1317-2017 : le diocèse de luçon le pape jean xxii (1316

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1317-2017 : le diocèse de luçon le pape jean xxii (1316
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1317-2017 : LE DIOCÈSE DE
LUÇON
Le 13 août 1317, le pape Jean XXII décidait de créer les diocèses de Luçon et de Maillezais.
Ceux-ci sont désormais dissociés du diocèse de Poitiers. Les créations de ces deux diocèses font partie
d’une réforme qui conduit à la création d’un archevêché et de 16 évêchés en 1317 et 1318, tous situés au
sud d’une ligne allant de Lyon à Poitiers. Qu’est-ce qui a pu amener le nouveau pape, élu en 1316, à
redistribuer la carte des diocèses français ? Il n’y avait pas eu de création de diocèse depuis 1244, à
l’exception de Pamiers en 1295.
LE PAPE JEAN XXII (1316-1334)
M. le cardinal Jacques DUEZE est né en 1244 à Cahors, il décèdera à Avignon en 1334, âgé de
90 ans. Avant de devenir pape, Jacques Dueze, religieux dominicain, a été ordonné évêque de Fréjus, le 4
février 1300, puis transféré à Avignon. Il était issu d’un milieu marchand, ce qui lui confère une réelle
expérience comptable. Il fait des études de droit à Paris, Orléans où il obtiendra le titre de docteur en
droit. Il entre à la cour du Comte de Provence, roi de Sicile (Charles II) Il deviendra trésorier de l’évêque
de Toulouse, puis conseiller royal en 1297.
L’expérience épiscopale à Fréjus sera profitable au futur pape. Il est très présent dans son
diocèse, un diocèse bien doté financièrement. Pour obtenir le poste épiscopal de Fréjus, il devra compter
sur l’appui du roi, car les milieux locaux lui étaient hostiles. Il met en place un réseau d’ecclésiastiques
qui lui sont familiers, pas seulement des membres de sa famille quercynoise, mais des nobles provençaux.
Il est remarqué par le pape Clément V, originaire de Bordeaux. Clément V le choisit comme modérateur
dans des questions juridiques. Jacques Duèze est reconnu comme un bon diplomate. Il effectue des
visites pastorales dans son diocèse de Fréjus.
Le 18 mars 1310, il est nommé évêque d’Avignon, puis promu cardinal en 1312. On note, dans
sa formation, quelques insuffisances sur le plan théologique, ce qui le conduira, durant son pontificat, à
quelques imprudences quand il s’est exprimé sur la pauvreté du Christ, ou la vision béatifique. Ces deux
réflexions engageront des controverses.
L’élection de Jacques Duèze comme pape crée la surprise. Il était à Lyon, et montrait peu
d’empressement à se rendre à Avignon pour élire le successeur de Clément V. On considérait également
que Jacques Duèze était trop âgé (72 ans). Finalement, il se rend à Avignon « pour faire un pape », pas
pour « devenir pape ». Il est soutenu par Philippe Le Long (Philippe de Poitiers), futur roi de France.
Très vite Jean XXII s’entoure de proches, de membres de sa famille qu’il nomme cardinaux. On
trouve, dans son entourage, peu de prélats du diocèse de Fréjus.
Jean XXII s’installe à Avignon car c’est un lieu favorable pour la chrétienté. Il envisage de
refaire les forces de l’Eglise, de remettre de l’ordre dans l’administration ecclésiale. Quand tout aurait pris
un nouvel élan, il pourrait s’installer à Rome, en passant par Bologne. Mais c’est un projet qui ne se
concrétisera pas complètement.
Jean XXII favorise la paix entre les souverains qui pourront se rassembler pour une nouvelle
croisade. Il favorise les constructions d’églises, de chapelles. La ville d’Avignon profite du choix du pape,
elle se développe sur le plan économique.
Jean XXII obtient la démission de l’archevêque d’Aix (Mauvoisin) accusé de « sortilèges et
divination ». Il place des amis à la tête de ce diocèse. On ignore ce qu’est devenu Mauvoisin.
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La ville de Florence est en révolte car le légat du pape, Bertrand du Pouget, se montre
intransigeant, trop autoritaire. Jean XXII commence par « abattre » les puissants seigneurs, pour
constituer une ligue au nord de l’Italie, mais ses projets sont contrariés par des trahisons, une épidémie.
L’armée de Jean XXII est constituée de troupes venant du Sud-Ouest de la France (le Quercy), de
l’Aragon, du Sud de l’Italie (le roi de Provence est aussi roi de Naples). Jean XXII envisage de s’installer
à Bologne, mais les seigneurs, favorables au projet de création de ligue du Nord de l’Italie, aspirent à la
paix. Seul le pape peut leur procurer cette paix. Jean XXII, finalement, renonce à s’installer à Bologne, et
donc à aller s’installer à Rome.
CRÉATION DU DIOCÈSE DE LUÇON
Le pape Jean XXII ne connaissait pas le Poitou, à la différence de son prédécesseur, Clément V,
originaire de Bordeaux. Après le décès de Clément V, le siège papal est vacant pendant 2 ans, 3 mois et
18 jours. Après l’installation du pape Jean XXII à Avignon, on verra deux personnalités poitevines
influentes dans son entourage : le cardinal Arnaud d’Aux et le Chancelier Jean Cherchemont. Arnaud
d’Aux a été évêque de Poitiers de 1307 à 1312, est promu cardinal en 1312, et devient proche du pape
Jean XXII jusqu’en 1319, date du décès du cardinal.
Le démembrement du diocèse de Poitiers fait partie d’une réorganisation d’ensemble. Le pape
attend du nouvel évêque de Luçon qu’il soit un « Pasteur, maître de la moisson ». Or le diocèse de
Poitiers est beaucoup trop grand pour que le titulaire puisse assurer convenablement cette mission. Dans
la bulle du 13 août 1317, on ne fait aucune allusion à des préoccupations financières.
Les monastères de Luçon et de Maillezais, installés dans un milieu urbain, sont dotés d’une belle
église abbatiale. Tous les deux sont dotés de façon très convenable et assureront au nouvel évêque des
revenus suffisants et contribueront à l’enrichissement de la bourgeoisie locale. Le pape a des
recommandations élogieuses concernant les deux évêques « témoignages dignes de foi ». Il se trouve que
Pierre de la Voirie et Geoffroy Pouvreau séjournent à Avignon en 1317, mais on en ignore la raison.
Pierre de la Voirie, abbé du monastère Sainte-Marie de Luçon devient le premier évêque de Luçon. Il en
est de même pour Geoffroy Pouvreau à Maillezais.
Une remarque : le pape Clément V avait reçu un très bon accueil lors d’un passage à Luçon, à tel
point qu’il avait prolongé son séjour d’une nuit. L’abbé du monastère était, à ce moment-là, Pierre de la
Voirie.
Parmi les autres raisons évoquées, on notera la volonté de démembrer des diocèses trop
importants, et souvent très puissants. Dans le cas de Poitiers, on découvre un diocèse qui regroupe 1
million d’habitants, très étendu, un des diocèses les plus vastes de France. Le diocèse de Poitiers est l’un
des plus riches de l’Ouest. Dans la redéfinition du diocèse de Poitiers, le pape Jean XXII a laissé une
place importante au diocèse de Poitiers proprement dit (ce qui est toujours le cas, avec un diocèse qui
s’étend sur deux départements, les Deux-Sèvres et la Vienne), et les deux nouveaux diocèses aux
dimensions modestes.
Diocèse
doyennés
archiprêtrés
abbayes
prieurés
paroisses
Poitiers
?
?
34
275
750
Luçon
4
1
13
122
245
Maillezais
4
1
8
146
225
3
On voit que le démembrement accorde une large prépondérance au diocèse de Poitiers. Les diocèses de
Luçon et de Maillezais ont une importance à peu près égale. Par contre, une anomalie saute aux yeux
quand on consulte la carte géographique : les deux évêchés de Luçon et de Maillezais sont très excentrés
par rapport à l’étendue de leur diocèse. On se trouve devant une contradiction par rapport à l’objectif du
pape Jean XXII « avoir un pasteur plus proche de ses fidèles ». Il semble que le pape ait été plus soucieux
de la situation matérielle (avec deux abbayes bien dotées) que de la situation spirituelle.
Conséquences du démembrement du diocèse de Poitiers
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Il n’y a pas de conflits entre les trois diocèses.
Les évêques de Luçon et de Maillezais doivent rendre hommage à l’évêque de Poitiers. Cette
concession a pour but d’atténuer les effets négatifs du démembrement sur le diocèse de Poitiers.
Celui-ci garde une certaine prépondérance sur les deux nouvelles créations.
L’évêque de Maillezais obtient l’autorisation de Philippe Le Long d’organiser un marché
hebdomadaire dans sa cité épiscopale, cela favorise la prospérité économique de la cité.
La succession de Pierre de la Voirie (décédé le 12 novembre 1333) pose quelques soucis au pape
Jean XXII. Finalement, le chapitre s’incline devant la volonté du pape qui impose Regnault de
Thouars, du diocèse de Troyes, comme deuxième évêque de Luçon.(Le chapitre avait élu Itier
Forestier, du diocèse de Luçon comme nouvel évêque).
Le pape Jean XXII accorde des compensations à Fort d’Aux, qui obtient des faveurs du pape
comme la dispense de résidence pendant 5 ans qui lui permettra de poursuivre une formation
juridique, pour ses neveux la permission de vendre une partie de forêt, ou pour Guillaume Géraud
D’Aux la détention de 2 paroisses dans le diocèse de Carcassonne. C’était le prix à payer pour
faire accepter le découpage du diocèse de Poitiers.
Jean Cherchemont cumule de nombreux bénéfices, entre autres le doyenné de Mareuil (qui
incluait, à ce moment-là, la ville de Luçon), mais peu de temps après, le doyenné de Mareuil qui
est trop vaste perdra la ville de Luçon. Jean Cherchemont, toujours mécontent, obtiendra
l’archiprêtré de Melle.
Les deux évêchés nouvellement créés, avec les droits nouveaux que cela engendre, peuvent
contrebalancer le pouvoir de grandes abbayes comme saint-Michel-en-l’Herm.
Le pape Jean XXII étend ses droits en Poitou, place des clercs quercynois. Mais ces nominations
ne sont pas opportunes, ces clercs ne connaissent pas la langue du Poitou (il faudra attendre 1539,
pour que la France aille vers une unité de langue, c’est l’édit de Villers-Cotterets)
Ces ecclésiastiques sont surtout préoccupés par la perception de leurs bénéfices. L’abbé de SaintSavin a roué de coups le curé de Nesmes, réduit à la portion congrue, trop pauvre pour s’acquitter
de ses taxes. Il eut les bras et les jambes brisées et mourut trois jours plus tard.
On note une baisse des vocations, avec pour conséquence la fermeture de quelques prieurés, mais
aussi la baisse des dons faits au clergé.
C.Loisy (avril 2014)
Références :
- « Jean XXII et le Midi », cahier de Fanjeaux n° 45
- « Jean XXII et le Poitou », par Robert Durand, Bulletin de la Société des Antiquaires de
l’Ouest,1967
- « Création du diocèse de Luçon », mémoire de Jean-Nicolas Rondeau, 1995
Parmi les diocèses créés en 1317-1318, il ne reste plus que Luçon, Tulle, Saint-Flour – Montauban –
Pamiers, comme diocèses de plein exercice.
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