Appel à contribution / Call for Papers 17

Transcription

Appel à contribution / Call for Papers 17
Appel à contribution / Call for Papers
Colloque international du CELEC/EA 3069 de Saint-Etienne (France)
(dans le cadre du contrat scientifique 2016-2021 sur “La Relation”)
17-18 novembre 2016
La relation épistolaire
Dès l’Antiquité, les plus anciens ouvrages épistolaires s’imposent en genre propre, sous la
forme de recueils de lettres réelles ou fictives à des destinataires réels ou fictifs, sans que le
lecteur puisse du reste situer clairement la frontière entre réalité et fiction (voir le De rerum
natura de Lucrèce ou les Lettres à Lucillius de Sénèque le Jeune). Au fil des siècles, le genre se
développe dans la plupart des « littératures » européennes, latu senso, et ce dès le Haut Moyen
Âge. Moines et moniales s’écrivent de couvent à couvent. Au XIIe siècle, Abélard rend
publique sa correspondance (en latin) avec Héloïse pour sa valeur exemplaire (les lettres de
l’abbesse du Paraclet ont été comparées à celles de la Religieuse portugaise (1669) et souvent
publiées avec elles). Aux correspondances réelles (retouchées ou non) succédèrent celles de
pure fiction. Le Tristan en prose (1230-1260) inclut dans sa trame narrative des lettres d’amants
célèbres: de Tristan à Lancelot, d’Yseut à Guenièvre… Le Voir Dit (1363-1365) de Guillaume de
Machaut est pour une bonne part un roman par lettres, et, dans Ysaye le Triste (fin XIVe-début
XVe s.), où elles grouillent, elles jouent un rôle central. Citons ce que les Espagnols
considèrent comme leur premier roman épistolaire, Processos de cartas de amores que entre
dos amantes pasaron (1548, puis 1563) de Juan de Segura, ou les missives introductives des
nouvelles de Bandello, pour le XVIe siècle italien. Mais c’est au XVIIe siècle que le genre
épistolaire gagne en engouement (et le Don Quichotte cervantin n’est y pas pour rien, de
même qu’un goût marqué pour la mise en abyme qui trouve, dans l’expression liltéraire, une
des traduction de l’enchâssement architectural baroque) pour atteindre l’apogée de son
succès au siècle suivant. On sait, par exemple, que les Lettres persanes de Montesquieu
doivent beaucoup à ce qui peut être tenu pour le premier roman épistolaire moderne, le
Corriero svaligiato de Ferrante Pallavicino. Et à Scarron (avec son Epître chagrine), aux grands
textes que sont l’Astrée d’Honoré d’Urfé (1607-27), Artamène ou le Grand Cyrus de Mme de
Scudéry (1649-53) ou la redevenue célèvre Princesse de Cléves de Mme de La Fayette (1678),
Les Lettres portugaises (1669), A post with a Packet of Mad letters (1669) de Nicolas Breton ou à
la correspondance de la marquise de Sévigné à sa fille, à ceux-ci et à tant d’autres, donc,
succèderont quelques décennies plus tard, parmi de nombreux ouvrages, la Nouvelle Héloïse
(1761) de Rousseau, Clarissa, or, the History of a Young Lady (1748) de Samuel Richardson, Les
souffrances du jeune Werther de Goethe (1774, puis 1787), les correspondances des grands
philosophes des Lumières (Voltaire et Diderot en tête). Le XIXe siècle, moins prolifique il est
vrai, verra tout de même se prolonger la saison du genre avec, par exemple, le premier roman
de Dostoïevski, Les pauvres gens (1844), ou le seul roman épistolaire de Balzac, ces Mémoires
de deux jeunes mariées (1841) que Jean Rousset cite comme modèle technique du genre, avec
la Nouvelle Héloïse et les Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos, dans son essai Forme et
signification (José Corti, 1966, chap. IV). On peut aussi, bien sûr, penser à la place si
particulière de La Lettre volée dans le roman éponyme d’Edgar Allan Poe (1844) et, pour faire
le grand saut jusqu’à nous, à cet avatar très contemporain du genre que sont les English
Passengers de Matthew Kneale (2000). Le succès et la variété des formes assumées par la
« lettre » — isolée, incluse dans un récit, associée à d’autres selon des modalités de
classement diverses, à vocation moralisante ou simple truchement littéraire dans une intrigue
amoureuse, mais aussi la lettre « informative » (d’ambassade, de compte rendu de guerre, etc.)
—, nous invite à explorer la grande multiplicité des relations qu’elles établissent : entre
leur auteur (réel ou présumé) et leur destinataire, entre elles et leur contexte quand elles
sont enchâssées, entre leur auteur et le lecteur-voyeur qu’elles nous font devenir, et ainsi
de suite.
La question de la relation épistolaire pourra être abordée dans la perspective de la
civilisation lorsqu’il s’agit de la communication entre personnages historiques (relation
intersubjective : qui écrit ? à qui ? dans quel contexte et dans quel but ? quels enseignements
peut-on tirer de l’analyse des lettres ? etc. ) ou de la littérature quand on étudie des
personnages de fiction (l’écriture épistolaire et ses caractéristiques, la lettre comme genre ou
la lettre intégrée à un texte d’un autre genre – roman ou théâtre – et ses relations avec le
contexte, etc.). L’accent pourra être mis les lettres d’artistes comme les Lettres d’Italie (Briefe
aus Italien) du peintre Julius Schnorr von Carolsfeld ainsi que sur les correspondances entre
personnalités ou artistes : Francisco de Quevedo et Juste Lipse, Stefan Zweig et Freud, Stefan
Zweig et Romain Rolland. L’étude pourra aussi être consacrée aux relations et aux
correspondances « historiques » : par exemple à l’écriture de la dépêche diplomatique, des
relations d’ambassadeurs (les nombreuses Relazioni degli ambasciatori veneti al senato…), qui
« mêlent le compte-rendu informatif et le récit de ce compte rendu, c’est-à-dire sa mise en
forme, sa dispositio » et avec quelle « narrativité spécifique » (pour citer Michel de Certeau,
L’écriture de l’histoire, Gallimard, 1975).
Les propositions de contribution (15 à 20 lignes) doivent être envoyées à
[email protected]
et
[email protected]
le 26 février 2016 au plus tard.
Les projets seront examinés par notre comité de lecture
avant fin mars et les réponses retournées aussitôt