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Le film : « Les femmes du Bus 678 »
Réalisateur : Mohamed Diab Avec Nahed El Sebai, Nelly Karim, Bushra Rozza Durée : 1h 38 mn
Pays de production : Egypte
Sortie en salles : 2011
Synopsis
De nos jours, au Caire, les chemins de trois femmes se croisent. Fayza ne supporte
plus de prendre le bus bondé où des hommes se livrent sur elle à des
attouchements. Seba, violée un soir de match et délaissée par son fiancé, donne des
cours d’autodéfense. Nelly, comédienne délurée, veut porter plainte contre l’homme
qui l’a molestée. Fondé sur le premier procès pour harcèlement sexuel qui s’est tenu
en Égypte en 2008, ce premier long métrage soulève des tabous sociétaux énormes.
Il le fait avec un certain manichéisme, mais aussi avec une dose indéniable de
courage et de justesse.
C'est le film qui a sans doute suscité le plus de débats et de larmes en Egypte depuis
sa sortie. Projeté sur les écrans un mois avant la révolution, Les femmes du bus 678
a provoqué une onde de choc incomparable à propos d'un phénomène social, le
harcèlement sexuel des femmes dans leur moindre déplacement quotidien.
Rien ne prédestinait le réalisateur Mohamed Diab, 34 ans, à devenir le porteétendard d'un combat contre la violence faite aux femmes. Connu pour ses scénarios
de film d'action c'est par le net, en 2005, qu'il va prendre conscience du phénomène
du harcèlement collectif : le regroupement de dizaines d'hommes inconnus, qui, dans
la rue, décident de fondre sur une proie, une femme, choisie au hasard, qui ne
pourra en parler à personne sous peine d'être rejetée.
1 Ni les policiers qui participent parfois à des attouchements ou viols collectifs, ni la
justice n'entendent les victimes. Phénomène de foule, frustration sexuelle, Mohamed
Diab a frôlé le drame pendant le tournage quand l'actrice principale du film, filmée à
la sortie d'un match de foot, a elle-même été agressée. Les femmes du bus
678 raconte la révolte de trois d'entre elles. En Egypte le film a suscité plusieurs
procès (toujours gagnés) et rapporté deux millions de dollars de recettes.
Poignant, révoltant, porté par un trio de comédiennes qui ne lâchent rien, cet
instantané dans la vie de trois Égyptiennes fissurées est le plus beau des combats
de cinéma mené depuis longtemps pour la dignité de la femme. (Christophe
Chadefaud Studio Ciné Live).
***
Actualités : violences faites aux femmes
Dossier pédagogique préparé par Joëlle Saunière, membre de Mémoire 2000
Communiqué de presse du «Collectif pour la Grande Cause
Nationale 2010 contre les violences faites aux femmes» (8 mars
2011)
Viols,
mutilations
sexuelles
féminines,
violences
conjugales,
prostitution,
harcèlement sexuel, mariages forcés, crimes dits «d’honneur», polygamie... ces
violences, loin d'être des faits isolés, sont le produit d’un système patriarcal instituant
un rapport inégalitaire entre les femmes et les hommes. L’origine sexiste de ces
violences est reconnue dans de multiples résolutions et rapports internationaux et
nationaux, et pourtant elles ne reculent pas !
En 2010, 26 associations féministes constituées en Collectif ont exposé les enjeux
de la lutte contre les violences à l'encontre des femmes, devenue Grande Cause
Nationale 2010. Ce label a contribué à apporter, à travers la mobilisation du Collectif
pour obtenir gracieusement le concours des médias, un surcroît de visibilité aux
2 situations des femmes victimes de violence ; notamment, celles qui affrontent
habituellement un véritable déni des violences subies, telles que les femmes
prostituées et les femmes en situation de handicap.
Une femme décède tous les trois jours sous les coups de son conjoint ou ex-conjoint.
En 2011, 146 personnes dont 122 femmes sont décédées, victimes de violences au
sein du couple, indique l'Observatoire national de la délinquance et des réponses
pénales (ONDRP), qui se base sur les recensements effectués par la police et la
gendarmerie. Un chiffre en baisse de - 19 % par rapport à 2010.
Les victimes collatérales de ces violences sont principalement les enfants. Onze
enfants mineurs et deux enfants majeurs ont perdu la vie en 2011 (contre 6 en
2010). S'y ajoutent les deux foetus de deux femmes tuées alors qu'elles étaient
enceintes. Les circonstances principales des homicides, volontaires ou involontaires,
sont la séparation et les disputes. Viennent ensuite la folie, la dépression et la
jalousie. La strangulation est, après les armes à feu et les armes blanches, la
troisième cause de décès.
Par ailleurs, l'alcool est un facteur d'aggravation des violences, présent dans un peu
moins de 30 % des homicides sur conjoint. L'étude de l'ONDRP note également que
près de 60 % des auteurs étaient soit à la retraite soit au chômage au moment des
faits
État des lieux en France
Moins de 10 % des victimes déposent plainte
Les violences au sein du couple se traduisent aussi par des viols. En 2011, 465 viols
sur conjoint (dont 419 subis par une femme) ont été enregistrés par les services de
gendarmerie, soit 22,7 % de plus qu'en 2010. Les services de la direction centrale de
la sécurité publique ont de leur côté dénombré 487 viols de femmes commis par
leurs conjoints, soit 75 faits de plus qu'en 2010. À noter toutefois que l'augmentation
des plaintes ne traduit pas forcément une augmentation des crimes.
Concernant les coups et blessures perpétrés par les conjoints, la gendarmerie
3 nationale a enregistré 21 320 plaintes dont 81 % proviennent de femmes. Les
directions départementales de sécurité publique recensent de leur côté 32 548
violences non mortelles sur conjointes ou ex-conjointes, en légère hausse par
rapport à l'année précédente. Reste que moins de 10 % des victimes déposent
plainte. "La partie constatée par la police est donc très minoritaire", note Cyril Rizk,
responsable des statistiques à l'observatoire. D'où l'importance des résultats
apportés par un autre indicateur : l'enquête de victimisation réalisée par l'Insee et
l'ONDRP, qui mesure le nombre de femmes s'étant déclarées victimes de violences.
Et cette enquête est d'autant plus éloquente qu'elle confirme la tendance basse des
chiffres officiels.
"La part des femmes de 18 à 75 ans se déclarant victimes de violences physiques ou
sexuelles intra-ménage (de la part d'une personne vivant avec la victime) a diminué
de 0,7 point dès 2009-2010 et elle se situe à 2,5 % en 2010-2011, pour la seconde
période consécutive", souligne le rapport annuel de l'ONDRP. En revanche, les
femmes n'en restent pas moins exposées aux viols qui, eux, restent constants : sur
deux ans, 168 000 femmes (0,8 %) se sont déclarées victimes de viols ou de
tentatives de viol. La tendance baissière ne concerne pas non plus les violences
physiques ou sexuelles par conjoint ou ex-conjoint qui concernent 404 000 femmes,
soit 1,8 % d'entre elles. L'ensemble de ces violences concerne principalement des
femmes âgées de 25 à 44 ans.
Régions les plus touchées
Les régions les plus touchées sont le bassin parisien (Bourgogne, Centre,
Champagne-Ardenne, Basse et Haute-Normandie, Picardie), l'Ouest (Bretagne, Pays
de la Loire, Poitou-Charentes) et le Sud-Ouest (Aquitaine, Limousin, Midi-Pyrénées).
La région "Rhône-Alpes /Auvergne" est la moins concernée.
En 2011, 19 569 infractions pour violences conjugales (crimes et délits) ont entrainé
une condamnation inscrite au casier judiciaire national (19 550 en 2010). Dans 74 %
des cas, ces violences sont sanctionnées d'une peine d'emprisonnement (ferme,
mixte ou avec sursis partiel). Le taux d'application des peines planchers prononcées
à l'encontre des récidivistes auteurs de violences conjugales était de 62 % pour
4 l'année 2011, soit un taux largement supérieur à celui des condamnations toutes
infractions confondues (45 %).
Les lois françaises Où en est-on ? La loi a été promulguée le 9 juillet 2010. Elle a été publiée au Journal officiel du 10
juillet 2010 (un rectificatif a été publié au Journal officiel du 28 juillet 2010).
Le texte définitif de la proposition de loi avait été adopté le 29 juin 2009,
l’Assemblée nationale ayant adopté en deuxième lecture, sans modification, le texte
que le Sénat avait modifié en première lecture le 24 juin 2010 après avoir joint à la
proposition initiale une proposition de loi, déposée au Sénat le 25 décembre 2009
par M. Roland Courteau et plusieurs de ses collègues
Déposée le 27 novembre 2009 par Mme Danielle Bousquet et M. Guy Geoffroy et
plusieurs de leurs collègues, la première proposition de loi avait été adoptée en
première lecture par l’Assemblée nationale le 25 février 2010.
De quoi s'agit-il ?
Ce texte est issu des travaux de la mission d’évaluation des politiques de lutte contre
les violences faites aux femmes, mise en place à l’Assemblée nationale en
décembre 2008.
Il vise notamment à faciliter le dépôt de plaintes par les femmes qui sont souvent
freinées par la peur de perdre la garde de leurs enfants, par le risque de se retrouver
sans logement ou par la crainte de l’expulsion lorsqu’elles sont en situation
irrégulière.
Le texte prévoit une "mesure phare" : "l’ordonnance de protection" qui peut être
délivrée par le juge aux affaires familiales lorsque des "violences exercées au sein
du couple ou au sein de la famille, par un ancien conjoint, un ancien partenaire lié
par un pacte civil de solidarité ou un ancien concubin mettent en danger la personne
qui en est victime, un ou plusieurs enfants". Le juge, qui doit statuer dans les 24
heures, peut être saisi par la victime ou par le ministère public avec l’accord de la
5 victime.
Cette "ordonnance de protection", prise après audition des parties, permet au juge
d’attester de la réalité des violences subies et de mettre en place, sans attendre la
décision de la victime sur le dépôt d’une plainte, les mesures d’urgence : éviction du
conjoint violent, relogement "hors de portée du conjoint en cas de départ du
domicile conjugal.
Les mesures liées à l’ordonnance de protection seraient applicables durant quatre
mois, avec possibilité de renouvellement "en cas de dépôt par la victime d’une
requête en divorce ou en séparation de corps".
Le conjoint violent qui ne respecterait pas les mesures de protection décidées par le
juge pourrait être condamné à deux ans de prison et 15 000 euros d’amende.
Le conjoint violent pourrait également se voir imposer le port d’un bracelet
électronique pour contrôler son respect des mesures d’éloignement prises à son
encontre.
Cette "ordonnance de protection", prise après audition des parties, permet au juge
d’attester de la réalité des violences subies et de mettre en place, sans attendre la
décision de la victime sur le dépôt d’une plainte, les mesures d’urgence : éviction du
conjoint violent, relogement "hors de portée du conjoint en cas de départ du domicile
conjugal.
Le texte crée en outre de nouveaux types de délit :
Le délit de harcèlement au sein du couple pour prendre en compte les violences
psychologiques ou morales. Le texte adopté au Sénat précise que le fait de
"harceler son conjoint, son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou son
concubin par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une
dégradation de ses conditions de vie se traduisant par une altération de sa santé
physique ou mentale" est puni d’une peine allant de trois ans d’emprisonnement et
de 45 000 euros d’amende jusqu’à cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros
d’amende selon la durée d’incapacité de travail subie.
Le délit de "contrainte au mariage" pour lutter contre les mariages forcés.
Pour les femmes issues de l’immigration, le texte prévoit d’accorder ou de renouveler
leur titre de séjour aux femmes venues en France au titre du regroupement familial,
6 même si elles se sont séparées de leur mari en raison de violences. De même une
carte de séjour pourra être délivrée aux personnes en situation irrégulière ayant subi
des violences conjugales.
L’essentiel à retenir
Alors que 122 femmes sont mortes sous les coups de leur conjoint en 2011, la lutte
contre les violences faites aux femmes a été décrétée « Grande cause nationale »
par le Premier ministre pour l’année 2010.
Cette priorité s’est traduite dans la loi du 9 juillet 2010 relative aux violences faites
spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de
ces dernières sur les enfants et a été adoptée à l’unanimité par les députés et les
sénateurs, qui ont ainsi montré que ce combat transcendait tous les clivages
politiques.
Cette loi a marqué une nouvelle étape dans la lutte contre les violences faites aux
femmes :
· Elle donne au juge les moyens de prévenir les violences avec un dispositif
novateur, l’ordonnance de protection des victimes ;
· Elle adapte notre arsenal juridique à toutes les formes de violence ;
· Elle s’appuie sur de nouveaux moyens technologiques pour renforcer la
protection des femmes victimes de violence.
- La loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010
· La loi du 6 août 2012 relative au harcèlement sexuel est venue compléter cet
arsenal juridique en donnant une définition plus précise mais également plus
large du délit de harcèlement sexuel. Elle aggrave les peines maximales
encourues et réprime les discriminations commises à l’encontre des victimes
de harcèlement sexuel. Enfin, elle renforce la prévention du harcèlement
sexuel dans le monde professionnel. L’objectif est clair : prévenir ce délit,
encourager les victimes à dénoncer rapidement les faits et l’entourage à
témoigner des faits de harcèlement qu’il constate et sanctionner le délit plus
lourdement.
7 Et en Égypte ?
En Égypte, la loi institutionnalise la domination masculine
Publié le 23 février 2012 par Égalité
Comment expliquer la perpétuation des inégalités de genre en Egypte ? Et la
révolution anti-Moubarak autorise-t-elle quelques espoirs de ce point de vue ?
Entretien avec Safaa Monqid, sociologue et arabisante, chercheuse associée au
Centre d’études et de documentation économiques, juridiques et sociales (Cedej) du
Caire, co-auteur de « Gouvernance locale dans le monde arabe et en Méditerranée :
quel rôle pour les femmes ? » paru en janvier 2012.
Quelles sont les bases des inégalités hommes-femmes en Egypte ?
Il faut d’abord signaler qu’il existe, dans la société égyptienne, des disparités
importantes entre les différentes catégories de femmes selon la classe sociale,
l’appartenance religieuse, musulmane et copte, et géographique, milieu urbain ou
rural. Les femmes rurales, par exemple, connaissent toujours une situation
économique précaire, ignorent leurs droits, souffrent de problèmes sanitaires…
Mais toutes les Egyptiennes rencontrent les mêmes obstacles institutionnels, sociaux
et juridiques. Car cette société se distingue par la dichotomie des rôles entre
hommes et femmes, par la ségrégation sexuelle et par le lourd poids des traditions,
et surtout de la religion.
Les textes de loi appliqués en Egypte sont discriminatoires envers les femmes : ces
dernières sont considérées comme mineures, la loi a légitimé et institutionnalisé
l’inégalité entre les sexes par la soumission des femmes à l’autorité du père et de
l’époux.
Pouvez-vous donner quelques exemples ?
Dans le code de la famille, les textes de loi consacrent la prééminence du mari.
Celui-ci jouit d’un droit unilatéral et inconditionnel au divorce. La femme, quant à elle,
ne peut demander le divorce que s’il y a faute et doit présenter au tribunal la preuve
des torts causés, ce qui n’est pas évident et signifie qu’elle s’engage dans de
8 longues batailles juridiques.
Depuis 2000, la femme peut demander le divorce sans faute – khul’ – : elle accepte
alors de perdre ses droits et doit rendre au mari la dot, ce qui veut dire que cette
nouvelle loi ne profite qu’aux riches. La femme divorcée n’a aucune protection et
perd le domicile conjugal, surtout si elle n’a pas d’enfants, ce qui oblige celles qui
sont tentées par une séparation, par exemple en cas de violences, à accepter leur
sort de peur de se retrouver à la rue. De plus, la polygamie est toujours autorisée.
Enfin, les lois sur l’héritage privilégient les agnats1 : à la mort du mari, ce n’est pas la
femme qui gère l’héritage de ses enfants, c’est le grand-père ou l’oncle paternel.
Sauf si ces derniers sont inaptes, mais la femme doit le prouver.
Sur le plan pénal, contrairement à l’homme, la femme ne bénéficie pas de
circonstances atténuantes pour des coups et blessures commis sur son époux
pris en flagrant délit d’adultère. Dans le même cas, l’homme risque une peine de six
mois de prison alors que la femme encourt deux ans et perd tous ses droits.
Il en est de même des crimes d’honneur, rarement poursuivis et, quand ils le sont,
leurs auteurs sont condamnés à des peines légères. Si un homme tue son épouse
pour l’avoir trompé, il bénéficie d’un allégement de peine et ne risque pas plus de
trois ans d’emprisonnement et le législateur prend en compte son état
psychologique. Une femme risque entre quinze ans de prison et la réclusion à vie.
Et qu’en est-il des pratiques sociales ?
La virginité féminine continue à avoir une extrême importance. Et le mariage précoce
et forcé persiste, même si la loi interdit le mariage avant 18 ans. Les mutilations
génitales féminines sont fréquentes. Les principales raisons données à la pratique de
l’excision sont de maintenir la tradition, de contrôler les désirs sexuels et surtout de
rendre les femmes éligibles au mariage.
Les autorités égyptiennes ont interdit cette pratique sauf si elle est « médicalement
nécessaire », une qualification qui fait craindre à certains qu’elle porte atteinte à
l’interdiction. Ceux qui enfreignent la loi sont exposés à un maximum de deux ans de
1
Parent par descendance masculine. 9 prison.
Il y a aussi la banalisation de la violence intrafamiliale et conjugale. A une femme qui
se plaint, il n’est pas rare que des membres de sa famille et les autorités
compétentes lui disent : « Ce n’est que ton mari ! » Souvent, la police ne veut pas
établir de procès-verbal et le médecin légiste refuse également de faire le constat
des violences… Enfin, les femmes souffrent de conditions de vie difficiles et de la
pauvreté, leur taux d’analphabétisme est plus élevé que celui des hommes, elles ont
très peu accès aux soins.
Retrouve-t-on ces discriminations dans le monde du travail ?
Dans la sphère professionnelle, les femmes subissent des discriminations
importantes. Elles sont classées aux échelles de rémunérations inférieures et
accèdent rarement aux postes à responsabilités. On trouve beaucoup de
contractuelles parmi elles. Elles souffrent ainsi de la précarité des emplois, des
écarts dans les salaires, de l’absence de couverture sociale, ainsi que du chômage.
Socialement, les hommes sont considérés comme prioritaires sur le marché de
l’emploi puisqu’ils ont la charge de la famille et les femmes ont intériorisé cette
norme. Certaines affirment même que c’est une recommandation religieuse et que le
travail féminin est responsable du chômage des hommes !
Dans la fonction publique, la femme n’a plus droit au congé de maternité après
le deuxième enfant. Les travailleuses agricoles ne jouissent pas de leurs droits
sociaux (sécurité sociale, retraite, etc), et le code du travail n’a rien prévu pour elles.
C’est d’ailleurs le cas, plus largement, du secteur informel, qui embauche une
majorité de femmes.
La participation des femmes à la révolution de février a-t-elle été importante ?
Il faut d’abord rappeler que le champ politique est resté jusqu’ici le monopole des
hommes et que les femmes se trouvent exclues des postes de décision importants.
Malgré leur faible représentativité dans les instances du pouvoir, elles ont toujours
joué un rôle essentiel dans l’organisation familiale, communautaire, locale et
nationale.
10 Elles cherchent des solutions pour faire face à la carence des infrastructures de
base, mobilisent des ressources, tissent des réseaux de solidarité, développent des
stratégies de négociation et de débrouillardise pour améliorer leur quotidien.
Notamment en matière de logement, l’entretien des espaces de vie, la défense des
droits.
L’action collective des femmes a toujours été importante même si elle n’est pas
toujours formalisée. Elles se trouvent au cœur des luttes politiques et idéologiques
puisqu’elles sont les premières touchées par la précarité avec leurs enfants.
Pendant la révolution, les femmes de tous âges, de toutes catégories sociales et de
toutes tendances se sont mobilisées. La chute de Moubarak n’aurait pas pu se faire
sans l’insurrection des masses urbaines qui ont fait de la place Tahrir le symbole de
leur mouvement et sans la mobilisation des femmes. Ces dernières, défiant tous les
tabous et stéréotypes, se sont imposées comme des actrices essentielles de cette
révolution2.
Et que peuvent-elles en attendre en retour ?
L’amélioration de leurs conditions de vie et de celles de leur famille. Mais les
revendications portaient sur des causes générales et n’étaient pas axées sur leur
situation spécifique. Aujourd’hui, les entretiens que j’effectue attestent d’une certaine
détérioration après la révolution, surtout depuis que certains acquis, comme la loi sur
le divorce, semblent remis en cause au prétexte que cela nuirait à l’unité de la
famille. Mais les femmes égyptiennes restent mobilisées pour leurs droits.
Propos recueillis par Philippe Merlant – EGALITE
2
Asma Mahfouz, une jeune égyptienne dont le blog vidéo appelant à la mobilisation
a connu un énorme succès, est considérée comme l’une des voix ayant déclenché la
révolte qui a entraîné la chute du président égyptien Hosni Moubarak le 11 février
2011. 11