Chapitre 6 : la fission
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Chapitre 6 : la fission
Chapitre 6 6-1 fission Chapitre 6 : 6.1 la fission La fission: spontanée ou induite ♦ Pour certains éléments instables lourds, à côté de la désintégration α, peut se produire un autre type de désintégration: la fission spontanée (cf. § 5.1). Elle consiste en la division du noyau lourd en 2 noyaux de Z inférieur, de masse comparable, appelés fragments : A Z X → A1 Z1 Y + AZ22 Y2 + k 10 n 1 Dans l'état final, on trouve également quelques (k = 2 - 3) neutrons excédentaires. Exemple d'instabilité multiple: 235U T1/2α ≈ 7 108 ans T1/2fis ≈ 1017 ans ! La demi-vie T1/2 pour la fission spontanée est plus grande que celle de la radioactivité α car, pour les noyaux naturels, la probabilité de fission est très faible, à cause de la barrière de potentiel qui s'oppose à la séparation des 2 nouveaux noyaux (cf.§ 6.4.2). Sa manifestation s'explique essentiellement par la diminution de l'énergie de liaison par nucléon lorsque le nombre A augmente (cf. §1.6). ♦ On peut provoquer la réaction nucléaire de fission (alors appelée fission induite) des noyaux lourds en les bombardant par des neutrons (plus rarement par d'autres particules : γ, ions lourds). Exemple: 1 0 n+ 235 92 neutron lent U → 236 92 U → A1 Z1 → 92 36 Y1 + AZ22 Y2 + k 10 n + Q 1 Kr + 141 56 Ba + 30 n + Q NB 84 Kr 137 Ba stables neutrons rapides Ce processus de fission a été découvert par Hahn et Strassman en 1939. Ils constatèrent que le bombardement de noyaux d'uranium par des neutrons produisait des éléments appartenant au milieu du tableau périodique et non des éléments transuraniens comme ils s'y attendaient. Les fragments de fission Y1 et Y2 n'ont pas un nombre de masse identique. La fission symétrique (A1 = A2) est en fait très peu probable. Les nombres A des 2 noyaux formés peuvent varier dans des limites assez larges et la probabilité d'obtenir un fragment de fission de nombre de masse A déterminé se voit sur les courbes de la figure cicontre. La fission la plus probable donne des noyaux dont les nombres de masse sont ≈ 95 et ≈ 139. Chapitre 6 6-2 fission Le déroulement temporel d'une fission induite peut se schématiser comme suit : Émission instantanée de neutrons Modèle de la goutte liquide pour le noyau et modèle du noyau composé pour la réaction de fission: le neutron capturé forme avec le noyau initial un noyau composé dans un état excité tel qu'il est soumis à de violentes vibrations qui finissent par le déformer (goutte ellipsoïdale) et le briser : 2 fragments dans des états excités sont formés (des désexcitations par émission de γ se produisent alors quasi instantanément) et quelques neutrons rapides sont émis instantanément. Les 2 fragments de fission sont instables : comme ils gardent quasi le même rapport N/Z que le noyau initial (pour un A plus petit), ils sont trop riches en neutrons pour être stables et sont donc des émetteurs β-. 6.2 Emission de neutrons et radioactivité des produits de fission En résumé, comme le rapport N/Z augmente lorsque Z augmente (ligne de stabilité), il existe, lors de la fission, un excès de neutrons (≈20). Ceci amène 3 conséquences importantes : 1./ La réaction de fission s'accompagne de l'émission instantanée de quelques neutrons (≈ 2 - 3 dans le cas de 235U). Ces neutrons sont émis dans un intervalle de temps de ≈ 10−14s. Leur spectre en énergie (figure cicontre) s'étend pratiquement jusqu'à 10 MeV, les énergies les plus probables se situant autour de 1 MeV. 2./ Les 2 fragments de fission sont des noyaux instables, radioactifs émetteurs β- (transformations "n → p") : AZ X → AZ+1Y + e − + νe Chapitre 6 6-3 fission 3./ La fission donne souvent naissance à l'émission de neutrons retardés (cf. chp5 §5.1 tableau des différents types de désintégration radioactive : β - n émetteurs). Cette émission a une intensité qui décroît dans le temps suivant une loi exponentielle, donc caractérisée par une certaine demi-vie. En réalité, cette émission retardée est liée aux transformations radioactives des fragments de fission. Elle intervient lorsqu'un noyau intermédiaire de la filiation radioactive est formé dans un état d'excitation suffisant pour émettre un neutron. 87 Kr* Ex : phénomène de fission ayant produit 87Br (radioactif β− et T1/2 = 56s). Le 87Br donne du 87Kr par transition β− : - dans son état fondamental (RB = 30%) - dans un état excité (RB = 70%) 87Kr* La désexcitation du 87Kr* peut avoir lieu soit par émission γ (5,4 MeV) vers le fondamental du 87Kr: 87 Kr* → 87Kr + γ soit par émission d'un neutron de 0,3 MeV vers le 86 87 Kr stable: Kr* → 86Kr + n Ce neutron est qualifié de retardé. Ce processus est caractérisé par une loi exponentielle avec demi-vie de 56 s. Pour l'uranium 235, on a pu dénombrer 6 groupes de neutrons retardés; chacun de ceux-ci étant caractérisé par une demi-vie. La probabilité d'émission de neutrons retardés est toujours faible (< 1%); il s'ensuit que les neutrons instantanés constituent plus de 99% des neutrons émis par fission. La présence de neutrons retardés est cependant très importante dans le contrôle d'une réaction en chaîne (réacteurs nucléaires cf. § 6.6.1). Chapitre 6 6.3 6-4 fission Energie libérée par la fission induite: n + X → Y1 + Y2 + (k)n L'énergie libérée lors d'une réaction de fission est donnée par le Q de la réaction et dépend donc des 2 fragments de fission formés : 2 d i E f = Q = mn + M X − M Y1 − M Y2 − k ⋅ mn c Il est à noter que la valeur de l'énergie libérée est élevée. En effet, comme l'énergie de liaison par nucléon est de ≈7,6 MeV pour les noyaux lourds et de ≈8,5 MeV pour les noyaux moyens (A ≈ 120), on peut ainsi estimer l'augmentation de l'énergie de liaison: 240 × (8,5 − 7,6) ≈ 220 MeV. Dans le cas de l'235U, elle vaut 202 MeV. Cette énergie est libérée lors de la fission et se retrouve sous forme d'énergie cinétique des fragments de fission ou de rayonnements divers (cf. tableau cidessous). Une quantité de 176 MeV est libérée lors de la fission proprement dite en se répartissant principalement en énergie cinétique des fragments de fission (94%), en énergie cinétique des neutrons instantanés (3%) et en énergie des photons γ de désexcitation des fragments de fission (3%). Après la fission, une certaine quantité d'énergie est libérée lors des radioactivités successives (Ecin des β + Eγ émis en cascade avec β + Eν) des produits de fission. Elle peut varier dans des limites assez larges et vaut en moyenne 26 MeV. Il est à noter qu'une partie de cette énergie, celle des neutrinos (plus exactement des antineutrinos ν ) n'est pas utilisable (≈ 10MeV). @ en résumé, la fission de 235U et les réactions consécutives libèrent ≈ 200 MeV dont ≈190 MeV utilisable. Si on suppose qu'il se produit 3,3 1010 fissions par seconde, cela conduit à la production de 1 Watt de puissance. Energie moyenne libérée dans la fission d'un noyau de 235U Energie cinétique des fragments de fission (A ≈ 95 et 140) (165 ± 5) MeV Energie cinétique des neutrons (émission instantanée) 5 Emission instantanée de rayons γ (≈5) 6 ± 1 Energie cinétique des particules β (≈ 7) 8 ± 1,5 Emission de rayons γ de désexcitation 6 ± 1 Energie cinétique des antineutrinos 12 ± 2,5 Energie totale libérée (Q de la réaction) (202 ± 7) MeV 176 26 Chapitre 6 6.4 6.4.1 6-5 fission Conditions de fission Barrière de fission ♦ Puisque l'énergie libérée lors de la fission est importante, on pourrait croire que la probabilité de fission spontanée est importante. En réalité, comme pour la radioactivité α, il existe une barrière de potentiel qui rend peu probable la fission spontanée des noyaux dont le nombre de masse A est inférieur à ≈250. Pour évaluer la barrière de potentiel, envisageons le cas d'une fission symétrique, avec Ef l'énergie libérée par cette fission symétrique, et étudions l'énergie potentielle des 2 fragments de fission, en fonction de la distance d qui sépare leurs centres. Noyau composé initial 2 fragments de fission symétriques Région I région II région III On utilise ici des arguments basés sur le modèle de la goutte liquide (qui a permis d'établir la formule semi-empirique de l'énergie de liaison par nucléon). On part du noyau composé initial et on calcule son énergie potentielle lorsqu'on le déforme jusqu'à le scinder en 2 noyaux symétriques. Si on se limite à des déformations simples, on caractérise la déformation par un seul paramètre : la distance d qui sépare les centres des charges qui constitueront les 2 fragments symétriques. ♦ I Pour d = 0, énergie potentielle = énergie de fission. Notons que cette énergie ne devient positive que pour A ≥ 85. Epot = Ef ♦ II Lorsque d augmente, le noyau se déforme. L'énergie potentielle s'exprime comme la somme de 2 termes : un terme dû aux forces nucléaires et un terme correspondant aux forces de Coulomb: 2 1 Z⋅e E pot ∝ S ⋅ τ + 4 πε 0 d 2 er 1 terme : énergie potentielle nucléaire où τ est lié à la "tension superficielle" nucléaire (énergie par unité de surface) et S la surface du noyau (au départ = 4πR2, R= rayon du noyau) @ terme qui va augmenter lors de la déformation jusqu'à d = 2R. 2ième terme : énergie coulombienne ou électrostatique entre les 2 charges Ze/2 situées à une distance d @ terme qui va diminuer lors de la déformation. FG IJ H K ♦ III Pour d → ∞, Epot → 0. @ Après calculs, on obtient les courbes présentées ci-après pour différents noyaux initiaux. Chapitre 6 6-6 fission On peut observer que : ♦ Pour des noyaux dont A ≤ 250 : l'énergie potentielle passe par un maximum (Emax), pour une certaine distance d c-à-d une certaine déformation du noyau initial. Ceci génère une barrière de potentiel de hauteur (Emax − Ef), appelée barrière de fission qui s'oppose à la fission des noyaux naturels, et on constate que cette barrière est d'autant plus faible que A est grand. Emax − Ef représente l'énergie qu'il faut pratiquement fournir au noyau initial pour provoquer la fission. Au-dessous de cette énergie, la fission peut avoir lieu, mais avec une faible probabilité à cause de la traversée de la barrière de potentiel par effet tunnel. C'est pour cette raison que la fission spontanée des noyaux lourds naturels ne se produit pratiquement pas. barrière de fission ≈ 6 MeV - barrière de fission ≈ 50 MeV ♦ La barrière de fission d'un noyau d'uranium est légèrement inférieur à 6 MeV : • • 235 238 U ([C] = 236U) : 5,3 MeV U ([C] = 239U) : 5,9 MeV ♦ Pour des noyaux dont A est supérieur à ≈250, la barrière de fission (Emax = Ef) est nulle et la fission spontanée peut donc se produire sans apport d'énergie. Chapitre 6 6-7 fission 6.4.2 Seuil de fission par neutron lent ou rapide ♦ Pour réaliser la fission des noyaux lourds naturels, avec une probabilité suffisante, il faut fournir au noyau une énergie égale ou supérieure à la barrière (Emax − Ef). Si un neutron lent (Tcin neutron ≈ 0) pénètre dans le noyau et forme avec lui un noyau composé, il y apporte une énergie qui est égale à l'énergie de liaison de ce neutron dans le noyau composé. Cette énergie peut être supérieure à la hauteur de la barrière @ la fission peut se produire. Tn ≈ 0 MU+Mn Eexc = Eb M[C] ♦ L'énergie de liaison du neutron dans le noyau composé représente en fait l'énergie d'excitation Eexc[C] du noyau composé et est donnée par : E liaison n dans[C] e j = E exc[C] = m n + M A U − M A +1 [U] c 2 @ Pour que la fission puisse se produire sous l'effet de neutrons lents (Tcin = 0,025 eV ≈0), il faut : Eexc[C] ≥ (Emax − Ef) • 235U ([C] = 236U) : Eexc[C] = 6,4 MeV (> b.f. = 5,3 MeV@ fission par neutron lent a lieu) • 238U ([C] = 239U): Eexc[C] = 5,2 MeV (< b.f. = 5,9 MeV @ fission n'a pas lieu) ♦ Eexc[C] sera spécialement grand lorsqu'en ajoutant un neutron, on rend pair le nombre de neutrons du noyau composé (car on réalise alors un bon couplage des spins). @ Eexc[C] est plus important pour les noyaux dont le nombre de neutrons N = (A − Z) est impair au départ @ on a intérêt à utiliser des noyaux de N = (A−Z) impair @ on parle de noyaux FISSILES par des neutrons lents ♦ Il existe 3 matériaux fissiles par neutrons lents : 235 U 233U 239Pu De ces 3 radio-isotopes α de longue demi-vie, fissiles par neutrons lents, seul 235U se trouve dans la nature. • 233U sera formé par capture radiative d'un neutron par le 232Th : 1 232 ⎯ ⎯→ 233 0 n + 90 Th 90 Th + γ • 233 90 Th ,1 min ⎯22⎯⎯ → 233 91 Pa + 0−1e − avec 233U T1/2 = 1,62 105 ans jours 0 − ⎯⎯ ⎯→ 233 Pa ⎯27,4 92 U + −1e • 239Pu sera formé par capture radiative d'un neutron par le 238U : 1 238 ⎯ ⎯→ 239 0 n + 92 U 92 U + γ 233 91 239 92 U min ⎯23,5 ⎯⎯ → 239 93 Np + 0−1e − avec 239Pu T1/2 = 24 400 ans jours 0 − ⎯⎯ → 239 Np ⎯2,3 94 Pu + −1e @ l'uranium 238 et le thorium 232 sont appelés matériaux FERTILES car, par capture radiative d'un neutron, ils peuvent se transformer en isotopes FISSILES par des neutrons lents. 239 93 ♦ Les noyaux pour lesquels Eexc[C] < (Emax − Ef) ne sont pas fissiles par des neutrons lents; par contre, si l'énergie cinétique initiale des neutrons est suffisante, ces noyaux peuvent également subir le phénomène de fission @ on parle alors de fission par des neutrons rapides. Eseuil = (Emax − Ef) − Eexc[C] Le seuil en énergie est égal à : 238 Exemples : U Eseuil = 0,7 MeV (5,9−5,2) 230 Th Eseuil = 1,2 MeV 232 Th Eseuil = 1,7 MeV 231 Pa Eseuil = 0,1 MeV Chapitre 6 6-8 fission 6.5 Section efficace de fission induite Il est intéressant de comparer la section efficace de fission et la section efficace totale de réaction nucléaire n + X → Y + b dans les cas de 235U & 238U : Ecin ♦ Pour 235U fissile par n lent il n'y a pas de seuil de fission @ on voit que la section efficace de fission est d'autant plus grande que l'énergie cinétique des neutrons incidents est petite (en dehors des résonances) Id. pour σtot : ↓ quand Ecin neutron ↑ Pour des n lents (Ecin = 0,025eV) : σtot ≈ 700 b & σf ≈ 600 b Rappel : U naturel constitué de - 99,28 % 238U - 0,714 % 235U - 0,0057 % 234U ♦ Pour 238U fissile par n rapide σf = 0 jusque Tcin ≈ 1eV (seuil de fission) σf ≈ 1b pour Tcin ≥ 1eV σtot ≈ 10 b jusque Ecin ≈ 7eV + présence de pics de résonance très importants (capture radiative : n + 238U → 239U +γ ) naturel Ecin Chapitre 6 6-9 fission 6.6 Réactions en chaîne & Réacteurs 6.6.1 Caractéristiques des réaction en chaîne ♦ Les neutrons émis lors de la fission peuvent évidemment engendrer de nouvelles fissions : @ la possibilité de réactions en chaîne comme schématisé ici. Schématisation de la réaction en chaîne ♦ Cependant, quelques considérations supplémentaires s'imposent : 1/ la section efficace de fission est maximale pour des neutrons lents (235U) Comme les neutrons sont émis avec une énergie voisine du MeV (→ neutrons extrêmement rapides), la section efficace de fission est faible. Dans le cas d'un isotope fissile par neutrons lents1, on peut augmenter la probabilité de fission en ralentissant les neutrons jusqu'au domaine thermique. On utilise pour cela un modérateur ou ralentisseur. Le meilleur modérateur serait l'hydrogène 11 H compte tenu de sa similarité de masse avec les neutrons. En effet, l'énergie maximale transférable dans un choc élastique neutron-noyau de ralentisseur est donnée par: 4 m mn T ∆E = 2 0n m + mn avec m = masse du noyau de ralentisseur, mn = masse du neutron, T0n = énergie cinétique du neutron avant le choc. On voit aisément que si m ≈ mn, ∆E = T0n @ le neutron peut céder toute son énergie au noyau. L'hydrogène n'est cependant pas couramment employé comme modérateur car il possède une très forte probabilité d'absorption de neutrons. On lui préfère le deutérium 12 H contenu dans l'eau lourde ou du carbone 12 6 C du graphite. b g 2/ éviter que les neutrons ne soient absorbés lors du ralentissement2. Les neutrons émis peuvent provoquer une réaction nucléaire autre que la fission ou être absorbés par d'autres atomes que ceux de l'uranium 235. En particulier, compte tenu de l'abondance naturelle de l'uranium 238 (99,3%) c'est celui-ci qui absorbe la plus grande partie des neutrons pour effectuer 239 une réaction qui n'est pas de fission, comme la capture radiative : n + 238 92 U → 92 U + γ Dans les réacteurs, on utilise donc souvent de l'uranium enrichi dans lequel la concentration en 235U a été artificiellement augmentée. 1 Lorsqu'on utilise l'uranium naturel, on le considère comme matériau fissile bien que seul 235U soit fissile par des neutrons thermiques. 2 Dans le cas de l'uranium naturel, il faut éviter les importantes résonances de capture dans 238U (entre 1 et 100 eV) @ il faut ralentir les neutrons en dehors de l'uranium (réacteur hétérogène). Chapitre 6 fission 6 - 10 3/ faire en sorte que suffisamment d'uranium soit présent pour absorber efficacement les neutrons produits avant qu'ils ne s'échappent. Cette quantité minimale est appelée "masse critique" et dépend du combustible ainsi que de son enrichissement. Pour l'uranium et pour le plutonium, les masses critiques sont de l'ordre de quelques kg. Pour obtenir une réaction en chaîne auto entretenue, il faut que le nombre de neutrons moyens produits dans une réaction de fission et en déclenchant une autre (facteur de multiplication appelé f) soit ≈1. Si f < 1, on dit que la réaction est sous critique ou divergente. Si au contraire f > 1, la réaction peut très rapidement devenir explosive. @ Il faut maintenir f très légèrement supérieur à 1 pour auto-entretenir la réaction sans la laisser devenir explosive. On joue sur le facteur f en plaçant des barres de contrôle (en Cadnium ou en Bore = absorbeurs de neutrons) dans le réacteur. Ces barres sont plus ou moins enfoncées dans le cœur du réacteur, comme schématisé sur la figure cidessous. Schéma du cœur d'un réacteur NB Compte tenu de la durée de vie extrêmement courte du noyau composé (≈ 1 ps), il serait en principe impossible de réagir suffisamment rapidement pour contrôler la réaction. C'est ici que l'on note le rôle important des neutrons retardés (≈1% de la totalité des neutrons émis) qui sont émis avec un retard de l'ordre de quelques secondes. Schématisation de la réaction contrôlée Chapitre 6 6 - 11 fission 6.6.2 Configuration d'un réacteur pour la production d'électricité ♦ La figure ci-dessous présente une configuration typique de réacteur. Condenseur 6.6.3 Phénomènes secondaires importants ♦ Un réacteur nucléaire ne peut se comporter comme une bombe nucléaire car les matériaux utilisés ne sont pas des matériaux suffisamment enrichis. ♦ L'absence de contrôle efficace peut amener un échauffement trop grand du cœur du réacteur, allant jusqu'à sa fusion, comme cela s'est produit à Tchernobyl. Une grande quantité de produits radioactifs sont alors libérés dans l'atmosphère qui peuvent contaminer des grandes surfaces. Le fonctionnement normal d'une centrale nucléaire devrait en principe éviter ce type d'accident par un contrôle approprié. ♦ Un grand nombre de produits radioactifs sont formés, que l'on peut classer en 2 grandes catégories: les produits de fission (atomes trop riches en neutrons @ hautement radioactifs), qui sont des noyaux légers instables et qui vont se désintégrer avec des constantes de temps plus ou moins longues et les produits de capture qui sont des noyaux lourds produits par capture d'un ou de plusieurs neutrons par des noyaux d'uranium. La 1ière catégorie comprend le césium 137 (T1/2 ≈ 30 ans), le cobalt 60 (T1/2 ≈ 5 ans), le strontium 90 (T1/2 ≈ 30 ans) , le fer 55 (T1/2 ≈ 2,5 ans). La seconde catégorie comprend du neptunium 237 (T1/2 ≈ 2 millions d'années), le plutonium 239 (T1/2 ≈ 24 000 ans), l'américium 243 (T1/2 ≈ 7400 ans), l'américium 241 (T1/2 ≈ 430 ans). Il faut impérativement éviter que ces radio-éléments ne se trouvent émis dans l'atmosphère car leur radioactivité les rend très dangereux. De plus, il existe des produits d'activation qui sont causés par l'irradiation des structures du cœur du réacteur. @ Il est nécessaire de stocker ces produits radioactifs dans des conditions très strictes de sécurité pour éviter toute pollution. Les produits de fission ou d'activation qui ont une durée de vie assez courte sont stockés en surface dans des fûts en béton tandis que les radioéléments à longue demi-vie sont stockés en profondeur. ♦ L'accumulation de la radioactivité empêche le fonctionnement d'une centrale nucléaire sur une période de plus de 30 ans. En effet, la structure même de la centrale est affaiblie par la très forte irradiation qu'elle subit. ♦ Une centrale nucléaire doit être mise hors service avec beaucoup de précautions. Chapitre 6 fission 6 - 12 6.7 Note sur les réactions de fusion des noyaux légers La courbe de l'énergie de liaison par nucléon montre pourquoi les réactions de fission des noyaux lourds libèrent de l'énergie importante en transformant le noyau initial en 2 noyaux mieux liés (A plus petit). A l'autre extrémité de la courbe, soit pour des noyaux très légers, on peut prévoir qu'il existe des réactions où 2 noyaux légers puissent fusionner et ainsi libérer une énergie appréciable en formant un noyau mieux lié (A plus grand). De telles réactions nucléaires se passent dans les étoiles sous l'effet de l'agitation thermique qui y règne et qui donne aux noyaux une énergie cinétique suffisante pour provoquer ces réactions, appelées thermonucléaires, avec une probabilité suffisante. Celles-ci sont la cause du dégagement considérable d'énergie engendré dans les étoiles (soleil). Dans le but de réaliser et de contrôler de telles réactions thermonucléaires pour produire de l'énergie utilisable, on considère les réactions suivantes : 2 2 3 1 (1) 1 H + 1 H → 1 H + 1 p + 4 ,03 MeV 2 2 3 1 (2) H + H → He + n + 3 , 27 MeV 1 1 2 0 2 3 4 1 (3) 1 H + 1 H → 2 He + 0 n + 17 ,58 MeV La difficulté de leur domestication (réacteurs à fusion) tient au fait qu’il faut réussir à rapprocher les noyaux ("atomes complètement ionisés") jusqu’à des distances de quelques fm pour les initier. Cela impose de vaincre la répulsion électrostatique qui s’exerce entre les noyaux positifs, ce qui implique le maintien d’une température de quelques milliards de degrés. Ainsi, en portant un milieu à cette température très élevée, il devient alors un gaz totalement ionisé (ou plasma) thermonucléaire. L’énergie cinétique de certains noyaux est alors assez grande pour surmonter la barrière de potentiel électrique et la réaction de fusion peut se produire lors des chocs des noyaux les uns contre les autres: