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CHAMBRE NATIONALE DE DISCIPLINE
AUPRES DU CONSEIL SUPERIEUR DE L’ORDRE DES EXPERTS-COMPTABLES
AUDIENCE PUBLIQUE DU 19 DECEMBRE 2013
LECTURE PUBLIQUE DU 19 DECEMBRE 2013
APPEL N° 694
Directeur régional des Finances publiques du Languedoc Roussillon et de l’Hérault /
Expert-comptable, gérant de la société d’expertise comptable
Le 19 décembre 2013, la Chambre nationale de discipline auprès du Conseil supérieur de
l’Ordre des experts-comptables s’est réunie ainsi composée lors des débats, de l’audience
publique et du délibéré, tenus au siège du Conseil supérieur de l’Ordre des expertscomptables :
-
M. Jean BARTHOLIN, Président de Chambre à la Cour d’appel de Paris, Président de la
Chambre nationale de discipline,
-
M. Jérôme VIGNAU-BARRANX, Fonctionnaire du ministère de l’Economie et des
Finances, et M. Jacques CHABRUN, Conseiller maître honoraire à la Cour des
Comptes, membres désignés par le ministre de l’Economie et des Finances,
-
Mme Isabelle SIAUX et M. Jean-Marc JAUMOUILLE, experts-comptables, membres
désignés par le Conseil supérieur de l’Ordre des experts-comptables,
Tous désignés en application de l’article 50 de l’ordonnance n°45-2138 du 19 septembre
1945.
En présence, lors des débats publics, de M. Christophe BAULINET, commissaire du
Gouvernement près le Conseil supérieur de l’Ordre des experts-comptables, de M. Jean-Yves
MOREAU, expert-comptable rapporteur, et de Mme M, permanente du Conseil supérieur de
l’Ordre des experts-comptables, chargée du secrétariat de la chambre.
Rappel de la procédure :
Par courrier en date du 16 janvier 2012, le Directeur régional des Finances publiques du
Languedoc Roussillon et de l’Hérault a saisi le Président de la chambre régionale de
discipline de Montpellier pour des faits de fraude fiscale contraires à l’article 144 du code de
déontologie des professionnels de l’expertise comptable à l’encontre de l’expert-comptable,
gérant de la société d’expertise comptable.
Par décision publique rendue le 28 mars 2013, la chambre régionale de discipline de
Montpellier a prononcé la sanction de radiation du tableau de l’Ordre à l’encontre de
l’expert-comptable.
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Par courrier en date du 10 avril 2013, l’expert-comptable, par l’intermédiaire de son avocat
Me Patrice JOUANNEAU, a interjeté appel devant la chambre nationale de discipline de la
décision rendue le 28 mars 2013 par la chambre régionale de discipline de Montpellier.
Par courrier recommandé avec avis de réception en date du 22 mai 2013, le Président de la
Chambre a désigné M. Jean-Yves MOREAU en qualité de rapporteur, lequel a déposé son
rapport le 2 août 2013.
Par courriers recommandés avec avis de réception en date du 6 novembre 2013, le Président
de la Chambre a cité le Directeur régional des finances publiques du Languedoc Roussillon et
de l’Hérault, l’expert-comptable et Me Patrice JOANNEAU à comparaître devant la Chambre
nationale de discipline à l’audience du 19 décembre 2013, et les a informé que le dossier de
l’appel, contenant notamment le rapport du rapporteur, pouvait être consulté au secrétariat
de la Chambre à compter du 12 novembre 2013, conformément à l’article 184 du décret du
30 mars 2012.
Me Denis LALOUX, collaborateur de la SCP RAFFIN & ASSOCIES, avocat de l’expertcomptable, a exercé le droit de consultation du dossier de procédure le 15 novembre 2013.
Le commissaire du Gouvernement près le Conseil supérieur de l’Ordre des expertscomptables a rédigé des observations écrites qui ont été communiquées aux parties par
courrier recommandé avec avis de réception en date du 6 décembre 2013.
Déroulement des débats :
Après lecture de son rapport par M. Jean-Yves MOREAU; après avoir entendu l’expertcomptable, lequel a eu la parole en dernier, et son avocat Me Denis LALOUX.
Les parties ayant été averties que la décision serait lue le jour même à l'issue du délibéré, et
mise à leur disposition au secrétariat de la Chambre à compter du 19 décembre à 15 heures.
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Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés
fondamentales ;
Vu l’ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 ;
Vu le décret n°45-2370 du 15 octobre 1945, le décret n°70-147 du 19 février 1970, le décret
n°2007-1387 du 27 septembre 2007 abrogés et remplacés par le décret n°2012-432 du 30
mars 2012, relatif à l’exercice de l’activité d’expertise comptable ;
Vu l’arrêté du 6 juin 2008 abrogé et remplacé par l’arrêté du 3 mai 2012, portant agrément
du Règlement intérieur de l’Ordre des experts-comptables ;
Vu les pièces du dossier ;
Après en avoir délibéré en la présence de ses seuls membres, et à l'exclusion du rapporteur ;
Décision :
Le 16 janvier 2012, le Directeur régional des Finances Publiques de LANGUEDOC
ROUSSILLON et du département de l'Hérault saisissait le Président de la Chambre régionale
de discipline de l'Ordre des Experts-Comptables d’une action disciplinaire à l'encontre de
l’expert-comptable au sein de la société d’expertise comptable composée de deux
établissements, l'un à SETE et l'autre à MONTPELLIER.
Elle exposait que la vérification de comptabilité de l’activité la société d’expertise
comptable diligentée par la Direction du Contrôle Fiscal SUD-PYRENEES, portant sur les
exercices clos en 2008 et 2009 en matière d'impôt sur les sociétés et sur la période du 1er
octobre 2007 au 30 septembre 2010 en matière de TVA, avait permis de mettre au jour les
infractions fiscales suivantes :
« …/...
- minoration des déclarations de TVA souscrites au titre de la période vérifiée ;
- minoration des déclarations des résultats des exercices contrôlés.
A - Les faits
Suite au contrôle diligenté, les rehaussements suivants ont été opérés par le service
vérificateur.
1/ En matière de TVA
- minoration de la TVA déclarée pour un montant de 14 617 € au titre de l'année
2007 fiscalement prescrite, et pour un montant de 41 829 € au titre des années 2008 et
2009;
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- TVA sur créances irrécouvrables non justifiée ;
- déduction anticipée de TVA et régularisation de la TVA déductible omise effectuée
irrégulièrement sur des périodes prescrites.
2/ En matière d'impôt sur les sociétés
- provisions sur créances clients et créances irrécouvrables non justifiées ;
- charges de loyers non justifiées.
B - Nature et montant de la fraude fiscale constatée
1/ Nature de la fraude
Il est précisé, s'agissant des rappels afférents à la minoration de TVA constatée, que cette
rétention de TVA a été masquée par le transfert du montant éludé sur le compte « débiteurs
et créditeurs divers », alors qu'il apparaissait auparavant en TVA à décaisser figurant au
passif du bilan.
De plus, la société d’expertise comptable a régularisé la TVA éludée au titre des années 2008
et 2009, peu de jours après avoir reçu l'avis de vérification, mais s'est en revanche abstenue
de régulariser celle afférente à l'année 2007 dont elle savait qu'elle allait se prescrire
fiscalement en 2010.
2/ Montant
TVA
IS
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Les impositions supplémentaires ont été assorties de l’intérêt de retard et de la majoration
de 40 % pour manquement délibéré compte tenu :
- de l'importance et du caractère répété des manquements relevés;
- du fait que l’expert-comptable, ne saurait ignorer les principes applicables en
matière comptable et les obligations déclaratives qui lui incombaient ;
- de la circonstance que les règles en matière d’exigibilité de la TVA lui avaient été
rappelées lors d’un précédent contrôle.
Les rappels de TVA et d’impôt sur les sociétés, acceptés par l’expert-comptable en sa
qualité de gérant de la société, ont été mis en recouvrement et ont été pris en charge le 16
septembre 2011.
Les droits afférents aux rappels d'impôt sur les sociétés (3 855 €) ont été
intégralement soldés. Ceux afférents aux rappels de TVA ont été apurés à hauteur de 9 812
€. L'intégralité des majorations demeure due.
L’ensemble des constatations effectuées dans le cadre de la vérification de comptabilité de
la société d’expertise comptable témoigne d’une intention délibérée de soustraire pour
partie cette société à l’établissement et au paiement des impôts dont elle était redevable au
titre des années 2008 et 2009.
L’expert-comptable, en sa qualité de gérant, ne saurait notamment justifier la rétention de
TVA réalisée par des difficultés financières de l'entreprise qui l'ont conduit à licencier une
partie du personnel, à diminuer son salaire et celui de son épouse et à nécessiter des
apports en compte courant par la société mère, la société d’expertise comptable 1.
En effet, en sa qualité d'expert-comptable et de professionnel du chiffre, l'intéressé ne
pouvait ignorer la gravité de ses agissements, qu'il a pour partie tenté de dissimuler par des
écritures comptables irrégulières.
De surcroît, force est de constater que, loin de s'amender, l’expert-comptable n'a
manifestement tiré aucun enseignement d'une précédente vérification de comptabilité de
l'activité de la société, à l'issue de laquelle des minorations de chiffre d'affaires avaient déjà
été relevées.
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Il est donc indéniable que l'intéressé a sciemment voulu soustraire pour partie la société
d’expertise comptable à ses obligations fiscales et qu'il ne pouvait, en tant qu’expertcomptable membre de l'Ordre, ignorer le caractère grave et délictueux de ses agissements ».
Le 19 juin 2012, lorsqu'il était entendu par le rapporteur, l’expert-comptable
s'expliquait dans les termes suivants :
« …/...
Rapporteur: Pouvez-vous m’expliquer brièvement l’historique de vos sociétés dans la région
?
Mis en cause : Nous sommes 3 associés dans la société d’expertise comptable 1. Cette
société est une holding dont le 1er acte de gestion a été de racheter les parts de EC en
octobre 2001 qui est devenu le société d’expertise comptable dont le siège est à Sète. Il y
avait aussi un bureau à Agde.
La société d’expertise comptable 1 a le siège social à Montpellier.
Auparavant j’étais aux Antilles pendant 13 ans, en Guadeloupe. J’avais un cabinet à titre
personnel pendant 10 ans. Je l’ai vendu en partant pour m’installer dans la région.
La Holding a repris 100 % des parts pour 300 000€ environ financé en quasi-totalité par
emprunt. Les associés sont pour l’un à Bordeaux et l’autre en Guadeloupe.
Reprise des parts sociales de EC et donc la clientèle de Sète en 2001 (clientèle de proximité
classique essentiellement artisanat, professions libérales, TPE). Chiffre d’affaires en 2001 :
300 000€. Puis nous avons racheté des clientèles sur Montpellier en 2002, 2003, 2004 et
2007.
On a fermé le bureau d'Agde au profit d'un stagiaire de l’époque qui m’a imposé de lui
vendre la clientèle d’Agde pour 35 000€. Le stagiaire est aujourd'hui expert-comptable.
L’année suivante il m'est arrivé la même chose avec un collaborateur de Sète. Il nous a quitté
avec 50 000€ de clientèle racheté par une consœur expert-comptable.
Avec le recul j’aurai préféré fermer le bureau de Sète et conserver la clientèle d’Agde.
Rapporteur: Rencontrez-vous des difficultés de règlement des honoraires ?
Mis en cause : Nous fonctionnons par prélèvement donc la difficulté n'est pas liée aux
encaissements mais au niveau du montant des honoraires en raison de la faiblesse des
revenus de nos clients.
Fort de ce constat, j’ai axé le développement de notre activité sur Montpellier par achats
successifs de clientèle. Mes objectifs de l'époque étaient de réaliser 1 million de chiffre
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d’affaires avec une quinzaine de collaborateurs afin de pouvoir offrir un service de qualité.
L’ensemble de ces rachats se sont avérés peu ou pas pertinents.
Je suis dans une logique à ce jour de révision de mes prétentions en la matière.
Contrairement à la Guadeloupe nous n’avons pas eu de croissance interne notamment à
cause de départ des deux collaborateurs de Sète et d’Agde et de mon erreur de recrutement
de deux directeurs de Guadeloupe qui souhaitaient venir en France et en lesquels j’avais une
entière confiance. Aux Antilles les clients sont plus décontractés, ces deux directeurs sont
apparus un peu trop nonchalants. On a perdu à ce moment-là 150 000€ de chiffre d’affaires
en 1 an et demi.
Rapporteur: Pouvez-vous m’expliquer le redressement de 2008 ?
Mis en cause : Le 1er contrôle est intervenu en 2008. L’administration fiscale pressentait une
minoration de déclarations de TVA. Économiquement à cette époque, la structure était
devenue exsangue. Ayant dépassé l’autorisation de découvert (80 000€), j’ai décalé de façon
légère les déclarations de TVA. L’accumulation de ces retards est apparue lors du contrôle.
Suite au redressement j’ai trouvé un arrangement avec l’Administration pour échelonner le
remboursement.
Fin 2008, la crise économique est venue compliquer l'activité de mes clients. Je ne suis pas
arrivé à faire supporter le règlement du redressement par le cabinet. C’est pourquoi à
compter de Mai 2009, je ne me suis plus versé de salaire au titre de ma gérance et j’ai divisé
par deux celui de mon épouse avec son accord. L'intégralité de ce redressement a été réglée.
Rapporteur: Comment faites-vous pour subvenir à vos besoins ?
Mis en cause : J’ai conservé une activité de commissaire aux comptes en nom propre sur la
Guadeloupe. Cette activité me permet de subvenir à mes besoins vitaux, Je me verse une
petite rémunération et des dividendes.
Rapporteur: Pouvez-vous m’expliquer comment s’est déroulé le contrôle réalisé en 2010 par
l’administration fiscale ?
Mis en cause : Dès la prise de connaissance de l’avis de vérification, j’ai été contraint de me
confier à mes associés pour évoquer les difficultés rencontrées. Grâce à leurs apports
financiers, la société d’expertise comptable a pu établir une déclaration de TVA rectificative
et régler une grosse partie de retard.
Rapporteur : Pourquoi ce jeu d’écritures qui consiste à isoler le montant de la TVA éludée
dans un compte créditeur divers ?
Mis en cause : J’avais clairement isolé ce qui était la dette de la TVA courante. L'inscription
dans un compte créditeur divers est la constatation de ma volonté de régler ce retard. Si
j’avais souhaité me l’approprier, je l’aurais inscrite en compte courant d’associé ou produit
exceptionnel. Je n’ai jamais eu l'intention de ne pas payer la TVA, c’est pour cela que je l’ai
inscrite en dettes diverses.
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Rapporteur: Expliquez-moi les loyers de vos salariés que vous avez pris en charge ?
Mis en cause : Compte tenu des difficultés rencontrées avec le personnel, j’ai recruté des
anciens collaborateurs de Guadeloupe pour diriger les bureaux de Sète et de Montpellier.
Parmi les conditions de leur venue figurait l'obligation de les héberger (mention dans Ie
contrat de travail). La société était titulaire d’un bail d’habitation à Sète et d’un autre à
Montpellier.
A Sète je payais directement le loyer. A Montpellier je payais directement au salarié qui
payait la propriétaire et l’administration l’a reconnu et abandonné son redressement. Cette
situation a duré de septembre 2008 à mai 2010 à Montpellier.
Le salarié de Sète est arrivé en 2005 et parti en 2010.
Le montant des loyers était environ de 900€ chacun mensuel.
Compte tenu de la situation économique, je me suis séparée de ces deux collaborateurs en
Mai 2010 afin de retrouver une rentabilité suffisante pour faire face à mes engagements.
L’espoir d’un retour rapide de la rentabilité s’est avéré partiellement illusoire.
Rapporteur: Pourquoi ne pas vous être adressé à l'Administration pour évoquer votre
situation difficile?
Mis en cause : Je pensais que cela irait mieux demain. Le décalage de TVA a été très
progressif. Les difficultés rencontrées nécessitaient de ma part des réactions immédiates et
je n’ai pas eu le courage d’interpeller l’administration fiscale quant à ma situation. Les
relations privilégiées que notre profession entretient naturellement avec l'administration
fiscale peuvent être considérées comme un frein à la reconnaissance de nos difficultés.
Rapporteur: Qu’en est-il du paiement du redressement?
Mis en cause : Grâce aux apports de mes associés, j’ai réglé la quasi-totalité de la TVA due
avant même l’intervention de l’administration. Il demeure encore des pénalités d’assiette
mais peu ».
Le 28 mars 2013, la chambre régionale de discipline déclarait l’expert-comptable
coupable des manquements qui lui étaient reprochés et prononçait à son encontre la
sanction de la radiation du tableau comportant interdiction définitive d'exercer la
profession.
A l'appui de sa décision, elle relevait :
« .../...
Attendu que la société d’expertise comptable avait déjà fait l'objet, en 2008, d'un
contrôle fiscal pour la période du 1er février 2003 au 31 Juillet 2007, ayant mis au jour des
minorations de chiffres d'affaires, ce qui a entraîné des rappels s'élevant à 51 801 euros de
TVA, affectés de 22 408 euros de pénalités ;
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Qu'en dépit de ce premier avertissement, l’expert-comptable a persisté dans le
même comportement d'autant plus répréhensible qu'en tant qu’expert-comptable, en
matière de TVA, il est collecteur d'impôt pour le compte de l'Etat ;
Attendu que les fraudes fiscales reprochées à l’expert-comptable sont établies et
d'ailleurs non contestées ; que ces manquements, contraires à l’honneur et à la probité,
constituent des actes et des manœuvres de nature à déconsidérer gravement la profession
d’expert-comptable et justifient eu égard à leur gravité et à leur réitération le prononcé de la
sanction de la radiation du tableau comportant interdiction définitive d'exercer la
profession ».
Le 10 avril 2013, l’expert-comptable relevait appel de cette décision.
Le 23 juillet 2013, il complétait ses premières déclarations par les indications
suivantes :
« .../...
Jean Yves MOREAU : Quels sont les éléments nouveaux que vous entendez faire valoir par
rapport à ceux fournis lors de la procédure régionale ?
L’expert-comptable : Je n’ai pas d’éléments nouveaux. Je voudrais surtout particulièrement
insister sur les circonstances économiques qui m’ont mis dans cette situation. Je vous
remets la lettre que j’avais remise au rapporteur régional qui relate les mesures que nous
avions prises. En 2008/2009, nous avions perdu environ 150 000 € de CA. Il était difficile de
prendre des décisions radicales immédiatement car les difficultés ont été progressives. Nous
avions des emprunts importants. J’ai donc commencé par suspendre mon salaire, diminuer
celui de mon épouse. Notre holding a fait un apport de 40 000 € en avril 2009 et un autre
apport de 100 000 € en février 2010. J’ai dû également procéder au licenciement de
directeurs de sites qui nous ont permis de faire des économies importantes.
Jean Yves MOREAU : J’avais relevé dans les éléments de procédure devant la Chambre
régionale le fait que vous n'aviez alerté vos associés qu'au moment du contrôle fiscal. Or, je
note que des apports des associés ont cependant eu lieu en avril 2009 et février 2010, soit 6
mois avant le contrôle fiscal. Pouvez-vous me préciser ce point ?
L’expert-comptable : Ils étaient au courant des difficultés économiques mais pas du décalage
de TVA. Ils savaient que nous avions perdu de l’argent. Les apports des associés ont permis
de combler ce déficit.
Jean Yves MOREAU : A partir de quel moment il y a eu du décalage de TVA ?
L’expert-comptable : Ce décalage s’est reporté sur plusieurs années car il fallait notamment
reverser la TVA redressée au titre du précédent contrôle.
Jean Yves MOREAU : Vous avez fait état de mesures énergiques qui ont été prises. Lesquelles
?
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L’expert-comptable : L’arrêt de mon salaire, la baisse de salaire de mon épouse, les apports
financiers, les deux licenciements économiques. Je n’ai pas voulu utiliser la procédure de
sauvegarde parce qu’ayant déjà perdu 150 000 € de CA en douze mois, j’avais peur d’affoler
la clientèle. C’est aussi l’une des raisons pour lesquelles j’ai été amené à décaler de la TVA.
Jean Yves MOREAU : Quelle est votre situation économique actuelle ?
L’expert-comptable : Aujourd’hui, nous n’avons plus de dettes. Nous finissons de
rembourser notre dernier emprunt de rachat de clientèle en avril 2014. Je n’ai pas de salaire.
Je n’ai pas embauché de directeurs. Je travaille sur les deux sites avec une douzaine de
salariés.
Jean Yves MOREAU : Quelle est votre situation fiscale actuelle (tant à titre personnel que
professionnel) ?
L’expert-comptable : A titre personnel, je n’ai jamais eu de problème. Sur le plan
professionnel, nous sommes désormais très vigilants.
Jean Yves MOREAU: J’avais vu les comptes de EXPERTYS MEDITERRANEE qui dégageait des
résultats proches de zéro. Quels sont les résultats de la société en 2011 et 2012 ?
L’expert-comptable : Au 30 septembre 2011, 32 855 € de bénéfice et au 30 septembre 2012,
environ 15 000 € de bénéfice.
Jean Yves MOREAU : Avez-vous quelque chose à rajouter à l’issue de cette audition ?
L’expert-comptable : Conscient de la gravité des faits qui me sont reprochés, j’entends faire
amende honorable. Je ne me remettrai plus dans cette situation. Si de nouvelles difficultés
économiques devaient arriver, je ferais en sorte de réagir autrement. Je n’ai jamais eu
l’intention de ne pas payer cette TVA, c’était juste du décalage ».
Dans le mémoire qu'il a fait déposer au secrétariat de la Chambre nationale de
discipline, l’expert-comptable conteste la sévérité de la sanction prononcée à son encontre
en mettant en avant le fait qu'il n'avait jamais fait l'objet auparavant d'une sanction
disciplinaire, qu'il n'était pas en état de récidive, les manquements de 2008 n'ayant pas
donné lieu à des poursuites disciplinaires, qu'il n'est pas poursuivi pour fraude fiscale, que le
préjudice fiscal est intégralement réparé, qu'il a été « aveuglé, comme beaucoup de chefs
d'entreprise soumis à de fortes contraintes, de sauver à tout prix son cabinet et son
personnel ».
Le commissaire du Gouvernement sollicite à minima une sanction de suspension en
raison de la gravité du comportement de l’expert-comptable.
SUR CE, LA CHAMBRE NATIONALE DE DISICIPLINE
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Considérant que l’expert-comptable ne conteste pas la matérialité des faits et leur
caractère de faute disciplinaire ; qu'il a pour partie tenté de les dissimuler par des écritures
comptables irrégulières en transférant le montant de TVA sur le compte « débiteurs et
créditeurs divers » alors qu'il apparaissait auparavant en TVA à décaisser figurant au passif
du bilan; que loin de tirer les enseignements d'une précédente vérification laquelle déjà,
avait révélé des minorations de déclarations de chiffre d'affaires, il a renouvelé les mêmes
comportements ; que s'il s'est attaché à régulariser la TVA au titre des années 2008 et 2009,
peu de jours après avoir reçu l'avis de vérification, il s'est abstenu en revanche de régulariser
celle afférente à l'année 2007 dont il savait qu'elle allait se prescrire fiscalement en 2010 ;
Considérant que ces manquements renouvelés aux obligations de probité de son
serment constituent une faute disciplinaire dont la gravité justifie sinon la radiation assortie
de l'interdiction définitive d'exercer prononcée par les premiers juges une sanction de
suspension de cinq ans dont trois ans seulement assortis du sursis ; qu'il y a lieu également
d'ordonner la publicité de cette sanction dans la presse professionnelle, en l’espèce le SIC,
en application des dispositions de l'article 53 de l'ordonnance du 19 septembre 1945 ; qu'en
vue de sauvegarder les intérêts de la clientèle, conformément aux dispositions de l'article
305 du règlement intérieur de l'Ordre des experts-comptables, il y a lieu également de
reporter au 31 mars 2014 le point de départ de l'exécution de la partie ferme de la peine de
suspension ;
PAR CES MOTIFS
INFIRME la décision prononcée le 28 mars 2013 par la Chambre régionale de discipline de
Montpellier,
PRONONCE à l’encontre de M. l’expert-comptable la sanction de suspension pour une durée
de 5 ans, dont 3 ans avec sursis,
FIXE la prise d’effet de la sanction au 31 mars 2014,
ORDONNE à ses frais la publicité de la sanction dans le SIC,
DIT que la présente décision sera régulièrement notifiée à M. le Président du Conseil
régional de l’Ordre des experts-comptables de Montpellier, à M. le commissaire du
Gouvernement près le Conseil supérieur de l’Ordre des experts-comptables, à M. le
commissaire du Gouvernement près le Conseil régional de l’Ordre des experts-comptables
de Montpellier, à l’expert-comptable et à son avocat Me Denis LALOUX.
Fait et délibéré à Paris, le 19 décembre 2013
Lecture en audience publique, le 19 décembre 2013
A. M
J. BARTHOLIN
Conseil supérieur de l’Ordre des experts-comptables
Président de la Chambre nationale
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