Alain Juppé - Cabinet Baillet Dulieu Associés

Transcription

Alain Juppé - Cabinet Baillet Dulieu Associés
Emplois fictifs de la Ville de Pans
Les batailles judiciaires de Juppé
Mis en cause par la chambre régionale des Comptes, suspendu à un arrêt de la Cour de cassation,
l'ancien premier ministre se défend sur tous les fronts.
L'ancien premier ministre de gestion de lait », la chambre rembourser conjointement la tère des Affaires étrangères. Ce
Alain Juppé appréhende la régionale des Comptes d'Ile-de- somme de 2 657 168,25 francs dernier détachement n'aurait fait
perspective d'un été judiciaire France avait rendu, le 22 mars, de rémunérations versées.
l'objet d'aucune convention,
chargé, l'affaire des emplois fic- un jugement provisoire sévère.
Selon le jugement provi- conférant ainsi un « caractère
tifs de la mairie de Paris étant Alain Juppé n'est pas la pre- soire, Philippe Martel, fonction- occulte à l'opération -.
susceptible de connaître de mière personne visée dans ce naire titulaire à l'Hôtel de Ville,
nouveaux prolongements. La document. Il lui est toutefois re- n'aurait exercé « aucune acti« Présomptions
Cour de cassation pourrait en proché, ainsi qu'à trois autres vité » entre le 1 " avril 1989 et le
effet valider, mercredi, l'Instruc- fonctionnaires de la mairie de 31 mars 1993, au sein de la Dide
première vue »
tion conduite depuis 1995 sur ce Paris - Didier Quentin, Rémy rection des relations internatioBien que Philippe Martel soit
dossier par le juge de Nanterre Chardon et Bernard Monginet - nales (DRI) puis à l'inspection
Patrick Desmure. Par ailleurs, d'avoir donné son aval à un em- générale. D'après le rapport, ce en première ligne, dans cette enl'ex-chef du gouvernement a ré- ploi considéré comme fictif, ce- fonctionnaire aurait « en réa- quête, l'entourage d'Alain Juppé
cemment répondu à un juge- lui de son ex-chef de cabinet lité >• œuvré pendant cette pé- estime que c'est le maire de
ment provisoire de la chambre Philippe Martel. Tous les prota- riode en qualité de chef de cabi- Bordeaux qui est pointé du
régionale des Comptes d'Ile-de- gonistes ont été déclarés comp- net d'Alain Juppé, au sein du doigt. La réplique de l'ancien
France qui le présentait, le tables de faits et enjoints de • RPR tout d'abord, puis au minis- chef de gouvernement n'a
22 mars, comme « l'un des organisateurs des opérations irrégulières ».
Les amis, et les avocats
d'Alain Juppé paraissaient le redouter ces derniers jours. Si la
Le ton monte entre les
Cour de cassation juge
avocats d'Alain Juppé et le
conforme au droit l'enquête du
premier président de la Cour
juge Desmure - ainsi que le
des comptes, Pierre Joxe.
suggéraient récemment des
Dans un courrier adressé le
sources judiciaires - l'affaire
10 juin à l'ancien ministre de
des emplois fictifs pourrait s'insl'Intérieur. M" Michel de
taller dans le temps et assombrir
Guillenchmidt et Francis
la trajectoire politique de l'intéBaillet s'interrogeaient sur la
ressé. « Ce serait un coup très
diffusion, dans Le Parisien,
dur pour Alain », reconnaissait
d'extraits du jugement proviun de ses proches. Le magistrat
soire de la chambre régionale
instructeur n'exclurait pas, en
des Comptes. Le quotidien
effet, d'élargir le cercle de ses
avait révélé le 25 mai l'exisinvestigations et de prononcer
tence de ce rapport accusade nouvelles mises en examen.
teur. Les défenseurs demanCette situation est d'autant
daient notamment à Pierre
plus difficile à vivre pour l'ancien
Joxe « d'ordonner sans tarder
premier ministre que celui-ci
une enquête sur les condidoit désormais ferrailler, toutions dans lesquelles cette déjours dans le dossier des em« Est-il importé de vos bumentsjuridiques ». « Quanta
testable fuite s'est produite ».
plois fictifs, avec la Cour des
moi, ajoute le premier prési- reaux de Moscou, de Kiev ou
Le premier président a sècmoptes. Cette nouvelle bade New York ? •• (ndlr : où le
chement répliqué aux avocats dent, je m'interrogerai longtaille, plus discrète mais tout
d'Alain Juppé le 22 juin. Pierre temps sur les raisons pour cabinet d'avocats dispose de
aussi âpre que la précédente,, a
Joxe indique être surpris par lesquelles des auxiliaires de correspondants), s'interroge
déjà été l'objet d'une passe
la lettre envoyée à Jean-Louis justice aussi titrés que vous en guise de conclusion Pierre
d'armes entre les conseils du
« croient devoir •• se mettre à Joxe. Le courrier ne comChartier, précisant que ce
maire de Bordeaux et le premier
président de l'institution (lire
dernier va répondre, " sans deux pour adopter un style porte aucune formule de polil'encadré).
doute en (vous) apportant épistolaire si singulièrement tesse.
Après s'être saisie d'office
J.-A. R.
quelques utiles éc/aircisse- agressif... »
de « faits présumés constitutifs
L'irritation de Pierre Joxe
d'ailleurs pas tardé. Dans un
long mémoire, reprenant point
par point les accusations, il dit
contester « formellement « les
conclusions provisoires. Ses
avocats, M" Michel de
Guillenchmidt et Francis Baillet,
regrettent que la chambre ne
s'appuie que « sur quelques
présomptions de première
vue ». Pour eux, le caractère
« occulte » ou « détourné » des
rémunérations est erroné,
celles-ci ayant donné lieu aux
versements de charges patronales et sociales.
En outre, une note d'Alain
Juppé du 28 mai 199.0, indiquant que Philippe Martel était
« rattaché pour sa gestion » à la
DRI', a été abusivement interprétée. Selon la défense, l'intéressé ne travaillait pas
« ailleurs », à savoir hors de la
mairie, mais était en poste auprès de l'adjoint au maire
chargé des Finances. « La pratique qui consiste à placer des
agents d'une collectivité territoriale auprès des élus est
constante », est-il souligné. Les
avocats, attestations à l'appui,
décrivent encore le bureau du
4* étage occupé par Philippe
Martel à la mairie puis ceux, dits
« banalisés », du service de
l'inspection au 28, quai des Célestins. " Qu'en dehors de sort
temps de travail (...) M. Martel
ait participé aux activités d'un
parti n'est aucunement opposable par la chambre », est-il
encore noté.
Le dossier est loin d'être
clos. Le jugement définitif de la
chambre régionale ne devrait en
effet pas intervenir avant l'automne. S'il confirmait les conclusions provisoires, Alain Juppé
ferait appel devant la Cour des
comptes puis se pourvoirait, le
cas échéant, en cassation devant le Conseil d'État.
Jean-Alphonse RICHARD
La chambre régionale des comptes épargne le chef de l'Etat
PRÉSERVÉ de toute poursuite
pénale parT« inviolabilité» attachée
à là fonction présidentielle, Jacques
Chirac pourrait-il néanmoins être
appelé à rembourser une partie des
sommes illégalement soustraites aux.
caisses de la Ville de Paris au profit
du RPR ? La question n'est plus seulement théorique depuis que la
chambré régionale des comptes
d'Ile-de-France a adressé une série
de «jugements provisoires » déclarant « comptables défait des deniers
de la commune de Paris » plusieurs
anciens salariés de la municipalité
parisienne, soupçonnés d'avoir en
réalité travaillé pour le RPR, ainsi
que les élus et fonctionnaires qui
auraient favorisé la mise en place
d'un,tel système, qualifié de «gestion occulte ». A cette interrogation,
la juridiction financière a, pour
l'heure, apporté une réponse négative, éludant le rôle de M. Chirac,
qui était, durant l'essentiel de la ,
période concernée (1990-1996), à' la
fois maire de la capitale et chef du
RPR.
Datés des 22 mars et 14 avril, les
'rapports de la juridiction financière
évoquent les cas litigieux de cinq
anciens agents. Quatre sont réputés
proches d'Alain Juppé : deux anciens
dirigeants de son cabinet, au RPR et
au Quai d'Orsay, Patrick Stéfanini et
Philippe Martel ; Nordine et Farida
Cherkaoui, militants gaullistes affectés à la mairie du XVIIIe arrondissement, et qui étaient ses proches col-
organisàteurs des opérations iirëgùlières», la chambre régionale des
comptes l'a placé en tête des personnes appelées à rembourser les
• sommes visées. Celles-ci représentent, au total (salaires et charges
sociales), quelque cinq millions de
francs (762245 euros). Sont également mis en cause plusieurs anciens
directeurs du cabinet du maire de
Paris, Michel Roussin et Rémy Chardon, ainsi que leur successeur
actuel, Bernard Bled. La liste
comprend aussi le chef du service
des relations internationales et F exresponsable de l'administration
municipale.
« PRÉSOMPTIONS INCERTAINES »
«Réserve est, faite, ajoute la
chambre, de toutes autres personnes,
élus ou fonctionnaires, qui seraient
ultérieurement reconnues avoir pris
part à la gestion défait ou l'avoir facilitée. » Cette mention pourrait viser
M. Chirac, les contrats contestés
ayant été signés par ses collaborateurs en vertu d'une délégation des
pouvoirs du maire. Instruisant en
parallèle sur des faits partiellement
identiques, le juge de Nanterre
(Hauts-de-Seine) Patrick Desmure
avait souligné la responsabilité de
l'ancien maire dans l'instauration de
cette formé de financement du RPR,
allant jusqu'à estimer que des délits
étaient «susceptibles d'être imputés à
M. Chirac à titre personnel ». Encore
le magistrat en avait-il tiré argument
même temps, l'initiative de soulever
l'épineuse question devant" la juridiction financière. H expliquait alors,
en substance, que le chef de la collectivité flouée pouvait bien être
déclaré « comptable défait » en tant
qu'«ordonnateur» de la dépense
illicite, mais que les fonctions
actuelles de l'ancien maire de Paris
imposaient un traitement particulier. Se référant à un arrêt du
Conseil d'Etat de 1998,-qui a
reconnu aux amendes infligées par
la Cour des comptes le caractère
d'une sanction pénale, le représentant du ministère public estimait, lui
aussi, que le chef de l'Etat né pouvait être exposé à une telle menace
compte tenu de ses immunités
constitutionnelles. La chambre
régionale a suivi cet avis: l'éventuelle implication de M. Chirac n'est
pas même évoquée dans les jugements notifiés aux intéressés.
Ces derniers, qui contestent tous
la qualification retenue - et le principe du remboursement -, ont
adressé à la juridiction leurs
réponses écrites. Après examen de
leurs arguments, la chambre régionale rendra des décisions définitives,
susceptibles d'appel devant la Cour
des comptes. «La procédure vient
seulement d'entrer dans sa phase
contradictoire», ont déclaré au
Monde les avocats de M.Juppé,
MM Francis Bafllet et Michel de Guillenchmidt, qui défendent aussi plusieurs des autres mis en cause.