Parole francophone Boutros Boutros-Ghali extrait de Parlement et
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Parole francophone Boutros Boutros-Ghali extrait de Parlement et
| Une parole francophone « La diversité culturelle, la diversité des langues, la diversité des traditions vont aider à la démocratisation des rapports internationaux, à la démocratisation de la mondialisation » Boutros Boutros-Ghali, spécialiste du droit international et actuel président du Conseil national des droits de l’Homme de l’Égypte, a occupé plusieurs positions importantes dans le domaine des relations internationales, d’abord en tant que ministre des affaires étrangères de son pays, puis en tant que secrétaire général de l’ONU (1992-1996) et enfin en tant que premier secrétaire général de la Francophonie (1997-2002). Les incidents violents se multiplient en Côte d’Ivoire où l’on retrouve un Président dont l’élection a été reconnue par l’ensemble des acteurs de la communauté internationale, dénué de tout pouvoir effectif, et un président autoproclamé qui refuse de quitter le pouvoir. Quels sont les devoirs de la communauté internationale dans ce pays et comment peut-on favoriser une sortie de crise évitant les deux écueils que sont la partition et la guerre civile? Boutros Boutros-Ghali : Le devoir de la communauté internationale est de continuer de négocier. Je tiens à vous rappeler que l’on a mis deux cents ans pour abolir l’esclavage et cinquante ans pour mettre fin à l’apartheid en Afrique du Sud. Donc, c’est un conflit qui est extrêmement grave au sein d’un pays africain important et il faut continuer de négocier. Tant que l’on négocie, on évite la guerre civile, on évite des ruptures encore plus graves entre le Nord et le Sud et on maintient un contact direct entre les deux protagonistes du conflit. En Tunisie et en Égypte des révoltes populaires ont provoqué la chute des régimes autoritaires en place qui avaient très fortement limité l’espace de la démocratie, réduisant ou même interdisant les partis politiques. Comment aider ces pays à installer une démocratie stable et durable? B.B.G. : Concernant mon pays, l’Égypte, je crois que l’un des problèmes les plus importants est l’inexistence de partis politiques structurés. Je ne sais pas comment vont se dérouler les prochaines semaines et les prochains mois, mais j’espère que le Conseil national des droits de l’Homme, qui a participé au référendum du 19 mars dernier, va lui aussi pouvoir contribuer à l’instauration d’élections libres, de façon à ce que l’on puisse avoir une véritable représentation de tous les courants politiques. Est-ce Parlements Francophonie et 8| que les partis politiques auront le temps de se former, de se structurer pendant les prochaines semaines pour que des élections puissent avoir lieu rapidement? Je ne saurais dire. Je crois par contre que certains partis devraient être interdits. Par exemple, si un parti fasciste naît en Italie ou un parti nazi naît en Allemagne on les interdira. Dans le même ordre d’idées, certains partis peuvent être interdits ailleurs. À mon avis, les partis basés sur un certain fondamentalisme ne devraient pas être autorisés à participer aux élections. Y-a-t-il un risque, selon vous, de voir les forces islamistes augmenter leur influence dans le gouvernement de ces deux pays importants de la Francophonie? B.B.G. : Vous avez plusieurs courants islamistes qui sont différents les uns des autres. Il est de l’intérêt de la communauté arabe et de la communauté internationale que le courant islamiste le plus extrémiste ne soit pas autorisé à participer aux élections. « Tant que l’on négocie, on évite la guerre civile, on évite des ruptures encore plus graves entre le Nord et le Sud [...] » Dans ces pays, comment « réhabiliter » ou valoriser le rôle des parlementaires aux yeux des populations? B.B.G. : Le référendum constitutionnel en Égypte du 19 mars dernier semble démontrer un retour vers une plus grande importance des élections et une plus grande participation de la population. Maintenant, tout dépend de l’action des mouvements ou des partis politiques qui veulent obtenir le pouvoir. S’ils sont très actifs, ils susciteront l’intérêt de la population et l’inciteront à participer aux élections et à croire au système parlementaire. Selon la Déclaration de Bamako, la démocratie exige à intervalles réguliers des élections libres, fiables et transparentes reconnues par la communauté internationale. Faut-il modifier notre approche de la manière dont se déroulent les élections dans les pays francophones? B.B.G. : Les grand principes de la démocratie sont les mêmes, mais la façon d’appliquer la démocratie change d’un pays à l’autre. Le multipartisme est important dans certains pays occidentaux et constitue une forme de démocratie, mais ce n’est pas la seule. Par exemple, dans certains pays africains, l’individu se sent beaucoup plus sécurisé par sa tribu que par le gouvernement. Or, plusieurs pays ont été créés sans tenir compte des tribus et certaines d’entre elles se sont trouvées divisées entre deux États. Comment voulez-vous que cette division puisse contribuer à une application de la démocratie? Dans un tel contexte, je dirais qu’il y aura démocratie si toutes les tribus sont représentées soit au parlement ou dans le gouvernement sinon, vous risquez d’avoir des situations comme celles qui se sont passées au Rwanda et au Burundi. Prenez un autre cas, celui d’un pays occidentalisé comme le Liban. Sa représentation démocratique, basée sur le confessionnalisme, assure une répartition du pouvoir entre chaque communauté religieuse. Ainsi, le président de la République doit être un chrétien maronite, le président de l’exécutif doit être un musulman sunnite et le président de la Chambre Boutros Boutros-Ghali Dans sa réflexion sur Bamako+10, l’APF s’est inquiétée du phénomène des « coups d’État constitutionnels » permettant à des dirigeants de se maintenir en procédant à des modifications institutionnelles dans des conditions contestables au regard de l’esprit et souvent de la lettre des constitutions en vigueur. Comment la communauté internationale, et notamment le mouvement francophone, peut-elle avoir une influence dissuasive sur ces tentations? B.B.G. : Il y a différentes méthodes pour empêcher ce phénomène. Certains textes internationaux stipulent que s’il y a modification de la constitution, elle doit avoir lieu bien avant les élections. Une autre règle est qu’un même dirigeant ne devrait pas être élu deux fois ou trois fois. Donc il y a un moyen d’essayer d’éviter que l’exécutif ne change le système électoral pour pouvoir se maintenir au pouvoir. Comment l’ancien secrétaire général des Nations Unies regarde-t-il le rôle et le fonctionnement actuel de cette institution? Une réforme est-elle selon vous possible et souhaitable? B.B.G. : Ce qui est important c’est de pouvoir transformer l’Organisation des Nations Unies. Pourquoi? Au moment de sa création, il n’y avait pas l’arme atomique. Deuxièmement, il n’y avait que cinquante États membres alors qu’aujourd’hui il y en a trois fois plus. Troisièmement, nous vivons une révolution technologique énorme qui va changer les règles, les valeurs. L’ONU a été créée en 1945 avant Internet, avant le téléphone portable, avant les mutations qui ont eu lieu ces dernières années et qui permettent de communiquer en quelques secondes entre le Nord et le Sud. Il faut donc « [...] les grand principes de la démocratie sont les mêmes, mais la façon d’appliquer la démocratie change de pays en pays.» envisager un changement de fond de cette organisation internationale. Je dirais qu’il faut démocratiser l’ONU. Vous avez des acteurs non étatiques aujourd’hui, par exemple Amnistie Internationale, qui sont aussi influents que les États. Il faut que ces acteurs puissent participer sur un pied d’égalité avec les États. Si en 1945 l’ONU était une association d’États souverains, en 2011, il n’y a plus d’États souverains. Vous avez maintenant des problèmes en rapport avec la mondialisation, je parle de l’environnement, de la crise économique, des épidémies, qui laissent entendre que l’État souverain a perdu une grande partie de sa valeur. Dans quelques années les problèmes nationaux devront donc être réglés à l’échelle internationale. En tant que secrétaire général de la Francophonie, vous avez à Québec, en 2001, ouvert la première session du Parlement francophone des jeunes mis en œuvre par l’APF. A cette occasion, vous avez insisté sur la participation à la vie politique des jeunes francophones. Quel message souhaitezvous adresser aux jeunes de cet espace? B.B.G. : Je pense que les jeunes vont justement utiliser la révolution technologique en cours. On a d’ailleurs pu le voir lors des récents événements dans le monde arabe. C’est une révolution qui est beaucoup plus profonde que l’invention de l’imprimerie. Nous vivons une ère nouvelle qui a pris naissance avec la fin de la guerre froide avec une évolution accélérée de la technologie. Dans les dix prochaines années, vous allez avoir de nouvelles inventions qui risquent de changer toutes les règles des rapports internationaux, des concepts qui étaient basés sur la souveraineté qui datent des traités de Westphalie. Les jeunes auront la possibilité de vivre cette révolution technologique et ils doivent se préparer à participer à cette révolution, à pouvoir l’apprivoiser. Etes-vous optimiste quant à l’avenir de la Francophonie ? B.B.G. : Je suis optimiste car je crois en la décentralisation. C’est la multiplicité des langues, la multiplicité des groupes internationaux qui va permettre de démocratiser la mondialisation. Si tout le monde parle la même langue, si tout le monde agit selon les mêmes règles, vous allez avoir un régime autoritaire. Par contre, la diversité culturelle, la diversité des langues, la diversité des traditions vont aider à la démocratisation des rapports internationaux et de la mondialisation. Si vous aviez un message à adresser aux parlementaires francophones, quel serait-il? B.B.G. : Celui de participer plus activement aux affaires internationales. Lorsque j’étais Secrétaire général de la Francophonie, j’ai essayé de collaborer avec le Commonwealth, avec le groupe hispanophone, avec le groupe lusophone, le groupe arabe et même avec le groupe slave-russe. Les parlementaires doivent s’intéresser non seulement aux problèmes internes de la Francophonie, mais aussi aux problèmes externes, au reste de la communauté internationale. C’est cette diversité qu’il faut encourager. Parlements Francophonie et un musulman chiite. Les différentes autres communautés sont représentées par des ministres. Dans ce cas, je dirais donc qu’il y a démocratie dans la mesure où toutes les communautés sont représentées au gouvernement. Finalement, d’autres pays, comme le Laos et le Vietnam, ont émis des réserves concernant le multipartisme. Pour certains pays ce n’est donc pas le multipartisme qui compte et nous devons pouvoir envisager la démocratie autrement. |9