entrevista com mme. elizabeth lage

Transcription

entrevista com mme. elizabeth lage
ENTREVISTA COM MME. ELIZABETH LAGE
11
ENTREVISTA COM MME.
ELIZABETH LAGE
Norinês Panicacci Bahia
Interview avec Mme Elizabeth Lage, par
Norinês P. Bahia, le 05 avril 2007
Resumo
Trata-se de entrevista realizada pela Profª Drª Norinês Panicacci
Bahia (UMESP) no dia 05/04/2007, com a Profª Drª Elizabeth Lage,
na École des Hautes Études em Sciences Sociales [1] – Universidade
de Paris. O roteiro da entrevista contou com a colaboração da Profª
Drª Marília Claret Geraes Duran (UMESP). Após a transcrição por
Raoul Vinson (PhD), a entrevista foi enviada para a referida professora realizar os devidos acertos. O texto final foi encaminhado a
“Múltiplas Leituras” pela Profª Drª Elisabeth Lage, após sua revisão.
Os assuntos tratados durante a entrevista foram: breve introdução da
* É docente pesquisadora do PPG em Educação da Universidade Metodista de São Paulo e Membro
do Grupo de Estudos e Pesquisas sobre Formação de Educadores – FormAção, grupo que faz parte
do Centro Internacional de Estudos em Representações Sociais e Subjetividade – Educação (CIERS
– Ed/FCC) [email protected]
Revista Múltiplas Leituras, v.1, n. 1, p. 9-17, jan. / jun. 2008
12
REVISTA MÚLTIPLAS LEITURAS
inserção da entrevistada no contexto da Teoria das Representações
Sociais; o estado da Teoria no momento atual; possíveis contribuições da Teoria às pesquisas em Educação; considerações sobre formação de professores e suas políticas.
Palavras-chave: Elizabeth Lage, teoria das representações sociais,
educação.
Nori Bahia: Pourriez-vous nous donner quelques informations sur
comment vous avez commencé votre carrière et où en êtes-vous
aujourd’hui?
Elizabeth Lage: J’ai étudié à l’université de la Sorbonne quand il y
avait une seule université et non pas treize à Paris, et ensuite je me suis
intéressée aussi bien à la psychologie expérimentale qu’à la psychologie
sociale et à la psychologie clinique. Je me suis formée à l’université dans
ces 3 domaines et à la suite de cette formation, en sortant de l’université
j’ai commencé à travailler avec SM. Et donc durant les premières dix
années, j’ai fait des recherches expérimentales avec SM sur l’influence
minoritaire. C’est un thème majeur qui a été travaillé au laboratoire et qui
est notre contribution originale à la psychologie sociale.
L’étude des phénomènes d’influence tient une place importante en
psychologie sociale. Aux Etats-Unis, les recherches ont été essentiellement
consacrées au phénomène de conformisme. La contribution originale de
notre laboratoire consiste à avoir étudié le phénomène de l’innovation. Ces
travaux montrent comment une minorité qui tient fermement à sa conviction et qui ne cède pas, face à la majorité, peut créer un conflit et, pour
résoudre ce conflit, la majorité est obligée de prendre en considération le
point de vue minoritaire.
Ça c’était la première partie de ma vie professionnelle; donc, j’ai
travaillé avec SM. Ces recherches ont eu une grande répercussion en
psychologie sociale en Europe, et ont été également reprises par certains
chercheurs aux États-Unis, comme Charlan Nemeth, de l’Université de
Berkeley. Ce cheminement est retracé dans le livre « Penser la vie, la nature,
le social », que nous avons publié en 2000 aux Editions de la Maison des
Sciences de l’Homme, en l’honneur de SM. Gabriel Mugny a travaillé sur
ces questions en Suisse, Juan Antonio Perez en Espagne, une équipe de
chercheurs en Italie. C’est un projet scientifique important de la psychologie
sociale, conçu par SM, que j’ai largement contribué à le réaliser.
Après ces travaux de psychologie sociale expérimentale, je suis passée à
l’étude des représentations sociales, et je suis toujours dans ce dernier thème.
Revista Múltiplas Leituras, v.1, n. 1, p. 9-17, jan. / jun. 2008
ENTREVISTA COM MME. ELIZABETH LAGE
13
Nori Bahia: Où en sont les études de la représentation sociale en ce
moment?
Elizabeth Lage: La réponse est compliquée. Les études sur la
représentation sociale ont connu un tel succès, entre autres au Brésil, que
finalement différentes communautés développent des perspectives
différentes. Alors on peut dire qu’il y a de plus en plus de domaines de la
vie sociale qui ont été explorés; on pourrait dire que c’est un peu la collection: la santé, l’éducation, l’immigration, les principaux domaines de la vie
sociale qui concernent notre société occidentale mais aussi les sociétés de
l’Amérique latine: la violence, la famille, ont été explorés à partir de la
perspective théorique des représentations sociales.
Il y a un autre aspect, pour lequel on tâtonne encore du point de vue
méthodologique, et qui concerne la manière d’analyser l’impact des images
dans la construction des représentations. On n’a pas encore trouvé d’outils
parfaits pour pouvoir inclure dans les recherches tout ce matériel visuel :
le cinéma, l’art, la télévision, l’imaginaire dans l’étude des représentations
sociales. Comment intégrer dans l’étude du processus de formation des
représentations sociales tous ces matériaux qui viennent, qui sont véhiculés
par l’image et non pas uniquement par la parole et par le texte.
Cependant, c’est la recherche théorique qui fait le plus défaut. C’est
à dire on a l’impression que la communauté scientifique attend ce que SM
va proposer, à chaque conférence annuelle, pour savoir à quelle question
se consacrer le reste de l’année. La relève dans la construction théorique
n’a pas eu lieu et son émergence serait la plus urgente pour continuer le
développement du domaine.
Au début nous avions repris le schéma de ce qu’est une représentation
sociale, une connaissance de sens commun, comment elle se construit, à
partir de quelles sources, avec quel processus, et à ces niveaux là, on a
progressé. Il y a dix ans, il est vrai, il y a deux ou trois propositions
théoriques différentes, mais finalement on n’a pas fait de progrès
significatifs par rapport à la proposition théorique de SM, faite il y a plus
de 45 ans. Donc on a élargi l’exploration des connaissances du sens
commun aux différents objets sociaux, mais on attend toujours une suite de
la première proposition théorique, en se tournant vers SM. La communauté
scientifique n’a pas pris théoriquement la relève.
Mes collègues qui font la théorie du noyau central ne seraient pas
contents de m’entendre dire cela; il y a des propositions qui se sont
développé mais qui se sont tourné plus vers la cognition et moins vers le
phénomène social de la construction des connaissances de sens commun.
Mais là je pense que j’entre trop dans les détails et puis on va s’y perdre.
Revista Múltiplas Leituras, v.1, n. 1, p. 9-17, jan. / jun. 2008
14
REVISTA MÚLTIPLAS LEITURAS
Nori Bahia: quelles sont les recherches en représentation sociale qui
pourraient contribuer à l’éducation ou alors, les représentations sociales
peuvent-elle apporter des contributions à l’éducation?
Elizabeth Lage: Je pense, énormes. Parce que, si vous voulez, tout le
monde est concerné par l’éducation. C’est à dire les institutions, les
ministères, les écoles, les professeurs, les élèves, mais aussi les parents, les
employeurs qui attendent les jeunes pour continuer l’expansion des
entreprises, et nous ne connaissons de ce domaine qu’une petite partie. On
peut interroger les enseignants, on peut parler aux élèves, qu’on n’interroge
pas souvent, on a beaucoup plus la voix officielle dans ce domaine, mais
on a beaucoup moins la voix de ceux qui reçoivent les effets de
l’éducation. Et pour comprendre ce qui s’y passe, c’est vraiment essentiel
de savoir ce qu’on pense de l’éducation dans les différentes classes de la
société. Sinon on a toujours une idée fausse. On ne sait pas assez ce que
pensent les parents, l’homme de la rue. Or, ça a un effet très important sur
les stratégies que la population développe par rapport à l’éducation et sur
les réactions que l’on observe dès qu’il y a le moindre problème. Il faut
faire des études dans des populations stratégiques qui permettent d’avoir
une idée sur la variété des réactions et sur la manière dont on reçoit les
effets de l’éducation.
Par exemple: même par rapport à la question des prisons, c’est quand
même intéressant de savoir ce qu’on peut attendre de l’éducation. Peut-on
miser sur une aide de ce coté ou est-ce un leurre ? On oublie ces implications importantes de l’éducation. La plupart des recherches prennent en
considération ce qu’on pense au ministère, à l’école, parmi les enseignants
ou les élèves. Mais l’enjeu est beaucoup plus vaste.
Nori Bahia: Sur la formation des professeurs, qu’est-ce qu’on fait?
Elizabeth Lage: En France je crois que nous sommes bien organisés
en ce qui concerne l’exploration de ce qui se passe dans l’institution
scolaire. Au ministère de l’éducation, il y a plusieurs services qui
s’occupent des statistiques et de la recherche: au niveau des résultats des
élèves, et des institutions chargées de la formation des professeurs. Les
enquêtes relatent ce que les professeurs pensent de l’éducation, et quels
sont les problèmes, et donc je crois que le développement des sciences
sociales en France a eu pour effet de construire des cadres de cette
réflexion sur la société. Je crois que l’éducation est un des domaines où les
sciences sociales ont été les plus investies.
Revista Múltiplas Leituras, v.1, n. 1, p. 9-17, jan. / jun. 2008
ENTREVISTA COM MME. ELIZABETH LAGE
15
Les chercheurs en sciences sociales sont fortement impliqués dans l’étude
du système de l’éducation y compris dans la formation des professeurs. Le
développement des sciences sociales a été beaucoup contribué à mieux
connaître le fonctionnement de l’éducation dans notre pays.
Nori Bahia: au Brésil il y a beaucoup de changements à chaque
nouveau gouvernement, et nos professeurs ont une très mauvaise image de
l’enseignement.
Elizabeth Lage: Je comprends - les politiques sont souvent élaborées
à court terme, avec les changements des responsables tous les 3, 4 ans.
Mais ce que je voulais dire, je ne parlais pas de la cohérence des
politiques. Je parlais des sociologies qui observent le fonctionnement du
système. Dans les décisions ministérielles nous avons les mêmes problèmes
qu’au Brésil: on a essayé différentes méthodes d’enseigner la lecture, les
mathématiques, etc., quelques fois ces expériences ont donné des catastrophes. Les enseignants sont très méfiants face aux nouvelles réformes à
cause de ces échecs. Du coté de la formation, on a crée des instituts de
formation des professeurs et on se demande si c’est bien ou pas bien; si
vous voulez au niveau des politiques il n’y a pas de cohérence parfaite,
mais au niveau de l’observation de ce qui se passe par les sciences sociales,
il y a beaucoup de travail accompli.
Nori Bahia: au Brésil, il y a un manque de confiance quant à la
politique
Elizabeth Lage: Ici aussi il y a des expériences comme ça.
Informatisations, des changements de la façon d’enseigner les mathématiques.
Il existe de la recherche sur l’éducation au ministère de l’éducation.
Elle doit relater la manière dont l’institution fonctionne. Par exemple le
niveau des élèves, la situation des enfants d’immigrés, dans les zones
pauvres, la manière dont les enseignants vivent leur travail. D’autres,
notamment les sociologues de l’éducation, réfléchissent sur les raisons des
échecs, critiquent, proposent. La réflexion s’effectue à différents niveaux
et au sein de différentes institutions, qui n‘ont pas les mêmes objectifs.
Nori Bahia: que pense Elizabeth qui est important dans le domaine
de l’éducation? Que devrait-on étudier?
Elizabeth Lage: La difficulté, la chose la plus importante, la chose la
plus difficile que l’on n’est pas encore arrivé à faire est d’examiner le
Revista Múltiplas Leituras, v.1, n. 1, p. 9-17, jan. / jun. 2008
16
REVISTA MÚLTIPLAS LEITURAS
fonctionnement du système sans hypocrisie. Le domaine de l’éducation,
c’est un domaine fortement idéologique; avec des sous entendus politiques.
Il y a souvent une différence entre ce que l’on constate sur le terrain
et ce qu’on écrit dans le rapport de recherche … Il y a une chose que l’on
pense et une chose que l’on dit, et dans l’éducation on ne se sort pas de
cette difficulté. Je crois que le plus important ce serait d’étudier pourquoi
le métier d’enseignant est devenu si difficile et comment aider les
enseignants, l’école, et les élèves. Mais si on rajoute à cela, qu’est-ce qu’il
faut dire à ce sujet par rapport à ce que l’on pense vraiment, il y a une
superposition, pour être plus claire, d‘hypocrisie. Ce que je veux dire: les
sociologues peuvent étudier la situation, ils peuvent donner des conseils
mais quand on regarde ce qu’ils font pour leurs propres enfants, ils suivent
une stratégie qui est tout à fait contradictoire avec leurs conseils. Même les
ministres de l’éducation préconisent une chose et en font une autre lorsqu’il
s’agit de leurs propres enfants. Donc si vous voulez, pour moi, le plus
important pour réparer les choses, ça serait de trouver un moyen de mettre
de côté l’hypocrisie.
Regarder honnêtement ce qui se passe sur le terrain, logiquement,
scientifiquement et non pas en fonction de ce qu’il faut dire pour que les
propos soient politiquement corrects. Un sociologue de l’éducation,
François Dubet a publié plusieurs recherches très intéressantes sur le
système de l’éducation.
En conclusion, je suis fascinée de voir combien des questions de
l’éducation, et pas seulement de l’éducation, sont les mêmes, que l’on soit
à Paris, ou à São Paulo, ou dans une ville des États-Unis. On pourrait
parler de la « mondialisation » des problèmes sociaux éducationnels.
La violence, le manque de respect des enseignants, le manque de reconnaissance, le salaire bas, la violence de l’extérieur qui entre dans
l’école, le problème de rapports entre les garçons et les filles. Toutes ces
questions, on les retrouve...
Je pense que ce sont les conflits sociaux entre les riches et les
pauvres, l’incertitude de l’avenir, l’attente par rapport à l’école, l’école
comme un moyen de promotion, mais qui ne fonctionne pas bien; il y a
quelques facteurs qui font que la signification est la même où qu‘on se
trouve, qu’on a les mêmes comportements et les mêmes problèmes Entre
le monde développé et le monde en voie de développement, il y a une
interdépendance qui fait que finalement on retrouve les mêmes manières de
voir, de se comporter.
Revista Múltiplas Leituras, v.1, n. 1, p. 9-17, jan. / jun. 2008
ENTREVISTA COM MME. ELIZABETH LAGE
17
Regarder les banlieues, les problèmes entre la partie riche de la ville
et la partie pauvre, sous des formes un peu différentes, entre la favela de
Rio ou de São Paulo et les banlieues de Paris: on retrouve vraiment les
mêmes phénomènes.
Revista Múltiplas Leituras, v.1, n. 1, p. 9-17, jan. / jun. 2008

Documents pareils