Moins de patrouilles chez Cofiroute - SGPA-UNSA
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Moins de patrouilles chez Cofiroute - SGPA-UNSA
10 ÉCONOMIE Aujourd’hui en France Mardi 9 juin 2015 Moins de patrouilles chez Cofiroute AUTOROUTES. L’entreprise souhaite diviser par deux le nombre d’agents intervenant sur les voies dans trois régions. Aucun poste n’est supprimé mais les syndicats craignent une détérioration du service. Les Ulis (Essonne) « Vu les prix du péage, ce n’est pas normal » LES « PETITS HOMMES JAUNES » voient rouge. Les agents routiers de Cofiroute, filiale de Vinci Autoroutes, qui interviennent dans les régions Ile-de-France, Centre et Pays de la Loire, protestent contre une réforme, en test, de leurs conditions de travail. « C’est notre sécurité et celle des usagers qui est remise en cause », assène Pascal Bigliardo, délégué du Syndicat national des autoroutes. Les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de Cofiroute ont demandé une expertise sur les impacts. La direction, qui s’oppose à cette demande, a saisi les tribunaux. Francis, ancien travailleur près de l’A 10 n Les agents routiers de Cofiroute sont aujourd’hui deux à circuler en même temps, chacun avec son véhicule, par tranches de huit heures, sur leur secteur d’intervention. Seuls dans leur camion, ils interviennent pour l’entretien des aires de repos mais aussi en cas de panne des usagers, d’accident, de débris sur les voies… La réforme prévoit une seule patrouille. « La nuit, cela diminue la pénibilité pour les agents », souligne la direction. « On joue avec la sécurité, clame Pascal Bigliardo. Lors de la phase de test, vu qu’ils ont plus de distance à couvrir, cinq cas d’endormissement ont été relevés. Et s’il y a deux accidents en même temps, la sécurité des usagers n’est pas assurée. » n Délais d’intervention plus longs En cas de problème majeur, une patrouille devra prévenir un agent d’astreinte à son domicile. « Avant qu’il aille chercher son camion et arrive, cela prendra au moins une heure. Et les gendarmes arriveront régulièrement avant nous et de- (LP/Yann Foreix.) n Patrouilles divisées par deux Les agents routiers de Cofiroute patrouillent sur 48 km chacun et s’arrêtent en cas de panne des usagers, d’accident, de débris sur les voies… S’ils sont aujourd’hui deux à circuler en même temps, chacun avec son véhicule, la réforme prévoit une seule patrouille. vront baliser la voie eux-mêmes », déplore Bernard Richard, un autre délégué syndical. « Une seule patrouille, c’est ce qui se fait chez les autres sociétés et cela reste dans le respect de notre contrat avec l’Etat, observe-t-on chez Cofiroute. Et les agents n’auront plus à assurer certaines missions, comme l’entretien des sanitaires. » n Plus de kilomètres à surveiller Un agent qui gère aujourd’hui 48 km aller-retour sur l’A 10, au départ des Ulis (Essonne), en sur- veillera 128. Conséquence, la vitesse des patrouilleurs, aux alentours des 100 km/h aujourd’hui, augmentera. « A eux de s’adapter en fonction de ce qu’ils découvrent », avance-t-on chez Cofiroute. « A grande vitesse, c’est impossible de s’arrêter à temps. Nous n’avons le droit de reculer que sur 200 m. Des objets vont rester sur la voie », prévoit Pascal Bigliardo. n Des effectifs en baisse En quatre ans, 251 emplois consacrés à l’accueil et à la sécurité ont été supprimés chez Cofiroute. « Ce sont des départs non remplacés. Il n’y a pas de licenciement. 90 % de ces postes concernent les agents aux péages, le reste les PC de sécurité. L’effectif des agents routiers reste stable (NDLR : les syndicats parlent d’une baisse de 44 employés qui continuera avec cette réforme) », explique-t-on chez Cofiroute, qui réalise au passage de substantielles économies. Le chiffre d’affaires de Vinci Autoroutes a augmenté, selon son rapport annuel de 2014, de 3,5 %, pour atteindre 4,75 Mds€. L’autoroute, il connaît. Aujourd’hui retraité, Francis a travaillé pendant quinze ans à la station Total de Briis-sousForges (Essonne), en bordure de l’A 10 où interviennent les agents routiers de Cofiroute, filiale de Vinci Autoroutes. « Ils font un métier très dangereux », commente-t-il. La diminution des patrouilles des « petits hommes jaunes », comme il les appelle, le révolte. « Vu les prix du péage, qui augmente sans cesse, ce n’est pas normal. Nous sommes en droit en tant qu’usagers d’attendre un niveau de service maximal. Je ne vois pas comment cela pourrait aller mieux en supprimant une patrouille. C’est mathématique », affirme Francis. Surtout sur la portion de l’autoroute A 10 qu’il a arpentée pendant des années. « Cela draine tout l’ouest de la France. Vu le nombre d’usagers, il ne faut pas lésiner sur la sécurité. Des accidents, j’en ai vu un paquet par ici », confie-t-il, désolé par ce qu’il considère juste être des économies. « Vinci n’est pourtant pas un petit groupe ! » fait-il remarquer. J.H. JULIEN HEYLIGEN FERROVIAIRE Le TGV Tours-Bordeaux enfin sur les rails ? PLUS DE TRAINS sur la future ligne TGV Tours-Bordeaux, mais pas forcément autant que les élus le souhaiteraient. Voilà en substance le compromis que va proposer à partir d’aujourd’hui Jean Auroux aux maires, aux députés et présidents de conseils généraux ou régionaux du sud-ouest de la France, entre autres. L’ancien ministre du Travail de François Mitterrand a été appelé par la SNCF en début d’année pour jouer les médiateurs ou plutôt le pompier de service sur l’épineux dossier de la ligne grande vitesse Tours-Bordeaux. Ces 302 km de voies, au coût pharaonique de 7,8 Mds€, doivent mettre Bordeaux à un peu plus de deux heures de Paris contre trois actuellement, à partir de juillet 2017. Une coquette somme réunie grâce à un partenariat public-privé : les péages que la compagnie ferroviaire paye traditionnellement à SNCF réseau (ex-RFF) pour faire circuler ses trains seront versés jusqu’en 2061 au concessionnaire Lisea, dont les actionnaires sont Vinci, la Caisse des dépôts et de consignation ou encore Axa. A l’époque, les tarifs sont négociés entre l’Etat et Lisea sans associer la SNCF. Résultat, aujourd’hui, la compagnie ferroviaire estime que le montant de ces péages est bien trop élevé. « Tout le monde va devoir faire des efforts » Jean Auroux, médiateur de la SNCF Châtellerault (Vienne). Entre Tours et Bordeaux, les travaux ont commencé : les 302 km de voies reliant les deux villes coûtent 7,8 Mds€. (AFP/Guillaume Souvant.) Pour limiter les pertes, estimées à un peu plus de 150 millions par an, la SNCF a décidé de diminuer le nombre de TGV qu’elle fera circuler et le nombre d’arrêts. Colère des collectivités, qui en signe de représailles ont bloqué les derniers financements de la ligne, soit environ 300 M€. Colère aussi de Lisea, qui voit son plan de rentabilité remis en cause par cette projection de trafic. C’est là qu’intervient Jean Auroux. « Tout le monde va devoir faire des efforts, prévient l’ex-ministre qui présente aujourd’hui ses proposi- tions à Tours. La SNCF, en faisant rouler plus de trains qu’elle le souhaite. Les élus, en acceptant que les TGV ne sont pas des taxis. Il y aura des trains directs, d’autres avec des arrêts. Mais pas tous les 50 km. Pour un train grande vitesse, ça n’aurait aucun sens. Il faut un mixte. » Pour faire passer la pilule, Jean Auroux rappelle que les TGV qui entreront en circulation en juillet 2017 seront neufs et de plus grande capacité (556 places au lieu de 456). Enfin, il indique qu’il y aura autant de trains vers Bordeaux que vers Lyon, alors que la capitale de l’Aquitaine est moins peuplée. Enfin, même Lisea est appelée à revoir ses prétentions. « Il ne s’agit pas qu’elle perde de l’argent, mais il y a un équilibre intelligent à trouver », confie-t-il. Par ailleurs, il propose que dix-huit mois après l’ouverture de la ligne, un point soit fait avec toutes les collectivités. « J’en appelle à la responsabilité de chacun. Les efforts doivent être partagés. » VINCENT VÉRIER