Parolesparoles - Théâtre du Martolet
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Parolesparoles - Théâtre du Martolet
29 Tribune de Genève | Samedi-dimanche 8-9 octobre 2011 Parolesparoles Légitimus: métis et sage L’humoriste teste sur scène le rire en solitaire avant de redevenir peut-être, un Inconnu. Rencontre Corinne Jaquiéry La dernière fois que… S on premier Alone man show, Pascal Légitimus l’a voulu engagé. Jouant avec les codes du racisme, l’humoriste en démonte les mécanismes dans un sourire mêlé d’un zeste de tristesse. Tel un nouveau tarzan métis, il explore la jungle des relations humaines, sautant de douces plaisanteries en souvenirs plus amers. En tirant un fil rouge entre Caucase et cocotier, de ses origines arméniennes à ses racines guadeloupéennes, il met en valeur une couleur plus chatoyante: celle de la diversité. …vous avez pleuré? Sur scène. Je pleure tous les soirs. …vous avez trop bu? J’ai bu un litre et demi de pamplemousse frais sur l’île de Marie-Galante. J’ai perdu 4 kilos en 4 jours. Je conseille à tout le monde de se contenter d’un verre, même si c’est très bon et même si on veut faire un régime! …vous avez envié quelqu’un? Je ne suis pas un envieux. Ce n’est pas un sentiment qui m’est familier. Je suis plutôt content et fier pour lui ou elle quand quelqu’un réussit quelque chose. …vous vous êtes excusé? Dans le TGV récemment, quelqu’un avait pris ma place. Je me suis excusé parce que je devais le faire se déplacer et lui a encore râlé en allemand. Cela montre à quel point je suis gentil! … vous avez transpiré? Je perds deux litres d’eau tous les soirs sur scène. Vous êtes seul en scène depuis quelques semaines, est-ce que quelqu’un vous manque? Pour l’instant, bizarrement, rien ne me manque. Je suis toujours en relation avec les gens que j’aime. Quand je suis en spectacle, je suis tellement concentré et tellement monotâche que je ne pense à rien d’autre. J’accouche de mon spectacle. Comme une femme qui met au monde, je ne pense qu’au bébé qui arrive. Pas du tout. J’étais déjà très Arménien dans mon processus de vie. J’allais souvent dans ma famille arménienne. Je mangeais arménien. Au contraire, quand ma mère Madeleine est décédée, j’ai pris de la distance. C’était trop douloureux de la retrouver à travers mes tantes ou mes oncles. «Pour l’astrologie chinoise, nous sommes cochons. Et dans le cochon, tout est bon…» Avez-vous l’espoir que le métissage soit la clé pour des jours meilleurs? Je ne souhaite pas farouchement que cela se développe, mais la société évolue vers la tolérance. On se marie entre Suédois et Chinois, entre Péruvien et Suisse, Breton et Sénégalais. Entre homme et homme. On mange des nems à Roubaix, de la raclette à Marseille. Tout est possible, c’est le grand mélange. Je n’aurais pas pu faire de la télévision il y a trente ans. La télé actuelle est plus colorée. Et les entreprises aussi. Les handicapés mieux acceptés. C’est donc beaucoup mieux qu’il y a trente ans! Pascal Legitimus Comment vous est né le désir d’un spectacle en solitaire? Depuis des années, j’avais envie de parler de cette position particulière qu’est le métissage. Enfant, j’étais un des rares spécimens métis, pratiquement le seul, né dans une famille qui reliait les antipodes, l’Afrique et l’Orient, par les Antilles et l’Arménie. Je voulais transmettre cet état d’être. Aujourd’hui, nous sommes dans l’ère Obama. Beaucoup de gens parlent de métissage, les cultures se mélangent, on voyage beaucoup et on mange exotique au quotidien. Le public a de solides références métissées. Moi-même, je suis mûr pour en parler. Il y a vingt ans, le spectacle aurait été déplacé et moins drôle. Comment pourrait-on qualifier l’esprit Légitimus? C’est difficile de le dire moi-même, mais mon spectacle me ressemble. On dit de lui qu’il est touchant et drôle. Du fond et de la forme. Toujours dans l’ambivalence, comme moi. Métissé en tout. Barack Obama est votre contemporain. Est-ce l’avènement des gens de 59 ans? Peut-être. Pour l’astrologie chinoise, nous sommes cochons. Et dans le cochon, tout est bon… Qu’est-ce que ça signifie, être métisse? J’ai la couleur entre deux chaises. La plupart des gens que je rencontrais avant d’être connu n’arrivaient pas à me situer. On me prenait pour ce que je n’étais pas. Ils se fiaient aux apparences. Ce spectacle me permet de rétablir une vérité. Comme je l’explique dans un sketch, à l’étranger on me voit Africain, Indien, Argentin, Arabe, mais jamais ce que je suis: un métis. Evoquer la souffrance de l’esclavage, c’est une catharsis? Non. J’explique juste d’où je viens. Ça fait partie de l’histoire de l’humanité. Certains ne connaissent pas cette histoire-là car il faut en être curieux. Je ne m’appesantis pas. J’en parle deux minutes et demie pour un spectacle qui dure plus d’une heure trente. Mais ceux qui ignoraient que les ancêtres des Noirs européens et américains avaient fait une croisière serrés comme des sardines dans les soutes des navires avec des types morts à côté d’eux le sauront. En quoi le métissage est-il une richesse? Contrôle qualité Pascal Légitimus, ex-Inconnu resté humoriste, mais en solitaire. Sur l’ardoise, le comédien français a inscrit: «Il ne faut pas se fier aux apparences». CHRIS BLASER Questions fantômes Quelle est la question que vous détesteriez qu’on vous pose? Celle qu’on me posait enfant: d’où tu viens? Elle est à l’origine du spectacle. La question que vous aimeriez qu’on vous pose? Dans le questionnaire de Proust, une des questions est ce que Dieu pourrait dire à notre arrivée au Paradis. Moi j’aime bien: Ah, c’est à cette heure-ci que t’arrives? Cela voudrait dire que j’ai été tellement heureux sur terre que je n’étais pas pressé de monter là-haut. C’est toujours une richesse d’avoir le meilleur des deux parents. On possède une double culture, une double histoire, un double sang, le double d’informations, une double éducation. On est polyculturel, plus instruit et les références sont moins territoriales. En ce qui me concerne, je ne viens pas d’un pays jeune où il n’y a rien à raconter. C’est sur le mont Ararat, en Arménie, que Noé a débarqué avec tous ses animaux. L’Arménie, c’est aussi le premier peuple catholique au monde. Et du côté africain, j’ai des ancêtres juifs éthiopiens, les Falashas. Je suis issu de deux régions où le passé est chargé, lourd de symboliques. Vous dites que dans la vie vous êtes Arménien et sur scène Antillais… Ce sont deux énergies très différentes. Dans la vie je suis calme. Je ne joue pas la comédie, je ne suis pas extraverti ni démonstratif. Je suis Arménien. Le soir, quand je revêts mes habits de lumière, j’ai une énergie festive, sportive, schizophrène, j’aime jouer. Je suis Antillais. Les deux énergies réunies me constituent. Les Arméniens ont le sens de la famille, ils sont méticuleux, travailleurs, sages. Je m’y retrouve. L’harmonie en Arménie. Les Antillais ont souvent des familles disloquées. Ils sont fils d’esclaves, ils sont toujours inféodés par les Blancs. Je ne Bio express Pascal Légitimus est né à Paris le 13 mars 1959 d’un père Antillais et d’une mère Arménienne. Petit-fils de Darling, comédienne, et fils de Théo, acteur et musicien de jazz, il a hérité de leur goût pour le théâtre et la comédie. Reconnu entre deux Inconnus, Pascal Légitimus a aussi cultivé son jardin secret. Seul en scène, il y fait pénétrer le public avec son Alone man Show où il s’affiche subtilement polymorphe. Pascal Légitimus est également réalisateur de documentaires et de films. m’y retrouve pas. Ce qui est positif, c’est leur côté festif, extraverti, la joie de vivre et surtout le rire. Le décès de votre mère, très jeune, vous a-t-il poussé vers vos racines arméniennes? J’ai lu que vous pensiez n’avoir du talent qu’avec les Inconnus? Comme je n’avais pas confiance en moi, je me disais que les deux autres étaient meilleurs. J’étais fier de former un groupe avec deux balèzes. Je m’inféodais par manque d’assurance. Un jour, il y a quinze ans, quelqu’un m’a ouvert les yeux sur notre complémentarité. A quand la reformation des Inconnus? C’est en gestation, mais nous ne sommes pas encore à l’échographie. Aimeriez-vous avoir un jour un Molière pour vous tout seul comme avec les Inconnus? Ce que je veux surtout, c’est qu’il y ait du monde dans la salle, mais une récompense, c’est toujours agréable. C’est un peu d’essence dans le moteur. Que représente ce spectacle dans votre carrière? C’est mon point d’orgue. Etes-vous heureux? Heureux, mais pas satisfait… après cela devient philosophique. Pascal Légitimus Alone man show. Mise en scène Gil Galliot. Paris, Le Palace. Du 11 octobre à fin janvier 2012.