Mise-au-point-sur-le.. - Institut Pierre Mendes France
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Mise-au-point-sur-le.. - Institut Pierre Mendes France
Mise au point sur le contexte intérieur de l’arrivée au pouvoir de Pierre Mendès France La IVe République, Constitution du 27 octobre 1946 : - la Constitution est adoptée par référendum le 13 octobre 1946. Elle prévoit : - pour le pouvoir législatif : - l’Assemblée Nationale composée de 620 députés élus pour 5 ans au scrutin proportionnel dispose de l’initiative des lois et les votent ; - le Conseil de la République formé de 320 conseillers de la République (appelés « sénateurs » à partir de 1948), élus au suffrage indirect, dont le rôle est purement consultatif. A compter de 1954, sous le gouvernement de Pierre Mendès France, le Conseil de la République retrouve son pouvoir d’initiative et de vote des lois, concurremment avec l’assemblée nationale, même si cette dernière avait le dernier mot en cas de désaccord. - pour l’exécutif : - un président de la République élu pour 7 ans par le Parlement (réunion de l’Assemblée nationale et du Conseil de la République). - le président du conseil, nommé par le président de la République, doit obtenir l’investiture de l’assemblée nationale avant de former son gouvernement. La IVe République est donc un régime parlementaire puisque le président du conseil est investi par l’assemblée nationale (article 45) et le gouvernement est responsable devant celle-ci. Les députés peuvent refuser la confiance (art. 49) ou voter la censure du gouvernement (art. 50), entraînant alors sa démission collective et donc une crise ministérielle. Le Président de la République doit alors trouver un nouveau président du conseil qui devra obtenir une nouvelle investiture de l’assemblée. Le Président de la République a la possibilité de dissoudre l’assemblée nationale, sur proposition du gouvernement, si dans une période de 18 mois, deux crises ministérielles interviennent dans des conditions précises (rejet de la confiance à la majorité absolue des députés ou vote de la motion de censure à la même majorité). - la pratique des institutions diffère cependant légèrement de la lettre de la constitution : Il se pratique de plus en plus la « double investiture » : en effet, selon les termes de la constitution, le président du conseil désigné devait seul demander l’investiture ; la nomination des autres ministres n’intervenant que par la suite. Dans la pratique, certains présidents du conseil investis se présentaient une seconde fois devant les députés pour leur soumettre la liste des membres de leur gouvernement. Des partis mécontents de leur représentation dans l’équipe gouvernementale pouvaient ainsi faire chuter les ministères ; cela accentuait l’instabilité gouvernementale. Le scrutin à la proportionnelle entraîna un émiettement des voix qui rendit plus délicate la création de majorités parlementaires cohérentes. Les Partis politiques : - Deux partis sont des opposants irréductibles sous la IVe République mais, par ailleurs, ne peuvent s’entendre par manque de cohérence idéologique : il s’agit d’abord du parti communiste, qui représente près de 25% des voix à la Libération et jouit d’un grand prestige du fait de son action dans la Résistance. Après l’éviction des ministres communistes du gouvernement de Paul Ramadier en mai 1947 et sous l’influence de la guerre froide naissante, le parti entre en opposition frontale avec le régime. De même, De Gaulle, qui avait démissionné du gouvernement le 20 janvier 1946, avait décrit les institutions qui avaient sa préférence dans le célèbre discours de Bayeux du 16 juin de la même année. Il souhaitait notamment un exécutif fort face au pouvoir législatif. Par opposition au « système » parlementaire de la IVe République, De Gaulle crée le Rassemblement du peuple français (RPF), un mouvement politique dont le but est d’obtenir la révision de la constitution. Néanmoins, après les premiers succès électoraux, le mouvement subit des revers de plus en plus importants du fait du nouveau système électoral des apparentements1 mis en place pour les élections de 1951 et des divisions internes (certains députés gaullistes votèrent l’investiture d’Antoine Pinay en 1952 contre l’avis du général luimême) à telle enseigne que De Gaulle mit progressivement le mouvement en sommeil, en 1955. - les autres partis fidèles à la IVe République, forment ce qu’on appelle la « troisième force » : la SFIO (Section française de l’Internationale ouvrière) est une force importante notamment avec la figure de Léon Blum (23% des voix en 1945) ; le Mouvement républicain populaire (MRP) est le parti de la démocratie-chrétienne issue des rangs de la Résistance ; le parti radical dont est issu Pierre Mendès France (il tentera d’ailleurs de le réformer et de le moderniser à partir de 1955) est encore un parti « pivot » à l’assemblée nationale et participe à de nombreux gouvernements (Henri Queuille, Félix Gaillard, Edgar Faure…) ; l’UDSR (l’Union démocratique et socialiste de la Résistance) qui est une nouvelle formation avec à sa tête René Pleven épaulé par François Mitterrand ; les partis de la droite modérée (notamment le Centre national des indépendants) reprennent de la vigueur après les élections de 1951 (arrivée au pouvoir d’Antoine Pinay qui appartenait à ses rangs). Le gouvernement de Pierre Mendès France, investi le 18 juin 1954 est original à plus d’un titre : 1 La loi des apparentements du 7 mai 1951 permet dans le cadre d’une élection départementale à la proportionnelle de créer des listes apparentées. Ces dernières, si elles obtiennent ensemble la majorité absolue des suffrages, acquièrent ainsi tous les sièges de députés du département. Ce système permit à la « Troisième force » de gagner les élections de 1951 car si les partis de cette force pouvaient s’apparenter, les deux opposants, communiste et gaulliste, ne le pouvaient pas. Le contexte de désastre national de Dien Bien Phu explique en partie la coalition très large qui soutient son gouvernement dès ses premiers jours et l’aspect de cabinet d’union nationale qu’il revêt (en l’absence de majorité de gauche) : - le parti radical y est notamment représenté par Edgar Faure (ministre des finances puis ministre des Affaires étrangères en janvier 1955), Emile Hugues (ministre de la justice jusqu’en septembre 1954), Jean Berthoin (ministre de l’Education Nationale), Guy La Chambre (ministre d’Etat chargé des relations avec les « Etats associés ») ou Maurice Bourgès-Maunoury (ministre des forces armées après janvier 1955) ; - l’UDSR est représentée notamment par François Mitterrand (ministre de l’Intérieur) et Eugène Claudius-Petit (ministre du travail et de la sécurité sociale jusqu’en septembre 1954) ; - la droite modérée est également présente : André Bettencourt (secrétaire d’Etat à la présidence du conseil), Jean-Michel Guérin de Beaumont (ministre de la justice de septembre 1954 à janvier 1955 avant de devenir ministre d’Etat) ou Jean Raffarin (secrétaire d’Etat à l’agriculture) ; - les gaullistes sont également présents : Christian Fouchet (ministre des affaires marocaines et tunisiennes), Pierre Koenig (ministre de la défense nationale et des forces armées), Jacques Chaban-Delmas (ministre des travaux publics, des transports et du tourisme), Maurice Lemaire (ministre du logement et de la reconstruction). Ces 3 derniers ministres démissionnèrent en août 1954 pour s’opposer à la présentation de la CED (Communauté européenne de défense) à l’assemblée nationale. De Gaulle, en juin 1954, n’était d’ailleurs pas opposé à un gouvernement dirigé par son ancien ministre Pierre Mendès France. - le MRP, pourtant hostile à Pierre Mendès France depuis le rejet de la CED le 30 août 1954, fut également représenté avec Robert Buron (ministre de la France d’Outre-mer puis ministre des finances) et Louis-Paul Aujoulat (ministre de la santé publique et de la population puis ministre du travail). La SFIO avait donné son soutien, sans participation au gouvernement tandis que les Communistes avaient voté l’investiture de Pierre Mendès France, mais ce dernier avait refusé de les comptabiliser au nombre de ses soutiens. En effet, alors même que des négociations allaient être entamées avec le Vietminh à Genève, il ne voulait pas devenir l’otage de ces voix. Très vite, les communistes et le MRP devinrent les principaux opposants au gouvernement Mendès France. Pierre Mendès France innova également dans sa pratique du pouvoir : - il s’adressa régulièrement à la nation lors de « causeries radiophoniques » retransmises le samedi, dans lesquelles il expliqua sa politique. Il créa de ce fait une relation particulière entre lui et les citoyens, une relation plus « personnelle ». - par ailleurs, Pierre Mendès France favorisa également une révision partielle de la Constitution votée le 7 décembre 1954. Cette réforme redonna le pouvoir législatif réel au Conseil de la République, tenta d’éviter le phénomène de la « double investiture » en les fusionnant (ainsi le président du conseil ferait connaître la liste de son gouvernement avant l’investiture unique). Pierre Mendès France tentera également de limiter l’instabilité ministérielle en proposant qu’un vote de confiance ou une motion de censure n’aient lieu que 24 heures après son dépôt (et non plus quelques heures), temps nécessaire à une réflexion sereine.