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XVIème Conférence Internationale de Management Stratégique
Intermédiation électronique et délégation de fonctions :
comment dépasser l’hypothèse de réintermédiation ?
Une étude exploratoire de trois cas
Neysen Nicolas
CRECIS – Unité de Stratégie d’Entreprise
Louvain School of Management
Place des Doyens, 1, B-1348 Louvain-la-Neuve,Belgique
Tel : 0032 (0) 10.47.84.22 ; Fax : 0032 (0) 10.47.83.24
[email protected]
Wautelet Yves
ISYS – Unité de Systèmes d’Information
Achbany Youssef
ISYS – Unité de Systèmes d’Information
Résumé
Guidée par sa volonté d’étudier comment les divers processus d’intermédiation sont affectés par
les réseaux électroniques et comment ils évoluent au fil du temps, cette recherche poursuit un
double objectif. Le premier, d’approche explicative, s’attache à l’étude de l’évolution de
l’intermédiation électronique. Le but étant de percevoir dans quelle mesure le contexte propre à
l’échange virtuel, influence le rôle de l’intermédiaire dans la réponse qu’il apporte aux besoins
des acteurs concernés. En d’autres mots, il s’agit de vérifier si le fait d’être dans un univers
dématérialisé est indépendant du statut et du rôle de l’agent intermédiaire. Le second objectif, de
perspective descriptive cette fois, vise l’identification de formes d’intermédiation électronique
venant concurrencer les types d’intermédiation plus traditionnels. La méthodologie suivie
s’apparente, dans un premier temps, à une réflexion profonde sur la nature de l’intermédiation
électronique avec une relecture de ses rôles et fonctions habituels. Dans un second temps, nous
illustrons la problématique par trois études de cas complémentaires et relatives à des
cybermédiaires reconnus comme étant des réussites commerciales sur Internet : iTunes Store,
eBay et Meetic. En définitive, cet article cherche à dépasser l’hypothèse de réintermédiation en
privilégiant une nouvelle voie, celle de l’infomédiation.
Mots clés : intermédiation électronique, délégation de fonctions, infomédiation, cybermédiaires.
Montréal, 6-9 Juin 2007
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XVIème Conférence Internationale de Management Stratégique
1.
INTRODUCTION
Comme son qualificatif le suggère, l’intermédiation électronique est liée à l’usage des
technologies de l’information et de la communication (TIC), et plus communément au réseau
Internet. Il ne faut toutefois pas y voir l’émergence d’une pratique moderne, en ce sens que
l’intermédiation existe depuis bien plus longtemps que le média en question. Le caractère
électronique a donc pour ‘‘simple’’ effet de déplacer cette activité du cadre physique vers un
contexte virtuel, sans pour autant se poser en rupture avec l’intermédiation classique.
Quelle que soit leur nature économique, on sait que les firmes doivent s’adapter continuellement
aux nouvelles réalités du terrain sur lequel elles sont actives. Afin de garantir leur survie, elles
intègrent les changements observés dans l’environnement à leur politique générale d’entreprise.
C’est de par cette réactivité que les entreprises font preuve d’innovation. Partant de ce point de
vue, l’essor d’Internet peut être perçu comme l’un de ces changements majeurs qui sont apparus
dans la réalité quotidienne des entreprises. Les avancées technologiques ont ainsi permis de créer
de nouveaux lieux (le cyberespace) propices au développement d’initiatives économiques
innovantes (l’e-business). L’éclatement de la bulle technologique et financière lors du passage au
nouveau millénaire a permis, d’une part, de calmer les ardeurs alimentées par un optimisme
démesuré, et d’autre part, de réaliser qu’il n’existait pas de nouvelle économie. Cependant, il n’en
reste pas moins vrai que de sérieuses opportunités ont vu le jour, et aussi bien les acteurs
traditionnels que les ‘‘pure players’’1 ont dès lors saisi la balle au bond.
La réalité s’est néanmoins écartée des prévisions théoriques en la matière. Le caractère novateur
et la rapidité de l’évolution des applications rendent de fait la tâche prédictive peu aisée. A la
prochaine section, nous établissons un bref rappel de cette prospective et de ses limites. Ensuite,
nous reconsidérons les différents rôles et fonctions de l’intermédiation, en veillant à souligner
l’impact d’Internet à chaque fois. La quatrième section étudie des cas concrets d’intermédiation
en ligne sous l’angle des rôles et fonctions étudiés précédemment.2 Enfin, nous terminons par une
discussion sur base des résultats obtenus et présentons le modèle d’infomédiation.
1
Terme utilisé afin de désigner les acteurs qui n’ont pas de présence ou de d’activité en dehors du cadre Internet. Dans le contexte
particulier de l’intermédiation, on les nomme, en français, des « cybermédiaires ».
2
Les acteurs choisis sont iTunes Store, eBay et Meetic.
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2.
LES HYPOTHÈSES THÉORIQUES RELATIVES À L’INTERMÉDIATION
ÉLECTRONIQUE
Comme cela a été précisé en introduction, le caractère électronique de l’intermédiation ne
modifie pas la nature de l’agent intermédiaire. Ce dernier demeure un agent économique qui aide
un fournisseur/vendeur et un consommateur/acheteur à se rencontrer pour effectuer une
transaction particulière, soit en achetant auprès du vendeur afin de revendre à l’acheteur, soit en
aidant ces deux protagonistes à se rencontrer (Hackett, 1992 ; Spulber, 1996). Cette définition
suppose donc qu’il existe deux types d’intermédiaire : d’une part, celui qui pratique des
opérations d’achat et de revente avec une marge bénéficiaire, et d’autre part, celui qui facilite un
échange entre deux personnes sans interférer dans le processus transactionnel. Remarquons que
dans les deux cas, l’intermédiaire ne retire aucune utilité à la consommation des biens échangés
(Biglaiser, 1993). Son profit provient, soit de la marge qu’il dégage lors de son opération
d’achat/vente, soit de la rétribution pour son rôle d’entremetteur.
La théorie de l’intermédiation de la firme nous apprend qu’il y a une place pour une entreprise
tierce, lorsque l’échange intermédié produit des gains supérieurs à ceux générés par l’échange
direct entre les agents de bout de chaîne, comme le producteur et le consommateur (Spulber,
1999). Nous en arrivons ainsi à supposer que l’agent intermédiaire est en concurrence
permanente avec l’échange décentralisé, où producteur et consommateur se cherchent afin de
négocier les termes du contrat directement entre eux (Yavas, 1992 ; Gehrig, 1993).
Obtenir des gains plus élevés dans le cadre d’un échange intermédié est possible grâce à la
réduction des coûts de transaction. Une des limites des théories traditionnelles étant en effet
l’absence de la prise en compte de tout coût lié aux processus de rencontre entre l’offre et la
demande (Foley, 1970). Cependant, à chaque étape du processus transactionnel, des ressources
sont mobilisées et engendrent un coût qui n’est pas nul. L’intermédiaire peut réduire ces coûts de
transaction en identifiant différents couples fournisseurs/acheteurs, en définissant les termes de la
transaction, en constituant des stocks, et déterminant des prix d’achat et de vente, en assurant le
respect des obligations de chacun, etc. Internet, considéré comme outil de transaction, est venu
modifier les diverses utilisations de ces ressources et a généré un changement dans les
perceptions liées à l’utilité de l’agent intermédiaire. C’est ainsi que des hypothèses théoriques ont
été formulées à ce sujet.
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2.1.
L’HYPOTHÈSE DE DÉSINTERMÉDIATION
L’une de ces hypothèses porte sur l’évolution de la chaîne de distribution reliant
traditionnellement le producteur au consommateur final, avec plus ou moins d’agents
intermédiaires selon les secteurs considérés. L’idée véhiculée par cette hypothèse est la suivante :
si deux agents ‘‘de bout de chaîne’’ ont la possibilité d’entrer en contact mutuel à faible coût,
alors ils auront tendance à se passer d’intermédiaires. Comme les TIC atténuent les coûts liés au
processus de production et de transmission de l’information, la diminution des coûts de
transaction devrait provoquer un processus de désintermédiation sur les marchés. Conformément
à ce qui précède, la Figure 1 reprend l’hypothèse de désintermédiation, consistant bien en une
élimination graduelle des différents agents intermédiaires présents dans la chaîne de distribution
suite au contact direct entre acheteurs et vendeurs (Malone et al., 1987 ; Wigand, 1996).
Figure 1 : L’hypothèse de désintermédiation
Chaîne de distribution classique
Producteur
Grossiste
Semi-grossiste
Détaillant
Consommateur
Détaillant
Consommateur
Hypothèse de désintermédiation
Producteur
Grossiste
Semi-grossiste
Dans les faits cependant, cette hypothèse ne s’est pas vérifiée. Même s’il est vrai qu’à l’intérieur
de certains secteurs les TIC ont causé des changements relativement importants dans les
processus de marché, les intermédiaires n’ont pas pour autant disparus. La principale limite de
l’hypothèse de désintermédiation est qu’elle pose le problème en termes de réduction des coûts
de transaction, sans poser la question de la valeur ajoutée de l’agent intermédiaire (Gates, 2000 ;
Benda, 2004). Or, comme nous le rappellerons à la Section 3, l’intermédiaire ne se borne pas à
mettre en relation un acheteur et un vendeur, mais il détient un nombre de rôles et exerce diverses
fonctions qui ajoutent de la valeur à la transaction. Si l’existence des intermédiaires n’est pas
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menacée, plusieurs auteurs ont toutefois souligné que le rôle des agents intermédiaires était
appelé à changer considérablement, et que l’on pouvait s’attendre à l’émergence de
‘‘cybermédiaires’’ exploitant des niches spécifiques ou se spécialisant autour de certaines
fonctions (Bailey et Bakos, 1997 ; Brousseau, 2002).
2.2.
L’HYPOTHÈSE DE RÉINTERMÉDIATION
Cette dernière observation est à la base de l’hypothèse de ‘‘ré-intermédiation’’ (cf. Figure 2),
formulée en réaction à la précédente jugée trop péremptoire et pas assez réaliste. Cette seconde
hypothèse ne suppose pas une disparition préalable de l’intermédiation classique. En fait, les
réseaux électroniques et plus spécifiquement Internet, représentent un canal supplémentaire via
lequel il est possible d’effectuer des transactions commerciales. Cette nouvelle voie de
transaction est d’autant plus sollicitée que les caractéristiques du secteur considéré sont en phase
avec celles du réseau. En effet, là où les questions de logistique demeurent fort présentes, les
réseaux électroniques ont du mal à bouleverser le processus de marché. Quant aux secteurs liés à
l’économie des services et des biens dématérialisés, les propriétés inhérentes au réseau Internet –
information et communication– ouvrent la porte à des changements beaucoup plus profonds.
La théorie de la réintermédiation présuppose donc une concurrence accrue due à l’apparition de
cybermédiaires. Or, une critique qui peut être adressée à l’égard de ce modèle, est la nette
séparation effectuée entre réseau traditionnel (intermédiation physique) et le réseau en ligne
(intermédiation électronique). En réalité, l’intermédiation classique peut, elle aussi, délocaliser
virtuellement, tout ou en partie, ses activités et profiter des avantages offerts par Internet. Ceci a
très vite été le cas pour le secteur bancaire3 par exemple : s’il est vrai que de nouveaux acteurs
sont apparus grâce à Internet (les e-brokers pour le marché boursier notamment), toutes les
grandes banques leur ont emboîté le pas, soit en développant des services en ligne personnalisés4,
soit en rachetant des réseaux directs5. Quoi qu’il en soit, l’existence d’une intermédiation en
parallèle de plus en plus professionnelle n’a pas été sans conséquences sur les rôles et les
fonctions attribuées de façon récurrente dans la littérature à l’intermédiation de marché.
3
Web-banking, e-banking, net-banking, home-banking, direct-banking sont autant de termes qui désignent la banque
par Internet
4
Exemples : BNB Paribas a lancé Cortal Consors. ING a créé ING Direct.
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Figure 2 : L’hypothèse de réintermédiation
Hypothèse de réintermédiation
Producteur
Grossiste
Semi-grossiste
Détaillant
Consommateur
Intermédiaire électronique
3.
LA
RÉVISION
DES
RÔLES
ET
DES
FONCTIONS
DE
L’AGENT
INTERMÉDIAIRE
Comme nous l’illustrons à la Figure 3, un intermédiaire se rend nécessaire dans la transaction en
remplissant certains rôles économiques et sociaux auxquels sont associés des fonctions
particulières. Il convient de distinguer clairement ce que nous entendons par rôles et fonctions. Si
l’on se met d’accord pour définir un rôle comme la conduite d’une personne qui joue un certain
personnage dans un monde déterminé, alors on peut considérer que l’agent intermédiaire joue un
rôle d’entremetteur dans le monde commerçant. De façon plus détaillée, nous lui reconnaissons
quatre rôles clés : celui d’informateur, de logisticien, de tiers de confiance et de distributeur.
Une fonction, quant à elle, représente ce que doit accomplir l’agent intermédiaire pour jouer
correctement son rôle. Nous définissons trois fonctions par rôle. Ces fonctions représentent une
utilité pour chacune des deux parties qui sera traduite concrètement en termes de valeur ajoutée
lors de l’échange. Dans cette troisième section, nous passons ces rôles et fonctions en revue afin
d’identifier les changements annoncés plus haut et découlant des propriétés innovantes du réseau
Internet.
5
Exemples : Citigroup a racheté la banque Egg. Le Crédit Agricole a intégré Keytrade Bank.
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Figure 3 : Les rôles de l’intermédiaire et les fonctions associées
V
e
n
d
e
u
r
Rôles
Fonctions
Centraliser l’offre et la demande
Informateur
Agréger l’information
Tester les biens et/ou les services
I
n
t
e
r
m
é
d
i
a
i
r
e
Encourager la rencontre entre O et D
Logisticien
Coordonner la transaction
Acheminer l’objet de la transaction
Certifier l’authenticité, la qualité
Tiers de
confiance
Arbitrer la transaction (équité)
Assurer le respect du contrat
A
c
h
e
t
e
u
r
3.1.
Vendre pour le compte d’un tiers
Distributeur
Garantir la disponibilité
Maintenir la liquidité sur le marché
LE RÔLE D’INFORMATEUR
Le travail d’un intermédiaire aboutit à une offre centralisée en minimisant les coûts de recherche
pour les deux parties de la transaction (Rubinstein et Wolinsky, 1987). Lorsque le consommateur
est amené à rechercher un bien, il doit faire face à différents coûts engendrés par cette activité.
Nous allons voir que le rôle d’informateur tend à réduire ces coûts de recherche6 (Pénard, 2002).
Tout d’abord, l’acheteur est contraint de prendre en compte des coûts de déplacement, en ce sens
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qu’il doit aller vers le produit ou faire venir le produit à lui. Si les différents biens et services sont
dispersés, il va multiplier ces coûts de déplacement. La fonction de centralisation de l’offre et
de la demande assurée par l’intermédiaire diminue ce type de coûts, en ce sens qu’il collecte et
traite l’information pour la rendre disponible en un point unique.
Ensuite, il est courant d’être confronté à des biens et services similaires (répondant au même
besoin) mais se distinguant par certaines caractéristiques spécifiques. L’acheteur doit alors,
premièrement, récolter de l’information provenant de sources multiples, deuxièmement, croiser
ces informations entre elles, et troisièmement, faire le choix susceptible de maximiser son utilité.
Nous qualifions les coûts liés aux précédentes étapes de coûts de comparaison. La fonction
d’agrégation de l’information qui incombe à l’intermédiaire et consiste à rendre celle-ci plus
pertinente aux yeux de l’acheteur, diminue les coûts dont il est question ici.
Enfin, l’acheteur assume des coûts d’apprentissage qui sont liés à l’effort fourni afin d’apprécier
le bien ou le service dans le temps. Lors d’une première transaction entre partenaires ne se
connaissant pas, le risque d’insatisfaction de part et d’autre dû à l’asymétrie d’information est
plus élevé que lorsque l’échange s’effectue avec une certaine régularité. Grâce à son expérience
et à sa connaissance du marché, un intermédiaire peut aider l’acheteur à ne pas se tromper : il a
généralement testé le produit ou le service, il dispose d’un échantillon ou d’une version de
démonstration, il possède des statistiques de satisfaction de clients antérieurs, etc. Cette troisième
fonction consistant à tester les biens et/ou les services a pour effet de réduire le caractère
asymétrique de l’information et par la même occasion les coûts d’apprentissage.
Notons que ce rôle d’informateur n’est pas atténué par les stratégies des acheteurs préférant un
lien direct avec l’offreur. Au contraire, la mise à disposition d’une information transparente
favorise le contact immédiat entre les parties concernées (Neysen, 2006). Avec Internet, ce rôle
est facilité par la réduction des coûts de traitement de l’information associée aux externalités de
réseau (Bakos, 1997). Concrètement, la réduction de ces coûts s’opère à deux niveaux : d’une
part, sur les coûts de recherche7 définis plus haut (Lee et Gosain, 2002 ; Varian et Lyman, 2003),
et d’autre part, sur les prix qui se forment sur le marché (Brynjolfsson et Smith, 2000 ; Tran,
2003 ; Zettelmeyer et al., 2005).
6
Nous comprenons les coûts de recherche dans leur acception la plus large comme reprenant les coûts de déplacement, les coûts
de comparaison et les coûts d’apprentissage.
7
Un exemple d’un tel outil est celui des comparateurs de prix dans l’e-tourisme : www.prixdesvoyages.com .
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3.2.
LE RÔLE DE LOGISTICIEN
De par son activité, l’agent intermédiaire construit une connaissance du marché sur lequel il
interfère. Dans une économie à orientation client, les producteurs ont tendance à définir leurs
produits sur base des signaux envoyés par le marché. Etant un acteur de terrain, l’intermédiaire
peut alerter les producteurs sur les évolutions des préférences des consommateurs. Il suit ainsi
l’évolution des caractéristiques du marché et développe une certaine connaissance de ce dernier.
En cela, il est correct de penser qu’il participe dans une certaine mesure à l’élaboration de l’offre
présente sur le marché (Giaglis, 2002). Cette connaissance du marché lui donne avant tout
l’avantage de localiser l’offre et la demande. D’où, la possibilité d’organiser la rencontre entre un
acheteur et un vendeur dont il juge que l’offre coïncide particulièrement bien avec la demande
(Bailey et Bakos, 1997), même si ceux-ci sont distants l’un de l’autre. L’intermédiaire peut donc
être présent pour rapprocher des agents qui ont des intérêts communs mais qui ne se connaissant
pas a priori, et augmenter ainsi l’efficience d’un marché. Encourager la rencontre entre offre
et demande, c’est-à-dire faire en sorte qu’acheteur et vendeur se rencontrent plus facilement,
dans de bonnes conditions et à un coût acceptable, est la première fonction que nous associons au
rôle de logisticien.
Afin de créer ce contexte propice à la transaction, il convient de réunir deux aspects liés : une
coordination efficiente de l’information et une infrastructure de qualité. En répondant à la
question de l’impact sur la centralisation, nous avons évoqué la place centrale que revêt la
dimension informationnelle pour les intermédiaires électroniques. Au-delà des coûts de
recherche, l’intermédiaire assume des coûts liés à la collecte, au traitement, à la centralisation et à
la diffusion de l’ensemble de l’information rattachée au processus de rencontre. Dans un contexte
où le coût marginal de diffusion de l’information est fortement réduit, voire nul, la gestion du
flux d’informations, elle, est coûteuse et représente un enjeu déterminant (Bailey, 1998). Ceci est
d’autant plus vrai que lorsque la quantité d’informations augmente –comme c’est le cas
quotidiennement sur Internet– la transparence sur le marché est affectée négativement
(mouvement simultané de la dispersion qui s’accroît et la pertinence qui diminue). La faculté des
intermédiaires à réduire les coûts visés plus haut a poussé un grand nombre d’entreprises à
externaliser la gestion de l’information vu la multiplication des échanges et l’accroissement de la
complexité des systèmes d’information. Les services des intermédiaires dépassent souvent cette
gestion du flux informationnel et aboutissent généralement à des solutions sur mesure adaptées
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aux réalités diverses rencontrées sur le terrain. En effet, il convient de séparer les informations
relatives à l’objet de la transaction et l’information qui entoure la transaction en tant que telle. De
ce point de vue, coordonner la transaction est la seconde fonction du logisticien.
Mettre en place une infrastructure de qualité en dehors du réseau Internet se traduit par la
construction d’une structure physique répondant aux besoins logistiques des acteurs. Ceci passe
par l’ouverture de points de vente (surface commerciale ‘‘brick and mortar’’ en référence à la
construction en dur), l’édition de supports publicitaires (catalogues, descriptifs,…), le transport
des biens physiques de leur lieu de production vers leur lieu de vente ou d’utilisation, etc. Cette
question d’infrastructure physique ne disparaît pas avec l’arrivée d’Internet, mais s’en trouve
forcément affectée. Premièrement, pour ce qui est des biens physiques, l’obligation pour le
vendeur d’acheminer la marchandise reste valable. Ainsi, s’il est vrai que le réseau peut favoriser
une rencontre à faible coût entre agents éloignés, il ne résout pas la question matérielle du
transport des biens. Il n’est dès lors pas étonnant de constater que l’économie du net soit
principalement constituée d’échange de services ainsi que de biens dématérialisés pour lesquels
les coûts de distribution ont été fortement réduits. Deuxièmement, l’importance accordée à
l’infrastructure, même si celle-ci est de nature virtuelle, est primordiale. Des outils informatiques
existent et sont créés pour répondre au mieux aux besoins des plateformes virtuelles et des agents
qui les fréquentent. L’acheminement de l’objet de la transaction représente une fonction
supplémentaire du rôle de logisticien.
3.3.
LE RÔLE DE TIERS DE CONFIANCE
Lors de la première étape d’une transaction (phase de recherche), l’intermédiaire a la possibilité
de susciter la confiance par la création de labels et/ou de procédures de certification qui apportent
des garanties sur l’identité et la « bonne foi » de chacune des parties. Comme nous l’avons
souligné plus haut, il corrige le caractère potentiellement asymétrique de l’information (Spulber,
1996). Dans le même ordre d’idées, l’intermédiaire peut authentifier la nature de l’objet de la
transaction. Pour un bien, il peut ainsi certifier que l’objet n’est pas issu d’une filière de
contrefaçon et qu’il répond bien aux normes de qualité prescrites par la loi (en matière de sécurité
par exemple). Quant au service, il peut veiller à ce qu’il soit réalisé dans un délai raisonnable et
qu’il est conforme au standard du marché. Certifier l’authenticité et garantir la qualité est la
première fonction que nous associons au rôle de tiers de confiance dans le chef de
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l’intermédiaire.
Lors de l’étape suivante de la transaction (phase de négociation et de contractualisation),
l’intermédiaire peut apporter une garantie quant à l’équité de l’échange et à la valeur juridique
des termes du contrat. Dans le cas de transactions décentralisées, les individus sont amenés à
échanger mutuellement sans véritable contexte définissant le cadre dans lequel s’effectue la
transaction. Ceci implique que les agents encourent un risque réciproque quant au comportement
potentiellement opportuniste de chacun. De même, les risques liés au hasard moral ou à la
sélection adverse sont inhérents aux transactions effectuées hors d’un contexte normatif. C’est
d’ailleurs afin de répondre à ces problèmes que l’organisation de la firme est préférée au marché
(Williamson, 1975). De ce point de vue, l’intermédiaire est l’acteur neutre désigné pour encadrer
l’échange avec des règles et un contexte protégeant acheteurs et vendeurs contre le comportement
opportuniste potentiel de l’un et de l’autre. Arbitrer la transaction en veillant à sa régularité, est
la seconde fonction attribuée ici à l’intermédiaire.
Enfin, dans l’étape finale (phase de conclusion), l’intermédiaire joue un rôle clé dans l’assurance
de la bonne conclusion de l’accord commercial (Bailey et Bakos, 1997). Qu’il soit tacite ou
formel, un contrat sous-entend le respect des termes qu’il définit. Ceci est important dans la
mesure ou la transaction ne peut avoir lieu que si les agents disposent d’un certain niveau de
garantie quant à l’exécution des obligations de chacun, que ce soit au niveau de l’acheteur
(acquittement du montant sur lequel porte l’échange) ou au niveau du vendeur (livraison des
biens ou prestation du service). En assumant ce rôle de ‘‘risk manager’’, l’agent intermédiaire fait
ainsi office de régulateur sur le marché. Assurer le respect du contrat représente une fonction
essentielle associée au rôle de tiers de confiance.
Cette question de la confiance est d’autant plus sensible, qu’Internet est encore relativement
nouveau comme média perçu en tant que canal de distribution. Le développement du commerce
électronique est notamment dépendant du rapport entretenu par ses usagers avec les notions de
confidentialité, de sécurité du paiement électronique, de sérieux de l’interlocuteur, etc. Sur ces
différents points, les intermédiaires électroniques développent des outils visant à assurer ce rôle
protecteur (cryptographie des données bancaires, authentification par signature électronique,
certification par adhésion à des chartes reconnues, …).
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3.4.
LE RÔLE DE DISTRIBUTEUR
Comme nous l’avons défini à la Section 2, l’intermédiation a deux visages : les opérations
d’achat et de revente d'une part, la facilitation de la rencontre entre un offreur et un demandeur
d'autre part. Dans le premier cas de figure, l’intermédiaire assure une fonction de vente pour le
compte d’un tiers (le producteur par exemple). L’exemple le plus courant de cette réalité est
celui du secteur de la grande distribution, dans lequel les enseignes de supermarché (ou
hypermarché) achètent des produits de consommation à plusieurs producteurs pour les revendre
au consommateur final. Il s’agit ici de la fonction première du distributeur.
Sur un marché, il est possible d’être confronté à un phénomène de rationnement de l’offre ou de
saturation de la demande. Cette situation représente un risque de pénurie pour les agents
économiques concernés. Plus un secteur est caractérisé par de fortes fluctuations de l’offre et de
la demande, plus ce risque est élevé. Avec un volume important de biens et services à proposer,
la constitution de stocks et une régularité des transactions dans le temps, l’agent intermédiaire
produit une certaine disponibilité sur le marché qui a pour effet de faire baisser le risque en
question. Garantir la disponibilité sur le marché est la seconde fonction que nous associons au
rôle de distributeur.
Assurer une certaine disponibilité peut aller de pair avec la garantie de l’immédiateté sur le
marché. En d’autres mots, maintenir dans le temps une offre et une demande à un haut niveau,
favorise la liquidité sur le marché vu le grand nombre d’acheteurs et de vendeurs présents sur une
même place de marché (Clower et Leijonhufvud, 1975). Toutefois, il ne faut pas confondre ces
deux notions : il est possible de garantir la disponibilité (forte quantité de biens en stock par
exemple) sans pour autant observer une bonne liquidité sur le marché (rotation des stocks très
faible). Derrière cette fonction de maintient de la liquidité, l’on retrouve aisément le rôle
économique de ‘‘market clearing’’ souvent attribué aux marchés boursiers.
De ce point de vue, Internet a surtout impacté le marché des services et des biens
informationnels. Les coûts de reproduction et de distribution ayant fortement chuté grâce aux
TIC, le potentiel de disponibilité est d’une certaine façon assuré. De plus, le réseau ne
connaissant pas de frontières physiques, l’intermédiaire électronique est en mesure de chercher de
l’information et de se fournir en biens et services bien au-delà de ses limites traditionnelles.
Elargir la base de prospection grâce aux réseaux électroniques est une propriété essentielle de
l’agent intermédiaire qui souhaite renforcer l’efficience du marché en assurant la liquidité de
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celui-ci (Brousseau, 2002).
4.
LE SUCCÈS DE L’INTERMÉDIATION EN LIGNE
La démarche utilisée pour étudier le rôle d’intermédiation de chacun des acteurs retenus, est
relativement simple. Pour chaque rôle joué par l’intermédiaire, nous étudions la manière dont
l’acteur opérationnalise chaque fonction (onglet application dans chaque tableau). Ensuite, nous
tentons de quantifier cette application selon une échelle faible/moyen/élevé8.
4.1.
PRÉSENTATION DES CAS
Trois intermédiaires ayant connu une forte croissance ces dernières années vont retenir notre
attention. Ces prestataires de service sont actifs sur des marchés totalement différents et
n’appliquent pas le même business model. Ces caractéristiques variables d’une entreprise à
l’autre en font des cas complémentaires et donc particulièrement intéressants à analyser. Ces trois
acteurs sont iTunes Store, eBay et Meetic (Tableau 1).
Aujourd’hui, la musique digitale représente 10% du marché mondial de l’industrie du disque.
Selon l’IFPI9, les ventes de musique en ligne ont doublé de 2005 à 2006, pour atteindre la somme
de deux milliards de dollars (IFPI, 2007). Parmi les 500 sites légaux offrant de la musique
digitale, iTunes Store10 (iTMS) est l’acteur de référence. iTMS est un service d’achat de musique
et d’autres biens d’information proposés par Apple Computer depuis 200311. Lancé initialement
aux Etats-Unis, le service est disponible par le biais du logiciel de lecture audio iTunes. Il connaît
un succès croissant notamment grâce à sa bonne complémentarité avec d’autres produits d’Apple,
comme le célèbre baladeur musical iPod. Toutefois, ce service peut être utilisé par n’importe quel
internaute disposant du logiciel iTunes et désireux d’acquérir légalement un extrait musical
instantanément pour un prix relativement faible.
8
N/A lorsque le facteur n’est pas applicable à l’acteur et variable lorsque le facteur peut prendre des valeurs forts différentes selon
les circonstances.
9
International Federation of the Phonographic Industry.
10
iTunes Store était appelé par le passé iTunes Music Store, soit iTMS.
11
Dans le cadre de cette étude, seule l’activité de vente de musique en ligne sera prise en compte.
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Tableau 1 : La présentation des cas
iTMS
eBay
Meetic
Activité
Vente de musique
digitale
Vente aux enchères
Favoriser la rencontre
de personnes
Intermédiaire
entre…
maisons de disques et
particuliers (B2C)
particuliers (C2C)
personnes désirant
faire des rencontres
Type de bien
Dématérialisé (bien
d’information)
Matérialisé (produit)
Service
Mode de
rémunération
Commission – Vente
en ligne
Fixe et commission –
Vente aux enchères
Fixe – Abonnement
eBay, une société créée en 1995, propose un service de ventes aux enchères en ligne pour tout
type d’objet12. C’est le premier site de commerce électronique au monde avec plus de 200
millions d’utilisateurs, un chiffre d’affaires en 2005 de 5 milliards de dollars (en progression
constante de 25% chaque année) et plus de 850.000 vendeurs qui en tirent un quart de leur revenu
(Cohen, 2002).
Meetic est une société proposant un service de rencontre entre personnes. Créé en 2001, Meetic
est actuellement le leader européen dans son secteur avec 22,5 millions de profils enregistrés
depuis sa création et 28,4% de parts de marché13. Sur base d’un abonnement limité dans le temps
ou d’un forfait de crédits, l’utilisateur constitue un profil où il se décrit sur base de critères
prédéfinis, en échange de quoi il bénéficie d’un accès à des profils d’autres utilisateurs.
4.2.
ROLES ET FONCTIONS D’INTERMEDIATION : APPLICATION PRATIQUE
4.2.1. L’informateur
iTMS, eBay et Meetic exercent tous trois un rôle d’informateur (Tableau 2).
12
La plupart des objets sont d’occasion, mis en vente et achetés par des particuliers (C2C). Toutefois, des vendeurs professionnels
sont aussi présents sur le site, qui depuis peu s’attaque également au marché des services (annonces d’offres d’emploi par
exemple). Dans le cadre de cette étude, seule l’activité de vente de biens d’occasion par des particuliers sera considérée.
13
Statistiques Nielsen Net Ratings, mai 2006.
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14
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Tableau 2 : Le rôle d’informateur
eBay
Meetic
Application
Création d’une
collection de produits
musicaux
Centralisation des
offres de biens
d’occasion
Création d’une base de
données avec des profils
complémentaires
Coûts de
déplacement
Faible
Moyen à élevé
Variable
Application
Standardisation dans
la présentation de
l’information relative
aux produits
musicaux
Standardisation des
critères
informationnels pour
chaque objet (selon sa
catégorie)
Standardisation dans la
présentation de
l’information sur chaque
fiche d’abonné
Coûts de
comparaison
Faible
Faible
Faible
Application
Possibilité d’écouter
des extraits musicaux
N/A
Possibilité de « chatter »
avec les autres abonnés
Coûts
d’apprentissage
Faible
N/A
Moyen
Tester les
biens et
services
Agréger
l’information
disponible
iTMS
Centralisa
tion de l’O
et de la D
Informateur
Fonction
La fonction de centralisation de l’offre et de la demande est assurée par les trois acteurs. Il est
intéressant de noter que le coût de déplacement – variable quantitative associée à cette fonction –
est faible pour iTMS car la dématérialisation des biens qu’il vend permet de les obtenir de
manière quasi directe. De plus, les services d’eBay impliquent qu’il n’y a de transaction physique
qu’en cas de vente de l’objet, de sorte que les objets proposés à la vente peuvent être consultés
sans que l’acheteur potentiel n’ait à se déplacer comme ce serait le cas dans un circuit de
distribution classique. Notons enfin que les services offerts par Meetic n’impliquent aucunement
la rencontre physique de ses abonnés14. Le coût de déplacement est en conséquence jugé
variable puisque la rencontre sera gérée par les abonnés eux-mêmes et dépendra de leur
éloignement géographique.
L’application de la fonction d’agrégation pour les trois cas évoqués ici se fait selon une technique
commune, à savoir la standardisation dans la présentation de l’information. En effet, chacun de
ces intermédiaires virtuels propose une spécification des produits (immatériels, matériels ou
abonnés) selon des critères prédéfinis et standardisés. S’il est aisé pour iTMS de contrôler et de
déterminer tous les aspects informationnels des extraits musicaux qu’il propose, eBay et Meetic
sont tributaires de leurs utilisateurs quant à la quantité et qualité de l’information fournie.
14
Nous considérons ici que la transaction liée aux services de Meetic est la rencontre physique de ses abonnés.
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Toujours est-il que l’utilisation de critères informationnels standardisés réduit l’asymétrie de
l’information et diminue les coûts de comparaison.
Enfin, la fonction de test des biens et services se décline paradoxalement – comment a priori
tester dans un marché virtuel ? – assez bien pour deux de nos études de cas : iTMS et Meetic. En
effet, via iTMS l’acheteur peut écouter un extrait d’un produit musical qu’il est susceptible
d’acquérir. De même, Meetic offre une possibilité de dialogue en ligne (chat) entre abonnés.
D’où une première rencontre virtuelle durant laquelle ils peuvent "se tester". eBay
n’opérationnalise pas la fonction de test.
4.2.2. Le logisticien
iTMS, eBay et Meetic exercent tous trois un rôle de logisticien (Tableau 3). La fonction
d’encourager la rencontre de l’offre et de la demande est assurée par les trois acteurs. Le principe
général est globalement le même pour chacun : la technologie web leur permet de classer les
produits à disposition selon différent critères et de pouvoir effectuer des recherches par catégories
ou plus directement par mot clé. Ce classement favorise l’accès par le consommateur aux
produits qui l’intéressent ou sont susceptibles de l’intéresser.
La fonction de coordination de la transaction est très largement développée et assurée par les
acteurs étudiés. De par la nature dématérialisée des biens qu’il vend, iTMS peut offrir un support
complet à la transaction qui dépasse son simple rôle de coordinateur. eBay offre un support
complet à la coordination entre acheteurs et vendeurs qui vont s'accorder sur la manière d’opérer
la transaction (transaction réglée de main à main ou transaction réglée en ligne de manière
électronique et envoi par courrier). Meetic fournit un service de rencontre, il ne fournit qu’un
support pour la rencontre virtuelle des personnes et non pour la rencontre physique qui est
entièrement gérée par les abonnés.
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Tableau 3 : Le rôle de logisticien
eBay
Meetic
Application
Catégorisation des
produits musicaux.
Recherche par critères
Catégorisation des objets.
Possibilité d’échange
illimité via email entre
acteurs
Catégorisation des
profils d’abonnés.
Recherche par critères
Evaluation
Rencontre aisée
Rencontre aisée
Rencontre aisée
Application
Outil de transaction
(logiciel iTunes) et
paiement en ligne
sécurisé
Plateforme d’enchères,
échange d’information et
support logistique
transactionnel en ligne
Plateforme d’échange
virtuel
Evaluation
Support complet
Application
Gère l’intégralité du
téléchargement des
produits musicaux
Support complet
Géré par les services
postaux, les sociétés de
courrier express ou les
acteurs eux-mêmes.
Evaluation
Support complet
Acheminer
l’objet de la
transaction
Coordonner
la
transaction
iTMS
Encourager
la rencontre
entre O et D
Logisticien
Fonction
Support partiel
Support partiel
La rencontre physique
est gérée par les
abonnés
Support nul
L’acheminement de l’objet de la transaction est la dernière fonction qui sera évaluée dans le
cadre du rôle de logisticien. iTMS fournit à cet effet un support complet : l’intégralité du
téléchargement musical ainsi que le payement de celui-ci est géré par l’intermédiaire. eBay
fournit un support partiel pour l’acheminement de l’objet. En effet, bien qu’il ne fournisse pas de
service de transport, il peut renseigner des sociétés de courrier express et déléguer le paiement de
la transaction (Paypal).
4.2.3. Le tiers de confiance
Avant de détailler le rôle de tiers de confiance (Tableau 4), notons que le risque d’asymétrie
informationnelle est un élément problématique au niveau des intermédiaires en ligne. En effet,
que ce soit pour l’achat d’un bien dématérialisé, matérialisé ou encore d’un service, le
consommateur se le représente sans avoir de contact direct avec celui-ci. Dans le cas d’un
intermédiaire classique, l’acheteur dispose de ce type de contact et sa représentation en est
meilleure. La proximité physique demeure un aspect important. Certains artifices permettent
toutefois d’éviter ou du moins de minimiser ce risque pour les activités d’intermédiation en ligne.
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Tableau 4 : Le rôle de tiers de confiance
Tiers de confiance
Arbitrer la
transaction
Certifier la
qualité et
l’authenticité
Fonction
iTMS
eBay
Meetic
Application
Produits musicaux
légaux et de haute
qualité
Peu de garanties sont
offertes sur l’état et
l’origine de l’objet
Peu de garanties sont
offertes sur l’authenticité
et le sérieux des abonnés
Symétrie de
l’information
Elevée
Moyenne
Faible à moyenne
Acteur reconnu par les
grandes maisons de
disques. Le niveau de
transparence est jugé
élevé et sans risque
Elevée
Un système d’évaluation
basé sur l’historique des
transactions permet de
juger de la fiabilité des
membres
Variable
Application
Le produit musical sera
« acheminé »
instantanément
Contrat standardisé avec
conditions générales de
vente et un cadre
normatif
N/A.
Confiance
Elevée
Moyenne
N/A.
Application
Assurer le
respect du
contrat
Confiance
Pas d’intervention dans
le contact qui s’établit
entre les abonnés
Faible
Certifier la qualité et l’authenticité est une fonction remplie à des degrés divers par les trois
acteurs. De par le contrôle qu’iTMS peut exercer sur les biens qu’il vend (fourniture directe d’un
extrait musical acheté auprès de la maison de disque l’ayant produit) et du traitement qu’il exerce
sur celui-ci (numérisation en haute qualité et système de sécurisation), il peut assurer de façon
standard la qualité et l’authenticité du morceau musical qu’il vend. Ceci est une caractéristique
cruciale dans un secteur où le problème du piratage des biens d’information et des phénomènes
peer-to-peer15 pose encore beaucoup de questions (Belleflamme, 2003). Le contrôle exercé par
eBay et Meetic sur respectivement les biens qu’il propose à la vente et les profils d’abonnés qu’il
met à disposition est bien plus modeste. Ces derniers fonctionnent sur base du même principe :
une description variablement complète du bien/de l’abonné accompagné éventuellement de
photos.
La fonction qui consiste à arbitrer la transaction est également présente. Si la position privilégiée
d’iTMS (en lien direct avec les maisons de disque et autres studios d’enregistrement
indépendants) assure un niveau de confiance élevé dans le système de transaction, eBay reste
pour de nombreux aspects, tributaire de la bonne foi de ses utilisateurs. Ce dernier propose donc
un système de cotation de ceux-ci (dans leur rôle de vendeur et/ou d’acheteur) qui permet
15
Echange direct de fichiers piratés entre deux ordinateurs individuels.
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d’évaluer leur comportement lors des transactions précédentes et ainsi d’augmenter ou de
diminuer la confiance dans les informations relatives aux tiers. Quant à Meetic, aucun mécanisme
ne lui permet réellement de fiabiliser les données fournies.
Enfin, la fonction d’assurer le respect du contrat est remplie par iTMS et eBay mais ne s’applique
pas à Meetic. En effet, iTMS assure un acheminement complet et quasi immédiat (par
téléchargement) de l’œuvre musicale achetée, il gère également le payement du bien et la
rétribution des ayants droit ; il s’assure ainsi que le contrat de vente soit respecté pour chaque
partie. eBay ne peut offrir qu’un encadrement juridique précis pour la vente du bien, il fournit
donc un cadre normatif auquel l’on peut se référer en cas de litige mais sa position ne lui permet
une nouvelle fois pas d’intervenir à un niveau de complétude comparable à iTMS. Meetic assure
un simple accès à des services divers sensés favoriser la rencontre des personnes. Outre cela, il
n’y a pas de contrat juridique entre les personnes désireuses de se rencontrer, l’application de
cette fonction n'entre donc pas en considération.
4.2.4. Le distributeur
Les acteurs étudiés jouent un rôle de distributeur (Tableau 5). Seul iTMS vend pour le compte de
tiers, les maisons de disque et autres studios d’enregistrement indépendants. A l’inverse, eBay et
Meetic ne sont pas vendeurs, ils mettent des acteurs en relation pour faciliter l’échange entre eux.
iTMS offre une disponibilité élevée (voire maximale) car s’agissant de biens dématérialisés et
aisément reproductibles à l’infini, une copie de chaque œuvre musicale disponible à la vente est
stockée sur ses serveurs. Le coût de stockage est réduit et les extraits musicaux toujours
disponibles. eBay peut toucher un marché local mais également mondial ; la présence d’objets
d’un type particulier n’est pas assurée mais toujours fortement probable de part le volume de
l’offre. Meetic offre également des possibilités locales et plus globales et touche ainsi un marché
potentiel immense, la probabilité de rencontre d’un profil adéquat en est donc démultipliée.
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XVIème Conférence Internationale de Management Stratégique
Tableau 5 : Le rôle de distributeur
iTMS
Vendre
pour le
compte
d’un tiers
Distributeur
Fonction
Vente de produits
musicaux provenant du
catalogue des maisons
de disque
Oui
Application
Maintenir la
liquidité sur le
marché
Garantir la
disponibilité
Vendeur
Application
Disponibilité
Application
Liquidité
eBay
Meetic
Ne vend rien en son nom
propre
N/A.
Non
Non
Pas de constitution de
stock, une copie unique
peut être reproduite à
l’infini
Pas de constitution de
stock possible. La
disponibilité dépend des
vendeurs.
La « disponibilité »
dépend du nombre
d’abonnés et de leurs
exigences
Elevée
Caractère dématérialisé
du produit. Position
dominante sur le
marché du
téléchargement légal
Variable
Variable
Les abonnés peuvent
abandonner toute activité
sur le site.
Renouvellement via de
nouvelles inscriptions
Durée de l’enchère
limitée (max. 10 jours).
Dépend de l’intérêt pour
l’objet en question.
Elevée
Variable
Faible à moyenne
L’étude de la fonction de maintien de la liquidité sur le marché se traduit différemment au sein de
ces trois études de cas. Le problème de la liquidité ne se pose pas vraiment au sein d’iTMS. En
effet, les morceaux musicaux sont stockés de façon quasi unique et la vente se fait au départ
de reproductions légales de l’œuvre originale. eBay propose les objets à la vente pendant
quelques jours ; s'il n'y a pas eu acquéreur, le vendeur peut, s'il en fait la démarche, le proposer à
nouveau. Le renouvellement des profils de Meetic est un enjeu majeur pour ce service en ligne,
puisque si trop de profils deviennent inactifs et que peu de nouveaux profils sont créés, le service
risque le blocage.
4.3.
RESULTATS (PRESENTATION PAR CAS)
A la suite de l’étude de l’application des divers rôles et fonctions au sein des intermédiaires
iTMS, eBay et Meetic, des conclusions plus générales peuvent être tirées. Dans cette section
chaque cas sera envisagé individuellement et brièvement comparé aux intermédiaires classiques
offrant un service comparable pour mettre en lumière ses avantages compétitifs. Enfin des
conclusions générales nous mèneront à dégager les caractéristiques principales de l’évolution du
métier d’intermédiaire vers celui d’infomédiaire.
Montréal, 6-9 Juin 2007
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XVIème Conférence Internationale de Management Stratégique
4.3.1. iTMS : une dématérialisation de l’œuvre musicale
La commercialisation de musique est historiquement assurée par les magasins de disques
(disquaires) et les grandes surfaces commerciales. Ces acteurs commercialisent légalement les
œuvres sur un support matériel original. A l’inverse, un album complet ou un morceau musical
acheté sur iTMS, est directement transféré sous un format électronique portable et compatible
avec l’iPod. Libre à ce dernier de transférer ensuite le morceau sur un support physique tel que le
CD. Ce dernier restera toutefois conditionné de façon générique, c’est-à-dire non personnalisé à
l’effigie de l’artiste. Le coût d’un album original sur support matériel est généralement supérieur
d’environ un tiers par rapport au coût proposé par iTMS qui par ailleurs offre la possibilité de
n’acheter qu’un extrait d’un album (les seuls que l’acheteur affectionne par exemple). Au-delà de
l’avantage lié à la diminution du prix, il y a donc cette flexibilité de l’offre qui est permise par
l’achat en ligne. Cette dernière option suppose une haute diversification de l’offre musicale
d’iTMS car elle n’est généralement que très limitée en cas d’achat sur un support matériel. Par
rapport aux réseaux classiques de distribution de musique, iTMS propose donc un service rapide
(voire même instantané), moins cher, hautement diversifié, mais aussi totalement dématérialisé.
4.3.2. eBay : plus qu’une simple brocante mondiale
La commercialisation de produits neufs est traditionnellement assurée par des grandes surfaces
ou des magasins spécialisés. eBay n’offre pas d’avantage compétitif majeur avec sa plateforme
car, les prix y étant fixés par le vendeur via le système d’enchères, ils peuvent être comparables
voire supérieurs aux prix pratiqués dans les réseaux de distribution classique. C’est l’hypothèse
de volatilité des prix en ligne qui est soulevée ici (Latcovitch et Smith, 2001 ; Clay et al., 2001).
Toutefois, cela n’empêche pas de retrouver des produits neufs sur la plateforme. En effet, selon
les périodes de l’année, entre 25 et 35 % des objets échangés sont des produits neufs. Ils
proviennent soit de vendeurs professionnels (canal de distribution pour PME, opération de
déstockage ou de liquidation de commerce), soit de particuliers qui, insatisfaits suite à un achat
ou à un cadeau reçu, revendent directement l’objet.
Les canaux de distribution classiques d’objets d’occasion sont les brocantes locales et les
enseignes spécialisées dans les produits de seconde main. Or, les coûts inhérents à ce type
d’activité impliquent une marge bien plus conséquente pour l’intermédiaire traditionnel que pour
l’intermédiaire en ligne. Ceci s’explique en grande partie par la délégation du rôle de logisticien
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21
XVIème Conférence Internationale de Management Stratégique
et de distributeur. Vu qu’il s’agit de produits impossibles à dématérialiser, la seule option pour un
intermédiaire en ligne est de déléguer les fonctions « tangibles » aux acteurs du marché
(transport, stockage, gestion de paiement, etc.). Cela permet de réduire les commissions perçues.
A titre d’exemple, des enseignes spécialisées dans l’intermédiation traditionnelle16 de biens
d’occasion comme Troc International perçoivent des marges supérieures à 30 % du prix de vente,
tandis qu’outre un montant fixe dérisoire, la commission perçue par eBay se limite, elle, à 5 %.
Les frais d’envoi de l’objet généralement à la charge de l’acheteur, sont fixes et peuvent être
réduits par l’acheteur si ce dernier se déplace ou choisit un mode d’envoi alternatif.
De plus, vendre sur eBay permet de toucher un marché potentiel beaucoup plus large, ce dont
bénéficient à la fois le vendeur – qui peut ainsi proposer son bien à une source plus large
d’acheteurs – et à l’acheteur – qui peut comparer un plus grand nombre d’offres. Enfin, le
vendeur est également assuré que son bien soit vendu ‘‘au prix du marché’’, puisque la vente aux
enchères écarte le risque d’insuffisance. L’intermédiation en ligne offre donc des avantages
compétitifs déterminants par rapport aux réseaux d’intermédiation classique pour la vente de
biens d’occasion, aussi bien pour le vendeur que pour l’acheteur du bien.
4.3.3. Meetic : une communauté virtuelle de célibataires
Seules des personnes ou des sociétés spécialisées (les agences matrimoniales) peuvent offrir un
service comparable à celui proposé par Meetic. Le nombre de rencontres potentielles,
l’autonomie de l’individu et le système de sélection diffèrent toutefois. En effet, de par l’étendue
du réseau et la standardisation des critères de sélection, le membre abonné à Meetic sait qu’il
dispose d’un large choix de par l’accès à l’ensemble de la base de données dont il dispose. Pour
ce cas précis, Meetic délègue toutes les fonctions liées à la recherche à l’utilisateur en proposant
un moteur de recherche jugé performant. A l’inverse, dans une agence matrimoniale, la recherche
est confiée à une personne tierce qui perçoit une rétribution.
L’effet de réseau (ou plutôt « de communauté » dans ce cas-ci), le caractère autonome de la
recherche (liberté d’action), la facilité d’utilisation et le prix raisonnable, sont autant de
caractéristiques qui permettent à un acteur comme Meetic de concurrencer très sérieusement les
acteurs traditionnels. Toutefois, la méthode n’est pas infaillible. Sur le plan de l’authenticité des
16
Traditionnelle signifie ici que l’intermédiaire assure le stockage et la vente des biens d’occasion pour le compte d’un tiers sans
non plus forcément proposer de portail virtuel.
Montréal, 6-9 Juin 2007
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XVIème Conférence Internationale de Management Stratégique
informations en présence, une plate-forme sur laquelle le rapport est dématérialisé ne dispose pas
du même taux de fiabilité (il est moins aisé de mentir à un agent qui vous interroge sur vos
intentions qu’a un formulaire électronique).
4.3.4. D’intermédiaire à infomédiaire : l’accroissement de performance par la délégation
L’application du modèle théorique d’intermédiation (comprenant une distinction entre rôles et
fonctions) aux trois études de cas, mène à quelques résultats intéressants. En effet, si l’on replace
ces entreprises dans leur contexte sectoriel, on remarque que certains rôles sont plus ou moins
bien remplis. De façon classique, un échange intermédié comporte des caractéristiques qui ont
trait à toutes les fonctions que nous avons identifiées au début de ce papier. Toutefois, dans les
cas « en ligne », nous avons noté que certaines fonctions – voir des rôles à part entière – ne sont
pas assumées par les agents virtuels. Il est important de préciser que cela n’est pas dû au fait que
ces fonctions sont inexistantes ou négligées, mais par contre que l’agent intermédiaire a réussi à
les déléguer aux acteurs du marché ou à un tiers indépendant spécialisé ou non.
En ce qui concerne le rôle d’informateur, ce dernier est globalement assumé de façon optimale
par nos intermédiaires virtuels. Ceci est une conséquence directe de la diminution des coûts de
recherche engendrée par l’utilisation de plateformes virtuelles ayant pour objectif de favoriser la
transparence informationnelle et de jouer la carte du volume en constituant un réseau fort étoffé.
De façon générale, cet effet est plus marqué en intermédiation électronique qu’en intermédiation
classique, vu les propriétés remarquables du réseau Internet en matière de communication. Quant
au rôle de logisticien, il est rempli de façon plus ou moins optimale selon la nature de l’échange
(biens physiques, dématérialisés ou services). Là où les propriétés du réseau ne peuvent optimiser
l’échange, une délégation adéquate des fonctions est entreprise. Les effets du rôle de tiers de
confiance sont quant à eux inhérents au degré d’implication de l’agent intermédiaire dans
l’échange. De fait, plus un acteur tiers est « éloigné » de la transaction, plus il aura du mal à jouer
le rôle d’arbitre. Toutefois, Internet offre des outils permettant d’évaluer le profil de risque de
l’échange et de cette façon, responsabilise les acteurs qui font leurs propres choix. Enfin, le rôle
de distributeur est enrichi de par le fait que le marché potentiel est bien plus large qu’en situation
classique. Outre la fonction de vente classique, Internet apporte ainsi des avancées sur la question
de la liquidité et de la disponibilité observée sur un marché.
Montréal, 6-9 Juin 2007
23
XVIème Conférence Internationale de Management Stratégique
Même si les marchés électroniques sont encore loin du stade de maturité, il est fort probable que
les prochaines mutations aboutiront à la fois au déclin de certains acteurs intermédiaires et sur de
nouvelles opportunités pour des activités d’intermédiation réinventées et nécessairement dotées
d’une valeur ajoutée. En effet, nous avons assisté à un enrichissement des fonctions
d’intermédiation et à leur redéploiement principalement autour de l’axe stratégique de la gestion
des flux informationnels. Ceci étant, nous souhaitons distinguer les activités d’ordre opérationnel
(lié au caractère tangible d’un échange) et les activités d’ordre informationnel (lié au caractère
intangible d’un échange). De la sorte, nous reconnaissons l’apport incontestable de l’Internet sur
les questions liées à la gestion des flux informationnels, en proposant l’hypothèse
d’infomédiation. Celle-ci tend à générer de la valeur ajoutée à chacune des fonctions de
l’intermédiation de marché. Ce modèle met en exergue plusieurs réalités qui transparaissent
clairement dans nos trois cas et qui favorisent une délégation de certaines fonctions aux tiers, une
transparence informationnelle accentuée, sans oublier l’autonomie et la liberté d’action dans le
chef de l’acheteur combinée à la flexibilité d’annonce pour ce qui touche le vendeur.
5.
DISCUSSION ET CONCLUSION
L’avènement d’Internet et des TIC en général, révolutionne progressivement les réseaux de
distribution de biens classiques. De fait, sur certains secteurs, il semble que les acteurs
d’infomédiation aient réinventé les services traditionnellement offerts par l’intermédiation
classique. En effet, ils ont démocratisé l’accession d’offreurs et de demandeurs locaux au marché
mondial. De plus, les fonctions assumées par les intermédiaires et distinguées dans la partie
théorique de cet article sont particulièrement bien remplies par les acteurs qui ont fait de leur
plate-forme en ligne leur seule interface de marché. Les stratégies mises en œuvre pour remplir
ces rôles sont diverses mais peuvent être polarisées sur la qualité et la rapidité de mise à
disposition du bien d’une part et sur le volume disponible d’autre part. Enfin, ces acteurs
délèguent une partie des rôles pour se concentrer sur d’autres et agissent ainsi de manière plus
performante.
Outre la révision d’un modèle théorique distinguant rôles et fonction du métier d’intermédiaire,
cet article a permis d’étudier au travers de trois cas la manière dont ce métier s’exerce à l’aide
d’Internet. Nos études de cas ont ainsi montré que le modèle d’infomédiation s’applique avec
succès pour l’échange de biens matérialisés, dématérialisés et de services ; et ce, malgré des
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24
XVIème Conférence Internationale de Management Stratégique
business models assez différents. Au final, l’important pour un agent intermédiaire est de bien
différencier les rôles et les fonctions de l’activité d’intermédiation afin d’identifier où le réseau
électronique peut engendrer une diminution importante des freins à l’échange et une
augmentation sensible de la valeur ajoutée à la transaction. Nous estimons que les trois acteurs
étudiés dans cet article ont réussi ce pari.
Bien que des apports significatifs dans la formalisation du métier d’intermédiaire et dans
l’analyse de l’application de celle-ci aux infomédiaires aient été dégagés, d’autres pistes doivent
encore être explorées. En effet, de nouvelles révolutions et défis exploitant les récentes
améliorations techniques du Web amènent de nouvelles perspectives aux acteurs du marché
(exemple du Web2.0). Gageons que celles-ci seront exploitées à bon escient et que leur étude
continuera d’ébranler le paradigme dominant.
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