Stéphane Audras, Marina Casula, Matthias Maillard, (mmaillia@univ
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Stéphane Audras, Marina Casula, Matthias Maillard, (mmaillia@univ
Stéphane Audras, Marina Casula, Matthias Maillard, ([email protected]), "Regards croisés entre informaticiens, politologues et sociologues sur l’émergence des Pays en MidiPyrénées" « Au dessus du sujet, au delà de l’objet immédiat, la science moderne se fonde sur le projet. Dans la pensée scientifique, la méditation de l’objet par le sujet prend toujours la forme du projet » Bachelard ème (Le nouvel Esprit Scientifique, PUF [1934] 1999 (6 édition) Quadrige p.15) Ainsi, toute recherche est un projet. Tout processus cognitif est aussi un projet. Des hommes et des connaissances Cette contribution est avant tout une réflexion collective sur une aventure humaine dans la connaissance. Elle n’est que l’émergence de points de vue sur une collaboration prolongée autour d’un objet d’étude potentiellement interdisciplinaire dans nos regards croisés. Précisons d’abord l’objet de notre collaboration scientifique. Celle-ci a pour vocation de mobiliser et de produire des connaissances autour de projets institutionnels localisés : l’émergence des pays en Midi-Pyrénées. L’implication des acteurs locaux, leurs orientations stratégiques participent à la définition des règles du jeu associé au montage organisationnel du projet. Ce dernier, en retour, nous renseigne sur les intérêts des acteurs et sur leurs modalités de participation. L’objet de notre recherche est donc de croiser une approche sociologique héritée des sciences de la complexité et de la sociologie de l’action organisée, avec une modélisation informatique inspirée du paradigme des systèmes multiagents. La simulation, à laquelle nous parvenons, cherche à appréhender l’auto-éco-ré-organisation que nous observons dans les phénomènes sociaux. Une lecture extérieure à cette scène pourrait être : « Voilà une proposition de communication collective (1) relatant un projet collectif (2) de recherche sur la participation d’acteurs locaux à un projet collectif (3), contraints, et expérimentant, un cadre juridique défini collectivement (4) ». Nous identifions ainsi 4 niveaux de travail collectif autour desquels nous allons structurer notre communication et repérer le qui, le quoi et le comment, c'est-à-dire les hommes, leurs connaissances et leurs actions. Nous y reviendrons tout au long de notre présentation, axant sur notre pratique de l’interdisciplinarité (2), en nous appuyant sur les niveaux (3) et (4). Connaître l’autre pour interagir Bien que notre collaboration s’articule autour d’objets d’étude communs, nous évoluons dans des univers discursifs étrangers et étranges, qu’il est difficile d’explorer sans y être initié. Un goût commun pour le paradigme de la complexité permet, à travers quelques références communes, de communiquer de façon imagée sur nos activités de recherche, nos méthodes, nos indicateurs et nos communautés scientifiques respectives. Le sociologue peut se retrouver dans l’incapacité de comprendre la façon dont l’informaticien construit son objet de recherche et réciproquement. Nous présentons donc la question de la construction d’un langage partagé– tout en essayant de le pratiquer - à partir de terminologies différentes tant par leur structure que par l’univers et l’objet du discours. Dans ce cadre nous nous proposons de présenter deux catégories de processus de coordination nécessaire à la construction d’une connaissance commune, d’un référentiel commun. - Un processus délibératif permet l’établissement d’un langage commun tentant de réduire les ambiguïtés étymologiques et épistémologiques grâce à l’application du paradigme du tableau noir. - Un processus d’adaptation, s’apparentant au recuit (Le recuit est à l’origine une technique de transformation physique d’objets métalliques permettant de leur faire atteindre des états particuliers (dureté exceptionnelle, élasticité…) par des variations d’entropie (réchauffer/refroidir) permettant le relâchement de contraintes internes aux systèmes.), basé sur l’alternance entre l’établissement et le relâchement de contraintes, règles, ou normes, toutes trois s’exprimant dans un langage. Les langages formels informatiques et les théories sociologiques se différencient principalement par l’aspect structuré et discursif des énoncés produits, source d’ambiguïtés pour un non-initié, et leurs pouvoirs expressifs respectifs. Quelles hypothèses, quelles simplifications « utiles » se dissimulent derrière l’utilisation des concepts ? Le lecteur peut alors comprendre que le recuit s’est imposé à chacun de nous comme une régulation naturelle de notre incompréhension mutuelle. Outre l’intérêt scientifique de notre projet de recherche collectif, notre travail ouvre la voie à de nouvelles pratiques de l’inter-disciplinarité. Au delà d’une collaboration entre les différentes sciences du social, elles se doivent de relier les sciences « dures » aux sciences « molles ». En effet, notre position épistémologique nous amène à penser que le cloisonnement des disciplines renvoie au cloisonnement des pensées. Aussi l’inter-, la pluri-, voire la trans-disciplinarité nous semble constituer le défi contemporain de la recherche en sciences humaines et sociales.