Intelligence économique L`information au cœur de l`Entreprise
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Intelligence économique L`information au cœur de l`Entreprise
Intelligence économique L’information au cœur de l’Entreprise Frank BULINGE PREFACE Jean-François PEPIN Délégué général du CIGREF Vice-président de l’Académie d’Intelligence Economique « L’intelligence est l’aptitude à s’aventurer stratégiquement dans l’incertain, l’ambigu, l’aléatoire en recherchant et utilisant le maximum de certitudes, de précisions, d’informations. C’est la vertu qui se développe dans la lutte permanente et multiforme contre l’illusion et l’erreur » (Edgar Morin) Face à une offre devenue pléthorique sur le thème de l’Intelligence économique(IE), toute nouvelle publication interpelle le lecteur sur sa réelle singularité. Aussi, quand Frank BULINGE m’a fait l’honneur de me solliciter pour écrire cette préface, j’avoue avoir commencé la lecture de son manuscrit avec cette question : qu’apporte-t-il de plus, de mieux, de différent, de spécifique…? D’emblée, le sous-titre nous met clairement sur la voie : Il s’agit pour l’auteur d’identifier et d’enrichir les éléments d’une théorie de l’information et de la connaissance afin de donner des clés utiles au développement du management de l’information en entreprise. L’ouvrage de Frank BULINGE nous plonge donc au cœur de ce qu’il convient de dénommer précisément : L’intelligence Economique d’Entreprise (IEE)! Cette dernière marque une nouvelle étape dans le processus de développement de l’autonomie (donc de l’interdépendance) de l’entreprise face à son environnement, et ce dans un contexte de durcissement de la compétition économique mondiale et de l’avènement du numérique. Face à la complexité croissante de l’environnement économique, technologique, social et politique, la nouvelle compétence des entreprises s’exerce au cœur d’une réalité économique de plus en plus immatérielle. Dans ce contexte, les enjeux majeurs de la compétitivité reposent très largement sur de nouvelles ressources intangibles : capacité d’innovation, maîtrise de nouvelles compétences stratégiques telles que l’accumulation du savoir, sa mobilisation rapide dans les processus de production et la coopération volontaire entre les acteurs économiques. Au cœur de cette compétition internationale, le seul véritable avantage concurrentiel, défendable et durable, réside pour l’entreprise, dans sa capacité à maîtriser l’information, en temps réel, à tout moment et en tous lieux pour construire et faire évoluer sa base de connaissance stratégique, à vocation opérationnelle. La maîtrise de l’information stratégique constitue le fondement de l’intelligence économique d’entreprise. Si l’information n’est pas le cœur de métier de l’entreprise, elle est néanmoins au cœur de tous les métiers de l’entreprise. Elle est le lien virtuel qui les relie, les assemble. Ce n’est plus seulement l’accès à l’information qui constitue le ressort essentiel de la compétitivité, mais bien l’aptitude de toutes les « partie prenantes » à la transformer, la comprendre, l’interpréter et à l’utiliser. C’est le fondement même de l’IE d’Entreprise. 1 En alimentant tous les rouages de l’entreprise, l’information joue donc un rôle moteur dans son fonctionnement. A l’état brut, les gisements d’informations sont considérables. L’enjeu pour les organisations est donc aujourd’hui de vouloir (vision, culture), de savoir (compétences), et de pouvoir (organisation, fonctionnement) mobiliser les connaissances et l’intelligence collective. Tout au long de son ouvrage, Franck Bulinge souligne combien l’IE s’inscrit dans la grande mutation du passage d’une économie industrielle à une économie de réseaux fondée sur la connaissance. Le « cerveau d’œuvre » succède à la « main d’œuvre » et cela induit pour les Dirigeants la mobilisation de compétences spécifiques : Vouloir maîtriser l’information stratégique : Cette compétence managériale vise à accroître en permanence la capacité d’absorption de l’information par l’entreprise. Savoir optimiser en continu l’état d’information produit un impact sur le processus complexe par lequel les décisions sont prises et oriente l’action opérationnelle réellement menée au sein de l’entreprise. Pouvoir optimiser la décision : Décider est devenu plus complexe à cause de la difficulté à traiter une information à la fois pléthorique et sensible. La complexité s’accroît du fait que de plus en plus d’acteurs peuvent désormais influencer, prendre part au processus de décision. Le dirigeant doit intégrer à son processus personnel un grand nombre de points de vue différents et des intérêts de plus en plus diversifiés. L’intelligence Economique d’Entreprise permet de réduire les champs d’incertitude par la construction d’une connaissance stratégique partagée. Savoir mobiliser l’intelligence collective : Les coopérations intellectuelles ne se résument pas à favoriser une réflexion collective (émettre ou recevoir une information). Plus subtilement, elles permettent de passer d’une hiérarchie de pouvoir à un réseau de savoir afin de co-construire une connaissance partagée. Dès lors, l’Intelligence Economique d’Entreprise propose plus qu'un ensemble d’outils dont le seul but serait d'aider un manager à produire plus de résultats. Elle offre surtout la possibilité de mobiliser de nouvelles capacités d'apprentissage de l’organisation. A la lecture des différents chapitres écrit par Frank Bulinge, le lecteur perçoit clairement combien la capacité à créer de la connaissance stratégique à partir de l’information est au centre de la compétition économique. Elle est le chaînon essentiel qui permet de construire et d’influencer l’image globale de l’entreprise. Je voudrais enfin attirer l’attention du lecteur sur l’épilogue de l’ouvrage de Frank Bulinge ! Ce dernier y expose sa vision de l’évolution de l’Intelligence Economique au sein du monde numérique, ce qu’il appelle « la révolution numérique dans la pensée stratégique et organisationnelle des entreprises ». De fait, notre économie classique, bâtie sur « l’énergie matière » mute vers une économie numérique qui, fonctionnant sur « l’énergie information », transforme et redéploye la valeur créée par les entreprises. La question qui se pose alors est la suivante : s’il parait vain de vouloir régler « aujourd’hui » les problèmes de « demain » avec les solutions « d’hier » : L’Intelligence économique d’entreprise doit-elle ancrer ses pratiques dans la culture numérique ? 2 Le monde numérique est à la fois un univers de communication, d’influence et de leadership. Information et influence - nouvelles énergies propagées par le numérique - ont redistribué les cartes de la puissance au plan géopolitique et de la compétitivité au plan économique. La multiplication des informations, des compétences et des savoirs nécessaires pour résoudre des problèmes complexes, exige une coordination étroite entre les différentes parties concernées. Cette exigence est désormais rendue possible grâce à l’interactivité de logiciels de plus en plus efficients, de matériels de plus en plus puissants et de réseaux de télécommunications à hauts débits. Les mutations numériques en cours : accélération, mobilité, instantanéité, connectivité… créent de fait, pour les entreprises un environnement inédit, instable et complexe à maîtriser. La complexité des organisations nécessite - à l’ère du numérique - de nouveaux modèles d’organisation, surtout en période de crise et face à une surproduction d’informations. Le numérique s’insère au cœur des métiers de l’entreprise. Il permet la circulation toujours plus rapide de l’information entre les différentes entités qui sont connectées en réseau. Ce faisant, le numérique transforme l’information en une énergie aussi stratégique que le pétrole ! La formalisation de l’information en tant que nouvelle énergie est source de valeur pour l’entreprise. L’influence numérique se caractérise comme une attitude, une posture de dialogue interactif et permanent avec les parties prenantes. Le numérique permet à l’entreprise de s’étendre vers son écosystème et la société numérique exige de l’entreprise qu’elle s’ouvre. Cette double dynamique doit se faire de manière cohérente et efficiente grâce aux systèmes d’information qui ancrent et élargissent les processus de l’organisation. Les technologies numériques peuvent être utilisées comme levier d’expression des compétences au sein des organisations mais également entre elles. C’est le Directeur des Systèmes d’Information qui a aujourd’hui le positionnement et les compétences pour orchestrer l’élaboration et l’animation du plan numérique aux cotés de tous les dirigeants métiers de l’entreprise. En conclusion, le livre de Frank Bulinge invite le lecteur à considérer que la compétitivité des firmes dépend dorénavant, de leur capacité à gérer de manière efficace des processus transversaux. Pour permettre une gestion optimale de l’information, des connaissances et des savoirs, l’entreprise doit s’appuyer à la fois sur une infrastructure informationnelle dont les systèmes d’information constituent la clé de voûte et sur son usage intelligent et socialement responsable. Cette architecture transversale facilite le management global de l’information et par essence-même l’implémentation durable du concept d’Intelligence Economique au sein de toutes les entreprises. Paris, Janvier 2013 3