation »20. « Militer » signifie simplement
alors « être un militant de parti, de syndicat »21.Enfin, la boucle est bouclée avec la définition
contemporaine du « militant » qui caractérise tous « ceux qui, dans un parti, n’ont pas de titre
ou de responsabilité particulière dans la hiérarchie (opposé à l’appareil, l’état-major) »22. Il
est fréquent dans cette acception de préciser qu’un militant est un « militant de base ».
Au terme de cette présentation de l’évolution des termes renvoyant au concept de
militantisme, il convient de souligner combien elle est le fruit d’un contexte culturel et
historique particulier. En effet, ce mouvement de spécialisation du sens des termes correspond
d’une part à un mouvement de laïcisation et d’autre part à un mouvement de démocratisation
16
ibid.
Dictionnaire Etymologique et Historique du Français. Paris : Larousse, 1993.
18
par exemple : Daniel MOTHE. Le métier de militant. Paris : Seuil, 1973. ou Yves BOURDET. Qu’est-ce qui
fait courir les militants ? Paris : Stock, 1976.
19
Marilyn GILL. Recherche sur le Vocabulaire Politique en Français Contemporain : étude des élections
législatives de 02/03/1967. Besançon : thèse pour le doctorat de 3ème cycle, 1970. (particulièrement le Tome 3
p. 270-272.)
20
Le Petit Robert. Op. cit.
21
ibid.
22
ibid.
17
15
qui tous deux caractérisent l’évolution de la politique française depuis le XIXème siècle. Petit
à petit, la notion de militantisme s’impose pour désigner l’une des réalités de la politique en
France : l’action politique à la base.
Cependant l’analyse de la genèse du terme est insuffisante, car pour rendre compte des
principales caractéristiques que le concept de militantisme recouvre, il convient d’en faire une
analyse spécifiquement lexicale.
2) Analyse lexicale du terme « militantisme » :
L’analyse lexicale consistera ici, à partir des définitions communes des trois termes
« militer », « militant » et « militantisme », à rechercher les mots qui dans la langue française
en sont plus ou moins proches, plus ou moins synonymes, afin de les organiser en un champ
lexical structuré.
A l’issue de l’évolution rappelée précédemment, nous sommes parvenus à une
définition du militant entendu comme toute personne qui agit, ou lutte pour ou contre une
cause, dans une organisation (parti ou syndicat) sans avoir au sein même de cette organisation
de responsabilités particulières. A partir de cette définition provisoire il est possible de
retrouver et d’organiser l’ensemble des termes qui correspondent aux caractéristiques
contenues dans celle-ci.
Tout d’abord, cette définition suppose qu’un militant est un « actif », c’est-à-dire
« une personne qui aime à agir, à se dépenser en travaux, en entreprises »23. Mais cet élément
est insuffisant pour caractériser un militant politique, car celui-ci est aussi un « partisan »,
« une personne attachée, dévouée à quelqu’un, à un parti ».
Cette caractéristique de l’attachement partisan renvoie de façon implicite au caractère
librement choisi, intentionnel voire dévoué du militantisme. Or cette idée est rendue en
français par deux termes souvent utilisés pour qualifier les militants : « bénévoles » et
« volontaires ». Un bénévole est une « personne qui accomplit un travail gratuitement et sans
y être obligé » tandis qu’un volontaire peut être défini comme toute « personne qui offre ses
services par simple dévouement ».
23
Les définitions des différents termes proposés ici sont toutes tirées du Petit Robert. Paris : 1989.
16
Par ailleurs, notre définition initiale contient explicitement la notion d’appartenance à
une organisation. Un militant est ainsi un « membre », un « adhérent » d’une quelconque
organisation, il est « engagé » dans une action collective qui le dépasse en tant que simple
individu. Un « membre » est bien entendu toute « personne qui fait nommément parti d’un
corps » ; ce qui suppose d’être aussi un « adhérent » c’est-à-dire à la fois une personne qui
s’inscrit volontairement dans une organisation et une personne qui partage les mêmes valeurs
que celles défendues par cette organisation. Donc un militant se défini aussi comme un
« engagé » ou autrement dit le défenseur d’une cause, ou parfois encore comme un
« activiste », c’est-à-dire le partisan d’une action plus ou moins violente menée pour la
défense de la cause.
De façon identique, il est possible d’associer au verbe « militer » les formes verbales
des substantifs qui ont été distingués précédemment (quand ils en connaissent) :
« s’engager », « agir », « adhérer ». On peut toutefois ajouter à cette liste le verbe
« participer », c’est-à-dire « prendre part à quelque chose, collaborer, se joindre à ». De plus,
le verbe « militer » possède d’après son étymologie latine une connotation guerrière,
connotation que l’on retrouve dans la définition préalablement retenue. On peut donc en toute
logique lui associer le verbe « lutter », c’est-à-dire « mener une action énergique pour ou
contre quelque chose » et « combattre », « mener un combat pour ou contre quelque chose ».
Enfin, le terme même de « militantisme » peut être relié aux termes suivants dérivés
des formes verbales et des substantifs énoncés précédemment : « activité », « activisme »,
« adhésion », « participation », « bénévolat », « volontariat », « engagement », « lutte » et
« combat ». Il convient toutefois de souligner que le terme de militantisme ne peut être
exclusivement défini par l’un ou l’autre de ces termes, mais qu’il les contient tous dans au
moins l’une de leurs acceptions. Il est ainsi possible de les classer en trois groupes distincts se
référant chacun à une propriété contenue dans le terme « militantisme » et donc recouvrant
une partie de la réalité que le concept entend décrire.
Le premier groupe de termes renvoie à une définition du militantisme entendu comme
une activité organisée : « activité » (et ses compléments « actif », « agir »), « participation »
(« participant », « participer »), « adhésion » (« adhérent », « adhérer »), « membre »,
« partisan ». Tous ces termes supposent l’existence d’une organisation à la base de l’activité
17
militante ; ils constituent l’un des trois pôles structurant du champ lexical du terme
« militantisme », le pôle de l’organisation (le pôle O.).
Un deuxième groupe de termes souligne l’aspect intentionnel du militantisme :
« bénévolat » (« bénévole »), « volontariat » (« volontaire »), « adhésion » (au sens
d’inscription). Ils marquent tous la nécessité d’une initiative individuelle pour militer, le
caractère dévoué, gratuit et désintéressé de l’activité militante. Ils définissent un second pôle
qu’on pourrait qualifier d’individuel (le pôle I.).
Pour finir, un dernier ensemble de termes semble définir une troisième caractéristique
du militantisme, à savoir la concurrence et l’opposition : « activisme » (« activiste »),
« engagement » (« engagé », « s’engager »), « lutte » (« lutter »), « combat » (« combattre »),
« partisan », « volontaire », « adhésion » (au sens de se déclarer d’accord avec). Tous ces
termes sous-entendent la notion de conflictualité, c’est-à-dire l’opposition contre et
l’engagement pour quelque chose. Ainsi est définit le pôle du conflit (le pôle C.).
Certains de ces termes ont du être classés dans deux pôles simultanément. C’est le cas
d’« adhésion », au sens d’assentiment pour une cause, qui relève à la fois du pôle O. dans la
mesure où l’organisation structure l’action menée pour la défense de cette cause, et du pôle C.
car « adhérer » à une cause suppose se « battre pour » elle, voire « lutter » contre les tenants
d’autres causes. De même pour le terme « partisan ». « Volontaire » quant à lui appartient à la
fois au pôle I., car au sens d’« engagé volontaire » il suppose un choix individuel, et au pôle
C. car, tout comme « adhésion » (au sens d’accord), il suppose implicitement une opposition.
Enfin « adhésion », au sens d’inscription, relève du pôle I. car une intention, un choix
individuel la commande, et du pôle O. car l’organisation la réclame.
Cette analyse lexicale permet donc de dire que pour le sens commun, le militantisme
se définit essentiellement par la conjonction de trois propriétés : c’est une activité organisée,
non obligatoire, dépendante de l’intention des acteurs et supposant le conflit, la lutte. Le
schéma du champ lexical du terme « militantisme » illustre cette définition (cf. schéma 1).
Cependant, il convient de distinguer différents contextes d’utilisation du terme
« militantisme » qui contribuent à en modifier le sens, tout en autorisant à porter l’attention
sur les attitudes culturelles qui en structurent l’usage dans la langue.
18
O.
activité...
participation...
membre
adhésion...
bénévolat...
adhésion...
partisan
activisme...
volontaire...
engagement...
lutte... combat...
M
I.
C.
SCHEMA 1 : Champ lexical du terme « militantisme ».
3) Les contextes d’utilisation du terme « militantisme » :
On appellera contextes d’utilisation d’un terme ses champs d’application dans le
langage commun. Ces contextes d’utilisation renseignent sur l’ancrage culturel et idéologique
de ce terme ainsi que sur l’évolution de son usage. En ce qui concerne le terme de
« militantisme », il est possible de distinguer trois contextes différents en fonction des types
d’organisation qui structurent l’activité dite « militante » : militantisme et syndicats,
militantisme et associations, militantisme et partis politiques.
D’une part, le terme de militantisme s’emploie pour désigner l’activité des membres
des syndicats. Ces derniers, dont l’apparition est antérieure, en France, à celle des partis
politiques, sont des organisations de masse qui tentent d’organiser la défense des intérêts des
travailleurs. Les « militants » syndicaux agissent donc principalement dans le cadre de l’usine
(par la grève, la manifestation, l’occupation de locaux, etc.). Cette forme de militantisme se
distingue des militantismes associatif et partisan par les buts, les objectifs et les moyens mis
en oeuvre pour les remplir. Mais dans la mesure où il s’agit bien d’une activité organisée,
volontaire et impliquant une lutte, il est d’usage d’utiliser le terme « militantisme ».
19
Cet usage reflète le poids, déjà constaté précédemment, du syndicalisme
révolutionnaire dans ce que R. MOURIAUX nomme la « valorisation française du
phénomène ‘militant’ »24. En effet, le militantisme s’ancre en France dans une culture
politique de gauche, héritière de la Révolution Française, du syndicalisme révolutionnaire et
du marxisme-léninisme, et qui se caractérise par « le primat accordé à l’action sur la
théorie »25.
En outre, le terme de « militantisme » peut s’employer pour désigner les personnes qui
participent à l’activité d’une association quelle qu’elle soit. Cependant il apparaît clairement
qu’on utilisera d’autant plus facilement ce terme que l’association dont il est question
poursuivra des objectifs proprement politiques. Par exemple, on parlera des militants de
GreenPeace ou de ceux de SOS-Racisme. Au contraire, les termes « bénévoles » et
« bénévolat », voire « volontaires », semblent plus appropriés pour désigner une activité non
spécifiquement politique, caritative, religieuse ou culturelle par exemple. Dans ce genre
d’associations, le dévouement, l’intention individuelle priment et le pôle de la conflictualité
est occulté au profit d’une activité qui se veut essentiellement consensuelle et reconnue
d’utilité publique. Autrement dit, dans le contexte associatif on n’utilisera les termes
« militantisme », « militants », « militer » que pour signifier une lutte, un combat (pour les
droits de l’homme, pour la protection de l’environnement, contre le racisme et l’extrêmedroite, etc.). Ce n’est que dans ce sens qu’il serait donc possible « d’appréhender
l’engagement associatif comme une forme de participation à la vie publique, d’action
collective et de militantisme »26 ; dans les autres cas, le terme de « militantisme » associatif
ne semble pas constituer une catégorie pertinente d’analyse.
Enfin, le terme « militantisme » appliqué aux partis politiques est d’un usage
beaucoup plus récent (1963), signe que le phénomène partisan est finalement tardivement
accepté en France. Phénomène récent, les partis politiques, au sens moderne du terme,
n’apparaissent qu’au début du XXème siècle. Le terme « parti » apparaît en France dès le
XVIème siècle mais, jusqu’au milieu du XIXème, il « ne désigne pas une organisation
politique telle que nous la connaissons maintenant avec sa hiérarchie, son bureau directeur,
24
René MOURIAUX. Document de travail sur l’étude du militantisme syndical. Paris : CEVIPOF, 1984, p. 3.
René MOURIAUX. Ibid., p. 3.
26
Martine BARTHELEMY. « Le militantisme associatif ». L’engagement politique: déclin ou mutation (préactes du colloque: 4-6/03/1992). Paris : CEVIPOV, 1993.
25
20
son comité central, et ses militants ou ses permanents ; le « parti » représente dans toute la
première partie du XIXème siècle, et encore en 1869, une « tendance », une « opinion » qui
cristallise les idées d’une classe ou d’un groupe social, plus ou moins distingué des autres »27.
Pour désigner le parti politique moderne on peut recourir aux critères définis par LA
PALOMBARA et WEINER28. Un parti est avant tout une organisation durable dont
l’espérance de vie dépasse celle de ses dirigeants ; elle suppose, par ailleurs, l’existence d’une
organisation locale qui entretient des relations avec l’échelon national, la volonté de prendre
et d’exercer le pouvoir, et, enfin, le souci de chercher des soutiens à travers le processus
électoral ou de toute autre manière. Les militants des partis politiques, quand ceux-ci en
connaissent, participent à ces objectifs en investissant essentiellement leur activité sur la
scène électorale (participation aux campagnes électorales, « tractage », « boitage », affichage,
réunions publiques, etc.). Le terme militantisme s’impose pour qualifier ce type d’activité car
il s’agit bien ici d’une activité organisée, volontaire et impliquant sinon une lutte, au moins
une concurrence entre les différents partis. On parlera donc de « militantisme partisan » (ou
politique) pour qualifier toute activité organisée par un parti à laquelle on prend
volontairement part et qui s’inscrit dans l’opposition des formations partisanes pour la
conquête de positions de pouvoir. Cette acception du terme suppose un dépassement de la
référence culturelle et idéologique de gauche, pour désigner plus largement des pratiques qui
se développent dans des organisations partisanes de droite.
Ainsi appliqué à différents contextes d’utilisation, le terme « militantisme » se charge
de connotations variées. Selon la nature de l’organisation, les objectifs revendiqués par celleci et les moyens mis en oeuvre pour les promouvoir, le militantisme change de forme. Mais
toujours restent présents les trois éléments irréductibles que sont (1) l’organisation, (2)
l’intention individuelle et (3) le conflit.
Cependant, une étude sur le militantisme partisan, telle que nous l’envisageons,
nécessite de dépasser le simple sens commun et de rechercher quelles sont les définitions
scientifiques proposées dans la littérature de science politique. Il convient donc à présent
d’étudier les définitions théoriques et empiriques du militantisme proposées par la science
politique française.
27
Jean DUBOIS. Le Vocabulaire Politique et Social en France de 1869 à 1872. Paris : Larousse, 1962.
Joseph LA PALOMBARA, Myron WEINER (ed.). Political Parties and Political Development. Princeton :
Princeton University Press, 1966.
28
21
CHAPITRE 2
Les définitions théoriques du militantisme
22
« Toute conceptualisation est théorisation. Toute
théorie suppose un outillage conceptuel qui permet
de définir et de classer le connu, puis d’analyser
l’inconnu. L’outil n’est pas un récipient. Il est une
pince qui découpe en même temps qu’elle saisit. Par
conséquent il s’agit de saisir l’utile, l’important, le
significatif. »
Alfred GROSSER29
La seconde étape de l’analyse des concepts en sciences sociales proposée par G.
SARTORI consiste à rechercher dans la littérature scientifique les définitions proposées du
concept étudié. Il est possible de distinguer deux types principaux de définitions : les unes
« déclaratives », c’est-à-dire celles qui énoncent un sens et que l’on peut appeler
« théoriques »; les autres « dénotatives » ou « empiriques », celles qui sont conçues pour
saisir l’objet étudié, c’est-à-dire qui décrivent et se faisant établissent des frontières. Le
recensement de ces deux types de définitions doit permettre de préciser les principales
configurations de caractéristiques théoriques et empiriques appliquées ici au concept de
militantisme. Cette étape est nécessaire avant la reformulation finale du concept dans la
mesure où un concept sans caractéristiques bien définies ne peut être utilisé sans aucune
certitude ni consistance.
Nous nous attacherons plus particulièrement dans ce chapitre à l’analyse des
définitions théoriques du militantisme politique. Il apparaît que le concept de militantisme a
reçu dans les travaux de science politique plusieurs définitions théoriques, ce qui indique à
quel point la notion pose problème. Il est possible, en effet, de distinguer, au vu de la
littérature de science politique sur la question du militantisme, trois ensembles de définitions
théoriques. Le premier rassemble les théories dites « organisationnelles », c’est-à-dire celles
29
Alfred GROSSER. L’explication politique. Paris: Armand Colin, 1972, p.46.
23
qui soulignent le rôle principal joué par l’organisation dans la définition même du
militantisme : on y trouve les théories marxistes-léninistes ainsi que l’approche de M.
DUVERGER. Les approches de types psychologiques forment le second ensemble, elles
mettent quant à elles l’accent sur la personnalité individuelle des militants. Enfin, le dernier
groupe rassemble les théories « économicistes » liées à l’analogie de l’entreprise économique
appliquée aux partis politiques.
1) Les théories organisationnelles :
Les théories organisationnelles constituent le paradigme dominant des recherches
politologiques sur le militantisme. Elles se caractérisent par l’insistance mise sur
l’organisation comme élément central de la définition du militantisme. La théorie marxisteléniniste du militant révolutionnaire en est l’archétype. Comme le signale F. SUBILEAU30 ce
modèle théorique a dominé, au moins implicitement, les travaux sur le militantisme politique
d’autant plus qu’il a été renforcé, en même temps que prolongé et précisé, par l’approche de
M.DUVERGER.
1.1/ La théorie marxiste-léniniste du militantisme :
La théorie du militant révolutionnaire léniniste est un prolongement des travaux de
K.MARX31. Si dans ceux-ci la notion même de militantisme n’apparaît pas, il est clair que
l’auteur du Capital analyse les conditions de possibilité de l’action militante. La société
bourgeoise du XIXème siècle tend à rompre les liens traditionnels de sociabilité (clan,
famille, corporation, etc.) et ainsi à isoler les individus. Conscient de son appartenance de
classe, le militant cherche à rétablir ce lien rompu entre les individus. En prenant en charge
les intérêts de leur classe les militants constituent l’avant-garde du prolétariat. Mais ce sont
les organisations politiques (syndicales et partisanes) qui doivent fournir les cadres de
l’activité des militants. En septembre 1871, lors de la conférence de Londres, les délégués des
sections de la Première Internationale parlaient déjà de « l’état militant de la classe
ouvrière »32 devant amener l’ensemble des prolétaires à prendre conscience de leur
30
Françoise SUBILEAU. « Le militantisme dans les partis politiques sous la cinquième République : Etat des
travaux de langue française ». Revue Française de Science Politique, 31(5-6), oct.-déc. 1981.
31
Cf. René MOURIAUX. Deux approches marxistes du militantisme. Paris : CEVIPOF, 1984, 16 p.
32
Georges LABICA, Gérard BENSUSSAN. Dictionnaire critique du marxisme. Paris : PUF, 1985, p. 581.
24
appartenance de classe et à les unir contre la bourgeoisie. Mais, comme le souligne R.
MOURIAUX, « la réflexion de MARX conserve une part d’imprécision qui résulte de l'état
du mouvement ouvrier et de son inattention aux phénomènes de pouvoir à l’intérieur même
des organisations prolétaires »33.
LENINE au contraire ira plus loin dans la définition du rôle des militants dans le cadre
de l’organisation prolétarienne. En 1904, il propose la création d’une organisation de
révolutionnaires professionnels destinée à consolider le « marxisme militant »34. Il précise,
par ailleurs, que cette organisation révolutionnaire doit être aussi centraliste et disciplinée que
possible. « Le seul principe sérieux en matière d’organisation pour les militants de notre
mouvement doit être : secret rigoureux, choix ingénieux des membres, préparation des
révolutionnaires professionnels »35. Ainsi le militant, amené à la conscience de classe par le
parti (bolchevik, communiste) et/ou le syndicat, devient le bras armé de l’organisation, le
médiateur entre celle-ci et les masses.
Or il apparaît que cette vision du militantisme politique va connaître une certaine
postérité dans les travaux de science politique jusqu’à une date très récente.
En 1973, par exemple, D. MOTHE, étudiant le militantisme syndical, définit le
militant de base comme « celui qui intériorise les valeurs de son parti ou de son syndicat et
qui se conduit comme un exécutant discipliné vis-à-vis de son organisation »36. Il en vient à
proposer une typologie des militants classés selon les trois fonctions principales qu’une
organisation syndicale doit, selon lui, remplir : tribunicienne, doctrinaire et administrative. Le
« tribun » est chargé de relier les travailleurs à l’organisation, de les faire participer à la vie de
celle-ci en même temps qu’il doit les informer. Le « doctrinaire » doit donner sens à l’action
menée par l’organisation. Et « l’administratif », enfin, doit la faire fonctionner. On peut noter
que D.MOTHE exclut de sa définition le militant de droite « dont les fortes sympathies avec
le pouvoir réduisent la militance à l’acceptation pure et simple du statu quo, atrophiant
considérablement son militantisme »37. Autrement dit il ne saurait y avoir de militants que de
gauche, remettant en question l’ordre établi, le pouvoir, fidèle à une organisation politique
structurée. Il s’agit bien ici du modèle du militant communiste révolutionnaire.
33
René MOURIAUX. op. cit., p. 9.
LENINE. « Les objectifs immédiats de notre mouvement ». Oeuvres choisies, T.1. Moscou : Editions en
langues étrangères, 1962, p. 159.
35
LENINE. Ibid., p. 263.
36
Daniel MOTHE. Le métier de militant. Paris : Seuil; 1973, p. 15.
37
Daniel MOTHE. ibid., p. 15.
34
25
De plus, l’étude classique d’A. KRIEGEL sur les communistes français fournit un
autre exemple de la définition organisationnelle du militantisme. L’auteur indique que
« chaque membre du Parti doit, sous le contrôle de la cellule à laquelle il appartient, « remplir
une tâche » dans une association, une organisation, un mouvement où il est amené à coopérer
avec des non-communistes : il devient ainsi « responsable » devant le Parti, même si cette
tâche est modeste, responsable pas seulement de sa tâche à lui mais de toute la vie de
l’association dont, désormais, il est membre non plus de sa propre initiative mais parce que le
Parti le veut ainsi et l’en mandate »38. Le militant communiste est ainsi considéré comme un
« petit soleil » qui doit attirer vers la nébuleuse partisane de nouvelles recrues ou de nouveaux
sympathisants. Dans la pratique il faut distinguer deux types de militants : « ceux qui se
consacrent aux affaires propres du parti et ceux qui déploient leur activité à l’extérieur, dans
les « organisations de masses », c’est-à-dire dans les formations de toute nature, tout objet,
toute forme, toute importance où des communistes sont appelés à rencontrer des noncommunistes »39. L’activité militante se défini donc ici toujours en fonction de l’organisation
: soit que le militant travaille en son sein directement, soit qu’il doit intégrer (voire
« noyauter ») d’autres organisations au profit du parti communiste.
Mais il faut noter que les études, qui, se référant à ce modèle du militant
révolutionnaire, ont tenté d’expliquer les raisons du militantisme se sont avérées incapables
de le faire tant l’insistance mise sur le rôle joué par l’organisation est grande. L’explication
tourne, en effet, rapidement à la tautologie. L’adhésion, et partant le militantisme relèveraient
fondamentalement d’un choix idéologique : « Qu’est ce qu’un militant communiste ? Un
combattant des luttes de classes, membre du Parti communiste »40 ; « il est clair que
l’appartenance au parti communiste est un engagement spécifique. Il s’agit d’une option
fondamentale. »41.
Ainsi le modèle léniniste a dans une large mesure imposé l’image d’un militant
dévoué corps et âme à son organisation. Il a, de plus, contribué à enraciner l’idée selon
laquelle le militantisme ne pourrait être que de gauche. On peut constater que dans l’état des
38
Annie KRIEGEL. Les Communistes Français : 1920-1970. Paris : Seuil, 1985, p. 140-141.
Annie KRIEGEL. Ibid., p. 147-148.
40
J.-P. MOLINARI. « Contribution à la sociologie du PCF ». Cahiers du Communisme, 52(1), janvier 1976, p.
38-49.
41
Francine DEMICHEL. « Remarques sur l’étude du PCF ». Cahiers du Communisme, 56(3), mars 1980,p.56.
39
26
recherches sur le militantisme politique constitué par F. SUBILEAU42, moins d’une référence
sur cinq renvoie à une forme de militantisme qui ne soit pas de gauche. Aujourd’hui, s’il est
possible de trouver davantage de travaux sur le militantisme de droite, force est de constater
que ce champ d’investigation reste encore largement en friche, au moins en ce qui concerne la
droite modérée.
Ce phénomène semble s’expliquer par la prégnance des théories
organisationnelles dans la science politique française. La théorie marxiste-léniniste a, en effet,
conduit à privilégier les études sur le communisme. Mais on peut noter que l’approche de M.
DUVERGER a, dans une large mesure, contribué à renforcer l’étude du militantisme de
gauche en insistant sur les structures partisanes.
1.2/ L’approche organisationnelle de M. DUVERGER :
La définition du militantisme donnée par M. DUVERGER dans son ouvrage classique
de 1951 sur les partis politiques est liée à la distinction qu’il propose entre partis de cadres et
partis de masse. La forme du militantisme dépend de la nature de l’organisation. Dans les
partis de cadres, partis de notables où la qualité des adhésions prévaut sur la quantité, « la
notion de militant se confond avec celle de membre du parti »43. Dans les partis de masse au
contraire « le militant est l’adhérent actif : les militants forment le noyau de chaque groupe de
base du parti, sur qui repose son activité essentielle »44 ; les militants se distinguent de la
masse des adhérents car ils participent régulièrement aux réunions, à la diffusion des mots
d’ordre, à la préparation des campagnes électorales... ; ils ne peuvent être non plus confondus
avec les dirigeants car ce ne sont que des « exécutants ».
Or il apparaît que pour nombre de politistes, plutôt à tort qu’à raison, cette distinction
équivalait à l’opposition entre partis de droite et partis de gauche, les premiers étant
considérés comme des partis de cadres, les seconds comme des partis de masse. Ainsi le
militantisme est différemment conçu à droite et à gauche : « pour les partis de gauche le
développement du militantisme constitue un objectif prioritaire de l’organisation ; les
fonctions du militant consistent avant tout à garantir le maintien d’une base militante efficace
en assurant le recrutement et la formation des adhérents »45, tandis que le militantisme de
42
Françoise SUBILEAU. Op. cit.
Maurice DUVERGER. Les partis politiques. Paris : Armand Colin, 1976 (10ème ed.), p. 175.
44
Maurice DUVERGER. Ibid., p. 174.
45
Jacques LAGROYE (et al.). Les militants politiques dans trois partis français. Paris : Pédone, 1976, p. 160.
43
27
droite est essentiellement « moins orienté vers les activité partisanes et tourné vers un
rayonnement individuel dont les fins sont prioritairement électorales »46.
Dans ce type d’approche organisationnelle, les militants constituent un élément de
soutien des partis politiques parmi d’autres (électeurs, sympathisants, adhérents), élément qui
est fonction de la structure même de l’organisation. Partant, cette approche s’est moins
intéressée aux motivations des acteurs à militer qu’à la description de cette action. Cependant,
certains auteurs insistent plus particulièrement sur le rôle joué par l’organisation dans les
raisons et les motivations à adhérer et à militer. L’organisation est alors vue comme un lieu de
socialisation. G. LAVAU47 met ainsi en lumière les quatre formes de l’adhésion au PCF :
adhésion « émotion », adhésion « régularisation » et adhésion « rectification » qui sont les
moins fréquentes, enfin et surtout, adhésion « d’imprégnation ». Socialisés dans la matrice
communiste depuis leur plus jeune âge les individus adhèrent naturellement au Parti. Le PCF
était devenu un parti d’enfants de militants, précocement socialisés et durablement engagés.
J.DERVILLE et M. CROISAT48 opèrent le même constat mais précisent qu’une motivation
importante de l’adhésion au PCF est la volonté d’y trouver une éducation et une formation
spécifique. Dans ce sens le militantisme paraît être un comportement construit et transmis par
l’organisation qui forme et socialise à l’action politique ses adhérents.
Toutefois, si l’approche organisationnelle est d’un point de vue heuristique
fondamentale, il n’en reste pas moins qu’elle « oublie » l’individu en privilégiant les
structures. Au contraire les théories psychologiques du militantisme ont tenté par un retour
radical à l’acteur individuel, à sa psychologie, à son identité et à ses motivations de dépasser
une vision trop purement organisationnelle.
2) Les théories psychologiques du militantisme :
Les théories psychologiques du militantisme placent l’individu, et non plus
l’organisation, au coeur de la définition du militantisme. Il est possible de recenser trois
directions prises par ces théories : d’une part, l’étude du rôle affectif joué par le parti pour ses
46
Jacques LAGROYE (et al.). Ibid., p.160.
Georges LAVAU. A quoi sert le Parti communiste français ?. Paris : Seuil, 1981.
48
Jacques DERVILLE, Michel CROISAT. « La socialisation des militants communistes français ». Revue
Française de Science Politique, 29(4-5), août-oct. 1979.
47
28
militants ; d’autre part, l’étude de la personnalité même des militants ; et enfin, l’étude des
motivations à militer.
2.1/ Le rôle affectif du parti :
Dans un ouvrage de 1983, P. ANSART49 prend en considération les problèmes
soulevés par l’affectivité inhérente à la vie politique. Il applique aux partis politiques un
questionnement propre à la psychologie et cherche à saisir le rôle affectif joué par
l’organisation partisane sur les militants.
Dans un premier temps, il met en évidence la fonction de sécurisation du parti : « le
petit groupe politique constitue, en particulier, un dispositif de libération par rapport aux
mécanismes communs de refoulement et donc un lieu de levée de la culpabilité (...), il permet
à chacun de se dépendre de l’emprise psychologique exercée par la société globale et ses
appareils idéologiques »50. Dans ce sens l’appartenance à un parti politique relève de la
volonté de rompre l’angoisse propre à la société moderne. Le parti « constitue un lieu social
exceptionnel. Le fait qu’il s’ordonne avec la vocation d’entraîner toute la société dans la juste
voie politique lui confère toute une signification émotionnelle particulière. Le parti est, pour
l’adhérent, une volonté collective, un projet d’accroître sa place, sa puissance »51.
Par ailleurs, P. ANSART propose une typologie des partis politiques (et des groupes
politiques en général) qui doit permettre de saisir les différents « univers affectifs » des
militants qui appartiennent à des organisations différenciées. Dans un premier type, le parti
est structuré autour d’un lien fort de dépendance des militants envers l’image idéale du chef
charismatique (le mouvement gaulliste à l’époque de De Gaulle appartient à ce type). Un
second type relève de la dynamique combat/fuite, c’est-à-dire que le groupe n’existe plus par
rapport à la personnalité du chef, mais se structure essentiellement en fonction du conflit avec
le monde extérieur (par exemple, le FN entendu comme un «parti-famille» regroupant, en les
maintenant en sécurité, des individus se sentant exclus ou pour le moins en opposition avec la
société contemporaine). Enfin, le dernier type mis à jour est caractérisé par le prophétisme et
le messianisme (les nihilistes russes de 1850-1870 en fournissent un bon exemple).
49
Pierre ANSART. La gestion des passions politiques. Paris : L’Age d’Homme, 1983.
Pierre ANSART. Ibid., p.106.
51
Pierre ANSART. Ibid., p.112-113.
50
29
Cette approche qui cherche à inférer la psychologie des militants à partir des diverses
formes que peut revêtir l’organisation reste finalement dépendante du paradigme
organisationnel. Pourtant elle introduit des questions que ce dernier ne posait pas : quelles
sont les relations que les militants entretiennent avec l’autorité, le monde extérieur, l’histoire
? Cependant elle ne cherche pas à s’interroger sur la personnalité même des militants.
2.2/ La personnalité du militant politique :
L’étude de la personnalité des militant est paradoxalement l’une des plus récentes
encore que l’on puisse en trouver chez K. MARX les prémices. Comme le souligne
R.MOURIAUX : « aux prix d’efforts, de sacrifices, la vie militante favorise un
développement de soi par excentration du besoin personnel de se réaliser »52. L’individu, en
prenant conscience de son appartenance de classe, parvient à se réaliser non lu d’un point de
vue égoïste mais en défendant l’intérêt de cette classe, par une lutte qui le dépasse.
Plus récemment, M. LECOINTE53 a proposé de concevoir le militantisme comme une
solution apportée à la contradiction entre deux idéaux. Le militant d’un côté doit faire don de
sa personne à son organisation. Mais l’abnégation, l’oubli de soi, voire l’aliénation pure et
simple constituent une des formes de répression de la libido des militants. D’un autre côté,
l’exercice d’un pouvoir, d’une certaine autorité au sein de l’organisation par rapports à ceux,
adhérents, sympathisants ou électeurs qui n’en ont aucun, confère aux militants une certaine
valorisation d’eux-mêmes. « Le militant est un leader qui a ou se donne une autorité, qui se
calque sur une ou plusieurs images de chef et qui vise à l’exercice du pouvoir »54. Dans ce cas
le militant est prosélyte, il séduit, persuade, domine : il réalise en quelque sorte sa libido par
l’affirmation de sa puissance sur les autres. Or la clé de voûte de cette contradiction, selon
M.LECOINTE, est la figure du père : à la fois castrateur, source d’autorité à laquelle il faut
obéir, incarnée par le leader, mais aussi image idéale à laquelle il convient de ressembler.
« La militance serait alors une forme particulièrement active de résolution de ce problème ou
pour le moins s’inscrirait dans les tentatives de résolution de ce drame intime et collectif »55.
52
René MOURIAUX. Op. cit., p. 9. Cf. Lucien SEVE. Marxisme et théorie de la personnalité. Paris : Editions
Sociales, 1962.
53
Michel LECOINTE. Les militants et leurs étranges organisations. Paris : Syros, 1983, p. 78-90.
54
Michel LECOINTE. Ibid., p. 78.
55
Michel LECOINTE. Ibid., p. 84.
30
Le militant dans cette vision serait essentiellement à la recherche de son identité,
tiraillé entre deux affects, « l’obéissance-soumission-don de soi » et « l’émancipationautorité-réalisation de soi ». L’intérêt de cette approche est de reconnaître l’importance des
besoins psychologiques des acteurs politiques : plaisir de la domination, de l’obéissance à une
autorité plus forte. Mais elle ne saurait à elle seule rendre compte du processus complexe qui
conduit l’individu au militantisme.
2.3/ Les raisons du militantisme : identité et désaliénation.
Dans cette perspective psychologique plusieurs auteurs ont, en effet, proposé d’étudier
les raisons du militantisme comme relevant de la recherche d’une identité perdue ou d’une
« désaliénation », c’est-à-dire de la volonté d’échapper à une condition aliénée.
J. PENEFF56 a ainsi analysé des histoires de vie de militants syndicalistes
communistes. Son approche qualitative et biographique lui a permis de mettre en évidence
l’effacement de la vie individuelle de ces militants au profit de la vie professionnelle et
politique. Il apparaît alors que le militantisme communiste fournit une identité sociale forte
dans une société atomisée.
De façon similaire, J.-M. DONEGANI57, en étudiant les itinéraires de militants
catholiques de gauche, montre que l’activité militante exprime la nécessité de reconstituer un
lien social détruit avec la perte de la foi et la rupture avec la communauté religieuse.
Une seconde raison importante expliquant le militantisme serait la volonté des
individus d’échapper à une condition aliénée. L. SEVE58 met ainsi l’accent sur l’action
structurante du militantisme. Le militantisme est en soi désaliénant car il permet à l’individu
de participer consciemment à la transformation des rapports sociaux. Ni activité purement
égoïste, ni altruisme échevelé, le militantisme est en définitive un accomplissement de soi.
Ces quelques exemples, qui n’épuisent pas l’ensemble des travaux sur les raisons du
militantisme, illustrent cependant parfaitement cette approche qui tente de déceler dans la
psychologie des individus les déterminants de l’adhésion. Cependant le risque de cette
approche est de tomber facilement dans le piège d’une explication « psychologisante ».
56
J. PENEFF. « Autobiographies de militants ouvriers ». Revue française de Science Politique., 29(1), fév.
1979.
57
Jean-Marie DONEGANI. « Itinéraire politique et cheminement religieux ». Revue française de Science
Politique., 29(4-5), août-oct. 1979.
58
Lucien SEVE. Op. Cit.
31
Certains auteurs ont, en effet, tenter de montrer que le militantisme répondait soit à un
« impératif moral »59, soit à une « ardente vocation »60.
En fait, les théories psychologiques du militantisme politique présentées ici tombent
sous le coup d’une critique méthodologique visant l’approche psychologique en général
appliquée à l’explication des phénomènes sociaux. Principalement, elle pose le problème de
l’utilisation d’une discipline hors de ses cadres habituels de recueil et d’analyse des données,
de vérification et d’administration de la preuve. Par ailleurs, en tendant à ramener
l’explication vers une cause unique (la personnalité individuelle, la libido, l’inconscient), les
théories psychologiques du militantisme sont réductrices ; elles oublient le poids des
contextes, culturels, historiques ou sociaux, qui déterminent largement l’adhésion. Toutefois
elles ont le méritent d’introduire dans la définition du militantisme la donnée individuelle.
3) Les théories « économicistes » du militantisme :
Le troisième ensemble de théories que l’on peut qualifier d’« économicistes »
rassemble les contributions récentes de politistes qui ont en commun de se référer, à la fois, à
l’analogie de l’entreprise économique appliquée à l’analyse des partis politiques, suivant en
cela la définition de M. WEBER, et à celle du marché appliquée à l’analyse de la politique
démocratique, telle que J. SCHUMPETER61 l’a définie. M. WEBER définit, en effet, les
partis politiques comme des « sociations reposant sur un engagement (formellement) libre
ayant pour but de procurer à leurs chefs le pouvoir au sein d’un groupement et à leurs
militants actifs des chances - idéales ou matérielles - de poursuivre des buts objectifs,
d’obtenir des avantages personnels ou de réaliser les deux ensembles »62. A partir de cette
définition où M. WEBER envisage le parti comme une sorte d’entreprise dont le but serait la
conquête du pouvoir (alors que le profit économique serait celui d’une entreprise
économique) et procurant à ses militants des rétributions soit symboliques, soit matérielles, il
est possible de citer trois prolongements majeurs concernant l’analyse du militantisme : celui
de M. OFFERLE qui propose de définir le militantisme comme un « courtage »; celui, plus
important, de D. GAXIE qui insiste sur les rétributions du militantisme, et enfin, celui de P.
LACAM qui l’envisage comme une ressource à la disposition de l’entrepreneur politique.
59
F. DENANTES. « Le communisme, une patrie ». Projet, 101, janvier 1976, p. 9-22.
A. JEANNIERE. « Difficile et ambiguë, la militance aujourd’hui ». Projet, 136, juin 1976, p. 706-716.
61
Joseph A. SCHUMPETER. Capitalisme, Socialisme et Démocratie. Paris : Payot, 1974.
62
Max WEBER. Economie et Société. Paris : Plon, 1971, p. 294.
60
32
3.1/ Le militantisme comme « courtage » :
M. OFFERLE a, en effet, proposé de définir le parti politique comme « une
organisation différenciée qui ne peut fonctionner qu’à deux conditions : qu’il existe un
différentiel de ressources initiales ou organisationnelles entre les dirigeants et les auxiliaires,
et que la division du travail (ici politique) soit ajustée aux attentes des différents membres de
l’organisation »63. Différentes catégories d’acteurs coexistent ainsi dans l’organisation
partisane (dirigeants d’une part et auxiliaires de l’autre, parmi lesquels les militants, les
adhérents, les sympathisants voire les électeurs). Le militantisme dépend dans ce sens de la
nature et du volume du capital politique détenu par les acteurs (prédispositions sociales
déterminées par la position dans l’espace social, socialisation politique, itinéraires
individuels, etc.) Ainsi « le terme militantisme renvoie à une pluralité de situations. Il permet
de désigner des agents intéressés politiquement qui, disposant de suffisamment de capitaux
pour estimer avoir le droit de s’occuper de questions politiques, n’ont cependant pas temporairement ou définitivement - les ressources nécessaires pour vivre de et pour la
politique »64. Au sein de l’organisation partisane les militants sont des sortes de « courtiers »
devant exécuter les ordres de l’état-major partisan : « auxiliaires indispensables, certains ne le
seront que temporairement, soit parce qu’ils s’en iront, soit parce qu’ils accumulent (sans le
savoir ou tout en le sachant) un capital susceptible d’autoriser leur professionnalisation ;
d’autres enfin y passeront une large partie de leur existence »65.
Cette conception du militantisme risque, comme l’indique J. CHARLOT, de
« conduire à un éclairage anachronique du phénomène partisan »66, en transposant tel quel un
concept daté à une réalité historique différente. Elle a cependant le mérite de souligner que le
militantisme n’est pas une activité fortuite et qu’un certain nombre de déterminants rentrent
en jeu pour l’expliquer.
3.2/ Le militantisme comme activité rétribuée :
63
Michel OFFERLE. Les partis politiques. Paris : PUF, 1987, p. 55.
Michel OFFERLE. Ibid., p. 74.
65
Michel OFFERLE. Ibid., p. 75.
66
Jean CHARLOT. « Partis politiques : pour une nouvelle synthèse théorique ». in Yves MENY (éd.).
Idéologies, partis politiques et groupes sociaux. Paris : Presses de la Fondation Nationale des Sciences
Politiques, 1989, p. 292.
64
33
D. GAXIE est sans doute celui qui a le plus contribué, dans une perspective
« économiciste », à l’analyse du phénomène militant. Dans un article devenu classique de
197767, il tente de répondre à la question de savoir comment les dirigeants de partis, les
entrepreneurs politiques, parviennent à réunir les moyens nécessaires à la conquête du
pouvoir. Dans les démocraties occidentales cette conquête s’effectuant par le jeu institué des
élections, les partis ont trois solutions pour résoudre cette question : dans le cas des partis de
cadres, faire appel à des « mercenaires » politiques ; dans les partis de patronage, s’assurer les
services d’un personnel compétent et permanent en échange d’emplois à la discrétion du parti
; enfin, dans le cas des partis de masse, la principale solution consiste à mobiliser des
militants. D.GAXIE tente d’expliquer cette dernière solution en montrant que la mobilisation
en continu des militants dépend de la capacité de l’organisation à produire des rémunérations
soit purement matérielles (des emplois par exemple), soit symboliques (idéologiques), soit
collectives (la formation, la pédagogie au PCF), soit individuelles. Ces rétributions permettent
de comprendre à la fois le passage à l’acte politique (rétributions espérées) et la rupture de
l’activité quand le parti n’est plus à même de produire les gratifications nécessaires. Enfin,
« en empêchant les adhérents (donc les militants) de prendre conscience des intérêts qui sont
au fondement de leur désintéressement, le sentiment de défendre une cause occulte donc les
mécanismes d’échange sur lesquels repose l’existence des partis de masse et contribue ainsi
au fonctionnement de ces mécanismes »68.
En mettant en évidence la dimension relationnelle, d’échange qui réside au fondement
du militantisme, D. GAXIE fournit une définition pertinente de ce phénomène en alliant la
rationalité individuelle et le poids de l’organisation dans son modèle. Mais on peut reprocher
à cette approche de conduire à une vision du militantisme « fondé sur le mensonge, le militant
n’invoquant des motivations idéologiques ou altruistes (...) que pour mieux cacher qu’il n’agit
en réalité que dans son intérêt propre »69.
3.3/ Le militantisme comme ressource :
La dernière contribution de ce courant « économiciste » dans l’étude du militantisme
politique est fournie par J.-P. LACAM. On doit à ce dernier le modèle du politicien
67
Daniel GAXIE. « Economie des partis et rétributions du militantisme ». Revue Française de Science Politique.
27(1), fév. 1977.
68
Daniel GAXIE. Op. cit. p. 151.
69
Martine BARTHELEMY. De l’usage des métaphores économiques dans l’explication du militantisme : le cas
de l’individualisme méthodologique. Paris : CEVIPOF, 1986, 15 p.
34
investisseur70 qui se veut « un modèle interprétatif de la manière dont l’homme politique gère
les ressources nécessaires à la conquête ou la conservation du pouvoir »71. Parmi les
ressources politiques, c’est-à-dire tout moyen dont dispose l’entrepreneur politique pour
diminuer les contraintes qui pèsent sur son action et étendre son autonomie, se trouvent bien
entendu les militants. Ceux-ci comme l’ensemble du soutien logistique fourni par le parti
correspondent au type de ressources politiques que J.-P. LACAM nomme « contextuellespersuasives ». Contextuelle, car d’une circonscription à une autre, cette ressource, qui renvoie
en fait à l’implantation du parti, peut être plus au moins importante. Persuasive, car elle relève
dans une large mesure du normatif, de l’affectif et fait appel à des sentiments (allégeance visà-vis du leader, défense d’une même cause, convivialité, etc.).
Cependant, J.-P. LACAM signale combien « l’entrepreneur politique dont la carrière
est fortement dépendante du soutien d’une organisation partisane n’a pas toute latitude dans la
gestion de son stock de ressources »72. Or, les militants ne peuvent pas être tout à fait
considérés comme un simple stock de ressources, mobilisés à la convenance du leader ; ils
possèdent leurs stratégies propres et peuvent cesser de militer à tout moment. Comme le
précise J. LAGROYE « la présence de groupes importants de militants dans un parti politique
a généralement pour effet le développement de tensions, voire de conflits, entre ces groupes et
les professionnels, notamment les élus »73. L’entrepreneur politique doit donc savoir et
pouvoir mobiliser les militants (par son autorité, son charisme, les gratifications qu’il
propose, etc.), ce qui en soit constitue une contrainte forte.
Ce modèle a le mérite de proposer une vision plus complexe du phénomène militant,
entendu comme un ensemble d’échanges (de services, de gratifications en retour) et de
contraintes (sur les stratégies des militants par le leader, sur celles du leader par les militants).
Les approches « économicistes » du militantisme politique fournissent une définition
du militant comme un exécutant, un courtier de l’entreprise partisane, une ressource pour
l’homme politique professionnel, et considère le militantisme comme une activité rétribuée
mais toutefois volontaire. Elles prolongent la théorie organisationnelle dans la mesure où elles
70
Jean-Patrice LACAM. « Le politicien investisseur : Un modèle d’interprétation de la gestion des ressources
politiques », Revue Française de Science Politique, 38(1), fév. 1988.
71
Jean-Patrice LACAM. Ibid., p. 24.
72
Jean-Patrice LACAM. Ibid., p. 36.
73
Jacques LAGROYE. Sociologie Politique. Paris : Dalloz - Presses de la Fondation Nationale des Sciences
Politiques, 1991, p. 228.
35
fournissent un modèle interprétatif des relations qui existent à l’intérieur de l’organisation
mais elles tentent de la dépasser car elles cherchent à dévoiler des phénomènes cachés, y
compris aux yeux mêmes des acteurs (rétributions occultées par l’idéologie, possession d’un
capital politique particulier, etc.).
Les théories scientifiques du militantisme présentées ici confirment dans une grande
mesure les trois caractéristiques inférées des définitions du langage commun. Le militantisme
est, en effet, défini comme une activité fortement dépendante d’un certain type d’organisation
partisane (M. DUVERGER), impliquant, de plus, un conflit (modèle du militant
révolutionnaire) ou du moins une concurrence sur le marché politique (théories
« économicistes »), et enfin, à laquelle l’individu prend une part active (théories
psychologiques).
On peut donc organiser les théories scientifiques du militantisme politique en un
ensemble ordonné suivant le découpage en trois pôles proposé au chapitre précédent. Sous le
pôle de l’organisation (O.), il est possible de classer l’approche de M. DUVERGER mais
aussi celle de D. GAXIE qui se réfère directement à la distinction «duvergienne», et celle de
M. OFFERLE pour qui l’organisation reste prédominante. Sous le pôle de la conflictualité
(C.) se situe le modèle du politicien investisseur de J.-P. LACAM qui insiste sur le
militantisme comme ressource mobilisable dans la lutte politique. Sous le pôle de l’individu
(I.) on retrouve les approches psychologiques (M. LECOINTE, J.-M. DONEGANI, J.
PENEFF).
D’autres approches appartiennent à deux pôles simultanément : l’approche marxisteléninisme aux pôles O. et C. car elle insiste à la fois sur l’organisation et sur la dimension
conflictuelle du militantisme ; celle de L. SEVE aux pôles I. et C. car la volonté de
désaliénation qu’il propose comme raison du militantisme renvoie à la participation de
l’individu aux luttes sociales ; enfin, celle de P. ANSART aux pôle I. et O., puisque cet auteur
propose d’étudier le rôle affectif de l’organisation sur ces militants (cf. schéma 2).
36
O.
M.DUVERGER
D.GAXIE
M.OFFERLE
P.ANSART
LENINE
M
J.PENEFF
J.-M. DONEGANI
M.LECOINTE
I.
J.-P.LACAM
L.SEVE
C.
SCHEMA 2 : Champ organisé des théories du militantisme selon les pôles O., C., I.
Avant de parvenir à la phase de reformulation du concept, ou reconceptualisation dans
le langage de G. SARTORI, il reste à recueillir, comme pour les définitions théoriques, un
nombre représentatif de définitions empiriques du militantisme, ce qui permettra de saisir la
façon dont les politistes ont tenté d’appréhender la réalité militante.
37
CHAPITRE 3
Les définitions empiriques du militantisme
38
« La sélection des variables repose sur un découpage
de la réalité qui présuppose une conceptualisation
fondée sur des hypothèses ; la vérification d’une
hypothèse généralisante est un acte de validation
d’une théorie ; la construction d’indices ne se ferait
pas sans une référence à une réalité induite, donc
théorique. »
Alfred GROSSER74
L’ultime étape avant la reformulation du concept de militantisme consiste à rassembler
les définitions empiriques de celui-ci proposées dans la littérature de science politique. Les
définitions empiriques, à la différence des définitions théoriques ne « déclarent » pas un sens
présumé du concept, mais cherchent à en déterminer les contours. Elles tracent donc des
lignes et des frontières dans le « continuum » des faits sociaux, elles isolent en quantifiant,
elles classent en comptant.
Les études empiriques sur le militantisme, quasi inexistantes avant les années 1970, se
sont multipliées dans les vingt dernières années. Il ne s’agit donc pas ici d’en faire le
recensement exhaustif mais de signaler, d’une part, quels sont les différents modes
d’approches privilégiés, et d’autre part, de faire une présentation critique des critères de
mesure retenus dans ces enquêtes.
1) Deux modes privilégiés d’approche :
Il apparaît clairement, comme le signale F. SUBILEAU75, que deux modes d’approche
ont été utilisés de façon privilégiée par les chercheurs en science politique dans l’étude
empirique du militantisme. D’une part, l’approche sociographique qui cherche à mettre à jour
74
75
Alfred GROSSER. Op. cit., p. 43.
Françoise SUBILEAU. Op. Cit., p. 1049.
39
les conditions sociales du militantisme ; et, d’autre part, l’approche psychosociologique qui
étudie en priorité les univers idéologiques, culturels, les représentations des militants. En
pratique, la distinction n’est pas si tranchée et une étude sérieuse sur le militantisme retiendra
les deux modes d’approche.
1.1/ L’approche sociographique :
Les enquêtes sociographiques cherchent à mettre à jour les variables explicatives de
l’activité militante. L’âge, le sexe, la religion, le niveau d’études, la profession, parmi bien
d’autres, sont des variables qui paraissent indispensables pour savoir qui milite. Il est possible
toutefois de distinguer les approches nationales, enquêtes basées sur des échantillons
nationaux, et les enquêtes régionales beaucoup plus nombreuses que les premières.
Si les enquêtes sur des échantillons nationaux de militants sont rares, elles ont le
mérite de permettre de généraliser les constatations opérées à l’ensemble des militants d’un
parti politique. Il est possible de citer deux exemples significatifs de ce mode d’approche.
P. HARDOUIN76, dans un article de 1978, effectue une étude à partir d’un sondage au
cinquième du fichier national du Parti Socialiste. Dans cette enquête, l’auteur montre le
caractère interclassiste de ce parti, la sur-représentation des catégories privilégiées et la sousreprésentation des couches populaires. Il met en lumière certains « facteurs structurants » de
l’adhésion au parti : le niveau élevé d’éducation, l’appartenance au corps enseignant,
l’exercice d’une activité professionnelle.
Par une approche sociographique similaire, R. CAYROL et Y. TAVERNIER, à partir
d’un sondage au dixième du fichier national du PSU en 1969, montrent que ce parti qui a
perdu entre 1960 et 1968 près des trois quarts de ces adhérents a su se renouveler en recrutant
principalement dans les milieux intellectuels et dans les catégories les plus jeunes.
Cette approche permet donc de décrire avec une certaine précision le profil sociodémographique des adhérents d’un parti ainsi que les mouvements quantitatifs de recul ou de
renouvellement de la base. Toutefois elle ne peut isoler les militants des adhérents dans la
mesure où les fichiers des partis ne distinguent pas ces catégories.
76
Patrick HARDOUIN. « Les caractéristiques sociologiques du Parti Socialiste ». Revue Française de Science
Politique, 28(2), avril 1978.
40
Les enquêtes régionales sont plus nombreuses et il est difficile de rendre compte de
toutes. On peut toutefois citer l’importante contribution de J. LAGROYE, G. LORD, L.
MOUNIER-CHAZEL et J. PALARD77 sur les militants politiques dans trois partis (le PCF, le
PS et l’UNR) en Gironde. Cette enquête fournit un ensemble d’indications sur les
caractéristiques sociales des militants de ces trois partis (milieux professionnels, éducation
familiale et religieuse, sexe, âge), mais aussi sur leurs pratiques politiques, leurs itinéraires,
leur conception du rôle du militant et leurs choix idéologiques. Les auteurs en viennent à
distinguer des types de militantisme d’une organisation partisane à l’autre : le PCF est un
parti fortement centralisé dans lequel les militants apparaissent « comme fortement motivés
en matière idéologique, accordant une grande importance à la formation doctrinale et
privilégiant les objectifs politiques généraux sur les préoccupations électorales »78 ;
le
militant socialiste quant à lui accepterait plus facilement les enjeux électoraux bien qu’il se
tourne essentiellement vers l’action sociale ; le militant gaulliste, enfin, est le plus tourné vers
la lutte électorale bien qu’il aspire à diffuser par d’autres activités les thèmes gaullistes.
Mais, il convient de remarquer que les recherches les plus récentes sur le phénomène
militant ne font pas l’économie de cette approche sociographique. Ainsi H. REY et F.
SUBILEAU79 dans leur étude sur les militants du parti socialiste après l’arrivée au pouvoir de
ce parti, en décrivent les « profils sociaux ». Car pour comprendre ce qu’est le militantisme au
PS, il faut saisir la nature même du parti, qui, si elle réside dans son projet politique et
idéologique, tient aussi pour une grande part dans les caractéristiques mêmes de ses
membres.
C’est là le coeur de l’approche sociographique qui peut se résumer dans un schéma
simple proposé par M. OFFERLE80.
Le militantisme est expliqué par l’état de l’offre
politique, c’est-à-dire les partis politiques en présence sur le marché politique, mais aussi par
les dispositions différentielles au militantisme qui sont dépendantes des facteurs sociauxdémographiques : l’âge, le sexe, la position sociale, l’origine sociale. Ce modèle aboutissant à
l’établissement de « types différentiels de militantisme ».
77
Jacques LAGROYE et al. Les militants politiques dans trois partis français. Paris : PEDONE, 1976.
Jacques LAGROYE et al. Ibid., p. 150.
79
Henri REY, Françoise SUBILEAU. Les militants socialistes à l’épreuve du pouvoir. Paris : Presses de la
Fondation Nationale des Sciences Politiques, 1991.
80
cf. schéma 3.
78
41
Mais les études présentées ici rejoignent en fait directement les théories
organisationnelles du militantisme, car le militantisme politique est fonction de la nature de
l’organisation partisane. L’analyse des conditions sociales du phénomène militant va de pair
avec l’analyse des caractéristiques organisationnelles des partis politiques. Cette approche
socio-démographique permet donc de mettre à jour des types différenciés de militantisme
d’un parti à un autre.
SCHEMA 3 : Les « facteurs » sociaux du militantisme81.
1.2/ Les enquêtes psychosociales :
Si l’approche sociographique peut être considérée comme le pendant empirique des
théories organisationnelles, les approches psychosociales se rapprochent des théories
psychologiques du militantisme. Elles cherchent à mettre en évidence les systèmes de valeurs,
de symboles, de représentations, de visions du monde propres aux militants. Elles tentent de
déterminer les « univers idéologiques » qui commandent l’adhésion et le militantisme. Ce
type d’approche est très récent dans la mesure où il ne figure pas au tableau des études sur le
militantisme dressé par F. SUBILEAU82. Il est toutefois possible de citer trois contributions
représentatives de ce mode d’approche : d’une part, celles, assez classiques, de C. YSMAL
sur l’univers politique des militants RPR, et de F. SUBILEAU et H. REY sur les militants
socialistes, qui se rattachent toutefois à l’approche sociographique tout en la complétant ;
d’autre part, un exemple d’étude de psychologie sociale dans la lignée de S. MOSCOVICI83.
81
Michel OFFERLE. Op. cit., p. 74.
Françoise SUBILEAU. « Le militantisme dans les partis politiques sous la cinquième République : état des
travaux de langue Française ». Revue Française de Science Politique, 31(5-6), oct.-déc. 1981.
83
Janine LARRUE, Jean-Michel CASSAGNE, Michel DOMENC. « Un parti et ses militants : synchronisations
et ruptures ». Bulletin de psychologie, 40(379), mars 1987.
82
42
En 1984, C. YSMAL84 étudie l’univers politique des militants du RPR à partir d’une
enquête réalisée auprès des délégués de ce parti à un congrès extraordinaire. Elle montre que
le RPR constitue une tendance originale au sein de la droite française : tradition gaulliste
revendiquée par les militants, mépris des partis, dirigisme économique, conservatisme et
nationalisme. La méthode consiste ici à poser aux militants des questions faisant dans une
large partie intervenir leur subjectivité, puis de les croiser avec les données classiques
recueillies par l’analyse sociographique : situation sur l’axe gauche-droite, notes à attribuer
aux partis politiques et aux syndicats, perception des problèmes politiques... Cette approche
complète parfaitement l’approche sociographique car elle rend perceptible les catégories de
jugement, de pensée et de représentations des « indigènes », ici des militants politiques, qui si
elles sont produites socialement servent de support subjectif aux pratiques de ces militants.
De façon identique, H. REY et F. SUBILEAU, dans leur étude sur les militants
socialistes, mettent en évidence les « systèmes de valeurs » propres à cette catégorie de
militants. Ils ont, en effet, remarqué que s’il existe un certain consensus idéologique de base
parmi les militants socialistes, il existe au moins deux conceptions opposées de la politique :
d’une part, les militants attachés aux valeurs de la laïcité auxquels s’opposent ceux attachés à
celle de l’autogestion. Les auteurs prouvent ainsi qu’un parti politique, du point de vue de ses
militants, n’est pas un tout homogène idéologiquement.
Enfin, il est possible de signaler une contribution originale de psychologie sociale
appliquée à l’étude du phénomène militant. Une équipe de chercheurs du laboratoire
« personnalisation et changements sociaux » du CNRS a, en effet, entrepris d’étudier, en
1987, les changements qui interviennent dans les représentations politiques de militants
communistes et les relations entretenues entre ces représentations et les positions officielles
du parti. Les auteurs ont donc fait intervenir la variable temps en faisant passer un
questionnaire identique à deux moments différents (en 1980, puis en 1982). Ils constatent, en
premier lieu, qu’il existe au sein des militants trois représentations différentes de l’union de la
gauche. La représentation dominante en T1 est celle qui, loin de refuser l’union, entend
privilégier les luttes sociales et l’action militante au sein du PCF. De plus les auteurs montrent
que les militants se référant à l’une de ces trois opinions en changent entre T1 et T2. La
représentation majoritaire en 1982, alors que le PCF partage le pouvoir avec le PS, est celle
84
Colette YSMAL. « L’univers politique des militants RPR ». Pouvoirs, 28, 1984.
43
de l’union entendue comme moyen de promouvoir des réformes sociales plus que pour
changer radicalement la société.
Mais l’originalité de cette approche réside dans le fait que les auteurs construisent une
typologie des militants selon leur position en T1 et T2 et leur accord ou désaccord avec le
parti. Quatre cas de figure sont à distinguer : 1) les militants qui, en T1, étaient d’accord avec
les positions de leur parti et le reste en T2 ; 2) ceux qui étaient d’accord en T1 et ne le sont
plus en T2 ; 3) ceux qui, en T1, étaient en désaccord et le sont aussi en T2 ; 4) ceux qui
étaient en désaccord en T1 et se trouvent d’accord en T2. Les auteurs relèvent donc « la
multiplicité des positions et des itinéraires, au sein d’une même organisation, sur un même
problème, lequel n’en reste pas moins le lieu d’un projet collectif et d’une action
commune »85. Le problème posé ici est bien celui du choix de la fidélité ou de l’indépendance
d’esprit des militants, de l’homogénéité des représentations politiques et idéologiques ou de
leur hétérogénéité au sein d’une même formation politique. Cette étude a le grand mérite de
souligner l’existence d’une pluralité de sensibilités parmi les militants politiques. Il n’y aurait
donc pas un « univers » de représentations et de valeurs mais plusieurs en conflit les uns les
autres et en opposition ou en phase avec les positions officielles du parti.
L’approche psychosociale permet de rappeler que derrière les structures de
l’organisation, les rétributions, les déterminants sociaux-démographiques, etc., le militant est
aussi un individu qui « croit » en quelque chose, qui partage certaines valeurs, qui a du
monde, de la société et de l’histoire une certaine vision, qui, enfin, est prêt à agir dans la
défense de ses valeurs et ses opinions.
Cette approche dénonce, enfin, l’illusion de
l’homogénéité idéologique d’un parti politique. A cet égard, elle permet d’insister sur le fait
qu’il existe en réalité, au sein d’une même organisation partisane, différents types de
militants.
Toutefois ces différents modes d’approches empiriques doivent se doter de critères
opérationnels de mesure et de classement du militantisme qui doivent permettre
l’objectivation d’un groupe déterminé d’acteurs. C’est à ces critères qu’il convient de
s’intéresser à présent.
2) Les critères de mesure du militantisme :
85
Janine LARRUE, Jean-Michel CASSAGNE, Michel DOMENC. Op. cit., p. 218.
44
En 1951 déjà M. DUVERGER prenait acte de l’impossibilité de définir un « taux de
militantisme exprimant en pourcentage le nombre des militants par rapport à celui des
adhérents »86. Cette impossibilité résidait, et réside toujours, dans « l’imprécision de la
catégorie qu’il s’agit de dénombrer »87. Comment en effet distinguer les militants des
adhérents, des permanents, voire des cadres ? L’affaire devient de plus en plus compliquée
quand les élus revendiquent pour eux-mêmes le titre de militant. Cependant la nécessité de
délimiter une catégorie permettant de l’étudier d’un point de vue scientifique a conduit
plusieurs chercheurs à proposer différentes solutions à ce problème. On peut en retenir trois :
tout d’abord le critère subjectif par excellence de l’auto-évaluation ; ensuite, les critères
objectifs de mesure du militantisme ; et, enfin, la mesure du militantisme par les congrès.
2.1/ L’auto-évaluation :
Demander aux personnes interrogées de s’évaluer elles-mêmes comme simple
adhérent, militant actif ou épisodique, peut être un bon moyen de distinguer les militants des
autres catégories de personnel partisan. L’intérêt d’une telle évaluation est de faire intervenir
des données purement subjectives, telles que l’estime de soi, la comparaison avec d’autres
militants,... Car en s’évaluant soi-même le militant évalue aussi les autres. Mais si cet indice
fournit des indications précieuses, il reste que « globalement le nombre des militants (par
auto-estimation) excède celui des militants de fait »88.
Ainsi cette évaluation subjective du militantisme si elle est nécessaire n’en est pas
moins insuffisante et doit être relayée par une mesure plus objective de ce phénomène.
2.2/ Les critères objectifs du militantisme :
Toute étude empirique cherche à quantifier, à dénombrer et donc à classer la réalité.
Dans le cas du militantisme les études empiriques partent quasiment toutes de la définition
donnée par M. DUVERGER du militantisme entendu comme activisme. Ainsi appréhendé, il
est possible de le mesurer. Par exemple, l’étude menée, entre autres, par J. LAGROYE sur les
militants politiques dans trois partis, fournit un bon exemple d’une volonté de saisir le
86
Maurice DUVERGER. Les partis politiques. Paris : Armand Colin, 1976 (10ème Ed.), p. 175.
Maurice DUVERGER. Op. cit., p. 175.
88
Jacques LAGROYE et al. Op. cit., p. 133.
87
45
militantisme par des critères objectifs. Les auteurs ont en effet mis en évidence quatre critères
devant rendre compte de l’intensité de l’engagement partisan propre au militant : la continuité
dans l’action, la participation aux tâches les plus décisives pour le bon fonctionnement de
l’organisation, le dévouement et l’intérêt pour les réunions et les congrès89. A partir de ces
critères les auteurs construisent une variable de mesure comportant trois éléments : 1) la
participation régulière aux réunions du parti ; 2) le temps consacré chaque semaine aux
activités partisanes (au moins trois heures hebdomadaires étant la limite) ; 3) les activités
auxquelles l’adhérents consacre le plus de temps et la participation à des congrès nationaux
ou départementaux. Mais on peut reprocher à ces critères d’être un peu trop exigeants, et
comme les auteurs le signalent eux-mêmes de « révéler seulement des groupes de « supermilitants » »90. De plus, en traçant des limites assez arbitraires, la définition de critères
objectifs du miliatntisme, situent hors de la définition de militants des individus sont plus que
de simples adhérents et qui s’engagent dans le parti.
De façon identique, H. REY et F. SUBILEAU cherchent à mesurer la continuité dans
l’action qui est pour eux l’élément central qui distingue les militants des adhérents : « il
existe, en effet, une différence de nature entre un soutien actif de longue durée à une cause
collective et la participation ponctuelle ou même épisodique à des actions sectorielles »91.
Cependant, une telle différence suffit-elle pour établir une limite infranchissable entre
adhérents et militants? En fait il semble qu’une telle définition du militantisme renvoie
implicitement à une conception de gauche de ce phénomène, c’est-à-dire considérant le
militant comme un activiste dévoué corps et âme, et continuellement à la cause. Or, on peut
penser que dans les organisations de droite, le militant est moins constamment mobilisé et agit
de façon relativement intermittente ; principalement lors des périodes électorales. Il paraît
difficile de parler alors de simple adhérent.
Pour en finir avec les critères objectifs du militantisme, on peut citer la tentative de
construction par K. JANDA92 d’un critère de mesure de la participation partisane
(« involvement ») faisant intervenir plusieurs variables simultanément. Six variables
participent à la constitution de ce critère : 1) une échelle des exigences à l’entrée (inscription,
89
Jacques LAGROYE et al. Ibid., p. 11.
Jacques LAGROYE et al. Op. cit., p. 11.
91
Henri REY, Françoise SUBILEAU. Op. cit., p. 18.
92
Kenneth JANDA. Political parties : a cross national survey. Londres : The Free Prees, 1980.
90
46
cotisation, période probatoire avant l’adhésion) ; 2) une échelle d’implication partisane (les
adhérents nominaux, les intermittents - marginal members -, les participants réguliers, enfin
les militants qui participent à presque toutes les activités du parti) ; 3) un système de
rétributions matérielles; 4) un système de rétributions « idéologiques » ; 5) l’intensité de la
doctrine partisane ; 5) le poids du leader.
Ce critère très complet permet de distinguer assez finement les différentes catégories
du personnel partisan en croisant de multiples variables. On peut toutefois lui reprocher de
réserver le terme « militants » aux groupes les plus actifs et les plus impliqués dans l’activité
du parti et d’oublier des aspects fondamentaux comme le cumul de positions militantes. Il
reste toutefois qu’un tel critère permet de restituer toute la complexité du phénomène militant.
2.3/ La mesure du militantisme par les congrès :
Un dernier moyen de mesure du militantisme a été proposé par R. CAYROL et C.
YSMAL. Il s’agit d’étudier les militants en passant par l’intermédiaire des Congrès des partis
politiques, car ceux-ci « rassemblent en un moment solennisé par la culture politique de
l’organisation, tous les animateurs du parti, considérés à ses différents degrés d’activité :
leaders nationaux et locaux, cadres intermédiaires et représentants actifs de la base » 93. On
serait donc en contact avec la « chair militante de l’organisation, avec ceux qui la font vivre et
agir à tous les niveaux »94. Il serait alors possible d’étudier les données sociodémographiques, idéologiques, culturelles des représentants des militants de base et d’en
inférer la réalité du militantisme dans un parti donné. Or, il apparaît clairement qu’une telle
approche pêche par manque de représentativité. En étudiant les représentants aux congrès, on
étudie les militants les plus actifs, les plus impliqués dans l’organisation, ceux qui sont en
voie de professionnalisation, c’est-à-dire les cadres, et non les militants de base. L’enquête de
P. BRECHON, J. DERVILLE et P. LECOMTE sur les cadres du RPR est à cet égard
significative. Les auteurs mettent en évidence un type si particulier de militants, les délégués
aux congrès du RPR, qu’il est légitime de se demander s’il s’agit toujours de militants. En
fait, cette approche met en évidence, une nouvelle fois, l’aspect complexe et pluriel de ce
phénomène qui ne peut se ramener à une forme unique.
93
Roland CAYROL, Colette YSMAL. « Les militants du PS originalité et diversité ». Projet, 165, mai 1982, p.
572.
94
Roland CAYROL, Colette YSMAL. Ibid., p. 572.
47
Il apparaît ainsi qu’aucun critère de mesure ne puisse rendre parfaitement compte
d’une réalité qui en soit est multiforme. Les critères trop simples risquent de donner une
définition restrictive au concept de militantisme, tandis que les critères les plus complexes
risquent d’étendre son champ d’application à des réalités qui sortent de la définition théorique
du militantisme (adhérents, cadres, élus). Entre ces deux maux il semble que le second soit le
moindre, à condition de reformuler le concept de sorte qu’il intègre dans sa définition une
même réalité mais qui en soit est plurielle. Autrement dit, contre l’illusion d’un militantisme
défini par une dimension et un critère uniques, il convient de retrouver toute la variété des
types de militants dans une seule et même définition.
48
RECONSTRUCTION DU CONCEPT DE MILITANTISME
Le modèle O., C., I.
49
La dernière étape de l’analyse des concepts proposée par G. SARTORI consiste à
reconstruire le concept étudié. Après avoir déterminé les principales caractéristiques qui
définissent le concept de militantisme, il est nécessaire de formuler, d’une part, une
conceptualisation qui élimine toute imprécision et ambiguïté de ce concept, et d’autre part, de
proposer une définition opérationnelle mobilisable dans une enquête empirique.
L’analyse sémantique du terme « militantisme » a permis de mettre à jour les trois
principales caractéristiques contenues dans celui-ci, à savoir l’organisation, l’individu et la
conflictualité. A son tour, l’analyse des définitions théoriques a confirmé ce découpage. Il
apparaît, en fait, qu’aucune définition du militantisme n’est valable si au moins l’une de ces
caractéristiques est absente. Le militantisme est tout aussi inconcevable si l’organisation ou
l’individu fait défaut, ce qui est évident. Ce qui l’est peut-être moins c’est l’impossibilité de
penser le militantisme sans la dimension du conflit. Car le militantisme implique un combat
pour une « cause », une lutte, euphémisée dans le cadre de la vie politique démocratique.
Toute autre forme d’engagement public qui rassemblerait les deux premières caractéristiques
mais non cette dernière doit, en toute logique, être définie autrement : on parlera alors de
bénévolat, de volontariat mais pas de militantisme. Ces trois caractéristiques sont donc en fait
des conditions sine qua non de l’existence du militantisme.
Il est donc possible de partir de ces trois éléments qui définissent trois pôles de
caractéristiques pour reformuler le concept de militantisme (cf. schéma 4).
50
Le pôle de l’organisation (O.) définit les chances objectives de militer ainsi que les
modalités pratiques du fonctionnement de l’activité militante. Le type d’organisation
(association, syndicat, parti ; parti de cadres, de masse, etc.) définit le type de militantisme.
L’organisation fournit les buts (conquête du pouvoir) et les moyens (rétributions) du
militantisme.
Le pôle de l’individu (I.) renvoie à l’aspect volontaire de l’engagement militant.
L’individu a des motivations, des intérêts particuliers mais aussi des besoins psychologiques
qui le conduisent à s’engager dans la défense de telle ou telle cause, à adhérer à telle ou telle
organisation. De plus, son itinéraire personnel et l’héritage politique qu’il a pu recevoir le
prédispose plus au moins à cette même fin.
Enfin, le pôle de la conflictualité (C.) détermine les enjeux de la lutte, c’est-à-dire la
« cause » défendue. Il renvoie directement à l’aspect idéologique ou doctrinaire du
militantisme. L’idéologie fournit un programme d’action, définit les buts de celle-ci, les
adversaires et les obstacles à surmonter. Elle répond à la question posée par Lénine : « que
faire ? ». Ce qui suppose de répondre aussi aux questions de savoir « qui doit le faire ?» et
« contre qui le faire ?».
De plus il est possible de déterminer entre ces trois pôles trois formes d’interactions ou
d’échanges, qui constituent à proprement parler les moteurs du militantisme politique.
L’interaction entre les pôles O. et I. renvoie au processus complexe d’échanges qui
s’effectue entre l’individu et l’organisation. L’individu trouve auprès de l’organisation des
chances objectives de militer qui répondent à ses motivations et à ses besoins psychologiques.
L’organisation et ses dirigeants trouvent dans l’échange une ressource pour le fonctionnement
même de l’organisation, ressource qu’il faut « payer » par la distribution de gratifications.
Cette interaction rend possible l’intégration des individus à l’organisation et le
fonctionnement de cette dernière.
La seconde interaction qu’il est possible de relever engage les pôles I. et C. En
s’engageant dans la défense d’une cause l’individu adhère implicitement à un système plus ou
moins structuré de valeurs, d’idées et de représentations du monde, soit à une doctrine, soit à
une idéologie. Pour l’individu, ce système fournit, d’une part, une explication des
phénomènes politiques, de l’autre, des critères d’évaluation de ce qui est juste et injuste, bien
et mal, et enfin, renforce le sentiment d’identité et d’appartenance collective. En échange, les
51
individus qui adhèrent à ce système concourent à son maintien et à sa circulation, c’est-à-dire
à sa reproduction.
La dernière interaction s’effectue entre les pôle C. et O. L’organisation mobilise une
idéologie ou une doctrine particulière dans la concurrence avec les autres organisations. Le
pôle C. définit les buts idéologiques poursuivis par l’organisation, détermine ses adversaires
et les justifications morales de l’action menée. En échange, l’organisation exprime
l’idéologie, institutionnalise la cause, instrumentalise les idées et les valeurs.
En outre, il faut préciser que le militantisme est une activité qui dépend largement du
contexte dans lequel elle se situe. Il est possible de distinguer trois environnements
déterminants du militantisme : l’environnement social, l’environnement politique et
l’environnement idéologique.
L’environnement social détermine le pôle I. L’approche socio-graphique a, en effet,
montré que le militantisme dépendait largement de l’origine et de la position sociales ainsi
que des caractéristiques socio-démographiques (âge, sexe, etc.) des individus. Si
l’engagement militant est « formellement » libre, l’individu ne milite toutefois pas au hasard.
L’environnement politique détermine le pôle O. Il s’agit ici de la conjoncture et de
l’offre politiques. La première renvoie aux « temps politiques » : élections, changements de
régime, événements fondamentaux, etc. L’offre politique quant à elle définit l’état des forces
politiques à un moment donné.
L’environnement idéologique, enfin, détermine le pôle C. Cet environnement définit
l’état des luttes socio-politiques à un moment précis ainsi que l’offre idéologique. La
disparition d’idéologies (comme le communisme) ou bien encore l’apparition de nouveaux
enjeux définissant de nouvelles causes (comme celui de l’environnement) modèlent les
conflits, les oppositions dont se nourrit le militantisme.
Il apparaît donc que le militantisme ne peut être compris hors de l’étude des contextes
spatio-temporels qui en définissent la nature différentielle. Car le militantisme se transforme
dans le temps ; il subit les modifications historiques de ces trois environnements. Toutefois, il
manque à l’heure actuelle une socio-histoire du militantisme qui mettrait à jour les
transformations de cette pratique. De plus, on peut faire l’hypothèse que les formes du
militantisme varient dans l’espace, selon les lieux d’implantation des organisations politiques
:
52
53
le militantisme communiste à Halluin95, par exemple, connaît des spécificités qui relèvent de
la géographie.
Pour résumer, le militantisme est ici conçu comme un processus complexe
d’interactions entre trois éléments fondamentaux. Cette définition présente à nos yeux le
mérite de rompre avec certaines illusions : illusion des définitions idéologiques du
militantisme qui tendent à dire que le militantisme ne peut être que de gauche, illusion des
définitions théoriques ne faisant intervenir qu’un seul élément caractéristique (approches
organisationnelles, psychologiques, etc.). Au contraire, elle permet de mettre en évidence
l’aspect pluriel de cette activité politique. Il n’y a pas une forme unique et figée de
militantisme, mais plusieurs, différentes, selon le type d’organisation (syndicats, associations,
partis), l’idéologie mobilisée, la « cause » défendue, les individus engagés.
De plus, cette définition, en contextualisant le militantisme, rappelle qu’aucune
activité sociale et politique n’échappe aux mouvements de son environnement. Ainsi la crise
du militantisme pourrait être interprétée à l’aune de ce modèle. Ce phénomène correspondrait
à la disparition ou l’atrophie d’un des trois pôles O., C. ou I. Par exemple, l’affaiblissement
des grands systèmes d’idées, le marxisme en tête, l’effacement des conflits idéologiques,
c’est-à-dire la transformation radicale du pôle C. a des conséquences sur les deux autres pôles
: perte d’identité chez les individus, perte, pour l’organisation, des buts et objectifs
traditionnellement défendus, etc. De façon identique, le renouveau du militantisme peut
s’expliquer par les transformations des pôles O. et C. : l’apparition de nouveaux enjeux (la
lutte pour la protection de l’environnement, la lutte contre l’extrême-droite et le racisme, la
lutte contre le SIDA, etc.) définit de nouvelles attentes que de nouvelles organisations
viennent combler (essentiellement des associations).
Enfin, il convient de proposer une définition opérationnelle du militantisme, liée à
cette définition théorique, avant de l’appliquer au cas pratique du RPR. Les enquêtes
empiriques sur le militantisme politique se sont toutes heurtées à la difficulté de définir le
militant. Plusieurs solutions ont été adoptées, comme nous l’avons vu précédemment, mais
aucune, nous semble-t-il, ne permet de rendre compte de la pluralité de situations que le terme
militant recouvre.
95
Michel HASTINGS. Halluin, la Rouge , 1919-1939 : aspects d’un communisme identitaire. Lille : Presses
54
Dans une logique de minimisation de la perte d’information inhérente à tout
découpage de la réalité sociale, nous utiliserons dans le cadre de l’enquête envisagée un
critère de militantisme croisant plusieurs variables à la fois subjectives et objectives :
1/ le système de motivations des militants (raisons d’adhérer et de militer) ;
2/ l’auto-évaluation par les individus eux-mêmes de leur situation (simple adhérents,
militant intermittent, militant actif) ;
3/ l’implication dans les activités partisanes (type d’activités effectuées, temps
consacré, fréquence, etc.) ;
4/ l’implication dans les activités extérieures (cumul de positions militantes dans les
associations, syndicats, etc.) ;
5/ le système de rétributions reçues et attendues par les militants (collectives,
sélectives, symboliques, matérielles, etc.).
6/ la fidélité aux principes idéologiques défendus par l’organisation.
Il semble dès lors possible grâce à un indicateur de ce type de saisir la complexité des
situations militantes en comprenant, ce que notre reconceptualisation théorique nous amenait
à faire, le militantisme non comme un ensemble d’activités effectuées volontairement par un
groupe d’individus clairement défini et différencié d’autres groupes (adhérents, permanents,
élus), mais comme un ensemble d’attributs définissant des types particuliers. Ainsi selon les
huit variables de ce critère, il sera possible de distinguer différentes catégories de militants.
A présent que les outils tant théoriques qu’empiriques sont définis, il convient de les
confronter à la réalité, et précisément au phénomène militant dans un parti politique de droite,
le RPR.
Universitaires de Lille, 1991.
55
SECONDE PARTIE
Les formes du militantisme au RPR
56
La reconceptualisation théorique, à laquelle conduit l’analyse sartorienne du concept
de militantisme, semble offrir les moyens d’une réflexion empirique sur le phénomène
militant dans une organisation politique de droite. Le choix du Rassemblement Pour la
République comme terrain d’application de ce modèle interprétatif du militantisme politique
se justifie par, au moins, deux raisons.
La première est que le RPR représente aujourd’hui l’un des premiers partis de France
en terme d’adhérents (200 00096 en 1992), et se place presque à hauteur du PCF (220 000 en
1990) et devant le PS (125 000 en 1992). De plus, force est de constater la capacité de cette
formation à mobiliser en permanence, pour l’action politique, des hommes et des femmes
dévoués, des militants. Refuser de voir cette évidence, au titre que le militantisme ne peut
appartenir qu’à une culture de gauche, c’est passer à côté de l’une des réalités de la vie
politique de notre pays.
La seconde raison, qui motive une telle enquête, est que cette puissante militante a été
étudiée, très peu du reste, avec des outils théoriques inadaptées. Les définitions théoriques du
militantisme, comme nous l’avons vu précédemment, décrivent essentiellement la réalité du
militantisme tel qu’il se pratique dans les organisations de gauche : fortement structuré par
l’organisation, caractérisé par un fort dévouement au parti, par une fidélité sans faille à
l’idéologie. Au contraire, sans privilégier, dans sa définition du militantisme, un élément
(organisation, individu ou idéologie) au profit d’un autre, le modèle O., C., I. restitue toute la
96
chiffres estimés par Colette YSMAL. « Transformations du militantisme et déclin des partis ». L’engagement
politique : déclin ou mutation. (pré-actes du colloque, 4-6/03/1993). Paris : CEVIPOF, 1993, p. 363.
57
complexité de ce phénomène que l’on ne peut réduire à des définitions unidimensionnelles,
par trop réductrices. Et partant, il ne décrivant pas une réalité a priori, peut s’appliquer à
toutes les formes du militantisme politique (partisan, syndical ou associatif).
Nous chercherons donc, ici, à confronter ce modèle théorique à la réalité du
militantisme au RPR, dans un contexte particulier, celui de la capitale. Nous chercherons à
mettre à jour, les formes différenciées que peut revêtir cette pratique dans une organisation de
droite. Pour ce faire, nous tenterons de construire, grâce à l’indicateur définit précédemment,
une typologie des militants du RPR qui permettra de saisir les spécificités de ce mode
d’engagement politique.
Cependant, pour y parvenir, il convient d’analyser, successivement et préalablement,
les trois pôles constitutifs du modèle O., C., I.
Dans un premier temps, nous spécifierons le pôle individuel. L’analyse suppose ici de
déterminer d’abord l’environnement social des adhérents du RPR avant de préciser les
caractéristiques de leur système de motivations à s’engager personnellement dans l’action
politique (ch. 4). Le second temps de l’analyse doit conduire à préciser le rôle joué par le parti
dans l’organisation du militantisme : définition normative, activités effectuées et système de
rétribution (ch. 5). La dernière étape consistera, enfin, en l’analyse du pôle de la confictualité.
Nous chercherons à déterminer les caractéristiques propres des univers politique et
idéologique des militants du RPR (ch. 6) (cf. annexe 1 pour la méthodologie suivie). Ce n’est
qu’à l’issue de cette étude qu’il sera possible de définir des types différenciés de militants.
58
CHAPITRE 4
L’engagement individuel
59
Le modèle O., C., I. incite, en effet, à penser le militantisme comme un construit
complexe de plusieurs éléments en interaction. Aucun des trois éléments constitutifs du
modèle ne dominant dans l’explication du phénomène, il est possible de partir de n’importe
lequel. Toutefois, il semble logique de commencer l’analyse du militantisme au RPR par le
pôle individuel. Il sera ainsi possible de s’interroger sur les motivations, les raisons à adhérer
et à militer de l’individu qui se situent en amont du militantisme proprement dit.
Dans un premier temps, nous mettrons en évidence l’environnement social des
adhérents du RPR. Nous chercherons, plus particulièrement, à préciser quelle est la base
sociale du RPR. La question mérite d’être posée pour au moins deux raisons. D’une part,
parce qu’en nombre d’adhérents, le RPR est aujourd’hui l’un des premiers partis de France.
En 1992, son effectif était estimé à 200 000 adhérents. Pour l’année 1993, le RPR annonce
encore 150 000 adhérents. Or, cette importance numérique de la base a pour conséquence de
lui conférer un pouvoir important sur l’état-major du parti gaulliste. D’autre part, parce que le
RPR représente une véritable force militante dont il faut tenter de connaître l’origine et la
spécificité sociales
Une fois préciser l’environnement social des adhérents du RPR, il convient de passer à
l’explication proprement dite du pôle I., dans le cas pratique du RPR à Paris. Nous nous
attacherons à montrer comment les prédispositions sociales à adhérer se transforment en
adhésions réelles. Nous retiendrons deux aspects fondamentaux, le rôle joué par les
60
circonstances, et ce que nous appellerons le système de motivations des individus, c’est-à-dire
ce qu’ils attendent et espèrent de leur entrée au RPR.
1) l’environnement social des adhérents du RPR :
Alors que les partis politiques gauche, socialistes et communistes, ont théorisé le
champ dans lequel leur action doit s’orienter, à savoir la classe ouvrière, le prolétariat, etc., le
mouvement gaulliste a, dès son origine, récusé tout découpage de la société en classes ou
groupes sociaux ayant des intérêts divergents que les organisations politiques seraient sensées
représentés et défendre. Le mouvement gaulliste se situe donc au dessus des divisions de
quelques natures quelles soient; il représente le Peuple Français, un et indivisible.
L’organisation politique aux yeux des dirigeants gaullistes n’est pas un parti, mais le
rassemblement de ce peuple. « Le Rassemblement a pour but de réunir tous les hommes et
toutes les femmes de France décidés à remplir leur devoir envers la Nation et à exercer leurs
droits politiques, économiques, sociaux et culturels dans le cadre des institutions de la Ve
République »97.
Cette volonté de rassemblement conduit les dirigeants gaullistes à promouvoir l’image
du RPR comme d’un mouvement qui serait la copie conforme de la société française. A.
Juppé peut ainsi déclarer : « Aujourd’hui, nous sommes le grand mouvement populaire que
nous avons toujours eu l’ambition d’être »98. Cette représentation n’est pas dénuée de tout
fondement. Le mouvement gaulliste est, en effet, la seule formation de droite pouvant
revendiquer comme adhérents des ouvriers, des employés, des artisans et des agriculteurs, en
même temps que des cadres supérieurs, des entrepreneurs, etc..
Mais, dans une large mesure, cette prétention à incarner la réalité sociale de la Nation
Française se heurte à certaines spécificités propres à l’environnement social du mouvement
gaulliste. D’une part, le RPR reste essentiellement un parti d’hommes, bien qu’il est ai connu
une réelle féminisation. D’autre part, c’est un parti de personnes d’âge mûr, malgré un certain
rajeunissement . Enfin, c’est un parti qui recrute essentiellement dans les classes moyennes.
Ces différents éléments constituent un ensemble de facteurs explicatifs de l’adhésion au RPR
; ils constituent un ensemble de prédispositions sociales à l’engagement politique.
97
Statuts nationaux du RPR. 1989, article 2 § 1.
61
1.1/ Une réelle féminisation :
Le sexe puis l’âge fournissent les premiers traits du profil social de l’adhérent du RPR.
Si les hommes restent largement majoritaires, les enquêtes les plus récentes y compris la notre
montrent clairement que le « RPR est le parti français le plus féminin »99 (cf. tableau 1). Si en
1979, le pourcentage officiellement déclaré de femmes au RPR (41,4%100), exagérait
largement la réalité des faits, il n’en reste pas moins que dans les années 1980, le taux de
femmes est
TABLEAU 1 : Sociologie des adhérents du RPR (en %).
1984
a
1986
b
1994
SEXE
Hommes
Femmes
80
20
63
37
61
39
moins de 25 ans
25-34 ans
35-49 ans
50-64 ans
plus de 65 ans
4
16
4
3
11
36
34
16
24
31
21.5
14
9.5
3.5
8
34.5
15
8
2
21
5
3
20
11
11
5
27
0
7
20
27
7
3.5
24.5
AGE
CATEGORIES SOCIO-PROFESSIONNELLES
Agriculteurs
Artisans, commerçants
Cadres et professions sup.
Professions intermédiaires
Employés
Ouvriers
Inactifs
} 75
a
: Pierre BRECHON, Jacques DERVILLE, Patrick LECOMTE. Les cadres du RPR. Paris : Economica, 1987.
: Enquête réalisée par Louis Harris entre les 17 et 29 octobre 1986 auprès d’un échantillon de 1000 adhérents
du RPR, selon la méthode aléatoire. La PCS est ici celle du chef de ménage et non celle de la personne
interrogée.
b
multiplié par plus de 3. En 1978, une enquête réalisée par R. CAYROL et C. YSMAL auprès
des délégués à un congrès extraordinaire du RPR, enregistrait un taux de 11% de femmes
98
Alain JUPPE. Rapport annuel d’activité 1993-1994.
Colette YSMAL. Les partis politiques sous la Ve République. Paris : Montchrestien, 1989, p. 206.
100
Charles PASQUA. Rapport sur la vie du mouvement. Assises nationales du 31/03/1979.
99
62
parmi les personnes interrogées. En 1984, le taux s’élève à 20%. 37% en 1986. Et 39% selon
notre enquête en 1994.
Cette population féminine possède ses caractéristiques propres. L’enquête de 1984;
précise que 36% des femmes du RPR sont des inactives. En 1994, on trouve un taux
équivalent de 32,5%. Les actives, 64% en 1984, représente 77,5% dix ans après.
Ce phénomène semble correspondre aux transformations sociales en cours. Les
femmes, plus actives, tendent à calquer leurs pratiques, en matière de politique sur celles des
hommes. Comme l’ont montré J. MOSSUZ-LAVAU et M. SINEAU101, les femmes actives
sont plus intéressées par la politique et plus enclines à s’engager dans un parti que les
inactives.
Il est possible toutefois de préciser ces données en indiquant la répartition des
femmes adhérentes du RPR par catégories socioprofessionnelles. En se basant sur une
enquête de 1979, C. YSMAL signale « que les femmes qui travaillent, sont plus fréquemment
cadres moyens que leurs homologues masculins (24 contre 17%), moins souvent cadres
supérieurs (32 au lieu de 38%) »102. Ce phénomène correspondrait pour elle « à la logique qui
fonctionne au sein de la société globale »103. Les données recueillies en 1994 confirme cette
hypothèse : les femmes interrogées sont, en effet, plus souvent cadres moyens (35,5%) que les
hommes (21,5%) et moins fréquemment cadres supérieurs (16% contre 22,5%).
Mais si la féminisation du RPR si elle est réelle doit être relativisée. Car, d’une part,
les femmes au RPR ont des positions sociales légèrement inférieures à celle des hommes. Et,
d’autre part, ces derniers constituent toujours la majorité des effectifs gaullistes (61% encore
en 1994).
1.2/ Un parti d’hommes mûrs :
La jeunesse représente un véritable enjeu pour un parti politique : car plus que tout
autre élément elle prouve son dynamisme. En 1979, le RPR revendiquait près de 16% de
jeunes adhérents de moins de 25 ans. Les plus de 40 ans représentaient toutefois, selon ces
données, 64% des effectifs partisans.
Les enquêtes menées en 1984 et 1986, confirment d’une part la réalité du poids de ces
adultes, voire personnes âgées. L’enquête concernant les cadres du RPR montre que 75% des
adhérents ont entre 35 et 64 ans, dont, plus précisément 34% entre 35 et 44 ans, 21% entre 45
101
Janine MOSSUZ--LAVAU, Mariette SINEAU. Enquête sur les femmes en politique. Paris : PUF, 1983.
Colette YSMAL. Op. cit., p. 206.
103
Colette YSMAL. Ibid., p. 199.
102
63
et 54 ans et 20% entre 55 et 64 ans. Cette prédominance des catégories d’âge actif (35-64 ans)
signale que le temps de l’insertion professionnelle donc sociale favorise l’engagement
partisan. Mais ce phénomène est ici grossi dans la mesure où la population étudiée est
composée de cadres du parti, qui pour la plupart occupent des responsabilités, ce qui suppose
une bonne insertion sociale et politique. L’enquête de 1986 sur les adhérents du RPR renforce
l’idée de la prédominance de ces classes d’âge : 70% des effectifs du RPR appartiennent à la
classe 35-65 ans.
Il semblerait donc que le RPR a du mal à recruter chez les catégories les plus jeunes,
les moins insérées socialement et les moins intéressées politiquement. Toutefois, cette
conclusion peut être relativisée. Notre enquête sur les militants parisiens du RPR fait
apparaître un très fort taux de jeunes : 54% de personnes interrogées ont moins de 35 ans.
Cette prédominance des jeunes semble s’expliquer par le fait que le militantisme à Paris est
essentiellement mené par les Jeunes du RPR qui constituent, à proprement parler, le fer de
lance du mouvement. Les jeunes du RPR représentent environ 4500 personnes dans la
capitale, ce qui représente une vraie force militante.
Par ailleurs, il est possible que le mode de transmission des questionnaires (cf. annexe
1) ai encouragé les réponses des plus jeunes. Ce serait donc un biais de notre enquête, qui
néanmoins signale une réalité de l’activité militante du RPR dans le contexte parisien. Il reste
que le RPR dans son ensemble apparaît comme un parti d’hommes mûrs, ce que notre enquête
constate aussi : 45% des personnes interrogées ont 35 ans ou plus, ce qui reste un taux
important.
1.3/ La prépondérance des classes moyennes :
Enfin, dernier trait caractéristique de l’univers social des adhérents gaullistes : le poids
prépondérant des classes moyennes. Comme l’indiquent P. GUIOL et E. NEVEU, « plus que
la moyenne nationale les formations gaullistes évoquent les nationaux moyens »104. Ce
constat n’est ni récent ni propre au RPR. J. LAGROYE, G. LORD, L. MOUNIER-CHAZEL
et J.PALARD105 constataient dans leur enquête de 1972, que l’UDR est un parti socialement
disparate où aucune catégorie socioprofessionnelle l’emportait réellement. De façon
104
105
Patrick GUIOL, Eric NEVEU. « Sociologie des adhérents gaullistes ». Pouvoirs, 28, 1984, p. 98.
Jacques LAGROYE et al. Op. cit.
64
identique, M. KESSELMAN106 à la même époque constate la prédominance chez les
adhérents de l’UDR de ce qu’il nomme la « petite bourgeoisie » (petits commerçants, artisans,
cadres moyens, employés représentant 57% de son échantillon).
Les données les plus récentes sur le RPR confirment largement ces conclusions. Les
trois enquêtes de 1984, 1986 et 1994 montrent clairement la sous-représentation des
catégories dites « populaires » (ouvriers). Les ouvriers ne représentent que 5% au maximum
des adhérents (alors qu’ils représentent 30.5% dans la société française en 1990107). Surtout,
les données de ces enquêtes s’accordent à montrer la prédominance des catégories sociales
moyennes : professions intermédiaires (qui selon la nomenclature des PCS correspond
essentiellement aux cadres moyens et aux contremaîtres de la nomenclature des CSP),
employés, artisans et commerçants. Ces catégories représentent chez les cadres du RPR, 31%
en 1984, 25% chez les adhérents en 1986 et 41% en 1994 (alors que ces mêmes catégories
représentent 53.5% dans la société française en 1990). Enfin, si la catégorie « cadres et
professions intellectuelles supérieures » apparaît chez les cadres du RPR comme la plus
importante (34.5%), elle ne représente plus que 20% en 1986 et 1994 chez les adhérents. Mais
cette catégorie est sur-représentée par rapport à la société française où elle ne représente que
10.5%. Il faut noter que, dans cette catégorie prédomine au RPR, les cadres administratifs et
commerciaux alors que les catégories intellectuelles supérieurs sont sous-représentées.
Ces données semblent donc suffisamment homogènes pour permettre de tirer des
conclusions assez précises. D’une part, il apparaît que l’espace social occupé est important,
toutes les catégories sont représentées. Toutefois, les catégories moyennes sont surreprésentées au détriment des catégories populaires. En ce qui concerne les catégories
supérieures, le pôle économique l’emporte sur le pôle intellectuel.
De plus, une autre variable, le sentiment subjectif d’appartenance à une classe sociale,
confirme la prépondérance de la classe moyenne. A la question, « avez-vous le sentiment
d’appartenir à une classe sociale ? », 52% des personnes interrogées en 1994 répondent par
l’affirmative. Parmi ces réponses, nous avons procédé à un regroupement en six classes dans
un premier temps, puis finalement en quatre :
106
Mark KESSELMAN. « Systèmes de pouvoir et culture politique au sein des partis politiques français ».
Revue Française de Sociologie, 13, 1972.
107
D’après les données du recensement de la population effectué par l’INSEE en 1990.
65
- la première classe est la « classe moyenne » : 34% ont le sentiment d’y appartenir.
Ce résultat est congruent avec celui relevé par l’enquête de 1984 : 33% des cadres du RPR
partageaient ce même sentiment.
- La seconde classe est une construction qui regroupe la « bourgeoisie » et la « classe
aisée » et qui représente 25%. Cette classe regroupe toutes les réponses où transparaît le
sentiment d’un privilège social. L’enquête de 1984 retenait elle aussi une telle catégorie qui
auprès des cadres du RPR représentait 19%.
- la troisième classe regroupe les réponses qui font apparaître une certaine fierté à
appartenir au monde du travail, à produire, à être actif, ce que nous avons appeler la « classe
laborieuse ». On peut y adjoindre la catégorie « cadres », qui renvoie en priorité
l’appartenance sociale à l’aspect laborieux et actif. Cette classe représente 16% dans notre
enquête, et 28% dans celle de 1984.
- la dernière classe, est la « classe ouvrière » qui ne représente que 11.5%.
Il faut remarquer que cette dernière catégorie n’apparaît pas dans l’enquête sur les
cadres du RPR, et qu’au contraire les auteurs de celle-ci distinguent deux autres classes : la
« classe libérale » et la « classe des salariés ». Ces différences tiennent à la spécificité des
deux échantillons : d’une part, il s’agit de cadres du parti, qui ont des responsabilités, d’autre
part de simples adhérents. Dans un cas, les cadres du RPR s’identifient davantage aux
catégories les plus supérieures et privilégiés. Dans l’autre, l’autoperception est beaucoup
moins élitiste ; les catégories « classe moyenne » et « classe ouvrière » représentant 50% des
répondants.
Cependant le point commun de ces deux enquêtes est de signaler la même
prépondérance de la catégorie « classe moyenne ».
Enfin, un dernier indicateur peut être mobilisé pour rendre compte de la prédominance
des classes moyennes dans les rangs du RPR : l’origine sociale des adhérents.
TABLEAU 2: PCS des parents d’adhérents du RPR en 1994 (en %).
Profession et Catégories Socioprofessionnelles
Père
Mère
Agriculteurs
Artisans, commerçants
Cadres et professions supérieures
Professions intermédiaires
2.5
15.5
27
22
1
6
4.5
20
66
Employés
Ouvriers
Inactifs
16.5
6
7
2.5
1
37.5
La structure des catégories socioprofessionnelles des parents d’adhérents du RPR
confirme celles des enfants (cf. Tableau 2) : importance des catégories moyennes (artisans et
commerçants, 15.5% chez les pères, 6% chez les mères, professions intermédiaires, 22% et
20%, employés 16.5% et 7%) qui représentent chez les pères 54% au total et chez les mères
33% ; sous-représentation des ouvriers (6% et 2.5%) ; enfin, les cadres et professions
supérieures, au moins chez les pères, sont sur-représentés (27%). Les adhérents du RPR sont
donc issus de milieux assez proches de ceux auxquels ils appartiennent eux-mêmes.
Il est possible, enfin, de croiser la profession des adhérents par celles de leur père.
Toutefois les résultats doivent être pris ici avec beaucoup de précautions, la faible taille de
l’échantillon limitant l’intérêt des tris croisés. Cependant, l’opération fournit ici quelques
renseignements (cf. tableau 3). D’une part, le taux de reproduction sociale, donné par la
diagonale du tableau, est relativement important pour les employés (50%), les artisans et
commerçants (40%). Le processus de mobilité ascendante se fait largement sentir : 44% des
cadres supérieurs ont eu un père soit employé, soit ouvrier, soit artisan, commerçant ; le taux
atteint 55% pour les professions intermédiaires. Enfin, pour les ouvriers on constate un
processus de mobilité descendante : 33% avait un père appartenant à la catégorie profession
intermédiaire. Il est intéressant de noter que ces ouvriers n’appartiennent pas au milieu de la
classe ouvrière dont ils ne partagent ni la culture ni les valeurs.
TABLEAU 3 : Origine sociale des adhérents du RPR en 1994 (en %).
Père
Adhérent
Artisans,
Commerçants
Cadres et
professions
supérieures
Professions
intermédiaires
Agriculteurs
-
Artisans,
commerçants
40
12.5 19
-
Cadres et
Professions
professions sup intermédiaires
20
25
20
40
19
25
19 6
20
Employés
Ouvriers Inactifs
-
2510
-
-
67
Employés
-
33
-
-
Ouvriers
-
66.5
-
33.5
50 -
17
-
-
Ainsi, on peut dire que le RPR recrute essentiellement dans une certaine classe
sociale, la classe moyenne, caractérisée par le poids des petits salariés et du monde du travail
indépendant (agriculteurs, artisans, commerçants, petits industriels). Ainsi, le mouvement
gaulliste loin d’être le décalque précis de la société française, est davantage le lieu politique
où s’exprime une certaine culture, certaines valeurs et traditions propres à ce monde social.
Cependant, force est de constater que la définition de la « classe moyenne » reste floue. Cette
catégorisation regroupe des ensembles d’individus assez disparates : quel rapport peut-on
établir entre un artisan boulanger, un employé de bureau et un instituteur ?
Il semble, en fait, que l’on soit plus près de la réalité en disant que les adhérents du
RPR appartiennent aux couches supérieures de la classe moyenne. Hypothèse qui est
confirmée par deux indicateurs : le niveau de diplôme et le revenu du foyer. En effet, 65%
des adhérents interrogés sont titulaires au moins d’un bac + 2. Autrement, dit les adhérents du
RPR sont culturellement privilégiés. Ce résultat confirme par ailleurs les conclusions des
enquêtes socio-graphiques qui ont montré que la politisation dépendait largement du niveau
d’études. L’indicateur « revenu du foyer » indique, quant à lui, que près de 43% des adhérents
interrogés reçoivent au moins 15000 francs par mois, contre 32% qui touchent moins que
cette somme. A nouveau, nous sommes en présence de catégories sinon aisées au moins
relativement privilégiées.
L’analyse de l’environnement social des adhérents du RPR met en évidence les
prédispositions sociales à adhérer. Si toutes les catégories socio-profesionnelles contribuent
peu ou prou à fournir des adhérents aux partis politiques, il apparaît que, dans le cas du RPR,
sont le plus prédisposés à cela les hommes d’âge mûrs, membres des classes moyennes
supérieures, possédant des ressources sociales, économiques et culturelles suffisantes pour
sauter le pas de l’engagement. Il convient à présent de montrer comment ces prédispositions
sont transformées en adhésions réelles.
2) Contextes et raisons de l’adhésion :
68
Après avoir précisé les caractéristiques de l’environnement social du militantisme au
RPR, il convient de poursuivre l’analyse du pôle I. par une interprétation des modalités de
l’adhésion à ce mouvement. Cette dernière est largement déterminée par les circonstances, qui
à un moment donné et dans un contexte précis, familial, historique ou politique, transforment
les prédispositions en acte. Toutefois, on risque de mal comprendre le phénomène si on ne
cherche pas à déterminer le système de motivations des adhérents, qui seul exprime leurs
attentes, leurs espoirs, et leurs besoins.
2.1/ Les circonstances de l’adhésion :
Pour beaucoup de membres du RPR, l’adhésion a été la conclusion logique d’un
intérêt précoce pour la politique. Presque 70% des personnes interrogées affirment s’être
intéressées à la politique avant l’âge de 20 ans, et 27% avant 15 ans. Cette précocité, résultat
de la socialisation politique des individus, si elle rend compréhensible l’adhésion à un parti
politique ne permet pas de saisir ce qui a déclenché celle-ci.
Les dates de l’adhésion fournissent un premier indice du poids des circonstances dans
l’adhésion au RPR. Mais notre échantillon comptant un nombre élevé de jeunes, il n’est pas
surprenant de constater que l’importance des adhésions les plus récentes : presque 65% de
notre échantillon a adhéré après 1988. Ce qui, malgré ce biais, coïncide avec un afflux
d’adhésion depuis 1986. C. YSMAL108 constate, en effet, qu’entre 1986 et 1992, le nombre
d’adhérents du RPR fait plus que doubler, passant de 98 000 à 200 000 (chiffres estimés).
De plus, ces données reflètent la disparition des adhérents les plus anciens : il ne reste
plus dans notre échantillon que 8% d’adhérents d’avant 1981, 10.5% de 1981 à 1986 et 13%
de 1986 à 1988. Ce phénomène peut s’expliquer par deux raisons. D’une part les plus anciens
adhérents laissent leur place aux jeunes et quittent le mouvement. D’autre part, la conjoncture
politique
des
années
quatre-vingt
et
quatre-vingt-dix,
faites
d’espoirs
(élections
présidentielles de 1981 et 1988) et d’alternances au pouvoir (cohabitations de 1986 et 1993),
qui réclament dans les deux cas un soutien renforcé au mouvement, ont été un contexte
favorable à l’adhésion.
108
Colette YSMAL. « Transformations du militantisme et déclin des partis ». Op. cit, p. 363.
69
Cependant il est possible en croisant la date d’adhésion par l’âge de préciser quatre
types générationnels :
- les moins de 35 ans qui ont adhérer au RPR après 1988 constituent le plus grand
groupe dans notre échantillon : 44%. Il s’agit de jeunes arrivés tôt en politique, marqués par la
victoire socialiste de 1988, Maastricht et l’expérience de la seconde cohabitation.
- le second type représente 19%. Il s’agit des plus de 35 ans ayant adhérer avant 1988.
Pour une part, il s’agit de fidèles venus au RPR avant l’arrivée des socialistes au pouvoir en
1981. Pour une autre, ce sont des adhérents qui réagissent à cette arrivée ou qui, en 1986,
soutiennent l’action de J. CHIRAC.
- les plus de 35 ans, adhérant après 1988, représentent 19%. Leur adhésion est plus
tardive, correspondant pour la plupart à un ras-le-bol de la politique socialiste et une
aspiration à un renouveau.
- enfin, les moins de 35 ans qui viennent au RPR avant 1988, constitue la partie
congrue, 6%, de notre questionnaire. Ce sont essentiellement des personnes venues au RPR à
partir de la cohabitation de 1986.
Cependant cette explication contextuelle de l’adhésion implique d’imposer aux
adhérents un système de motivations simples, voire simplistes, qui consisterait à vouloir
soutenir le mouvement gaulliste et à s’opposer à la gauche. Or, les raisons des adhérents sont
plus nombreuses que cela et forment un système relativement bien structuré qui possède sa
propre logique.
2.2/ Le système de motivations des adhérents du RPR :
Nous appellerons « système de motivations », l’ensemble des raisons, attentes, désirs
revendiqués par les adhérents pour justifier leur engagement. Ce système est au coeur du pôle
I. Par sa compréhension passe donc une part non négligeable de l’explication du phénomène
militant. D’une part il est possible de distinguer quatre grandes catégories de motivations
subjectives : la défense de valeurs et convictions personnelles, le poids d’un événement
fondateur, la personnalité des leaders gaullistes, et enfin la tradition gaulliste.
Les réponses à la question ouverte, « pouvez-vous dire en quelques mots ce qui vous a
conduit à adhérer au RPR ? », ont été recodées dans un premier temps en 12 groupes de
70
raisons invoquées pour justifier l’adhésion au RPR. Il est toutefois possible de retenir un
classement en quatre catégories :
- la première, représentant 23% de l’échantillon, se réfère à l’idée de la défense et du
combat pour des idées et des convictions personnelles. Elle est composée des personnes qui
ont répondu soit « par conviction personnelle » (14%), « désir d’agir » (4.5%) ou « pour un
renouveau » (4.5%). On constate que 60% des personnes classées ici appartiennent au premier
type générationnel, les moins de 35 ans ayant adhérés après 1988. Il s’agit donc de ces jeunes
venus précocement à la politique mais dont l’engagement dépend moins du contexte politique
que de la volonté d’exprimer « en première personne » ses opinions. Ce phénomène est
caractéristique des individus les mieux insérés socialement. Il s’agit essentiellement de
personnes actives et possédant un niveau culturel assez élevé.
Certains entretiens mettent l’accent sur cette idée de l’expression d’idées personnelles
et du désir d’agir pour les défendre :
« Ce que je cherchais (en adhérant) c’était pouvoir développer, comme tout un chacun,
ses idées sur tel ou tel thème, je crois qu’effectivement c’est faisable, c’est largement
possible. Bon, je tenais à développer certaines idées et puis à agir, à agir pour un « camp », là
je crois aussi que je le fais » (entretien 4).
- la deuxième catégorie regroupe tous ceux qui font référence à un événement
fondateur et représente 20% de l’échantillon. L’arrivée de la gauche au pouvoir est citée par
14% des personnes interrogées, Maastricht par 3.5% et la défaite de J. CHIRAC en 1988 par
2.5%. Tous ceux qui se réfèrent à ces deux derniers événements appartiennent au premier
pôle générationnel. La moitié de ceux qui citent l’arrivée de la gauche au pouvoir
appartiennent au deuxième type générationnel, les plus de 35 ans ayant adhéré avant 1988. Le
contexte joue donc un rôle indéniable, mais d’autant plus que l’événement a provoqué un
traumatisme durable, comme c’est le cas pour l’arrivée de la gauche au pouvoir en 1981. Les
données recueillies par les entretiens confirment cette constatation : soit la réaction est
immédiate, soit elle intervient avec retard à mesure que l’expérience socialiste perdure. Mais
elle est, à chaque fois, à la mesure du choc reçu :
« Je suis venu au RPR en 1982, parce que la gauche était arrivée au pouvoir, je pensais
qu’il fallait réagir, je pensais qu’il fallait que la gauche fasse un mandat court, je pensais qu’il
fallait tous que l’on se mobilisent, qu’on se battent, moi j’ai adhéré au RPR » (entretien 6);
71
« En 1981, j’avais 13 ans, je commençais à m’intéresser de façon assez lointaine, mais
réelle, à la vie politique du pays. Les socialistes sont arrivés au pouvoir, j’en pensais pas
grand chose. Mes parents étaient horrifiés, mais moi-même voyais ça d’un oeil plutôt neutre.
Et c’est l’évolution de l’expérience, quels que soient les premiers ministres qui ont été en
poste, qui m’a amenée à penser qu’il y avait certainement une autre solution (...) Et c’est ce
qui m’a amenée à m’engager dans le mouvement » (entretien 1).
- la troisième catégorie regroupe ceux qui affirment être attachés aux valeurs
défendues par le RPR, au gaullisme. Elle représente 16,5% de l’échantillon. Elle est
composée des groupes « valeurs défendues par le RPR » (10.5) et « tradition gaulliste » (6%).
Cette raison est présentée essentiellement, pour plus de la moitié, par les personnes qui ont
adhéré avant 1988, quelque soit leur âge. Il s’agit donc ici de fidèles du gaullisme dont
l’engagement est le résultat de la transformation d’une tradition idéologique en une action au
sein d’un parti qui représente le mieux cette tradition.
- la dernière catégorie, enfin, regroupe tous ceux qui ont été influencés par une
personnalité, en l’occurrence soit J. CHIRAC (10.5%) soit Ch. De GAULLE (4.5%), pour un
total de 15% de l’échantillon.
Il s’agit surtout ici de jeunes ayant adhérés après 1988
(50%) et largement influencés par la personnalité de J. CHIRAC. Les entretiens mettent aussi
en évidence cet aspect subjectivement important :
« Là bas (au RPR), j’ai trouvé J. CHIRAC, en fait c’est clair. Et je suis allé à la
convention en 1985 et vraiment ça a été pour moi la révélation, où j’ai commencé à connaître,
heu, Jacques, le grand Jacques » (entretien 3).
« Je pense très honnêtement que si je n’avais pas été contemporain du général De
GAULLE, je n’aurais pas fait de politique. J’ai fait de la politique parce que c’était le général
De GAULLE, et qu’en suite je suis restée, parce que c’était un enchaînement, il fallait rester,
il fallait maintenir ce qu’avait fait le général De GAULLE. Mais je ne me serais jamais
engagée si ça n’avait pas été le Général De GAULLE. Ca c’est clair et net, parce que jusqu’à
présent aucun homme politique ne m’avait séduite et me séduit encore comme De GAULLE,
sauf CHIRAC » (entretien 2).
Il est possible, enfin, d’affiner cette typologie en analysant les réponses produites à la
question fermée sur les raisons de l’adhésion (« Pour les raisons suivantes qui ont pu vous
72
faire adhérer au RPR quelles sont celles qui vous semblent très importantes, plutôt
importantes, plutôt pas importantes, pas importantes du tout ? ») (cf. tableau 4). Tout d’abord,
toutes ses raisons sont jugées majoritairement importantes (soit très importantes, soit plutôt
importantes) pour rendre compte de l’adhésion au RPR, à l’exception d’une seule : « trouver
sa véritable identité ».
Cette dernière ne recueille, en effet, que 43.5% de jugement positif contre 46% de
négatif. Cela prouve, s’il en était besoin, à nouveau que la population étudiée est relativement
bien intégrée socialement.
TABLEAU 4 : Jugement porté sur les raisons d’adhérer au RPR en 1994 (en %)
Raisons :
Importantes
Pas importantes
Participer à la transformation de la société
78
14.5
La personnalité de J. CHIRAC
75
17.5
Rencontrer des gens qui ont la même opinion
61
30.5
Convaincre par son exemple
Exercer des responsabilités
Trouver sa véritable identité
56.5
48.5
30.5
42.5
43.5
46
L’hypothèse selon laquelle l’adhésion exprimerait un désir d’action, une volonté de
combattre pour changer les choses, tout en défendant ses idées, est largement confirmer. Pour
78% de notre échantillon « participer à la transformation de la société » est une raison
importante de l’adhésion. De plus, la personnalité de J. CHIRAC demeure un mobile jugé
important qui fait écho aux réponses spontanées.
Par contre, des raisons comme « rencontrer des gens qui ont la même opinion que
soi », « convaincre par son exemple » et « exercer des responsabilités », si elles sont jugées
importantes, le sont relativement moins que les précédentes. On peut supposer que s’exprime
ici une différence entre ceux qui adhérent, au sens le plus strict du terme, qui prennent une
carte et payent une cotisation sans autre engagement de leur part, et ceux qui sautent un
nouveau pas et deviennent des militants.
73
Si l’analyse des motivations à adhérer éclaire le phénomène d’entrée dans un parti,
elle laisse en suspend le problème du passage à l’acte militant. Or il apparaît que le système
de motivations de l’adhésion définit un terreau favorable au militantisme. Mais ce dernier ne
peut être compris que dans l’interaction qui lie le pôle individuel aux pôles organisationnel et
conflictuel.
Après avoir mis en évidence les principales caractéristiques du pôle I. dans le cas du
RPR, c’est-à-dire à la fois les prédispositions sociales des adhérents ainsi que leur système de
motivations, il est nécessaire de passer à l’exploration des pôles suivants, en commençant par
celui de l’organisation.
74
CHAPITRE 5
L’organisation du militantisme
75
La description du pôle I. de notre modèle, appliqué au cas du RPR, nous a conduit à
préciser, d’une part, les prédispositions au militantisme des adhérents gaullistes, et d’autre
part, les motivations qui les animent. Cependant l’analyse des formes du militantisme au RPR
doit se poursuivre à présent par la description du pôle O., qui permettra d’élucider le
problème de la mobilisation des adhérents dans les activités militantes offertes par le parti.
Théoriquement, le pôle de l’organisation réunit tous les éléments qui, dépendant de
l’organisation, concourent à définir le militantisme politique : chances objectives, modalités
pratiques, et rétributions.
Dans un premier temps, nous nous attacherons à la définition normative et idéale du
militant politique donne le RPR. En proposant à leurs adhérents différentes activités, les partis
politiques tendent, en effet, à donner du militant une définition souvent normative, renvoyant
à l’idéal du « bon militant ». Le RPR dans ses publications impose l’image d’un militant
tourné vers l ’extérieur, prosélyte, alors que l’image revendiquée par les militants eux-mêmes
est tout autre.
Pour éclairer les formes différenciées que prend le militantisme au RPR, l’analyse des
qualités requises, imposées ou revendiquées, pour être un militant ne suffit pas. Il convient de
s’attacher à l’analyse des types d’activités privilégiés au sein du RPR. L’hypothèse selon
laquelle le RPR serait un parti d’électeurs tendrait à nous inciter à penser que la participation
active aux activités du parti est faible et très intermittente. Cette hypothèse doit être vérifiée
ici.
76
Enfin, nous insisterons sur l’interaction entre les pôles O. et I. qui permet d’expliquer
comment l’organisation motive ses adhérents à s’investir dans les activités militantes. Il s’agit
ici de mettre à jour le système de rétributions offertes par le parti à ses adhérents, en échange
d’un engagement très coûteux, qui dépasse la simple adhésion.
1) La définition normative du militantisme au RPR :
Chaque organisation politique tend à proposer une définition normative particulière du
militant, du « bon militant ». J. LAGROYE, G. LORD, L. MOUNIER-CHAZEL et J.
PALARD ont montré, dans leur enquête sur le militantisme politique dans trois partis en
Gironde, qu’il existe plusieurs modèles de militants qui varient selon les objectifs mêmes des
partis ; « ces objectifs impliquant en effet que certaines tâches soient privilégiées, et c’est à
ces tâches que les militants se consacrent surtout »109. Les mêmes auteurs soulignent qu’il
existe néanmoins un fond commun de qualités morales qu’un militant, qu’il soit communiste,
socialiste ou gaulliste, se doit de posséder : le désintéressement, le dévouement, l’honnêteté.
Toutefois les partis communiste et socialiste proposent une définition du « bon militant » qui
tourne essentiellement autour du « pôle partisan », c’est-à-dire qu’est privilégié ici le
dévouement au parti. La définition gaulliste trancherait radicalement avec celle-ci : le « bon
militant » se définissant essentiellement comme un prosélyte, dont le principal devoir est de
propagande et d’explication des idées gaullistes.
Cette image du militant gaulliste est encore très largement présente au RPR. Mais il
faut souligner que cet idéal est imposé par l’organisation, l’image revendiquée par les
militants étant toute autre.
1.1/ Une image imposée :
L’analyse de la presse du parti gaulliste permet de mettre à jour une image particulière
du militantisme que cette organisation entend imposer. Le bon militant gaulliste doit
principalement être un prosélyte, ouvert sur l’extérieur et dont la mission est d’expliquer et de
convaincre.
On peut ainsi lire dans le « guide de l’adhérent » distribué à chaque nouveau arrivant
au RPR que « l’action politique ne doit pas être vécue en circuit fermé. Notre premier devoir
109
Jacques LAGROYE, et al. Op. cit., p. 128.
77
est d’être proche des Français. Cela signifie être à l’écoute des gens, de leurs besoins, de leurs
problèmes et de leurs questions et en même temps, chercher à expliquer, à convaincre et
chaque fois qu’on le peut à aider ».
Cette idée est à nouveau présente sous la plume d’H. CROUX, délégué départemental
à la jeunesse, qui écrit « le soutien de la politique gouvernementale par l’ensemble des jeunes
du Rassemblement se traduit par un renforcement de l’action militante pour une meilleure
compréhension des réformes entreprises. Les jeunes ont désormais un rôle « pédagogique » :
tenter d’expliquer au travers des choix gouvernementaux le bien fondé de ces nouvelles
réformes »110.
Mais cette fonction principale qui définit le militant gaulliste si elle doit être
permanente, s’effectue de façon privilégiée lors des campagnes électorales : « s’il revient aux
militants de relayer les actions du mouvement en ce qui concerne le dialogue avec les
Français, et son esprit d’ouverture aux autres, il leur faut également se préparer aux
prochaines échéances électorales, tant il est vrai qu’une grande formation politique doit
affirmer sa présence dans tout le pays »111.
Enfin, cette idée est largement confirmer quand on regarde les intitulés des séminaires
de formation que dispense le RPR à ses militants et à ses cadres. Tous tournent autour d’une
préoccupation centrale : comment mieux propager les idées que l’on défend ? On trouve ainsi
des sujets tels que « Persuader et convaincre », « expression orale », « Communication
écrite » et « conduite de réunion ». Le but de ces séminaires étant de fournir aux militants tous
les moyens de parvenir à remplir parfaitement leur rôle de diffuseur d’idées.
Le modèle idéal du militantisme politique est ici clairement défini : ce qui compte
c’est le rayonnement extérieur et la propagande. Mais pour pouvoir correctement diffusé ses
idées, encore faut-il y être fidèle et dévoué. L’analyse des portraits d’élus et de responsables
du RPR, que l’on peut trouver, entre autre, dans la lettre de la nation, montre le parcours idéal
du « bon militant » :
- engagé précocement, par exemple « Nourdine CHERKAOUI décline depuis l’âge de
seize ans le verbe militer à tous les temps et sur tous les modes. A croire, d’ailleurs, qu’il est
110
Hervé CROUX. « S’engager, c’est être solidaire ». Journal d’Information du RPR de Paris, 12, nov.déc.
1993.
111
La Lettre de la Nation, 929, 25/10/1993.
78
né militant »112 (Nourdine CHERKAOUI est aujourd’hui le secrétaire national à la jeunesse
du RPR) ;
- mais aussi fidèle à des idées souvent héritées de parents et grands-parents gaullistes ;
« son père, avant d’entreprendre une carrière d’officier, fut résistant dans le maquis près de
Grenoble. Le gaullisme fait donc partie de la culture familiale et c’est sans doute pour cette
raison que le jeune Hugues MARTIN adhère à l’UNR en 1968 et crée l’Union des Jeunes
pour le progrès en Aquitaine »113 (Hugues MARTIN est premier vice-président du conseil
général de Gironde) ;
- et prêt à défendre activement ses idées ; « les conseils de son grand-père, Brigitte Le
BRETHON les a si bien retenus que, dès l’âge de 16 ans, elle milite à l’Union des jeunes pour
le progrès. Issue d’une vieille famille normande, il ne lui viendrait pas à l’idée de renier un
tempérament qui emprunte tout à la fois aux Celtes et aux Vikings : elle est combative et
défend de pied ferme les idées auxquelles elle croit »114 (Brigitte le BRETHON est deuxième
vice-président du conseil général du Calvados) ;
- le militant doit, enfin, accéder rapidement à des positions de responsabilité, « des
responsabilités, Jean-Paul HEIDER en a pris très tôt en adhérant à la fin des années 50 aux
jeunes Républicains sociaux. Puis ce sera l’Union des jeunes pour le progrès qui reste et
demeure l’une des grandes écoles du militantisme gaulliste, pour ne pas dire du militantisme
tout court. Il est, enfin, depuis 1974, secrétaire départemental du Haut-Rhin »115.
Or l’on sait que « le militantisme ne constitue guère dans les partis de droite un moyen
de promotion permettant d’être en situation d’être élu »116. Cette présentation de parcours
idéaux, du militant aux élus ou responsables du parti, participe à l‘imposition d’une certaine
image du militant qui reste, en fait, assez éloignée de l’image que revendiquent pour euxmêmes les militants.
1.2/ Une image revendiquée :
Un premier élément, définissant cette image revendiquée par les militants, est donné
par le classement, selon leur degré d’importance, de cinq fonctions que peut remplir un
112
La Lettre de la Nation. Magazine, 221, 10/09/1993.
La Lettre de la Nation. Magazine, 229, 05/11/1993.
114
La Lettre de la Nation. Magazine, 223, 24/09/1993.
115
La Lettre de la Nation. Magazine, 231, 19/11/1993.
116
Philippe GARRAUD. Profession : homme politique. La carrière politique des maires urbains. Paris :
L’Harmattan, 1989, p. 38.
113
79
militant (cf. Tableau 5). Ce tableau agrège en deux catégories la fréquence des classements
dans les positions les plus basses (1 et 2) et dans les positions les plus hautes (4 et 5). Il se lit
de la manière suivante : la fonction « contribuer à l’élaboration des programmes » a été
classée par 29.5% des répondants en position 1 et 2, c’est-à-dire celles qui représentent le
degré le plus faible d’importance, et par 31.5% dans les positions 4 et 5, qui correspondent au
degré le plus élevé d’importance.
TABLEAU 5 : Classement des fonctions remplies par un militant selon leur degré
d’importance (en %).
Fonctions qu’un militant
peut remplir
moins importante
plus importante
différence
(positions 1 et 2)
(positions 4 et 5)
Recruter des adhérents
31
31
0
Former des militants
31
29.5
1.5
Faire connaître aux gens les idées du RPR
38.5
27.5
11
Contribuer à l’élaboration des programmes
29.5
18.5
Faire connaître aux dirigeants les souhaits
des adhérents
22.5
35
0.5
-12.5
Or, ce classement ne confirme pas l’image idéale imposée par l’organisation. D’une
part, la fonction « faire connaître aux gens les idées du RPR » est classée par 38.5% des
répondants dans les deux positions les plus basses, et par seulement 27.5% dans les positions
les plus hautes. D’autre part, la fonction « faire connaître aux dirigeants les souhaits des
adhérents », est le plus fréquemment positionnée en 4 ou 5 (35%), et le moins en 1 ou 2
(22.5%). L’aspect extérieur du militantisme disparaît ici au profit d’une action plus tournée
vers l’intérieur et l’aspect partisan de l’action militante. Cependant, il faut relativiser cette
conclusion en constatant que les trois autres fonctions (« recruter des adhérents », « former
des militants », « contribuer à l’élaboration des programmes ») sont globalement aussi
souvent classées comme importantes et peu importantes. On peut donc dire, au moins, que
l’idéal militant défini par l’organisation n’est pas partagé par tous les adhérents.
Ce phénomène, semble-t-il, est la marque du développement du militantisme au RPR
qui, depuis une quinzaine d’années, tend à créer des militants très attachés à leur organisation,
et davantage tournés qu’avant vers des préoccupations internes. Comme l’indique un
interviewé, « être un bon militant, je dirais que c’est tracter dehors, aller dehors, et s’investir
dans la vie politique de son parti » (entretien 7). Cette dualité interne-externe semble être
l’une des caractéristiques du militantisme au RPR. Cela suppose de ne pas s’arrêter à la trop
80
simple définition normative du militantisme qu’elle soit imposée par l’organisation ou
revendiquée par les militants, et de s’attacher à l’analyse des activités mêmes, proposées aux
adhérents par l’organisation.
2) Les activités militantes au RPR :
Le pôle O. détermine l’ensemble des modalités pratiques du militantisme : c’est-à-dire
les types d’activités proposés au adhérents, le cumul des positions militantes et le système des
rétributions du militantisme.
Au RPR, il apparaît que l’activité intra-partisane domine. Il faut, en effet, constater la
faiblesse des activités militantes externes et du cumul d’engagements militants. Cela infirme
l’une de nos hypothèses de départ selon laquelle l’inverse aurait du se produire dans le cadre
d’un parti d’électeurs. Ce résultat doit, en fait, conduire à s’interroger sur la réalité de
l’importance des objectifs électoraux motivant le militantisme au RPR, et finalement à la
relativiser.
2.1/ L’importance de l’investissement intra-partisan :
L’importance de l’investissement constitue un résultat original de notre enquête. Les
études qui existent sur le militantisme RPR tendent au contraire à montrer que cet
investissement est faible. Les auteurs de l’enquête sur les militants politiques dans trois partis
français117 mettent clairement en évidence la limitation de l’activisme intra-partisan à l’UDR.
Certes, il existe des aspirations au militantisme chez les adhérents de ce parti mais elles ne
trouvent pas à se développer dans des activités intra-partisanes. Ph. PORTIER118 confirme
pour le RPR cette analyse et avance les mêmes explications. Or, il semble qu’entre l’UDR et
le RPR, il y ait une différence de nature en ce qui concerne les structures organisationnelles,
et que ce dernier parti a réussi à se doter d’une véritable base militante. Ce serait donc dans
les transformations de l’organisation politique elle-même que devrait se trouver l’explication
de cet activisme intra-partisan.
Un premier critère fournit un indice de cet investissement au sein du RPR : l’autoévaluation des adhérents (réponses à la question, « Diriez-vous que vous vous considérez
comme un simple adhérent, un militant épisodique, un militant actif, autre ? »).
117
118
Jacques LAGROYE, et al. Op. cit.
Philippe PORTIER. « Les militants du RPR : étude d’une fédération ». Pouvoirs, 28, 1984.
81
En 1976, les auteurs de l’enquête sur le militantisme politique affirmaient que « les
adhérents gaullistes sont moins portés que les communistes et les socialistes à se classer
parmi les « militants actifs ». »119.
Notre enquête montre que 73% des adhérents se classent soit comme « militant
épisodique » (13%) soit comme « militant actif » (61%), tandis que 19% affirment être de
simples adhérents. Ce faible taux s’explique, d’une part, par le mode de transmission des
questionnaires qui, pour moitié, ont été envoyés aux adhérents, les autres ayant été passés sur
le terrain. On peut penser, en effet, que les adhérents moins impliqués ont relativement moins
répondu aux questionnaires alors que les gens rencontrés sur le terrain étant des militants,
plus impliqués, ont répondu plus volontiers. D’autre part, il est possible que ce classement militant actif - corresponde à une volonté de valoriser son engagement. Se dire militant est
aussi une façon de se distinguer des autres, en se reconnaissant un titre qui implique un
certain savoir-faire, un certain pouvoir sur ceux qui en sont dénués.
Un second indicateur permet de corriger le premier : le temps consacré en moyenne
par semaine aux activités partisanes. Si l’on croise ce dernier avec le critère auto-évaluation
on constate que la barre des 5 heures est discriminante, et définit la frontière entre deux
groupes distincts.
D’une part ceux qui consacrent moins de cinq heures à leurs activités partisanes : ils
représentent 55.5% des personnes interrogées. 66% des simples adhérents sont dans ce cas.
De même, 72.5% des militants épisodiques se classent dans ce groupe. Ces deux résultats sont
assez logiques. Mais on remarque que 52% des militants actifs déclarent passer moins de 5
heures à leurs activités. Il s’agit ici d’un groupe de personnes que l’on pourrait qualifier,
quelle que soit la catégorie subjective de classement, d’intermittents.
D’autre part, ceux qui consacrent plus de 5 heures à leurs activités, représentant 27.5%
de l’échantillon. Il faut noter que ce taux est important et confirme notre hypothèse d’un
activisme partisan important ; à titre de comparaison Ph. PORTIER indique que seuls 5% des
adhérents déclarent consacrer plus de 3 heures par semaine à leurs activité120. 18% des
militants épisodiques appartiennent à ce groupe, ainsi que 41,5% des militants actifs. Il s’agit
ici des personnes les plus actives, et dont l’activisme les conduit logiquement à se définir
comme militants, épisodiques ou actifs. Nous parlerons ici d’activistes.
119
Jacques LAGROYE, et al. Op. cit., p. 152.
82
Il convient, enfin, de qualifier cet investissement interne : quelles sont les principales
activités que suivent les militants ? A la différence des conclusions apportées par Ph.
PORTIER, il faut d’abord reconnaître que le RPR développe des activités nécessitant une
forte implication personnelle. Selon Ph. PORTIER « les tâches de propagande partisane
(affichages, distributions de tracts, animation de débats publics, collecte de fonds, secrétariat)
dont on s’accorde ordinairement à relever l’importance au sein du PCF et, à un moindre titre,
au sein du PS, sont ici tout à fait secondaires »121. Or, ces tâches n’apparaissent plus
désormais comme secondaires. Il est vrai que les activités ne supposant qu’une implication
faible de la part des militants restent largement pratiquées. Le taux d’assistance régulière aux
réunions du parti, relevées par Ph. PORTIER comme seul acte d’activisme interne au RPR,
s’élève à 80% (27%, à chaque fois, 53% régulièrement) des personnes interrogées. La lecture
de la presse partisane est pratiquée régulièrement par 69.5% des personnes interrogées.
Cela dit, les tâches impliquant davantage le militant sont pratiquées par un taux non
négligeable d’adhérents (cf. tableau 6)
TABLEAU 6 : Activités effectués par les membres du RPR (en %).
Régulièrement ou
de temps en temps
Rarement ou
jamais
L’organisation de réunions privées
33
53
Le collage d’affiches
35.5
53
La tenue d’une permanence
36.5
53
La participation à des séminaires de
formation
41
47.5
La distribution de tracts
67
24.5
L’assistance à des meetings
67
22
La participation régulière aux activités les plus impliquantes (telles que l’organisation
de réunions d’appartements, le collage d’affiches, la tenue d’une permanence ou encore la
participation à des séminaires de formation) concernent une minorité de notre échantillon, un
peu plus d’un tiers. Seuls ou presque les militants les plus actifs, les « activistes », participent
120
Philippe PORTIER. Op. cit., p. 118-119.
83
à ces activités, boudées par les « intermittents ». Par contre, des activités relativement moins
impliquantes et parfaitement rentrées dans la culture militante du RPR (telles que la
distribution de tracts ou l’assistance à des meetings) concernent les deux tiers de notre
échantillon et touchent indistinctement « activistes » et « intermittents ».
Cette image d’un militantisme centrée sur les activités intra-partisanes s’explique par
les structures mêmes de l’organisation RPR. L’un des objectifs de la transformation du
mouvement gaulliste en 1976 était de faire naître un authentique militantisme, une puissante
énergie militante. Or comme l’indique M. OFFERLE, « cette énergie canalisée est alimentée
par une transformation du système de rétributions internes au parti : la division des instances,
la création de structures de réflexion et d’animation, le développement des stages de
formation politique, la relance périodique des secteurs jeunes, femmes ou entreprise,
l’amoindrissement de la place des membres de droit dans la direction de l’organisation,
accroissent le nombre des positions de pouvoir offertes à l’émulation et la concurrence des
adhérents »122. La transformation du pôle O. induit ici un renouvellement des chances
objectives de militer ainsi que du type d’activités militantes.
2.2/ La faiblesse des activités militantes externes :
Le corollaire de la force de l’investissement est la faiblesse relative des activités
militantes externes. Alors que dans le cas de l’UDR et encore du RPR des années 1976-1977,
le désir de participation, action militante ne trouvant pas à s’exprimer au sein du mouvement
était reconverti dans un engagement à l’extérieur. Engagement qui, souligne Ph. PORTIER,
est principalement syndical123. Or, selon les résultats de notre enquête cette constatation est
infirmée : 89.5% des personnes interrogées affirment ne pas appartenir à un syndicat ou à une
organisation professionnelle. A la désaffection que connaissent les syndicats s’ajoute, pour
expliquer ce phénomène, le fait que les adhérents du RPR trouvent désormais dans leur
organisation même les moyens de transformer en action leur désir de participation.
Cependant, le taux d’appartenance à une association est beaucoup plus élevé : 61%
des personnes interrogées affirment appartenir à au moins une association. Ce phénomène
121
Philippe PORTIER. Ibid., p. 119.
Michel OFFERLE. « Transformation d’une entreprise politique : de l’UDR au RPR (1973-1977) ».
Pouvoirs, 28, 1984, p.13.
123
Philippe PORTIER. Ibid., p. 120.
122
84
s’explique par la prégnance du modèle normatif du militant gaulliste. On peut ainsi lire dans
le guide de l’adhérent : « cette ouverture sur l’extérieur implique également d’essayer, aussi
souvent que possible, d’aller au-delà de la simple action individuelle, du cercle des proches et
des sympathisants. Pour convaincre, il faut témoigner de la valeur de ses propres convictions,
à travers la vie associative et la vie locale. »
Ainsi les associations où s’engagent les adhérents du RPR ne sont pas forcément
politiques, ni proches du RPR, appartenant à ce que P. SIGODA124 nomme « les cercles
extérieurs du RPR ». Certaines associations, comme l’association Femme Avenir, font sans
doute partie de ces cercles, mais une minorité d’adhérents affirment y appartenir. Il s’agit en
fait essentiellement d’associations humanitaires et religieuses (17.5% des répondants),
sportives (17.5%). Enfin une catégorie intéressante d’associations sont celles créées par les
jeunes du RPR (12%) : ce sont soit des associations à caractère politique (on peut citer le
Rassemblement pour une Nouvelle Politique des jeunes de la 1ère circonscription), soit de
soutien à certaines causes (l’association des jeunes de la 10ème circonscription, Canal 2010,
organise des soirées dont les recettes sont distribuées pour la recherche contre le SIDA).
La participation aux associations signale que les militants du RPR sont près à
s’engager dans d’autres organisations pour promouvoir leurs idées. Mais il est difficile de
parler ici de cumul d’engagements militants dans la mesure où les types d’associations cités
renvoient davantage au bénévolat qu’au militantisme. L’engagement à l’extérieur n’est pas
forcément motivé par le volonté de propager les idées du mouvement.
Un autre indicateur permet de relativiser la participation aux actions qui sortent de
l’ordinaire partisan : le potentiel de participation à des actions non-conventionnelles. D’un
côté, le taux de personnes prêtes (tout à fait prêtes et plutôt prêtes) à manifester pour exprimer
leurs idées est très fort (76%, alors que ceux qui approuveraient la manifestation représentent
50% des personnes interrogées lors de l’enquête du CEVIPOF au printemps 1988125).
Pourtant, il faut constater un rejet des formes les moins conventionnelles et les plus violentes
de participation : 89.5% ne serait pas prêts à provoquer des dégâts matériels, 74.5% à peindre
des slogans sur les murs, 72.5% à refuser de payer leurs impôts, 62.5% à occuper des
bâtiments administratifs. La grève, qui appartient essentiellement au répertoire d’action de la
gauche, est repoussée par 59% des répondants. Ces résultats expriment la volonté de rester
124
Pascal SIGODA. « Les cercles extérieurs du RPR ». Pouvoirs, 28, 1984, p. 143-158.
Guy MICHELAT. « Les échelles d’attitudes et de comportements » in : CEVIPOF. L’électeurs Français en
questions. Paris : Presses de la Fondation des Sciences Politiques, 1990.
125
85
dans un cadre conventionnel et légal de participation politique, en l’occurrence d’en rester à
une action intra-partisane. Cependant, le potentiel protestataire des militants du RPR reste
élevé : 3.5% seraient prêts à provoquer des dégâts matériels (contre 1% dans l’enquête
CEVIPOF), 18% à peindre des slogans sur les murs (contre 5%), 20% à refuser de payer ses
impôts et 29.5% à occuper des bâtiments administratifs (contre 28%). Ces taux importants,
mais qui ne concernent qu’une minorité des adhérents, s’expliquent par le nombre important
de jeunes et de diplômés dans notre échantillon. On sait, en effet, que l’âge et le niveau
culturel sont déterminants du potentiel d’action protestataire. De plus, on note que ce sont les
« activistes », c’est-à-dire les militants les plus engagés dans le parti, qui seraient prêts pour
défendre leurs idées à passer à un autre mode d’action. Il faut toutefois être prudent car cet
indicateur mesure un potentiel et non le passage à l’acte lui-même.
2.3/ Limitation de l’importance des objectifs électoraux :
Dernier élément qui caractérise le mode d’action des militants du RPR, et qui est la
conséquence de la plus forte implication intrapartisane, et du plus faible engagement extérieur
: le limitation des objectifs électoraux.
Il est indéniable que l’élection joue un rôle prépondérant dans l’action des militants
politiques : elle structure le jeu politique en en fournissant les enjeux. Dans cette compétition
les militants, de quelle que formation politique qu’il s’agisse, trouvent un moment privilégié
pour développer leur action.
C’est bien évidemment le cas aussi pour les militants du RPR comme le montre la
fréquence des thèmes abordés lors des réunions qui, rappelons-le sont largement suivies de
façon régulière. Le thème « organisation des campagnes électorales » est très fréquemment à
l’ordre du jour des réunions : 69% des personnes interrogées affirment qu’il est abordé soit
très souvent, soit quelquefois lors des réunions (contre 24.5% rarement ou jamais). De plus,
73% affirment que les problèmes politiques nationaux, « la politique politicienne », sont
fréquemment abordés lors des réunions ; 70.5% signalent la fréquence de la mise à l’ordre du
jour des « problèmes économiques et sociaux ». Ces deux thèmes indiquent l’importance de
certains enjeux dans la bataille électorale. Mais cette importance des questions électorales et
nationales ne doit pas occulter le fait qu’il existe des discussions sur « l’organisation interne
du mouvement » (thème fréquemment abordé selon 54.5% des personnes interrogées), sur
« l’élaboration du programme du mouvement » (53%) ou encore sur la « vie de la
86
circonscription » (68%). il faut donc relativiser l’importance des questions d’ordre électorale,
il existe aussi au sein du RPR un réflexion d’ordre programmatique, organisationnelle et
locale, qui souligne que le militantisme ne finit pas avec l’élection.
On peut remarquer, en effet, que pour certains militants, les « activistes », l’action
tend à devenir continue, régulière, à ne pas s’arrêter aux simples échéances électorales. Les
permanences du RPR sont ainsi ouvertes très régulièrement : celle de la 1ère circonscription
l’est toute la journée, les autres par demi-journées. Les réunions sont régulières : celles des
jeunes du RPR se déroulent une fois par semaine ou une fois par quinzaine. Les séances de
tractage sur les marchés sont, dans certaines circonscriptions, hebdomadaires ; comme
l’indique une militante : « les marchés on en fait le samedi, on en fait le dimanche, moi j’y
vais pas tous les week-end, j’ai quand même une famille, j’y fait de temps en temps, ça
permet d’avoir un contact avec les gens de la rue parce qu’en politique il y a le principe de
l’écoute des autres; c’est vrai que sur les marchés ça nous permet de rencontrer tout le
monde » (entretien 6). Le mouvement se doit donc d’afficher une présence importante sur le
terrain, d’apparaître continuellement à l’écoute des gens. Ces deux aspects « être sur le
terrain », « être à l’écoute des gens » reviennent souvent dans les entretiens et semblent
qualifier les militants les plus actifs, les « activistes ».
Pour finir, il est possible de constater un renouvellement qualitatif des actions
militantes menées lors des périodes électorales. Si la distribution de tracts sur les marchés et
dans les boîtes aux lettres restent les activités principales, il faut remarquer que certaines
activités tendent à disparaître. Ainsi de l’affichage, car, d’une part, cette pratique est très
réglementée : l’affichage sauvage étant puni il est difficile d’en faire hors des périodes
électorales et hors des emplacements réservés. D’autre part, l’affichage coûte cher et les
partis, ayant vu limitées leurs dépenses électorales par la loi du 15 janvier 1990 relative au
financement des élections et des partis, tendent à diminuer leurs dépenses en matériel de
campagne. Parallèlement, on voit apparaître de nouvelles activités. Les réunions
d’appartement, si elles ne constituent pas une véritable nouveauté, sont multipliées. Il s’agit
de réunions privées au cours desquelles le candidat vient répondre aux questions d’une
trentaine de personnes invitées et choisies par un militant. Les activités de propagande
suppose donc d’avoir au préalable « travaillé le terrain » de la circonscription, de faire la
preuve par sa présence de la réalité de la volonté d’écoute et de proximité des gens affichée
par le mouvement gaulliste.
87
On peut donc dire que le militantisme au RPR, au moins à Paris, se veut une activité
de proximité, qui tend à devenir continue et régulière tant il est vrai que pour les militants une
élection ne se gagne que si un travail de longue haleine a été mené préalablement.
3) Le système de rétributions du militantisme au RPR :
Maintenant que les modalités pratiques du militantisme au RPR sont comprises, il
convient de tenter d’expliquer comment l’organisation motive ses adhérents à passer à
l’engagement militant. Il s’agit ici de décrire l’interaction I.-O., c’est-à-dire le processus
d’échanges qui existe entre l’individu et l’organisation. Pour l’individu, l’engagement militant
présente un coût plus important que le simple fait de prendre sa carte. L’organisation doit
donc rétribuer ses militants à hauteur de ce coût. Nous tenterons de décrire le système des
rétributions du militantisme au RPR en partant de la satisfaction ou de l’insatisfaction avouée
des militants.
3.1/ le coût de l’engagement militant :
Il faut d’abord saisir en quoi l’engagement militant est coûteux.
Il l’est d’abord par l’effort qu’il réclame pour s’intégrer au groupe relativement clos et
replié sur lui-même des militants déjà présents. Un militant explique parfaitement ce
phénomène :
« -Au début, je dirais que la première fois que tu y vas, tu ne sais pas où tu vas et tu te
présentes là, tu vois ce que ça donne et à mon avis c’est la troisième fois que tu choisis si tu as
envie de rester ou pas. C’est vrai qu’au départ, c’est dur...
« - C’est dur...
« - S’intégrer surtout, il faut trouver des gens qui t’aident à t’intégrer ». (entretien 7)
L’intégration au groupe est un processus relativement long, actif et coûteux pour la
personne qui s’engage. Ce processus réclame de « faire ses preuves » afin d’être reconnu par
les autres comme un militant à part entière. Faire ses preuves, c’est-à-dire être présent sur le
terrain, agir avec les autres. C’est à ce prix que l’adhérent s’insère dans le groupe militant, fait
petit à petit l’apprentissage du fonctionnement interne du groupe et accède finalement au titre
de militant.
88
Une fois ce travail plus ou moins facile effectué, l’engagement militant nécessite
encore d’y consacrer un certain temps : « il y en a qui tiennent des permanences mais moi je
ne le fait pas, ça c’est la semaine mais comme je travaille, vous savez j’ai des horaires,
comme je suis directrice de crèche je sors à sept heure le soir ; alors comme j’ai un travail très
prenant la semaine, c’est pourquoi je travaille (pour le RPR) plutôt les week-ends » (entretien
6). Or, tous les adhérents ne sont pas prêts à passer à une action militante continue. Ainsi un
interviewé, qui s’autoévalue comme « simple adhérent », affirme : « mon but c’est
simplement de faire un petit peu de politique, de faire entendre ma voix. La cotisation est
importante, le soutien qu’on accorde à nos élus, et bon de temps en temps il faut distribuer des
tracts, il faut tracter un peu, enfin tout ce boulot de fond. Mais la politique n’est pas au centre
de ma vie, et je ne veux pas en faire une préoccupation au centre de ma vie parce que j’ai un
métier qui m’intéresse beaucoup, qui est très prenant et mon métier sera toujours plus
important que la politique ».
Ainsi ceux qui après l’adhésion passe à l’action militante active doivent recevoir de la
part de l’organisation les rétributions de leur action, c’est-à-dire que leurs attentes, leurs
espoirs doivent être remplis. La satisfaction ou l’insatisfaction qui découle de l’engagement
militant permet d’éclairer le système de rétributions du militantisme au RPR.
3.2/ Gratifications matérielles et symboliques :
Globalement, au travers des entretiens, il apparaît que les personnes interrogées sont
plutôt satisfaites de leur engagement. Elles affirment avoir trouvé dans celui-ci ce qu’elles
cherchaient quand elles sont venues au RPR. C’est donc que l’organisation semble remplir
correctement son rôle dans l’échange de gratifications avec l’individu.
Toutefois un certain nombre de critiques sont adressées au parti. Pour certains « les
militants n’ont pas tellement, je ne dirais pas le droit de parole, mais la possibilité d’intervenir
sur des tracts par exemple. Le mouvement devrait plus tenter de nous initiés aux
problématiques du parti. On a un peu l’impression d’être des soldats de troupes » (entretien
4). Cette insatisfaction souligne le désir d’être associé davantage à la prise de décision. Une
autre critique rejoint celle-ci : « Pour tout vous dire, j’ai une petite déception sur le plan que
j’espérais que les gens qui travaillent sur le terrain essaieraient de monter sur le plan
politique, par exemple devenir conseillère d’arrondissement moi c’est quelque chose qui
89
m’intéresserait, mais on est tous un peu déçus parce qu’on se rend compte qu’aux municipales
J. TOUBON prend un peu plus les gens qu’il veut que les gens qui travaillent » et plus loin
« il faut avoir la foi, les seules récompenses qu’on a c’est quand on se retrouve entre nous,
quand on a un petit repas ensemble sympa et quand on a des invitations à des meetings ou à
des réunions » (entretien 7).
Ces critiques, cette insatisfaction réelle montre que le système de rétributions du
militantisme au RPR est fortement dominé par les rétributions symboliques. Le noyau dur des
militants du RPR, les « activistes », est constitué essentiellement de « croyants » qui se
satisfont de rétributions collectives symboliques. Les « croyants » sont définis par
A.PANEBIANCO126 comme des militants qui sont attachés de façon affective aux objectifs
officiels du parti, à ses leaders. Il s’agit de ces militants qui ont la foi et dont cette foi doit être
entretenue par les leaders par des rituels où l’identité des « croyants » est renforcé. La
participation à toutes les activités où les militants se retrouvent entre eux, les réunions, les
meetings, les grands-messes des Assises ou des universités d’été des Jeunes du RPR, ou
encore les « pots » et les dîners rituels sont des rétributions symboliques de première
importance. Car là, les différences sociales s’annulent, chacun appartient à une même
communauté, soudé autour d’un idéal et d’un combat communs.
Comme l’indique un militant interrogé par entretien, « quelles que soient nos idées, on
a tous un point commun, on aime tous la sangria du samedi, on se retrouve tous les samedi
entre onze heure et treize heure autour d’une sangria, les jeunes et les moins jeunes, et c’est
l’occasion où l’agriculteur va parler au chef d’entreprise, c’est véritablement sympathique et
je trouve que c’est important, très important » (entretien 5). De la même façon, une ancienne
militante évoque les satisfactions retirées de son militantisme : « ça m’a contentée, ç’a ma fait
rencontrer des gens que je n’aurais peut-être jamais rencontrés, ça m’a donnée de grandes
joies quand il fallait faire des meetings, etc., ces grands-messes gaullistes au Palais des Sports
ou ailleurs, entourée de gens qui communiaient dans le même idéal » (entretien 2).
Par ailleurs, la fidélité aux leaders, est une autre forme de rétribution symbolique qui
vient satisfaire un besoin psychoaffectif. Dans le cas du RPR, les « croyants » sont aussi des
fidèles de J. CHIRAC, ce que montre clairement les notes qui lui sont attribuées : avec une
moyenne de 4.6 sur 5 il devance largement les autres personnalités du RPR.
126
Angelo PANEBIANCO. Political parties : Organization and power. Cambridge : Cambridge University
Press, 1988, p. 25 et s.
90
A l’inverse, le système de rétributions du militantisme au RPR laisse peu de place aux
gratifications matérielles personnelles (emplois, postes de responsabilités dans le parti...). Il
est vrai que les pratiques clientélistes quand elles existent ne se montrent pas en plein jour.
Mais on peut dire que les critiques relevées précédemment signale l’absence de ces
rétributions à l’intérieur du parti. Les militants « carriéristes », définis par A.
PANEBIANCO127 comme des individus dont la participation dépend de rétributions
sélectives, sont rares et, comme c’est le cas ici, légèrement insatisfaits et déçus. Ce
phénomène relève aussi la réalité organisationnelle du RPR. Parti centralisé et monocratique,
il laisse très peu de place dans le processus décisionnel aux militants qui, « bons petits
soldats », appliquent les ordres venus du haut.
Mais il serait très réducteur et simpliste d’avancer comme explication du militantisme
l’attente utilitariste de gratifications, quelles soient symboliques ou matérielles. Les militants
sont aussi des personnes qui mènent un combat pour défendre les valeurs et les idées qui sont
les leurs. Il convient donc à présent de déterminer quelles sont ces valeurs et ses idées, en
analysant le pôle C., celui de la conflictualité.
127
Angelo PANEBIANCO. Ibid.
91
CHAPITRE 6
Univers politique et idéologique des militants du RPR
92
La dernière étape de l’analyse du militantisme au RPR consiste à étudier les
caractéristiques du pôle C., le pôle de la conflictualité. Dans notre modèle théorique, ce pôle
regroupe ce qu’il est convenu d’appeler la « cause » défendue, l’idéologie ou la doctrine qui
est à la base du combat mené, c’est-à-dire, en fait, les valeurs et les représentations partagées
par les militants et qui structurent leur action. Pour quoi les militants du RPR agissent-ils ?
Quel est leur système de valeurs, leurs représentations du monde ?
Nous tenterons, dans un premier temps, de spécifier l’univers politique des militants
du RPR. Il apparaît clairement que le RPR est du point de vue de ses militants un parti de
droite. Les militants radicalisent le clivage droite-gauche. Leur positionnement à droite et leur
rejet vigoureux de la gauche impliquent le partage de certaines valeurs fondamentales.
Pour finir, nous chercherons à caractériser cette appartenance à la droite en précisant
l’univers idéologique et doctrinaire des militants. Il faut remarquer, à cette égard, un certain
flou. La tradition gaulliste qui reste présente et contribue toujours à définir certaines valeurs
fondamentales est de moins en moins comprise. Nous tenterons d’expliquer ce phénomène
comme une modification de l’interaction entre les pôles O. et C. Le recentrage idéologique du
RPR, effectué dans les années quatre-vingt, au profit du néo-libéralisme a des conséquences
importante sur l’identité idéologique et politique des militants du RPR.
93
1) l’univers politique des militants du RPR :
L’univers politique des militants du RPR se caractérise par deux aspects : d’une part,
un positionnement fondamental à droite et, d’autre part, un rejet total de la gauche, et
principalement des socialistes. Le clivage droite-gauche autrefois nié par la tradition gaulliste
est ici radicalisé.
1.1/ le positionnement à droite :
Les réponses aux questions portant sur le classement des adhérents et de leurs parents
sur l’échelle gauche-droite soulignent clairement l’importance du choix de la droite.
89.5% des personnes interrogées s’auto-positionnent, en effet, dans les cases 5 (centredroit) à 8 (extrême-droite). 31% des personnes choisissent de se placer dans les cases 5 et 6,
catégories qui relèvent de la droite modérée. 48.5% acceptent de se placer à l’extrémité droite
de l’échelle (cases 7 et 8). Alors que la tradition gaulliste récuse la division droite-gauche,
force est de constater que les adhérents se positionnent sans difficulté aucune sur une échelle
qui en rend compte (à l’exception toutefois d’une minorité de 7% des personnes interrogées
qui refusent le positionnement, en se classant en « ni droite, ni gauche »).
Il est possible de relever certains facteurs discriminants de la position sur l’échelle
gauche-droite : le sexe, certaines PCS, la religion et l’autoévaluation comme simple adhérent
ou comme militant. On peut noter que les femmes se positionnent plus facilement dans les
cases extrêmes que les hommes (57.5% le font contre 44%). Les hommes sont ainsi plus
nombreux à choisir les cases plus centrales (46% contre 30%).
Les personnes qui appartiennent aux catégories socioprofessionnelles supérieures
(« cadres et professions intellectuelles supérieures ») sont plus de 70% à choisir les positions
les moins extrêmes. Tandis que plus de 65% des professions intermédiaires, et 47.5% des
inactifs se positionnent dans les catégories les plus extrêmes. Ainsi ce sont les représentants
des classes moyennes qui se situent le plus souvent sur ces positions, et les plus jeunes, dans
la mesure ou la catégorie inactifs regroupe essentiellement des étudiants.
L’appartenance à la religion catholique est discriminante de l’autopositionnement à
l’extrême-droite. 55% des catholiques se positionnent sur les cases les plus à droite, contre
40% sur celles les plus au centre. L’irréligion, au contraire, favorise le positionnement sur les
94
cases centrales : 46% de ceux qui affirment être sans religion se situent en 5 ou 6, contre 30%
en 7 ou 8.
Enfin, on remarque que la probabilité de se positionner dans les cases extrêmes
augmente selon la catégorie de l’autoévaluation militante : 50% de ceux qui se déclarent
simples adhérents se positionnent ici, 54.5% des militants épisodiques et 61% des militants
actifs aussi.
On peut donc distinguer deux groupes. D’un côté les « modérés », qui sont plutôt des
« intermittents », le plus souvent membres des catégories professionnelles supérieures, un peu
moins catholiques et plus souvent des hommes que des femmes. Un des interviewés semble se
rapprocher assez bien de ce groupe lorsqu’il affirme: « pour moi, Europe non comprise,
j’adhérerais aussi simplement à l’UDF. Moi je ne fais pas nécessairement de grandes
différences entre les deux. » (entretien 3). Ce groupe serait comparable à une sensibilité plus
centriste et relativement bien représentée par l’UDF. Pour eux, l’Union des deux composantes
de la majorité ne posent pas de problèmes majeurs et doit se faire.
De l’autre, les « radicaux », qui sont davantage des « militants actifs », membres des
catégories moyennes, plutôt des catholiques, des jeunes et le plus souvent des femmes. Cette
sensibilité se retrouve aussi dans un entretien : « Je vais quand même vous dire, j’ai une
sympathie pour Ph. de VILLIERS, il n’est pas RPR mais je trouve que c’est un personnage
qui est très intéressant, qui correspond un petit peu à mes idées dans le sens qu’il combat,
vous savez il a créé un mouvement qui s’appelle ‘Combat pour les Valeurs’, il défend la
famille, il est contre l’avortement et il est contre la Révolution Française, c’est aussi mes
idées » (entretien 6).
Si la sensibilité dominante est bien à droite force est de constater l’hétérogénéité des
valeurs partagées.
Le positionnement par les personnes interrogées de leurs parents sur l’échelle gauchedroite souligne, de plus, que l’appartenance à la droite est un élément hérité. 41% des
adhérents placent leur père dans les positions modérées et 48.5% dans les positions extrêmes.
A noter toutefois, 11% des adhérents situent leur père à gauche (positions 2 à 4). En ce qui
concerne les mères, 38% les situent dans les positions modérées, et 40% dans les positions les
plus extrêmes.
95
Le fort positionnement à droite que nous relevons ici semble être le résultat d’une
mutation qui a touché le mouvement gaulliste dès après la victoire socialiste de 1981.
P.BRECHON, J. DERVILLE et P. LECOMTE128 constatent, pour les cadres du RPR, une
inversion de perspectives en ce qui concerne l’autopositionnement gauche-droite. Si en 1978,
les cadres du RPR se situaient majoritairement au centre, il apparaît qu’en 1984, ils se
classent pour les deux-tiers au centre-droit et pour 10% sur les positions extrêmes. Le RPR
dans l’opposition a vu ses effectifs se renouveler après 1981 par un afflux d’adhérents
s’opposant au socialisme. De la même façon on peut expliquer la « dérive droitière » que nous
enregistrons par un afflux similaire de nouveaux adhérents à partir de 1988, date de la
seconde victoire de F. MITTERRAND à l’élection présidentielle, adhérents se revendiquant
de droite.
1.2/ le rejet de la gauche :
En outre, à ce fort positionnement à droite correspond de la part des adhérents
interrogés un rejet total de la gauche en général et en particulier des socialistes.
Les notes attribuées aux formations politiques fournissent un précieux indicateur de ce
rejet de la gauche. La question posée était la suivante : « Voici une liste de partis politiques
(hormis le RPR), en mettant une note allant de 0 à 5, pouvez-vous dire, pour chacun d’entre
eux, s’ils sont proches ou non de vos idées (0= pas proches du tout ; 5= très proches) ? ». Il
est possible de classer en trois groupes les différentes formations selon la note moyenne
qu’elles ont reçu :
- le premier groupe est constitué des notes entre 0 et 1, il signifie bien entendu un rejet
quasi absolu des formations concernées. Or toutes les formations de gauche appartiennent à
ce groupe. La plus basse moyenne (0.05) est attribuée aux « partis d’extrême gauche », la plus
forte (0.7) au mouvement des citoyens. Le PCF obtient 0.1 tandis que le PS obtient 0.4, tout
comme le MRG. A l’antipathie affichée pour Génération Ecologie qui recueille une moyenne
de 0.7.
- le deuxième groupe est composée des formation ayant reçu une note moyenne allant
de 1 à 2.5, c’est-à-dire moins de la moyenne sur 5. Ce groupe exprime une certaine hostilité
128
Pierre BRECHON, Jacques DERVILLE, Patrick LECOMTE. « L’univers idéologique des cadres du RPR :
entre l’héritage gaulliste et la dérive droitière ». Revue Française de Science Politique, 37(5), oct. 1987., p. 682
et s.
96
ou, au moins, une certaine méfiance. On y trouve les Verts (note moyenne, 1), le FN (1.1) et
le CNI (2).
- Enfin, le dernier groupe rassemble les notes excédant 2.5. Une seule formation reçoit
ici une telle note : l’UDF avec 3.5.
Il est possible de faire trois constatations. D’une part, le rejet de la gauche sous toutes
ces formes est radical et sans conteste. Par ailleurs, le FN est globalement repoussé par les
adhérents du RPR. Il faut toutefois remarquer que la dispersion des notes signale l’existence
d’une frange d’adhérents ayant attribué à cette formation une note dépassant 2 (18.5% des
répondants). Enfin, l’UDF est très largement acceptée : seule une minorité (12.5%) lui a
attribué une note inférieure à la moyenne.
Ainsi les adhérents du RPR, étudiés ici, radicalisent le clivage droite-gauche. Ils
dessinent une frontière fondamentale entre eux, et les alliés de l’UDF et la gauche.
Ceci se retrouve dans les entretiens avec les militants. « Je suis anti-socialiste. Quand
on voit la IVème République ce qu’elle a donné, quand on voit la déliquescence du parti
socialiste depuis 1981, on a quelques inquiétudes à se demander comment les Français ont pu
encore voter MITTERRAND en 1988 » lance une militante (entretien 2). Pour un autre « les
socialistes, ce qu’on peut leur reprocher de plus important, c’est d’avoir détruit les illusions,
nous avons une jeunesse sans aucune illusion, sans aucun avenir, sans aucune illusion. Le plus
grave c’est que quand les socialistes sont arrivés au pouvoir, ils étaient porteurs de cette
illusion. Ils sont arrivés au pouvoir parce qu’ils représentaient une certaine illusion, et ils ont
tué cette illusion dans toute une génération » (entretien 5).
Il est nécessaire à présent de préciser la nature de ce positionnement à droite et de
tenter d’interpréter cette radicalisation du clivage droite-gauche. Quel est, autrement dit,
l’univers idéologique des militants du RPR ?
2) l’univers idéologique des militants :
Il apparaît que cet univers idéologique est de plus en plus caractérisé par un certain
flou. La tradition gaulliste, certes encore présente à bien des égards, semble, de plus en plus,
ne plus revêtir de signification réelle, surtout chez les jeunes. Ce phénomène semble trouver
97
son explication dans le revirement néo-libéral effectué par le RPR dans les années 1980,
c’est-à-dire dans la transformation de l’interaction entre le pôle de l’organisation et celui du
conflit.
2.1/ que reste-t-il de la tradition gaulliste ?
Poser cette question revient à s’interroger sur la nature de l’interaction entre le pôle I.,
l’engagement individuel, et le pôle de la conflictualité. Autrement dit, les militants du RPR
s’identifient-ils aux valeurs et aux principes traditionnellement défendus par leur organisation
?
Pour de nombreux militants interrogés par entretien, il apparaît, en fait, que le
gaullisme, entendu, non comme une idéologie très structurée, mais comme un ensemble de
principes et de valeurs (indépendance et grandeur de la France, Etat fort, réconciliation
sociale, etc.), reste finalement une chose très vague, sans consistance et à laquelle il
s’identifie avec mal.
Un jeune militant précise ainsi : « Il n’y a personne qui a jamais voulu m’expliquer ce
que c’était vraiment que le gaullisme, parce que le gaullisme, on m’a dit, c’est De GAULLE,
voilà une certaine idée de la France forte, de l’Europe de l’Atlantique à l’Oural, alors que
certaines personnes du RPR veulent l’Europe restreinte, je ne vois pas l’intérêt, vu qu’on se
réclame du gaullisme, certaines choses sont un peu contradictoires. » (entretien 7).
La conséquence de cette difficulté à préciser ce qu’est le gaullisme conduit à ne plus
se définir soi-même comme gaulliste.
« Je ne sais pas ce que signifie le gaullisme. Pour moi c’est un certain pragmatisme.
Mais moi je ne suis pas gaulliste, moi je suis chiraquien » (entretien 3).
« Le gaullisme, il était une époque où ça représentait quelque chose, de nos jours ça ne
représente plus rien. En réalité ça ne représente rien parce que De GAULLE, ça fait des
années que ses idées ont été exploitées par tout le monde et ont été détruites par tout le
monde. Le gaullisme ne veut plus rien dire. La droite veut encore dire quelque chose. La
droite, l’individualisme, la liberté, les valeurs comme le travail, le combat pour se réaliser,
s’épanouir soi-même et non pas à l’intérieur d’une société, ça, ça existe encore, mais le
gaullisme ne veut plus rien dire » (entretien 5).
On accepte l’appartenance à la droite, essentiellement, on le voit ici, à la droite
libérale, mais l’identification au gaullisme est rejetée. Ces militants témoignent d’un certain
98
réalisme, d’un certain pragmatisme : le gaullisme est dépassé, disent-ils, on ne sait plus très
bien ce qu’il signifie.
Pour d’autres militants et adhérents du RPR, le gaullisme apparaît encore comme
porteur de certaines valeurs. Plusieurs thèmes proprement gaullistes sont ainsi présents dans
leur discours: le volontarisme, un certain patriotisme et l’indépendance et l’ouverture d’esprit
:
- le volontarisme apparaît dans plusieurs entretiens ; il semble être l’un des moteurs du
militantisme gaulliste. « Et puis dans le gaullisme, on retrouve ce mot « combat » puisque De
GAULLE s’est toujours battu, il s’est battu pendant la guerre puisqu’il a fait la résistance et
puis il s’est battu après quand il a repris le pouvoir en 1958, et c’est quand même lui qui a su
relever le pays, qui a fait que les années soixante ont été très prospères. » (entretien 6). Le
revers de cette idée est le rejet de tout immobilisme : « C’est l’immobilisme, comme Balladur
en ce moment qui est mou, c’est l’immobilisme, on n’arrive à rien, on n’a pas de grande
réforme, il faudrait en faire, avec la majorité qu’on a à l’Assemblée, là, on pourrait faire
beaucoup. Moi l’immobilisme c’est quelque chose que je ne tolère pas. » (entretien 6). Mais
ce volontarisme, ce rejet de l’immobilisme, est moins un élément d’une doctrine politique
bien arrêtée qu’une vertu nécessaire aux yeux de chaque militant. C’est, par exemple, ce
volontarisme qui fait préférer, au sein du RPR, J. CHIRAC à E. BALLADUR : « CHIRAC
c’est différent de BALLADUR c’est quelqu’un qui donnerait une impulsion à la France, c’est
quelqu’un de dynamique. Pour moi BALLADUR et MITTERRAND c’est des « mous ».
C’est pour ça que j’ai un peu peur que ce soit BALLADUR qui se présente parce que la
France aime les mous » (entretien 7).
- le patriotisme évoque dans le discours des militants la « certaine idée de la France »
propre à la pensée du général De GAULLE : « Il y a ce sens d’aimer son pays, je crois qu’il y
a un grand amour de la patrie qu’on retrouvait chez le général, un homme qui a beaucoup
aimé son pays, et ça je crois qu’on le trouve plus au sein du RPR que de l’UDF. Je trouve
qu’il y a un grand amour de la patrie au sein du RPR » (entretien 6). « Le gaullisme, c’est un
homme qui a incarné la France, et qui a surtout aimé avant tout son pays, qui a eu comme
souci majeur la France » (entretien 2). Cet aspect du gaullisme se retrouve cependant
davantage chez les plus anciens militants que chez les plus jeunes, qui comme nous l’avons
souligné précédemment ont du mal à le définir.
99
- l’indépendance et l’ouverture d’esprit, plus qu’une valeur, à proprement parler,
correspondent à un état d’esprit des adhérents et militants du RPR. Pour une jeune adhérente,
le gaullisme « c’est une façon de se placer au dessus des partis, c’est vrai que forcément le
nom du gaullisme est attaché à un parti qui est au combien structuré, mais quand même au
départ, c’est une façon d’être un petit peu indépendant, tout en se rattachant clairement à un
courant anti-communiste et conservateur » (entretien 1). Pour un autre, enfin, cette
indépendance coïncide avec une certaine ouverture d’esprit qu’il applique quotidiennement :
« Pas uniquement en tant que militant de ma permanence, mais aussi dans ma vie de tous les
jours, j’essaie de faire en sorte de m’entendre avec le plus de monde possible, j’essaie
d’écouter tout le monde, j’essaie d’être un peu en osmose avec les gens qui m’entourent »
(entretien 4).
Or, ces trois éléments dessinent les traits du leader du mouvement, J. CHIRAC,
« dynamique », « volontaire », « respectueux des autres », il apparaît pour la plupart des
militants interrogés ici comme le seul à pouvoir redresser la France.
Ce qui reste du
gaullisme sans De GAULLE est en fait incarné par J. CHIRAC. L’unanimité se fait, en effet,
sur son nom, le plus souvent contre E. BALLADUR, dans un contexte où les personnalités
sont présentées comme de futurs concurrents à l’élection présidentielle de 1995. Plus que des
gaullistes les militants du RPR sur Paris sont des « chiraquiens », dévoués corps et âme à leur
maire, au président de leur mouvement. L’identification à l’idéologie ou à la doctrine
politique défendue par le parti, dont l’interaction I.-C. rend compte, est médiatisée au RPR
par le leader charismatique qui rassemble en lui-même toutes les valeurs et tous les principes
qui sont aussi au fondement de l’action militante.
Par ailleurs, il apparaît que le recentrage idéologique que le RPR a connu dans les
années quatre-vingt permette d’expliquer, à la fois la radicalisation du clivage gauche-droite
et le faible rôle joué par la tradition gaulliste chez les militants de ce mouvement.
2.2/ le recentrage néo-libéral et ses conséquences :
Nous avons défini, dans notre modèle du militantisme, l’interaction entre les pôles
organisationnel et conflictuel, comme un processus dans lequel l’organisation politique
mobilise à ses propres fins une idéologie politique, une doctrine ou un système de valeurs. Le
100
gaullisme est bien entendu le système idéologique principal de référence des adhérents et de
militants engagés dans les différentes organisations politiques qui se sont succédées depuis le
Rassemblement du Peuple Français. J. CHARLOT129 caractérise ce système qui selon lui est
composé, d’une part, d’un fond commun et, de l’autre par trois courants doctrinaux distincts.
Le fond commun, propre à tout gaulliste, est représenté par la « certaine idée de la France »
du général De GAULLE. Il s’agit là de cette mystique de la nation, caractéristique de la
pensée de De GAULLE, où la grandeur, l’indépendance et la puissance sont les principaux
éléments. Les trois courants doctrinaux signalent des différences de sensibilités entre les
tenants du gaullisme. Il s’agit, premièrement, d’une doctrine de l’Etat fort, de type jacobin,
indépendant des factions et permettant d’unifier tous les Français autour d’un pouvoir central.
La seconde doctrine est celle de la démocratie sociale, qui dans la logique unitaire du
gaullisme, implique la réconciliation sociale et la négation des divisions de classe. Enfin,
troisième courant doctrinal, celui du « bien commun » qui fait du gaullisme une méthode
d’action, volontaire, impliquant un effort et un dépassement de soi, pour parvenir à la
satisfaction du bien de tous.
Or, depuis 1981, cette doctrine ne semble plus au fondement de l’organisation
gaulliste. A partir de cette date, le RPR, comme le souligne J. BAUDOUIN, « s’engage dans
un intense processus de renouvellement intellectuel qui l’éloigne de ses vieilles hérédités
gaulliennes et l’inscrit, à l’inverse, dans le sillage immédiat de cette grande mythologie néolibérale qui semble essaimer dans toutes les sociétés occidentales »130. En d’autres termes,
l’interaction entre les pôles O. et C. s’est transformée : dans un contexte où le RPR doit se
situer dans l’opposition à un pouvoir de gauche, où il n’a pas l’hégémonie face à l’alliéconcurrent qu’est l’UDF, le RPR doit modifier, rectifier, son identification idéologique s’il
veut recouvrer l’hégémonie au sein des droites et, finalement, le pouvoir. Les thèses néolibérales qui se caractérisent par la défense du libéralisme économique (dénonciation du trop
d’Etat, appels renouvelés à la déréglementation, la débureaucratisation, la privatisation, etc.)
et d’un certain ordre moral (exprimé parfaitement par J. TOUBON en 1982, « Pas de
féminisme mais la famille, pas l’écologie mais le travail et le niveau de vie, pas le
régionalisme mais la nation, pas la permissivité mais la morale »131), ancrent le RPR à droite.
129
Jean CHARLOT. L’UNR. Etude du pouvoir au sein d’un parti politique. Paris : Armand Colin, 1967.
Jean BAUDOUIN. « Le ‘moment néo-libéral’ du RPR : essai d’interprétation ». Revue Française de Science
Politique, 40(6), déc. 1990, p. 830.
131
cité par Jean BAUDOUIN. op. cit., p. 833.
130
101
Cette modification de l’une des trois interactions fondamentales, qui sont au coeur du
phénomène militant, a forcément des implications sur le militantisme au RPR. Les militants et
adhérents venus au RPR dans les années quatre-vingt sont donc, comme nous l’avons indiqué,
plus ancrés à droite que les générations plus anciennes, qui ont connu le gaullisme triomphant
des années cinquante et soixante. Ils sont plus enclins à adopter les idées libérales et à
repousser violemment toutes les formes que peut prendre la gauche. Ce phénomène illustre,
semble-t-il assez bien, la fidélité des militants aux choix idéologiques des dirigeants, qui n’est
qu’un élément de la fidélité plus générale qu’éprouve les militants à l’égard de leurs leaders.
Enfin, s’inscrivant désormais davantage dans la lutte politique, la concurrence entre
des options fondamentales, des choix de société antagonistes, le RPR tend à devenir, dans une
grande mesure, un parti de militants, dont l’activité est un peu plus tournée vers l’organisation
elle-même, la réflexion doctrinale et programmatique, sans que les objectifs électoraux soient
pour autant minimisés.
Maintenant que les trois pôles du modèle O., C., I. ont été analysés dans le cas du RPR
à Paris, il semble possible de tenter de définir une typologie des militants du RPR à partir du
critère en six variables défini à la fin de la première partie.
102
UNE TYPOLOGIE DES MILITANTS DU RPR
103
Proposer une typologie des militants ce n’est pas enfermer la réalité militante dans des
catégories préconçues. Mais, sans toutefois vouloir « s’instituer le Buffon de la science
politique »132, il apparaît néanmoins que cet effort de typologie permet de souligner la
pluralité des situations militantes au sein d’un parti politique.
Notre indicateur du militantisme défini en fin de première partie est composé de six
variables, chacune d’entre elles contribue à dessiner une typologie des militants
caractéristique du RPR à Paris.
La première variable définissait le système de motivations propres aux militants.
Appliquée au cas pratique du RPR, elle a permis de mettre à jour quatre grandes catégories de
motivations : celles qui se référent à l’idée d’un combat pour des idées et des convictions
personnelles, celles qui traduisent le rôle joué par un événement important, celles qui se
rattachent aux valeurs que représentent le RPR, et enfin celles déterminées par la personnalité
d’un leader gaulliste (Ch. De GAULLE ou J. CHIRAC). Ces quatre catégories peuvent être
ramenées à deux types principaux de motivations : les motivations « idéologiques » (défense
d’idées personnelles, et valeurs représentées par le RPR) et les motivations « contextuelles »
(événement ou personnalité).
La seconde variable, l’auto-évaluation par les individus eux-mêmes de leur situation
(simple adhérents, militant intermittent, militant actif), croisée avec la troisième, c’est-à-dire
132
Michel OFFERLE. Les partis politiques. Op. cit., p. 16.
104
l’implication dans les activités partisanes (type d’activités effectuées, temps consacré,
fréquence, etc.) a dévoilé deux types de militants : les « activistes » et les « intermittents ».
La quatrième variable, l’implication dans les activités extérieures (cumul de positions
militantes dans les associations, syndicats, etc.), ne donne pas lieu dans le contexte du RPR à
la définition d’un type de militant « extérieur », prosélyte, occupé avant tout du rayonnement
des idées gaullistes hors du mouvement. Si un tel type a existé dans les organisations
gaullistes précédant le RPR, force est de constater qu’il a disparu dans celui-ci.
La cinquième variable qui n‘est rien d’autre que le système de rétributions reçues et
attendues par les militants (collectives, sélectives, symboliques, matérielles, etc.) défini deux
types de militants : les « croyants » et les « carriéristes ». Mais dans le cas étudié, il apparaît
que les premiers dominent largement, tandis que les seconds restent une minorité tant il est
vrai que le système de rétributions du militantisme au RPR se caractérise essentiellement par
l’importance des gratification symboliques collectives.
Enfin, la fidélité aux principes idéologiques défendus par l’organisation, la sixième
variable de notre indicateur, qui apparaît dans l’analyse du pôle de la conflictualité, ne permet
pas de distinguer de types différenciés de militants. Au RPR, la fidélité aux principes
idéologiques que représentent l’organisation est une vertu que partage chaque militant. Le
militant RPR est donc essentiellement un « fidèle ».
Ainsi, l’application du modèle O., C., I. a permis de saisir les formes plurielles du
militantisme au RPR, en définissant une typologie propre à ce parti dans le contexte où il a été
étudié. Les militants ne sont pas ici considéré comme un groupe homogène, parfaitement
défini selon tel ou tel critère objectif, mais représentent des types différenciés renvoyant à une
pluralité de situations militantes.
105
CONCLUSION
Les fourmis et l’aveugle
106
W. SCHONFELD133 sous-titrait son ouvrage sur les dirigeants du PS et du RPR, « les
éléphants et l’aveugle ». Dans le cas précis, les éléphants étaient les dirigeants qui
constituaient l’objet d’étude, et l’aveugle, le politiste, le chercheur qui, lorsqu’il est en
présence d’une trompe ou d’une queue, c’est-à-dire lorsqu’il met à jour des caractéristiques
particulières à son objet, ne sait pas très bien en définitive si il a entre les mains une queue ou
une trompe, ce qu’il saisit correspond à la réalité.
Etudier le phénomène militant c’est aussi largement être aveugle. Car les militants, qui
ne sont pas ici des éléphants, mais des fourmis, constituent une réalité protéiforme, multiple,
variée. Pour le chercheur qui a su dépasser l’illusion de l’existence, dans l’organisation
partisane, d’un groupe autonome, homogène et clairement défini de militants, apparaît alors
toute la diversité des situations militantes. Ainsi quand le politiste a devant les yeux un
militant, il n’est jamais vraiment sûr que ce soit un « activiste » ou un « intermittent », un
« croyant » ou un « carriériste ». Toutes les définitions et toutes les typologies trouvent ici
leur limite : en découpant la réalité, en constituant des frontières, elles n’éclairent qu’une
partie des phénomènes étudiés et laisse dans l’ombre des aspects particuliers de ceux-ci. Cela
nous semble particulièrement vrai dans le cas du militantisme. Toute tentative de
conceptualisation du militantisme politique entraîne une perte d’information ; si elle donne à
133
William SCHONFELD. Op. cit.
107
voir certains éléments propres à ce phénomène, elle aveugle aussi et interdit d’en saisir
d’autres.
Le modèle O., C., I. n’échappe pas à cette règle. Mais il cherche à minimiser la perte
de l’information inévitable dans toute modélisation. Il tente de restituer le caractère complexe
et divers du phénomène militant en croisant les trois instances individuelle, organisationnelle
et idéologique, et en précisant par ailleurs leurs interactions. L’éclairage ici se veut plus
grand, pour que l’aveugle se sente un peu moins aveugle, bien qu’il est évident qu’il le restera
toujours.
Ainsi l’application pratique du modèle O., C., I. au cas du RPR, illustre sa capacité à
saisir les formes variées que le militantisme peut revêtir dans se parti politique. Alors que les
approches unidimensionnelles semblent incapable de le faire. Ainsi le modèle du militant
activiste, dévoué à son parti, propre aux organisations de gauche, et particulièrement au parti
communiste, est ici réducteur. Appliqué au RPR, il ne mettrait en évidence qu’une partie de la
réalité. En ne distinguant que les militants les plus actifs, les plus engagés dans le parti, mais
qui représentent une minorité, il oublierait qu’il existe dans cette organisation toute une
catégorie de militants intermittents, moins engagés, faute de temps, de motivations, etc., mais
qui revendiquent pour eux mêmes le titre de militants.
Ainsi, pour finir, on peut dire que le militantisme politique est défini dès qu’il est
perdu en tant qu’objet clairement délimité. C’est, paradoxalement, dans son éclatement en
sous-groupes, en types différenciés, qu’il apparaît plus proche de sa réalité. La contribution à
l’analyse générale du militantisme que représente le modèle O., C., I. peut se résumer par la
volonté de saisir la complexité de ce phénomène, en insistant sur l’interaction entre
différentes instances (individuelles, organisationnelles, idéologiques) et en repoussant les
approches unidimensionnelles qui semblent trop réductrices.
108
ANNEXE 1 :
METHODOLOGIE SUIVIE
L’enquête s’est déroulée de janvier 1994 à mars 1994. Elle a débuté par une analyse
des documents édités par le RPR (matériel à destination des adhérents, presse - Lettre de la
Nation pour l’année 1993 et le premier trimestre 1994 -, etc.)
En ce qui concerne le questionnaire la méthode retenue est la suivante : 200
questionnaires ont été envoyés à des adhérents du RPR tirés au sort dans les fichiers
d’adhérents des 1ère, 5ème, 8ème et 10ème circonscriptions de Paris (50 personnes par
circonscription). Ces circonscriptions ont été choisies pour l’importance de la base militante
RPR que l’on peut y rencontrer ainsi que pour leur situation différenciée (la 1ère regroupe les
1er, 2ème, 3ème et 4ème arrondissements ; la 5ème, le 10ème arrondissement ; la 8ème, le
12ème et la 10ème, une partie du 13ème et du 14ème). 100 autres questionnaires ont été
distribués sur le terrain, lors des réunions, des séances de tractages sur les marchés, etc. Il
s’agissait d’éviter une sur-représentation des simples adhérents et de toucher les militants. La
formulation des questions dérive directement du système d’hypothèses qui était le notre après
la reformulation théorique du concept de militantisme.
Moins d’un tiers de ces 300 questionnaires ont été retournés dont 85 seulement ont pu
être traités. La faiblesse numérique de l’échantillon limite donc la portée générale des
conclusions de l’enquête. C’est donc à titre indicatif et non représentatif de l’ensemble des
adhérents du RPR à Paris qu’il faut prendre les résultats de cette enquête (cf. annexe 2).
Parallèlement à ce questionnaire, sept entretiens semi-directifs avec des adhérents et
des militants du RPR ont été effectués. Il s’agissait de préciser des éléments plus subjectifs
(motivations, rétributions, rapport à l’idéologie gaulliste, etc.) que les questionnaires ne
permettaient pas de saisir (cf. annexes 3 et 4). Les entretiens nous ont donc servis de sources
supplémentaires d’informations, c’est-à-dire que leur usage a été complémentaire par rapport
au questionnaire et non exploratoire.
109
ANNEXE 2 :
RESULTATS DE L’ENQUETE
(en pourcentages arrondis)
Sexe :
Homme
Femme
61
moins de 25 ans
25-34 ans
35-49 ans
50-64 ans
plus de 65 ans
24
31
21.5
14
9.5
39
Age :
Quelle est votre situation de famille actuelle ?
Marié
28
Vivant maritalement
15.5
Célibataire
44.5
Divorcé
3.5
Veuf
8
Quel est le diplôme le plus élevé que vous avez obtenu ?
Aucun diplôme
2.5
Certificat d’études primaires
1
Brevet, BEPC
8
CAP
6
BEP
8
BAC technique
7
BAC général
2.5
BAC plus 2
15.5
Diplôme de l’enseignement sup.
49.5
Quelle est votre profession ? Si retraité, chômeur, femme au foyer, quelle a été votre dernière
profession ? (détaillez le plus possible)
Artisans, commerçants
7
Cadres et professions sup.
20
Professions intermédiaires
27
Employés
7
Ouvriers
3.5
Inactifs
24.5
Divers inclassables
2.5
Non-réponse
8
110
Quelle est la profession de votre conjoint ? (détaillez le plus possible)
Artisans, commerçants
9.5
Cadres et professions sup.
10.5
Professions intermédiaires
9.5
Employés
6
Ouvriers
3.5
Inactifs
9.5
Divers inclassables
2.5
Quelle est la profession de votre père ? (détaillez le plus possible)
Agriculteurs
2.5
Artisans, commerçants
15.5
Cadres et professions sup.
27
Professions intermédiaires
22
Employés
16.5
Ouvriers
6
Inactifs
1
Divers inclassables
2.5
Non-réponse
7
Quelle est la profession de votre mère ? (détaillez le plus possible)
Agriculteurs
1
Artisans, commerçants
6
Cadres et professions sup.
4.5
Professions intermédiaires
20
Employés
7
Ouvriers
2.5
Inactifs
37.5
Divers inclassables
4.5
Non-réponse
16.5
Revenu du foyer par mois:
Moins de 5000 FF
De 5001 à 7500 FF
De 7501 à 10000 FF
De 10001 à 15000 FF
De 15001 à 20000 FF
De 20001 à 25000 FF
Plus de 25000 FF
Non-réponse
9.5
7
15.5
19
16.5
10.5
15.5
7
Quelle est votre religion ?
Catholique
Protestante
Musulmane
Autres
Sans religion
70.5
4.5
3.5
4.5
16.5
111
Diriez-vous que vous allez sur les lieux du culte ?
Au mois une fois par semaine
20
Une ou deux fois par mois
21
Pour les grands événements
42.5
Jamais
16.5
Date d’adhésion au RPR :
avant 1981
de 1981 à 1986
de 1986 à 1988
de 1988 à 1993
après 1993
Non-réponse
8
10.5
13
40
24.5
3.5
A quel âge vous êtes-vous intéressés pour la première fois à la politique ?
Avant 15 ans
27
De 15 à 20 ans
42.5
Après 20 ans
26
Non-réponse
4.5
On classe habituellement les Français sur une échelle qui va de la gauche à la droite vous
personnellement où vous classeriez-vous sur cette échelle ?
1
0
2
0
3
0
4
1
5
6
10,5 30,5
7
33
8
15,5
9
7
Non-réponse
2,5
Où situeriez-vous votre père sur l’échelle gauche-droite ?
1
0
2
2,5
3
2,5
4
6
5
10,5
6
21
7
27
8
19
9 Non-réponse
9,5
2,5
Où situeriez-vous votre mère sur l’échelle gauche-droite ?
1
1
2
0
3
2,5
4
2,5
5
12
6
26
7
19
8
21
9
9
Non-réponse
7
Avez-vous le sentiment d’appartenir à une classe sociale ?
Oui
52
Non
42
Non-réponse
6
Si oui, laquelle ?
Classe moyenne
Bourgeoisie
Classe ouvrière
34
18
11.5
112
Cadres
Classe aisée
Classe laborieuse
Divers
N.S.P.
11.5
7
4.5
4.5
9
Avez-vous déjà appartenu à un parti politique ?
Oui
15.5
Non
84.5
Pouvez-vous dire en quelques mots ce qui vous a conduit à adhérer au RPR ? (question
ouverte recodée comme suit)
Par conviction personnelle
14
L’arrivée de la gauche au pouvoir 14
Jacques Chirac
10.5
Les valeurs défendues par le RPR 10.5
Par tradition gaulliste
6
Par désir d’agir
4.5
Le général de Gaulle
4.5
Pour un renouveau
4.5
Maastricht
3.5
Convaincu par un tiers
3.5
Plaisir des échanges sur la politique 3.5
La défaite en 1988
2.5
Divers inclassables
10.5
Non-réponse
7
Pour les raisons suivantes qui ont pu vous faire adhérer au RPR quelles sont celles qui vous
semblent très importantes (1), plutôt importantes (2), plutôt pas importantes (3), pas
importantes du tout (4) ?
Rencontrer des gens qui ont
les mêmes opinions que vous
Trouver votre véritable identité
Exercer des responsabilités
Participer à la transformation
de la société
Convaincre par votre exemple
La personnalité de J. Chirac
Diriez-vous que vous vous considérez comme ?
Un simple adhérent du parti
19
Un militant épisodique
13
Un militant actif
61
Autre
4.5
Non-réponse
2.5
1
2
3
4
N.S.P.
20
41
17.5
13
8
16.5
22.5
27
26
19
22.5
27
20
10.5
9.5
46
23.5
47
32
33
28
12
16.5
10.5
2.5
14
7
8
13
7
113
Combien de temps par semaine en moyenne consacrez-vous à vos activités partisanes ?
(question ouverte recodée comme suit)
Aucun
3.5
Moins de 5 heures
52
De 5 à 10 heures
12
De 10 à 15 heures
3.5
Plus de 15 heures
12
Variable
6
Non-réponse
12
Voici une liste de fonctions qu’un militant peut remplir. Pourriez-vous les classer selon leur
degré d’importance, de 1 la moins importante à 5 la plus importante ?
Recruter des adhérents :
Former des militants :
Faire connaître aux gens les idées du RPR :
Contribuer à l’élaboration
des programmes du RPR :
Faire connaître aux dirigeants les souhaits
des adhérents :
1
2
3
4
5
N.S.P.
13
12
30.5
18
19
8
14
16.5
10.5
18
15.5
12
13
14
15.5
23.5
23.5
23.5
12
17.5
15.5
14
17.5
23.5
9.5
13
19
17.5
17.5
23.5
Assistez-vous aux réunions de votre parti :
A chaque fois
27
Régulièrement
53
Rarement
14
Jamais
2.5
Non-réponse
3.5
Lisez-vous les publications de votre parti (La Lettre de la Nation, Participer, Contacts...) :
A chaque fois
23.5
Régulièrement
46
Rarement
22.5
Jamais
7
Non-réponse
1
Etes-vous abonnés à une ou plusieurs publications de votre parti (La Lettre de la Nation,
Participer, Contacts...) ?
Oui
35.5
Non
62.5
Non-réponse
2.5
Appartenez-vous à un syndicat ou à une organisation professionnelle ?
Oui
8
Non
89.5
Non-réponse
2.5
Etes-vous membre d’une ou de plusieurs associations (à caractère social, humanitaire,
religieux, sportif ou autre) ?
114
Oui
Non
Non-réponse
61
37.5
1.5
Si oui, laquelle ou lesquelles ?
Humanitaires et religieuses
Sportives
Associations des jeunes du RPR
Associations de femmes
Clubs de réflexion
Culturelles
Etudiantes
Divers
Non-réponse
17.5
17.5
12
8
8
8
4
21.5
4
Pouvez-vous dire quels sont les sujets qui sont abordés, très souvent (1), quelquefois
seulement (2), rarement (3), jamais (4) lors des réunions de votre parti ?
L’organisation interne du mouvement
L’organisation des campagnes électorales
L’élaboration du programme du mouvement
Les problèmes politiques nationaux
La vie de la circonscription
Les problèmes économiques et sociaux
1
2
3
4
N.S.P.
17.5
41
37.5
28
22.5
13
20
27
17.5
9.5
30.5
6
8
10.5
7
4.5
20
4.5
7
4.5
20
16.5
6
16.5
16.5
14
60
48
43.5
21
Voici une liste de partis politiques (hormis le RPR), en mettant une note allant de 0 à 5,
pouvez-vous me dire, pour chacun d’entre eux, s’ils sont proches ou non de vos idées (0= pas
proches du tout ; 5= très proches) :
0
1
2
3
4
5
N.S.P.
Génération Ecologie
MRG
PCF
UDF
Les partis d’extrême gauche
FN
PS
CNI
Les Verts
Le Mouvement des Citoyens
40
59
79
1
81
43.5
63.5
26
44.5
44.5
21
16.5
7
4.5
2.5
14
14
12
16.5
14
15.5
8
7
1
14
6
10.5
14
10.5
8
24.5
13
3.5
15.5
6
4.5
40
4.5
16.5
1
1
16.5
1
4.5
2.5
-
15.5
16.5
14
6
15.5
9.5
13
15.5
15.5
24.5
Note moyenne :
Les partis d’extrême gauche
PCF
MRG
PS
0.05
0.1
0.4
0.4
115
Génération Ecologie
0.7
Le Mouvement des Citoyens
0.7
Les Verts
1
FN
1.1
CNI
2
UDF
3.5
Voici une liste d’activités que les membres d’un parti politique peuvent être appelés à
effectuer, vous mêmes participez-vous régulièrement (1), de temps en temps (2), rarement (3),
jamais (4) à :
La tenue d’une permanence
Le collage d’affiches
La distribution de tracts
L’organisation de réunions privées
L’assistance à des meetings
La participation à des séminaires
de formation
1
2
3
4
N.S.P.
22.5
23.5
33
12
34
13
14
12
34
21
33
28
16.5
13
10.5
14
8
12
36.5
40
14
39
14
35.5
10.5
12
8
14
10.5
12
Pour défendre vos idées et dans certaines circonstances, diriez-vous que vous êtes tout à fait
prêt (1), plutôt prêt (2), plutôt pas prêt (3), pas prêt du tout (4) à :
Faire grève
Participer à une manifestation
Refuser de payer vos impôts
Peindre des slogans sur les murs
Occuper des bâtiments administratifs
Provoquer des dégâts matériels
1
2
3
4
N.S.P.
21
10.5
46
4.5
6
16.5
1
22.5
26
17.5
12
13
7
36.5
8
54
62.5
12
82.5
9.5
12
8
8
50.5
7
15.5
12
2.5
8
8
Voici une liste de personnalités du RPR, en leur attribuant une note de 0 à 5, pouvez-vous dire
celles que vous appréciez et celles que vous n’appréciez pas (0= n’apprécie pas du tout ; 5=
apprécie beaucoup) :
B. Pons
J. Toubon
A. Juppé
Ch. Pasqua
J. Chirac
Ph. Seguin
J.-L. Debré
E. Balladur
Note moyenne :
J.-L. Debré
2.5
0
1
2
3
4
5
N.S.P.
4.5
1
1
3.5
9.5
4.5
9.5
7
2.5
4.5
2.5
8
4.5
23.5
16.5
3.5
3.5
1
9.5
27
12
27
23.5
14
15.5
4.5
28
26
20
14
23.5
41
19
15.5
29.5
15.5
16.5
16.5
26
36.5
55.5
75.5
24.5
7
39
4.5
2.5
2.5
1
1
4.5
7
3.5
116
B. Pons
J. Toubon
E. Balladur
Ph. Seguin
A. Juppé
Ch. Pasqua
J. Chirac
ANNEXE 3 :
2.9
3.4
3.5
3.6
4.1
4.1
4.6
GUIDE D’ENTRETIEN
1) Vous êtes adhérent au RPR, pouvez-vous me raconter comment vous en êtes venu à ce
parti politique :
Série de thèmes à explorer :
- le contexte de l’adhésion
- l’itinéraire social et politique de l’individu
- les motivations de l’adhésion
2) Maintenant, j’aimerais que vous me racontiez comment se déroulent vos activités au RPR :
Série de thèmes à explorer :
- types d’activités privilégiées
- les lieux
- coût de ces activités
3) J’aimerais à présent aborder avec vous le thème des relations que vous entretenez avec les
autres membres du parti :
Série de thèmes à explorer :
- existence de conflits, de tensions entre les membres
-relations avec les autres catégories du personnel partisan
- caractère convivial du militantisme
4) Pouvez-vous me dire si vous pensez avoir trouvé au RPR ce que vous y cherchiez en y
adhérant ?
Série de thèmes à explorer :
- frustration ou satisfaction de l’engagement politique
- rétributions attendues, reçues
117
5) Pour finir, j’aimerais que vous disiez ce que signifie pour vous le gaullisme :
Série de thèmes à explorer :
- poids de l’idéologie dans l’adhésion au RPR
- poids de l’idéologie dans le militantisme
118
ANNEXE 4 :
119
ANNEXE 4 (suite) :
120
BIBLIOGRAPHIE
I. Ouvrages de références, dictionnaires, vocabulaires, etc. :
- Le Petit Robert. Paris : Dictionnaires le Robert, 1989.
- Dictionnaire Etymologique de la Langue Française. Paris : PUF, 1975.
- Dictionnaire Etymologique et Historique du Français. Paris : Larousse, 1993.
- Dictionnaire de l’Académie Française. Paris : Académie Française, 1835.
- Jean DUBOIS. Le vocabulaire politique et social en France de 1869 à 1872. Paris :
Larousse, 1962.
- Marilyn GILL. Recherche sur le vocabulaire politique en Français contemporain : étude des
élections législatives de 02/03/1967. Besançon : thèse pour le doctorat de 3ème cycle, 1970.
- Georges LABICA, Gérard BENSUSSAN. Dictionnaire critique du marxisme. Paris : PUF,
1985.
II. Ouvrages généraux de sociologie et de sociologie politique :
- Philippe GARRAUD. Profession : Homme politique. La carrière politique des maires
urbains. Paris : L’Harmattan, 1989, 224 p.
- Alfred GROSSER. L’explication politique. Paris : Armand Colin, 1972, 144 p.
- Jacques LAGROYE. Sociologie politique. Paris : Dalloz-Presses de la Fondation Nationale
des Sciences Politiques, 1991, 479 p.
- Giovanni SARTORI (ed.). Social Science Concepts : a systematic analysis. Beverly Hills :
Sage, 1984, 455 p.
- Joseph SCHUMPETER. Capitalisme, Socialisme et démocratie. Paris : Payot, 1974, 433 p.
- Max WEBER. Economie et société. Paris : Plon, 1971, 650 p.
121
III. Ouvrages et articles généraux sur les partis politiques :
1) Ouvrages :
- Maurice DUVERGER. Les partis politiques. Paris : Armand Colin, 1976 (10eme Ed.), 566
p.
- Kenneth JANDA. Political Parties : a cross national survey. Londres : The Free Press, 1980,
1019 p.
- Joseph LA PALOMBARA, Myron WEINER (ed.). Political Parties and Political
Development. Princeton : Princeton University Press, 1966, 487 p.
- Michel OFFERLE. Les partis politiques. Paris : PUF, 1987, 125 p.
- Angelo PANEBIANCO. Political parties : Organization and power. Cambridge : Cambridge
University Press, 1988.
- Colette YSMAL. Les partis politiques sous la cinquième République. Paris : Montchrestien,
1989, 312 p.
2) Articles :
- Jean CHARLOT. « Partis politiques : pour une nouvelle synthèse théorique ». in Yves
MENY (ed.). Idéologies, partis politiques et groupes sociaux. Paris : Presses de la Fondation
Nationale des Sciences Politiques, 1989, p. 285-295.
- Patrick HARDOUIN. « Les caractérisitiques sociologiques de Parti Socialiste ». Revue
Française de Science Politique, 28(2), avril 1978, p. 220-256.
- Jean-Patrice LACAM. « Le politicien investisseur : un modèle d’interprétation de la gestion
des ressources politiques ». Revue Française de Science Politique, 38(1), fév. 1988, p. 23-46.
- Frédéric SAWICKI. « Questions de recherche: pour une analyse locale des partis
politiques ». Politix, 2, print. 1988, p. 13-28.
- Mark KESSELMAN. « Systèmes de pouvoir et cultures politiques au sein des partis
politiques français. Les cas du PS et des démocrates pour la Veme République ». Revue
française de Sociologie, 13, 1972, p. 485-515.
IV. Ouvrages, articles et inédits sur le militantisme dans les partis
politiques:
1) Ouvrages :
- Pierre ANSART. La gestion des passions politiques. Paris : L’Age d’Homme, 1983, 203 p.
122
- Yves BOURDET. Qu’est-ce qui fait courir les militants ? Paris : Stock, 1976, 302 p.
- Michel HASTINGS. Halluin la Rouge, 1919-1939 : aspects d’un communisme identitaire.
Lille : Presses Universitaires de Lille, 1991, 438 p.
- Annie KRIEGEL. Les communistes Français : 1920-1970. Paris : Seuil, 1985, 400 p.
- Jacques LAGROYE, Guy LORD, Lise MOUNIER-CHAZEL, Jacques PALARD. Les
militants politiques dans trois partis français, PC, PS et UDR. Paris : Pedone, 1976, 186 p.
- Georges LAVAU. A quoi sert le Parti Communiste Français ? Paris : Seuil, 1981, 444 p.
- Michel LECOINTE. Les militants et leurs étranges organisations. Paris: Syros, 1983, 189 p.
- Daniel MOTHE. Le métier de militant. Paris : Seuil, 1973, 182 p.
- Henri REY, Françoise SUBILEAU. Les militants socialistes à l’épreuve du pouvoir. Paris:
Presses de la Fondation Nationale des Sciences Politiques, 1991, 291 p.
- Lucien SEVE. Marxisme et théorie de la personnalité. Paris : Editions Sociales, 1974, 598 p.
2) Articles :
- Martine BARTHELEMY. « Le militantisme associatif ». L’engagement politique : déclin ou
mutation (pré-actes du colloque : 4-6/03/1992). Paris : CEVIPOF, 1993, p. 175-199.
- Roland CAYROL, Colette YSMAL. « Les militants du PS : originalité et diversité ». Projet,
165, mai 1982, p. 572-586.
- Francine DEMICHEL. « Remarques sur l’étude du PCF ». Cahiers du Communisme, 56(3),
mars 1980, p. 54-61.
- F. DENANTES. « Le communisme, une patrie ». Projet, 101, janvier 1976, p. 9-22.
- Jacques DERVILLE, Michel CROISAT. « La socialisation des militants communistes
français ». Revue Française de Science Politique, 29(4-5), août-oct. 1979, p. 760-790.
- Jean-Marie DONEGANI. « Itinéraire politique et cheminement religieux ». Revue Française
de Science Politique, 29(4-5), août-oct. 1979, p. 693-738.
- Daniel GAXIE. « Economie des partis et rétributions du militantisme ». Revue Française de
Science Politique, 20(1), février 1977, p. 123-154.
- Jacques ION. « L’évolution des formes de l’engagement public ». L’engagement politique:
déclin ou mutation (pré-actes du colloque: 4-6/03/1992). Paris : CEVIPOV, 1993, p. 289-308.
- A. JEANNIERE. « Difficile et ambiguë, la militance aujourd’hui ». Projet, 136, juin 1976,
p. 706-716.
123
- Janine LARRUE, Jean-Michel CASSAGNE, Michel DOMENC. « Un parti et ses militants :
synchronisations et ruptures ». Bulletin de psychologie, 40(379), mars 1987, p. 215-223.
- LENINE. « Les objectifs immédiats de notre mouvement ». Oeuvres choisies, T.1. Moscou :
Editions en langues étrangères, 1962.
- J.-P. MOLINARI. « Contribution à la sociologie du PCF ». Cahiers du communisme, 52(1),
janvier 1976, p. 38-49.
- J. PENEFF. « Autobiographies de militants ouvriers ». Revue Française de Science
Politique, 29(1), fév. 1979, p. 5-82.
- Thierry PFISTER. « La crise du militantisme ». Revue Politique et Parlementaire, 92(945),
fev. 1990, p. 18-24.
- Françoise SUBILEAU. « Le militantisme sous la cinquième République: Etat des travaux de
langue Française ». Revue Française de Science Politique, 31(5-6), oct.-déc. 1981, p. 10381068.
- Colette YSMAL. « Tranformations du militantisme et déclin des partis ». L’engagement
politique: déclin ou mutation (pré-actes du colloque: 4-6/03/1992). Paris : CEVIPOV, 1993,
p. 357-384.
3) Inédits :
- Martine BARTHELEMY. De l’usage des métaphores économiques dans l’explication du
militantisme : le cas de l’individualisme méthodologique. Paris : CEVIPOF, 1986, 14 p.
- René MOURIAUX. Deux approches marxistes du militantisme. Paris: CEVIPOF, 1984,16
p.
- René MOURIAUX. Document de travail sur le militantisme syndical. Paris : CEVIPOF,
1984, 19 f.
V. Ouvrages, articles et inédits sur le RPR :
1) Ouvrages :
- Pierre BRECHON, Jacques DERVILLE, Patrick LECOMTE. Les cadres du RPR. Paris:
Economica, 1987, 260 p.
- Jean CHARLOT. L’UNR. Etude du pouvoir au sein d’un parti politique. Paris : Armand
Colin, 1967, 364 p.
- William SCHONFELD. Ethnographie du PS et du RPR. Les éléphants et l’aveugle. Paris :
Economica, 1984.
124
2) Articles :
- Jeau BAUDOUIN. « Le « moment néo-libéral » du RPR : essai d’interprétation ». Revue
Française de Science Politique, 40(6), décembre 1990, p. 830-843.
- Pierre BRECHON, Jacques DERVILLE, Patrick LECOMTE. « Plongée libre au sein du
RPR ». Revue Politique et Parlementaire, 89(927), fév. 1987, p.19-28.
- Pierre BRECHON, Jacques DERVILLE, Patrick LECOMTE. «L’univers idéologique des
cadres RPR : entre l’héritage gaulliste et la dérive droitière ». Revue Française de Science
Politique, 37(5), décembre 1987, p. 675-695.
- Patrick GUIOL, Eric NEVEU. « Sociologie des adhérents gaullistes ». Pouvoirs, 28, 1984,
p. 91-106.
- Philippe HABERT. « Les cadres du RPR: l’empire éclaté ». L’Etat de l’Opinion, SOFRES,
1991, p. 199-219.
- Andrew KNAPP, Patrick LE GALES. « Top-down to bottom-up? Centre-Periphery relations
and power structures in France’s gaullist party ». West European Politics, 16(3), juillet 1993,
p. 271-294.
- Patrick LECOMTE. « Comment viennent-ils à la politique ? L’engagement des nouvelles
recrues du RPR ». Revue Française de Science Politique, 39(5), oct. 1989, p. 683-699.
- Michel OFFERLE. « Transformation d’une entreprise politique : de l’UDR au RPR (19731977) ». Pouvoirs, 28, 1984, p.5-26.
- Philippe PORTIER. « Les militants RPR: étude d’une fédération ». Pouvoirs, 28, 1984, p.
107-122.
- Pascal SIGODA. « Les cercles extérieurs du RPR ». Pouvoirs, 28, 1984, p. 143-158.
- Colette YSMAL. « Un colosse aux pieds d’argile : le RPR ». Temps Modernes, 465, avril
1985, p. 1872-1892.
- Colette YSMAL. « L’univers politique des militants du RPR ». Pouvoirs, 28, 1984, p. 7790.
3) Inédits :
- Pierre BRECHON. « Adhérents et militants gaullistes. Profil socio-démographique, univers
politique, univers culturel ». Le RPR et l’UDF à la fin des années 1980. Bordeaux : congrès
national de l’AFSP, 1988.
125
- Bernard BRUNETEAU. Les néo-gaullistes : attitudes politiques et dynamiques sociales.
Etude de la Fédération RPR du Finistère 1985-1986. (mémoire pour le DEA « Etudes
Politiques »). Rennes : 1986, 216 p.
- Jacques DERVILLE, Patrick LECOMTE. « RPR-Génération 1986 : processus de
mobilisation et système de représentation des adhérents récents du RPR » . Le RPR et l’UDF
à la fin des années 1980. Bordeaux : congrès national de l’AFSP, 1988.
- Philippe MARQUET. Etude comparée de l’UDR et du RPR. (mémoire pour le DEA
« Etudes Politiques »). Paris: Paris II, 1978, 130 p.
- Philippe PORTIER. Le RPR dans le département du Morbihan. (mémoire pour le DEA
« Etudes Politiques »). Rennes : 1978, 144 p.
- Sophie VANBREMEERSCH-DEVEDJIAN - Adhérents RPR dans les Hauts-de-Seine.
(mémoire pour le DEA « Etudes Politiques »). Paris : 1982.
VI. Ouvrages sur la droite :
1) Ouvrages :
- René REMOND. Les droites en France. Paris : Aubier, 1982, 544 p.
- Jean-François SIRINELLI. Histoire des droites en France. (3 tomes). Paris : Gallimard,
1992.
126
REMERCIEMENTS
Je tiens à remercier tous les adhérents et militants du
RPR qui se sont prêtés bien volontiers à mon enquête. Je
remercie M. Jean CHARLOT pour ses avis et ses conseils.
Merci, enfin, à Denise JARDIN et à Nathalie REHBY qui
ont accepté de relire ce mémoire, ainsi qu’à mon ami
Laurent WILLEMEZ pour m’avoir fait découvrir M. V.
MONTALBAN et pour son soutien indéfectible.
127
SOMMAIRE
INTRODUCTION : A la recherche du militantisme politique
2
PREMIERE PARTIE : Le concept de militantisme
7
Chapitre 1 : Analyse sémantique du terme ‘militantisme’
10
1) La genèse du terme ‘militantisme’
11
2) Analyse lexicale du terme ‘militantisme’
14
3) Les contextes d’utilisation du terme ‘militantisme’
17
Chapitre 2 : Les définitions théoriques du militantisme
1) Les théories organisationnelles
20
22
1.1/ la théorie marxiste-léniniste du militantisme
22
1.2/ l’approche organisationnelle de M. DUVERGER
25
2) Les théories psychologiques du militantisme
26
2.1/ le rôle affectif du parti
26
2.2/ la personnalité du militant politique
27
2.3/ les raisons du militantisme : identité et désaliénation
28
3) Les théories « économicistes » du militantisme :
3.1/ le militantisme comme ‘courtage’
30
30
3.2/ le militantisme comme activité rétribuée
31
3.3/ le militantisme comme ressources
32
128
Chapitre 3 : Les définitions empiriques du militantisme
1) Deux modes privilégiés d’approches
35
36
1.1/ l’approche sociographique
37
1.2/ les enquêtes psychosociales
39
2) Les critères de mesure du militantisme
41
2.1/ l’auto-évaluation
42
2.2/ les critères objectifs du militantisme
42
2.3/ la mesure du militantisme par les congrès
44
Reconstruction du concept de militantisme : le modèle O., C., I.
46
SECONDE PARTIE : Les formes du militantisme au RPR
53
Chapitre 4 : L’engagement individuel
56
1) L’environnement social des adhérents du RPR
58
1.1/ une réelle féminisation
59
1.2/ un partis d’hommes mûrs
60
1.3/ la prépondérance des classes moyennes
61
2) Contextes et raisons de l’adhésion
65
2.1/ les circonstances de l’adhésion
66
2.2/ le systèmes de motivations des adhérents du RPR
67
Chapitre 5 : L’organisation du militantisme
1) La définition normative du militantisme au RPR
72
74
129
1.1/ une image imposée
74
1.2/ une image revendiquée
76
2) Les activités militantes au RPR
78
2.1/ l’importance de l’investissement intrapartisan
78
2.2/ la faiblesse des activités militantes externes
81
2.3/ limitation de l’importance des objectifs électoraux
83
3) Le système de rétributions du militantisme au RPR
85
3.1/ le coût de l’engagement militant
85
3.2/ Gratifications matérielles et symboliques
86
Chapitre 6 : Univers politique et idéologique des militants du RPR
89
1) L’univers politique des militants du RPR
91
1.1/ le positionnement à droite
91
1.2/ le rejet de la gauche
93
2) L’univers idéologique des militants du RPR
94
2.1/ que reste-t-il de la tradition gaulliste ?
95
2.2/ le recentrage néo-libéral et ses conséquences
97
Une typologie des militants du RPR
100
CONCLUSION : Les fourmis et l’aveugle
103
Annexe 1 : Méthodologie suivie
106
Annexe 2 : Résultats de l’enquête
107
Annexe 3 : Guide d’entretien
114
Annexe 4 : Renseignements signalétiques des personnes
interrogées par entretiens
115
130
Bibliographie
117
Remerciements
123

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