L`âge du nouveau taylorisme - WIKISSIMO, Wiki Systèmes d

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L`âge du nouveau taylorisme - WIKISSIMO, Wiki Systèmes d
L’âge du nouveau taylorisme
http://regulation.revues.org/10324
Revue de la régulation
Capitalisme, institutions, pouvoirs
Maison des Sciences de l'Homme - Paris Nord
14 | 2e semestre / Autumn 2013 :
Autour d’Ostrom : communs, droits de propriété et institutionnalisme méthodologique
Opinions - débats
L’âge du nouveau taylorisme
Critique des théories sur les nouvelles organisations du travail
industriel
The age of new Taylorism. Critique of theories on new industrial labour management
La edad de un nuevo taylorismo. Critica sobre las teorías acerca de las nuevas organizaciones del trabajo industrial
LAURENT BARONIAN
Résumés
Français English Español
L’entrée des technologies de l’information et de la communication dans les sites de production, et
les transformations du travail industriel qui en résultent, ont inspiré des modèles de gestion en
rupture avec les modes traditionnels d’organisation scientifique du travail. Le désaccord subsiste
cependant chez les théoriciens du travail en France sur la nature même du taylorisme et la portée de
son dépassement. Pourtant la variété des définitions du taylorisme procède d’une vision
profondément commune de l’organisation scientifique du travail définie comme mode particulier de
prescription et de contrôle du travailleur individuel. Il s’agit donc de cerner la nature du
post-taylorisme en considérant l’évolution des modes de gestion du travail à partir de la figure du
travailleur collectif et le taylorisme lui-même comme un ensemble de principes généraux de gestion
du travailleur collectif à l’ère de la machinerie. Cela implique de bien distinguer entre ces principes
et les méthodes particulières mises en œuvre dans l’OST. C’est ainsi que le modèle actuel de gestion
des compétences fera apparaître sa fidélité aux principes de gestion tayloriens en les portant à leur
forme d’application supérieure.
The introduction of New Technologies within industries and the resulting changes in labour have
inspired management models that mark a break with the traditional methods of scientific
management. But a disagreement remains among the labour theorists on the nature and
significance of the breaking with Taylorism. However the various definitions of Taylorism which are
behind this disagreement comes from a deeply common vision of scientific management: a specific
mode of prescription and control of the individual labourer. It is necessary to assess the issues of the
debate on post-Taylorism by considering the evolution of labour management models from the
figure of the collective worker and Taylorism itself as a set of general principles of the collective
worker management at the era of machinery. This implies to clearly distinguish between these
principles and the methods used in Scientific Management. In this way, the current Management
Competency Model shows its faithfulness with Taylorist management principles by bringing them to
their higher form of achievement.
El ingreso de las tecnologías de la información y de la comunicación en los sitios de producción, y
las transformaciones del trabajo industrial resultantes, han inspirado modelos de gestión en ruptura
con los modos tradicionales de organización científica del trabajo (OCT) en Francia sobre la
naturaleza misma del taylorismos y la significación de su superación. Sin embargo la variedad de
definiciones de taylorismo procede de una visión profundamente común de la organización
científica del trabajo definida de un modo particular, de prescripción y de control del trabajador
individual. Se trata entonces de captar la naturaleza del post-taylorismo considerando la evolución
de los modos de gestión del trabajo a partir de la figura del trabajador colectivo y del taylorismo en
si mismo como un conjunto de principios generales de gestión del trabajador colectivo en la era de
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la mecanización. Eso implica tratar de distinguir bien entre esos principios y los métodos
particulares puestos en practica en la OCT. Es así que el modelo actual de gestión de las
competencias hace aparecer su fidelidad a los principios de gestión tayloriana y los conduce a una
forma de aplicación superior.
Entrées d’index
Mots-clés : taylorisme, post-taylorisme, Marx, procès de travail
Keywords : Taylorism, post-Taylorism, Marx, labour process
Palabras claves : taylorismo, post taylorismo, Marx, proceso de trabajo
Codes JEL : B51 - Socialist; Marxian; Sraffian, J53 - Labor-Management Relations; Industrial
Jurisprudence, J82 - Labor Force Composition, L23 - Organization of Production
Texte intégral
1. Introduction
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Depuis l’introduction des technologies de l’information et de la communication (TIC)
dans les grandes branches de la production industrielle, la prédominance du travail
indirect et le caractère directement coopératif du travail de mise en œuvre de ces
nouveaux moyens de production nécessitent des formes de gestion qui rompent avec le
modèle classique d’organisation taylorienne du travail vivant.
Les désaccords sur la nature des nouveaux modes d’exploitation et d’intensification du
travail nécessitent de raviver ce débat en le considérant du point de vue du rapport des
nouvelles organisations du travail avec le système taylorien. D’un côté en effet, une partie
de la sociologie du travail, tout en révélant l’existence de nouvelles formes de contrainte
(De Terssac, 1992 ; Veltz, 2008 ; Zarifian, 2009), s’est empressée d’annoncer la mort du
taylorisme dans les formes de gestion incitant à l’initiative, l’autonomie et la liberté
procédurale du travailleur. D’autres au contraire (Coutrot, 2002 ; Durand, 2004 ; Linhart,
2009) beaucoup plus réservés sur la nouveauté du modèle émergeant, découvraient, sous
le relâchement apparent du contrôle direct du contremaître, la persistance, parfois le
renforcement des aspects tayloriens d’organisation du travail productif. Mais tous
conçoivent plus ou moins ouvertement le taylorisme comme un ensemble de méthodes et
d’instruments spécifiques de gestion du travail individuel. L’analyse des différentes
approches françaises du management postfordiste fait apparaître une conception
profondément commune de l’œuvre de Taylor comme création d’un mode prescriptif
d’organisation et de contrôle des postes de travail isolés les uns des autres par la division
du travail en tâches élémentaires. Et c’est d’après le maintien ou l’abandon de ces
procédés ou de leurs effets sur le travailleur individuel que ces approches évaluent la
portée des continuités ou des ruptures des modèles de gestion fondés sur la compétence
avec Taylor.
Toute l’histoire du procès de production capitaliste nous invite pourtant à analyser les
différents modèles de gestion à partir de la figure du travailleur collectif. Ce procès inclut
en effet, par ses caractéristiques mêmes que sont la concentration des moyens sociaux de
production et l’emploi de nombreux travailleurs, une somme de forces de travail que les
directions incorporent à ces moyens comme s’il s’agissait d’un seul ouvrier global. Si bien
que nous pouvons définir chaque stade historique du procès de production capitaliste
suivant sa modalité particulière d’organisation de la coopération entre travailleurs (2).
Dans cette histoire Taylor occupe une place à part, celle qui coïncide avec la généralisation
du travail fondé sur la machine. Plus fondamentalement, et c’est l’hypothèse principale de
cette étude, Taylor fait date dans l’histoire de l’organisation capitaliste du travail moins
par ses méthodes de prescription et de comptabilité des opérations productives que par
les principes fondamentaux qui ont présidé à l’organisation scientifique du travail (OST).
Aussi devons-nous distinguer le taylorisme en tant que modèle général de gestion du
travail à l’ère de la machinerie, et qui continue d’inspirer les modes de gestion en
apparence opposés à Taylor (modèle de la compétence, management participatif), et les
méthodes et procédés que Taylor mit au point en application des principes de ce modèle
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général (3). À partir de cette distinction, nous procéderons à l’examen critique des
conceptions développées dans l’économie et la sociologie du travail relatives aux
continuités et ruptures des nouvelles organisations du travail avec le taylorisme (4). Nous
verrons enfin en quel sens les nouveaux modèles de gestion s’inspirent des principes du
taylorisme et leur donne une forme d’application supérieure (5).
2. Le travailleur collectif dans la Grande
Industrie
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Dès qu’elle remplace l’outil manuel, la machine, dit Marx, introduit deux changements
importants dans le processus de production capitaliste. Tout d’abord, en s’interposant
entre l’ouvrier et l’objet du travail et en se substituant au premier, elle élimine une grande
partie du travail vivant direct, de manière que « [c]e n’est plus tant le travail qui apparaît
comme inclus dans le procès de production, mais l’homme plutôt qui se comporte en
surveillant et en régulateur du procès de production lui-même. » (Marx, 1857, p. 193). Ce
n’est plus l’activité immédiate de l’ouvrier qualifié qui préside à la production de valeur et
la création de richesse en général, mais l’activité du corps social tout entier, dont la
compréhension et la maîtrise de l’environnement extérieur s’incarnent pour partie dans la
machinerie, pour partie dans les savoirs des travailleurs.
Ensuite, la machinerie bouleverse le mode et le contenu de la coopération entre les
travailleurs. Au temps de la manufacture, la coopération résultait de la combinaison de
tâches issues de l’éclatement des métiers d’artisan. Dans la Grande Industrie, le mode de
coopération est fixé par l’agencement de la machinerie elle-même, quel que soit le degré
de liberté laissé aux modalités d’organisation du travail à l’intérieur de chaque système de
machines (Emery & Trist, 1960). D’autre part, comme la machine libère la main et le
cerveau de l’homme, elle favorise le développement de modes et de contenus du travail
directement opposés au travail parcellaire de l’ouvrier taylorien. Comme Marx le
remarquait dès 1847, la machine produit avec elle l’ouvrier mobile et polyvalent pour qui
le travail perd tout caractère de spécialité : « L’atelier automatique efface les espèces et
l’idiotisme du métier » (Marx, 1847, p. 108). Le mouvement de déspécialisation et de
requalification, que provoquent les nouvelles organisations du travail, réalise les
virtualités gisant dans le concept de la machine, comme la suppression de « la nécessité
propre à l’exploitation manufacturière de fixer cette distribution par une appropriation
permanente des mêmes ouvriers à la même fonction. Étant donné que le mouvement
global de la fabrique ne part pas de l’ouvrier, mais de la machine, il peut y avoir un
changement constant de personnes sans interruption du procès de travail. » (Marx, 1890,
p. 472). Ainsi le machinisme élimine le travail direct de l’ouvrier et rend possible une
coopération immédiate d’opérateurs exécutant conjointement des tâches de régulation, de
surveillance, de maintenance, etc. Mais il a fallu attendre les industries de process et
ensuite l’entrée des machines à commande numérique pour que se développe cette forme
de coopération, tandis que L’OST de son côté avait poussé jusqu’à ses limites l’ancienne
coopération fonctionnelle entre ouvriers spécialisés.
3. Le travailleur collectif et les principes
fondamentaux du taylorisme
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La machinerie, lorsqu’elle représente du capital, provoque une division du travail plus
profonde que celle envisagée jusqu’ici : une division entre le travail de conception et le
travail d’exécution (Braverman, 1976, p. 100). Ceux qui, en nombre encore insignifiant à
l’époque où Marx étudie la Grande Industrie, s’occupent de concevoir le système des
machines et l’organisation du travail correspondante, se situent avec les réparateurs et
mécaniciens « hors du cercle des ouvriers de fabrique auxquels ils ne sont qu’agrégés. »
(Marx, 1890, p. 472). Aussi cette division procède-t-elle d’un renversement où ce n’est
plus l’ouvrier qui se sert de l’outil, mais la machine qui se sert de l’ouvrier : « Dans la
manufacture, les ouvriers sont les membres d’un mécanisme vivant. Dans la fabrique, il
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existe, indépendamment d’eux, un mécanisme mort auquel on les incorpore comme des
appendices vivants. » (Marx, 1890, p. 474). C’est donc avec la machinerie seulement que
le pouvoir du travail mort sur le travail vivant, propre à la production fondée sur le capital,
acquiert une réalité techniquement tangible. « La dextérité et la minutie du travailleur sur
machine vidé de sa substance en tant qu’individu, disparaissent tel un minuscule
accessoire devant la science, devant les énormes forces naturelles et le travail social de
masse, dont le système des machines est l’incarnation et qui fondent avec lui la puissance
du “maître” (master). » (Marx, 1890, p. 475).
Par ailleurs, il va de soi que la machinerie requiert l’emploi simultané d’un grand
nombre de travailleurs qui, ce fait, entrent aussitôt dans des liens de coopération : « Une
machine ne fonctionne que grâce à des relations entre des hommes. Elles lui sont aussi
nécessaires que les composantes mécaniques et électroniques. Leur rupture, ou leur
disparition, a à terme le même effet que la rupture ou la disparition d’un des composants
matériels. » (Ruffier, 1996, p. 84). La fonction générale du manager consiste donc à
organiser cette unique force de travail globale d’après la forme et la destination de ces
instruments de travail développés : « à un certain moment du développement de la
technique, et pour des raisons purement objectives, il est rigoureusement impossible de
produire autrement que par le biais d’une organisation collective du travail, et cela quelle
que soit par ailleurs la forme des rapports de production. » (Nagels, 1974, p. 65). Quel que
soit le mode d’organisation choisi, l’objectif principal est toujours le même : assurer le
maximum de régularité, de continuité et d’intensité au processus de production. À
l’époque de Taylor, où le travail manuel s’articulait à l’activité machinique, l’organisation
du travail impliquait « la transformation de l’ouvrier en un automate assorti à son
outillage et en recevant le rythme de travail. » (Landes, 1975, p. 443). D’où la destruction
systématique des savoir-faire ouvriers au profit de gammes opératoires standardisées et
prescrites à chaque travailleur posté. Il en résultait une coopération purement
fonctionnelle entre les procès de travail isolés, qui a fait dire aux sociologues que Taylor
méconnaissait ou refusait toute forme de coopération entre ouvriers réduits à n’accomplir
que des tâches répétitives autonomes et déqualifiées (Vatin, 1999). En réalité, non
seulement Taylor n’ignorait pas le caractère fondamentalement collectif du procès de
travail industriel1 mais distinguait clairement les principes de l’organisation scientifique
des moyens et procédés de mise en œuvre de ces principes.
Comme nous allons le voir, la confusion de ces principes avec les méthodes tayloriennes
classiques continue d’orienter l’analyse des continuités et des ruptures avec une OST
perçue tantôt comme principe de séparation du travail et du travailleur, tantôt comme
principe temporel, tantôt comme principe d’imposition des temps de production, ou
encore comme logique comptable. En réalité le tournant que Taylor opère dans l’histoire
de la production capitaliste se situe non dans un type particulier d’organisation du travail,
mais dans la position et la détermination des principes de gestion du travail collectif fondé
sur la machinerie.
Sans doute le nom de Taylor reste attaché à l’étude des temps et des mouvements, à la
parcellisation des tâches, à l’expropriation et la destruction des savoir-faire jalousement
tenus secrets par les ouvriers de métier. Lui-même pourtant ne voyait son système ni
comme une méthode de travail particulière, ni comme un système de chronométrage et de
prescription. Taylor a toujours clamé que l’OST n’avait rien à voir avec un quelconque
mode de division du travail d’exécution (Veltz, 2008, p. 62), déjà extrêmement avancée au
moment où il expérimente ses méthodes. C’est en ce sens que le principe de séparation du
travail d’exécution et du travail de conception visait moins à déqualifier le travail
(Braverman) qu’à conférer à l’autorité du manager le sceau de la froide objectivité. On doit
prendre au sérieux son ambition un peu naïve de changer l’état d’esprit au sein de la
fabrique capitaliste (Taylor, 1965, p. 54). Il faut la prendre pour le symptôme d’un
changement total dans la forme d’autorité que le capital exerce sur le travailleur. C’est
qu’il ne suffisait plus, pour inciter à la collaboration du travailleur parcellaire, de mettre
en place un système d’incitations et de récompenses (1965, p. 61-62). Pour Taylor il
s’agissait avant tout débarrasser le despotisme du capital de tout rapport personnel
d’autorité au profit d’une forme de contrainte purement objective (Vatin, 2009, p. 132).
Dorénavant, le rendement du travailleur ne sera plus forcé par l’autorité directe de
l’entrepreneur assoiffé de plus-value mais résultera d’un savoir scientifique sur le travail
associé à une échelle de salaires, au service du mouvement autonome de la machinerie. Or
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cette forme de gestion neutre ne pouvait faire son apparition qu’au stade où les moyens de
production dominaient déjà le travail vivant et limitaient son rôle dans le processus
global. Le véritable apport de Taylor, ce qui en fait le penseur par excellence de
l’organisation capitaliste du travail, c’est d’avoir posé, bien plus que des procédés, des
principes essentiels d’organisation du travail fondé sur un pouvoir matérialisé dans la
machinerie. Il a fourni au management capitaliste le cadre qui convenait à un processus
de production qui se développe selon un mouvement autonome, affranchi non seulement
des résistances naturelles des travailleurs, mais des caprices des dirigeants et de la
cupidité des actionnaires (Pouget, 1998, p. 32, 43), bref de tout rapport social spécifique
qu’implique la domination du capital sur le travail (Freyssenet, 1984, p. 324)2.
C’est sous ce rapport général de production, entre le capital objectivé dans la
machinerie et le travail vivant, que les principes du taylorisme reformulés par Braverman
dirigent les organisations du travail les plus éloignées de l’abrutissante monotonie des
méthodes de Taylor : la dissociation et l’autonomie du processus de production par
rapport au savoir-faire de l’ouvrier, la séparation du travail d’exécution et du travail de
conception, la monopolisation des savoirs par l’encadrement en vue de contrôler chaque
pas du processus de production (Braverman, 1976, p. 77-105).
En réalité, les principes du taylorisme découlent directement du caractère coopératif du
procès de travail fondé sur la machinerie. Premièrement, l’autonomie du procès de
production par rapport au savoir et au savoir-faire individuel est rendue possible par
l’organisation de la coopération suivant les conditions prescrites par le système de
machinerie mis en place. Deuxièmement, le système en question est lui-même le produit
d’un travail de conception tout à fait distinct des tâches d’exécution et qui échoit à une
catégorie d’individus distincte des opérateurs du système. Enfin, ce travail de conception
suppose à son tour une appropriation et une monopolisation des savoirs ouvriers,
lesquelles visent à exercer un contrôle sur chaque étape du procès de travail.
Sans doute ces principes, précise Braverman, ne sont pas séparables des offensives de
l’OST sur le travailleur individuel taylorien, fordien, voire aujourd’hui post-taylorien. Mais
l’étude des temps et des mouvements, la standardisation des gammes opératoires et la
prescription des tâches doivent elles-mêmes s’appréhender comme des formes
déterminées de gestion du travail collectif. L’objet principal du management capitaliste,
c’est toujours l’organisation du travail collectif au service de la continuité, de l’intégration,
de l’autonomie du processus de production par rapport au travail vivant, et le contrôle du
travail vivant lui-même incorporé au système de la machinerie. Dès qu’on saisit les
principes du taylorisme au regard de ce travail socialisé, il cesse de se limiter à une série
de méthodes particulières de gestion du travail individuel.
4. Le problème de la définition du
taylorisme dans l’approche des nouvelles
organisations du travail
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En introduisant les nouvelles technologies de l’information et de la communication
dans les ateliers de production, les directions d’entreprise lancèrent elles-mêmes la
première vague d’anti-taylorisme au nom de l’efficacité productive (Durand, 1974). Cet
enthousiasme managérial conquit rapidement une partie de la sociologie du travail qu’elle
justifia par l’espoir d’une libération prochaine du travailleur post-taylorien. Le travail
fondé sur l’échange de savoirs et de savoir-faire, l’initiative et l’autonomie, la réactivité
aux aléas d’une production à flux tendus, tout cela exigeait en fait une approche de la
gestion et du contrôle du travail qui relâche le mode prescriptif du travail à la chaîne ou
sur poste (Stankiewicz, 1988, p. 24 ; Reynaud, 2001, p. 11), même en l’absence de toute
revendication des travailleurs (Wood & Kelly, 1988, p. 185).
La sociologie critique en revanche n’a cessé de dénoncer le renforcement d’aspects
proprement tayloriens des organisations dites enrichissantes ou requalifiantes : travail
répétitif et intensifié, pression du flux sur le travailleur, ou même absence totale de
requalification du travail effectif (Freyssenet, 1992 ; Boyer & Durand, 1998). En réalité les
divisions théoriques n’ont cessé de se creuser à mesure que les nouvelles organisations du
travail se répandaient dans les entreprises ; et ce, jusque dans la définition même du
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taylorisme. (Faulkner, 2008, p. 297).
4. 1. Coriat et le « taylorisme assisté par
ordinateur »
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Examinons d’abord la position de Coriat sur le post-fordisme, dont l’expression
« taylorisme assisté par ordinateur »3 associe la nouveauté de l’organisation de la
production flexible, réclamant une coopération étroite entre travailleurs polyvalents,
autonomes et responsables, au maintien du principe taylorien selon lui fondamental
d’imposition des temps de production fondé sur une stratégie d’expropriation des savoirs
ouvriers (Coriat, 1990).
Dans la mesure où ce principe suppose une séparation du travail de conception et du
travail d’exécution, la robotique et la microélectronique parachèvent cette expropriation.
Désormais le système de machines intelligent capture directement les savoir-faire grâce à
la programmation des gestes de l’ouvrier enregistrés via la trompe du robot. Ainsi
s’approfondit plus encore la division du travail : « L’ouvrier dépossédé de son geste et de
son savoir de fabrication va voir son activité directe être reléguée et déplacée vers des
tâches de contrôle (contrôle du bon déroulement des trajectoires ou de la bonne
coordination entre la circulation des pièces à travailler et le déclenchement des
trajectoires des outils effectuant sur ces pièces les modes opératoires dont l’exécution
jusque-là dépendait de l’habileté et du rythme ouvriers). » (Coriat, 1984, p. 344). En
réalité cette évolution vers une incorporation des savoir-faire dans la machine génère une
division des tâches interne au travail d’exécution entre la figure traditionnelle de l’ouvrier
spécialisé ou banalisé et les figures nouvelles d’ouvriers polyvalents et gestionnaires
(Coriat, 1990, p. 65).
Coriat sait bien que l’appropriation des savoirs et des savoir-faire demeure l’enjeu
commun à Taylor et aux nouveaux managers et qu’elle s’appuie aujourd’hui encore sur la
division du travail entre conception et exécution des tâches. Mais comment qualifier la
gestion des figures nouvelles de cette division ? Plus que jamais, reconnaît Coriat, le
travailleur post-taylorien reste soumis aux contraintes de temps, de rythme et de cadence
qui dérivent tout droit des nouveaux objectifs d’engagement des machines et d’économie
des produits intermédiaires. Mais désormais, le principe général d’imposition des temps
de production s’applique sous la pression indirecte des systèmes de machines
automatisés, non plus sous la contrainte directe du contremaître. De la même façon, les
TIC exercent un contrôle anonyme accru sur l’activité de l’ouvrier en même temps qu’elles
l’enrichissent de tâches de contrôle au cours même du processus de fabrication (Coriat,
1984, p. 341). Tout se passe donc selon Coriat comme si la robotique et l’informatique
avaient objectivé dans les systèmes de machines les principes de gestion du travail de
Taylor, tout en sollicitant une flexibilité et une polyfonctionnalité exclues de la vieille
organisation du travail mécanisé.
Mais l’ambiguïté de l’analyse de Coriat apparaît dès qu’on examine ces évolutions à la
lumière des principes fondamentaux de Taylor : l’autonomisation du processus de
production par rapport aux savoirs et savoir-faire ouvriers, la séparation entre le travail de
conception et le travail d’exécution, enfin la monopolisation des savoirs ouvriers en vue de
contrôler chaque phase du processus de production. Or, chez Coriat, d’un côté la
séparation de la conception et de l’exécution du travail est reproduite et approfondie par
l’introduction des TIC dans les sites de production, d’un autre côté l’organisation du
travail vivant réintroduit de la gestion au niveau des processus de fabrication eux-mêmes.
D’un côté l’automation poursuit l’expropriation des savoirs ouvriers, d’un autre côté,
l’intégration et la flexibilité exigent une mobilisation accrue des savoirs et des
compétences des opérateurs. D’un côté l’automation impose sous forme de contrainte
objective le rythme et la cadence de l’activité de travail, de l’autre côté l’organisation de la
production par l’aval et l’utilisation flexible des systèmes de machines requièrent la prise
en charge par les ouvriers eux-mêmes de l’utilisation optimale du capital fixe et du capital
circulant.
Tout se passe comme si les TIC avaient fait passer la gestion de Taylor tout entière dans
le travail mort et engendré des formes d’organisation du travail vivant qui libèrent les
ouvriers des contrôles et des stratégies d’expropriation du manager. Comme si désormais
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les principes de Taylor avaient enfin trouvé leur domaine d’application exclusif et définitif
dans les systèmes de machines informatisés. Coriat analyse bien l’objectivation des
procédés tayloriens traditionnels dans les systèmes informatisés d’ingénierie productive,
mais ce n’est pourtant pas là que le taylorisme trouve les conditions d’une forme
d’application supérieure. Comme on le verra, c’est dans la figure même de l’ouvrier
responsable ou même gestionnaire qu’est reproduite à une échelle élargie la séparation de
la conception et de l’exécution du travail ; dans les groupes d’expression et les cercles de
qualité que s’organise un mode nouveau de production et d’expropriation des savoirs et
des savoir-faire ouvriers.
4. 2. D. Linhart et le principe de la logique
comptable
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D. Linhart (2004) admet aussi que la gestion par l’autonomie et la responsabilité libère
le travailleur de la conformité aux prescriptions du Bureau des Méthodes exécutées sous
l’œil tatillon du contremaître (voir aussi Reynaud, 2001, p. 11). Aujourd’hui cette espèce
de taylorisme classique fait place à des modes de contrôle indirects et modulés du
travailleur : non plus la prescription des tâches, mais l’imposition des résultats.
Cependant, tempère Linhart, rien ne change au fond pour le travailleur post-taylorien.
Certes, il faut distinguer les modes opératoires sous l’ancienne OST de ce que Linhart
estime être l’invention proprement taylorienne : la logique quantitative d’analyse et de
parcellisation du travail vivant (2004, p. 58). Ainsi, dès que seraient requis « [l]e savoir
être, la capacité de faire des diagnostics, d’interpréter et d’échanger des informations,
l’esprit d’initiative » (2004, p. 58), le travail vivant échapperait à toute mesure comptable
(voir aussi Lojkine, 1992). Donc même s’il est tenu compte des facultés nouvelles
mobilisées dans l’activité productive des ouvriers, Linhart voit dans le management
participatif une stratégie de subjectivation des contraintes traditionnelles de l’OST. À
l’ouvrier maintenant « de raisonner selon les principes tayloriens d’économies de temps,
des façons de faire, à lui d’inventer indépendamment des nouvelles caractéristiques de
son travail, une chaîne de montage dans la tête […] et de s’imposer une pression
constante. » (2004, p. 59). Or les termes de la polémique de Linhart contre Veltz et
Zarifian, que nous aborderons après l’examen de leurs conceptions (Veltz & Zarifian,
1993) révèlent bien sa peine à définir la nature objective des contraintes de ce taylorisme
intérieur.
4. 3. Zarifian et le principe de la séparation du
travail et du travailleur
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Pour Ph. Zarifian, le taylorisme pourrait se résumer tout entier au principe de
séparation du travail et du travailleur (Zarifian, 1990)4. Ce principe désigne tout à la fois
une forme de division du travail, un mode de contrôle, un compromis de classe, une
conception de la productivité. D’abord le principe de séparation signifie que l’activité de
travail est devenue un objet de connaissance systématique distinct de l’activité réelle du
travailleur. Il implique donc une division stricte entre l’activité de direction qui analyse et
conçoit les procès de travail et la force de travail qui exécute les instructions. Désormais le
contrôle du travailleur se loge directement dans la prescription des gammes opératoires à
effectuer. Mais la contrepartie de ce contrôle objectivé est que le salaire du travailleur
n’est plus livré à l’arbitraire mais dépend de normes de productivité produites à l’avance
par le management. Car l’obsession de Taylor, selon Zarifian (1987), était bien la
productivité, qui « devait résulter de la justesse et de la rapidité d’exécution des tâches à
chaque poste et de l’addition de ces productivités partielles au niveau de l’ensemble des
postes ».
Or la réactivité et la coopération nécessaires pour faire face aux événements qui
affectent le procès de production bouleversent les conditions de l’efficacité et du
rendement du travailleur. Chez Zarifian, tout se passe comme si le post-taylorisme
s’opposait point par point au taylorisme : à la notion de tâche par exemple se substitue
celle de fonction ; à l’instruction et la prescription, s’opposent l’initiative et la
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co-responsabilité ; à la productivité additionnelle, se substitue la représentation
dynamique du mouvement des interdépendances et interactions. L’événement, quel qu’il
soit, exige dorénavant du travailleur « une mobilisation pratique de l’intelligence d’une
situation, dans sa durée, dans son instantanéité, et dans la manière dont on pourra
conduire l’enquête postérieure sur les causes d’advenue de l’événement pour en tirer des
enseignements » (1995, p. 35). Ces renversements, conclut Zarifian, convergent dans le
retour du travail au travailleur. Comme au temps de l’artisanat, le travail procède de
nouveau de l’initiative du travailleur, il « redevient l’expression directe de la compétence
possédée et mise en œuvre par l’individu travaillant ». Car enfin qu’est-ce que la
compétence, sinon la pleine prise en compte de la valeur de la qualification dans les
conditions d’une production moderne (Zarifian, 1999, p. 55) ?
Zarifian soutient qu’avec la disparition du travail prescriptif, la pression et le contrôle
sur les travailleurs ne s’exercent plus directement par la gestion délibérée du travail, mais
sous la pression indirecte des forces invisibles telles que les marchés financiers, la
concurrence internationale, etc. Et il ne tiendrait qu’aux salariés de prendre conscience de
leur pouvoir d’initiative, à la condition qu’ils aient « la connaissance et la conscience de
leur propre pouvoir » (Zarifian, 2004, p. 50). Par ailleurs il sent bien que le management
exerce toujours un contrôle serré du travailleur, cherche à neutraliser toute coopération
réellement autonome des collectifs de travail, etc. Mais toutes ces manœuvres lui
semblent des pratiques archaïques contraires aux besoins d’une organisation du travail
réactive et coopérative (conception réifiée du modèle de la compétence). Dans la mesure
où il examine les bouleversements du principe de séparation du travail et du travailleur,
Zarifian n’y voit pas le signe de déplacement de l’application du modèle taylorien vers des
modes impersonnels de gestion du travail collectif.
4. 4. Veltz et le principe du temps homogène
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8 sur 15
P. Veltz (2008), mais aussi Alter (1993) et Vatin (2009), insistent pour leur part sur la
conception du temps sous-jacente au taylorisme : un temps homogène, additif, mesure
d’une dépense énergétique moyenne. De là vient que le rendement du travailleur trouve
un étalon dans le temps de travail dépensé au cours du processus de production. Or,
puisque la valorisation du capital dépend aujourd’hui « de la pertinence des actions,
individuelles et collectives, menées en réaction à des événements », « des compétences
expertes », « de la compétence et de la coopération des opérateurs », le taylorisme entre
en période de crise (Veltz, 2008, p. 136).
Mais ni Veltz ni Vatin ne précisent la nature et l’origine de ce changement qualitatif du
temps, sinon qu’il renvoie à une productivité du travail qui ne se détermine plus par la
somme des rendements individuels. C’est que les différences de temporalité entre l’ancien
et le nouveau mode de gestion expriment l’écart plus profond entre un mode de gestion
centré sur l’individu et un mode de gestion soucieux de l’efficacité des coopérations, des
interdépendances, de l’intégration des processus.
D. Linhart reproche à Veltz et Zarifian de définir implicitement le taylorisme par
opposition au modèle abstrait et idéal-typique du modèle de la compétence (Linhart,
1993, p. 65-67), alors même que se renforce le principe de la logique comptable par
l’intériorisation subjective des prescriptions d’inspiration taylorienne. Or, le travailleur
post-taylorien ne subirait pas moins qu’au temps de la chaîne de montage les contraintes
propres à l’organisation capitaliste du travail. Toutefois, en concentrant son analyse sur
les formes de contrôle exercées sur le travailleur individuel, Linhart néglige comment les
principes organisant ces contraintes inspirent précisément le nouveau modèle de gestion
idéalisé par Veltz et Zarifian. Car le taylorisme ne s’appuie nullement sur une conception
déterminée du travail ou du temps, il ne s’attache à aucune espèce particulière de
comptabilité. Il se revendique de principes qui organisent la séparation du travail de
conception et d’exécution, qui soumettent le travail vivant à l’activité autonome de la
machinerie, qui exproprient systématiquement les savoirs mobilisés dans l’activité
productive. Et l’enjeu de ces principes c’est, du temps de Taylor comme aujourd’hui,
l’organisation et le contrôle du travailleur collectif. Tout ce qui a changé c’est que la
production de savoirs appropriables et la fluidité du procès de production requièrent
désormais la coopération directe et volontaire des membres individuels du collectif de
travail.
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4. 5. Durand et le taylorisme flexible
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J.-P. Durand (2004) semble pourtant proposer une critique du taylorisme flexible qu’il
envisage justement comme mode d’organisation du travail spécifiquement collectif. D’une
manière générale, toutes les dimensions nouvelles de l’organisation contemporaine du
travail portent sur le contrôle du travail à flux tendu. Ainsi l’instauration du teamwork et
la création d’outils socio-productifs tels que les cercles de qualité, les groupes d’expression
et les objectifs de maintenance préventive forment selon Durand les pièces d’une stratégie
d’« implication contrainte » des salariés travaillant sous la pression permanente du flux
productif. À travers ces nouveaux outils, s’organisent donc des modes neutres et
impersonnels d’imposition d’objectifs typiquement tayloriens d’intensification du travail
et de discipline de l’ouvrier. D’où l’appellation « taylorisme flexible », qui rend compte « à
la fois de la permanence organisationnelle et de son aménagement face aux contraintes de
réactivité de l’entreprise à son environnement concurrentiel » (Boyer & Durand, 1998,
p. 109).
Durand perçoit dans les organisations contemporaines un contenu du travail plus riche
et complexe, un relâchement de la contrainte immédiate de l’encadrement. En réalité, les
nouveaux outils et méthodes d’organisation du travail forment les instruments nécessaires
à l’acceptation par les ouvriers des nouveaux impératifs de la production : ainsi le
teamwork ne procède qu’en partie des impératifs nouveaux de la production intégrée et
flexible. Pour l’essentiel, note Durand, il dresse le travailleur aux exigences du flux tendu,
notamment sous la pression des pairs et du team leader. De leur côté, les outils socioproductifs contribuent avant tout à garantir une implication plus poussée de l’ouvrier aux
objectifs de l’entreprise (Durand, 2004, p. 97-99). Or on voit mal en quoi les cercles de
qualité et groupes d’expression exerceraient une pression plus forte que la chaîne de
montage si elles ne participaient d’autre part au nouveau mode d’intégration des segments
de la production : la pression du travail en équipe ne peut remplacer plus efficacement le
contremaître que si elle accompagne une transformation du mode de travail lui-même.
L’analyse de Durand montre bien que la production à flux tendu réclame une
coopération étroite entre les différents opérateurs et la création de nouveaux outils
organisationnels (Durand, 2004, p. 59-97). Mais ce mode collectif de travail implique
lui-même des transformations de contenu du travail productif : prédominance du travail
indirect et coopération immédiate entre les travailleurs. Ainsi les nouveaux outils socioproductifs ne visent-ils pas seulement à dresser le travailleur aux contraintes du flux
tendu, mais à produire et exproprier une qualification collective fondée sur l’échange de
savoirs et de savoir-faire entre ouvriers (Laville, 1993, p. 32). Plus généralement, le
modèle de la compétence n’assujettit le travailleur au principe et aux contraintes du flux
tendu (Durand, 2004, p. 122-130) que dans la mesure où ce travailleur livre au collectif de
travail et donc au capital la totalité des savoirs et savoir-faire mobilisés au cours de son
activité. Durand dénonce dans l’usage des TIC une division accrue du travail manuel et du
travail intellectuel, mais c’est l’enrichissement des tâches et les modes d’incitation à la
mobilisation des compétences qui arrachent à l’activité de travail la conception qui
préside à son mode d’exécution.
Taylorisme assisté par ordinateur, taylorisme subjectivé, taylorisme flexible : toutes ces
expressions évaluent la nature des nouvelles organisations du travail à l’aune de leurs
effets sur l’ouvrier individuel et des formes de contrôle de son activité isolée. Dans tous les
cas de figure, le taylorisme apparaît comme un ensemble de survivances plus ou moins
tenaces ou d’adaptations aux organisations du travail indirect, polyvalent et flexible,
comme si le caractère collectif et coopératif du travail actuel s’était développé en
opposition directe aux principes d’organisation de Taylor.
5. Les principes du taylorisme dans le
modèle de la compétence
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9 sur 15
Si les procédés de gestion tayloriens traditionnels disparaissent peu à peu de l’industrie
française, c’est que ce sont les modes d’exécution du travail qui ont changé, non les enjeux
stratégiques des entreprises5. L’approche de Taylor devient par nature inadaptée dès que
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l’essentiel des tâches productives se compose de travail indirect : « Plus les opérateurs se
consacrent à des tâches distinctes de celles qu’effectuent les machines, outillages et
équipements, plus l’organisation du travail se voit contrainte à abandonner une série
d’impératifs hérités de la tradition des ateliers de type additif. La division cesse d’être le
nec plus ultra de l’organisation. C’est l’intégration et ce que nous avons appelé la
“distribution mobile” qui tendent à la remplacer. » (Naville, 1962, p. 17). Sans doute
subsiste-t-il ici ou là des segments du procès de travail organisés selon les voies usuelles
de l’OST, mais la prédominance du travail indirect, l’introduction des TIC dans les procès
de travail et le rôle crucial du savoir et du savoir-faire dans l’organisation du travail
semblent conférer aux principes du taylorisme des conditions d’application supérieures.
5. 1. La compétence au service de l’autonomie du
processus de production par rapport au travailleur
32
33
Nous venons de voir comment la gestion assistée par ordinateur avait remplacé le mode
prescriptif de contrôle du travail vivant. Il est bien connu que l’imposition stricte des
gammes opératoires au travailleur cherchait à éliminer la flânerie systématique que
Taylor déplorait chez les ouvriers. Mais la lutte contre la flânerie ne visait pas simplement
à tirer du travailleur le maximum de sa productivité, mais, aussi bien, à permettre au
processus de production un maximum d’autonomie par rapport aux savoirs et savoir-faire
des ouvriers. Le travailleur doit devenir une machine pour que la machine s’affranchisse
des mouvements libres de l’homme au travail. D’où la séparation du travail de la personne
du travailleur, que Zarifian estime définir l’essence du taylorisme. En un sens
l’automatisation et l’informatisation des systèmes productifs reviennent sur cette pratique
en réintégrant le travail dans la personne du travailleur. Mais pas sans laisser intact
l’objectif poursuivi dans l’aliénation du travailleur : l’autonomisation du processus de
production par rapport au travail vivant.
Ce qui disparaît toutefois, c’est le travail sous son ancienne forme et cette disparition à
son tour bouleverse le sens initial de la notion de qualification. C’est bien ce qui se dégage
du mouvement des ouvriers de la métallurgie en 1975 qui réclamèrent des grilles
conventionnelles à critères classants en remplacement des vieilles classifications Parodi
fondées sur la qualification (Tallard, 2001). Officiellement, les ouvriers exigeaient des
directions d’entreprise qu’elles reconnaissent « l’initiative et la responsabilité, qui
s’ajoutent aux critères traditionnels de formation, d’expérience et de complexité. »
(Paradeise & Lichtenberger, 2001, p. 41). En réalité ils prenaient conscience que leur
salaire ne coïncidait plus avec leur véritable qualification, laquelle procédait toujours plus
de leur coopération concertée. C’est moins leur compétence que la qualification collective
qu’elle produit qu’il s’agissait de monnayer. Or comme le confessent les adeptes
eux-mêmes de la production au plus juste, « mieux vous travaillez en équipe, moins vous
en saurez sur une spécialité et moins vous aurez la possibilité d’emporter avec vous votre
savoir-faire si vous changez d’entreprise » (Womack et al., 1992, p. 27). Sans doute le
modèle de la compétence réintègre le travail dans la personne du travailleur mais dans la
seule mesure où il lui exproprie le produit spécifique de sa coopération avec les autres
opérateurs. Voilà pourquoi l’encadrement prescrit moins aux ouvriers des procédures que
des objectifs à atteindre collectivement (Veltz, 2008, p. 84). Au fond il n’a même plus
besoin de contrôler directement les ouvriers, la pression des pairs et du chef d’équipe
(Durand, 2004, p. 97-99) suffit à stimuler l’engagement coopératif dans la poursuite des
objectifs imposés à l’équipe de travail (Garrahan & Stexart, 1992, p. 113).
5. 2. La séparation du travail de conception et du
travail d’exécution dans le management participatif
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On a souvent prétendu que l’approche prescriptive du travail s’était déplacée du
travailleur au système de machines via la gestion assistée par ordinateur (Chanaron &
Perrin, 1986, p. 39), que le contrôle par les moyens faisait place désormais au contrôle par
les résultats (Veltz, 2008, p. 2). Ce taylorisme appliqué à la machine remplacerait ainsi
une grande partie du contrôle direct du travailleur, qui s’accomplit par assujettissement
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au rythme, à l’intensité et à l’intégration des différentes parties du système automatisé de
la machinerie (Bernoux & Ruffier, 1974, p. 398). C’est cette objectivation de la contrainte
que Linhart qualifie de « chaîne de montage dans la tête » de l’ouvrier. Pourtant ce
processus d’objectivation semble manifester un principe plus profond de l’organisation
scientifique du travail. Car bien plus qu’avant, la conception du système est la grande
affaire de l’encadrement (Boyer & Durand, 1998, p. 95). Or le monopole du travail de
conception s’exerce d’autant mieux que le travailleur s’associe à l’organisation de la
production par les techniques de gestion participative. Loin de faire contrepoids à la
gestion assistée par ordinateur, les cercles de qualités la nourrissent pour autant que
« ceux qui pensent et conçoivent, savent également mobiliser les anciens exécutants en
une énorme force d’adhésion, d’initiatives, d’innovation et de propositions d’action » (cité
par Chanaron & Perrin, 1986, p. 30). Certes le travailleur peut prendre part à la
conception de sa propre activité. Mais en tant que pièce d’un système d’interactions
hommes/machines, ce qu’il communique contribue à la collecte, au traitement et à la
coordination des savoir-faire (knowledge management), cédant ainsi aux directions
d’entreprise les bribes de leur propre chaîne de montage (Schméder, 2003).
C’est exactement ce que cherchait Taylor, qui ne négligeait pas le rôle de l’initiative et de
la coopération des travailleurs dans l’amélioration du processus de production : « C’est
aux suggestions des ouvriers que sont dus les neuf dixièmes de nos progrès. » (Taylor,
1927, p. 16). La différence est que le manager post-taylorien s’inspire non du savoir-faire
de l’ouvrier isolé, mais du savoir-faire né de la coopération immédiate entre les
travailleurs, du savoir-faire collectif. Chanaron et Perrin constatent que souvent « la
réussite des opérations d’automatisation, qui consistent notamment à transférer les
savoir-faire collectifs des travailleurs dans les logiciels des machines, n’a été possible que
grâce à la coopération de ces travailleurs avec les bureaux d’études pour expliciter leur
« tour de main », c’est-à-dire pour expliquer les relations qu’ils avaient établies entre
certaines caractéristiques du processus de production et certaines modalités de leurs
interventions » (1986, p. 36). Le travailleur fera d’autant preuve d’initiative et de
responsabilité qu’il acceptera de mettre son intelligence au service d’un procès de
production conçu à l’initiative et sous la responsabilité exclusives des ingénieurs, des
ergonomes, des programmeurs. On encouragera son autonomie à condition qu’elle serve à
imaginer des solutions pour maintenir et améliorer la continuité et l’intensité du flux
productif, à réagir promptement aux événements affectant la régularité du processus. De
manière générale, toutes les facultés que le travailleur mobilisera au cours de son activité
seront évaluées suivant leur conformité avec les objectifs et les résultats prescrits à
l’avance par le management (Koshi, 1994).
5. 3. La forme contemporaine de monopolisation du
savoir collectif
36
11 sur 15
Revenons brièvement à l’enjeu principal de la rupture du modèle de gestion actuel avec
Taylor : la productivité du travail. Sur la base du travail indirect et de la coopération
immédiate, le rendement du travail collectif ne résulte plus de la sommation de ses parties
individuelles mais, comme on l’a vu, de la qualité des échanges et de la communication,
du dynamisme de la coopération entre les opérateurs. « Là où primait l’efficience de
l’opération, note-t-on, prime l’efficience de l’inter-opérations » (Veltz & Zarifian, 1993,
p. 15). L’exploitation du travail social passe désormais par l’appropriation d’un sur-savoir
que le management cherche à mobiliser en permanence (Laville, 1993, p. 32). Cette
allusion de Laville à la survaleur ne signifie pas que le management du capital s’approprie
une partie du savoir produit par le travailleur en excédent du savoir qu’il conserve par
devers soi. Elle signifie que le management exproprie un savoir résultant de la
combinaison des savoirs mobilisés par les individus travaillant en coopération. Le
sur-savoir est une force productive sociale qui ne coûte rien à l’ouvrier pas plus qu’il ne
coûte au capitaliste qui se l’approprie en tant que simple possesseur des moyens de
travail. Bref le savoir qui intéresse le manager n’est pas celui que l’individu isolé porte en
lui, ni même le savoir qu’il met en œuvre dans son travail, mais le savoir généré par le
travailleur collectif, indissociable des conditions objectives et de l’environnement dans
lesquels s’accomplit le procès de production.
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Sous le mode cognitif de coopération, la compétence de l’individu qui se développe en
situation de travail prime sur sa qualification, dans la mesure même où la qualification
collective prime sur sa compétence. Le modèle de la compétence en effet ne renonce aux
modes tayloriens d’appropriation des savoirs que parce que la nature du savoir qu’il
s’approprie a changé ; il n’a cédé sur le savoir de l’ouvrier que pour se saisir du produit
collectif des savoirs individuels.
6. Conclusion
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41
42
12 sur 15
La coopération est une qualité commune à toutes les formes de travail organisées de
façon capitaliste. Elle découle en effet de la concentration de moyens de travail dont la
mise en œuvre nécessite l’emploi de nombreux travailleurs. Bien plus, le mode de
production capitaliste ne s’est imposé dans l’histoire que lorsqu’il devint possible
d’extraire du travail en commun un excédent sur le produit nécessaire à l’entretien et la
reproduction de la force de travail. La figure du travailleur collectif surgit donc aussitôt
que le capital s’empare du procès de travail et organise la coopération entre les
travailleurs produisant sous son autorité.
Ce n’est qu’au stade de la grande industrie cependant, où la machinerie s’interpose
entre le sujet et l’objet du travail et prescrit aux travailleurs les conditions de leur
coopération, que le travailleur collectif devient l’objet même de l’organisation du travail.
C’est pourtant récemment que l’économie et la sociologie du travail ont fait du
travailleur collectif la figure privilégiée de leurs analyses, soit pour souligner les mutations
profondes dans l’organisation du travail basé sur les TIC, soit pour dénoncer les rigidités
d’une organisation taylorienne tournée vers la prescription et le contrôle du travail
individuel. Dans les deux cas la figure du travailleur collectif surgit comme point de
rupture entre l’OST et les organisations post-tayloriennes du travail industriel. Or la
reconnaissance de cette figure n’a créé d’accord ni sur la nature des nouveaux modes de
travail ni sur la définition du taylorisme lui-même. Surtout elle n’a nullement permis de
saisir la portée exacte de la rupture de ces nouvelles organisations du travail avec Taylor.
Toutes les analyses critiques du post-taylorisme dénoncent les survivances du vieux
taylorisme comme si à l’état pur les nouvelles formes collectives du travail entraînaient
une rupture avec la prescription, la division du travail entre conception et exécution et le
contrôle du travailleur individuel ; bref comme si elles auguraient d’un dépassement du
rapport d’autorité propre à l’ère du taylorisme et du fordisme. Tout se passe donc comme
si le caractère collectif et coopératif du travail industriel contemporain excluait en soi
l’inspiration taylorienne du management, comme si Taylor se limitait nécessairement à
une forme d’organisation du travail basée sur la division stricte des tâches en postes de
travail individuels. Pourtant on admet volontiers que le management par les compétences
élabore des moyens qui reproduisent la séparation du travail d’exécution et du travail de
conception, qui favorisent l’expropriation des savoirs, qui soumettent les groupes de
travail au rythme intense et autonome du procès de travail. On reconnaît la persistance
des objectifs qui avaient inspiré les méthodes de Taylor, mais on ignore sa présence dans
l’organisation du travail polyvalent et coopératif.
Or dès que le travailleur collectif est reconnu comme figure essentielle de toutes
organisations du travail fondées sur la machinerie, le taylorisme, qui constitue la première
tentative d’organisation systématique du procès de travail industriel, cesse d’apparaître
comme un ensemble de méthodes de prescription et de contrôle du travail individuel. Il
faut considérer le taylorisme non comme une série de procédés mais comme un système
de principes de gestion du travail en commun qui, à l’ère des technologies de l’information
et de la communication, trouve des domaines d’application nouveaux. Sous cet angle, la
montée du travail collectif n’abandonne Taylor que dans la mesure où le travailleur
individuel demeure l’horizon de la gestion et du contrôle du travail subordonné à
l’autorité du capital.
Dans l’analyse qui précède, l’application de ces principes dépend non seulement de la
forme et du contenu du travail vivant, mais simultanément du mode de coopération entre
les procès de travail individuels. Ainsi la prépondérance du travail indirect, la production
d’une qualification collective et son appropriation au moyen des divers groupes
d’expression, enfin le contrôle par les résultats, qualifient un taylorisme cognitif en
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rupture avec la traditionnelle organisation scientifique du travail. Au stade de
mécanisation où Taylor développe sa méthode, l’augmentation du rendement et le
contrôle du procès de travail ont abouti à l’éclatement du travailleur collectif en une
multitude de tâches mécaniques recombinées suivant un mode purement fonctionnel. Ce
taylorisme mécanisé s’appuyant sur un faible degré de coopération entre OS, manœuvres,
etc. explique sans doute l’inclination des économistes et des sociologues à concevoir le
taylorisme en général comme un mode prescriptif de gestion du travail individuel. D’un
autre côté, les théoriciens du travail ont pensé la relative liberté procédurale laissée à
l’individu, le mode directement coopératif du travail collectif et le caractère dynamique de
l’efficience productive rompaient en profondeur avec en taylorisme. S’ils avaient conçu le
taylorisme comme un mode de gestion du travail collectif, les changements
organisationnels leur seraient apparus non d’après leurs effets sur le travailleur
individuel, mais d’après la nature modifiée de l’objet à s’approprier et contrôler dans le
procès de travail contemporain.
Bibliographie
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Notes
1 « Je pense que tout homme qui a observé le jeu d’une équipe de première série et qui sait à peu
près ce que c’est que de diriger une équipe moderne de joueurs de base-ball comprend que l’équipe
composée des meilleurs joueurs qui soient ne peut pratiquement pas gagner si chacun des membres
de cette équipe n’obéit pas aux signaux et aux ordres de leur capitaine et n’obéit pas immédiatement
quand le capitaine donne ces ordres. Ceci ne constitue-t-il pas une coopération intime entre tous les
membres de l’équipe et son directeur, ce qui est une des caractéristiques de la direction scientifique.
(sic) » (Taylor, 1965, p. 77).
2 L’introduction des tables de temps standard, dont la méthode MTM est la plus célèbre, visait
moins à améliorer la productivité du travail qu’à remplacer le jugement du chronométreur par des
valeurs temporelles scientifiquement préétablies. C’est que le jugement d’allure était « en effet
l’enjeu premier de toutes les contestations. Les tables standards permettent donc d’esquiver le
face-à-face avec l’ouvrier » (Hatzfeld, 2005, p. 69).
3 On doit l’expression « Néotaylorisme assisté par ordinateur » à deux chercheurs allemands,
B. Lutz et H. Hirsch-Kreinsen qui l’ont discrètement introduit dans un article programmatique
intitulé « Thèses provisoires sur les tendances actuelles et futures de la rationalisation du travail »
(1988, p. 47-53).
4 Pierre Rolle exprime déjà cette conception dans Travail et salariat, 1988, p. 113.
5 Zarifian affirme que le paradigme de la coopération répond aux exigences de réactivité des
entreprises dans un environnement instable et incertain (1996, p. 14). Mais c’est en premier lieu la
nature des tâches accomplies qui sollicite une coopération accrue des travailleurs.
Pour citer cet article
Référence électronique
Laurent Baronian, « L’âge du nouveau taylorisme », Revue de la régulation [En ligne], 14 | 2e
semestre / Autumn 2013, mis en ligne le 12 décembre 2013, consulté le 22 septembre 2014. URL :
http://regulation.revues.org/10324
Auteur
Laurent Baronian
Chercheur associé au laboratoire PHARE, université Paris 1 Panthéon – Sorbonne,
[email protected]
Droits d’auteur
© Tous droits réservés
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