La femme, mère et sensuelle - Exhibit-e

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La femme, mère et sensuelle - Exhibit-e
18 Culture
www.albaladonline.com
dimanche 23 janvier 2011
Galerie Ayyam Mounzer Kamnakache
La femme, mère et sensuelle
L’artiste syrien
Mounzer Kamnakache expose
une série de
ses peintures et
sculptures les
plus récentes à la
Galerie Ayyam.
Réunis sous le
titre «Venus of
the Clouds», les
travaux de Kamnakache tournent autour de
la thématique
de la femme,
de la maternité,
mais également
de la sensualité.
Un retour aux
limbes primitives
s’opère dès que
le spectateur
se trouve en
présence de ses
tableaux...
Par Zeina Antonios
[email protected]
Pour infos
L’exposition «Venus of
the Clouds» se poursuit
jusqu’au 28 février, à la
Galerie Ayyam, Beirut
Tower,
rue
Zeitouné, Beyrouth. www.
ayyamgallery.com
Lors du vernissage de l’exposition.
Nombre de critiques s’obstinent à voir dans l’œuvre
de Mounzer Kamnakache
un retour vers la mythologie gréco-romaine. En effet,
l’omniprésence de la femme
et du cygne dans ses toiles
peut nous renvoyer au mythe
de Léda et de Zeus déjà abondamment représenté dans
l’art. Mais il n’en est rien.
L’artiste précise que son travail répond à bien d’autres
questionnements. «Ce n’est
pas moi qui ai appelé l’exposition «Venus of the Clouds».
C’est vrai que mes personnages rappellent une certaine
figure féminine mythique.
Appelez-la Eve, Vénus, Aphrodite ou Astartée», précise le
peintre.
Une femme symbolique
«Pour moi, la femme est importante au niveau symbolique. Toutes les représentations mythologiques de la
fertilité étaient des femmes.
La femme représente toute
la balance naturelle et sociale. La nature donne la vie
et la femme aussi. Dans un
contexte idéal, elle donne aussi la paix alors que l’homme
est celui qui fait traditionnellement la guerre. Elle relie les
hommes à la nature et donne
la vie et l’amour», explique
Kamnakache.
Cette femme dont parle le
peintre est massivement présente dans ses travaux, elle est
généralement plantureuse et
bien en chair. Elle est souvent
accompagnée de canards, de
cygnes ou d’oies et d’œufs,
symboles de la fertilité. Le
peintre avoue être fasciné par
ses animaux, qu’il a eu le loisir
d’observer dans la ferme d’un
de ses amis français.
Ces oiseaux lui permettent
de réfléchir à la vie, à la
maternité, mais aussi à la
liberté. «J’habite à Genève
et je vais chez des amis français qui ont une ferme. Je
suis l’évolution des œufs
jusqu’à la naissance. Quand
les poussins naissent, ils suivent leur mère partout. Le
matin, quand je viens leur
donner à manger, j’ouvre
la porte. Le premier réflexe
des canards est de voler
d’abord ensuite de manger,
c’est le symbole de la liberté», assure-t-il. Quant aux
nouveaux-nés qu’il peint
souvent aux côtés de la
femme, le peintre indique :
«L’enfant, c’est peut-être
moi. L’enfant est au fond de
chacun de nous».
La mère et l’amante
Une douceur tendrement maternelle se dégage des pastels
de Mounzer Kamnakache.
Mais la femme qu’il peint
n’est pas seulement mère.
Elle est nue et sensuelle et arbore des formes généreuses.
«Je n’obéis pas aux standards actuels de la beauté.
Pour moi, ce sont les formes
féminines qui comptent, les
rondeurs. Cela est peut-être
dû à ma formation initiale en
sculpture», explique l’artiste.
«Quand je peins, je dessine
les genoux de ma mère qui
n’a pas forcément le corps de
Brigitte Bardot», ajoute-t-il.
«Il y a beaucoup de sensualité dans mon œuvre peinte
et sculptée. C’est normal, je
suis formé d’érotisme, de sentiments... Même quand l’enfant tète le sein de sa mère,
il y a un côté sexuel qui transparaît. Il ne faut pas en avoir
Une Vénus aux nuages, pastel sur papier.
honte. Il faut le dire. Mais il
ne faut pas oublier que la
femme n’est pas seulement
un objet sexuel, elle est en
relation avec la vie», indique
Kamnakache, qui précise
avoir grandi dans un milieu
exclusivement féminin, entre
sa mère et ses quatre sœurs et
qui n’a pas peur de parler de
son «côté féminin».
Un amalgame d’inspirations
«Quand j’étais petit, je n’aimais pas copier, je me disais
qu’il fallait que je dessine par
moi-même, que ça vienne
de moi, mais à la faculté on
nous apprenait à dessiner
des modèles. J’ai appris que
le modèle enrichit notre vocabulaire initial», indique le
peintre. Les influences du
peintre sont diverses, de Rubens, il a adopté les nus aux
formes généreuses. Il a également retravaillé les cheveux
ondulés au vent de Botticelli.
Mais il avoue quand même
préférer les peintres orientaux, tels Moustapha Fathi ou
Abdallah Mrad, «parce que
leur peinture est plus spirituelle».
Kamnakache travaille le plus
souvent dans son atelier syrien, situé dans un petit village. Mais s’il est célébré partout dans le monde, certains
de ses compatriotes lui reprochent de dessiner le «vice»,
incapables de comprendre
qu’il fait un travail d’artiste.
D’autres se réjouissent en
pensant qu’il fait de la pornographie. Or, «la pornographie, c’est la commercialisation du sexe, alors que moi je
dessine la vie». «Les gens du
village où je travaille ne comprennent pas vraiment ce que
je fais. Ils pensent que je suis
chanteur et que ma femme
est danseuse», déplore-t-il.
L’artiste syrien Mounzer Kamnakache.